B. LE PROGRAMME 109 : LA RÉDUCTION DES AIDES AU LOGEMENT FINANCÉE PAR LES BAILLEURS SOCIAUX

L'une des principales orientations budgétaires du présent Gouvernement a consisté à diminuer de manière marquée les crédits consacrés à la politique du logement, qu'il s'agisse des aides à la pierre (programme 135, voir infra ) ou, s'agissant du programme 109, des aides à la personne.

1. Une importante diminution des crédits

En conséquence des mesures prises au cours de l'année 2017, les crédits consommés sur le programme 109 sont passés de 15,5 milliards d'euros en 2017 à 14,3 milliards d'euros en 2018, soit une baisse de 1,3 milliard d'euros ou 7,5 % .

Ces sommes correspondent à la dotation d'équilibre versée par l'État au fonds national d'aide au logement (FNAL), également alimenté par le produit de plusieurs cotisations versées par les employeurs 61 ( * ) . Les ressources totales du FNAL se sont élevées à 17,2 milliards d'euros en 2018, contre 18,4 milliards d'euros en 2017, soit une diminution de 1,2 milliard d'euros qui correspond à la baisse de la dotation de l'État.

Évolution des crédits de paiements du programme 109 « Aide au logement »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

La diminution entre 2017 et 2019 ans devrait être de 2,1 milliards d'euros, soit 13,4 %, selon les prévisions faites dans la dernière loi de finances initiale. Il est toutefois probable que cette diminution ne se réalise pas .

La diminution de 900 millions d'euros prévue au titre de l'année 2019 est en effet liée à la mise en oeuvre d'un mécanisme de « contemporanéité du versement des aides au logement » , c'est-à-dire que celles-ci seraient versées en fonction du revenu actuel et non de celui perçu il y a deux ans. Or les doutes émis par votre rapporteur spécial au sujet de la réalité de cette économie dès 2019 ont été confirmés par le report de la mise en oeuvre de cette réforme très complexe.

Votre rapporteur spécial s'inquiète donc tout particulièrement pour la soutenabilité de ce programme en 2019 . Aucune réponse n'est donnée à ce jour sur la manière dont le Gouvernement assurera le paiement des aides au logement jusqu'à la fin de l'année 2019. Une ouverture de crédits pourrait devenir nécessaire par décret d'avance ou dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année. Il serait en effet inenvisageable de laisser encore croître la dette du FNAL à l'égard des organismes de sécurité sociale (voir infra).

Risque de soutenabilité du programme 109 en 2019

En millions d'euros

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

2. Des mesures d'économie excessives sur lesquelles il sera nécessaire de revenir

Les mesures d'économies relatives aux aides personnelles au logement , ayant produit un effet en 2018, sont de plusieurs natures.

Votre rapporteur spécial constate que, selon les estimations faites par la Cour des comptes, la mise en extinction de l'APL « Accession » , à laquelle il s'était opposé, ne semble avoir produit en 2018 que des effets très limités . Quant à la mesure du gel des paramètres de dépenses et de ressources, qui comprend en particulier la non-revalorisation de l'APL au 1 er octobre 2018, elle ne produira son plein effet qu'en année pleine en 2019.

Les principales mesures d'économie sont toutefois la mise en oeuvre de la réduction de loyer de solidarité , qui a produit une économie budgétaire de 800 millions d'euros, et l'effet en année pleine de la diminution de cinq euros des aides personnelles au logement mise en oeuvre le 1 er octobre 2017, pour un rendement de 391 millions d'euros, l'un et l'autre conformes aux prévisions.

Pour mémoire, la réduction de loyer de solidarité (RLS) consiste en une diminution du loyer des logements sociaux pour des ménages remplissant des conditions de ressources, liée à une diminution des aides au logement pour les ménages qui bénéficient de la RLS.

Il convient de rappeler que l'intention initiale du Gouvernement était de donner à cette mesure une portée beaucoup plus importante , puisqu'elle devait entraîner une économie budgétaire de 1,5 milliard d'euros sur les aides au logement. L'examen du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale avait permis d'étaler la montée en charge du dispositif sur trois ans. Le Sénat avait pour sa part supprimé le dispositif de la RLS et réintroduit celui de l'APL « Accession ». L'Assemblée nationale avait ensuite, sur la proposition du Gouvernement 62 ( * ) , rétabli la suppression de l'APL « Accession » et la création de la RLS avec une montée en charge prévue de 800 millions d'euros en 2018 et 2019 et de 1,5 milliard d'euros en 2020.

Les difficultés rencontrées par le secteur suite à la mise en place de la RLS , régulièrement rappelées par votre rapporteur spécial mais longtemps sous-estimées par le Gouvernement, ont finalement conduit celui-ci à rencontrer les représentants des bailleurs sociaux au cours des premiers mois de 2019, par application d'une clause de « revoyure ». À l'issue de cette phase de concertation, le Gouvernement a accepté de limiter l'impact de la RLS à 1,3 milliard d'euros en 2020, dans le cadre d'un accord signé le 25 avril 2019 avec l'Union sociale de l'habitat (USH).

L'accord du 25 avril prévoit notamment la fixation du rendement final de la RLS à 1,3 milliard d'euros, et non 1,5 milliard comme prévu précédemment ; la baisse de la cotisation des bailleurs sociaux au fond national des aides à la pierre (FNAP), compensée par une augmentation de la contribution d'Action logement ; le retour de la TVA à 5,5 % sur certains types de logements sociaux ; des remises commerciales de la Caisse des dépôts et consignations et la mise en place par celle-ci d'une enveloppe de 800 millions d'euros de titres participatifs.

Source : commission des finances, à partir de l'accord du 25 avril

Votre rapporteur spécial sera bien entendu très attentif à la mise en oeuvre, dans le cadre du prochain projet de loi de finances, des mesures permettant de préserver la soutenabilité à long terme de la situation des organismes de logement social.

3. La croissance de la dette du FNAL malgré une faible surconsommation des crédits

Il n'est pas surprenant, en soi, que le programme 109 nécessite des ouvertures de crédits en cours de gestion. Il doit en effet assurer l'équilibre du FNAL, dont les dépenses (aides personnelles au logement) comme les ressources autres que budgétaires (cotisations des employeurs, notamment) dépendent de la situation économique et non pas de décisions discrétionnaires. Elles ne peuvent donc pas être prévues à l'euro près lors de la préparation du budget.

En 2017, l'exécution de ce programme avait été particulièrement heurtée. L'ouverture de crédits nouveaux dans le cadre de la seconde loi de finances rectificative n'avait pu être limitée à 45,6 millions d'euros que parce que le Gouvernement avait réduit en cours d'année le montant des aides au logement de cinq euros, outil de régulation budgétaire dont votre rapporteur spécial avait regretté le caractère brutal 63 ( * ) .

En 2018, l'exécution du programme 109 a été plus conforme aux prévisions et à l'autorisation parlementaire , puisqu'aucune mesure de ce type n'a été prise en cours d'année. La loi de finances rectificative de fin d'année a tout de même ouvert des crédits nouveaux à hauteur de 90 millions d'euros, montant plutôt limité puisqu'il correspond à 0,6 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Toutefois cette meilleure sincérité n'a pas permis de réduire la dette du FNAL vis-à-vis des organismes payeurs , comme le fait observer la Cour des comptes. Cette dette s'établit à 304 millions d'euros en fin d'année, en augmentation de 50 millions d'euros. Pour mémoire, cette dette, qui était de 171 millions d'euros à la fin 2014, avait augmenté à 400 millions d'euros environ en 2015 avant de diminuer à 258 millions d'euros fin 2016.

Votre rapporteur spécial avait regretté, lors de l'examen du projet de loi de règlement pour l'année 2015, une pratique consistant alors à afficher une sous-exécution du programme 64 ( * ) en laissant croître la dette du FNAL, de manière à respecter optiquement les normes de dépense budgétaire. Si rien ne permet de conclure à un retour de cette pratique, il appelle à un assainissement de la situation du FNAL vis-à-vis des organismes de Sécurité sociale, qui passe nécessairement par une résorption progressive de la dette.


* 61 Article L. 351-7 du code de la construction et de l'habitation.

* 62 Assemblée nationale, nouvelle lecture du projet de loi de finances pour 2018, amendement n° 543 , présenté par le Gouvernement.

* 63 Voir l'analyse de votre rapporteur spécial dans sa contribution au rapport n° 628 (2017-2018) de fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2017.

* 64 En 2015, le Gouvernement a décidé en fin de gestion de bloquer une partie de la réserve de précaution ainsi que les crédits ouverts en loi de finances rectificative, pour un montant comparable à l'augmentation de la dette du FNAL cette année-là (voir la contribution de votre rapporteur spécial au rapport n° 759 (2015-2016) fait au nom de la commission des finances sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2015).

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