II. UN NOUVEAU TRAITÉ POUR FAIRE FACE AUX ENJEUX DU XXIE SIÈCLE

Par la signature du traité d'Aix la Chapelle, négocié en 2018 et signé le 22 janvier 2019, l'Allemagne et la France ont exprimé l'intention de répondre ensemble aux grands défis politiques, économiques, environnementaux, sociaux et technologiques du XXI e siècle, tout en garantissant la sécurité de l'Europe face à toutes les menaces (terrorisme, cyber, etc.) et en défendant des valeurs démocratiques aujourd'hui en recul.

Pourtant, force est de constater que, par son contenu, le traité d'Aix-la-Chapelle, n'a pas la dimension historique du traité de l'Élysée de 1963 . Il reste limité dans son ambition, marqué par toute une série de réserves, et il a finalement un contenu moins concret que le traité de 1963.

Le texte comporte toutefois une série de points positifs et d'avancées modérées qu'il convient de souligner.

A. DES AVANCÉES MODESTES MAIS INCONTESTABLES DANS CERTAINS DOMAINES

1. Replacer stratégiquement le couple franco-allemand au coeur du projet européen

La première vertu de ce texte est, de manière stratégique, de resituer le couple franco-allemand comme nécessaire à l'Europe et en particulier à sa sécurité . Les considérants du Traité soulignent ainsi que l'amitié étroite entre la France et l'Allemagne a été déterminante et « demeure un élément indispensable d'une Union européenne unie, efficace, souveraine et forte ».

Dès lors, la France et Allemagne s'engagent notamment à « à renforcer la capacité d'action de l'Europe » et à « investir conjointement pour combler ses lacunes capacitaires » dans des projets industriels.

Le traité d'Aix-la-Chapelle apparaît ainsi en pleine cohérence avec le souhait des deux pays de réaffirmer l'importance de la solidarité européenne face à la dégradation du multilatéralisme, à la montée des politiques de puissance et au recul des valeurs démocratiques.

2. Favoriser une approche stratégique et opérationnelle commune aux deux pays

Malgré les évolutions récentes de la vision allemande des relations internationales et de la défense, les approches respectives de l'Allemagne et de la France en la matière restent différentes . La France accorde une importante centrale à l'indépendance stratégique, à des interventions extérieures (OPEX) qui traduisent une prise de responsabilité cohérente avec la qualité de l'outil de défense français, à l'Afrique et Moyen-Orient. Pour sa part, l'Allemagne accorde traditionnellement la primauté à l'OTAN et à sa relation transatlantique, aux missions civiles et, concernant les menaces, à la façade Est de l'Union européenne.

Il faut donc saluer la volonté « d'instaurer une culture commune » annoncée par l'article 4 (alinéa 3) du Traité . Cet objectif de rapprochement des cultures militaires, devant faciliter les déploiements conjoints et complémentaires de nos forces armées , devrait d'ailleurs être étendue à d'autres pays européens par le biais de l'Initiative européenne d'intervention lancée en juin 2018 (cf. en cadré ci-dessus).

Sur le plan opérationnel, les initiatives conjointes entre la France et l'Allemagne ont jusqu'à présent été limitées : la création de la brigade franco-allemande était avant tout symbolique. Les doctrines d'intervention sont différentes. Même si Français et Allemands se retrouvent souvent sur les mêmes terrains (Afghanistan, Mali...), ce sont souvent des déploiements juxtaposés et non conjoints, où la France est dans le haut du spectre de l'intervention militaire et l'Allemagne dans une dimension plus logistique. En réalité, le seul déploiement conjoint actuel consiste dans l'intégration de forces françaises à une brigade allemande à l'occasion des opérations de réassurance avec les États baltes et la Pologne en 2018.

Votre commission souhaite donc tout particulièrement soutenir l'ambition affichée par le traité dans ce domaine en espérant arriver rapidement à des résultats concrets .

3. Vers davantage de programmes de défense communs ?

Autre aspect positif, l'article 4(3) du traité promeut des « programmes de défense communs ». Dans ce domaine, malgré un certain nombre d'avancées, les difficultés restent importantes et l'impulsion donnée par le traité est donc bienvenue.

a) Les réussites passées

Les difficultés actuelles des programmes conjoints ne doivent d'ailleurs pas faire oublier que l'Allemagne et la France partagent déjà une histoire commune importante en matière de programmes en coopération depuis la signature du traité de l'Élysée en 1963 : missiles MILAN en 1963 ainsi que missiles Hot et Roland, avions C-160 Transall en 1964, avions Alphajet en 1972, hélicoptères NH90 (2000) et Tigre (2005), avion de transport A400M (2013), radar de contre batterie COBRA, missile METEOR (2016)...

b) Une volonté affichée de s'attaquer aux lacunes capacitaires

L'article 4 précise que « les deux États s'engagent à investir conjointement pour combler « les lacunes capacitaires » de l'Europe. Les lacunes capacitaires européennes sont évaluées régulièrement à titre national et au niveau européen par le biais de la « Revue annuelle coordonnée de défense » dite « CARD » (Coordinated annual review on defence). Mis en place dans le cadre de l'Agence européenne de défense (AED) en 2017, ce processus repose sur la synthèse des données fournies par les États membres concernant leurs planifications de défense et leurs activités opérationnelles. La CARD vise également à améliorer la cohérence avec les résultats du Processus OTAN de planification de défense. Le premier rapport de la CARD a été présenté au comité directeur de l'AED le 20 novembre 2018. À titre d'exemple, le transport aérien stratégique figure au rang des lacunes européennes régulièrement identifiées.

c) Les coopérations en cours

Le Conseil Franco-Allemand de Défense et Sécurité (CFADS) du 13 juillet 2017 a établi une nouvelle feuille de route déclinant de nombreux projets .

(1) La coopération dans le domaine spatial

La France et l'Allemagne coopèrent depuis 2002 dans le domaine de l'observation par satellite dans le cadre des accords de Schwerin, qui prévoient un échange capacitaire d'images entre le système français d'imagerie optique Hélios 2 et le système allemand d'imagerie radar SAR-Lupe. Un accord détaillant cette coopération a été signé le 10 juillet 2015 par le Délégué général pour l'armement et la Secrétaire d'état à la défense allemande pour élargir la coopération aux satellites de nouvelle génération français CSO (optique) et allemand SARah (radar). Cet accord prévoit une participation financière de l'Allemagne (permettant d'acquérir un troisième satellite pour le système CSO) contre un pourcentage d'accès pour l'Allemagne aux capacités de la constellation CSO, complété par un accord d'échange d'images entre CSO et SARah. La réalisation du troisième satellite a été lancée à l'issue de la signature de l'accord de coopération de 2015.

Des discussions ont également été engagées sur la coopération en matière de capacités de surveillance militaire de l'espace.

(2) La coopération dans le domaine terrestre : le projet essentiel de MGCS

Dans le domaine terrestre, la France et l'Allemagne travaillent depuis 2012 à une vision partagée sur leurs besoins de remplacement des chars de combat 4 ( * ) (projet Main Ground Combat System - MGCS). De 2015 à 2018 ont été menées des études de concepts parallèles mais coordonnées qui ont permis de dégager une vision commune intégrant des technologies avancées.

La lettre d'intention signée le 19 juin 2018, lors du séminaire ministériel de Meseberg, a ainsi confirmé la volonté commune de lancer la préparation d'une nouvelle phase de coopération en vue de préparer un démonstrateur du futur MGCS. La France et l'Allemagne sont convenues de développer cette coopération par des travaux communs d'étude d'architecture, de R&T et de démonstrations, dans l'objectif d'une livraison des premiers systèmes en 2035 . Concrètement, outre la signature d'un nouvel arrangement cadre, l'objectif immédiat est le lancement en juin 2019 d'un arrangement d'application n° 1 portant sur une première phase d'étude d'architecture système s'étalant sur 2019-2020.

Toutefois, votre commission souligne qu' une certaine incertitude pèse sur ce projet du fait de l'actuelle volonté de l'entreprise allemande Rheinmetall de s'emparer de KNDS (société commune à parts égales de Nexter et de l'allemand KMW), même si la ministre des armées se veut rassurante en affirmant que le Gouvernement est opposé à cette opération.

(3) Une coopération aéronautique cruciale pour l'avenir
(a) Vers un drone MALE européen

En matière de drones « moyenne altitude longue endurance » (MALE), l'Europe a pris un retard très important par rapport aux États-Unis mais aussi aux pays émergents. La France, en particulier, utilise actuellement des modèles Reaper américains qui ne répondent pas à tous ses besoins.

Un programme a été lancé dans ce domaine avec l'Allemagne, l'Espagne et l'Italie. Un arrangement cadre de coopération est en vigueur depuis le 22 juin 2016, couvrant les différentes phases du programme. Un mandat OCCAr (l'organisation conjointe de coopération en matière d'armement) est en vigueur depuis le 11 août 2016, ce qui a permis la signature par l'OCCAr du contrat pour l'étude de définition avec l'industrie. Une demande d'offre industrielle a été émise pour le stade suivant de réalisation avec pour objectif de parvenir à un contrat global en 2019 .

(b) L'avion du futur

Initiée par la résolution du CFADS du 13 juillet 2017 selon laquelle la France et l'Allemagne sont convenues de développer un système de combat aérien européen , concrétisée par la signature du HLCORD (High Level Common Operational Requirements Document) et par l'annonce d'un accord de principe Dassault/Airbus en avril 2018 au salon ILA (salon aéronautique international de Berlin), puis officialisée par la signature d'une lettre d'intention en juin 2018 et d'un accord cadre lors du salon du Bourget en juin 2019, la coopération avec l'Allemagne est un axe structurant de la construction du SCAF, le futur système de combat aérien français .

Le projet franco-allemand d'avion du futur et les autres projets aériens

L'avion du futur

Le projet franco-allemand, appelé « NGWS (New Generation Weapon System) », se concentre autour d'un aéronef de nouvelle génération complété par des objets aériens inhabités. L'Espagne a rejoint le projet, en signant le HLCORD en janvier 2019 et une lettre d'intention en février 2019.

Deux types de travaux doivent être menés à court et moyen terme : des études d'architectures permettant d'établir les exigences du système de systèmes et des objets qui le composent ; des études de R&T (recherche et technologie) indispensables pour répondre aux évolutions nécessaires à venir dans le domaine de l'aéronautique de combat. Cet axe de R&T / Démonstrations sera structuré autour d'un démonstrateur du nouvel avion de combat, qui devrait effectuer son premier vol vers 2025-2026. L'étude d'architecture franco-allemande a été lancée en janvier 2019 (par Dassault et Airbus, avec comme sous-traitants côté français, MBDA, Safran et Thales). Le premier contrat de R&T sera lancé en 2019, traitant de l'avion, de son moteur, des « remote carriers », du système de systèmes et des outils de simulations. L'Espagne rejoindra ces travaux en 2020 au plus tard.

En revanche, l'organisation industrielle pour le développement et la production ne sera pas définie avant quelques années. Les organisations industrielles évolueront en effet en fonction des différentes phases du projet.

Les hélicoptères d'attaque

En ce qui concerne les hélicoptères d'attaque, la France et l'Allemagne poursuivent leur coopération dans le cadre du programme hélicoptère TIGRE (programme confié à l'OCCAr par la France et l'Allemagne en 2001). Les études d'architecture du TIGRE standard 3 correspondant à la rénovation à mi-vie et au traitement des obsolescences de l'appareil ont été entamées. Conformément aux objectifs du CFADS, le contrat d'études pour la préparation de ce nouveau standard a été notifié par l'OCCAR le 26 septembre 2018, en coopération avec l'Espagne également.

Le transport tactique aérien

La mutualisation d'une flotte en matière de transport tactique aérien (C-130 J) constitue un nouvel axe de coopération entre les deux États. L'accord relatif aux modalités de financement des infrastructures et de l'acquisition des outils de formation dans le cadre de la coopération franco-allemande dans le domaine du transport tactique aérien signé le 10 avril 2017 jette les bases de cette coopération qui consiste à créer d'une part, une unité aérienne franco-allemande opérant et soutenant conjointement une flotte mutualisée d'avions de transport tactique de type C-130J constituée de douze appareils et, d'autre part, un centre de formation et d'entrainement commun sur la base aérienne d'Evreux (Eure).

L'A400M

Concernant le programme A400M, la DGA vient de réceptionner le quinzième avion français issu de ce projet sélectionné en 2000 puis ratifié en 2003 et géré à l'OCCAr pour le compte des nations partenaires (Allemagne, Royaume-Uni, Luxembourg, Espagne, Belgique, Turquie).

Enfin, en matière navale, des projets communs sont également prévus en matière de patrouille maritime et de torpilles.

Il est indispensable de progresser de concert sur l'ensemble de ces projets même si cela s'annonce difficile compte tenu des intérêts parfois opposés des entreprises allemandes et françaises.

4. L'épineuse question des exportations d'armements

Concernant les exportations d'armements, l'article 4 (3) précise que « Les deux États élaboreront une approche commune en matière d'exportation d'armements en ce qui concerne les projets conjoints ». En effet, la France, l'Allemagne et l'Europe ne peuvent prétendre conserver une certaine autonomie en matière d'armement que si elles développent des projets conjoints économiquement viables, c'est-à-dire, en réalité, susceptibles d'être exportés.

Comme évoqué ci-dessus, les récentes décisions unilatérales de l'Allemagne sur ce sujet augurent donc mal de l'avenir de ces projets conjoints. D'ores et déjà, il a été constaté des blocages ou des lenteurs administratives qui ont eu des impacts pour les industriels français , comme l'a souligné Anne-Marie Descôtes, ambassadrice de France en Allemagne, lors de son audition par votre commission.

Votre commission suivra attentivement les négociations en cours à ce sujet. Il est impératif d'aboutir à une solution qui préserve la base industrielle et technologique de défense française.

Les règles allemandes en matière d'exportation d'armements

En Allemagne, deux lois régissent les exportations de matériels de guerre et autres matériels militaires : la loi sur le contrôle des armes de guerre (KWG-KriegsWaffenKontrollGesetz) et la loi sur le commerce extérieur (AWG-AussenWirtschaftGesetz).

Chaque loi est associée à une liste de produits soumis à autorisation :

• la liste des armes de guerre (KriegsWaffenListe), pour lesquelles les deux lois KWG et AWG s'appliquent ;

• la liste des autres matériels militaires, pour lesquels seule la loi AWG s'applique.

C'est le ministère fédéral de l'Économie et de l'Énergie (BMWi) qui, en concertation avec le ministère fédéral des Affaires étrangères et le ministère fédéral de la Défense, décide du bien-fondé des demandes et octroie les autorisations d'exportation des armes de guerre.

L'Office fédéral de l'économie et du contrôle des exportations (BAFA) est compétent pour les autres matériels militaires. Il est aussi chargé de définir de quelle liste, et donc de quelle loi, relève un type de matériel donné.

Les décisions relatives aux projets d'exportation d'équipements militaires sont prises à la suite d'une évaluation approfondie des arguments relevant de la politique étrangère et de sécurité, ainsi que de la politique en matière de protection des droits de l'homme. En cas de divergences d'opinion entre les autorités et les ministères impliqués dans le processus décisionnel, ou encore dans des cas jugés particulièrement importants, c'est le Conseil fédéral de sécurité (Bundessicherheitsrat - BSR) qui décide de l'octroi ou du refus d'une autorisation d'exportation.

Les décisions sensibles prises par le Conseil fédéral de sécurité sont soumises au Bundestag dans un délai de deux semaines. Celui-ci est aussi destinataire chaque année du rapport présenté par le gouvernement fédéral (rapport basé sur les données du BAFA).

Par ailleurs, lorsqu'il s'agit de composants intégrés dans des systèmes réexportés, l'autorité de contrôle allemande procède à des analyses sur la destination finale.

La coalition gouvernementale en place depuis 2018 met en oeuvre une politique restrictive en matière d'exportation d'armement . Elle a notamment suspendu les exportations d'armement aux pays participant directement au conflit au Yémen.

5. Un accent mis sur l'aide au développement et le soutien à l'Afrique

L'engagement commun pour l'aide au développement, en particulier en faveur de l'Afrique, constitue un autre volet essentiel de coopération évoqué par le Traité (article 7) et qui doit être davantage développé. Sur ce point encore, le traité ne comporte aucune réelle nouveauté.

Il faut en revanche rappeler l'avancée que constitue depuis juillet 2017 l'Alliance Sahel dont la France et l'Allemagne constituent les premiers piliers . Il est tout à fait essentiel que l'Allemagne et la France montrent ainsi la voie en matière de coordination de ces politiques d'APD. Il n'est en effet plus acceptable de juxtaposer des interventions éparses impossibles à évaluer ensuite de matière consolidée.

En outre, une feuille de route franco-allemande sur le développement a été élaborée au début de l'année 2019. Les thèmes prioritaires identifiés sont les financements innovants, les fondations, l'environnement et le changement climatique, la santé, l'éducation, les chaînes de valeur durable, la migration, le genre, le « nexus » sécurité-paix-développement et l'Afrique.

Les consultations annuelles franco-allemandes en matière de développement

La coopération franco-allemande en matière de développement est structurée par une feuille de route pour la coopération au développement adoptée en janvier 2003 qui vise, notamment, à permettre des échanges de vues sur les dossiers d'actualité et à définir des priorités communes. Sur cette base, des consultations franco-allemandes se tiennent depuis plusieurs années à un rythme annuel entre le ministère allemand de la coopération économique et du développement (BMZ) et le MEAE. Les dernières, organisées par le BMZ, ont eu lieu les 11 et 12 juin 2018 à Berlin et ont porté sur des sujets stratégiques communs tels que l'environnement et le changement climatique, les migrations, ou encore le focus régional sur l'Afrique.

En outre, bien que ne s'inscrivant pas dans le cadre d'un dialogue structuré, la programmation des financements européens fait l'objet d'échanges réguliers entre le BMZ et le MEAE .

De plus, sur le plan politique, la France et l'Allemagne partagent régulièrement en amont et pendant les négociations européennes sur le développement leurs grandes lignes de négociations et travaillent, lorsque cela est possible, sur les sujets pouvant être portés conjointement sous forme de non-papiers (ex : non-papier sur la coopération au développement et le climat ; non-papier sur les priorités de la coopération au développement de l'UE post-2020).

6. Une clause de solidarité mutuelle qui rappelle l'existant

L'article 4(1) du traité prévoit que les signataires entendent se garantir mutuellement « aide et assistance éventuelle en cas d'attaque armée de leurs territoires ». Ce « par tous les moyens dont ils disposent, y compris la force armée ».

Il s'agit de la simple répétition des clauses dites de défense mutuelle ou d'assistance mutuelle de l'article 5 du traité de l'Atlantique Nord et de l'article 42 paragraphe 7 du traité sur l'Union européenne . Ces mesures d'assistance peuvent d'ailleurs s'appliquer en dehors du territoire des parties : la France a invoqué en 2015 l'article 42 pour solliciter un soutien européen à ses interventions extérieures.

À noter que si la rédaction de l'article 4 (1) ne fait pas référence à l'article 51 de la Charte des Nations unies, l'assistance ainsi envisagée s'inscrit bien dans le champ de la légitime défense collective, laquelle constitue le cadre de référence des articles évoqués.

Preuve supplémentaire que l'on reste bien dans le cadre actuel, le traité précise que « les deux pays agissent conformément à leurs règles constitutionnelles respectives ». À ce titre, en Allemagne, conformément au jugement du 12 juillet 1994 de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe et à la loi du 18 mars 2005 relative à la participation du Parlement à la décision d'engagement de forces armées à l'étranger, l'engagement en opérations extérieures des forces allemandes est subordonné à un vote à la majorité simple du Bundestag . Rappelons que la Constitution française (article 35 alinéas 2 et 3), quant à elle, impose seulement au Gouvernement d'informer le Parlement de sa décision de faire intervenir les forces armées à l'étranger, au plus tard trois jours après le début de l'intervention, et subordonne la prolongation de l'intervention au-delà d'une durée de quatre mois à l'autorisation du Parlement.

Cette clause de défense mutuelle est donc surtout symbolique et politique.

7. Vers une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU qui reprend la position française
a) La coordination des positions française et allemande au Conseil de sécurité de l'ONU

L'article 8 (1) du traité prévoit que « les deux États coopéreront étroitement au sein de tous les organes de l'Organisation des Nations unies » et qu'ils « coordonneront étroitement leurs positions, dans le cadre d'un effort plus large de concertation entre les États membres de l'Union européenne ».

Actuellement, aux Nations Unies, la coordination des positions française et allemande se fait d'abord dans le cadre de la coordination européenne à New York. Les 28 tiennent ainsi une réunion hebdomadaire des représentants permanents à New York et se consultent régulièrement sur le fond des négociations au Conseil lorsqu'un intérêt européen est identifié.

La coordination franco-allemande s'est renforcée à l'occasion du mandat de l'Allemagne au Conseil pour le biennium 2019-2020. C'est en effet dans ce cadre que la décision a été prise par les ministres des Affaires étrangères de coordonner les programmes des présidences du Conseil de sécurité que les deux pays allaient exercer successivement , en mars et en avril, l'ordre alphabétique au Conseil plaçant les deux pays côte-à-côte en 2019. Ces présidences suivies française et allemande du Conseil ne consistaient pas en une co-présidence du Conseil, mais en une coordination étroite des priorités et des programmes de travail de chacune des deux présidences. Elles ont permis l'adoption de 5 résolutions en mars et 5 en avril 5 ( * ) . Par ailleurs, la visite du Conseil de sécurité au Mali et au Burkina Faso, qui s'est doublée d'un événement ministériel sur le Sahel et d'une réunion ministérielle du Conseil sur la MINUSMA, a permis de maintenir l'attention du Conseil sur la situation au Sahel et de renforcer la pression sur les parties maliennes pour faire avancer la mise en oeuvre de l'accord de paix.

b) Une réforme du Conseil de sécurité souhaitée par la France et l'Allemagne

L'article 8(2) du traité défend la revendication allemande d'avoir un siège permanent au Conseil de sécurité des Nations unies . La France soutient cependant une réforme plus globale du Conseil de sécurité des Nations unies visant à améliorer sa représentativité. Cette réforme tend à élargir les sièges permanents non seulement à l'Allemagne, mais aussi à des grands émergents : Brésil, l'Inde et Japon, avec une représentation plus importante des pays africains. Cette réforme est toutefois bloquée actuellement.

En tout état de cause, il ne s'agit pas, dans l'esprit des signataires, de céder à l'Allemagne ou à l'UE le siège français de membre permanent au Conseil de sécurité et son droit de veto. À cet égard , il convient de noter que les déclarations quelque peu troublantes de Madame Annegret Kramp-Karrenbauer, présidente de la CDU, et du président du Bundestag, Wolfgang Schäuble, ont depuis été sinon totalement démenties, du moins nettement nuancées.


* 4 Chars Leclerc pour la France et Léopard pour l'Allemagne.

* 5 Outre les mandats qui devaient être renouvelés (MINUSS au Soudan du Sud, MONUSCO en République démocratique du Congo, MINURSO au Sahara occidental, MANUA en Afghanistan), la France a porté une résolution sur la lutte contre le financement du terrorisme et l'Allemagne une résolution sur la lutte contre les violences sexuelles dans les conflits.

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