III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION : OPPOSER LA QUESTION PRÉALABLE À UN TEXTE NE PRENANT PAS EN COMPTE LES PRÉOCCUPATIONS MAJEURES DU SÉNAT

Au regard des éléments précédemment exposés, votre commission a procédé à quatre constats , qui l'ont conduite à décider de déposer une motion tendant à opposer la question préalable au projet de loi en vue de son examen en séance publique.

En premier lieu, le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture ne prend que marginalement en compte les préoccupations majeures exprimées par le Sénat .

Notre collègue députée Élise Fajgeles, rapporteure, l'a d'ailleurs reconnu en déclarant devant la commission des lois de l'Assemblée nationale : « il ne s'agit pas pour nous, en nouvelle lecture, de refaire le débat que nous avons très largement eu en première lecture. Nous voulons confirmer les options que nous avons retenues, en les complétant, quand cela est souhaitable, de quelques avancées de nos collègues sénateurs, qui ne remettent pas en cause l'équilibre général du texte » 36 ( * ) .

En deuxième lieu, le texte transmis au Sénat constitue une véritable occasion manquée en matière de lutte contre l'immigration irrégulière : dénué de toute stratégie migratoire, il ne comprend aucune des mesures de rigueur proposées par le Sénat (meilleur encadrement de l'immigration familiale, réduction du nombre de visas délivrés aux pays les moins coopératifs, plus grande efficacité des procédures « Dublin », etc .).

Un constat identique peut être dressé concernant les politiques d'intégration , qui demeurent le parent pauvre de ce texte faute de prise en compte des mesures de bon sens proposées par le Sénat (certification du niveau de langue des étrangers primo-arrivants, meilleure insertion dans l'emploi, etc .).

En troisième lieu, l'Assemblée nationale a adopté en nouvelle lecture deux mesures clairement contraires à la règle de « l'entonnoir » (article 45 de la Constitution) : la suppression du rôle de coordination des centres provisoires d'hébergement en matière d'intégration des réfugiés (article 9 bis du projet de loi) et une habilitation à légiférer par ordonnances pour réformer le contentieux des étrangers devant les juridictions administratives et créer des procédures d'urgence devant la CNDA (article 27) .

En dernier lieu, des désaccords majeurs persistent sur les modalités d'organisation de la rétention administrative :

- le séquençage adopté par l'Assemblée nationale présente le double inconvénient d'être à la fois peu protecteur pour les étrangers mais également trop contraignant pour l'autorité administrative ;

- le texte adopté par nos collègues députés permet à l'administration de placer en rétention un mineur accompagnant sa famille pendant quatre-vingt-dix jours, ce qui constituerait une atteinte intolérable aux droits fondamentaux des personnes les plus fragiles.

*

* *

À l'initiative de son rapporteur, votre commission a décidé de déposer une motion tendant à opposer au projet de loi la question préalable. En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement du Sénat, votre commission souhaite que cette motion soit examinée, à l'issue de la discussion générale, avant la discussion des articles.

En conséquence, elle n'a pas adopté de texte.

En application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera donc en séance sur le texte du projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture.


* 36 Rapport n° 1173 fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi (nouvelle lecture), p. 15. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante :

www.assemblee-nationale.fr/15/pdf/rapports/r1173.pdf .

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