N° 1186


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

N° 686


SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2017-2018

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 23 juillet 2018

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 juillet 2018

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE (1) CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION DU PROJET DE LOI d' orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes ,


PAR Mme Alexandra LOUIS,

Rapporteure,

Députée


PAR Mme Marie MERCIER,

Rapporteur,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas, sénateur , président , Mme Yaël Braun-Pivet, députée , vice - présidente ; Mme Marie Mercier, sénateur , Mme Alexandra Louis, députée, rapporteurs.

Membres titulaires : Mme Jacky Deromedi, M. Hervé Marseille, Mmes Marie-Pierre de la Gontrie, Laurence Rossignol, Maryse Carrère , sénateurs ; Mme Naïma Moutchou, MM. Dimitri Houbron, Sébastien Huyghe, Stéphane Viry, Erwan Balanant , députés.

Membres suppléants : M. Arnaud de Belenet, Mme Esther Benbassa, M. François Bonhomme, Mme Catherine Di Folco, MM. Loïc Hervé, Jean-Yves Leconte, Mme Brigitte Lherbier, sénateurs ; Mme Laetitia Avia, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Nicole Dubré-Chirat, M. Thomas Mesnier, Mmes Sophie Auconie, Valérie Rabault, Danièle Obono, députés .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) :

Première lecture : 778 , 938 et T.A. 115

Sénat :

Première lecture : 487 , 574 , 589 , 590 et T.A. 134 (2017-2018)
Commission mixte paritaire : 687 (2017-2018)

Mesdames, Messieurs,

La commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi d'orientation et de programmation renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes s'est réunie au Sénat le lundi 23 juillet 2018.

Le bureau a été ainsi constitué :

- M. Philippe Bas, sénateur, président ;

- Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente.

La commission a désigné :

- Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- Mme Alexandra Louis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

*

* *

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l'examen des dispositions restant en discussion.

M. Philippe Bas , sénateur, président . - Je souhaite la bienvenue aux députés emmenés par la présidente de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Mme Yaël Braun-Pivet.

Mme Alexandra Louis, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale . - Nous partageons tous les objectifs de ce projet de loi, dont la discussion devant chacune de nos assemblées a démontré une réelle convergence sur le nécessaire renforcement de l'arsenal répressif en la matière. Toutefois, des divergences, d'ampleur variable, sont apparues entre l'Assemblée nationale et le Sénat sur les outils juridiques de cet arsenal, en particulier sur les règles d'interruption du délai de prescription des viols commis sur mineurs, sur la caractérisation de la contrainte et de la surprise dans le cas de faits commis sur des mineurs et sur la répression des comportements d'outrage sexiste.

Par ailleurs, le Sénat a souhaité ajouter à ce texte un volet relatif à la programmation et aux orientations de la politique de lutte contre les violences sexuelles et sexistes, fruit du travail approfondi mené par un groupe de travail de la commission des lois quelques mois auparavant.

Les échanges fructueux et de grande qualité que nous avons noués avec Mme le rapporteur du Sénat nous ont permis d'aplanir ces divergences et de vous proposer un compromis conciliant l'exigence de répression et de prévention des infractions sexuelles et sexistes et la nécessaire préservation des droits et libertés fondamentaux.

Je salue les concessions faites par Mme le rapporteur du Sénat sur plusieurs sujets qui étaient essentiels pour nous, à commencer par la suppression du volet relatif à la programmation, dont nous partageons sur le fond les orientations mais qui nous paraissait modifier la nature du projet de loi et davantage relever de la politique publique conduite en la matière. Ensuite, il nous semblait essentiel de maintenir le caractère contraventionnel de l'outrage sexiste, sans anticiper sur la réforme des peines de stage dont nous débattrons dans le cadre du projet de loi de programmation pour la justice. Sur cette infraction, nous nous sommes toutefois ralliés à la proposition du Sénat tendant à la création d'une circonstance aggravante lorsque les faits sont commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime.

Je me félicite que nous soyons parvenues à une solution de compromis à l'article 2 - que certains d'entre vous trouveront peut-être timorée mais que nous estimons conforme à notre État de droit - sur la caractérisation de la contrainte ou de la surprise pour les faits d'agression sexuelle commis sur mineurs. Plutôt que d'instituer une présomption, qui, même simple, soulèverait certaines difficultés, notamment constitutionnelles, nous vous proposons de mieux définir les circonstances permettant au juge de retenir l'existence d'une contrainte ou d'une surprise, en prenant en compte la différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur des faits - ainsi que le souhaitait le Sénat - et « l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire » dans le cas spécifique des mineurs de moins de 15 ans - comme le proposait l'Assemblée nationale.

À l'inverse, d'importantes évolutions adoptées par le Sénat, à l'initiative de son rapporteur, de ses membres ou du Gouvernement, sont conservées, notamment la modification de la définition du délit de non-dénonciation de mauvais traitements afin d'en faire un délit continu, la suppression de l'aggravation des peines en cas d'atteinte sexuelle avec acte de pénétration, les garanties apportées à la question subsidiaire systématique, la définition du délit et des circonstances aggravantes en cas d'administration d'une substance visant à altérer le discernement d'une victime d'agression sexuelle, l'aggravation des peines prévues pour toutes les agressions sexuelles lorsqu'elles sont commises sur une personne vulnérable en raison de sa situation économique et en cas d'agression sexuelle autre que le viol lorsque celle-ci a entraîné une incapacité totale de travail de plus de 8 jours, l'enrichissement des circonstances aggravantes des violences commises en présence d'un mineur, qui avaient été introduites à mon initiative, ou encore la création d'un délit de captation d'images impudiques.

Nous vous proposons de supprimer d'autres dispositions qui soulèvent des objections de principe - je pense notamment à l'introduction, par le Gouvernement, d'un nouveau mécanisme d'interruption de la prescription - ou qui posaient des difficultés juridiques - comme dans le cas de la redéfinition de l'obligation de signaler des mauvais traitements pour les professionnels.

En définitive, le texte que nous soumettons à votre accord est équilibré et le fruit d'une co-construction entre députés et sénateurs. Il retient les grandes orientations souhaitées par la majorité de l'Assemblée nationale et porte la marque des conclusions du groupe de travail piloté par le président Philippe Bas et Mme Mercier sur les infractions sexuelles sur mineurs, dont les travaux ont largement contribué à enrichir la discussion parlementaire, à l'Assemblée nationale comme au Sénat.

Mme Marie Mercier , sénateur, rapporteur pour le Sénat . - Nous vous présentons aujourd'hui un texte de compromis équilibré qui reprend les dispositions auxquelles chaque assemblée était attachée : nous avons un seul objectif, renforcer de manière effective la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Merci, madame la rapporteure pour l'Assemblée nationale, de votre apport : nous avons échangé dans un climat serein et mesuré, à la hauteur des enjeux d'un tel texte.

Le Sénat était ainsi particulièrement attaché aux articles qui reprennent la proposition de loi d'orientation et de programmation pour une meilleure protection des mineurs victimes d'infractions sexuelles, qu'il a adoptée le 28 mars dernier : je pense aux dispositions concernant le délai de prescription des viols commis à l'encontre des mineurs, le point de départ du délai de prescription du délit de non-dénonciation des mauvais traitements commis à l'encontre des mineurs, la répression du délit de non-assistance à personne en danger ou encore l'extension de la surqualification pénale d'inceste.

En matière de répression du viol, le Sénat a souhaité renforcer la protection de tous les mineurs, pas seulement les mineurs de moins de 15 ans, tout en étant soucieux de l'effectivité et de la constitutionnalité du dispositif adopté.

Enfin, plusieurs dispositions adoptées par le Sénat étaient issues des travaux de sa délégation aux droits des femmes, je pense notamment à la création d'une circonstance aggravante pour les agressions sexuelles.

Malgré nos désaccords, il était essentiel que nous trouvions sur un tel texte un accord transpartisan.

Mme Laurence Rossignol , sénatrice . - Je ne suis pas surprise que l'Assemblée nationale et le Sénat aient réussi à se mettre d'accord sur ce texte puisque nos deux assemblées ne voulaient pas créer une nouvelle incrimination criminelle, à savoir le crime de violence sexuelle sur enfant. La majorité des deux assemblées a préféré introduire des dispositions interprétatives dans le code pénal : c'est fort dommage. Après que la commission des lois a supprimé la disposition du projet de loi visant à créer une circonstance aggravante pour le délit d'atteinte sexuelle, en cas de pénétration , et c'était une bonne chose car cette disposition risquait d'aboutir à une correctionnalisation des viols sur mineurs, il ne reste que l'allongement de la durée de prescription, que nous approuvons tous, mais qui était attendue depuis longtemps. L'article 2 ne propose que des dispositions interprétatives : c'est une occasion manquée de protéger les enfants contre les prédateurs. Enfin, le texte prévoit la contravention d'outrage sexiste dont la portée pédagogique est sans doute souhaitable mais dont l'effet restera à évaluer.

L'accord entre nos deux assemblées était donc possible dès lors qu'il se faisait sur le refus de la création d'une nouvelle infraction criminelle.

Une autre mesure disparaît qui me semble également un très mauvais signal : l'obligation de signalement des médecins. À l'issue des débats parlementaires, c'était une mesure voulue par les sénateurs de notre groupe mais aussi par le président de la commission des affaires sociales, M. Alain Milon, médecin de formation. Je rappelle que les médecins sont auteurs de moins de 5 % des signalements de mauvais traitements sur enfant. Or, les médecins voient bien davantage que ce faible pourcentage d'enfants maltraités. Malgré plusieurs mesures législatives déjà prises pour leur rappeler cette obligation inscrite dans le code pénal et en dépit du fait qu'ils ne peuvent en aucun cas être poursuivis pour diffamation, ils ne signalent toujours pas. Le Gouvernement et la commission mixte paritaire se privent d'un outil réellement nécessaire pour lutter contre les violences faites aux enfants.

Le texte que va voter la commission mixte paritaire sera tout aussi décevant que celui présenté par le Gouvernement, puis voté par l'Assemblée nationale et le Sénat. Il y a peu de choses positives à en dire mis à part l'allongement des délais de prescription.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie , sénatrice . - Nous nous arrêterons sur certains articles car nous espérons pouvoir encore modifier ce texte.

L'article 2 se borne à une disposition interprétative. Heureusement, le texte proposé ce soir ne contient plus la notion de « maturité sexuelle suffisante » qui aurait posé de graves problèmes.

Vous voulez supprimer l'avancée considérable du Sénat sur l'obligation de signalement des médecins : ne pourrait-on pas la maintenir ?

En outre, nous avions demandé un rapport pour identifier les liens entre violences sexuelles et suicide : sans la participation de l'Exécutif, ce travail n'est pas réalisable.

Peut-être pourrions-nous adopter cette mesure.

TITRE IER - DISPOSITIONS RENFORÇANT LA PROTECTION DES MINEURS CONTRE LES VIOLENCES SEXUELLES

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