II. EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 juillet 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur général, sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

M. Vincent Éblé , président . - Nous en venons à l'examen du rapport d'Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Nous nous trouvons à un moment important du calendrier budgétaire, où nous sommes amenés à regarder le passé - l'exécution 2018 - pour mieux préparer l'avenir - ce sera l'objet de notre réunion de la semaine prochaine, consacrée au débat d'orientation des finances publiques.

D'un point de vue macro-économique, l'année 2018 pourrait constituer un tournant, en signant la fin de la croissance de rattrapage dont a bénéficié le Gouvernement depuis le début du quinquennat et qui l'a grandement aidé à atteindre ses objectifs budgétaires. L'an dernier, le Gouvernement a de nouveau pu « surfer » sur la conjoncture, en bénéficiant d'une croissance effective de 1,7 %, soit un niveau conforme à la prévision et nettement supérieur à la croissance potentielle de l'économie française, que l'on estime comprise entre 1,2 et 1,3 %.

Cependant, l'économie française semble progressivement s'essouffler. Ce ralentissement est particulièrement visible lorsque l'on suit l'évolution du PIB en glissement annuel, en comparant le niveau du PIB pour un trimestre donné à ce qu'il était au même trimestre de l'année précédente. Ainsi mesurée, la croissance française a connu une forte accélération entre le quatrième semestre de 2016, avec 1,2 %, et le dernier trimestre de 2017, au cours duquel elle a même frôlé les 3 %. Depuis ce point haut, elle a continûment ralenti, pour finalement retrouver au quatrième trimestre de 2018 un rythme de 1,2 %. Le ralentissement observé l'an dernier s'explique par une moindre contribution de la demande intérieure, et non par le commerce extérieur, qui apporte pour la première fois depuis 2012 une contribution positive à la croissance française.

Cette évolution paraît compatible avec la thèse d'un épuisement de la « capacité de rebond » de l'économie française. En effet, si l'économie peut croître temporairement à un rythme plus élevé que son potentiel pendant une phrase dite de rattrapage, elle doit ralentir une fois son « potentiel de rebond », aussi appelé écart de production, revenu à zéro. D'après le Gouvernement, c'est précisément dans cette situation que l'économie française se trouverait désormais.

Des interrogations demeurent sur la position exacte de l'économie française dans le cycle. En effet, les indicateurs macroéconomiques traditionnels de surchauffe (inflation, dynamique des salaires) restent aujourd'hui atones, ce qui pourrait suggérer l'existence d'une « capacité de rebond » supplémentaire. Dès lors, les estimations du niveau de l'écart de production à l'issue de l'exercice de 2018 divergent selon les instituts. L'hypothèse gouvernementale selon laquelle la « capacité de rebond » serait désormais épuisée présente néanmoins un caractère central au regard des estimations disponibles et paraît ainsi la plus plausible.

Pourtant, le Gouvernement a préféré différer une nouvelle fois le redressement structurel des comptes publics, ce qui risque d'isoler encore davantage la France au sein de la zone euro. À l'issue de l'exercice de 2018, le solde public s'est établi à - 2,5 % du PIB, contre - 2,8 % du PIB en 2017. Il s'agit d'un résultat légèrement meilleur que celui qui est attendu dans le cadre du PLF de 2018 et de la prévision actualisée du PLFR de 2018, à savoir 2,6 % du PIB. Un tel constat ne permet toutefois ni d'apprécier si ce redressement présente un caractère pérenne, ni s'il est imputable au Gouvernement.

Or ce dernier a bénéficié non seulement d'une croissance de rattrapage, mais également d'un fort dynamisme des prélèvements obligatoires, dont l'élasticité à l'activité s'est élevée à 1,2.

Au total, il ressort de la décomposition de l'évolution du solde public que son amélioration traduit pour deux tiers l'effet de la conjoncture et du dynamisme des recettes, et pour un tiers seulement un effort structurel de redressement des comptes publics. En effet, la baisse des prélèvements obligatoires a permis de diminuer leur poids dans la richesse nationale de 0,2 point.

La diminution de la dépense publique en volume mise en avant par le Gouvernement est trompeuse. Si l'on neutralise les facteurs exceptionnels que constituent le contrecoup de la recapitalisation d'Areva effectuée en 2017 et le moindre remboursement de la taxe à 3 % sur les dividendes, et que l'on tient compte des crédits d'impôt enregistrés en dépense en comptabilité nationale, la croissance de la dépense publique en volume est en réalité positive et même supérieure au niveau de 2017.

L'exercice de 2018 me paraît marquer l'échec de la stratégie budgétaire du « en même temps », qui visait à mener en parallèle une baisse du déficit structurel et des prélèvements obligatoires, faute d'un effort suffisamment important en matière de maîtrise de la dépense publique. Seules la conjoncture et la forte élasticité des recettes permettent encore de le masquer, mais nous avons vu que cela ne devrait pas durer !

Ce manque de sérieux budgétaire transparaît plus clairement encore à la lumière des règles budgétaires européennes et surtout des efforts réalisés par nos principaux voisins. La France n'a respecté aucun de ses engagements européens en 2018. La déviation maximale autorisée a même été dépassée s'agissant de la règle de dette, ce qui a conduit la Commission européenne à rédiger un rapport préalable à l'ouverture d'une procédure pour déficit excessif.

À l'issue d'une évaluation globale de l'ensemble des facteurs pertinents, tenant compte notamment des faibles risques qui pèsent à court terme sur la soutenabilité de la dette française et des réformes structurelles mises en oeuvre par le Gouvernement, elle a toutefois conclu qu'une procédure pour déficit excessif fondée sur la dette n'était pas justifiée à ce stade, à l'inverse de ce qu'elle a décidé dans le cas italien. Si le Gouvernement a donc une nouvelle fois pu compter sur la bienveillance des institutions européennes, l'absence de respect des règles budgétaires nourrit la divergence observée entre la France et le reste de la zone euro.

Sur le plan du déficit, avec une amélioration du solde nominal limitée à 0,2 point, la France figure parmi les pays de la zone euro où le redressement opéré l'an dernier est le plus faible. L'écart avec le reste de la zone euro, déjà important à l'issue de l'exercice de 2017, continue ainsi à se creuser, alors même que le reste de la zone euro est désormais à l'équilibre budgétaire.

Le ratio d'endettement français est pour la première fois supérieur à celui du reste de la zone euro hors Allemagne, tandis que le différentiel avec l'Allemagne atteint près de 40 points de PIB. En matière de coût budgétaire de la dette, ce différentiel avec l'Allemagne atteint 34 millions d'euros, même avec des taux d'intérêt très faibles. L'économie française est vulnérable, en dépit de l'effet anesthésiant de la baisse des taux. Nous y reviendrons plus longuement dans le cadre du débat d'orientation des finances publiques.

L'amélioration nominale du déficit a cette fois encore été portée par la sphère sociale et les collectivités territoriales, qui confortent leurs excédents. S'agissant des administrations publiques locales, si la croissance de la dépense publique (+ 2,4 %) est très légèrement supérieure à l'objectif (+ 2,3 %), cela tient à la reprise plus forte qu'escompté de l'investissement local (+ 7,8 %). Ainsi, c'est bien la contribution des dépenses d'investissement qui explique l'essentiel de la croissance de la dépense locale en 2018.

À l'inverse, la progression des dépenses de fonctionnement de l'ensemble des collectivités territoriales (+ 0,3 %) est très inférieure à l'objectif fixé dans le cadre de la contractualisation (+ 1,2 %). Cela correspond à un montant d'économies de 3,5 milliards d'euros si l'on retient le tendanciel du Gouvernement et même de 5 milliards d'euros si l'on prend pour base de calcul celui de la commission des finances, qui tenait compte des efforts consentis par les collectivités territoriales lors de la période de référence. Encore une fois, les collectivités territoriales ont démontré leur capacité à participer à l'effort collectif en matière de maîtrise de la dépense.

La situation est plus contrastée pour la sphère sociale. L'amélioration du solde est inférieure de plus de 2 milliards d'euros à la prévision révisée et tient en grande majorité à la conjoncture et aux hausses de prélèvements obligatoires, ainsi que l'a rappelé la Cour des comptes la semaine dernière.

Surtout, il faut garder à l'esprit que l'excédent de la sphère sociale est subordonné à la contribution positive de la caisse d'amortissement de la dette sociale (Cades), qui s'élève actuellement à 0,6 point de PIB. Or, cette contribution a de fortes chances de s'éteindre avec la Cades en 2024. En l'absence de contribution positive de la Cades, les administrations de sécurité sociale resteraient légèrement déficitaires en 2018, ce qui témoigne à la fois de la fragilité de la situation budgétaire de la sphère sociale et de la nécessité de poursuivre le redressement des comptes sociaux dans la durée.

Venons-en maintenant à l'État, dont le besoin de financement en comptabilité nationale, à hauteur de 69,9 milliards d'euros, explique à lui seul le déficit public. En comptabilité budgétaire, le déficit est de 76 milliards d'euros, en aggravation de 8,4 milliards d'euros par rapport à 2017. Mais, pour avoir une vision correcte des effets de la politique gouvernementale, il faut neutraliser certains effets, en particulier la recapitalisation du secteur énergétique qui avait aggravé temporairement le solde de 7,5 milliards d'euros en 2017. Le creusement du déficit budgétaire réellement lié à la politique menée en 2018 est nettement plus élevé : je l'estime à 13 milliards d'euros. Cette évolution est due aux mesures de réduction d'impôts, que l'on approuverait si elles étaient gagées par des mesures d'économie : ce n'est pas le cas puisque les dépenses sont en réalité en nette augmentation.

Passons en effet à un examen rapide des missions dont la consommation des crédits évolue le plus en valeur absolue. Sur 29 missions, 20 voient leurs dépenses augmenter. La mission « Enseignement scolaire » croît de 1,3 milliard d'euros, avec, toutefois, un ralentissement dans la création de postes. La mission « Défense », qui subit une sous-budgétisation récurrente sur les opérations extérieures et les missions intérieures, progresse de près de 1 milliard d'euros aussi bien en dépenses de personnel qu'en fonctionnement et en investissement. Pour la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », c'est la revalorisation de la prime d'activité et de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) qui explique l'exécution supérieure de près de 800 millions d'euros. Enfin, il faut noter, pour la mission « Recherche et enseignement supérieur », la hausse des crédits consacrés à la formation supérieure, la recherche spatiale et aux projets de l'Agence nationale de la recherche. S'agissant enfin de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », c'est la généralisation du « chèque énergie » qui a l'impact le plus important.

À l'inverse, il faut noter la baisse notable des crédits de la mission « Travail et emploi », liée à la réduction du nombre de contrats aidés et à l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche dans les petites et moyennes entreprises (PME). Pour la mission « Cohésion des territoires », on peut constater les effets sur le budget de la réforme des aides personnelles au logement dans la loi de finances initiale pour 2018. Enfin la mission « Agriculture » revient à un niveau de crédits plus usuel, après une année 2017 marquée par des dépenses exceptionnelles liées à des refus d'apurement d'aides européennes.

Les dépenses de personnel, après un pic exceptionnel en 2017, reprennent une progression plus habituelle avec une hausse de 1,9 %. Le principal facteur d'augmentation est la mise en place de l'indemnité compensatrice de la CSG. Le schéma d'emploi a un impact positif sur les dépenses de personnel. On ne voit toujours pas venir la diminution des emplois de l'État à hauteur de 50 000 postes qui figure dans la loi de programmation des finances publiques, mais que le Gouvernement semble avoir mise de côté.

Sous l'effet d'une conjoncture favorable, les recettes progressent nettement plus vite que la croissance pour la deuxième année consécutive, ce qui suffit à compenser les effets des mesures prises avant ou à l'occasion de la loi de finances initiale. Si l'on prend un à un les principaux impôts, les recettes de l'impôt sur les sociétés sont légèrement supérieures à la prévision en raison d'une évolution spontanée assez favorable, mais en baisse par rapport à 2017 pour plusieurs raisons : l'année 2017 avait connu des recettes exceptionnelles, dont l'instauration des contributions exceptionnelle et additionnelle ; en 2018, les taux ont par ailleurs diminué.

Les recettes issues de l'impôt sur le revenu sont stables, car l'évolution spontanée a été contrebalancée par les effets de la transformation de la réduction d'impôt relative à l'emploi d'un salarié à domicile en crédit d'impôt et par l'entrée en vigueur du prélèvement forfaitaire unique.

La taxe sur la valeur ajoutée (TVA) a fourni des recettes en hausse de 4,3 milliards d'euros. Celles de l'impôt sur la fortune immobilière (IFI), qui s'applique pour la première fois en 2018, sont de 1,3 milliard d'euros, soit un montant supérieur de 52 % au produit prévu lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2018. Si l'on ajoute les encaissements au titre de l'impôt sur la fortune (ISF) pour les exercices antérieurs, le produit total est inférieur de 3,2 milliards d'euros à celui de l'ISF en 2017.

Les recettes non fiscales enregistrent un produit stable d'année en année, autour de 14 milliards d'euros. Elles ont toutefois dépassé de 700 millions d'euros le produit attendu, qui s'explique par le versement par la Caisse des dépôts et consignations d'un dividende de 1 milliard d'euros, contre 500 millions d'euros prévus, et par la soudaine augmentation du coût de la tonne de CO 2 qui a permis à l'État de récupérer une partie des recettes issues des ventes de quotas carbone.

Je note toutefois des imprécisions dans les documents budgétaires sur les retours financiers que produisent les investissements d'avenir : selon que l'on regarde les données des opérateurs ou celles de l'État, ces retours varient de plus de 400 millions d'euros.

Le coût total estimé des dépenses fiscales est de 100,2 milliards d'euros en 2018, contre 93,4 milliards d'euros en 2017. Cette augmentation de près de 7 milliards d'euros est due en partie à la montée en charge du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), mais le coût des dépenses fiscales hors CICE est également en hausse de 2,4 milliards d'euros sur un an. Il faut souligner une nouvelle fois la grande approximation de ces chiffrages : seules 287 des 474 dépenses fiscales font l'objet d'un chiffrage dans les documents budgétaires au titre de l'année 2018. Le montant de 100,2 milliards d'euros inclut donc en réalité, pour 34 dépenses fiscales, le chiffrage de 2017 parce que celui de 2018 n'est pas encore disponible.

Certains chiffres sont d'ailleurs incompréhensibles : alors que la loi de finances initiale pour 2018 a fait passer la TVA de 5,5 % à 10 % pour les logements sociaux, le coût de la dépense fiscale correspondante n'a pas changé dans les documents budgétaires, ce qui rend le débat pour le moins biaisé.

S'agissant à présent de l'exécution du budget par rapport à l'autorisation en loi de finances initiale, nous l'avions constaté en examinant le budget de 2018 et cela est confirmé : il y a eu un réel effort de sincérisation du budget.

M. Vincent Éblé , président . - Un budget mauvais, mais sincère, n'est pas non plus la solution !

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Aucun décret d'avance n'a été pris en cours d'année, la réserve de précaution hors dépenses de personnel a été limitée à 3 %, et les ouvertures de crédits ont eu lieu dans une loi de finances rectificative limitée aux mesures de fin de gestion. L'amélioration du solde en cours d'exécution est d'abord due à un effet artificiel : un montant élevé de droits de mutation a été comptabilisé sur l'exercice 2018 au lieu de l'exercice 2017.

Ces bonnes surprises concernent les ressources. Du côté des dépenses, l'exécution n'a pas permis de dégager des économies nouvelles. Les crédits consommés ont été pratiquement ceux qui ont été prévus en loi de finances initiale. Les reports vers l'exercice suivant sont comparables aux reports depuis l'exercice précédent. Les fonds de concours ont apporté 900 millions d'euros de plus que prévu, ce qui correspond à peu près aux montants de crédits annulés en loi de finances rectificative ou en loi de règlement.

Au niveau des missions, les écarts à la prévision ne sont pas aussi spectaculaires qu'en 2017, année où trois missions avaient connu un dérapage supérieur à 1 milliard d'euros, mais ils n'en sont pas pour autant négligeables.

La surexécution de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » est liée à un afflux non prévu de fonds de concours, notamment de la part de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). À l'inverse, la sous-exécution de la mission « Travail et emploi » provient de la baisse du nombre de contrats aidés et de l'extinction du dispositif d'aide à l'embauche, pourtant déjà prévue dans le projet de loi de finances.

Enfin, il faut mettre l'accent sur les ouvertures de crédits complémentaires prévues par l'article 4 du présent projet de loi de règlement, qui concernent la mission « Remboursements et dégrèvements », pour un montant inhabituel de 1,4 milliard d'euros. Le ministre de l'action et des comptes publics nous a indiqué par courrier, au mois de mai, que ce dépassement résultait de contentieux individuels à fort enjeu au titre de l'impôt sur les sociétés, intervenus en fin d'année.

Les explications sont peu satisfaisantes, alors que les dégrèvements et restitutions liés à des contentieux sur l'impôt sur les sociétés s'élèvent au total à 3,2 milliards d'euros, contre une prévision de 0,8 milliard d'euros. Il est indispensable de mieux comprendre les raisons qui semblent entraîner une multiplication de contentieux importants perdus par l'administration en matière d'impôt sur les sociétés, mais aussi d'autres impôts tels que l'impôt sur le revenu. On parle de milliards d'euros.

Je prendrai enfin quelques instants pour aborder la démarche de performance. C'est un bel acquis de la LOLF, mais force est de constater que son potentiel n'est pas toujours pleinement exploité. Mme la ministre de la santé Agnès Buzyn nous parlait encore récemment de cet indicateur sur l'espérance de vie ressentie par les Français. Les indicateurs sont souvent théoriques et peu utiles. La maquette de performance en compte encore trop, même si ce phénomène s'est atténué depuis 2015. En 2018, le budget de l'État ne comptait plus que 765 indicateurs contre 1 025 en 2014. La lisibilité de la maquette s'est aussi améliorée avec la mise en place, depuis 2012, d'indicateurs considérés comme les plus représentatifs de la mission, au nombre de 93 en 2018. Cependant, en 2018, moins de 65 % de ces indicateurs sont exploitables, alors qu'ils sont censés être les plus représentatifs d'une mission.

Certaines des missions du budget général sont complètement sinistrées sous cet angle de la performance : pour les missions « Santé » ou « Travail et Emploi », par exemple, aucun sous-indicateur n'est exploitable. Dès lors, à quoi sert la démarche de performance ?

Pour conclure, ce projet de loi de règlement comporte les articles habituels, qui sont de pure constatation et n'appellent pas d'observation particulière. L'article liminaire concerne l'ensemble des finances publiques : la publication du compte provisoire 2018 complet par l'Insee, le 29 mai dernier, a conduit les députés à amender cet article afin de tenir compte de la révision de la croissance et de diminuer de 0,2 point le solde structurel et en améliorant du même montant le solde conjoncturel ; cela n'a pas d'effet sur le solde effectif, mais réduit l'ajustement structurel de 0,1 point.

Les articles 2 à 6 présentent le résultat budgétaire de l'État, son tableau de financement en 2018, le compte de résultat et le bilan en comptabilité générale, le montant définitif des crédits pour le budget général, les budgets annexes et les comptes spéciaux. Il s'agit d'articles de pure constatation qu'il n'y a pas lieu d'amender.

L'article 7 ratifie deux décrets intervenus en décembre 2018, concernant, d'une part, certains services rendus par le ministère de la défense et, d'autre part, les redevances des services de navigation aérienne. Cette ratification permet à ces décrets d'éviter de devenir caducs.

Enfin l'article 8, introduit par amendement à l'Assemblée nationale, prévoit que le « jaune budgétaire » relatif aux opérateurs de l'État distingue ceux qui sont considérés comme des organismes divers d'administration centrale (ODAC) et ceux qui ne le sont pas. Je ne suis pas sûr que le passage par la loi soit indispensable pour enrichir un document budgétaire, mais toute amélioration relative à la connaissance des opérateurs de l'État est utile.

Ce projet de loi de règlement est, pour l'essentiel, un texte de constatation qui témoigne d'une exécution plutôt conforme à l'autorisation. Il découle toutefois du projet de loi de finances pour 2018, dans le cadre duquel le Sénat avait marqué son désaccord avec plusieurs choix du Gouvernement. Je m'en remettrai donc à la sagesse de la commission sur le texte.

Enfin, je dois vous préciser, en ce qui concerne le périmètre du texte qui nous est soumis, que tout amendement déposé en vue de l'examen du texte en séance, pour être recevable, doit respecter le domaine des lois de règlement. Celui-ci est défini par l'article 37 de la LOLF, auquel les auteurs d'amendement sont invités à se reporter.

M. Vincent Éblé , président . - Nous vous remercions pour ce rapport synthétique et clair.

M. Vincent Delahaye . - Cette loi de règlement a fait l'objet du printemps de l'évaluation à l'Assemblée nationale. Je suis curieux d'en connaître les résultats. Il serait bon que le Parlement dispose de son propre outil d'évaluation. Cela nous permettrait d'avancer de manière plus rassurante dans nos analyses et nos propositions.

M. Vincent Éblé , président . - On peut toujours mettre en place un outil d'évaluation. Si nous n'avons pas les données, il tournera à vide.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - On nous a présenté, hier, un outil de simulation fiscale. Il est resté limité à l'impôt sur le revenu et se contente pour le moment de permettre de faire varier les tranches d'impôt sur le revenu pour en obtenir son montant, sans pouvoir modifier les règles du quotient familial. Il ne mesure pas non plus encore l'impact budgétaire. Il reste du chemin à faire. On peut déjà faire appel à des consultants extérieurs. Il est certain qu'il faut avoir accès aux données pour pouvoir mener une évaluation efficace.

M. Vincent Delahaye . - Des consultants extérieurs pourraient effectivement nous aider. Le Sénat pourrait prendre en charge dans son budget une partie de ces études qui contribueraient à compléter notre analyse.

Le rapporteur général a bien décrit la situation générale de nos finances publiques. Le redressement est très lent. Le choix du Gouvernement d'alléger les impôts sans baisser la dépense publique est malheureux pour l'amélioration des comptes publics. On peut s'interroger sur un budget qui serait mauvais tout en étant sincère, mais n'est-ce pas toujours mieux que ce que l'on avait avant, à savoir un budget à la fois mauvais et insincère ? Le déficit a augmenté en 2018, car la dépense a continué à croître, même si elle a été mieux maîtrisée que dans le passé. Le Gouvernement n'a pas été assez économe, mais il a été sincère.

Le groupe UC votera en faveur de ce projet de loi de règlement, non pas pour donner un blanc-seing au Gouvernement, mais pour l'inciter à procéder à une revue importante des dépenses publiques, en vue d'un assainissement de nos finances publiques.

M. Dominique de Legge . - Les crédits de la mission « Défense » étaient inscrits en augmentation de + 1,8 milliard d'euros dans la loi de finances pour 2018. On leur enlève 1,2 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) non consommées et non reportées et 102 millions d'euros en crédits de paiement (CP), alors que, pour la première fois, le budget de la Défense a dû supporter le surcoût des Opex à hauteur de 600 millions d'euros. Il y a un décalage entre les déclarations du Gouvernement et la réalisation budgétaire.

Mme Nathalie Goulet . - Je parle en tant que rapporteur spécial de la mission « Engagements financiers de l'État ». Le bon résultat affiché provient du bas niveau des taux d'intérêt. À force de crier au loup alors que les taux n'augmentent pas, la sanction n'arrive pas. Tant mieux si nous bénéficions de taux d'intérêt qui restent faibles. Cependant, n'oublions pas l'épée de Damoclès au-dessus de nos têtes. Par ailleurs, un certain nombre de missions sont mal évaluées. C'est le cas pour 31 dépenses fiscales attachées au programme 145 de la mission que je rapporte. Cependant, je suivrai la position de Vincent Delahaye.

M. Marc Laménie . - Vous indiquez à la page 17 de votre présentation que les annulations de crédits ont augmenté de 1,2 milliard d'euros sur l'enseignement scolaire par rapport à 2017, alors qu'il s'agit pourtant de la première mission du budget de l'État. Le projet de loi précise que beaucoup d'annulations portent sur des crédits non consommés et non reportés et qu'elles représentent 1,1 milliard d'euros pour l'ensemble des missions. Comment expliquer ces différences ?

M. Jean-Marc Gabouty . - On ne peut pas s'étonner d'une croissance plus atone au quatrième trimestre 2018, où le contexte a pénalisé la consommation intérieure. Une capacité de rebond existe, liée à une augmentation du pouvoir d'achat ou à des achats différés dans un contexte d'amélioration du moral des ménages et du climat des affaires. Le Gouvernement préfère stratégiquement avoir des résultats supérieurs à ses annonces.

J'ai eu une difficulté à comprendre le graphique de la page 10 de votre document. Le solde de la zone euro hormis la France et l'Allemagne y apparaît moins bon que celui de la zone euro hormis la France, ce qui laisse à penser que l'Allemagne contribuerait à la dégradation du solde de la zone euro. Pourriez-vous m'expliquer ce paradoxe ?

M. Éric Bocquet . - À la page 9, vous mentionnez un début de redressement de la situation du Portugal. Ce pays a fait des choix à contre-courant de ce que Bruxelles préconise, en augmentant notamment les salaires en échange d'une baisse des cotisations. La France ne pourrait-elle pas s'en inspirer ?

Le 20 juin dernier, le journal Les Échos faisait état d'une baisse des recettes fiscales en matière de recouvrement contentieux pour la troisième année consécutive. Bercy aurait renoncé à des redressements à hauteur de 1,4 milliard d'euros dans le dossier Vivendi et de 1,9 milliard d'euros pour deux autres dossiers. Connaît-on les raisons de ces abandons ?

M. Claude Raynal . - La sincérité des comptes est un sujet particulier. Elle est considérée comme acquise, alors que certaines suppressions sont significatives : 3 milliards d'euros en AE et 500 millions d'euros en CP. Cela mériterait des explications. Dans certains domaines comme l'agriculture, on connaît les raisons de la sous-consommation des crédits. C'est moins vrai pour la mission « Défense ».

Il faudra que nous revenions sur les propos que M. Darmanin nous tenait en 2017, en les opposant à la réalité en 2018. En matière de sincérité politique, il y a loin de la coupe aux lèvres.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Vincent Delahaye, l'Assemblée nationale a effectivement beaucoup communiqué sur le printemps de l'évaluation. Au Sénat, un accord-cadre permettant de lancer des marchés d'études existe déjà. Nous en avons d'ailleurs demandé une dans le cadre de notre mission sur la fiscalité du patrimoine. Nous pourrons aussi nous en servir pour des chiffrages lors de la loi de finances. Mais s'ils n'ont pas accès aux données, même les meilleurs chercheurs du monde ne seront d'aucun recours.

Marc Laménie, selon les tableaux, les chiffres incluent ou non les fonds de concours et les contributions au CAS « Pensions ». Pour connaître les raisons des annulations, il faudrait mener un travail plus précis avec les rapporteurs spéciaux.

Jean-Marc Gabouty, l'Insee table sur une croissance inférieure de 0,1 point aux prévisions du Gouvernement. Quant au graphique de la page 10, il montre au contraire que l'Allemagne, avec son excédent primaire, améliore par définition la situation de la zone euro.

Quelques mots enfin de l'écart entre redressements et recouvrement dans les contentieux fiscaux. La situation, il est vrai, ne s'améliore pas. Le président Vincent Éblé et moi avons eu accès à un certain nombre de dossiers portant sur l'impôt des sociétés, les prix de transfert, la fiscalité internationale : ces affaires sont très compliquées. Lorsque l'administration prononce un redressement, les intéressés invoquent nombre d'arguments pour justifier, par exemple, de loger tels bénéfices dans telle filiale, située dans tel pays. Et devant les tribunaux, ils gagnent souvent alors que les montants sont significatifs ! On doit du reste s'interroger sur le nombre important de contentieux perdus. Le tribunal administratif de Paris, ainsi, a donné systématiquement raison aux « géants du numérique » à propos de la notion d'établissement stable.

Je précise à Marc Laménie qu'il se produit toujours des annulations et des mises en réserve sur les crédits de l'enseignement scolaire, mais finalement cette année moins que dans le passé.

À l'issue de ce débat, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter le projet de loi de règlement et d'approbation des comptes de l'année 2018 sans modification .

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