II. LA PROPOSITION DE LOI ENTEND APPORTER UNE RÉPONSE À DE NOUVEAUX TYPES D'ENTRAVES INSUFFISAMMENT PRIS EN COMPTE

Votre rapporteur s'est entretenu avec le premier signataire de la proposition de loi, notre collègue Jean-Noël Cardoux, qui lui a fait part de sa préoccupation face à la multiplication des actes de violence et des dégradations commis par certains militants de la cause animale.

A. L'APPARITION D'UNE NOUVELLE FORME D'EXTRÉMISME DANS LA DÉFENSE DE LA CAUSE ANIMALE

Depuis quelques années, les actions violentes commises par des groupes extrémistes antispécistes, animalistes ou végans se sont multipliées.

Si les premiers signes d'activité des mouvements radicaux de défense des animaux sont apparus en France dès les années 1980, leurs activités sont restées sporadiques jusque dans les années 1990. Elles ont gagné en intensité à partir des années 2000 et donnent lieu désormais à un nombre de dégradations et d'agressions significatif.

La confédération française de la boucherie, boucherie-charcuterie, traiteur, a par exemple recensé une cinquantaine d'attaques au cours de l'année 2018. À Lille, huit commerces spécialisés dans les produits à base de viande ont été dégradés entre le 15 mai et le 3 août 2018 : les vitrines ont été brisées, les murs tagués et du faux sang a été répandu. À Angers, Brest et Épinay-sur-Orge, dans l'Essonne, des boucheries ont également été la cible de dégradations importantes 1 ( * ) . On note également la condamnation, en mars 2018, à sept mois de prison avec sursis, pour apologie du terrorisme, d'une militante vegan qui s'était réjouie, sur les réseaux sociaux, de la mort d'un boucher lors de l'attentat de Trèbes.

Mais le fait le plus grave survenu dans la période récente est sans doute l'incendie volontaire de l'abattoir de Haut-Valromey, dans l'Ain, dans la nuit du 27 au 28 septembre 2018 ; s'il n'a heureusement pas fait de victime, cet incendie a mis au chômage technique les 80 salariés de l'entreprise. Une revendication a ensuite été publiée sur Internet par deux individus se réclamant de l'antispécisme.

En septembre 2019, un incendie volontaire a également détruit des bâtiments destinés à accueillir des volailles dans le département de l'Orne. Les inscriptions laissées sur les lieux du sinistre laissent penser que cet acte a été commis par des opposants à l'élevage industriel.

D'autres actions visent plus particulièrement l'exercice de la chasse, avec des permanences de chasseurs saccagées et des interventions en forêt. Dans l'Oise, le collectif Abolissons la Vènerie Aujourd'hui a par exemple multiplié les actions en forêt de Compiègne depuis quelques années. La forêt du domaine de Chambord est également régulièrement touchée.

Le ministère de l'intérieur a signalé à votre rapporteur un nombre non négligeable d'actions menées contre des manifestations taurines (une soixantaine recensées en 2017, autant en 2018) ou contre des cirques.

Ces évolutions inquiétantes ont conduit les députés Damien Abad, Marc Le Fur, Fabrice Brun et plusieurs de leurs collègues à déposer, le 24 octobre 2018, une proposition de résolution à l'Assemblée nationale tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activistes antispécistes violents et les atteintes à la « liberté alimentaire».

Au Sénat, le 2 octobre 2018, notre collègue Jean-Noël Cardoux a interpellé le Gouvernement sur ce sujet lors des questions d'actualité. Le secrétaire d'État aux relations avec le Parlement d'alors, Christophe Castaner, lui a répondu que les groupes radicaux faisaient l'objet d'une surveillance de la part des services de renseignement. Il a également précisé que le ministre de l'intérieur avait donné instruction aux préfets de région, le 5 juillet 2018, de prendre contact avec les représentants des professions concernées pour des échanges réguliers et pour qu'une protection leur soit fournie, le cas échéant. Des instructions ont également été données pour renforcer la vigilance autour des commerces de viande.

Le 28 mai 2019, notre collègue député Didier Le Gac (LREM-Finistère) a interrogé le ministre de l'agriculture et de l'alimentation au sujet de la protection des agriculteurs contre les actions de certaines associations animalistes. Le ministre Didier Guillaume a indiqué en réponse que le Gouvernement ferait preuve « d'une vigilance et d'une sévérité à toute épreuve ». Il a précisé que la garde des sceaux avait adressé une instruction à tous les procureurs de la République pour les inciter à la plus grande fermeté contre ceux qui attaquent les boucheries ou s'introduisent dans les élevages.

Le ministre a également expliqué avoir mis en place dans le département de la Drôme, à titre expérimental, un « observatoire de lutte contre l'agri-bashing », associant tous les acteurs concernés sous l'autorité du préfet et du procureur de la République. La mission de cet observatoire est d'accompagner les agriculteurs dans leurs démarches juridiques, en cas d'intrusion dans leur exploitation ou d'agression verbale ou physique, de sensibiliser le grand public sur l'évolution des pratiques agricoles et de recenser les actes hostiles aux agriculteurs dans le département. Ce dispositif pourrait éventuellement être généralisé à l'ensemble du territoire dans un second temps.

Les auteurs de la proposition de loi souhaitent cependant aller plus loin en renforçant les dispositions pénales réprimant les entraves aux libertés.


* 1 Ces données figurent dans la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur les activistes antispécistes violents et sur les atteintes à la « liberté alimentaire » présentée à l'Assemblée nationale par les députés Damien Abad, Marc Le Fur, Fabrice Brun et plusieurs de leurs collègues.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page