Rapport général n° 147 (2018-2019) de M. Dominique de LEGGE , fait au nom de la commission des finances, déposé le 22 novembre 2018

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N° 147

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2018-2019

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 novembre 2018

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE , pour 2019 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES

ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

( seconde partie de la loi de finances )

ANNEXE N° 9

DÉFENSE

Rapporteur spécial : M. Dominique de LEGGE

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Mme Fabienne Keller, MM. Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 1255 , 1285 , 1288 , 1302 à 1307 , 1357 et T.A. 189

Sénat : 146 et 147 à 153 (2018-2019)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. En 2019, contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions » comprise, les crédits de la mission « Défense » atteindront 54,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 44,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de plus de 7 milliards d'euros en AE (+ 15,7 %) et de près de 1,8 milliard d'euros en CP (+ 4,2 %) .

2. La hausse principale concernera l'agrégat « équipement » , dont les crédits progresseront de près de 1,3 milliard d'euros .

3. Hors contribution au CAS « Pensions », les CP de la mission s'élèveront à 37,9 milliards d'euros , soit une hausse de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2018 . Ce montant est conforme à celui inscrit dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 et dans la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025 .

4. La LPM 2019-2025 prévoit ainsi une hausse importante des crédits de la mission « Défense » entre 2019 et 2023 s'élevant à 9,8 milliards d'euros . Or cet effort est inégalement réparti , la « marche » la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023 (+ 3 milliards d'euros, contre + 1,7 milliard d'euros par an entre 2019 et 2022). Près du tiers de l'effort prévu entre 2018 et 2023 est donc renvoyé au prochain quinquennat . Il s'agit par conséquent d'un « pari » qui n'engage que la majorité actuelle.

5. La fin de gestion de l'exercice 2018, présenté comme l' « antichambre de la LPM », revêt une importance cruciale . Or le projet de loi de finances rectificative pour 2018 présenté le 7 novembre 2018 à l'Assemblée nationale prévoit le financement intégral des surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) et aux missions intérieures (Missint) par le ministère des armées , en contradiction avec les dispositions de l'article 4 de la LPM actuelle.

Si les 250 millions d'euros de crédits mis en réserve et non annulés par le projet de loi de finances rectificative ont été dégelés le 13 novembre 2018, il n'en demeure pas moins que les besoins qui n'auront pas pu être financés en 2018 devront être en partie reportés en 2019, affaiblissant la portée de l'effort prévu par le présent projet de loi de finances .

6. La sincérisation du budget prévue pour l'année prochaine - avec une provision inscrite au titre du financement des surcoûts des Opex s'élevant à 850 millions d'euros, contre 650 millions d'euros en 2018, et une provision au titre du financement des surcoûts des Missint de 100 millions d'euros - n'éteindra pas les critiques formulées les années passées, le niveau de ces surcoûts étant, au cours des dernières années, toujours supérieur à 1,2 milliard d'euros .

7. L'année 2019 verra la création de 450 postes , notamment dans les secteurs du renseignement et de la cyberdéfense (216 postes). Une sous-consommation des crédits de personnel pourrait cependant être constatée en 2018 . Compte tenu des besoins, il convient que le ministère des armées en analyse précisément les causes afin d'y remédier rapidement .

8. Afin de répondre à l'enjeu de la « fidélisation » des personnels, qui explique en partie la sous-consommation des crédits de personnel, plusieurs mesures de revalorisation salariale seront prises, en particulier la création d'une prime de lien au service ou encore la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) .

9. Par ailleurs, les crédits consacrés au plan « Famille » seront portés à 57 millions d'euros en 2019 , contre 22,5 millions d'euros en 2018.

10. Le déploiement du logiciel Source solde, remplaçant de Louvois, devrait débuter en 2019 avec la marine nationale. Par ailleurs, le coût budgétaire total de Source solde est désormais estimé à 174,8 millions d'euros, contre 108,33 millions d'euros prévus initialement , soit un écart de 66,47 millions d'euros. Il convient d'en maîtriser le coût et la durée afin de ne pas renouer avec les déboires de Louvois, dont les dysfonctionnements ont engendré des surcoûts estimés à plus de 156 millions d'euros entre 2013 et 2018.

11. Les crédits consacrés aux infrastructures connaîtront une hausse limitée en 2019 . À périmètre constant, les moyens consacrés à la politique immobilière du ministère des armées diminueront de 51 millions d'euros en AE et progresseront de 48 millions d'euros en CP. La LPM 2019-2025 prévoit un effort en faveur de la politique immobilière hors dissuasion de l'ordre de 13,5 milliards d'euros . Néanmoins, les besoins non-financés sont estimés à 1,5 milliard d'euros . Compte tenu de l'importance des besoins en la matière, la sous-exécution qui pourrait être constatée en 2018 s'agissant des crédits d'infrastructures interroge .

12. En 2019, les crédits d'entretien programmé du matériel (EPM) connaîtront une hausse exceptionnelle en AE, de plus de 4,6 milliards d'euros (+ 102 %), et importante en CP (+ 320 millions d'euros) .

13. Cette augmentation concernera en particulier le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques et permettra à la nouvelle direction de la maintenance aéronautique (DMAé) de passer des contrats de soutien globaux et pluriannuels , conformément aux orientations prises dans le cadre de la réforme intervenue en 2018.

14. Si cette réforme va globalement dans le bon sens, plusieurs points de vigilance doivent être relevés :

- les contrats devront s'attacher à ne pas déstabiliser des relations contractuelles existantes et qui donnent satisfaction ;

- un équilibre devra être trouvé entre pluriannualité et nécessaire besoin d' adaptation ;

- la DMAé devra prendre en compte la nécessité de maintenir un lien entre l'industrie et les forces .

15. L'augmentation des crédits d'EPM ne devrait en outre pas se traduire dès cette année par une remontée significative du niveau d'activité et d'entraînement des forces .

16. Un effort en faveur de la recherche et du développement sera consenti en 2019, se traduisant par une hausse des crédits de l'ordre de 180 millions d'euros . En particulier, les dépenses relatives aux études amont atteindront 920 millions d'euros en AE et 758 millions d'euros en CP , soit une hausse de 160 millions d'euros en AE et de plus de 35 millions d'euros en CP, en lien avec l'objectif fixé par la LPM 2019-2025 de les porter à un milliard d'euros à compter de 2022 .

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 92 % des réponses étaient parvenues à votre rapporteur spécial en ce qui concerne la mission « Défense ».

I. ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION « DÉFENSE »

A. UNE PROGRESSION SIGNIFICATIVE DES DÉPENSES DE LA MISSION EN 2019

Contribution au CAS « Pensions » comprise, les crédits de la mission « Défense » atteindront 54,5 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 44,3 milliards d'euros en crédits de paiement (CP) .

Évolution des crédits de la mission « Défense »

(en millions d'euros)

AE

CP

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC* et ADP**

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

attendus en 2019

attendus en 2019

144 - Environnement et prospective de la politique de défense

1 443,1

1 628,8

12,9 %

185,7

0,3

1 395,7

1 476,1

5,8 %

80,4

0,3

178 - Préparation et emploi des forces

8 818,0

14 983,5

69,9 %

6 165,6

327,3

8 066,9

8 784,6

8,9 %

717,7

327,3

212 - Soutien de la politique de défense

23 177,7

23 399,8

1,0 %

222,1

267,3

22 845,7

23 195,5

1,5 %

349,8

267,3

146 - Équipement des forces

13 661,0

14 472,2

5,9 %

811,2

69,0

10 243,2

10 888,0

6,3 %

644,7

69,0

Total

47 099,8

54 484,3

15,7 %

7 384,5

663,9

42 551,5

44 344,1

4,2 %

1 792,6

663,9

* Fonds de concours

** Attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Entre 2018 et 2019, à périmètre courant, les AE de la mission connaîtront une progression très significative, de près de 16 % (+ 7,4 milliards d'euros). Celle-ci permettra notamment le lancement de marchés de soutien longs et globaux dans le cadre de la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) des matériels aéronautiques lancée en 2018 (cf. infra ).

Les CP de la mission progresseront quant à eux de 1,8 milliard d'euros (+ 4,2 %) . Cette hausse sera consacrée au financement des grandes priorités identifiées dans la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025 1 ( * ) et plus particulièrement à l'entretien programmé des matériels (EPM), à l'acquisition de nouveaux matériels, notamment des programmes à effet majeur (PEM), ainsi qu'à l'équipement des forces de dissuasion .

Évolution des crédits de la mission « Défense » par titre

(en millions d'euros)

AE

CP

Ouvertes en LFI pour 2018

Demandées pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC* et ADP**

Ouverts en LFI pour 2018

Demandés pour 2019

Évolution
(en pourcentage)

Évolution
(en valeur)

FDC et ADP

attendus en 2019

attendus en 2019

Titre 2. Dépenses de personnel

20 287,0

20 551,9

1,3 %

265,0

258,6

20 287,0

20 551,9

1,3 %

265,0

258,6

Titre 3. Dépenses de fonctionnement

11 836,3

17 893,8

51,2 %

6 057,5

354,8

11 681,0

12 371,0

5,9 %

690,0

354,8

Titre 5. Dépenses d'investissement

14 667,7

15 732,2

7,3 %

1 064,5

20,5

10 239,2

11 085,0

8,3 %

845,8

20,5

Titre 6. Dépenses d'intervention

294,9

300,7

2,0 %

5,8

30,0

305,7

302,9

- 0,9 %

- 2,7

30,0

Titre 7. Dépenses d'opérations financières

13,9

5,6

- 59,3 %

- 8,2

0,0

38,7

33,3

- 13,9 %

- 5,4

0,0

Total

47 099,8

54 484,3

15,7 %

7 384,5

663,9

42 551,5

44 344,1

4,2 %

1 792,6

663,9

* Fonds de concours

** Attributions de produits

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Afin de disposer d'une analyse plus fine de ses ressources budgétaires, le ministère a développé ses propres « agrégats », qui rassemblent des crédits relevant de plusieurs titres.

En 2019, la hausse principale concernera l'agrégat « équipement », dont les crédits progresseront de près de 1,3 milliard d'euros .

Évolution des crédits de la mission « Défense » par agrégat

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

B. UN NIVEAU DE CRÉDITS CONFORME À LA TRAJECTOIRE FIXÉE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DES FINANCES PUBLIQUES POUR LES ANNÉES 2018 À 2022 ET PAR LA LOI DE PROGRAMMATION MILITAIRE POUR LES ANNÉES 2019 À 2025

Hors contribution au CAS « Pensions », les CP de la mission « Défense » augmenteront de 1,7 milliard d'euros en 2019, passant de 34,2 milliards d'euros à 35,9 milliards d'euros .

Cette progression est conforme à la trajectoire fixée par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 2 ( * ) et par la LPM 2019-2025 précitée .

Trajectoire d'évolution des crédits de la mission « Défense » prévue par la LPM 2019-2025

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Pour assurer le strict respect de l'annuité fixée dans la LPFP et la LPM, la mission « Défense » sera la seule mission du budget de l'État qui ne sera pas concernée par la suppression des loyers budgétaires (110 millions d'euros en 2019).

Si votre rapporteur spécial comprend les raisons politiques qui ont conduit le Gouvernement à prendre cette décision, il considère que la suppression des crédits consacrés aux loyers budgétaires aurait pu être traitée en mesure de périmètre , ce qui aurait permis, tout en présentant un budget conforme à la trajectoire prévue, une économie de plusieurs équivalents temps plein (ETP) consacrés à la gestion de ces loyers au sein de la direction générale des finances publiques (DGFIP).

C. UNE TRAJECTOIRE DONT IL CONVIENT DE RAPPELER LES LIMITES

La LPM 2019-2025 prévoit une hausse importante des crédits de la mission « Défense » entre 2019 et 2023 s'élevant à 9,8 milliards d'euros .

Néanmoins, comme le relevait votre rapporteur spécial dans son avis sur le projet de LPM 2019-2025 3 ( * ) , cet effort, significatif, est inégalement réparti, la « marche » la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023 (+ 3 milliards d'euros, contre + 1,7 milliard d'euros par an entre 2019 et 2022).

Près du tiers de l'effort prévu entre 2018 et 2023 est donc renvoyé au prochain quinquennat . Il s'agit par conséquent d' un « pari » qui n'engage que la majorité actuelle.

Votre rapporteur spécial est conscient qu'une augmentation massive des crédits dès la première année de mise en oeuvre de la LPM n'aurait pu être « absorbée » ni par le ministère des armées, ni par les industriels . Lors de son audition 4 ( * ) par votre rapporteur spécial, l'amiral Christophe Prazuck, chef d'état-major de la marine, a ainsi indiqué que les deux LPM précédentes avaient peu à peu contraint le ministère des armées à adopter une « physiologie de fakir » afin de faire face à la diminution constante de ses moyens, et que le changement de paradigme opéré depuis 2015 et accentué par la présente LPM nécessitait un temps d'adaptation .

Néanmoins, comme il l'a indiqué dans son rapport pour avis précité, votre rapporteur spécial considère qu'une augmentation plus progressive, à partir de 2020, aurait été souhaitable et « absorbable » .

Par ailleurs, la trajectoire inscrite dans la LPM ne couvre de manière « ferme » que la période 2019-2023 , renvoyant à une clause de rendez-vous le soin de déterminer la trajectoire financière et des effectifs pour les annuités 2024 et 2025 5 ( * ) .

Au total, seuls 67 % des besoins exprimés (295 milliards d'euros) sur la période 2019-2025 sont donc couverts de manière ferme par la LPM .

Ainsi, s'agissant de l'agrégat « équipement », sur des besoins estimés à 178,8 milliards d'euros entre 2019 et 2025, seuls 112,5 milliards d'euros sont programmés sur la période 2019-2023 .

Répartition des crédits consacrés à l'agrégat « équipement » entre 2019 et 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

La répartition du « reste à financer », qui atteint plus de 60 milliards d'euros , est rappelée dans le tableau ci-après.

Crédits consacrés à l'agrégat « équipement » par rapport aux besoins estimés

(en milliards d'euros)

Crédits

Besoins estimés

Écart

Programmes à effet majeur

37

59

- 22

Programmes d'environnement et équipements d'accompagnement

13

19

- 6

Entretien programmé des matériels

22

35

- 13

Dépenses d'investissement des infrastructures

7,3

11

- 3,7

Autres

33,2

48,8

- 15,6

Total

112,5

172,8

- 60,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé à la LPM 2019-2025

II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. UNE FIN DE GESTION 2018 AFFAIBLISSANT LA PORTÉE DE L'EFFORT PRÉVU PAR LE PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

Au cours de son audition par votre rapporteur spécial 6 ( * ) , le général de corps d'armée Éric Bellot des Minières, sous-chef d'état-major « plans » à l'état-major des armées, a qualifié la loi de finances pour 2018 d' « antichambre de la LPM ».

Celle-ci prévoyait en effet un effort conséquent en faveur de nos armées (+ 1,8 milliard d'euros par rapport à 2017, à périmètre constant et hors pensions) et amorçait ainsi la remontée en puissance prévue dans la LPM 2019-2025 .

Son exécution conditionne par conséquent en partie la portée de l'effort prévu pour 2019 et revêt dès lors un enjeu réel .

En 2018, le taux de réserve appliqué aux crédits des différentes missions du budget de l'État a été ramené à 3 % s'agissant des crédits hors titre 2 (personnel), contre 8 % en 2017, et maintenu à 0,5 % s'agissant des crédits de titre 2. Le montant de la réserve initiale de la mission « Défense » s'est donc élevé à 898,8 millions d'euros en AE et 762,3 millions d'euros en CP. En début d'exercice, la mission « Défense » a bénéficié de plusieurs reports sur lesquels 15 millions d'euros en AE comme en CP ont été « gelés ».

À la date de présentation du présent rapport, le montant des crédits de la mission « Défense » mis en réserve s'élevait ainsi à près de 914 millions d'euros en AE et plus de 777 millions d'euros en CP , dont 101,4 millions d'euros de titre 2, selon la répartition figurant dans le tableau ci-après.

Crédits de la mission « Défense » mis en réserve

(en millions d'euros)

AE

CP

P. 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

28,2

27,1

P. 146 - Équipement des forces

459,7

357,5

P. 178 - Préparation et emploi des forces

234,3

211,5

P. 212 - Soutien de la politique de défense

191,6

181,3

Total

913,8

777,4

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

Or le montant des surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) et aux missions intérieures (Missint) devrait atteindre 1 373 millions d'euros , soit un écart à la prévision de 623 millions d'euros .

La mission « Défense » devrait bénéficier d'un fonds de concours de 40 millions d'euros du fait de remboursements en provenance de l'ONU .

Au total, les restes à financer s'élèvent donc à 583 millions d'euros .

Le projet de loi de finances rectificative déposé le 7 novembre dernier à l'Assemblée nationale prévoit l'ouverture de 404,2 millions d'euros sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces », gagée par une annulation d'un même montant sur les autres programmes de la mission .

Ouvertures et annulations de crédits de la mission « Défense » prévues par le projet de loi de finances rectificative pour 2018

(en euros)

AE

CP

Ouvertures

Annulations

Ouvertures

Annulations

P. 144 - Environnement et prospective de la politique de défense

20 000 000

20 000 000

P. 178 - Préparation et emploi des forces

404 190 031

404 190 031

P. 212 - Soutien de la politique de la défense

65 000 000

65 000 000

P. 146 - Équipement des forces

319 190 031

319 190 031

Total

404 190 031

404 190 031

404 190 031

404 190 031

Source : projet de loi de finances rectificative

Les modalités de financement du surcoût Opex / Missint seraient donc les suivantes :

- 44 millions d'euros en titre 2 financés sur le programme 212 résultant d'une sous-consommation des crédits de personnel estimée à 155 millions d'euros sur le programme 212 (cf. infra ) ;

- le redéploiement des 111 millions d'euros restant ;

- une ouverture de 404 millions d'euros en PLFR sur le programme 178 ;

- des redéploiements de la réserve de précaution de la mission vers les programmes 178 et 212 à hauteur de 24 millions d'euros.

En d'autres termes, en 2018, à l'exception des 40 millions d'euros de remboursements ONU, l'intégralité du surcoût Opex serait financée sous enveloppe par le ministère des armées , et notamment par le programme 146 « Équipement des forces », en contradiction avec les dispositions de l'article 4 de la LPM actuelle 7 ( * ) .

Or, devant nos collègues de la commission de la défense nationale et des forces armées de l'Assemblée nationale 8 ( * ) , Joël Barre, délégué général pour l'armement, a indiqué que « pour ce qui est de la réserve de précaution, nous avons cette année, contrairement aux années précédentes, non seulement gelé les paiements, mais aussi les engagements. Si une partie de cette réserve venait à n'être pas levée, il n'y aurait donc pas d'impact sur le report de charges, mais les besoins correspondants devront être reportés sur les annuités ultérieures ».

Si les 248 millions d'euros de crédits mis en réserve et non annulés par le projet de loi de finances rectificative ont été dégelés le 13 novembre 2018, il n'en demeure pas moins que les besoins qui n'auront pas pu être financés en 2018 devront être en partie reportés en 2019, affaiblissant la portée de l'effort prévu par le présent projet de loi de finances .

B. LA « SINCÉRISATION » DU BUDGET ENTAMÉE EN 2018 SERA POURSUIVIE EN 2019 MAIS DEMEURE INABOUTIE

1. Des provisions Opex et Missint réévaluées mais dont le montant devrait demeurer inférieur aux surcoûts qui seront effectivement constatés en 2019

Comme le montre le graphique ci-après, au cours des années passées, le montant des surcoûts des Opex a systématiquement dépassé celui de la provision inscrite en loi de finances initiale et dont le niveau était fixé par l'article 4 de la loi de programmation militaire de 2013 9 ( * ) .

En 2017, l'écart à la prévision s'est ainsi élevé à plus d'un milliard d'euros, les surcoûts liés aux Opex et aux Missint ayant atteint 1,5 milliard d'euros, pour une provision fixée à 491 millions d'euros .

Évolution des surcoûts liés aux opérations extérieures
et aux missions intérieures

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après des données du ministère des armées

Or, comme le rappelait votre rapporteur spécial dans son rapport sur le financement des Opex 10 ( * ) , une telle situation n'était pas acceptable dans la mesure où elle remettait en cause la sincérité du budget voté .

La LPM 2019-2025 devrait y mettre progressivement un terme en prévoyant une revalorisation échelonnée du montant de la provision destinée au financement des surcoûts des Opex .

Celle-ci devrait ainsi passer de 450 millions d'euros en 2017 à 1,1 milliard d'euros à compter de 2020 , selon la chronique figurant dans le tableau ci-après.

Évolution de la provision destinée au financement du surcoût des Opex

(en millions d'euros)

2019

2020

2021

2022

2023

850

1 100

1 100

1 100

1 100

Source : article 4 de la LPM 2019-2025

Cet effort de « sincérisation » a été entamé dès 2018, la loi de finances pour 2018 ayant réévalué la provision Opex de 200 millions d'euros , son montant passant de 450 millions d'euros à 650 millions d'euros.

Le présent projet de loi prévoit de prolonger cet effort initié en 2018, en conformité avec les dispositions de l'article 4 de la LPM 2019-2025, en prévoyant une nouvelle hausse du montant de la provision Opex, qui passera de 650 millions d'euros en 2018 à 850 millions d'euros en 2019 .

Par ailleurs, 100 millions d'euros sont prévus en dépenses de personnel au titre du financement des surcoûts liés aux missions intérieures (Missint) , contre 41 millions d'euros inscrits en loi de finances pour 2018 (portés à 100 millions d'euros en gestion).

Si cette évolution, appelée de ses voeux par votre commission des finances, va dans le bon sens, en 2019, le surcoût lié aux Opex devrait une nouvelle fois excéder le montant de la provision inscrit en loi de finances, donnant lieu aux débats récurrents sur ses modalités de financement et, plus généralement, sur le schéma de fin de gestion .

2. Des ressources dont l'équilibre ne repose que sur des crédits budgétaires

L'équilibre de la trajectoire financière inscrite dans la LPM précédente reposait pour partie sur des recettes exceptionnelles (REX) : sur des ressources totales qui devaient atteindre près de 190 milliards d'euros sur la durée de la programmation, le montant des REX était estimé à 6 milliards d'euros , soit 3,2 % du total.

La majeure partie de ces recettes (de l'ordre de 4 milliards d'euros) devait être issue du produit de la vente de la bande de fréquences comprise entre 694 MHz et 790 MHz .

Néanmoins, compte tenu du retard pris par la procédure de cessions des fréquences hertziennes, l'actualisation de 2015 a procédé à une rebudgétisation d'une partie des recettes exceptionnelles .

Sur la période 2015-2019, le montant des REX devait ainsi passer de 4,4 milliards d'euros à un peu moins d'un milliard d'euros .

La trajectoire fixée par la LPM 2019-2025 ne repose quant à elle que sur des ressources budgétaires, les recettes issues de cessions ne venant qu'en complément de celles-ci .

S'agissant plus spécifiquement des cessions immobilières, en 2019, les schémas directeurs immobiliers de base de défense (BDD) devront prendre en compte la nouvelle carte des BDD métropolitaines, dont le nombre sera réduit de 51 à 45 .

Orientations de la politique immobilière du ministère des armées en 2018 et 2019

Les opérations de rationalisation réalisées au titre des schémas directeurs ont réduit l'empreinte immobilière des armées de 62 sites soit 857 ha en 2017 et devraient permettre de poursuivre cette action à hauteur de 82 sites soit 280 ha en 2018 (prévision) et 52 sites soit 200 ha en 2019 (prévision). Le produit espéré de la cession des emprises libérées en 2018 et 2019 est de l'ordre de 100 millions d'euros.

Les principales opérations immobilières de rationalisation en cours concernent :

- l'îlot Saint-Germain, dont la cession de la partie non-conservée par l'État devrait être achevée en 2019 ;

- la base de défense de Rennes, dont les opérations immobilières en cours permettront à leur terme la libération du quartier Foch qui pourra alors être aliéné ;

- la base de défense de Strasbourg-Haguenau, dont les opérations immobilières en cours aboutiront à la libération et à la cession du quartier Turenne ;

- la base de défense de Bordeaux, avec la mise en oeuvre du projet de service du Service de santé des armées qui se traduira par la libération progressive du quartier Robert Piqué, siège de l'hôpital d'instruction des armées ;

- la base de défense de Metz, dont les opérations immobilières en cours conduiront à terme à la libération de deux emprises du centre-ville de Metz (quartier Clemenceau et quartier Asfeld) et à la densification d'emprises existantes ;

- la base de défense de Toulouse, avec l'initiation des mouvements de densification de la caserne Pérignon (regroupement des entités du recrutement et des organismes de soutien), qui permettra la libération à court et à moyen terme de plusieurs emprises.

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

Au total, les recettes issues de cessions immobilières devraient représenter un montant de 44 millions d'euros environ en 2019 , pour un « droit à consommer » s'élevant à 50 millions d'euros.

Opérations intervenues ou prévues en recettes et en dépenses sur le CAS « Immobilier »

(en millions d'euros)

Exécuté 2016

Exécuté 2017

Prévision 2018

Prévision 2019

Ressources

382

322

304

206

dont cessions

192

42

63

44

dont autres

4

22

31

25

dont report

186

258

210

137

Consommation

124

112

160

50

Source : ministère des armées réponse au questionnaire budgétaire

Il convient en outre de rappeler qu'à l'initiative du Sénat, un article 47 a été introduit au sein de la LPM 2019-2025 visant à limiter le champ d'application du dispositif de décote prévu par l'article 3 de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, dite loi « Duflot » 11 ( * ) .

Ce dispositif, qui permet de minorer la valeur vénale des biens cédés d'un taux pouvant atteindre 100 % dès lors que ceux-ci sont acquis en vue de la réalisation de logements sociaux, a notamment été appliqué lors de la vente d'une partie de l'îlot Saint-Germain.

Sur une valeur estimée à près de 86 millions d'euros, ce bien a finalement été cédé le 31 mai 2018 à la ville de Paris pour un montant s'élevant à 29 millions d'euros .

Certes, en contrepartie, les armées bénéficieront de 50 logements -25 au titre du quota prévu par le V de l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques tel que modifié par l'article 3 de la loi du 18 janvier 2013 précité, et 25 autres au titre du contingent préfectoral prévu par l'article R. 441-5 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que le recommandait votre rapporteur spécial dans son rapport sur le parc immobilier des armées 12 ( * ) - néanmoins, rapporté à la perte subie par le ministère, le coût par logement ainsi obtenu s'élève à plus d'un million d'euros .

Au total, le dispositif de décote « Duflot » aura « coûté » au ministère des armées près de 86 millions d'euros .

Opérations réalisées en application du dispositif « Duflot »

Année

Localisation de l'emprise

Nom - Adresse de l'emprise

Valeur vénale

(en euros)

Produit de cession

% de la décote

Montant de la décote

(en euros)

2014

BORDEAUX

59 rue Joseph Brunet

376 200

148 000

60 %

226 200

NANTES

Caserne Mellinet

19 426 954

6 300 000

67 %

13 126 954

PAMANDZI

Jardins de Mayotte

1 125 000

0

100 %

1 125 000

2015

RODEZ

Villa Paraire

106 786

66 390

38 %

40 396

MARSEILLE 04

Ex DIRSEA, 4 rue docteur Acquaviva

920 000

700 000

27 %

220 000

2016

ROQUEBRUNE CAP MARTIN

Av François de Monléon

30 610 450

21 427 315

30 %

9 183 135

TOUL

37/39 rue P. Keller

145 000

60 000

59 %

85 000

KOUROU

Allée des étoiles

909 800

636 860

30 %

272 940

2017

MARCOUSSIS

Le Chêne Rond

2 207 600

717 000

68 %

1 490 600

ANGERS

Rue Général Bizot

340 000

117 000

41 %

223 000

2018

DIJON

7 Place Président Wilson

934 962

336 017

64 %

598 945

LA TRONCHE

24 avenue du maquis du Grésivaudan

4 665 031

2 271 121

51 %

2 393 910

PARIS 07

10 rue Saint Dominique

85 720 000

29 000 000

69 %

56 720 000

TOTAL

147 487 783

61 779 703

85 706 080

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

Votre rapporteur spécial se félicite par conséquent que la mesure prise à l'initiative du Sénat, qui vise à restreindre le champ d'application de la décote « Duflot », dans les zones tendues, aux opérations destinées à la réalisation de programmes de logements sociaux réservés au maximum aux trois quarts aux agents du ministère des armées, à la demande de ce dernier, empêchera qu'une telle opération puisse se répéter dans l'avenir .

3. La cession du Val-de-Grâce, une opération qu'il convient de reconsidérer

La restructuration du service de santé des armées (SSA) et le regroupement de ses services franciliens sur deux sites situés à Bégin à Saint-Mandé et Percy à Clamart, a entraîné la libération par le SSA de la partie hospitalière du Val-de-Grâce 13 ( * ) .

Si la partie historique du Val-de-Grâce - qui comprend la chapelle, les bâtiments abbatiaux et des jardins à la française - n'a pas vocation à être cédée 14 ( * ) , il est prévu que le bâtiment qui abritait l'hôpital moderne soit vendu à l'horizon 2021 , pour un montant estimé à 150 millions d'euros environ .

Or, depuis le 1 er septembre 2018 et le transfert des militaires de l'opération Sentinelle jusqu'alors hébergés au sein de l'îlot Saint-Germain vers le Val-de-Grâce, ce site est devenu la dernière emprise parisienne accueillant des militaires .

Dès lors, sa cession apparaîtrait triplement paradoxale :

- en premier lieu, car Paris, qui concentre la majeure partie du dispositif Sentinelle, et qui constitue la zone présentant le plus de risques, n'accueillerait plus aucun militaire dans ses murs ;

- en deuxième lieu, car le ministère des armées , qui a fait, à juste titre, du plan « Famille » un axe fort de sa politique d'amélioration de la condition du personnel, serait contraint de déplacer ses militaires en périphérie, ce qui pose un enjeu en termes de sécurité et de temps de transport ;

- en troisième lieu, car cette vente priverait le ministère des armées d'une emprise permettant l'hébergement, par exemple, de personnels du SSA, alors que les carrières médicales au sein des armées souffrent d'un grave déficit d'attractivité (cf. infra ).

C'est pourquoi votre rapporteur spécial ne peut une nouvelle fois qu'appeler le ministère des armées à un réexamen du projet de cession du Val-de-Grâce .

4. L'incertitude liée au financement de l'expérimentation du service national universel (SNU) en 2019

Mesure qui figurait dans le programme présidentiel, le service national universel (SNU) poursuit trois objectifs : contribuer à la cohésion sociale et territoriale, permettre une prise de conscience, par chaque génération, des enjeux de la défense et de la sécurité nationale et permettre le développement de la culture de l'engagement.

À la suite du rapport remis le 26 avril 2018 par le groupe de travail dirigé par le général de corps d'armée Daniel Ménaouine au Président de la République, lors du Conseil des ministres du 27 juin 2018, le Premier ministre a présenté les grandes orientations du dispositif, qui comprendra deux phases :

- une première phase obligatoire d'un mois, effectuée aux alentours de 16 ans, qui comportera une période d'hébergement collectif ;

- une seconde phase, prenant la forme d'un engagement, civil ou militaire, d'une durée d'au moins trois mois, sur la base du volontariat .

Une première expérimentation devrait être lancée lors des vacances de la Toussaint de 2019, sans que le format n'en ait été clairement précisé .

Or aucun crédit n'a été inscrit à ce titre dans le présent projet de loi de finances pour 2019, ni sur le budget du ministère des armées, ni sur celui du ministère de l'éducation nationale , auquel il a été adjoint un secrétariat d'État chargé de la jeunesse.

Si le ministère des armées sera très certainement appelé à participer à la mise en oeuvre du SNU , compte tenu de l'expérience qu'il a acquise dans le cadre de la journée défense et citoyenneté (JDC) et de ses savoir-faire en matière de formation de la jeunesse, celle-ci ne devra pas en déstabiliser l'équilibre prévu dans le cadre de la LPM , dans le respect de la disposition introduite à l'initiative du Sénat à son article 3 15 ( * ) .

C. UN BUDGET À « HAUTEUR D'HOMME » ?

1. Une remontée des effectifs conforme à la trajectoire fixée dans la LPM

La LPM 2019-2025 prolonge l'inflexion amorcée par la loi d'actualisation de 2015 16 ( * ) , qui revenait sur une partie des suppressions de postes 17 ( * ) prévue dans la LPM initiale 18 ( * ) , en prévoyant la création de 6 000 postes sur la période .

Trajectoire d'évolution des effectifs du ministère des armées prévue par l'article 6 de la LPM 2019-2025

(en ETP)

2019

2020

2021

2022

2023

Total
2019-2023

2024

2025

Total
2019-2025

+ 450

+ 300

+ 300

+ 450

+ 1 500

+ 3 000

+ 1 500

+ 1 500

+ 6 000

Source : LPM 2019-2025

La moitié de ces créations de postes ira au renforcement des effectifs consacrés à la cyberdéfense (1 500 emplois) et au renseignement (1 500 emplois) .

Répartition des créations de postes prévues entre 2019 et 2025

(en ETP)

Source : commission des finances du Sénat, d'après le rapport annexé à la LPM 2019-2025

Ainsi qu'il l'indiquait dans son rapport pour avis sur le projet de LPM 2019-2025, si votre rapporteur spécial considère qu' il était indispensable de rompre avec la logique déflationniste sur laquelle étaient construites les deux dernières LPM , il ne peut que regretter que, comme en matière budgétaire, l'essentiel de l'effort soit reporté sur le quinquennat suivant, 75 % des créations de postes devant intervenir entre 2023 à 2025 .

Conformément à la trajectoire inscrite à l'article 6 de la LPM 2019-2025 précité, en 2019, le ministère des armées devrait bénéficier de la création de 450 postes , selon la répartition figurant dans le tableau ci-après.

Répartition des créations de postes prévues en 2019

(en ETP)

Renseignement

199

Cyberdéfense

107

Action dans l'espace numérique

22

Sécurité-Protection

47

Infrastructures

- 34

Soutien aux exportations

45

Unités opérationnelles

65

Soutiens interarmées

- 29

Autres

28

Total

450

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

16 créations de postes sont en outre prévues au profit du service industriel de l'aéronautique (SIAé) . En effet, dans le cadre de l'examen du projet de LPM 2019-2025, sur proposition de votre rapporteur spécial, le Sénat avait adopté un amendement 19 ( * ) visant à exclure les effectifs du SIAé de la trajectoire d'évolution des effectifs du ministère des armées, afin d'éviter un éventuel effet d'éviction.

2. Dans un contexte fortement concurrentiel et de remontée des effectifs, la question de la fidélisation des personnels constitue un enjeu de premier ordre
a) Une situation particulièrement critique sur certains métiers

Dans un rapport de septembre 2017, le Haut comité d'évaluation de la condition militaire 20 ( * ) (HCECM) estimait à près de 62 % la part des militaires envisageant de quitter la fonction .

Parmi les facteurs d'incitation au départ, figurent notamment la difficulté de concilier vie privée et vie militaire, l'insuffisance des moyens, la mobilité et les mutations, la rémunération ou encore le rythme d'activité.

Les leviers de fidélisation

Source : Haut comité d'évaluation de la condition militaire, 11 e rapport, « La fonction militaire dans la société française », septembre 2017.

Comme le relève le HCECM, la situation apparaît critique sur certains métiers :

- soit en raison de leur caractère particulièrement exigeant , comme cela est le cas, dans la marine ou l'armée de l'air, pour les fusiliers marins et les fusiliers commandos de l'air, dont les taux de renouvellement des contrats ne s'élèvent qu'à respectivement 50 % et 30 % ;

- soit en raison de la concurrence du secteur civil sur le marché du travail , comme cela est par exemple le cas des spécialistes en maintenance aéronautique, en systèmes d'information et en infrastructure. Lors de son audition 21 ( * ) , Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration, a ainsi indiqué à votre rapporteur spécial que le ministère des armées rencontrait des difficultés à recruter des conducteurs de travaux, compte tenu de la concurrence, notamment salariale, des entreprises de BTP. De même, dans son rapport précité, le HCECM note que « certaines spécialités, notamment en chirurgie, sont soumises à l'attraction du secteur privé qui offre des rémunérations beaucoup plus importantes ».

Ainsi, en 2017, le taux de réalisation des effectifs de chirurgiens orthopédiques n'était que de 87 % . De même, sur un effectif théorique de médecins généralistes dans les centres médicaux des armées s'élevant à 697, seuls 593 ETP étaient recensés .

Cette sous-exécution concerne également certaines spécialités paramédicales telles que les infirmiers de bloc opératoire diplômés d'État ou encore les masseurs kinésithérapeutes .

Au total, il a été indiqué en audition qu'une sous-consommation des crédits de personnel pourrait être constatée en 2018, à hauteur de 155 millions d'euros environ . Votre rapporteur spécial appelle par conséquent le ministère des armées à en analyser précisément les causes afin d'y remédier au plus vite.

b) Une question indissociable de celle de l'amélioration de la situation matérielle des personnels

Comme il a été rappelé supra , la question de la rémunération constitue un facteur important de fidélisation.

Dans son rapport précité, le HCECM relève ainsi que 53 % des militaires estiment que leur engagement n'est pas suffisamment rémunéré .

Afin de mieux prendre en compte les sujétions et le surengagement des militaires, plusieurs mesures ont été décidées lors des conseils de défense du 6 avril et du 3 août 2016 dans le cadre d'un plan d'amélioration de la condition du personnel (PACP), dont le volet financier, mis en oeuvre à compter de 2017, prévoyait en particulier :

- la création de l'indemnité pour absence cumulée (IAC), qui indemnise l'absence du domicile des personnels militaires au-delà de 150 jours sur l'année civile ;

- la transformation de deux jours de permissions complémentaires planifiées (PCP) en indemnité pour temps d'activité et d'obligations professionnelles complémentaires (ITAOPC) ;

- le doublement et l'élargissement du champ de l'indemnité pour sujétion spéciale d'alerte opérationnelle (AOPER) aux personnels mobilisés dans le cadre de la protection des sites et des installations du ministère ;

- la revalorisation du taux journalier de l'AOPER ;

- la monétisation de deux jours supplémentaires de PCP, la revalorisation de l'indemnité de sujétion d'absence du port base (ISAPB) et l'augmentation du contingent ouvrant droit à la prime de haute technicité (PHT).

Le présent projet de loi de finances prévoit de prolonger cet effort. Hors pensions, la dotation destinée aux mesures catégorielles inscrite dans le présent projet de loi de finance s'élèvera ainsi à 131 millions d'euros , dont 106 millions d'euros à destination des personnels militaires, 23 millions d'euros à destination des personnels civils et 2 millions d'euros à destination des gendarmes du ministère des armées.

Facteurs d'évolution des dépenses de personnel

(hors contribution au CAS « Pensions », en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En particulier, le présent projet de loi de finances prévoit la création d'une prime de lien au service (PLS) destinée à renforcer l'attractivité de certains métiers (praticiens du service de santé des armées, métiers sous tension).

La prime de lien au service

La nouvelle prime de lien au service (PLS) remplace 5 primes organisées par 3 décrets antérieurs :

- la prime d'engagement initial (PEI), la prime d'engagement supplémentaire (PS), la prime d'attractivité modulable à l'engagement (PAM) organisées par le décret n° 97-440 du 24 avril 1997 modifié relatif au régime des primes d'engagement attribuées aux militaires non officiers servant sous contrat ;

- la prime de volontariat des sous-mariniers organisée par le décret n° 72-220 du 22 mars 1972 portant création d'une prime de volontariat en faveur des militaires non officiers servant dans les forces sous-marines ;

- et la prime réversible des compétences à fidéliser (PRCF) organisée par le décret n° 2010-79 du 20 janvier 2010 créant une prime réversible des compétences à fidéliser en faveur de certains militaires non officiers à solde mensuelle.

L'objet de la PLS est de contribuer à la constitution et à l'entretien des viviers nécessaires pour répondre aux besoins en ressources humaines des employeurs du ministère. Pour ce faire, elle propose un supplément de rémunération dont on attend :

- soit qu'il améliore des flux entrants quantitativement et/ou qualitativement insuffisants (génération des effectifs - attractivité) ;

- soit qu'il diminue des flux sortants trop importants (préservation des effectifs - fidélisation) ;

- soit qu'il sécurise un vivier existant que l'on souhaite particulièrement préserver.

Elle répond à un constat ou un risque de déficit en personnel militaire. Elle peut être proposée par les gestionnaires de personnels à tout militaire (de carrière ou contractuels, officiers ou non-officier) s'engageant à servir pour une période donnée dans des conditions précisées par le gestionnaire.

La prime est versée en contrepartie d'un engagement à servir qui peut être général (disposition réservée aux militaires sous contrat) ou spécifique (c'est-à-dire au titre d'une spécialité, d'un emploi ou d'une compétence identifié comme présentant un sous-effectif ou un risque de sous-effectif). En cas de rupture de cet engagement par le bénéficiaire, elle fait l'objet d'un remboursement total ou partiel.

Afin d'assurer l'efficience du dispositif, l'attribution de la prime par les gestionnaires fera l'objet d'une politique annuelle visée par la DRH-MD et d'une évaluation de performance a posteriori .

Source : secrétariat général pour l'administration, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Par ailleurs, l'année 2019 verra la reprise du protocole « Parcours professionnels, carrières et rémunérations » qui avait été interrompue en 2018 pour un coût, hors pensions, s'élevant à 87,4 millions d'euros .

La problématique de la fidélisation des personnels dépasse cependant celle de la rémunération. Ainsi qu'il sera rappelé ultérieurement, les conditions de travail et de vie doivent également faire l'objet de la plus grande attention .

À ce titre, l'augmentation des crédits consacrés au plan « famille » (cf. infra ) prévue par la LPM 2019-2025 va incontestablement dans le bon sens .

c) La montée en charge du plan « Famille », un effort bienvenu en faveur de l'amélioration de la condition du personnel

Présenté par la ministre des armées le 31 octobre 2017, le plan « Famille » comprend un ensemble de mesures destinées à améliorer les conditions de vie des personnels du ministère des armées .

Il se décline en six axes :

- mieux prendre en compte les absences opérationnelles ;

- faciliter l'intégration des familles dans la communauté militaire et de défense ;

- mieux vivre la mobilité ;

- améliorer les conditions de logement familial et favoriser l'accession à la propriété ;

- faciliter l'accès des familles à l'accompagnement social du ministère ;

- améliorer les conditions d'hébergement et de vie des célibataires et des célibataires géographiques.

Selon le ministère des armées, 80 % des 46 actions 22 ( * ) de ce plan ont déjà débuté . À la fin de l'année 2018, 70 % d'entre elles devraient en outre être effectives .

57 millions d'euros sont inscrits dans le présent projet de loi de finances au titre du plan « Famille », contre 22,5 millions d'euros en 2018 .

La LPM 2019-2025 prévoit un effort total de 530 millions d'euros en faveur de ce plan sur la durée de la programmation .

Au cours des auditions et des déplacements qu'il a effectués, votre rapporteur spécial a pu mesurer le niveau d'attente des militaires vis-à-vis de ce plan . Il considère par conséquent que sa montée en charge va dans le bon sens et appelle à ce que la trajectoire prévue dans la LPM soit effectivement respectée.

3. Source solde : un déploiement sous haute surveillance, un coût et une durée qui doivent être maîtrisés

Lancé en 1996, le logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois) a connu, depuis sa mise en service en 2011, de graves dysfonctionnements qui n'ont jamais pu être totalement corrigés.

Au total, les surcoûts liés à ces difficultés sont estimés à 156,4 millions d'euros entre 2013 et 2018 .

Au-delà de la question budgétaire, la crise Louvois a été vécue comme un véritable traumatisme par les armées , du fait, dans un premier temps, des moins-versés subis par les militaires, puis, dans un second temps, des remboursements d'indus demandés.

Lors de son audition par votre rapporteur spécial 23 ( * ) , Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration, a rappelé que le montant total des indus versés du fait de l'utilisation du logiciel Louvois s'élevait à 578 millions d'euros au 31 août 2018. Sur ce montant, plus de 83 % ont été notifiés, 16 % ont été prescrits, annulés ou fait l'objet d'une remise par le comptable public. Parmi les indus notifiés, 409,6 millions d'euros ont été recouvrés .

Face aux difficultés rencontrées par Louvois, le précédent ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a annoncé, lors de son discours prononcé à Varces le 3 décembre 2013, sa décision de procéder à son remplacement dans le cadre du projet « Source solde ».

Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le ministère des armées a indiqué à votre rapporteur spécial que « la qualification du calculateur est désormais bien avancée . Les essais de bon fonctionnement ont été réalisés " à blanc " jusqu'en février 2018. La phase de pré-solde en double a ensuite débuté pour valider l'aptitude du système à être mis en oeuvre de " bout en bout ". La prochaine étape décisive sera celle du passage effectif en " solde en double ", qui constitue un test en grandeur réelle. Cette décision de bascule en solde en double pour la marine pour le premier semestre 2019 sera prise mi-novembre par la ministre si les assurances données en termes de fiabilité du calculateur et de qualité de la solde sont suffisantes ».

Le déploiement de Source solde revêt d'importants enjeux.

En premier lieu, il convient que celui-ci ne donne pas lieu à des déboires similaires à ceux connus par Louvois.

En deuxième lieu, il conviendra que ce logiciel soit en mesure de gérer la mise en place du prélèvement à la source à compter du 1 er janvier 2019.

Enfin, en troisième lieu, il devra prendre en charge les modifications liées à la mise en place d'une nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) à l'horizon 2021 , qui, si elle devrait se traduire par une simplification de l'architecture de paye des militaires, présente néanmoins un risque.

Le présent projet de loi de finances prévoit un déploiement de Source Solde à compter de 2019, et non 2018, comme le prévoyait le projet de loi de finances pour 2018 . Celui-ci concernera tout d'abord la marine avant d'être étendu à l'armée de terre en 2020 et au service de santé des armées et à l'armée de l'air en 2021.

Outre les questions liées à la fiabilité de ce logiciel, se posent également celles de sa durée et de son coût de réalisation .

Son développement devrait ainsi prendre 80 mois, contre 60 mois prévus initialement . Selon le projet annuel de performances pour 2019, ce report « fait suite à des difficultés pour finaliser les spécifications fonctionnelles, à la mise en place d'une nouvelle stratégie de qualification avant bascule et à des évolutions d'origine règlementaire ».

Par ailleurs, le coût budgétaire total de Source solde est désormais estimé à 174,8 millions d'euros, contre 108,33 millions d'euros prévus initialement, soit un écart de 66,47 millions d'euros .

Si votre rapporteur spécial partage avec le ministère des armées la volonté que ce logiciel ne soit pas déployé avant d'avoir fait la preuve de sa fiabilité, une explosion de la durée et du coût de Source solde ne serait cependant pas soutenable .

Il continuera par conséquent à suivre avec la plus grande vigilance l'état d'avancement de ce projet.

D. UN BUDGET QUI « RÉPARE » ?

1. Une augmentation limitée des crédits consacrés aux infrastructures, des difficultés à consommer les crédits qui interrogent compte tenu des besoins exprimés

Les crédits consacrés aux infrastructures des armées sont portés par l'action 04 « Politique immobilière » du programme 212 « Soutien de la politique de défense ».

Crédits consacrés à la politique immobilière

(en millions d'euros)

AE

CP

2018

2019

Évolution

2018

2019

Évolution

Fonctionnement et activités spécifiques

318

321

3

318

321

3

Dissuasion

126

92

- 34

114

139

25

Infrastructures de défense

1 672

1 637

- 35

1 312

1 325

13

Total

2 116

2 050

- 66

1 744

1 785

41

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2019, cette action sera dotée de plus de 2 milliards d'euros en AE et de 1,8 milliard d'euros en CP .

À périmètre constant, les moyens consacrés à la politique immobilière du ministère des armées diminueront de 51 millions d'euros en AE et progresseront de 48 millions d'euros en CP .

La baisse prévue en AE concerne notamment l'opération stratégique « dissuasion » (- 34,2 millions d'euros) et correspond à la fin d'un cycle d'engagement lié en particulier aux travaux réalisés sur l'Île Longue .

a) En dépit d'un effort en faveur des infrastructures du quotidien, une dépense qui demeure concentrée sur l'accompagnement des grands programmes d'armement

Dans son rapport sur le parc immobilier du ministère des armées précité, votre rapporteur spécial estimait que l'effort consacré aux programmes d'infrastructure 24 ( * ) et aux opérations technico-opérationnelles 25 ( * ) , considérés comme prioritaires par le ministère des armées, n'avait pu être consenti qu'au prix d'une dégradation des infrastructures du quotidien , compte tenu de l'insuffisance des moyens inscrits dans la précédente LPM.

En 2014, le ministère des armées a réagi en lançant un plan d'urgence, renommé depuis plan « Infra CONDIPERS » (condition du personnel), qui visait à corriger 732 « points noirs » concernant des bâtiments destinés à l'hébergement et à la restauration ou encore des locaux de travail identifiés par le service d'infrastructure de la défense (SID), pour un coût total estimé à 627 millions d'euros .

Selon le ministère des armées, à l'été 2018, 36 « points noirs » ont été annulés du fait de la cession du bien concerné, 579 ont été résolus, 117 restent à traiter, dont 29 devraient l'être d'ici à la fin de l'année 2018 .

Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 36 millions d'euros en AE et 53 millions d'euros CP au titre du plan « Infra CONDIPERS » .

Plus généralement, les crédits consacrés à la maintenance des infrastructures de défense et à leur mise aux normes environnementales s'élèveront à 417,7 millions d'euros en AE (+ 7,2 %) et à 379,4 millions d'euros en CP (+ 11,7 %).

La dotation consacrée au financement des infrastructures de type logements et établissements sociaux et médico-sociaux s'élèvera quant à elle à 76,6 millions d'euros en AE (+ 28,1 %) et à 73,6 millions d'euros en CP (+ 19,5 %), ces crédits comprenant ceux destinés au financement de la partie immobilière du plan « Famille ».

Au total, l'effort en faveur de l'amélioration du parc immobilier apparaît donc limité, les programmes d'infrastructure continuant de mobiliser une part importante des crédits consacrés à la politique immobilière du ministère des armées (40,3 % des AE et 26 % des CP, hors dissuasion) .

789 millions d'euros en AE (+ 49,9 millions d'euros) et plus de 428 millions d'euros en CP (+ 48,4 millions d'euros) seront ainsi consacrés au volet « infrastructure » des grands programmes d'armement . En particulier :

- le programme Barracuda bénéficiera de 412 millions d'euros en AE et 96 millions d'euros en CP ;

- le programme Scorpion sera doté de 85,5 millions d'euros en AE et 54,7 millions d'euros en CP ;

- les programmes A400M, MRTT et Rafale bénéficieront d'une dotation s'élevant à 160,1 millions d'euros en AE et 97,8 millions d'euros en CP.

b) Sur la durée de la programmation, les besoins non-financés en matière d'infrastructures sont estimés à 1,5 milliard d'euros

Dans son rapport sur le parc immobilier du ministère des armées précité, votre rapporteur spécial estimait les besoins non-financés sur la période 2019-2023 à près de 2,5 milliards d'euros .

Dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère des armées reconnaît que l'effort prévu dans LPM 2019-2025 au profit de l'infrastructure ne permettra pas de couvrir l'ensemble des besoins .

Hors dissuasion, 13,5 milliards d'euros devraient ainsi être consacrés à la politique immobilière du ministère des armées . En dépit de cet effort, les besoins non-financés sont estimés à 1,5 milliard d'euros, dont :

- 500 millions d'euros au titre des grands programmes d'infrastructure ;

- 500 millions d'euros au titre des opérations d'adaptation capacitaire de l'armée de terre ;

- 300 millions d'euros au titre de la remise à niveau des aires aéronautiques et des escales de l'armée de l'air ;

- 250 millions d'euros au titre des réhabilitations au profit de la Marine.

Par ailleurs, certains besoins sont susceptibles d'émerger en cours de programmation. Selon le ministère, le risque financier qui leur est associé est estimé à 700 millions d'euros , dont 450 millions d'euros pour des investissements de sécurité-protection informatique et 100 millions d'euros pour le projet immobilier destiné à accueillir les effectifs et les installations dédiés au renforcement des capacités de cyberdéfense .

c) Malgré des besoins massifs, une difficulté à consommer les crédits qui interroge

Au cours des auditions, il a été indiqué à votre rapporteur spécial qu' en 2018 les crédits consacrés à la politique immobilière du ministère des armées pourraient ne pas être intégralement consommés . L'écart à la prévision pourrait atteindre 60 à 100 millions d'euros en CP .

Si, comme l'ont indiqué certaines personnes entendues en audition, ces crédits ont vocation à être in fine dépensés dans le cadre d'opérations non-immobilières, une telle situation, qui rappelle celle constatée en matière de dépenses de personnel, n'est évidemment pas satisfaisante .

Votre rapporteur spécial appelle par conséquent le ministère des armées à identifier rapidement les causes de cette éventuelle sous-consommation afin d'y remédier .

Au regard des besoins significatifs rappelés plus haut et des attentes des personnels du ministère des armées vis-à-vis de cette LPM « à hauteur d'homme », il serait en effet incompréhensible qu'une partie de l'effort prévu en faveur des infrastructures, déjà insuffisant, soit obéré par une incapacité des services du ministère à dépenser les crédits prévus .

2. Une augmentation des dépenses destinées à la maintenance et à la régénération des matériels
a) Une progression importante des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels (EPM)

Au cours de la précédente LPM, les armées ont été confrontées à une forte activité opérationnelle conduisant à une usure accélérée de leurs matériels du fait de la conjonction de deux phénomènes : la suractivité - il est ainsi admis que les contrats opérationnels assignés aux trois armées ont été dépassés de près de 30 % - et la surintensité , du fait de l'élongation des théâtres d'opération et de conditions d'utilisation parfois extrêmes.

Face à cette situation, l'actualisation de la LPM précédente intervenue en 2015 a prévu un effort en faveur de l'entretien programmé des matériels 26 ( * ) (EPM) de 500 millions d'euros réparti à hauteur de 250 millions d'euros en 2016 et 250 millions d'euros en 2017 .

La LPM 2019-2025 prolonge ce mouvement en prévoyant de consacrer 22 milliards d'euros à l'EPM sur la durée de la programmation, soit un montant annuel moyen de 4,4 milliards d'euros (un milliard d'euros en plus par rapport à la précédente LPM).

Évolution des crédits consacrés à l'entretien programmé des matériels

(en millions d'euros)

2018

2019

Évolution

AE

CP

AE

CP

AE

Pourcentage

CP

Pourcentage

Systèmes d'information et de communication et leur environnement

31,85

31,12

41,7

40,88

9,85

30,9 %

9,76

31,4 %

Forces terrestres

957,78

884,05

2 151,52

1 017,40

1 193,74

124,6 %

133,35

15,1 %

Forces navales

1 492,23

1 406,67

3 545,24

1 468,04

2 053,01

137,6 %

61,37

4,4 %

Forces aériennes

2 022,43

1 496,55

3 382,73

1 618,50

1 360,30

67,3 %

121,95

8,1 %

Démantèlement des munitions

12,45

12,18

5,30

5,19

- 7,15

- 57,4 %

- 6,99

- 57,4 %

Total

4 516,74

3 830,57

9 126,49

4 150,01

4 609,75

102,1 %

319,44

8,3 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

En 2019 , les crédits d'EPM connaîtront une hausse exceptionnelle en AE, de plus de 4,6 milliards d'euros (+ 102 %) .

Cette augmentation concernera en particulier le maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques (cf. infra ) et permettra à la nouvelle direction de la maintenance aéronautique (DMAé) de passer des contrats de soutien globaux et pluriannuels , conformément aux orientations prises dans le cadre de la réforme intervenue en 2018.

Les CP consacrés à l'EPM progresseront quant à eux de 320 millions d'euros, passant de 3,83 milliards d'euros en 2018 à 4,15 milliards d'euros en 2019 (+ 8,3 %).

b) La poursuite de la modernisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) des trois milieux
(1) Le MCO aéronautique

Face à la faiblesse des taux de disponibilité technique des aéronefs des trois armées, globalement inférieurs à 50 %, et à une explosion des coûts de maintenance, une importante réforme du MCO aéronautique a été décidée en 2018, dans le prolongement des conclusions du rapport remis par l'ingénieur général de l'armement Christian Chabbert en novembre 2017 27 ( * ) .

Celle-ci se décline en deux axes principaux :

- une réforme de la gouvernance du MCO aéronautique, avec la création d'une direction de la maintenance aéronautique (DMAé) par décret du 18 avril 2018 28 ( * ) , placée sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées, en remplacement de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques du ministère de la défense (Simmad), qui relevait de l'état-major de l'armée de l'air ;

- une simplification du paysage contractuel, avec la mise en place de schémas « verticalisés » , c'est-à-dire la passation de contrats longs et globaux, confiant la responsabilité de la quasi-totalité de la maintenance à un maître d'oeuvre unique. Ces nouveaux contrats devraient tout d'abord concerner les hélicoptères Fennec, Cougar, Dauphin/Panther et Tigre, ainsi que les avions A400M, ATL2 et Rafale .

Ainsi qu'il l'a indiqué dans son rapport sur la disponibilité des hélicoptères du ministère des armées 29 ( * ) , votre rapporteur spécial considère que si cette réforme va globalement dans le bon sens, plusieurs points de vigilance doivent être relevés :

- en premier lieu, les contrats qui seront passés devront s'attacher à ne pas déstabiliser des relations contractuelles existantes et qui donnent satisfaction ;

- en deuxième lieu, un équilibre devra être trouvé entre pluriannualité et nécessaire besoin d'adaptation . Les futurs contrats devront par conséquent ne pas prévoir de marges de fluctuation de l'activité trop faibles, au risque de devoir payer d'importantes compensations à l'industriel en cas de dépassement. À l'inverse, ces marges de fluctuations ne devront pas être excessives, sous peine de devoir payer un coût exorbitant dès le début de l'exécution du contrat . Ce type de schémas verticaux suppose en outre une vigilance sur les marges réalisées par les industriels ;

- enfin, en troisième lieu, la DMAé devra prendre en compte la nécessité de maintenir un lien entre l'industrie et les forces .

(2) Le MCO terrestre

Initiée en 2016, la modernisation du MCO terrestre sera poursuivie dans le cadre de la stratégie « MCO-T 2025 » .

Dans le cadre de cette stratégie, il est prévu une montée en puissance de la maintenance industrielle privée avec la mise en place de marchés de soutien en service intéressant davantage les industriels à la performance du MCO .

Comme le relève de projet annuel de performances pour 2019, « il s'agit de dépasser le cadre de la fourniture de rechanges ou de prestations de maintenance en adjoignant des prestations de maintenance globalisées avec un engagement de disponibilité et/ou un lien avec l'activité (nombre d'heures par exemple), des prestations de supply chain avec obligation de résultats (notamment sur les délais de livraison), des prestations complémentaires de suivi et de traitement des obsolescences (marchés mixtes avec la DGA) », avec pour objectif de garantir les besoins de régénération, de préparer le soutien des équipements du programme Scorpion et d'accompagner le développement des nouveaux contrats.

Cette évolution va dans le sens préconisé par votre rapporteur spécial dans son rapport sur le financement des Opex précité .

Il estimait ainsi qu' « un renforcement du rôle des industriels - qui permettrait de dégager nos forces de certaines tâches - pourrait en outre être envisagé » tout en rappelant la nécessité « de prévoir en amont toutes les phases de l'exécution du contrat et, en particulier, de préparer la fin de contrat : transferts de technologies et de savoir-faire, production suffisante de pièces de rechange pour la constitution de stocks suffisants, etc. » et de mener « un travail approfondi d'expertise des coûts [...] , les logiques des industriels ne correspondant pas toujours aux intérêts de l'État (les entreprises tendant plutôt à privilégier le remplacement de certaines pièces plutôt que leur réparation) ».

(3) Le MCO naval

Un audit , dont les résultats devraient être connus à la fin de l'année 2018 ou au cours du premier semestre 2019, a été lancé afin d'identifier des axes d'amélioration du MCO naval .

Au cours des auditions, il a cependant été indiqué à votre rapporteur spécial que le MCO naval donnait actuellement satisfaction tant en termes budgétaires qu'opérationnels .

Les évolutions à venir du MCO naval devront donc identifier des axes d'amélioration possibles tout en s'attachant à ne pas fragiliser une organisation globalement satisfaisante .

c) Des mesures censées permettre une remontée progressive de la disponibilité et de l'activité

L'augmentation conséquente des crédits consacrés à l'EPM dans le cadre de la LPM 2019-2025 a pour finalité l'amélioration des taux de disponibilité des matériels et donc d'activité et d'entraînement des armées .

Disponibilité des matériels
par rapport aux exigences des contrats opérationnels

Unité

2016

2017

2018

2018

2019

2020

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2018

Prévision actualisée

Prévision

Cible

Armée de terre Char Leclerc

%

83

93

96

96

96

96

Armée de terre AMX 10 RCR

%

66

77

72

72

70

70

Armée de terre VAB

%

77

85

73

73

71

71

Armée de terre VBCI

%

83

84

75

75

75

75

Armée de terre Pièces de 155 mm

%

82

92

75

61

75

75

Armée de terre Hélicoptères de manoeuvre

%

42

40

58

49

57

57

Armée de terre Hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance

%

59

60

66

64

68

68

Marine nationale Porte avions

%

95

27

31

31

95

95

Marine nationale SNA

%

89

69

88

78

68

68

Synthèse autres bâtiments de la marine

%

76

76

80

80

75

75

Marine nationale Composante frégates

%

51

54

53

53

56

56

Marine nationale Chasse

%

73

66

67

67

68

68

Marine nationale Hélicoptères

%

59

51

55

53

53

53

Marine nationale Guet aérien, Patrouille et surveillance maritime

%

57

57

56

52

57

58

Armée de l'air Avions de combat

%

92

92

96

96

100

100

Armée de l'air Avions de transport tactique

%

61

60

80

70

77

81

Armée de l'air Avions d'appui opérationnel

%

86

112

93

95

97

98

Armée de l'air Avions à usage gouvernemental

%

104

90

95

82

93

93

Armée de l'air Hélicoptères de manoeuvre et de combat

%

74

70

85

74

82

85

Source : projet annuel de performances pour 2019

Les prévisions de disponibilité technique opérationnelle (DTO) pour 2019 apparaissent globalement en croissance.

En particulier, les taux de DTO des hélicoptères sont affichés en nette progression : + 8 points s'agissant des hélicoptères de manoeuvre et + 4 points s'agissant des hélicoptères d'attaque ou de reconnaissance de l'armée de terre, + 8 points s'agissant des hélicoptères de manoeuvre et de combat de l'armée de l'air ; et en stabilité s'agissant des hélicoptères de la marine.

Il en va de même s'agissant de la composante « avions » de l'armée de l'air et de la marine .

Cette hausse de la DTO est justifiée dans les documents budgétaires par les conséquences de la réforme du MCO aéronautique intervenue en 2018.

Votre rapporteur spécial rappelle tout d'abord que les taux de DTO correspondent au rapport entre le nombre de matériels disponibles constaté et le nombre nécessaire afin d'honorer le scénario le plus dimensionnant des contrats opérationnels fixés en loi de programmation militaire (LPM) et de garantir la préparation opérationnelle qui en découle. Les taux de disponibilité technique (DT), qui mesurent le nombre d'appareils effectivement disponibles par rapport au parc total, sont en règle générale plus faibles.

Il constate en outre que ces taux, très optimistes, sont proches de ceux déjà retenus en loi de finances pour 2018, qui ont fait l'objet d'un ajustement à la baisse dans le cadre du présent projet de loi de finances .

Il conviendra par conséquent de mesurer la réalité de la DTO de ces matériels lors de l'examen des projets de loi de règlement pour 2018 et 2019 .

Niveau de réalisation des activités et de l'entraînement

Unité

2016

2017

2018

2018

2019

2020

Réalisation

Réalisation

Prévision PAP 2018

Prévision actualisée

Prévision

Cible

Jours d'activités par homme Terre « JPO » (norme LPM : 90)

jours

72

81

81

81

81

81

Taux d'entraînement par équipage sur matériel terrestre

Taux

s.o.

s.o.

s.o.

54

57

59

Heures de vol par pilote d'hélicoptère Terre (dont forces spéciales) (norme LPM : 200/220)

heures

154

168

173

173

160(FC)/175(F S)

160(FC)/179(F S)

Heures de vol par pilote de chasse Air (norme LPM : 180)

heures

163

164

170

159

164

164

Heures de vol par pilote de transport Air (norme LPM : 320)

heures

220

219

280

216

219

219

Heures de vol par pilote d'hélicoptère Air (norme LPM : 200)

heures

164

164

194

178

174

174

Jours de mer par bâtiment Marine (bâtiment hauturier) (norme LPM : 100/110)

jours

92 (107)

90 (102)

99 (108)

99 (106)

91 (96)

91 (96)

Heures de vol par pilote de chasse Marine (pilote qualifié appontage de nuit) (norme LPM : 180/220)

heures

230 (263)

172 (185)

180 (220)

171 (209)

162 (198)

162 (198)

Heures de vol par pilote d'hélicoptère Marine (norme LPM : 220)

heures

224

204

220

195

198

198

Heures de vol par pilote de patrouille maritime Marine (norme LPM : 350)

heures

348

344

340

308

315

315

Niveau d'entraînement cyber

%

s.o.

s.o.

s.o.

s.o.

100

100

Source : projet annuel de performances pour 2019

Par ailleurs, la hausse des taux de disponibilité ne permettra pas une remontée immédiate de l'activité .

Le nombre d'heures de vol par pilote d'hélicoptère de l'armée de l'air et de l'armée de terre devrait ainsi diminuer en 2019 . S'agissant de l'armée de terre, le projet annuel de performances pour 2019 note que la « remontée vers les normes d'activités [...] sera très progressive. Elles ne seront atteintes qu'en 2024, avec un point bas en 2019 et 2020 ». S'agissant de l'armée de l'air, cette baisse résulte du retrait de service de trois Puma en 2019, qui ne sera pas compensé par l'entrée en service de nouveaux appareils.

D'une manière générale, les niveaux de réalisation des activités et de l'entraînement apparaissent très inférieurs aux normes fixées dans la LPM .

Votre rapporteur spécial sera par conséquent extrêmement vigilant à leur évolution dans les années à venir .

E. UN BUDGET QUI « PRÉPARE L'AVENIR » ?

1. Des commandes et des livraisons de matériels qui devraient répondre dans l'ensemble aux besoins des forces
a) Une programmation pour 2018 globalement respectée

Au cours des auditions, votre rapporteur spécial a interrogé les trois armées sur le respect du calendrier de livraisons et de commandes prévu dans le cadre de la loi de finances pour 2018.

Parmi les retards notables , peuvent être cités :

- le report de la livraison d'un hélicoptère Caïman en 2019 ;

- le report en 2019 du lancement de la rénovation de 10 Mirage 2000 D sur 55 prévus ;

- le report de la livraison de 4 missiles MM40 et de 12 missiles Aster 15.

b) Des objectifs de commandes et de livraisons de matériels pour 2019 qui devraient répondre aux besoins des forces

En 2019, les crédits consacrés aux opérations d'armement, hors dissuasion, s'élèveront à 7,1 milliards d'euros, contre 6,79 milliards d'euros en 2019 (+ 310 millions d'euros) . Les principales commandes et livraisons devant intervenir l'année prochaine sont rappelées dans les tableaux ci-après.

S'agissant des livraisons, peuvent notamment être cités : la montée en puissance du programme Scorpion avec la livraison de 89 véhicules blindés multirôles (VBMR) lourds Griffon, dix hélicoptères NH 90, d'un A 400 M, d'un MRTT, deux systèmes de trois drones MALE Reaper, une frégate multi-missions, 8 000 fusils d'assaut HK416F, etc.

Par ailleurs, les principales commandes lancées en 2019 concerneront trois pétrolier ravitailleurs « Flotlog » (flotte logistique), un sous-marin nucléaire d'attaque de type Barracuda, six patrouilleurs outre-mer, dix rénovations de Mirage 2000 D, etc.

Les personnes entendues ont toutes porté un regard positif sur le programme des livraisons et des commandes pour 2019, sous réserve que celui-ci soit effectivement respecté .

Principales livraisons prévues en 2019

Système de forces

Livraisons 2019

6 - Dissuasion

Adaptation au M51 d'un SNLE

7 - Commandement et maîtrise de l'information

1 avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR)

1 système central d'entraînement au combat (CERBERE)

535 équipements portatifs pour les communications numérisées tactiques et de théâtre (CONTACT)

950 tablettes hautement sécurisées TEOTAB

1 avion de guet aérien HAWKEYE mis à niveau

2 systèmes de 3 drones MALE Reaper

26 radars tactiques terrestres MURIN

130 postes d'exploitation rénovés du système d'aide à l'interprétation multi-capteurs SAIM

1 réseau IP de force aéronavale (RIFAN) déployé sur un bâtiment

1 centre de contrôle local d'aérodrome et 3 radars SCCOA

2 systèmes de 5 drones tactiques (SDT)

5 stations navales de communication haut débit par satellite et un téléport COMCEPT

66 stations MELCHIOR et 200 stations rétrofitées

5 sites ROEM stratégique

45 modules projetables du système d'information des armées (SIA)

200 kits de numérisation du système d'information de l'armée de terre (SI TERRE)

8 - Projection mobilité soutien

1 avion de transport A400M Atlas

2 avions C-130J ravitailleurs et 1 avion C-130H modernisé

9 avions pour la formation modernisée et entraînement différencié des équipages de chasse (FoMEDEC)

1 avion ravitailleur Multi-Rôle Transport Tanker (MRTT) Phénix

10 hélicoptères NH90 (2 en version navale et 8 en version terrestre)

500 véhicules légers tactiques polyvalents non protégés (VLTP NP)

1 650 ensembles de parachutage du combattant (EPC)

2 hélicoptères Cougar rénovés

9 - Engagement et combat

8 000 fusils d'assaut de nouvelle génération HK416 F

6 torpilles lourdes ARTEMIS

2 avions rénovés ATL2

8 kits pour missiles Exocet SM39 et 8 missiles EXOCET MM40 Block3C

1 frégate multi-missions (FREMM ASM)

1 er lot de missiles de croisière navals (MdCN) pour BARRACUDA et 3 e lot pour FREMM

50 postes de tir de missile moyenne portée (MMP) et 200 munitions

10 pods de désignation laser de nouvelle génération (PDL NG)

89 véhicules blindés multirôles (VBMR) lourds Griffon

50 véhicules blindés légers (VBL) régénérés

4 hélicoptères Tigre rétrofités HAP-HAD

10 - Protection et sauvegarde

2 bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH)

31 missiles d'interception à domaine élargi (MIDE) Meteor

1 bâtiment multi-missions (B2M)

1 patrouilleur de type PLG (patrouilleur léger guyanais)

48 missiles Aster 30

2 équipements de largage de moyens de récupération en mer SAR (Search and Rescue) pour Falcon 50

Principales commandes prévues en 2019

Système de forces

Commandes 2019

6 - Dissuasion

Pas de commande en 2019

7 - Commandement et maîtrise de l'information

598 véhicules issus du programme d'intégration numérique CONTACT (PIC)

2 avions avec la capacité universelle de guerre électronique (CUGE)

2 systèmes centraux d'entraînement au combat (CERBERE)

2 e système d'information sur l'environnement géophysique (GEODE 4D)

1 charge utile ROEM MALE et 4 systèmes de drones MALE européen

1 radar fixe d'approche

4 terminaux Liaison 16 pour les systèmes de détection et de commandement aéroporté (SDCA)

72 modules projetables du système d'information des armées (SIA)

Incrément 5 de ROEM stratégique

8 - Projection mobilité soutien

3 pétroliers ravitailleurs (FLOTLOG)

9 - Engagement et combat

12 000 fusils d'assaut de nouvelle génération HK416F

1 sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda

10 rénovations d'avions Mirage 2000D

125 postes de tir MMP

120 véhicules blindés légers (VBL) régénérés

un incrément du système d'information du combat SCORPION (SICS)

23 véhicules lourds pour les forces spéciales

10 - Protection et sauvegarde

60 missiles d'interception à domaine élargi (MIDE) Meteor

6 patrouilleurs outre-mer

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les crédits consacrés à la dissuasion s'élèveront quant à eux à 4,45 milliards d'euros contre 4,04 milliards d'euros en 2018 .

Il convient en particulier de noter que les AE de l'action 06 « Dissuasion » du programme 146 « Équipement des forces » sont en augmentation significative (+ 1,8 milliard d'euros) en raison notamment de la poursuite des travaux de développement de la version M51.3 et le lancement des premières productions.

Cette augmentation permettra également de financer les évolutions techniques sur les sous-marins nucléaires lanceurs d'engin (SNLE), les travaux de démantèlement des missiles M45, les investissements et mises à hauteur des installations du port de Cherbourg destinées aux sous-marins nucléaires, ainsi que la poursuite des travaux de préparation du missile ASN4G (air-sol nucléaire de 4 ème génération), successeur du missile de croisière ASMP-A (air-sol moyenne portée améliorée).

2. Une progression des crédits consacrés à la recherche de plus de 180 millions d'euros

Les crédits consacrés à la recherche de défense s'élèveront à 4,86 milliards d'euros en 2019 , en progression de plus de 180 millions d'euros par rapport à 2018.

Évolution des crédits de recherche de défense

(en CP, en millions d'euros)

LFI 2014

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

PLF 2019

Études amont

745,0

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

Recherche et technologie

866,7

863,7

834,5

850,7

854,8

887,4

Développements (P. 146)

1 835,0

2 051,6

2 255,2

3 343,2

3 117,0

3 426,3

Total recherche et développement

3 563,1

3 639,0

3 784,7

4 927,9

4 675,8

4 856,9

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

En particulier, les dépenses relatives aux études amont atteindront 920 millions d'euros en AE et 758 millions d'euros en CP , soit une hausse de 160 millions d'euros en AE et de plus de 35 millions d'euros en CP. Selon le ministère des armées, ces crédits supplémentaires permettront de « lancer la démarche d'accroissement des efforts en termes de captation en cycle court de l'innovation issue du marché civil, d'investissement dans l'innovation de rupture et de réalisation de démonstrateurs, prévue au titre de la loi de programmation militaire 2019-2025 ».

Cette progression s'inscrit en outre dans la trajectoire fixée par la LPM 2019-2025 de les porter à un milliard d'euros en 2022 , contre 730 millions d'euros par an en moyenne dans le cadre de la précédente LPM.

Le soutien à la base industrielle et technologique de défense (BITD) passera en outre par la montée en puissance du fonds « Definvest » créé à la fin de l'année 2017 (cf. encadré ci-après)

Le fonds Definvest

Le 16 novembre 2017, la ministre des armées Florence Parly et Nicolas Dufourcq, président de BPIFrance, ont annoncé la création de Définvest, le fonds d'investissement de défense.

Les entreprises ciblées sont prioritairement des PME dont les innovations, connaissances ou savoir-faire sont essentiels à la performance des systèmes de défense français ou destinés au marché d'exportation de l'industrie française, ou peuvent donner un avantage essentiel à l'industrie de l'armement française.

Le but de ce fonds est ainsi d'intervenir auprès d'entreprises jugées stratégiques pour renforcer leur structure bilancielle, stabiliser leur capital et contribuer à une consolidation de la filière de la défense sur le long terme . La philosophie est d'aider les sociétés à développer leurs projets sans chercher à en prendre le contrôle, mais plutôt à les accompagner sur le long terme et les orienter, si nécessaire, vers d'autres fonds plus importants. La direction générale de l'armement peut servir de caution auprès d'autres investisseurs afin de lever davantage de capital.

Ce fonds doit poursuivre les quatre objectifs suivants :

- l'accompagnement du développement des entreprises innovantes de la filière ;

- l'amélioration de l'attractivité de la filière auprès d'investisseurs privés ;

- la consolidation et la pérennisation de la base industrielle et technologique de la défense ;

- le suivi et l'accompagnement des sociétés dans les évolutions de leur capital.

L'intervention pourra donc prendre la forme d'opérations de capital-risque pour les entreprises jeunes et innovantes ou de capital-développement pour les entreprises établies cherchant à croître. Elle se fera en fonds propres ou quasi-fonds propres, dans une position minoritaire et accompagnée d'autres investisseurs. Les montants investis iront de quelques centaines de milliers à quelques millions d'euros . Le fonds est aujourd'hui doté de 10 millions d'euros par an sur cinq ans .

À ce jour, Définvest a investi dans trois entreprises : Kalray, dans le domaine des microprocessuers, Unseenlabs, dans le domaine de la surveillance maritime par nano-satellites, et Fichou, dans le domaine de l'optique de précision.

Source : ministère des armées, réponse au questionnaire budgétaire

LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté, avec l'avis favorable de sa commission des finances, un amendement du Gouvernement visant à majorer les crédits de la mission « Défense » de 10 093 901 euros afin de « tirer les conséquences sur la mission " Défense " des décisions annoncées lors du rendez-vous salarial du 18 juin 2018, concernant d'une part la revalorisation des indemnités kilométriques et d'autre part de la revalorisation des barèmes des frais de nuitée ». Cette majoration se répartit à hauteur de :

- 8 039 527 euros en AE comme en CP sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » ;

- 2 054 374 euros en AE comme en CP sur le programme 212 « Soutien de la politique de la défense ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le jeudi 8 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Dominique de Legge, rapporteur spécial, sur la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Le budget 2019 constitue la première année de mise en oeuvre de la loi de programmation militaire (LPM) pour les années 2019 à 2025, adoptée il y a quelques mois. Force est de constater que le montant des crédits de paiement, hors pensions, inscrits dans ce budget, 37,9 milliards d'euros, en hausse de 1,7 milliard d'euros par rapport à 2018, est conforme à la trajectoire fixée dans la LPM, dont je ne détaillerai pas ici les limites. Souvenons-nous simplement que l'effort prévu entre 2019 et 2023, qui est réel, est inégalement réparti, la marche la plus importante ne devant être gravie qu'en 2023, soit au début du prochain quinquennat et de la prochaine mandature !

Néanmoins, ne boudons pas notre plaisir, l'effort prévu pour 2019 est bel et bien au rendez-vous et l'augmentation des crédits est importante. Dès lors, ce budget est-il réellement « à hauteur d'homme », selon l'expression utilisée par la ministre ?

S'agissant des effectifs, les engagements sont tenus, avec la création de 450 emplois. La répartition de ces postes est également conforme aux dispositions de la LPM, la majorité d'entre eux étant consacrée au renseignement et à la cyberdéfense.

Face à l'enjeu de fidélisation du personnel et d'attractivité des métiers de la défense, plusieurs réponses sont apportées dans ce budget.

Des mesures de revalorisation salariale seront prises avec notamment la création d'une prime de lien au service, destinée à renforcer l'attractivité de certains métiers tels que celui de praticien du service de santé des armées, ou encore la reprise du protocole Parcours professionnels, carrières et rémunérations.

Si la question salariale est évidemment clé - 53 % des militaires estiment que leur engagement n'est pas suffisamment rémunéré -, elle ne constitue cependant pas l'unique réponse aux enjeux que je viens d'évoquer.

À cet égard, je ne peux que me féliciter de la montée en puissance du plan famille, lancé en octobre 2017 et qui sera doté de 57 millions d'euros en 2019 contre 22,5 millions d'euros en 2018. Ce plan, qui comporte 46 actions dans les domaines de l'hébergement, de la mobilité ou encore dans le champ du social, a suscité une véritable attente auprès des militaires. Il convient par conséquent que ses crédits soient effectivement sanctuarisés et que toutes les mesures puissent être menées à leur terme.

J'ajoute qu'alors que le plan famille fait de la question de l'amélioration des conditions de vie de nos militaires une priorité, il me semblerait paradoxal de poursuivre le projet de cession du Val-de-Grâce, dernière emprise parisienne à accueillir des militaires, qui contraindrait le ministère à héberger ses soldats hors de Paris, ce qui pose un enjeu majeur en termes de sécurité et de transport.

Les mesures que je viens de vous présenter, qui sont évidemment bienvenues, sont-elles suffisantes ? Probablement pas, si j'en crois l'incapacité du ministère à consommer l'intégralité de ses crédits de personnel. La sous-exécution des crédits du titre 2 devrait atteindre 155 millions d'euros en 2018. Cette situation préoccupante s'explique à la fois par un taux de non-renouvellement des contrats élevé et par une difficulté du ministère à recruter dans certains métiers.

Dans le rapport sur le parc immobilier des armées que j'ai établi en 2017, je faisais le constat d'une dégradation progressive de l'état des infrastructures de la défense et, en particulier, de celles du quotidien dédiées à l'hébergement, à la restauration ou à l'entraînement, la priorité étant accordée à l'accompagnement des grands programmes d'armement.

En 2019, les crédits consacrés à la maintenance progresseront de 7 % en autorisations d'engagement (AE) et de 12 % en crédits de paiement (CP) et les dépenses en faveur des logements et des établissements sociaux et médico-sociaux atteindront plus de 76 millions d'euros en AE et près de 74 millions d'euros en CP.

Sur la durée de la programmation, 13,5 milliards d'euros devraient être consacrés aux infrastructures. C'est un effort significatif. Pour autant, le ministère des armées estime à 1,5 milliard d'euros les besoins non satisfaits. Ce sujet constitue donc un point de vigilance auquel nous devrons être attentifs dans les années à venir.

S'agissant de l'entretien programmé des matériels, là encore, une hausse des crédits est prévue en 2019. En particulier, les AE progresseront de plus de 4,6 milliards d'euros par rapport à 2018 afin de permettre, notamment dans le cadre de la réforme mise en oeuvre cette année du maintien en condition opérationnelle aéronautique, la passation de contrats pluriannuels globaux. Cet effort mettra cependant du temps avant de porter ses fruits.

Enfin, ce budget permet-il de préparer l'avenir ? Il m'est difficile de me prononcer sur la conformité du calendrier de commandes et de livraisons par rapport aux objectifs de la LPM, dans la mesure où elle ne fixait que des objectifs finaux, sans les décliner par année... Pour autant, au cours des auditions que j'ai menées, il m'a été indiqué que les commandes et livraisons prévues en 2019 devraient répondre aux besoins de nos forces.

Au total, le budget qui nous est présenté m'apparaît plutôt positif et conforme aux engagements pris. Néanmoins, cette entrée en LPM est hypothéquée par la fin de gestion 2018, qui, pour reprendre expression de l'un de mes interlocuteurs, en constitue l'antichambre.

Or le projet de loi de finances rectificative pour 2018 déposé hier à l'Assemblée nationale est pour le moins inquiétant. Sur un montant total de surcoûts des opérations extérieures et intérieures s'élevant à près de 1,4 milliard d'euros, les restes à financer atteignent 580 millions d'euros et, à l'exception d'un montant de 40 millions d'euros de remboursements en provenance de l'ONU, il est prévu que l'intégralité de ce surcoût soit financée sous enveloppe par le ministère des armées. Ce serait la première fois depuis plusieurs années que le ministère devrait prendre en charge seul, sans solidarité interministérielle, ce surcoût, alors même que l'actuelle LPM fixe un principe très clair de répartition entre les différentes missions du budget de l'État.

Le projet de loi de finances rectificative prévoit ainsi une ouverture de plus de 400 millions d'euros sur le programme 178 « Préparation et emploi des forces » entièrement gagée par des annulations sur les autres programmes de la mission. En particulier, le programme 146 « Équipement des forces » sera fortement mis à contribution, à hauteur de 319 millions d'euros. Le reste sera financé par le titre 2, en lien avec les difficultés de recrutement que j'évoquais tout à l'heure.

En 2017-2018, nous avons déjà connu un épisode de ce type : on nous avait dit que l'annulation de crédits de 850 millions d'euros décidée en 2017 serait compensée en 2018.

À cet instant, trois scénarios se présentent à nous. Si les 250 millions d'euros encore gelés étaient in fine annulés, la bonne application de la LPM serait compromise. En effet, le manque à gagner atteindrait plus de 800 millions d'euros, ce qui remettrait fondamentalement en cause la parole donnée et la possibilité de respecter la LPM votée par le Parlement. Dans ce cas-là, je serais amené à vous proposer de rejeter les crédits de la mission. Si les crédits encore en réserve devaient être dégelés, nous limiterions les « dégâts », mais l'effort prévu par le budget 2019 serait amoindri. Dans cette hypothèse, je vous proposerais l'abstention. Enfin, si par extraordinaire une ouverture de crédits à venir, voire une minoration du montant de l'annulation, devait intervenir dès le stade de l'examen du projet de loi de finances rectificative, ma position pourrait être appelée à évoluer.

Devant ces incertitudes, je vous propose de différer notre vote sur les crédits de la mission « Défense » jusqu'à la réunion d'examen définitif des missions. Nous avons besoin de davantage d'informations et de garanties.

M. Roger Karoutchi . - Vous estimez, s'agissant du Val-de-Grâce, que le ministère des armées aurait intérêt à ne pas céder le site. La partie hospitalière est néanmoins déjà fermée et les autorités renvoient les patients vers d'autres hôpitaux militaires. Le Val-de-Grâce n'est désormais plus qu'un immeuble fantôme dont seuls les bâtiments de l'arrière sont encore occupés. Il semblerait, en outre, que des acheteurs potentiels se soient déjà manifestés et qu'un accord soit en cours avec la Ville de Paris pour ériger un nouveau quartier. Vous semble-t-il, dans ses conditions, encore possible de revenir en arrière ?

M. Éric Bocquet . - Vous nous avez présenté, en juillet dernier, un rapport édifiant sur les hélicoptères : sur 467 appareils, 300 étaient, dans mon souvenir, immobilisés pour défaut de maintenance. Dans le présent projet de loi de finances, les crédits de maintenance bénéficient d'une augmentation significative ; l'effort vous semble-t-il suffisant ? Par ailleurs, 7,1 milliards d'euros devraient être consacrés à l'achat de nouveaux matériels. Pourriez-vous nous préciser le détail des achats prévus et les fournisseurs concernés ?

M. Jérôme Bascher . - Le projet de loi de finances rectificative présenté hier en conseil des ministres prévoit-il une annulation de crédits pour le ministère des armées ?

M. Marc Laménie . - Le logiciel de paie Louvois a connu d'innombrables dysfonctionnements ayant entraîné, selon les estimations les plus pessimistes, des surcoûts à hauteur de 300 millions d'euros. À combien, selon les éléments dont vous disposez, s'élèvent précisément ces surcoûts ? Quels sont, par ailleurs, les moyens humains consacrés à l'opération Sentinelle pour la protection des lieux publics et quel est le coût du dispositif ? Enfin, les contrats de redynamisation des sites de défense, destinés à accompagner la suppression de casernes et de régiments, sont-ils toujours d'actualité ?

M. Thierry Carcenac . - Vos observations relatives à la politique immobilière du ministère des armées, particulièrement intéressantes, nous amènent à réfléchir à la gestion immobilière de l'État dans son ensemble. Dans le rapport spécial que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier, j'ai rappelé que l'application des dispositions de la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement, dite Duflot, entraînerait de considérables coûts de décote - de l'ordre de 4 232 euros par mètre carré - dans le cadre de la vente des bâtiments sis dans l'îlot Saint-Germain. N'existe-t-il pas d'autres moyens de construire des logements sociaux que de brader le patrimoine de l'État à des coûts prohibitifs ? Veillons à ne pas reproduire la même erreur au Val-de-Grâce. D'autres pays ont choisi des options différentes : en Grande-Bretagne, par exemple, des baux emphytéotiques ont été conclus sur des sites prestigieux pour permettre à la fois de financer leur rénovation et de bénéficier des loyers versés. Enfin, dans la perspective de la création prochaine d'un service national universel, serait-il envisageable de loger les jeunes dans certaines casernes ?

M. Antoine Lefèvre . - Vous nous aviez livré, l'an passé, un récit alarmant de l'état de la base navale de Toulon, victime, notamment, de problèmes de plomberie. La situation s'est-elle, à votre connaissance, améliorée ? Quel budget a été, le cas échéant, consacré aux travaux de maintenance ? Je partage votre analyse : il convient d'attendre des précisions du Gouvernement pour voter sur les crédits de la présente mission. Le Président de la République a récemment évoqué la création d'une armée européenne. Quels financements pourraient y être alloués ? S'agissant enfin du service national universel, avez-vous connaissance d'un calendrier de mise en oeuvre et de modalités de financement ?

M. Philippe Dallier . - Je m'interroge également sur la création du service national universel, dont la première cohorte est annoncée en 2019. Quel sera le coût du dispositif et comment sera-t-il financé ? J'approuve votre décision de réserver notre vote sur les crédits de la mission « Défense » dans l'attente de plus amples informations. Je ne puis toutefois imaginer que le Gouvernement renonce à sa promesse d'une meilleure sincérité du financement des OPEX, comme l'évoque votre premier scénario.

M. Vincent Éblé , président . - Il ferait alors preuve d'une indéniable duplicité !

M. Dominique de Legge , rapporteur spécial . - Pour répondre à Roger Karoutchi, de nombreux militaires sont stationnés à Paris dans le cadre de l'opération Sentinelle. Pour les loger, des travaux sont réalisés dans des casernes de banlieue. Mais il leur est conseillé de ne pas prendre les transports en commun. Dès lors, au Fort de l'Est par exemple, ils peuvent difficilement sortir de leur baraquement. Il me semble donc préférable de conserver des capacités d'hébergement intra-muros .

À Éric Bocquet, je répondrai que l'augmentation annoncée des crédits destinés à la maintenance laisse espérer des améliorations, d'autant, même si un changement de structure ne suffit pas, que la réforme du maintien en condition opérationnelle (MCO) intervenue cette année en confiera la responsabilité à une direction placée sous l'autorité directe du chef d'état-major des armées. Alors que la maintenance d'un hélicoptère fait l'objet de multiples contrats applicables aux différentes pièces, un chef de file unique assurera leur cohérence. Cette amélioration, néanmoins, ne sera tangible qu'à compter de 2021 ou de 2022, à la condition supplémentaire que les matériels ne fassent pas l'objet d'une utilisation intensive et permanente. La liste des nouveaux équipements figure, par ailleurs, dans mon rapport, elle semble conforme aux annonces et satisfait les militaires.

J'indique à Jérôme Bascher qu'outre 155 millions d'euros sur le titre 2 d'économies de constatation, 320 millions d'euros sont annulés sur le programme 146 « Équipement des forces ». Dans la mesure où des autorisations d'engagement sont également supprimées, certains investissements s'en trouveront décalés.

Pour répondre à Marc Laménie, dans la perspective du remplacement du logiciel Louvois, le nouveau dispositif Source Solde sera prochainement testé dans la marine. Le fiasco de Louvois a effectivement entraîné des coûts faramineux. Récemment, l'État a ainsi renoncé à demander un trop perçu de 95 millions d'euros. L'opération Sentinelle mobilise actuellement 7 000 soldats, pour une mise à disposition maximum de 10 000 hommes. Le coût des missions intérieures s'établit à 150 millions d'euros. Quant à l'accompagnement de la fermeture des casernes, les programmes prévus se poursuivent.

Je partage l'analyse de Thierry Carcenac, sur les dérives du dispositif Duflot : il n'est pas possible de financer une politique du logement et des dépenses d'équipement des forces armées sur les mêmes crédits. Un amendement a été adopté sur la LPM, afin de réserver la décote dite Duflot lorsque le projet prévoit de réserver des logements sociaux pour les armées : j'y suis favorable. En matière d'immobilier, le ministère des armées fait figure d'exception, car il continue à percevoir des crédits au titre du paiement les loyers budgétaires, afin d'assurer le respect des engagements de la LPM.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur le service national universel. Je puis vous confirmer qu'aucun crédit n'est inscrit dans le budget 2019 à ce titre. Nous verrons l'année prochaine si d'aventure la première cohorte est effectivement lancée... Quant à l'hébergement de ces jeunes dans les casernes, je rappelle que nous rencontrons déjà des difficultés pour loger les militaires affectés aux opérations intérieures. En outre, les besoins en hébergement des jeunes du service national universel pourraient ne pas se trouver en adéquation avec les casernes disponibles.

Pour répondre à Antoine Lefèvre, la plomberie à Toulon fuit toujours, mais des crédits sont inscrits pour des travaux électriques en 2019.

Soyons prudents s'agissant de la création d'une armée européenne. Les États membres de l'Union européenne suivent des règles différentes pour l'engagement de leur armée : seules la France et la Grande-Bretagne peuvent agir sur la décision unilatérale du chef de l'État sans accord préalable du Parlement - la situation diffère ailleurs, notamment en Allemagne - et disposent de forces de projection, même si certains pays européens peuvent être amenés à accompagner logistiquement des OPEX. Certes, quelques initiatives industrielles, concernant en particulier l'avion et le char du futur, ont été engagées, mais la solidarité demeure fragile : la Belgique, récemment, a choisi d'acquérir des avions américains. La question est hautement politique et devrait faire l'objet d'un débat au printemps 2019. Même si les mentalités évoluent en faveur d'une meilleure coopération, n'oublions pas que de nombreux États membres estiment que leur sécurité dépend avant tout de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).

M. Vincent Éblé , président . - Le rapporteur spécial nous propose donc de réserver le vote sur les crédits de la mission « Défense » dans l'attente que les incertitudes qu'il a relevées soient levées par le Gouvernement.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de réserver sa position sur les crédits de la mission « Défense ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 22 novembre 2018, sous la présidence de M. Vincent Éblé , président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

- Mme Florence PARLY, ministre des armées.

Secrétariat général pour l'administration du ministère des armées

- M. Jean-Paul BODIN, secrétaire général pour l'administration ;

- Colonel Franck MOLLARD, chef du cabinet.

État-major des armées

- Général de corps d'armée Éric BELLOT des MINIÈRES, sous-chef d'état-major « Plans » ;

- Contre-amiral Xavier BAUDOUARD, chef de la division « Pans, programmation et évaluation » ;

- Colonel Christophe DESRAYAUD, chef du bureau « Synthèse, performance du MCO aéronautique ».

État-major de l'armée de terre

- Général de division Hervé GOMART, sous-chef « Performance synthèse » ;

- Colonel Damien de MARSAC, chef du bureau « Programmation, finances et budget » ;

- Lieutenant-colonel Sébastien BOTHERON, chef de la section programmation ;

- Lieutenant-colonel Jobic LE GOUVELLO de LA PORTE, officier en charge des relations parlementaires.

État-major de la marine

- Amiral Christophe PRAZUCK, chef d'état-major de la marine ;

- Capitaine de vaisseau Laurent BECHLER, responsable du bureau « finances » ;

- Capitaine de vaisseau Antoine VIBERT, officier « Liaisons parlementaires », au cabinet du chef d'état-major de la marine ;

- Capitaine de frégate Julien LALANNE DE SAINT-QUENTIN, officier rédacteur du chef d'état-major de la marine.

État-major de l'armée de l'air

- Général d'armée aérienne Philippe LAVIGNE, chef d'état-major de l'armée de l'air ;

- Colonel Olivier SAUNIER, chargé des relations parlementaires.

Direction du budget

- M. François DESMADRYL, sous-directeur de la 5 e sous-direction ;

- M. Louis d'HUMIÈRES, chef du bureau « Défense et mémoire ».


* 1 Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

* 2 Loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022.

* 3 Projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, avis n° 473 (2017-2018) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, déposé le 15 mai 2018.

* 4 Audition du 16 octobre 2018.

* 5 Son article 7 prévoit ainsi que « la présente programmation fera l'objet d'actualisations, dont l'une sera mise en oeuvre avant la fin de l'année 2021 . Cette dernière aura notamment pour objet de consolider la trajectoire financière et l'évolution des effectifs jusqu'en 2025. Ces actualisations permettront de vérifier la bonne adéquation entre les objectifs fixés dans la présente loi, les réalisations et les moyens consacrés. Ces actualisations permettront également de vérifier l'amélioration de la préparation opérationnelle et de la disponibilité technique des équipements et fixeront des objectifs annuels dans ces domaines ».

* 6 Audition du 17 octobre 2018.

* 7 « La dotation annuelle au titre des opérations extérieures est fixée à 450 millions d'euros. En gestion, les surcoûts nets, hors titre 5 et nets des remboursements des organisations internationales, non couverts par cette dotation qui viendraient à être constatés sur le périmètre des opérations extérieures font l'objet d'un financement interministériel ».

* 8 Audition du 10 octobre 2018.

* 9 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 10 Le financement des opérations extérieures : préserver durablement la capacité opérationnelle de nos armées, rapport d'information de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, n° 85 (2016-2017) - 26 octobre 2016.

* 11 Loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social.

* 12 Le parc immobilier des armées : quand l'intendance ne peut plus suivre, rapport d'information n° 661 (2016-2017) de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances - 19 juillet 2017.

* 13 Les activités hospitalières du Val-de-Grâce ont pris fin le 30 juin 2016. Après des travaux de démantèlement des installations, l'emprise a été effectivement libérée le 30 juin 2017.

* 14 Dans sa réponse au questionnaire budgétaire, le ministère des armées rappelle ainsi que la partie historique « continuera à héberger l'école du Val-de-Grâce qui assure la formation initiale et continue ainsi que la préparation opérationnelle de l'ensemble du personnel du service de santé des armées, l'inspection, le musée et la bibliothèque centrale du service de santé des armées. Ce dernier y installera également le service de direction de la formation, de la recherche et de l'innovation en août 2018 ainsi que la direction des hôpitaux en 2023 ».

* 15 « Ces ressources ne comprennent pas l'éventuel financement d'un service national universel : celui-ci aura un financement ad hoc qui ne viendra en rien impacter la loi de programmation militaire ».

* 16 Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.

* 17 La LPM 2014-2019 initiale prévoyait la suppression de 33 675 postes. Ce nombre a été abaissé une première fois par la loi d'actualisation de 2015 (14 925 postes), puis par deux fois, lors du conseil de défense d'avril 2016 (4 925 postes) et par la lettre-plafond 2018-2022 (4 357 postes).

* 18 Loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale.

* 19 http://www.senat.fr/amendements/commissions/2017-2018/383/Amdt_COM-122.html.

* 20 Haut comité d'évaluation de la condition militaire, 11 e rapport, « La fonction militaire dans la société française », septembre 2017.

* 21 Audition du 18 octobre 2018.

* 22 Parmi ces mesures, peuvent notamment être cités : l'augmentation du nombre de places en crèche, l'élargissement et la simplification de l'offre de prestations sociales pendant l'absence en mission, un accès facilité au soutien psychologique, la facilitation des démarches administratives pendant l'absence du conjoint, l'extension du bénéfice de la carte famille SNCF, la poursuite de la politique d'optimisation de la mobilité, l'augmentation de 660 logements de l'offre en métropole, l'amélioration de l'état du parc de logements, l'augmentation de 410 places de l'offre d'hébergements en Île-de-France, l'extension du Wifi gratuit, etc.

* 23 Audition du 18 octobre 2018.

* 24 Opérations d'infrastructure liées aux grands programmes d'armement.

* 25 Opérations de création ou d'adaptation d'un ouvrage destiné à la mise en oeuvre d'un équipement opérationnel (piste de base aérienne, atelier de maintenance spécifique, etc.) ayant un impact sur la capacité opérationnelle l'entité concernée.

* 26 L'entretien programmé des matériels (EPM) recouvre les besoins nécessaires à la réalisation ou à l'acquisition de prestations de maintenance, hors rémunérations et charges sociales, afin de générer de la disponibilité pour le matériel considéré.

* 27 Rapport de mission sur le MCO aéronautique, rapport remis à la ministre des armées, Christian Chabbert, novembre 2017.

* 28 Décret n° 2018-277 du 18 avril 2018 fixant les attributions de la direction de la maintenance aéronautique.

* 29 Le parc d'hélicoptères des armées : une envolée des coûts de maintenance, une indisponibilité chronique, des efforts qui doivent être prolongés, rapport d'information de Dominique de Legge, fait au nom de la commission des finances, n° 650 (2017-2018), 11 juillet 2018.

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