LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DE LA CULTURE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA COMMUNICATION

Réunie le mercredi 16 janvier 2019 sous la présidence de Mme Catherine Morin-Desailly, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication a examiné la proposition de loi n° 705 (2017-2018) tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse.

Sur le rapport de M. David Assouline, elle a adopté 14 amendements.

Les principales modifications apportées ont eu pour objet de rendre plus effectifs ces droits en rapprochant le texte de la proposition de loi de la directive actuellement en discussion.

- Précisions juridiques sur le champ des contenus concernés, désormais définis comme des publications de presse , et sur les entités appelées à contribuer au titre du droit voisin, les services de communication au public en ligne (article 2 et 3)

- Abaissement de la durée des droits à vingt ans, contre cinquante dans le texte initial (article 2).

- Alignement du régime des sociétés de gestion sur le droit commun et regroupement au sein d'un même chapitre du code de la propriété intellectuelle (article 3).

- Obligation d'une négociation collective dans les entreprises de presse pour associer les auteurs, journalistes et photographes, aux revenus supplémentaires générés par les droits voisins (article additionnel après l'article 3).

- Précisions sur les conditions d'entrée en vigueur de la loi (article 4)

- Mesures de coordination avec divers articles du code de la propriété intellectuelle (articles additionnels après l'article 3).

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Les débats qui agitent nos sociétés démocratiques depuis maintenant plusieurs années sont marqués par la violence des propos, le refus du débat et une forme généralisée de défiance à l'encontre des institutions. Dès lors, il est primordial de rappeler et de défendre le caractère essentiel pour la vitalité et la qualité du débat démocratique d'une information indépendante, pluraliste et produite de manière professionnelle .

Cependant, l'irruption d'Internet a doublement fragilisé l'équilibre fragile de la presse, héritage en France de la Libération. Internet a, d'une part, mis toutes les opinions et tous les points de vue sur un même plan, sans hiérarchisation ni classification, dévalorisant par là-même la parole des journalistes . Le réseau a, d'autre part, contribué à assécher les sources de financement des éditeurs et des agences de presse, qui subissent une crise économique sans précédent.

Dans ce contexte est parue une tribune du grand reporter Sammy Ketz le 27 août dernier sur le site de l'AFP et dans diverses publications. Intitulée « Droits voisins : une question de vie ou de mort », elle était cosignée par plus de cent journalistes de 27 pays . Il s'agit d'une adresse, une supplique pourrait-on dire, aux députés européens pour les presser d'adopter enfin la directive sur les droits d'auteur alors - et encore - en discussion, en particulier son article 11 instituant un droit voisin des éditeurs et des agences de presse au niveau européen.

Le titre comme le propos de cette tribune ont résonné dans les opinions publiques partout en Europe et elle a certainement contribué à inverser le vote du Parlement européen qui, le 12 septembre 2018, s'est finalement prononcé en faveur de cette disposition.

La presse n'est pas un secteur économique comme un autre . Elle porte des valeurs qui sont celles de nos démocraties, et en constitue une condition essentielle. Votre rapporteur, également auteur de la présente proposition de loi, mène depuis des années un combat pour conforter l'indépendance et le pluralisme de la presse . Il n'a donc pu qu'être sensible à ces propos de Sammy Ketz : « De nombreuses fois, j'ai rencontré des gens assiégés, isolés, sans défense, qui demandaient seulement une chose: "racontez ce que vous avez vu, ainsi nous aurons une chance d'être sauvés". Dois-je leur dire: "Non, perdez vos illusions, nous sommes les derniers journalistes, bientôt vous n'en verrez plus car ils vont disparaître faute?de moyens?? ».

Jamais les informations n'ont été si présentes dans le monde . De n'importe où, les citoyens européens consultent en temps réel, par le biais de leurs ordinateurs ou téléphones mobile des nouvelles qui arrivent en flux continu. Il s'agit là d'un progrès considérable . Pour autant, cette abondance d'informations, voire ce besoin d'informations dans un monde de plus en plus complexe, va de pair avec une paupérisation générale de la presse en France et en Europe . Alors même que la technologie met l'information à portée de tous, elle se retrouve littéralement « sans prix ».

La raison en est connue. La valeur créée par les journalistes et les éditeurs se trouve captée par les grands acteurs de l'Internet , qui profitent, indument pourrait-on dire, d'une position de quasi-monopole dans l'accès aux informations. La Commission européenne a initié, dans le cadre de la réforme du droit d'auteur, une réponse avec un projet de directive dont l'article 11 prévoit la création au niveau européen d'un droit voisin pour les éditeurs et les agences de presse leur offrant enfin la capacité juridique de faire respecter leurs droits . Cependant, au même titre que l'article 13 sur les contenus audiovisuels, cette disposition s'est avérée controversée et les négociations ne sont pour le moment pas achevées.

Dès lors, il a paru pertinent aux auteurs de la proposition de loi, dont votre rapporteur, d'inscrire à l'ordre du jour du Sénat l'examen d'une proposition de loi inscrivant ces deux nouvelles catégories de droits voisins dans notre droit national .

Cette proposition de loi, sur laquelle votre rapporteur souhaite rassembler le plus large consensus, pourra en fonction de l'état des négociations renforcer la position française en marquant bien l'engagement du Parlement, accélérer la transposition de la directive, ou bien constituer précisément une réponse nationale devenue indispensable.

Elle pourrait surtout constituer, en France, mais également en Europe, la première pierre d'un droit essentiel pour le XXI e siècle , celui pour les éditeurs et les agences de presse d'être rétribués à la hauteur de leurs investissement et, de là, pour la démocratie dans son ensemble, de bénéficier d'une presse rénovée, condition essentielle de la vitalité du débat .

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