LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement visant à majorer les crédits de titre 2 de la mission de 228 538 euros en AE et CP . Ces crédits supplémentaires se répartissent entre le programme 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » à hauteur de 155 205 euros, le programme  126 « Conseil économique, social et environnemental, à hauteur de 5 644 euros, le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières », à hauteur de 67 576 euros et le programme 340 « Haut Conseil des finances publiques » à hauteur de 113 euros.

Cette majoration est issue d'un abondement réalisé à partir de la mission « Crédits non répartis », correspondant à la revalorisation des indemnités kilométriques et à la revalorisation des barèmes des frais de nuitée . Les autres missions budgétaires ont également bénéficié d'une majoration au titre de ces deux revalorisations, qui s'élèvent au total à 46,25 millions d'euros pour l'ensemble de la fonction publique d'État.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 31 octobre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Didier Rambaud, rapporteur spécial, sur la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Comme en 2018, le budget de la mission « Conseil et contrôle de l'État » devrait augmenter en 2019, pour atteindre 756,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 680,6 millions d'euros en crédits de paiement (CP). Ce niveau est supérieur de 12 millions d'euros à celui fixé par la loi de programmation des finances publiques 2018-2022. Cela dit, la mission « Conseil et contrôle de l'État » représente encore une part relativement faible - 0,22 % - des dépenses de l'État.

Les 16,2 millions d'euros de CP supplémentaires pour la mission se répartiront inégalement entre ses quatre programmes.

Le budget du Haut Conseil des finances publiques (HCFP) reste stable, à 428 000 euros. Je recommande de nouveau qu'il soit intégré au programme de la Cour des comptes et des juridictions financières. Les crédits de ces dernières progressent modérément - 1 % - en 2019. Il en est de même du budget du Conseil économique, social et environnemental (CESE), qui augmente de 0,46 %. L'essentiel de l'évolution des crédits de la mission concerne donc le budget du principal programme, celui du Conseil d'État et des autres juridictions administratives, en augmentation de 3,4 %.

Le budget consolidé du Conseil d'État, des cours administratives d'appel, des tribunaux administratifs et de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) s'élèvera à 420 millions d'euros en 2019. Les crédits supplémentaires abondent en grande partie les dépenses de personnel, pour permettre la création de 132 emplois.

Comme les dernières années, l'essentiel de cet effort financier est axé sur la CNDA. Ses moyens seront portés en 2019 à un niveau inédit : avec 122 agents supplémentaires, son plafond d'emplois atteindra 648 ETP et dépassera ainsi celui des huit cours administratives d'appel réunies. Cinq nouvelles chambres ouvriront, ce qui nécessitera le transfert de cinq magistrats administratifs pour les présider. Ces moyens supplémentaires sont justifiés par la nécessité de renforcer la capacité de jugement de la CNDA, qui est prise dans un étau depuis ces dernières années. D'une part, elle est contrainte de réduire ses délais de jugement, conformément aux objectifs fixés par le législateur en 2015. D'autre part, elle est confrontée à une véritable envolée du contentieux de l'asile : + 34 % d'affaires nouvelles en 2017, + 21 % en 2018... En tout, 65 000 recours seront déposés à la CNDA d'ici la fin d'année !

La CNDA a traité 47 814 requêtes fin 2017, ce qui fait d'elle la première juridiction administrative française, comme l'a rappelé François-Noël Buffet dans son rapport sur le projet de loi pour une immigration maîtrisée, un droit d'asile effectif et une intégration réussie. Cette loi a notamment mis fin à l'effet suspensif de certains recours devant la CNDA : les demandeurs d'asile concernés pourront ainsi faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais pourront toujours demander la suspension de cette OQTF devant le juge administratif de droit commun. Plusieurs milliers de recours contre ces OQTF pourraient donc être déposés l'an prochain.

Ces nouveaux recours alimenteront un contentieux des étrangers déjà massif, puisqu'il représente environ 83 000 affaires en 2017, soit un tiers du contentieux total des juridictions administratives hors CNDA.

Malgré ce potentiel surcroît d'activité à venir, les ressources des juridictions administratives progresseront peu en 2019 : dix créations d'emplois pour l'ensemble des 42 tribunaux administratifs. Je tiens pourtant à ce que la capacité de jugement des juridictions soit préservée à un niveau suffisant pour leur permettre de respecter ces deux objectifs : une maîtrise de leur stock d'affaires anciennes à un niveau raisonnable et un délai moyen de jugement inférieur à un an, comme l'a demandé le législateur en 2002. Or, ces délais de jugement pourraient se dégrader en 2018 et en 2019.

Les crédits des autres programmes connaissent peu de variations pour 2019. Ceux du CESE s'élèvent à 40,2 millions d'euros, soit un niveau presqu'égal à celui de 2018. Son plafond d'emplois reste fixé à 150 ETP. La réforme de cette assemblée est inscrite dans le projet de révision constitutionnelle, qui prévoit une extension de la mission consultative du CESE, par des saisines plus fréquentes sur les projets de loi ou par le recueil dématérialisé des pétitions citoyennes. Cependant, le projet de révision étant toujours en discussion, les crédits du CESE s'en tiendront en 2019 à ce qui a été fixé par le triennal.

Dans l'attente de sa réforme, le CESE poursuit deux axes de rénovation, initiés en 2016. En premier lieu, il adapte son régime financier et comptable. Une cellule de contrôle interne a déjà été mise en place, et ses comptes seront certifiés pour la première fois l'an prochain. En second lieu, le CESE cherche toujours à renforcer l'impact de son activité consultative : il s'est équipé d'outils pour mesurer les suites données à ses préconisations et il produit certains avis en lien avec d'autres institutions, comme le Défenseur des droits ou la Cour des comptes.

Le budget de cette dernière et des autres juridictions financières représente le deuxième programme de la mission par son montant : 220 millions d'euros en 2019.

Conformément à la programmation pluriannuelle, 2,2 millions d'euros de crédits supplémentaires abonderont ce programme en 2019, pour financer, entre autres, le recrutement de 15 agents supplémentaires, sans évolution du plafond d'emplois. Ce recrutement renforcera les services de contrôle et d'appui au contrôle, lesquels évoluent dans un environnement de plus en plus dématérialisé et numérisé - raison pour laquelle la Cour investit cette année encore dans le développement d'équipements informatiques innovants.

Je note enfin que les juridictions financières poursuivent leurs activités à moyens quasi constants, alors que celles-ci représentent une charge croissante. Je citerai deux exemples récents : l'expérimentation de la certification des comptes des collectivités territoriales, qui mobilise quinze agents depuis 2016, et les premières missions de contrôle de certains établissements sociaux et médico-sociaux et de certaines cliniques privées, qui pourraient être amenées à s'étendre à l'avenir.

Je vous invite à adopter les crédits de cette mission sans modification.

M. Patrick Kanner , rapporteur pour avis de la commission des lois (programmes 165 « Conseil d'État et autres juridictions administratives » et 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières ») . - Je confirme vos propos. J'ai visité récemment la chambre régionale des comptes de Dijon, qui fonctionne bien, si ce n'est que l'extension des missions que vous évoquiez entraîne des charges nouvelles ne pouvant être assumées avec les moyens actuels. L'évolution spectaculaire des moyens de la CNDA répond à une nécessité. Sa nouvelle présidente, Mme Dominique Kimmerlin, m'a indiqué qu'on était arrivé à un plafond, et que la création de 122 postes devrait débloquer la situation, en permettant de créer cinq chambres. De plus, les entrées sur le territoire sont moindres qu'il y a trois ou quatre ans. Les dix postes restant pour les tribunaux administratifs ne suffiront pas. Malgré ces réserves, j'émettrai un avis favorable sur ces crédits.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Les juridictions administratives font face à des contentieux de masse liés à des errements dans la prise de décision de Bercy. Je pense, par exemple, à la CSG pour les non-résidents : un requérant m'a transmis une lettre du tribunal administratif de Montreuil l'informant que le nombre de réclamations similaires à la sienne est d'environ 40 000. Certaines décisions fiscales relèvent du bricolage, sont mal préparées par Bercy, issues d'amendements du Gouvernement rapidement adoptés notamment dans les projets de loi de finances rectificative, et aboutissent à des contentieux devant la Cour de justice de l'Union européenne, que la France perd. C'est absurde ! J'ai souvent appelé l'attention du ministre du Budget sur la nécessité de mieux préparer les mesures et d'apporter les réponses avant un contentieux.

Plutôt que d'apporter des solutions en amont, l'administration fiscale attend que les contribuables saisissent les tribunaux.

M. Jérôme Bascher . - La CNDA n'aurait-elle pas plutôt sa place dans la mission « Immigration, asile et intégration » précédemment examinée ? Certes, il s'agit d'une juridiction, mais son activité participe à la politique globale de l'asile, dont les crédits sont présentés dans cette mission. Rapporteur spécial de la mission « Pouvoirs publics », je constate que ceux-ci fonctionnent tous à budget constant. Pourquoi le budget du CESE est-il en augmentation, même minime ? J'envisage de déposer un amendement sur ce point.

M. Claude Raynal . - Les nouvelles missions qui lui seront confiées justifieront de nouveaux crédits, a déclaré le président de CESE. Pouvez-vous nous en dire plus ? Il est un peu préoccupant que le nombre d'emplois dans les juridictions administratives augmente si peu, alors que le délai de traitement des affaires par les cours administratives d'appel croît régulièrement. Les contentieux de masse sont en effet inquiétants - même s'il est possible de les traiter en bloc. Un travail préventif serait bienvenu.

Mme Sylvie Vermeillet . - L'évolution du budget du CESE, que vous qualifiez de maîtrisée, est lente mais sûre : 30 millions d'euros en 2006, 36 millions d'euros en 2008, 42,2 millions d'euros aujourd'hui... Ce n'est pas la même évolution pour les collectivités territoriales ou le Sénat ! Pourquoi ce dérapage ? Des pistes d'économies sont-elles identifiées ?

M. Arnaud Bazin . - L'évolution principale est l'accroissement important des moyens de la CNDA, pour faire face à l'accroissement du nombre de demandeurs d'asile. Or, le budget de la mission précédente se fonde sur l'hypothèse d'une stagnation de ce nombre. N'est-ce pas incohérent ?

M. Thierry Carcenac . - Il faudra reloger la CNDA, et 61,7 millions d'euros d'AE sont prévus pour cela. Allons-nous vers une déconcentration ? Avez-vous des informations complémentaires sur ce projet de relogement ?

M. Patrice Joly . - Je reste sceptique sur les moyens dédiés à la certification des comptes des collectivités territoriales, car la solvabilité d'une collectivité territoriale dépend moins de son patrimoine que de la capacité contributive de ses administrés. Déjà, les directions départementales des finances publiques, exsangues, sont incapables d'apporter les conseils requis aux collectivités. Ainsi, le comptable du Trésor public en poste à Château-Chinon est parti l'an dernier avec une partie de la caisse : les comptes n'avaient pas été arrêtés depuis deux ans !

Mme Christine Lavarde . - Vous n'avez pas indiqué, alors que cela figure dans votre rapport que, pour la première fois, la mise en réserve de crédits sera appliquée, notamment sur le programme des juridictions administratives, ce qui montre que le budget a été construit avec rigueur. Dans plusieurs villes des Hauts-de-Seine, des dérives ont été constatées en matière de contravention du stationnement. Quel a été l'impact sur le nombre des recours administratifs ?

M. Charles Guené . - La CNDA manque de magistrats, alors que leur rémunération coûte moins cher que l'hébergement ! Sous la présidence de M. Delevoye, le CESE avait diversifié ses recettes, notamment par la mise à disposition de ses locaux. Cette politique est-elle poursuivie ?

M. Marc Laménie . - La Cour des comptes réalise de nombreux rapports et émet à cet égard de nombreuses recommandations. Sont-elles vraiment suivies d'effet ?

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - Catherine Bergeal, secrétaire générale du Conseil d'État, m'a confirmé que les contentieux de masse posaient problème, et m'a parlé de ceux qui concernent le remboursement de la contribution au service public de l'électricité. Sortir la CNDA de cette mission ? Je ne suis pas juriste, mais il me semble que, puisque c'est une juridiction administrative, ses décisions sont soumises à la cassation du Conseil d'État, il est logique qu'elle soit dans cette mission, comme les autres juridictions administratives.

Le CESE a fait l'objet de nombreuses remarques. Son nouveau président, M. Patrick Bernasconi, s'est récemment exprimé dans la presse sur les moyens et les missions de cette institution. Il a fait un effort pour démontrer son utilité d'après lui, plusieurs préconisations ont été reprises dans les lois récentes, mais nous sommes dans une période intermédiaire, avant la révision constitutionnelle, qui devrait réduire le nombre de conseillers. À cet égard, les économies ne sont pas certaines. Ses nouvelles missions entraineront-elles une hausse des charges ? Il lui faudrait, en tous cas, des moyens adaptés à certains chantiers : dématérialisation du recueil des pétitions, mise en place du tirage au sort... Depuis 2017, le CESE ne dispose que d'un seul ingénieur informatique ! Oui, il cherche d'autres sources de financement, grâce au mécénat.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Ou en louant ses locaux !

M. Didier Rambaud , rapporteur spécial . - En réponse à la question de Thierry Carcenac, le projet de relogement consiste à regrouper en un seul lieu, à Montreuil, les quatre sites de la CNDA avec le tribunal administratif de Montreuil.

Pour répondre à Christine Lavarde, Catherine Bergeal m'a indiqué que 1 500 recours en moyenne étaient enregistrés par mois devant la commission du contentieux du stationnement payant. Entre janvier et juin 2018, 6 818 affaires ont été enregistrées et 522 traitées. En revanche, la plupart des crédits de cette commission sont financés par la mission « Administration générale et territoriale de l'État » dont notre collègue Jacques Genest est le rapporteur spécial.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Conseil et contrôle de l'État ».

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