Section 4 - Inclure dans la représentation des salariés les bénéficiaires de contrats uniques d'insertion

Article 46 (art. L. 2310-1 [nouveau] du code du travail) - Prise en compte des bénéficiaires de contrats aidés dans les effectifs de l'entreprise

Objet : Cet article intègre les salariés titulaires d'un contrat aidé dans le calcul des effectifs de l'entreprise uniquement en ce qui concerne les seuils relatifs à la mise en place obligatoire des institutions représentatives du personnel.

I - Le dispositif proposé

Les règles relatives aux institutions représentatives du personnel sont définies au livre III de la deuxième partie du code du travail , qui fixe notamment les seuils d'effectifs au-delà desquels leur mise en place est obligatoire.

Ce livre concerne au premier chef le comité social et économique (CSE), issu de la fusion du comité d'entreprise (CE), des délégués du personnel (DP) et du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) en application de la deuxième ordonnance « Travail » du 22 septembre 2017 340 ( * ) . L'employeur doit le mettre en place dès que l'effectif de l'entreprise est égal à au moins onze salariés pendant douze mois consécutifs 341 ( * ) .

Il vise également d'autres institutions du personnel comme :

- le conseil d'entreprise (le CSE peut, par accord collectif, avoir la compétence exclusive de négocier des accords d'entreprise) ;

- le comité de groupe 342 ( * ) , le comité d'entreprise européen 343 ( * ) ou le comité de société européenne 344 ( * ) ;

- les commissions paritaires régionales interprofessionnelles 345 ( * ) , qui représentent les salariés et les employeurs des entreprises de moins de onze salariés.

Les règles de calcul de l'effectif , définies à l'article L. 1111-1 , ne présentent pas de difficultés d'application pour la plupart d'entre elles. Un salarié en CDI compte pour une unité, tandis que les salariés à temps partiel, quelle que soit la nature de leur contrat de travail, sont pris en compte en divisant la somme totale des horaires inscrits dans leurs contrats de travail par la durée légale ou la durée conventionnelle du travail. En revanche, pour les autres salariés, par exemple en CDD ou en contrat d'intérim, les règles de calcul sont plus complexes, en imposant notamment une ancienneté minimale d'un an.

Surtout, plusieurs exceptions sont prévues à l'article L. 1111-3, qui fixe la liste des salariés qui ne sont pas pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise : les apprentis , les titulaires d'un contrat aidé 346 ( * ) pendant le versement de l'aide publique et les bénéficiaires d'un contrat de professionnalisation . Toutefois, ces salariés sont pris en compte pour l'application des dispositions légales relatives à la tarification des risques d' accidents du travail et de maladies professionnelles .

Or, dans un avis du 15 janvier 2014 rendu dans le cadre d'une question préjudicielle 347 ( * ) , la Cour de justice de l'Union européen a estimé que la privation des bénéficiaires de contrats aidés du droit à la représentation au sein d'une entreprise était contraire aux règles européennes . De fait, la Cour a considéré que l'article 3 de la directive du 11 mars 2002 348 ( * ) , en ce qu'elle prévoyait un droit à la représentation de tous les travailleurs dès lors que l'entreprise dépasse un seuil de 20 ou 50 travailleurs, avait été méconnu.

À la suite d'une mise en demeure adressée par la Commission européenne à la France le 18 juin 2015, l'exécutif français s'est engagé à mettre en conformité le droit national avec la directive.

Le Gouvernement n'a pas souhaité modifier directement l'article L. 1111-3, car la suppression de la mention des titulaires de contrat aidé dans cet article aurait pu entraîner de nouvelles charges fiscales et sociales dans certaines entreprises qui auraient franchi les seuils d'effectifs légaux.

C'est pourquoi le présent article insère un nouvel article L. 2310-1 avant le titre I er du livre III de la deuxième partie du code du travail, afin de ne modifier que les seuils d'effectifs relatifs aux institutions représentatives du personnel, qui sont sans incidence sur la définition des seuils d'effectifs relatifs aux obligations fiscales et sociales.

Ce nouvel article prévoit que les salariés titulaires d'un contrat aidé sont pris en compte dans le calcul des effectifs de l'entreprise uniquement en ce qui concerne les seuils relatifs à la mise en place obligatoire des institutions représentatives du personnel .

Les dispositions du nouvel article L. 2310-1 entreront en vigueur à partir du 1 er janvier 2019 .

II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale

Deux amendements rédactionnels de la rapporteure ont été adoptés en commission .

Aucun amendement n'a été adopté en séance publique sur cet article.

III - La position de votre commission

Vos rapporteurs sont favorables à cet article qui met en conformité le droit national avec les objectifs de la directive précitée du 11 mars 2002, sans entraîner de nouvelles charges sociales et fiscales pour les entreprises qui accueillent des personnes en contrat aidé.

Votre commission a adopté cet article sans modification.

Article 46 bis A - Expérimentation des entreprises d'insertion par le travail indépendant

Objet : Cet article, issu d'un amendement du rapporteur adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit une expérimentation pendant trois ans des entreprises d'insertion par le travail indépendant.

I - Le dispositif proposé

Les personnes les plus éloignées de l'emploi , en raison de difficultés sociales et professionnelles particulières (âge, état de santé, précarité) bénéficient actuellement d'un accompagnement renforcé grâce aux structures de l'insertion par l'activité économique (SIAE) en vue de retrouver une activité.

Fin 2017, on comptait selon le ministère du travail 3 881 SIAE ainsi réparties :

- 702 associations intermédiaires (AI) ;

- 271 entreprises de travail temporaire d'insertion (ETTI) ;

- 1969 ateliers et chantiers d'insertion (ACI) ;

- 939 entreprises d'insertion (EI).

Ces structures signent des conventions avec l'État qui leur permettent d'accueillir et d'accompagner ces travailleurs et reçoivent des aides de l'État pour financer les contrats de travail des personnes accueillies.

Le présent article, issu d'un amendement du rapporteur adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit d'expérimenter le développement d'un cinquième acteur : l' entreprise d'insertion par le travail indépendant (EITI).

Le rapporteur considère en effet que « le travail indépendant a prouvé son efficacité auprès de publics qui ne rentrent pas dans les dispositifs d'insertion utilisant le travail salarié : il est adapté à certaines situations personnelles ne permettant pas s'accommoder du cadre du travail salarié classique (femmes seules avec enfants, personnes avec de grosses difficultés sociales, etc.) ».

Il existe déjà aujourd'hui des EITI, dont la mission est d'inclure des publics éloignés de l'emploi dans l'entreprenariat pour des activités aussi diverses que la manutention , le bricolage ou la conciergerie .

A travers cet article, l'État est autorisé à expérimenter, pendant une durée de trois ans et dans cinq départements , l'élargissement des formes d'insertion par l'activité économique au travail indépendant. Cette expérimentation permettra à des personnes sans emploi, rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières, d'exercer une activité professionnelle en bénéficiant, d'une part, d'un service de mise en relation avec des clients et, d'autre part, d'un accompagnement réalisés par une entreprise d'insertion par le travail indépendant.

L'article précise que l'EITI contractera avec des personnes rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières pour leur donner accès à une activité professionnelle dans les conditions prévues à l'article L. 8221-6 du code du travail et pour les accompagner, selon des modalités spécifiques, afin de faciliter leur insertion sociale et professionnelle.

La présomption de non-salariat et ses limites légales

L'article L. 8221-6 précité fixe les professions présumées exemptes de requalification salariale , et les limites à ces présomptions.

Sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :

- les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d'allocations familiales ;

- les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire ou de transport à la demande ;

- les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

Toutefois, l' existence d'un contrat de travail peut être établie lorsque les personnes et dirigeants précités fournissent directement ou par une personne interposée des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci.

Dans cette hypothèse, la dissimulation d'emploi salarié est établie si le donneur d'ordre s'est soustrait intentionnellement par ce moyen à l'accomplissement des obligations incombant à l'employeur.

Dans le cadre de l'expérimentation, l'État pourra conclure des conventions avec des EITI pour prévoir, le cas échéant, des aides financières imputées sur les crédits de l'insertion par l'activité économique votés en loi de finances, qui ne pourront bénéficier qu'aux personnes agrées par Pôle emploi .

Un décret en Conseil d'État fixera les modalités d'application du présent article, notamment les règles relatives aux conventions conclues entre l'État et les EITI, ainsi que celles relatives aux aides financières dont elles pourront bénéficier.

Enfin, l'article prévoit qu'un rapport d'évaluation de l'expérimentation sera remis au Parlement au plus tard six mois avant le terme de l'expérimentation.

II - La position de votre commission

Vos rapporteurs ne souhaitent pas supprimer cette expérimentation, car ils considèrent que l'innovation sociale dans les territoires peut parfois apporter des réponses intéressantes en termes d'insertion professionnelle et d'emploi. Ils soulignent néanmoins la nécessité de ne pas multiplier les structures et les organismes en matière de politique de l'emploi, et le risque que les structures actuelles de l'insertion par l'activité économique soient lésées par le transfert d'une partie de leur dotation budgétaire vers les entreprises d'insertion par le travail indépendant. Compte tenu de l'introduction tardive de cet article dans le projet de loi, vos rapporteurs n'ont pas été en mesure d'approfondir les enjeux ainsi identifiés.

Sur proposition de vos rapporteurs, la commission a adopté l' amendement rédactionnel COM-418 .

Votre commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 46 bis (art. L. 225-102-1 du code du commerce) - Intégration des personnes handicapées dans le rapport annuel de gestion

Objet : Cet article additionnel, issu d'un amendement du rapporteur adopté en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit d'intégrer les mesures prises en faveur des personnes handicapées au rapport annuel de gestion.

I - Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale

L'article 46 bis vise à intégrer au rapport de gestion présenté annuellement par le conseil d'administration des sociétés anonymes à leur assemblée générale ordinaire une dimension relative aux mesures prises en faveur des personnes handicapées.

II - La position de la commission

Vos rapporteurs considèrent que la prise en compte du handicap dans le rapport annuel de gestion est justifiée.

Votre commission a adopté cet article sans modification.


* 340 Ordonnance n° 2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise et favorisant l'exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.

* 341 Art. L. 2311-2.

* 342 Aucun seuil d'effectif n'est prévu.

* 343 L'article L. 2341-1 qualifie d'entreprise de dimension communautaire toute entreprise qui emploie au moins mille salariés dans les États membres de la Communauté européenne ou de l'Espace économique européen et qui comporte au moins un établissement employant au moins cent cinquante salariés dans au moins deux de ces États.

* 344 En application de l'article L. 2351-1, il s'agit de sociétés ayant leur siège en France constituées conformément au règlement (CE) n° 2157/2001 du Conseil du 8 octobre 2001 relatif au statut de la société européenne (SE).

* 345 Art. L. 23-111-1.

* 346 Il s'agit plus précisément des titulaires de contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) dans le secteur non marchand et des titulaires de contrats initiative emploi (CIE) dans le secteur marchand.

* 347 Arrêt Association de médiation sociale c/ Union locale des syndicats CGT et autres n° C-176/12.

* 348 Directive 2002/14/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mars 2002 établissant un cadre général relatif à l'information et la consultation des travailleurs dans la Communauté européenne.

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