F. AUDITION DE MMES AGNÈS BUZYN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ, ET CHRISTELLE DUBOS, SECRÉTAIRE D'ÉTAT AUPRÈS DE LA MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ (26 JUIN 2019)

Réunie le mercredi 26 juin 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a entendu Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, sur l'exécution des crédits de la mission « Santé ».

M. Vincent Éblé , président . - Nous avons le plaisir de recevoir Mmes Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, et Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre. Mme Buzyn, retenue à Metz, nous rejoindra bientôt.

Elle viendra nous présenter les résultats de l'exécution en 2018 des crédits de la mission « Santé ». Les dépenses de la mission en 2018 s'élèvent à 1,34 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, ce qui représente des augmentations d'environ 7 % par rapport aux crédits exécutés en 2017.

La loi de finances pour 2018 a constitué, à ce titre, la dernière étape en matière de rationalisation de la participation de l'État au financement des opérateurs de santé. Le programme 204 ne finance plus désormais que quatre opérateurs de l'État dédiés à la prévention et à la sécurité sanitaire, contre dix en 2015. Reste que cette rationalisation ne produit pas les gains attendus, la mutualisation des moyens semble non-aboutie et les gains d'efficience attendus du regroupement de trois opérateurs au sein de l'Agence nationale de santé publique (ANSP) tardent à être enregistrés. La mission porte également les crédits de l'aide médicale d'État sur laquelle la ministre reviendra sans doute.

S'agissant des crédits de la mission « Solidarité, insertion, égalité des chances », ils s'élèvent à 19,85 milliards d'euros en crédits de paiement sur 2018. Les deux principaux postes de dépenses sont la prime d'activité, avec 5,6 milliards d'euros et l'allocation aux adultes handicapés (AAH) avec 9,7 milliards d'euros.

Pour la première fois, après des années de sous-budgétisations récurrentes, le montant des crédits ouverts en loi de finances rectificative est resté relativement limité : 261,5 millions d'euros pour financer la prime d'activité contre 1,2 milliard d'euros l'an dernier.

Toutefois, des sujets de tension budgétaire demeurent : la prime d'activité et l'AAH constituent des dépenses croissantes, de même que les montants consacrés au dispositif des mineurs non accompagnés (MNA) et le dispositif d'aide alimentaire rencontre d'importantes difficultés de gestion. Nous sommes plusieurs à avoir présidé un département et nous avons été confrontés directement à cette question. Par ailleurs, s'agissant de la prime d'activité, dont les crédits avaient été abondés, en loi de finances, à la suite du mouvement des gilets jaunes, nous serions intéressés, Madame la Ministre, d'avoir les premiers chiffres de l'exécution sur 2019.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé . - La présentation de l'exécution budgétaire des crédits des différentes missions est un moment important dans le travail de contrôle du Parlement. La priorité du Gouvernement a été de remédier aux sous-budgétisations des lois de finances précédentes. Cela a concerné deux grands dispositifs de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », la prime d'activité sur le programme 304 et l'AAH sur le programme 157. La Cour des comptes s'est félicitée de l'amélioration de la budgétisation initiale des crédits en loi de finances initiale pour 2018, et donc d'une plus grande sincérité budgétaire.

Le dispositif de lutte contre la précarité alimentaire qui avait fait l'objet d'un rapport du Sénat, l'an dernier, est assuré par des réseaux associatifs et relayé par des associations locales en charge de la distribution des denrées. Il permet de lutter contre la pauvreté et d'initier des démarches d'inclusion. En 2018, plus de 5 millions de personnes ont bénéficié de l'aide alimentaire. Ce dispositif reçoit des financements publics et privés, et les crédits budgétaires proviennent de l'action 14 du programme 304. En 2018, la contribution française au Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) s'est élevée à 12,7 millions d'euros auxquels s'ajoutent 7,7 millions d'euros versés à FranceAgriMer pour compenser les refus de remboursement de l'Union européenne. Il faut aussi prendre en compte les crédits nationaux aux épiceries sociales à hauteur de 8,2 millions d'euros, la dotation aux services déconcentrés pour le soutien à l'activité locale de l'aide alimentaire pour 13,5 millions d'euros, et les subventions versées aux associations de tête de réseau pour un montant de 4,6 millions d'euros. Les dons des particuliers et des entreprises ont représenté 47 000 tonnes de denrées pour les Restaurants du coeur, soit 43 % de leurs sources d'approvisionnement, et 41 000 tonnes de denrées pour la Fédération française des banques alimentaires, soit 39 % de ses sources d'approvisionnement.

Votre rapport porte cette année sur la prime d'activité. Le décret du 21 décembre 2018 a revalorisé de 90 euros le montant maximum de la bonification individuelle depuis le 1 er janvier 2019. Au 19 mai 2019, les caisses d'allocations familiales (CAF) ont enregistré 1,5 million de nouvelles demandes de prime d'activité, et la dotation de la prime d'activité prévue par le projet de loi de finances pour 2019 a été portée à 8,8 milliards d'euros, dont 6 milliards d'euros dans le PLF initial et 2,8 milliards d'euros supplémentaires en cours de discussion pour les mesures nouvelles.

Quant aux crédits du programme 304, ils sont alloués à la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Annoncée le 13 septembre dernier, cette stratégie porte une ambition d'investissement social dans l'éducation et la formation d'une part, dans l'accompagnement et l'émancipation sociale par l'emploi, d'autre part. Pilotée à partir des territoires, elle se met en oeuvre dans le cadre d'une contractualisation entre l'État et les départements. Pas moins de sept conventions sur quatorze ont d'ores et déjà été signées avec des territoires démonstrateurs, et 11 millions d'euros ont été délégués aux services déconcentrés à cet effet, traduisant l'engagement financier de l'État à hauteur de 135 millions d'euros pour 2019. Cette contractualisation vise à renforcer l'insertion des allocataires du revenu de solidarité active (RSA), à éviter les sorties sèches des jeunes au titre de l'Aide sociale à l'enfance (ASE), et à refonder le travail social. Une enveloppe financière est également laissée à l'initiative des territoires.

La stratégie porte en elle une ambition d'investissement social, avec le déploiement de 150 points de conseil en 2019, dédiés à l'accompagnement budgétaire des ménages. La tarification sociale des cantines sera lancée dans le courant de l'été, et à compter du 1 er avril 2019, dans les communes les plus pauvres, l'État apportera une subvention de deux euros pour chaque repas facturé à la tranche la plus basse, qui ne peut excéder 1 euro. Des petits déjeuners sont proposés depuis le printemps dans huit académies, cette mesure ayant vocation à être généralisée.

L'AAH a également été revalorisée de manière exceptionnelle en novembre 2018 pour être portée à 860 euros mensuels. Elle le sera à nouveau en novembre 2019 pour se monter à 900 euros mensuels. En parallèle, le plafond des ressources pour les couples sera abaissé et stabilisé à 1629 euros par mois. La Cour des comptes a salué la fin des sous-budgétisations récurrentes concernant l'AAH. Le ministère a en effet pris en compte les prévisions techniques de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), de sorte que pour la première fois depuis cinq ans aucune ouverture de crédit n'a été nécessaire.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » . - Merci, Madame la ministre, pour votre intervention. La prime d'activité suscite effectivement, comme vous l'avez souligné, tout notre intérêt : nous visiterons deux CAF dans les semaines à venir. Une ouverture de crédits de plus de 200 millions d'euros - bien qu'inférieure aux années précédentes - a encore été nécessaire, en loi de finances rectificative, s'agissant de la prime d'activité. Les crédits prévus pour 2019 ne risquent-ils pas, de nouveau, d'être insuffisants vu l'afflux des demandes ? Pouvez-vous faire un premier bilan de l'exécution des crédits sur 2019 ?

D'après les documents transmis par votre ministère, la montée en charge très forte constatée en janvier 2019 dans les CAF semble ralentir très nettement. Qu'en est-il ? Le recrutement de 140 agents supplémentaires annoncé en février pour permettre aux CAF de faire face au surcroît d'activité liée à la prime d'activité sera-t-il suffisant ? Ne doit-on pas redouter des répercussions sur les délais d'instruction des autres prestations servies par la CAF ?

Par ailleurs, en loi de finances pour 2018, l'exclusion de la prime d'activité des bénéficiaires des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité avait été votée contre l'avis du Sénat. Cette mesure n'a toutefois jamais été mise en oeuvre en 2018, l'État ayant pris conscience de son impact sur certaines familles, notamment monoparentales, qui pouvaient perdre jusqu'à 300 euros mensuels. En loi de finances pour 2019, un rétablissement partiel a été opéré : les bénéficiaires garderont le bénéfice de cette prime, alors que les nouveaux entrants en seront exclus. Qu'en est-il de la mise en oeuvre de cette mesure ?

Enfin, un rapport d'évaluation sur la revalorisation de la prime d'activité devait être remis au Parlement courant juin. Qu'en est-il ? Auriez-vous des premières observations à nous communiquer ?

J'aimerais également aborder le sujet des mineurs non accompagnés. Les dépenses concernant les mineurs non accompagnés sont, en effet, exponentielles pour l'État et les départements. Lorsque j'ai été élu du département du Val d'Oise, en 2011, elles s'élevaient à 3 millions d'euros. Aujourd'hui, elles atteignent 39 millions d'euros. Les dépenses sont ainsi devenues considérables dans les budgets des départements. Le montant exécuté sur la mission s'élève à 145,1 millions d'euros, moins élevé que la prévision faite pour 2019. Dans ces conditions et au vu du nombre croissant de mineurs non accompagnés, la budgétisation pour 2019 sera-t-elle réellement tenue ?

L'accord trouvé entre les départements et l'État, à la fin de 2018, sur les nouvelles modalités de financement de l'État devrait être repris dans un décret en Conseil d'État au premier semestre 2019. Qu'en est-il ? Compte tenu de la situation financière des départements, ne faudrait-il pas que l'État prenne en charge, en totalité, les dépenses d'évaluation et de mise à l'abri, comme l'avait indiqué le Premier ministre au congrès de l'Association des départements de France, en 2017 ?

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » - Nous avions échangé, le 16 mai dernier, dans votre ministère, au sujet du plan pauvreté et de l'aide alimentaire. Le plan pauvreté nécessite une action résolue des pouvoirs publics, au-delà des mesures conjoncturelles. Le rapport produit il y a quelques semaines par l'Observatoire des inégalités indique que les 10 % des Français les plus aisés disposent de revenus 8,7 fois supérieurs à ceux des 10 % les moins aisés, et perçoivent 23,8 % des revenus de l'ensemble des ménages et que 5 millions de nos compatriotes vivent avec moins de 855 euros par mois. Deux rapports non publiés de France Stratégie mettent en évidence le risque que les dispositions à venir sur le revenu universel d'activité créent 3,5 millions de ménages perdants et 3,3 millions de ménages gagnants. Quelle est la position du Gouvernement sur le revenu universel ?

Le deuxième point que j'aimerais aborder est l'aide alimentaire. La gestion du FEAD par la France a été quelque peu chaotique, comme nous avions pu le montrer dans notre rapport d'information : du retard avait été pris notamment sur les appels de fonds auprès de l'Union européenne, et la situation financière de FranceAgriMer était très délicate. Les dépenses des campagnes 2016 et 2017 devaient faire l'objet d'appels de fonds en mars et juin 2019. Ont-ils été lancés ? Comment s'annonce la fin de programmation du FEAD ?

L'affaire des faux steaks hachés concerne directement FranceAgriMer, opérateur principal de cette collecte. L'État a saisi la justice. Je viens d'apprendre qu'un rapport sera élaboré par la commission des affaires économiques, dont se chargera notre collègue Fabien Gay. Les associations bénévoles se voient imposer des centaines de milliers de contrôles, avec le risque qu'on leur réduise leurs subventions en cas de non-respect des critères. Et il y aurait un défaut de contrôle à la source de la fourniture des produits ? Quel est votre point de vue sur le sujet ?

M. Philippe Mouiller , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales . - Merci Monsieur le Président pour votre invitation. Je souhaitais d'abord évoquer le revenu universel d'activité. L'AAH sera potentiellement touchée par la réforme concernant le revenu universel d'activité, et les personnes en situation de handicap sont inquiètes. Où en êtes-vous de votre réflexion ?

Je salue la revalorisation de l'AAH que vous avez annoncée. Cependant, elle semble glisser vers un statut de revenu de remplacement de droit commun, sous l'effet de la prise en compte de la situation familiale. Sur 250 000 allocataires vivant en couple, soit près d'un quart, 20 000 verront leur allocation augmenter, 80 000 la verront neutralisée et 150 000 la verront dégradée. Aurons-nous l'occasion d'avoir un bilan quantitatif et qualitatif de ces évolutions ?

Les crédits du dispositif d'accompagnement dans l'emploi des personnes en situation de handicap n'ont pas été entièrement utilisés. Pourquoi ? Comment envisagez-vous l'élargissement de ce dispositif ?

Enfin, l'aide financière à l'insertion sociale et professionnelle des personnes engagées dans un parcours de sortie de la prostitution a été minimisée l'an dernier. Où en est-on ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Nous n'avons pas d'éléments chiffrés sur la prime d'activité, car nous manquons de recul sur son élargissement au 1 er janvier. Un rapport devrait vous être remis au mois de juillet qui portera notamment sur la gestion de ce dispositif. Des crédits ont été débloqués pour que la CNAF recrute 140 agents supplémentaires. Je crois que certains agents ont déjà été recrutés. Le rapport fera également un point sur les bénéficiaires de pensions d'invalidité et rentes AT/MP.

L'enveloppe budgétaire pour la prime d'activité a été définie en fonction d'hypothèses de recours raisonnables. Le recours a été exceptionnel, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter, car cela signifie que nous avons résolu la question du non-recours. Nous avons élargi les bénéficiaires de la prime d'activité en 2019, et on estime que 55 % des bénéficiaires auraient pu y prétendre en 2018. Les Français s'en saisissent. Nous ferons un point budgétaire en juillet. Nous suivons de très près l'évolution de l'enveloppe, afin de la réalimenter au besoin.

Les engagements du Président de la République et du Premier ministre sont clairs sur les mineurs non accompagnés : l'État doit mieux aider les départements. Ces mineurs ne représentaient que 2 à 3 % du public de l'aide sociale à l'enfance il y a cinq ans, ils en constituent désormais 10 % à 20 %, selon les territoires. En 2018, l'État a pris à sa charge le remboursement aux départements des dépenses d'évaluation de la minorité et de l'isolement, à hauteur de 49 millions d'euros, conformément aux engagements pris avec l'Association des départements de France (ADF). L'État a aussi pris à sa charge une partie du surcoût du dispositif de l'aide sociale à l'enfance pour les jeunes reconnus mineurs, soit 96 millions d'euros, pour un montant total d'aide de 145 millions d'euros. L'apport de l'État est maintenu en 2019 selon les modalités de financement qui ont été définies en lien avec l'ADF pour renforcer le soutien en phase de mise à l'abri et d'évaluation, grâce à un forfait de 500 euros par mineur pour l'évaluation et à une indemnisation jusqu'au 23 e jour du recueil du jeune. Ce sont 141 millions d'euros qui ont été inscrits en loi de finances pour 2019, auxquels s'ajoutent 35 millions d'euros de reports de crédits, soit 176 millions d'euros au total pour cette année.

Monsieur Bocquet, les rapports de France Stratégie n'engagent en rien le Gouvernement. D'où la concertation que nous menons sur le revenu universel d'activité, depuis le 3 juin, avec l'ensemble des acteurs. Plutôt que de « revenu », je parlerai volontiers de « socle » comprenant le RSA, l'aide au logement et la prime d'activité. À cela, nous nous poserons la question d'ajouter l'AAH et l'allocation de solidarité spécifique (ASS) qui a été maintenue malgré la création du revenu minimum d'insertion (RMI). La superposition de ces aides complexifie le dispositif. Il faudra aussi s'interroger sur la question d'inclure ou non l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et le minimum vieillesse qui connaît un fort taux de non-recours. Nous travaillerons également sur la question de la précarité des jeunes avec la Fédération des jeunes.

La première phase de cette concertation, lancée la semaine dernière, s'achèvera à la mi-juillet. Suivront d'autres phases qui traiteront du périmètre, de la gouvernance, mais aussi du financement du dispositif. Un rapport sera publié en 2019, pour un texte de loi dont l'examen est prévu en 2020.

Les fonds du FEAD ont été débloqués et la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) sera auditionnée au Sénat dans le cadre de la mission de la commission des affaires économiques. Nous avons également lancé une mission de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pour anticiper la future programmation du FEAD à partir de 2021. Des crédits supplémentaires de l'État ont permis de compenser le non-financement de FranceAgriMer par l'Union européenne. FranceAgrimer a fait évoluer ses procédures. La mission de l'IGAS va se pencher sur la question de la qualité et de la quantité des produits distribués. Il faut que la France n'ait pas les mêmes difficultés sur la prochaine programmation du FEAD. On sait que les associations sont composées de bénévoles, et parfois un problème sur un bon de livraison peut empêcher le remboursement de l'Union européenne. Nous devons ainsi accompagner les associations en leur allouant des crédits spécifiques pour la formation des bénévoles. Concernant la programmation du FEAD, un plan de trésorerie a été mis en place pour gérer les retards de traitement. Nous travaillons également avec l'ensemble des têtes de réseau, les Restos du coeur, la Banque alimentaire et l'ensemble des associations pour anticiper 2021, sur la question de qualité, de quantité et les procédures. 5 millions de personnes bénéficient de ces repas, financés pour un quart par l'Union européenne.

Nous souhaitons rassurer chacun sur l'AAH et le revenu universel d'activité. Un collège spécifique sera créé sur la question du handicap, et nous travaillerons en lien avec Sophie Cluzel et le conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). L'enveloppe versée dans le cadre de l'AAH sera maintenue si elle est intégrée au revenu universel d'activité. Les incidences sur les familles ont bien été identifiées et feront l'objet de la concertation.

La sortie de la prostitution est un sujet qui concerne davantage Marlène Schiappa. En 2018, le programme 137 a connu son taux de consommation de crédits le plus élevé, à 98,2 % contre 94,4 % l'année précédente. Le dispositif continue de monter en charge, puisque le nombre de bénéficiaires de l'allocation financière d'insertion sociale (AFIS) a progressé de 50 % au 1 er janvier 2019. Mais le nombre d'allocataires reste très minime. On continue ainsi à travailler au développement de ce dispositif.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé . - Je suis heureuse de pouvoir échanger avec vous sur l'exécution budgétaire 2018 de la mission « Santé », qui a été marquée par l'amélioration de la sincérité de la budgétisation du programme 183, comme la Cour des comptes l'a souligné. Elle a aussi été marquée par la mise à disposition de crédits pour couvrir l'ensemble des dépenses et apurer une partie de la dette de l'État vis-à-vis de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (CNAM). Plusieurs opérations d'apurement ont permis de réduire considérablement le niveau de la dette de l'État sur l'aide médicale d'État (AME), et comme le souligne la Cour des comptes, le dispositif fait l'objet d'une budgétisation de plus en plus précise, limitant ainsi l'évolution de la dette.

Des travaux visant à gagner en efficience de gestion des dispositifs et soins urgents ont été poursuivis en 2018 et porteront leurs fruits en 2020, notamment parce que le nouvel outil d'instruction des demandes est testé depuis juillet 2018. Sa fiabilisation nécessite de reporter le déploiement du projet à décembre 2019. La centralisation des demandes permettra d'atteindre des objectifs ambitieux en 2020, c'est-à-dire le renforcement des contrôles et la réduction des délais d'instruction à 20 jours au lieu de 25.

La centralisation du paiement des factures de soins urgents a débuté en juin 2018 avec 35 départements repris par les caisses de Paris et Calais, permettant un renforcement des contrôles : 10 % des factures font l'objet d'un contrôle aléatoire ou sur les plus gros montants. L'accès des caisses à la base Visabio du ministère de l'intérieur, devrait être mis en place au dernier trimestre afin de détecter les fraudes liées à la dissimulation de visa. Nous poursuivons en 2019 cette recherche d'efficience et nous nous appuierons notamment sur les conclusions de la mission de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances (IGAS-IGF) sur les dispositifs de l'AME et des soins urgents.

Quant au programme 204, il finance les actions engagées en faveur de la prévention de la sécurité sanitaire et de l'offre de soins, en complément des crédits d'assurance-maladie. L'examen de ces crédits permet de constater le maintien des dépenses en administration centrale, un retour à l'équilibre des budgets des opérateurs de l'État, une stabilisation des fonds de roulement, et la poursuite de l'effort concernant l'agence de santé du territoire de Wallis-et-Futuna.

Enfin, le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine, créé en mai 2017, a nécessité un délai de mise en oeuvre qui explique le retard dans l'indemnisation. Ce retard tient à la complexité scientifique et médicale du sujet, car il n'était pas évident pour les experts de se mettre d'accord sur l'imputabilité des dommages liés à la prise de ce médicament et sur la détermination des responsabilités. Pour autant, ce délai n'est pas supportable pour les victimes, et il est impératif d'accélérer la procédure d'indemnisation qui a débuté à la fin de l'année 2018. Mon objectif est que toutes les victimes soient indemnisées. L'ensemble des institutions responsables du dispositif a travaillé pour améliorer son efficacité. Des progrès notables ont déjà été enregistrés concernant le délai de présentation des offres d'indemnisation par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) en lien avec les caisses de l'Assurance-maladie. L'Oniam a par ailleurs défini des procédures de gestion visant à traiter les demandes de la manière la plus rapide possible, comme le prévoit la loi de finances pour 2019. Le Gouvernement vous remettra un rapport le 1 er septembre prochain.

M. Antoine Lefèvre . - J'ai été nommé, par la commission des finances, représentant du Sénat au sein du comité de surveillance de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades). Les mesures sociales récemment adoptées risquent de maintenir la Sécurité sociale dans le rouge. Le déficit agrégé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) devrait atteindre 4,4 milliards d'euros en 2019, alors que nous attendions un excédent de 700 millions d'euros. Fort de cet excédent, la CADES devait reprendre en 2020, une partie de la dette de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, soit environ 15 milliards d'euros. Ce transfert devait être financé par l'affectation d'une part de CSG. Lors du dernier comité de surveillance, de la CADES, j'ai cru comprendre que cela semblait compromis. Quelles pistes envisagez-vous pour sortir de de cette impasse ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - J'interviens au nom de M. Joyandet, rapporteur spécial de la mission « Santé ». L'examen des indicateurs contenus dans le rapport annuel de performances laisse songeur. Deux des trois indicateurs de l'objectif n° 1 assignés à la mission « Améliorer l'état de santé de la population et réduire les inégalités territoriales et sociales de santé » ne sont ainsi pas atteints - notamment pour le dépistage du cancer colorectal - ou bien marquent un retard au regard de la cible définie par l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), par exemple pour la couverture vaccinale contre la grippe chez les personnes de 5 ans ou plus.

Plus largement, il convient de s'interroger sur l'indicateur « état de santé perçu » introduit par le projet annuel de performances 2016. Il correspond au pourcentage de la population de 16 ans et plus se déclarant en bonne ou en très bonne santé générale. Aucune cible n'a cependant été indiquée pour 2018. Il est dès lors très difficile d'apprécier sa pertinence. Il en va de même pour celui concernant l'espérance de vie, stable en 2016 et 2017 mais non renseigné en 2018. Allez-vous engager une réflexion sur ces indicateurs dans le cadre du prochain projet de loi de finances ?

La loi de finances pour 2018 avait bien anticipé une majoration des dépenses de l'AME, mais celle-ci s'est avérée une nouvelle fois insuffisante. Un décret de virement du 23 novembre 2018 et la loi de finances rectificative pour 2018 ont comblé cet écart. Le décret s'est ainsi traduit par un virement de 9,7 millions d'euros pris sur le programme 204.

Je constate que si l'effectif moyen des bénéficiaires n'a que légèrement augmenté de 0,5 % entre 2017 et 2018, le coût moyen par bénéficiaire a, quant à lui, progressé de 5,1 %. Comme le relevait la Cour des comptes dans sa note de 2017, en l'absence de mesure structurelle, tout effort en la matière paraît condamné. Peut-on espérer que soient proposées des mesures structurelles destinées à maîtriser ces dépenses dans le prochain projet de loi de finances ?

Enfin, sur les 77,7 millions d'euros prévus pour l'indemnisation des victimes de la Dépakine, 15,3 millions d'euros seulement ont été versés. Pourquoi ? Est-ce parce que les dossiers n'ont pas été établis ? Ou bien s'agit-il d'une remise en cause de la prévision initiale qui avait fixé un coût d'indemnisation de 422,4 millions d'euros sur six ans ?

M. Éric Bocquet , rapporteur . - La CAF du Nord connaît des difficultés de gestion des dossiers dont elle a la charge et des retards importants. On a assisté à des fermetures de l'accueil du public pour résorber un tant soit peu ces retards, mais la situation ne semble guère s'améliorer. À partir de septembre prochain, la réforme du logement nécessitera des formations auprès des personnels. Cette réforme concernera 300 000 des 598 000 allocataires des départements du Nord. Pas moins de 250 000 dossiers sont en attente s'agissant de la prime d'activité, avec un délai de traitement de 12 semaines. La direction de la CAF souhaite que la mise en oeuvre de la réforme soit reportée. Qu'en pensez-vous ?

Mme Agnès Buzyn, ministre . - La dette de la Cades est placée et sécurisée. Celle relevant de l'Acoss nécessite un retour rapide à l'équilibre des comptes. Seuls les excédents permettront d'apurer la dette, et c'est la raison pour laquelle les transferts à l'État sont suspendus pour l'instant. Nous travaillons à différents scénarios avec Gérald Darmanin.

Les indicateurs de santé sont insuffisants, notamment pour identifier les inégalités. Nous savons que les actions de prévention sont beaucoup plus complexes à mettre en oeuvre dans certains territoires, par exemple en Corse pour le dépistage colorectal. Les campagnes de dépistage des cancers dépendent des structures de gestion départementales. J'ai souhaité qu'elles soient régionalisées, via les Agences régionales de santé (ARS), afin qu'elles soient beaucoup plus efficientes. Ce processus est en cours.

Quant aux vaccins, l'indice de confiance des citoyens augmente, grâce à l'obligation vaccinale, mais aussi pour des vaccins comme celui contre le virus du papillome humain (HPV) ou celui contre la grippe. Pour favoriser la couverture vaccinale, nous avons ouvert à tous les publics la possibilité d'être vaccinés en pharmacie, à partir d'octobre 2019. Nous avions testé le dispositif dans deux régions en 2018, puis trois régions supplémentaires en 2019, avec 700 000 personnes vaccinées en pharmacie en France dans ces cinq régions. Le Parlement avait voté dans le PLFSS de l'année dernière cette possibilité offerte à tous les pharmaciens et pour tous les publics, pour la vaccination antigrippale, qu'il s'agisse de la première vaccination ou d'une vaccination ultérieure.

L'état de santé perçu est un très mauvais indicateur. Un certain nombre d'études scientifiques montrent que les Français sont globalement pessimistes. Toutes les études sur la sur l'espérance de vie en bonne santé indiquent que la population française répond de façon plus négative à cette question que les populations du Nord, à état de santé équivalent. Le sujet est sociologique et dépasse le champ de la santé.

En ce qui concerne l'AME, nous sommes de plus en plus proches de la cible exacte. Nous allons encore améliorer notre capacité à fixer la bonne enveloppe. Nous travaillons évidemment à développer les contrôles sur les fraudes et la centralisation des dossiers pour améliorer l'usage des fonds. Une augmentation de 1,7 % du coût moyen par bénéficiaires me paraît bien faible.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Le coût moyen a augmenté de 5,1 %, alors que le nombre des bénéficiaires a augmenté de 0,5 %.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Le coût de la santé augmente en moyenne mécaniquement de 2,4 % chaque année, en lien avec le coût moyen des médicaments et des actes. Nous devons donc prendre en compte cette évolution quand nous analysons le coût moyen de l'AME par bénéficiaire. Nous avons lancé une mission IGAS-IGF sur cette question ainsi que sur celle du panier de soins. Celui de l'AME est réduit par rapport au panier de soins de la CMU. Faut-il encore l'affiner ? Je reste convaincue qu'on ne doit pas réserver l'AME aux soins urgents, car cela ne ferait qu'augmenter le coût final. Mieux vaut traiter tôt que tard.

J'attends les conclusions de la mission avant de prendre une décision sur l'Oniam. L'enveloppe de 77 millions d'euros dédiée à la Depakine a été sous-exécutée parce que le démarrage de l'indemnisation a été lent : à la fin de 2018, on comptait à peu près 1 000 dossiers en cours de traitement, sans qu'aucune indemnisation n'ait été versée. Les experts ont mis du temps à s'accorder sur les symptômes liés à l'utilisation de la Dépakine, et donc à définir les personnes devant être indemnisées. L'enveloppe sera néanmoins utilisée et nous ne remettrons pas en cause la prévision du coût global d'indemnisation. Nous avons ouvert 73 millions d'euros en gestion 2019, et au 11 juin, on ne compte que quatre offres définitives acceptées pour des montants allant de 1,3 million d'euros à 115 000 euros. Par ailleurs, 26 offres ont été adressées, pour un montant total de 316 000 euros pour 10 victimes sur 24. Le déficit fonctionnel permanent s'établit à 60 %.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Nous suivons de près les problèmes de gestion de la CAF, et pas seulement de celle du Nord. Des moyens ont été débloqués pour anticiper les réformes. Des formations sont en cours sur la contemporéanisation des aides au logement, afin que les agents soient opérationnels. J'ai eu l'occasion de les remercier pour leur travail, lors de mes déplacements dans les CAF. Ils ont reçu une prime, au printemps, à la suite de la mise en oeuvre des mesures d'urgence, marque de notre reconnaissance pour tout le travail accompli.

M. Vincent Éblé , président . - Madame le ministre, je reste sur ma faim en ce qui concerne la prime d'activité. Avez-vous des chiffres précis à nous donner ? On sait que les taux de recours sont élevés, ce qui laisse craindre un risque d'ajustement en fin d'année. Pouvez-vous nous indiquer si les prévisions budgétaires sont correctes, à ce jour ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Pour la prime d'activité, les versements du mois de mai ont été effectués le 5 juin, et nous n'avons que six mois de recul. Nous suivons de très près la dépense ; plus de 1,5 million de nouvelles demandes sont arrivées à la CAF, sur lesquelles les droits sont ouverts. Les Français s'en sont donc saisis. Notre priorité est l'accès aux droits et aux prestations, et nous cherchons à aboutir à un taux de non-recours aussi bas que possible. Le rapport qui sera remis au Parlement dans quelques semaines fera un point sur l'exécution budgétaire.

M. Vincent Éblé , président . - Donc c'est trop tôt...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Sur les cinq premiers mois, 55 % de la prime versée l'a été à des allocataires qui auraient pu en bénéficier en 2018. Nous avons voulu une prime élargie, et la meilleure conjoncture économique a conduit à augmenter le nombre de bénéficiaires. Nous continuons à communiquer sur la prime d'activité pour que les Français puissent en bénéficier.

M. Thierry Carcenac . - Je souhaite revenir sur le propos de M. Bazin sur les MNA. Certes l'État a fait un effort budgétaire s'agissant de l'évaluation des mineurs, mais leur nombre croit de manière très impressionnante : jusqu'à 20 % par an dans certains départements. Le compte n'y est pas, et ce dossier ne devrait pas relever des départements, même s'ils doivent s'occuper de l'enfance et recueillir les personnes en difficulté - ou alors, il faudrait qu'ils soient mieux indemnisés. Par ailleurs, sur l'aide alimentaire, les représentants de la banque alimentaire sont inquiets de ce qu'ils entendent sur la défiscalisation des dons des grandes surfaces, et la réduction des taux. Pourriez-vous nous rassurer ? Car ces dons sont très importants pour l'aide alimentaire.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Concernant la générosité publique, j'associe le mécénat, dont le taux est aujourd'hui de 60 % pour la recherche médicale, taux que le projet de loi de finances devrait faire baisser à 40 %. Avec un impôt sur les sociétés à 33 %, le différentiel sera faible, et le risque existe que les sociétés se détournent du mécénat, en le remplaçant par un accroissement de leurs charges. Cela impactera la culture, la recherche, l'humanitaire, pour une économie de 200 millions d'euros que nous ne percevrons sans doute même pas.

M. Gérard Longuet . - Je soutiens les propos de Thierry Carcenac. La tragédie de l'immigration de masse est un problème mondial, c'est une responsabilité internationale, européenne, nationale - et la France s'efforce de traiter le problème très en amont. Ce n'est en rien une question que peuvent régler les conseils départementaux, même s'ils ont la responsabilité sociale. Sur quels critères ces jeunes apparemment mineurs sont-ils répartis entre les différents départements ? On a l'impression que l'accessibilité en chemins de fer est le principal critère... Beaucoup souhaiteraient travailler, et nombre d'employeurs souhaiteraient les faire travailler, mais c'est à peu près impossible. Et, dans les petites villes de province, on voit ces jeunes déambuler inlassablement, en perte de repères - avec tout de même un portable vissé à l'oreille - et on aimerait faire quelque chose : il y a beaucoup de gens de bonne volonté qui ont envie de s'en occuper. Mais il n'y a absolument aucune action concrète possible pour les associations locales, et en particulier pour celles qui s'occupent d'insertion par le travail.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Sur les MNA, je vous ai donné les chiffres. Lorsqu'ils sont évalués mineurs, les MNA intègrent l'aide sociale à l'enfance et notre travail avec les départements, dans le cadre de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, consiste aussi en un accompagnement financier en fonction des besoins des territoires, avec une enveloppe spécifique pour éviter les sorties sèches et prévoir un accompagnement de ces jeunes à partir de 16 ou 17 ans : à 18 ans, ils ont plutôt tendance à vouloir s'échapper pour vivre leur propre vie... Un quart des SDF français a bénéficié de l'aide sociale à l'enfance.

J'entends les inquiétudes que suscite la réduction du FEAD. Nous réalisons un gros travail sur la défiscalisation et le don alimentaire. Les associations nous disent que, sur certains territoires, cela se passe très bien. La mission de l'IGAS dont je parlais comprend une évaluation de la loi Garot en termes de qualité : il ne faut pas que l'aide alimentaire ouvre la porte à des dérives de redistribution sous couvert de défiscalisation par les entrepôts et la grande distribution alimentaire.

En France, l'aide alimentaire est portée par les associations. Nous poussons fortement à ce que l'enveloppe soit maintenue et qu'on puisse continuer à distribuer l'aide alimentaire auprès des plus démunis, par le biais de la structure ad hoc que nous aurons choisie avec les acteurs au terme de la mission IGAS. La protection de l'enfance est un sujet suivi par le secrétaire d'État Adrien Taquet.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Ce matin, nous avons clôturé, avec M. Taquet, les travaux de la concertation sur la protection de l'enfance, où la question des MNA est traitée : une fois que la minorité est établie, ces jeunes intègrent l'ASE, où ils sont généralement très volontaires pour l'apprentissage, et s'intègrent très rapidement. Il y a eu un groupe de travail sur la sortie de l'ASE, notamment pour les MNA.

Sur le mécénat, la mesure est encore en discussion. Elle ne toucherait que le mécénat des entreprises, et pas celui des particuliers. Beaucoup d'entreprises font du mécénat en dehors du dispositif fiscal, d'après l'Observatoire du don de la Fondation de France. Le quantum envisagé demeure extrêmement limité par rapport au total de la niche fiscale. M. Darmanin vous précisera l'état des travaux en cours, mais nous y sommes attentives dans la mesure où cela concerne le secteur des solidarités et de la santé.

Mme Christine Lavarde . - Pouvez-vous nous donner des précisions sur la mise en oeuvre du petit-déjeuner ? Vous avez dit que les collectivités territoriales percevraient de l'État une subvention de deux euros. Cette subvention sera-t-elle accordée à l'ensemble des communes qui accordent ces tarifs de solidarité ou uniquement à celles qui entrent dans le dispositif ? Bref, la jurisprudence « école privée » s'appliquera-t-elle ? Quel sera le calendrier ? On ne peut mettre à disposition des petits déjeuners du jour au lendemain... Ces nouvelles charges imposées aux collectivités seront-elles défalquées de l'enveloppe contractualisée dans le cadre du plafond d'augmentation de la dépense ?

M. Arnaud Bazin , rapporteur . - Quand on parle de MNA, vous parlez en millions d'euros ; les départements comptent en milliards d'euros. Cela se passe de commentaires. Il faut bien le distinguer de la nécessité, pour les départements, de répondre aux difficultés du public traditionnel que sont les enfants en risque ou en danger dans leur milieu familial et qu'on nous confie parfois pour de très longues durées, pour lesquels nous avons, dans les départements, mis en place un accompagnement allant parfois au-delà de 18 ans, pour donner toutes leurs chances aux jeunes qui leur sont confiés. Il n'est pas rare que nous accompagnions ces jeunes jusqu'à 21 ans et leur insertion parfaite et complète, même si malgré les moyens, les résultats ne sont pas toujours satisfaisants. À côté de ce public traditionnel, il y a une deuxième population, qui était jusqu'à récemment peu nombreuse, que constituent les MNA, quand leur minorité est reconnue.

Ces MNA viennent dans notre pays par des filières qui relèvent de la criminalité organisée, pour travailler le plus rapidement possible parce que leurs familles ont des obligations vis-à-vis des passeurs et qu'eux-mêmes ont des obligations vis-à-vis de leur famille. Quand un département - comme celui que j'ai présidé - consacre une centaine de millions d'euros à son système d'aide sociale à l'enfance, et que les MNA en viennent à représenter 40 % de ce budget, ce n'est pas seulement une question financière, c'est une question d'organisation des services et de capacité à répondre : on ne peut pas improviser, même sur une année, des réponses au bon niveau. C'est un profond bouleversement pour les départements, et un vrai risque : on commence à voir apparaître des problèmes d'ordre public dans les départements qui accueillent beaucoup de MNA, notamment dans la phase nécessaire à leur évaluation, pendant laquelle ils sont dans des hôtels. Depuis plus de cinq ans, ce sujet est un enjeu extrêmement fort pour les départements, et ils n'ont pas été accompagnés par l'État au niveau qu'ils attendaient.

Mme Agnès Buzyn, ministre . - Les passeurs ne relèvent pas de notre compétence, mais je sais que Christophe Castaner est extrêmement sensible à la question des réseaux, et qu'il y travaille. Sur la prise en charge des MNA, il y a eu une mission conjointe du ministère de la Justice et de l'IGAS. Les conclusions ont été rendues il y a un an et demi, mais elles ne nous ont pas permis de dégager de pistes très robustes d'évolution, mais simplement une augmentation des crédits, que nous avons effectuée, pour organiser un meilleur accompagnement de l'État pour les départements. Ces travaux sont toujours en cours, et nous travaillons avec l'ADF. Le sujet est traité par le secrétaire d'État et la ministre de la Justice, garde des Sceaux. Il y a encore des évolutions à prévoir. Entre autres solutions, il y a ce registre national, qui permettra d'éviter le nomadisme de ces jeunes. Une fois qu'un département authentifie la minorité, l'enfant doit être protégé et ne pas faire d'essais dans d'autres départements. Favoriser une meilleure péréquation dans la façon dont ces jeunes sont répartis entre les départements relève aussi de la responsabilité de l'ADF, avec le Gouvernement...

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État . - Pour le petit-déjeuner, nous avons lancé l'opération le 1 er avril sur huit académies préfiguratrices, pour un déploiement au mois de septembre. Le dispositif concernera n'importe quelle commune ou, dans une commune, certaines écoles ciblées. Nous souhaitons surtout qu'il n'y ait pas de stigmatisation des enfants : dès lors qu'un projet pédagogique sera monté et validé, l'ensemble de l'école en bénéficiera. Il s'agira d'un petit-déjeuner équilibré, une diététicienne prenant part à la construction du projet. Nos crédits seront transférés à l'Éducation nationale, qui les transférera au niveau départemental. Les projets peuvent être initiés par l'équipe pédagogique de l'école, par une association de parents d'élèves, par les élus, ou même par plusieurs de ces acteurs de manière concertée. Nous leur laissons toute latitude : un petit-déjeuner, trois, deux, sur le temps scolaire ou hors temps scolaire - voire même déploiement d'un panier distribué la veille pour le lendemain, pour que les enfants puissent prendre le petit-déjeuner en famille à la maison. Un euro par petit-déjeuner et par enfant sera financé. Ce sera donc gratuit pour la collectivité, et n'impacte donc pas le plan Cahors pour les communes.

La cantine à 1 euro est prévue pour les communes de moins de 10 000 habitants qui touchent une DSR cible, c'est-à-dire les communes les plus pauvres en termes de revenu médian par habitant. Nous sommes partis du constat que 80 % des communes entre 10 000 et 100 000 habitants avaient déjà mis en place des tarifs sociaux adaptés, contre à peine un tiers des communes de moins de 10 000 habitants. Les communes qui ont déjà mis en place un tarif à 1 euro pourront bénéficier de la mesure - pour les écoles publiques. Le calendrier commence le 1 er avril, et le remboursement sera simple : une unique délibération et, trois fois par an, la commune nous donnera le nombre de familles qui ont bénéficié de tarifs. Le remboursement sera de deux euros par famille ayant payé un euro. Pour les petits déjeuners, six millions d'euros sont prévus pour 2019, et 12 millions d'euros en année pleine. Pour la cantine, la montée en charge sera progressive jusqu'en 2020.

M. Vincent Éblé , président . - Merci pour l'ensemble de ces éclairages utiles.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page