II. LA DIRECTION GÉNÉRALE DES FINANCES PUBLIQUES ET LA DIRECTION GÉNÉRALE DES DOUANES ET DES DROITS INDIRECTS DOIVENT RÉPONDRE À DES ENJEUX SIMILAIRES

Les crédits de la DGFiP et de la DGDDI connaissent certes, dans le projet de loi de finances pour 2020, des évolutions contraires, avec respectivement une baisse de 0,43 % et une hausse de 0,31 %, mais ces deux directions font face à des défis communs .

Si vos rapporteurs spéciaux ne remettent pas en cause le bien-fondé de certaines logiques à l'oeuvre au sein de ces deux grandes directions de réseau, ils se montrent plutôt réservés sur les choix opérés et sur les conséquences négatives qu'ils pourraient avoir à l'avenir .

A. LES DEUX PLUS GRANDES ADMINISTRATIONS DE BERCY DOIVENT MENER À BIEN LA RÉORGANISATION DE LEUR RÉSEAU

1. La réorganisation territoriale de la DGFiP et de la DGDDI : entre rationalisation du réseau et proximité du service public
a) La réorganisation du réseau territorial de la DGFiP : une vraie concertation ?

La DGFiP est soumise depuis longtemps à de profondes transformations visant son réseau, et notamment les trésoreries et services d'impôts.

Évolution du réseau déconcentré de la DGFiP ces cinq dernières années

2015

2016

2017

2018

2019 (projection)

Évolution 2015/2020

Trésoreries mixtes

1 525

1 337

1 120

884

670

-56,07 %

Trésoreries spécialisées

982

1 017

1 107

1 200

1 295

31,87 %

Services d'impôts des particuliers

535

514

515

516

507

- 5,23 %

Services d'impôts des entreprises

529

501

469

449

427

- 19,28 %

SIP-SIE

216

205

186

167

144

- 33,33 %

Pôles de recouvrement spécialisés

104

104

103

103

103

- 0,96 %

Services de la publicité foncière

354

354

354

350

350

- 1,13 %

Service départemental de l'enregistrement

1

14

19

19

-

Total

4 245

4 033

3 868

3 688

3 515

- 17,20 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Estimant que la méthode devait être revue , le ministre de l'action et des comptes publics a souhaité modifier le processus de réorganisation territoriale de la DGFiP. Il répondait là à une critique fréquemment adressée à la DGFiP ces dernières années : les agents, les élus locaux et la Cour des comptes regrettaient que les fermetures de trésoreries se fassent « à vue », sans vision de long terme .

Un nouveau processus de concertation a ainsi été lancé au début du mois de juin 2019 afin de définir, dans chaque département, la nouvelle carte des implantations territoriales de la DGFiP. Ce processus doit réunir les élus locaux, les directeurs départementaux des finances publiques ainsi que les préfets. Vos rapporteurs spéciaux regrettent toutefois que les négociations se tiennent sur la base de cartes déjà préparées , ce qui ne peut qu'alimenter les suspicions quant aux marges de négociation dont disposent réellement les élus locaux. Le Premier ministre a toutefois rappelé dans son discours devant l'Association des maires ruraux de France, le 20 septembre 2019, qu'aucune trésorerie ne serait fermée sans l'accord des maires concernés.

Intitulé « Nouveau réseau de proximité » , ce processus doit, selon le Gouvernement, répondre à un double-objectif : poursuivre la rationalisation du réseau de la DGFiP , dont les métiers évoluent fortement, et renforcer la proximité des services publics . S'il est prometteur, ce programme n'a pas emporté l'adhésion de l'ensemble des élus et des agents, échaudés par les nombreuses années durant lesquelles l'administration s'est montrée incapable de se projeter à long-terme et d'adopter une vision pluriannuelle.

Lors de son audition par vos rapporteurs spéciaux, le directeur général des finances publiques a toutefois estimé que, sur l'ensemble des départements, les discussions avançaient bien dans 40 à 50 départements et qu'un consensus avait déjà été trouvé dans une trentaine d'autres . Les discussions seraient plus difficiles dans une quinzaine de départements et le directeur général a reconnu qu'il faudrait sans doute faire preuve d'un peu plus de patience avant d'y dessiner la nouvelle carte des implantations de la DGFiP.

La DGFiP sera aussi amenée à participer aux Maisons France Services (MFS). Aujourd'hui, selon un décompte du Commissariat général à l'égalité des territoires , les agents des finances publiques assurent des permanences dans 460 maisons de services au public (MSAP), sur les 1 340  existantes. Outre cette présence, la DGFiP assure également une formation à destination des animateurs des MSAP, afin qu'ils puissent répondre aux interrogations les plus simples des contribuables, ou tout du moins les orienter.

Alors que l'objectif du Gouvernement est de monter en gamme, par le biais du label « Maison France Services », la DGFiP devra fournir un effort supplémentaire pour assurer une présence dans chacune des MFS (une dans chaque canton, soit 2 000 d'ici à la fin du quinquennat, contre 1 350  actuellement). Cet effort devra être tant humain, par la mobilisation d'agents capables d'assurer une permanence régulière, que financier. Au sein des crédits alloués aux moyens généraux (5,74 millions d'euros), une enveloppe devrait ainsi y être allouée.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux relèvent que la réorganisation territoriale de la DGFiP n'a pas qu'un impact sur les particuliers, elle bouleverse aussi l'exercice des missions de certains de ses agents auprès des collectivités territoriales . Le comptable local est souvent le premier point d'entrée pour ces collectivités, que ce soit en matière de conseil financier ou fiscal. Celui-ci pouvait ensuite s'appuyer sur l'expertise des correspondants déployés dans les directions départementales et régionales des finances publiques.

Autant le secrétaire d'État placé auprès du ministre de l'action et des comptes publics que le directeur général des finances publiques ont tenté de rassurer vos rapporteurs spéciaux sur la qualité du service qui serait rendu dans ces MFS ou à travers les « points de contact mobiles » et les permanences assurées par des agents de la DGFiP. En effet, si le ministre estime que le nombre de points de contact serait augmenté de 30% après la réforme, vos rapporteurs spéciaux se méfient d'une réforme qui ne brandirait que la quantité, au détriment de la qualité . Comme le précise la Charte nationale d'engagement France Services, le rôle de ces maisons sera bien d'assurer « une information de premier niveau en matière de fiscalité des particuliers » et d'orienter les usagers vers les interlocuteurs compétents. Ils pourront ensuite recourir à des référents locaux, qui tiendront lieu de back office .

Or, en parallèle à l'introduction d'un nouvel interlocuteur de référence au niveau régional, le responsable de la mission conseil aux décideurs publics (CDP), le Gouvernement souhaite créer des conseillers aux décideurs locaux (CDL), qui auraient vocation à devenir l'interlocuteur privilégié des ordonnateurs . Le Gouvernement estime que cela participe au double objectif de déploiement du nouveau réseau de proximité et de renforcement de la mission de conseil aux élus locaux. Vos rapporteurs spéciaux sont toutefois plus circonspects et rejoignent les réticences de certains élus locaux. Une relation de confiance avait souvent été établie entre l'élu local et le comptable et des incertitudes demeurent en cas de désaccord entre le CDL et le comptable local. La DGFiP doit encore convaincre du bien-fondé de cette restructuration des tâches.

b) La réorganisation de la DGDDI vise à rééquilibrer les implantations territoriales de la Douane

Au sein de la DGDDI, cette réorganisation se traduit par un basculement géographique : alors que des emprises régulières sont allégées dans les départements de l'est et du sud de la France, d'autres structures sont créées au nord de la France. Ainsi, en 2019, ce sont quatre nouvelles structures (deux bureaux et deux brigades) qui ont été installées dans les Hauts-de-France, afin de répondre aux effets induits par le rétablissement d'une frontière tierce en cas de sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Ce processus devrait se poursuivre, davantage d'effectifs appelant à être mobilisés au nord de la France.

2. La déconcentration des services de l'administration centrale : pallier les transformations à l'oeuvre au sein de ces directions ?

Devant vos rapporteurs spéciaux, le directeur général des finances publiques a parlé du processus de « démétropolisation » des services, de l'administration centrale vers les territoires périurbains et ruraux . Cet objectif de « déconcentration » a été rappelé par le Président de la République au mois d'avril 2019, à l'issue des conclusions du Grand débat national.

La DGDDI ne devrait pas être autant mobilisée par ce processus. En effet, son « stock » de services pouvant être potentiellement concernés par cette réforme est limité : les ressources humaines sont d'ores et déjà à Bordeaux, les finances à Lyon, les systèmes informatiques à Osny, la formation à Tourcoing et à la Rochelle. Certains services à fiscalité spécialisée ont en outre été créés à Nice (fiscalité environnementale) ou à Metz (fiscalité routière) ou répartis sur cinq pôles (fiscalité énergétique). La DGFiP, deuxième administration civile de l'État, devrait donc être particulièrement mise à contribution.

Un appel à candidature a été publié le 17 octobre 2019 à destination des communes des territoires ruraux ou périurbains désireuses d'accueillir des services de la DGFiP. Vos rapporteurs spéciaux relèvent qu' au vu des critères inscrits dans le cahier des charges, seules les villes moyennes devraient satisfaire les critères exigés pour prétendre à accueillir un service « déconcentré » . En effet, ce dernier précise que les services ont besoin d'une surface suffisante de bureaux, ce qui suggère un potentiel immobilier étendu, rapidement mobilisable et au coût le plus intéressant possible. Surtout, il est précisé que la ville doit être attractive pour l'agent et pour sa famille, ce qui suggère, par exemple, un bassin d'emploi dynamique et un accès facilité à des services publics (crèches, écoles, transports, etc.). Le secrétaire d'État, auditionné par vos rapporteurs spéciaux, ne s'en est pas caché. C'est aussi l'une des conditions pour que les agents des finances publiques acceptent leur mobilité géographique.

3. Des défis communs à ces deux dynamiques de réorganisation : la gestion des ressources humaines et du parc immobilier

Pour ces deux grandes administrations de réseau, et en particulier pour la DGFiP, le chantier qui s'ouvre en matière de réorganisation est colossal. Surtout, vos rapporteurs spéciaux insistent sur les deux pendants d'une telle restructuration : (a) la gestion et l'accompagnement des ressources humaines et (b) la gestion immobilière des emprises territoriales, à la fois celles qui seraient délaissées, transformées ou acquises.

a) Les ressources humaines

Les personnes auditionnées par vos rapporteurs spéciaux, en particulier les directeurs de la DGFiP et de la DGDDI, n'ont pas caché que les différents projets de restructurations étaient sources de tensions et d'inquiétudes au sein de chacune des administrations.

De tels projets de restructuration, qui visent à rationaliser les effectifs et les coûts, peuvent en effet se traduire par des coûts de transition extrêmement élevés. Il en est par exemple ainsi des dispositifs d'accompagnements proposés aux agents des finances publiques qui ne voudraient pas effectuer une mobilité géographique ou de métier : prime de restructuration de service, garantie de rémunération, indemnisation en cas de départ définitif de la fonction publique, formation, etc.

Par ailleurs, ces tensions ont pu déboucher sur des mouvements de grèves, parfois très suivis. Ce fut le cas pour les douanes au mois de mars 2019 ou pour les agents des finances publiques le 16 septembre dernier.

b) Le parc immobilier

La réorganisation de la DGDDI s'est déjà traduite par une rationalisation de ses implantations immobilières . La transformation de son réseau territorial implique en effet soit de rénover des bâtiments anciens, afin que puissent y être mutualisés des services, soit d'acquérir ou de louer de nouvelles emprises.

Vos rapporteurs spéciaux notent que les nouveaux projets de réorganisation nécessitent, dans les crédits alloués aux programmes 156 et 302, des dépenses dédiées spécifiquement à des projets immobiliers visant à aménager les sites existants afin d'accueillir de nouveaux personnels ou services. Ces montants demeurent toutefois relativement faibles pour la DGFiP (3,3 millions d'euros identifiés).

Crédits alloués aux projets immobiliers de la DGFiP et qui visent à accompagner la transformation de son réseau

(en millions d'euros)

Projets (M€)

2018

2019

2020

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Immobilier

DDFiP d'Epinal - travaux de densification

0

0

0,35

0,29

0

0,06

0,35

CDFiP de Versailles - travaux de densification

0

0

0,09

0,01

0,51

0,4

0,41

DRFiP de Strasbourg - travaux de relogement du centre prélèvement à la source

0

0

0,85

0,03

0

0,5

0,53

DDFiP de Melun - travaux pour la densification d'un bâtiment

0

0

0,45

0,05

0

0,4

0,45

DRFiP de Marseille - travaux de densification et désamiantage

0

0

0,49

0,05

0

0,44

0,49

DDFiP de Besançon - travaux de densification et réfection

0

0

0,12

0,04

0,75

0,45

0,49

CDFiP d'Haguenau - restructuration pour l'intégration de la trésorerie municipale

0

0

0,07

0,05

0,61

0,56

0,61

Total

0

0

2,42

0,52

1,87

2,81

3,33

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les montants plus conséquents alloués par la DGDDI à ce type de projets s'expliquent par la nécessité, pour elle, de gérer les bâtiments autrefois destinés à loger des agents de la Douane. Ceux-ci sont parfois vacants ou mis à disposition de d'autres administrations, alors même que la DGDDI est également engagée dans une logique de rationalisation de ses emprises.

Crédits alloués aux projets immobiliers de la Douane et qui visent à accompagner la transformation de son réseau

(en millions d'euros)

Projets

2018

2019

2020

2021

Total

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Densification et rénovation de l'Hôtel des douanes de Marseille

1

6,5

0,9

3,2

3,4

7,5

Regroupement de services maritimes étatiques sur le site de la pointe Fouilloles en Guadeloupe

0,8

0,8

1,2

1,2

2

Agrandissement du site domanial de Lons le Saulnier pour y loger une brigade et un bureau

1,1

0,3

0,8

1,1

Relogement des services douaniers sur le site de l'aéroport de Beauvais Tillé

1

0,2

0,8

1

Relogement de la brigade d'Amiens sur le site de Poulainville

0,8

0,5

0,1

1,2

1,3

Relogement de la brigade de Menton

0,9

0,3

0,6

0,6

1,2

Total

2,7

0

8,1

1,7

3,3

5,6

0

6,8

14,1

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