B. UN PROJET DE LOI EN DEÇÀ DES ATTENTES DES AGRICULTEURS QUI PREND LE RISQUE... DE NE RIEN CHANGER

Dès la présentation du projet de loi, les attentes du monde agricole ont été déçues . Contrairement à ce qu'avait laissé entendre le Gouvernement, les producteurs ne seront pas payés au coût de revient . La création de valeur ne tombe pas du ciel. Elle est avant tout chez l'agriculteur.

En ne parlant que de prix, le projet de loi ne traite qu'une facette du problème. Or, la question du revenu paysan, ce n'est pas qu'un prix . Ce revenu dépend en effet d'autres variables tout aussi importantes que sont les charges d'exploitation, les aides de la politique agricole commune, les aléas climatiques, la simplification des normes, etc.

Les agriculteurs attendaient une loi agricole. Ils ont eu une loi contractuelle et alimentaire.

Sur le premier point, la loi repose d'ailleurs sur l'idée d' un gain de revenu fort hypothétique dès lors qu'une négociation reste une négociation et qu'il n'est pas gagné d'avance que le surcroît de prix que le consommateur mettra dans le circuit revienne in fine au producteur.

Au regard de la dégradation continue de la qualité des relations commerciales dans le secteur agroalimentaire depuis la loi Galland, il est même permis d'en douter . Les agriculteurs ne comprennent toujours pas comment la moindre tentative de regroupement pour s'accorder sur les prix est automatiquement sanctionnée par le droit de la concurrence alors que ce dernier ne trouve rien à redire à la constitution de quatre gigantesques centrales d'achat créant, depuis des années, un cycle déflationniste dans le monde agroalimentaire français.

Au surplus, alors que le Gouvernement fait le pari, dans ce texte, d'une hausse du revenu des agriculteurs qui est loin d'être assurée, la diminution, certaine et directe, des aides de la politique agricole commune se profile . De façon presque schizophrène, le projet de loi lui-même augmente , dans son titre II, les contraintes et les charges d'exploitation des agriculteurs , notamment sur les intrants, reprenant ainsi d'une main ce qu'il ambitionnait de donner de l'autre.

In fine , le seul effet que ce projet de loi pourrait avoir sera de favoriser, si les acteurs jouent le jeu, la structuration à marche forcée des filières autour des organisations de producteurs, dans sa dimension horizontale, et des interprofessions, dans sa dimension verticale. Mais ceci n'est en réalité que la transcription d'un mouvement européen, enclenché avec le règlement « Omnibus », dans le droit français.

Enfin, dans son volet alimentaire , certains aspects de la loi ont été ressentis par les agriculteurs comme accusatoires et contribuant à véhiculer des clichés très éloignés de la réalité de nos campagnes, des pratiques agricoles et de leur évolution tendancielle. Les agriculteurs n'ont, en effet, pas attendu la loi pour s'adapter à la demande et se préoccuper de la qualité de leurs productions, de la préservation de leur environnement ou du bien-être de leurs animaux, ne serait-ce que pour assurer la pérennité même de leurs exploitations.

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