II. UNE PROPOSITION DE LOI TENDANT À « CRÉER UN STATUT DE L'ÉLU COMMUNAL »

La proposition de loi créant un statut de l'élu communal , aujourd'hui soumise à l'examen du Sénat, répond au même objectif - même si, comme l'indique son intitulé, elle se limite pour l'essentiel aux conditions d'exercice des mandats municipaux. Selon l'exposé des motifs, « prendre au sérieux l'idée de décentralisation, ce serait d'abord reconnaître symboliquement l'importance de la mission de ceux qui administrent et donnent vie à la commune ».

A. UN CHANGEMENT DE PARADIGME : VERS LA PROFESSIONNALISATION DES MANDATS COMMUNAUX

Le principe de gratuité des fonctions électives, consacré en droit positif par la loi municipale du 5 avril 1884, est profondément enraciné dans la culture politique française. L'élu n'est pas un professionnel, mais il rend un service à la collectivité. Il n'est donc ni rémunéré, ni gratifié, mais se voit compenser son engagement bénévole par une prise en compte des charges inhérentes à l'exercice de son mandat. Cette compensation doit toutefois couvrir l'ensemble des frais liés aux mandats, dépenses et sujétions, ceci afin de garantir l'accès du plus grand nombre aux fonctions électives.

L' article 1 er de la proposition de loi vise toutefois à supprimer ce principe de gratuité en ce qui concerne les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal et, par extension, les autres mandats et fonctions exécutives locaux. Dans la même logique, serait ajoutée une disposition déclaratoire proclamant l'existence d'un « statut de l'élu territorial », qui découlerait de l'organisation décentralisée de la République.

Ce changement de paradigme ne paraît pas justifié à votre commission, qui a considéré que le principe du bénévolat des élus locaux devait être conservé . Elle a notamment souligné que plus des deux tiers des élus ne percevaient encore aujourd'hui aucune indemnité.

B. GARANTIR DE MEILLEURES CONDITIONS D'EXERCICE DES MANDATS LOCAUX

1. Assurer la disponibilité des candidats et des élus

Les auteurs de la proposition loi estiment également nécessaire de renforcer les garanties offertes aux candidats aux élections municipales et aux conseillers municipaux, lorsqu'ils sont salariés, pour leur permettre de participer effectivement à la campagne électorale puis, le cas échéant, à l'administration de leur commune.

À cet effet, l' article 2 prévoit d'abaisser de 1 000 à 500 habitants le seuil de population des communes au-delà duquel les candidats aux élections municipales ont droit à un congé électif de dix jours pour participer à la campagne. Quoique cette proposition ne se heurte à aucune objection de principe, votre commission a émis des réserves à l'idée d'alourdir les charges qui pèsent sur les entreprises françaises et notamment les plus petites d'entre elles.

Le même article 2 tend à reprendre dans le code du travail les dispositions du code général des collectivités territoriales relatives aux autorisations d'absence des conseillers municipaux et aux crédits d'heures dont ils peuvent bénéficier, ce qui, pour des raisons de lisibilité et de cohérence du droit, n'a pas paru opportun à votre commission.

2. Renforcer la formation des élus communaux

Afin de renforcer l'offre de formation à destination des élus municipaux, l' article 3 propose, d'une part, d'étendre aux communes de 1 000 à 3 500 habitants l'obligation d'organiser une formation à l'intention des élus ayant reçu délégation au cours de la première année du mandat, d'autre part, de créer un fonds national pour la formation des élus locaux, qui aurait pour objet de financer des actions de formation complémentaires dans les collectivités de moins de 3 500 habitants.

Votre commission ne peut qu'approuver la volonté de renforcer la formation des élus à l'exercice de leur mandat, en particulier dans les petites communes qui ne disposent pas de services juridiques. Le mécanisme de financement proposé semble toutefois porteur d' effets contre-productifs. Ce fonds serait en effet financé par les crédits de formation non consommés à l'issue d'un exercice budgétaire. Les communes disposent toutefois d'une grande liberté quant au montant qu'elles décident d'inscrire à leur budget au titre des dépenses de formation. Avec une mutualisation des crédits inscrits non consommés, les communes seraient incitées à budgéter au plus juste leurs dépenses de formation, ce qui pourrait aboutir in fine à une réduction des possibilités dont disposent les élus locaux pour se former.

3. Améliorer les conditions matérielles des mandats locaux

Afin d'améliorer les conditions matérielles d'exercice du mandat, la proposition de loi suggère trois axes d'action.

Est tout d'abord proposée une augmentation conséquente des indemnités de fonction des maires ( article 4 ) : les indemnités des élus des plus petites communes feraient plus que doubler, tandis que le maire ne pourrait plus demander à ce que son indemnité soit diminuée. En outre, une majoration indemnitaire serait accordée aux maires des communes de moins de 10 000 habitants ayant cessé leur activité professionnelle pour se consacrer à leur mandat. De telles dispositions ont semblé à votre commission devoir faire l'objet d'une étude d'impact et d'une concertation approfondies afin d'examiner leur opportunité et leur faisabilité.

L' article 5 propose quant à lui « d'étendre le remboursement des frais de garde d'enfants ou d'assistance aux personnes âgées ou handicapées aux élus municipaux », ce qui ne fait que reprendre des dispositions déjà en vigueur.

Enfin, l' article 6 concerne le régime fiscal et social auquel sont soumis les élus locaux. Il vise tout d'abord, selon l'exposé des motifs de la proposition de loi, à rétablir le choix du mode de fiscalisation dont disposaient les élus avant 2017. De la manière dont il est rédigé, c'est toutefois toute la fiscalité sur les indemnités des élus qui serait supprimée. Il tend ensuite à revaloriser l'indemnité représentative de frais d'emploi et à exclure les crédits d'heures des revenus pris en compte pour l'attribution des prestations sociales. Ces deux dernières propositions ont semblé à votre commission devoir être approfondies, ce qui suppose notamment de recenser les difficultés concrètes auxquelles elles proposent de répondre et de dresser le bilan des récentes évolutions législatives en la matière.

4. Limiter le risque pénal pesant sur les élus

L' article 8 de la proposition de loi aborde le sujet important de la responsabilité pénale des élus et des autres dépositaires de l'autorité publique.

Il tend, tout d'abord, à inscrire dans notre droit une nouvelle cause d'irresponsabilité pénale, liée à l'autorité des fonctions exercées par l'auteur des actes mis en cause. Cette proposition a paru à votre commission reposer sur une confusion . S'il est normal que la responsabilité d'une personne ne puisse être mise en cause lorsqu'elle n'a fait qu'obéir au commandement d'une autorité légitime - comme le prévoit déjà l'article 122-4 du code pénal - nul ne saurait se prévaloir de l'autorité de sa propre fonction pour échapper à sa responsabilité pénale en cas de commission d'une infraction.

L'article 8 prévoit également de redéfinir les délits de prise illégale d'intérêts et de favoritisme, afin de prémunir les élus et les autres agents publics contre tout risque de condamnation pour des faits qui ne mettent pas en cause leur probité. Les rédactions proposées reprennent, en tout ou partie, des dispositions déjà adoptées par le Sénat mais restées sans lendemain. À la suite de notre délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, votre commission appelle à poursuivre la réflexion pour mieux adapter notre législation pénale aux comportements qu'elle vise à réprimer et pour renforcer la sécurité juridique des élus.

Page mise à jour le

Partager cette page