B. LA CONSTRUCTION DU GRAND PARIS EXPRESS FAIT PESER UNE CHARGE FISCALE DE PLUS EN PLUS LOURDE SUR LES ENTREPRISES FRANCILIENNES

La loi n° 2010-597 du 3 juin 2010 relative au Grand Paris, dont l'article 1 er dispose que « le Grand Paris est un projet urbain, social et économique basé sur la construction d'un nouveau réseau de transport public », a créé la Société du Grand Paris (SGP) , établissement public de l'État à caractère industriel et commercial (EPIC) dont « la mission principale est de concevoir et d'élaborer le schéma d'ensemble et les projets d'infrastructures composant le réseau de transport public du Grand Paris et d'en assurer la réalisation ».

Le réseau du Grand Paris Express

Baptisé Grand Paris Express , le réseau de transport public porté par la SGP est constitué de 72 gares (que la SGP a pour mission de construire et d'aménager) et de 200 kilomètres de lignes nouvelles interconnectées au réseau existant (métro, RER et transilien) :

- la ligne 15 reliant Noisy-Champs, Champigny, La Défense, Saint-Denis-Pleyel, Rosny-Bois-Perrier ;

- la ligne 16 de Noisy-Champs à Pleyel via Clichy-Montfermeil et Aulnay-sous-Bois ;

- la ligne 17 de Pleyel au Mesnil Amelot en passant par Le Bourget ;

- la ligne 18 d'Orly à Versailles en passant par le plateau de Saclay.

À ces quatre lignes nouvelles viennent s'ajouter les prolongements de la ligne 14 au nord, entre Saint-Lazare et Pleyel, et au sud, entre Olympiades et Orly ainsi que le prolongement de la ligne 11 entre Rosny-Bois-Perrier et Noisy-Champs.

Source : Société du Grand Paris (SGP)

1. Le coût du Grand Paris Express est désormais estimé à 35 milliards d'euros

Depuis la réévaluation intervenue à l'automne 2017 , le coût du Grand Paris Express est évalué à 35 milliards d'euros aux conditions économiques de 2012, le coût moyen au kilomètre s'élevant à 150 millions d'euros .

S'ajoutent à cette somme environ 3 milliards d'euros de contributions de la SGP à plusieurs projets d'infrastructures de transports en Île-de-France :

- 798 millions d'euros au titre de la participation de 55 % de la SGP au prolongement de la ligne 14 jusqu'à Mairie de Saint-Ouen ;

- 450 millions d'euros pour la réalisation des interconnexions avec le réseau existant ;

- 1,6 milliard d'euros pour la participation de la SGP au plan de mobilisation de la région (Éole, ligne 11, schéma directeur des RER).

À la suite de la réévaluation du coût du Grand Paris Express , le Gouvernement a confirmé le 22 février 2018 la réalisation de l'ensemble du réseau mais a substantiellement modifié les dates de mise en service de certaines lignes.

Il a également demandé à l'équipe dirigeante de la SGP de réduire le coût du projet de 10 % en procédant à un vaste travail d'optimisation qui est actuellement en cours.

Mais à ce jour, 600 millions d'euros seulement d'économies ont été identifiées, ce qui paraît très peu à l'échelle du projet.

Les travaux sont en cours sur les lignes 14, 15 sud, et le tronc commun des lignes 16 et 17. Pour les lignes 15 Est et Ouest, le choix a été fait en 2019 de passer en conception-réalisation, le lancement des premiers appels d'offre étant prévus en 2020.

Selon les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, la mise en service de la ligne 14 et du tronc commun des lignes 16 et 17 pour les Jeux Olympiques de 2024 n'est pas remise en cause. En ce qui concerne les lignes 17 et 18, les premiers appels d'offre sont en cours.

Si le budget pour 2020 de la Société du Grand Paris (SGP) n'est pas encore précisément connu, il pourrait atteindre 4,4 milliards d'euros selon les projections transmises à votre rapporteur spécial dans le cadre des réponses au questionnaire budgétaire, soit une hausse de 818 millions d'euros environ par rapport à 2019.

Le budget de la Société du Grand Paris de 2016 à 2022
(projections à partir de 2020)

(en millions d'euros)

En M€

2016

2017

2018

2019

(estimé)

2020

(projection)

2021

(projection)

2022

(projection)

Dépenses totales (A)

909

1782

2654

3574

4392

4402

4368

GPE

629

1314

2119

2894

3907

4117

4203

Contributions (Ligne 14 entre Saint-Lazare et Mairie de Saint-Ouen, Plan de mobilisation et réseaux existants)

281

468

535

680

485

285

165

Recettes totales (B)

515

536

600

736

686

690

694

Taxes affectées

508

532

566

682

686

690

694

TSBCS

326

349

382

466

466

466

466

TSE

117

117

117

117

117

117

117

IFER

65

66

67

75

75

75

75

TASS

n.a.

n.a.

n.a.

4

8

12

16

Taxe de séjour

n.a.

n.a.

n.a.

20

20

20

20

Ressources propres et autres

7

4

34

54

-

-

-

Emprunts

0

700

2365

3300

Environ 3600

Environ 3600

Environ 3600

Source : réponses au questionnaire budgétaire
2. Un plan de financement qui repose largement sur la fiscalité affectée à la SGP
a) Des hausses de recettes qui pèsent désormais de façon excessive sur les entreprises franciliennes et, bientôt, sur les départements

Pour financer ses dépenses, la SGP dispose jusqu'en 2018 :

- de trois recettes fiscales affectées , pour un montant de 566 millions d'euros en 2018 ( 67 millions d'euros au titre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau-IFER, 382 millions d'euros au titre de la taxe locale sur les bureaux en Île-de-France et 117 millions d'euros au titre de la taxe spéciale d'équipement) 14 ( * ) ;

- d'un engagement de l'État et des collectivités territoriales à lui verser des dotations en capital , auxquelles la SGP pourrait faire appel en tant que de besoin, et qui représenteraient au maximum respectivement 1 milliard d'euros et 225 millions d'euros ;

- à compter des mises en services, des produits de son domaine (péages, redevances commerciales, etc.).

Ces recettes ne paraissaient toutefois plus suffisantes depuis que le coût total du projet avait été réévalué à 35 milliards d'euros .

Dans son rapport remis au Premier ministre en juillet 2018 sur les ressources de la société du Grand Paris 15 ( * ) , le député Gilles Carrez avait considéré que la SGP avait besoin d'une somme comprise entre 200 et 250 millions d'euros de ressources annuelles supplémentaires .

Dans le cadre de la loi de finances pour 2019, le Parlement a prévu plusieurs recettes nouvelles pour la SGP :

- des évolutions de la taxe locale sur les bureaux en Île-de-France , avec une augmentation de 10 % des tarifs en zone 1 , la fin des dérogations dans cette même zone et l'intégration des parkings commerciaux dans l'assiette de cette taxe ;

- la création d'une part régionale de la taxe de séjour , dont le rendement est estimé à 20 millions d'euros environ ;

- le reversement de la totalité de l'IFER à la SGP , pour un rendement de 8 millions d'euros ;

- le versement du surplus de la taxe additionnelle sur les surfaces de stationnement (TASS) au-delà des 66 millions d'euros versés à la région Île-de-France, pour un rendement estimé à 4 millions d'euros .

Si ces prélèvements nouveaux avaient été contestés par les entreprises franciliennes et ont provoqué des difficultés pour les petits gestionnaires de parkings commerciaux , ils avaient malgré tout été adoptés par le Parlement, compte tenu de l'ampleur des besoins financiers de la SGP.

Le nouvel aménagement de la taxe locale sur les bureaux en Île-de-France inséré par l'Assemblée nationale à l'article 5 bis du présent projet de loi de finances définit une nouvelle zone , dite « premium », qui regrouperait des arrondissements représentant à peu près la moitié ouest de Paris (les 1 er , 2 e , 7 e , 8 e , 9 e , 10 e , 15 e , 16 e et 17 e ) et plusieurs communes de la première couronne ouest (Boulogne-Billancourt, Courbevoie, Issy-les-Moulineaux, Levallois-Perret, Neuilly-sur-Seine et Puteaux), considérés comme particulièrement attractifs pour les locaux à usage de bureaux .

Dans cette zone, le tarif appliqué pour les locaux à usage de bureaux serait de 23,19 euros pour le tarif normal et de 11,51 euros pour le tarif réduit, soit un surplus de 20 % par rapport aux tarifs applicables dans l'actuelle zone 1 . Le tarif applicable aux autres locaux demeurerait identique.

Le rendement de cette mesure est évalué à 44 millions d'euros .

Par ailleurs, a également été introduit par l'Assemblée nationale un article 72 septies qui prévoit d'affecter à la SGP un prélèvement de 75 millions d'euros en 2020 sur les recettes tirées des droits de mutation à titre onéreux des départements franciliens ( 60 millions d'euros pour les années suivantes).

Si votre rapporteur spécial entend les besoins de financement de la SGP , elle considère que la pression fiscale qui pèse sur les entreprises franciliennes au titre de la taxe locale sur les bureaux est désormais trop forte et que la nouvelle hausse proposée par la majorité de l'Assemblée nationale n'est pas acceptable .

Le Gouvernement a enfin fait parvenir au Parlement le 18 novembre 2019 le rapport prévu par l'article 167 de la loi de finances pour 2019 , lequel disposait que « le Gouvernement présente au Parlement avant le 1 er octobre de chaque année un rapport relatif à l'évolution des dépenses et des ressources de la Société du Grand Paris . Ce rapport détaille notamment les prévisions des coûts de réalisation du projet, des impositions de toutes natures affectées à l'établissement ainsi que de l'encours en principal des emprunts contractés par ce dernier ».

Mais ce document ne présente aucune vraie solution et n'évoque même pas les nouvelles hausses de recettes pour la SGP actuellement en cours de discussion. Ce rapport aurait pourtant dû suggérer des modifications du plan de financement de la SGP susceptibles de permettre de ne pas pénaliser davantage les entreprises , quitte à allonger la durée des emprunts de la société dans un contexte de taux d'intérêt exceptionnellement bas.

b) Un recours de plus en plus important à l'emprunt

Depuis 2015, la SGP a dépensé davantage qu'elle ne percevait de recettes, ce qui l'a conduit à consommer progressivement le fonds de roulement qu'elle avait accumulé depuis 2010 . Elle l'a totalement épuisé depuis la fin de l'année 2017 . Son besoin de financement est désormais couvert par le recours à l'emprunt.

Elle a ainsi signé en 2014 un protocole d'accord avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui prévoit qu'elle bénéficiera de 4 milliards d'euros de prêts du fonds d'épargne d'ici 2022. Une première tranche de 1 milliard d'euros a ainsi été débloquée en 2015.

Toujours en 2015, la SGP a également emprunté 1 milliard d'euros auprès de la Banque européenne d'investissements (BEI) 16 ( * ) , dans le cadre d'une enveloppe globale qui pourra s'élever au maximum à 4 milliards d'euros à l'horizon 2023.

Par ailleurs, la SGP peut désormais emprunter sur les marchés financiers car elle n'est plus considérée comme un ODAC par l'INSEE . Elle a été notée pour la première fois par l'agence Moody's l'an dernier et a reçu la note Aa2/Prime-1 , ce qui montre que l es marchés financiers considèrent sa structure financière comme particulièrement robuste .

En 2018, la SGP a notamment bénéficié d'un tirage de 300 millions d'euros auprès de la CDC (en revolving indexé sur l'inflation) et d'un tirage de 300 millions d'euros également auprès de la BEI (amortissable à 40 ans).

Elle a surtout bénéficié en octobre 2018 d'une première émission obligataire verte de 1,75 milliard d'euros (emprunt à 10 ans au taux de 1,15 %).

En 2019, elle a déjà réalisé deux émissions obligataires de 1,0 milliard d'euros et 2,0 milliards d'euros en profitant de taux très bas.

Au total, ses obligations privées présentent actuellement une maturité moyenne de 18 ans (mais avec des placements allant jusqu'à 50 ans) et un taux moyen de 1,34 % .

c) Pour la deuxième année consécutive, les effectifs de la SGP vont augmenter puisque le nombre d'ETPT passera de 430 en 2019 à 585 en 2020

Jusqu'en 2018, le plafond d'emploi de la société du Grand Paris n'était que de 240 ETPT , un chiffre notoirement insuffisant , compte tenu de l'ampleur des risques financiers, techniques et de sécurité présentés par un chantier d'une telle ampleur.

Le Gouvernement a entendu les inquiétudes qui s'exprimaient sur le sujet puisque les effectifs de la SGP ont doublé en 2019 pour atteindre 430 ETPT . Le mouvement devrait se poursuivra en 2020 puisque le plafond d'emplois de l'opérateur sera de 585 ETPT .

Il était en effet indispensable que la SGP dispose de collaborateurs en nombre suffisant pour contrôler avec précision et minutie le travail des quelque 2 000 personnes qui travaillent pour elle dans le cadre de contrats d'assistance à maîtrise d'ouvrage (AMO) .


* 14 Ce qui devrait représenter environ 10 milliards d'euros sur 20 ans (de 2010 à 2030) et 30 milliards d'euros sur 60 ans (de 2010 à 2070, horizon prévu pour l'arrivée à échéance des derniers emprunts souscrits par la SGP).

* 15 Les ressources de la Société du Grand Paris, rapport du député Gilles Carrez, juillet 2018.

* 16 En vertu d'un arrêté pris sur le fondement de l'article 12 de la loi n° 2010-1645 du 28 décembre 2010 de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014, la SGP ne peut souscrire d'emprunts d'une durée supérieure à douze mois auprès d'un établissement de crédit ni d'une société de financement. Elle peut en revanche contracter des emprunts supérieurs à douze mois auprès de la CDC et de la BEI qui ne relèvent d'aucune de ces deux catégories.

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