C. UNE DÉGRADATION SOURDE DES MISSIONS

L'attrition des moyens n'a pas manqué d'exercer des contraintes telles que la question de la redéfinition du périmètre des missions du réseau préfectoral classique a fini par se poser. Selon l'analyse du Gouvernement transmise à votre rapporteur spécial, à partir de 2015, « la situation du programme 307 s'est rigidifiée dans la mesure où il n'était plus en mesure de réaliser des suppressions de postes supplémentaires sans une révision profonde de ses missions » .

C'est de ce blocage dont, selon la même analyse « le plan préfecture nouvelle génération (PPNG) permet de sortir » en échappant à la « logique de « rabot » et en gageant les schémas d'emplois jusqu'en 2018 notamment par la réorganisation des services de délivrance de titres tout en consolidant les effectifs dédiés aux missions prioritaires (sécurité/gestion de crises ; expertise juridique et contrôle de légalité ; lutte contre la fraude, coordination territoriale des politiques publiques) ».

Ces affirmations méritent d'être nuancées. En réalité, des modulations ont été apportées bien avant 2015 à l'exercice de certaines missions dans le sens d'un allègement de certaines d'entre elles, pourtant prioritaires.

Il est cependant exact que, tant le plan préfecture nouvelle génération, que la directive nationale d'organisation des préfectures et des sous-préfectures (DNO) pour les années 2016 à 2018, ont attribué des priorités fonctionnelles au réseau d'administration générale de l'État dans le contexte d'une fin programmée de la plupart des opérations de guichet.

Ces restructurations ont rencontré des difficultés.

Mais, c'est au-delà qu'il convient de s'inquiéter de l'adéquation des ambitions avec les moyens et les performances observés.

1. Les priorités fixées au réseau préfectoral dans le cadre du plan préfectures nouvelle génération se sont traduites par des redéploiements d'effectifs dont seule une partie a été mise en oeuvre

Le plan préfecture nouvelle génération a été conforté par les priorités fixées par la DNO (2016-2018) publiée au mois de mars 2016.

Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG)

Présenté par le ministre de l'Intérieur au cours du comité technique spécial des préfectures du 9 juin 2015, le plan de « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) vise à repenser les missions de l'administration territoriale afin d'adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités.

Le plan repose sur plusieurs principes directeurs :

- permettre aux préfectures de répondre aux enjeux de demain en renforçant les missions prioritaires pour le ministère de l'intérieur : lutte contre la fraude documentaire, gestion locale des crises, coordination territoriale des politiques publiques, expertise juridique et contrôle de légalité ;

- veiller à l'égalité d'accès au service public de toutes les populations, préserver la qualité du service et simplifier les procédures, éviter les déplacements de l'usager en préfecture ;

- s'appuyer sur les technologies existantes (numérisation, plateformes, télé procédures, etc.) pour exercer autrement la mission de délivrance de quatre titres (carte nationale d'identité, passeport, permis de conduire, certificat d'immatriculation) ;

- renforcer la sécurisation des titres, la lutte contre les fraudes et le contrôle du ministère de l'intérieur sur la chaîne de délivrance ;

- étudier la possibilité de recourir à un opérateur agissant sous le contrôle du ministère de l'intérieur, pour la réalisation de certaines tâches, en excluant toute privatisation.

Les travaux réalisés dans le cadre du plan devraient être formalisés dans une nouvelle directive nationale d'orientation pour la période 2016-2018 exposée finalement fin mars 2016 (voir ci-dessous).

Chacune des priorités affichées fait l'objet d'orientations générales.

Le renforcement de la gestion locale de crises

En premier lieu, le plan se donne pour objectif de clarifier les missions préalablement à une situation de crise, pendant la crise et après la crise entre les différents acteurs locaux : le Service interministériel de défense et de protection civile (SID-PC) ; les sous-préfectures ; les collectivités locales ; les associations. Au cours des premiers échanges, le groupe de travail consacré à la réorganisation de cette mission a ainsi examiné les moyens de renforcer l'articulation entre les différents niveaux d'intervention (locale, départementale, zonale, voire central), ainsi que la possibilité de développer des outils de partage des informations facilitant l'animation de l'ensemble des acteurs.

En second lieu, l'élaboration du plan doit conduire notamment à étudier les voies d'un renforcement des moyens (par la professionnalisation des viviers des centres opérationnels, par le renforcement du niveau de qualification des agents).

L'amélioration de la capacité d'expertise juridique et le contrôle de légalité

La réflexion engagée dans le cadre du PPNG porte à la fois sur l'expertise juridique et sur le contrôle de légalité.

S'agissant de cette dernière mission, il est envisagé de redéfinir les priorités de contrôle et de réviser la liste des actes transmissibles.

Est également examinée l'extension du rôle du Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), ainsi que la création d'un pôle d'appui au contrôle budgétaire.

En cela, le PPNG s'inscrit dans la continuité des mesures retenues par le Gouvernement dans le cadre de la revue des missions de l'État engagée en septembre 2014.

Celles-ci consistent à :

- encourager, voire rendre obligatoire pour les collectivités de plus de 50 000 habitants, la dématérialisation des actes soumis au contrôle de légalité ;

- alléger les contrôles à l'égard des collectivités largement engagées dans des démarches de contrôle interne ou de certification ;

- réduire par blocs cohérents la liste des actes transmissibles ;

- renforcer et améliorer le conseil aux plus petites collectivités domaines juridiques les plus complexes.

L'approfondissement de la coordination territoriale des politiques publiques

Il s'agit, d'une part, de délimiter plus précisément le périmètre d'intervention des services de l'administration territoriale et de veiller à l'efficacité de la coordination interministérielle , notamment avec les opérateurs de l'État.

D'autre part, une nouvelle articulation des différents échelons de l'administration territoriale de l'État est envisagée. Dans cette optique, le groupe de travail thématique a examiné la question du rôle des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), notamment dans les nouvelles régions issues des regroupements opérés par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, le positionnement des services de coordination à l'échelon départemental, ainsi que le socle de compétence des sous-préfectures.

Ainsi que le ministère de l'intérieur le relève lui-même, le renforcement de la coordination territoriale des politiques publiques appelle un certain nombre d'actions prioritaires à la mise en oeuvre desquelles il conviendra de veiller :

- développer des compétences techniques dans les champs de l'économie et de l'emploi, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et de l'environnement ;

- adapter le pilotage en matière de politique de la ville au contexte local ;

- développer le pilotage interministériel en matière de soutien financier de l'État : renforcer la cohérence de la parole de l'État dans son dialogue avec les porteurs de projet ;

- accroître les capacités de pilotage dans une démarche de réalisation de projet.

La modernisation des procédures de délivrance des titres et la lutte contre la fraude documentaire

La rénovation des procédures au coeur du PPNG (hors titres délivrés aux étrangers) repose sur la généralisation du recours aux télé-procédures et à la dématérialisation des actes pour la délivrance des titres et, notamment de la carte nationale d'identité (CNI), du permis de conduire et des certificats d'immatriculation. L'objectif du plan est de réduire les formalités et démarches accomplies aux guichets des préfectures.

Ces nouvelles modalités de délivrance des titres doivent permettre de réaffecter une partie des effectifs sur des missions de contrôle et la lutte contre la fraude, mais aussi sur les missions prioritaires du contrôle de légalité, de la gestion de crise et de la coordination des politiques publiques, sachant que les effectifs consacrés à la délivrance de titres représentent aujourd'hui 29 % des effectifs totaux des préfectures.

La lutte contre la fraude documentaire représente également une priorité pour la sûreté des titres délivrés.

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments de présentation du PPNG par le ministère de l'intérieur

Le recentrage souhaité des entités du réseau sur les missions prioritaires conduisait à mettre l'accent sur une meilleure prise en compte des questions de sécurité (gestion de crise et lutte contre la fraude, en particulier), de contrôle budgétaire et de légalité , de conseil aux collectivités territoriales et, enfin, d'animation des politiques publiques dans les territoires autour des objectifs de coordination des administrations publiques et d'ingénierie territoriale.

Ces redéploiements se sont jusqu'à présent heurtés à des obstacles.

Un plan de renforts, présenté comme « exceptionnel » a dû être mis en place pour faire face aux flux de dossiers et aux stocks résultant des dysfonctionnements des plateformes de traitement des demandes de cartes grises. Des agents non titulaires ont été recrutés au bénéfice de certaines d'entre elles tandis que deux plateformes supposées temporaires ont été mises en place à Amiens et Paris comprenant respectivement 40 et 30 agents contractuels. Par ailleurs, le CERT « permis de conduire » de Nantes, qui exerce une compétence nationale pour l'instruction des demandes d'échanges de permis de conduire étrangers, a également bénéficié de renforts afin de pallier le flux croissant de demandes.

En outre, les priorités fixées ont été débordées par les flux migratoires qui ont absorbé une partie des emplois « libérés » par le PPNG.

Les redéploiements initialement envisagés ont dû être limités, les CERT exigeant davantage de personnels qu'escompté. En outre, les emplois demeurant libres pour un redéploiement vers les missions prioritaires ne l'ont pas encore été.

Au total, sur les 603 emplois destinés à renforcer les 2 391 ETP consacrés au 31 décembre 2015 à la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale des politiques publiques et la sécurité seuls 310 ETP ont été effectivement transférés à ces missions à fin 2018.

2. Un devoir d'amélioration de la prévention des risques

Des dix sous-indicateurs du programme 307, huit révélaient en 2018 des résultats inférieurs aux attentes présentant souvent un niveau préoccupant .

Lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, votre rapporteur spécial s'était particulièrement inquiété des résultats des actions de prévention des risques.

Le projet annuel de performances pour 2020 confirme les difficultés à mettre en oeuvre les procédures prévues, notamment pour ce qui est des plans particuliers d'intervention.

Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.

Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes.

3. Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales

Le projet de budget dote les moyens du contrôle de légalité d'une enveloppe en forte réduction (121,5 millions d'euros contre 153,4 millions d'euros en 2019).

La réduction prévue (- 21 %) situe les moyens consacrés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales à un niveau historiquement bas.

Évolution des crédits de l'action 03 « Contrôle de la légalité
et conseil aux collectivités territoriales »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires de la mission « AGTE »

Le niveau de ressources dédiées au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales est particulièrement étroit s'agissant d'une action qui engage l'exercice d'une mission constitutionnelle des préfets à forts enjeux, mais encore au vu de la directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et sous-préfectures 2016-2018 qui avait placé l'expertise juridique et le contrôle de légalité au rang des priorités du réseau préfectoral, priorité réaffirmée dans le cadre du « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG).

Ce dernier projetait de réaffecter les emplois supprimés au titre de l'accueil dans le réseau à des priorités, parmi lesquelles l'expertise juridique et le contrôle de légalité, qui devait bénéficier d'une fraction du contingent de 1 000 emplois (ramené à 603 dans le cadre des adaptations d'emplois 10 ( * ) mises en oeuvre depuis la définition du plan) libérés par le PPNG.

Or, cette mission, qui mobilisait, en 2015, 2 805 ETPT, n'en compterait plus que 2 036 en 2020 contre 2 614 en 2019.

Ainsi bien loin de se trouver renforcée, la mission subit une baisse considérable de ses moyens en personnel (-22 % et -578 ETPT).

Ces évolutions contreviennent à la recommandation formulée par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui, dans son rapport précité, avait préconisé un « soclage » des effectifs afin de pérenniser la capacité d'expertise des administrations.

Il faut, en effet, garder à l'esprit qu'outre les enjeux en rapport avec l'application de la loi, le contrôle de légalité et son corollaire, le conseil juridique aux collectivités territoriales, doivent prendre en compte la sécurité juridique des opérations qu'elles réalisent.

Or, les dysfonctionnements du contrôle de légalité ont été régulièrement mis en évidence.

Ainsi, par une insertion dans son rapport public 2016, la Cour des comptes en avait constaté l'affaiblissement.

Pour faire face à un effet de ciseaux entre le nombre d'actes normalement soumis au contrôle de légalité et les moyens disponibles, cette mission a été réorganisée, une sélection des contrôles étant mise en oeuvre.

En premier lieu, depuis la circulaire du 17 janvier 2006 relative à la modernisation du contrôle de légalité, les préfets exercent le contrôle de légalité selon un schéma reposant sur la sélection des actes contrôlés qui s'est traduite par une forme de résignation à restreindre le champ des contrôles.

Ce contrôle est réalisé dans le cadre d'un plan stratégique départemental de contrôle dont le contenu est défini en référence aux orientations de la circulaire du 25 janvier 2012 , laquelle distingue trois niveaux de contrôle des actes soumis à l'obligation de transmission :

- les priorités nationales qui constituent un socle commun de contrôle harmonisé sur l'ensemble du territoire et ciblent les dossiers à enjeux dans les trois domaines que sont la commande publique , l'urbanisme et la fonction publique territoriale ;

- les priorités locales viennent compléter les précédentes. Les préfets disposent de la capacité d'ajuster leur contrôle en fonction du contexte local et des caractéristiques propres à chaque département, notamment d'un point de vue géographique et socio-économique. Ces priorités locales peuvent consister à compléter les priorités nationales. Par exemple, les seuils de contrôle des marchés publics définis dans les priorités nationales peuvent être abaissés en fonction de la taille des collectivités et de la nature des marchés passés, ou, en matière d'urbanisme, les ajustements opérés peuvent permettre de cibler le contrôle des autorisations du droit des sols afin que l'attention soit portée sur l'ensemble des permis délivrés dans les zones à risques (inondations, submersion marine, risques industriels ou technologiques) ;

- enfin, pour l'ensemble des autres actes qui n'entrent pas dans les deux catégories précédentes, les préfets ont, au regard des moyens disponibles, la capacité d'arrêter les conditions et modalités de leur examen. Les actes relevant de ce troisième niveau de contrôle sont examinés selon différents processus croisés, essentiellement sur signalement des services déconcentrés de l'État, des sous-préfectures ou de tiers ayant intérêt à agir, et par ciblage prédéfini en fonction de la nature de l'acte, de son objet et de sa sensibilité. De manière générale, les ajustements s'opèrent essentiellement sur le champ d'intervention des priorités locales en vue d'étendre les contrôles sur certaines catégories d'actes, à l'aune des observations, de la situation sensible ou particulière de certains territoires, et pour tenir compte de l'application de nouvelles dispositions législatives et réglementaires.

Malgré la demande de votre rapporteur spécial, le ministère de l'intérieur n'a pas actualisé les données relatives à l'étendue du contrôle.

Pour les dernières années disponibles, les données relatives au contrôle de légalité 11 ( * ) faisaient ressortir un taux de contrôle des actes de 21 %.

Ce résultat est tributaire de deux enchaînements. En premier lieu, la sélectivité du contrôle de légalité conduit à ne soumettre au contrôle prioritaire qu'une faible proportion des actes reçus : un cinquième environ .

Part des actes prioritaires et non prioritaires parmi les actes reçus et contrôlés et taux de contrôle - Années 2016 et 2017

2016

2017

Actes reçus

Total

5 094 960

5 387 886

Dont actes prioritaires

941 076

1 035 610

Dont actes non prioritaires

4 153 884

4 352 276

Part des actes prioritaires parmi les actes reçus

18,5 %

19,2 %

Actes contrôlés

Total

1 039 425

1 139 344

Dont actes prioritaires

852 715

932 303

Dont actes non prioritaires

186 710

207 041

Part des actes prioritaires parmi les actes contrôlés

82 %

81,8 %

Part des actes non prioritaires parmi les actes contrôlés

18 %

18,2 %

Taux de contrôle des actes reçus

20,4 %

21,1 %

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus

90,6 %

90 %

Taux de contrôle des actes non prioritaires reçus

4,5 %

4,7 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En second lieu, si les actes prioritaires sont plus soumis que les autres à un contrôle effectif, le taux de contrôle n'est pas plein. En 2017, le taux de contrôle des actes non prioritaires n'était que de 4,7 %. Pour les actes prioritaires, il atteignait 90 % .

Le dispositif de suivi de la performance du projet annuel de performances pour 2020 rend compte d'une amélioration de ce résultat, le taux de contrôle de légalité des actes prioritaires étant supposé atteindre 93 % en 2019 (contre 90,4 % en 2018).

Il faut s'en féliciter mais sous les réserves importants suivantes.

En premier lieu, il ne s'agit encore que d'une prévision qui demande à être vérifiée .

Au-delà, un certain abandon de l'ambition d'excellence doit être déploré. Traditionnellement, les cibles de performance étant fixées à 100% et les résultats décevant systématiquement les attentes, on ne peut se satisfaire de l'abaissement des objectifs, admettant que 6 % des actes prioritaires ne soient pas contrôlés.

Il faut ajouter que les instructions adressées aux préfets de réduire l'empreinte des priorités locales de contrôle afin de mieux atteindre les cibles des contrôles relevant des priorités nationales ne sont pas compatibles avec une administration de proximité qui suppose une adaptation aux environnements locaux.

En outre, l'issue des contrôles reste une zone d'ombre totale . Le dispositif de performance de l'action devrait ainsi être complété afin de rendre compte des prolongements donnés aux contrôles effectués. Cette information répondrait à plusieurs attentes parmi lesquelles une certaine transparence notamment sur l'activité sous revue et pourrait donner quelque indication sur la qualité des contrôles mis en oeuvre.

Quant au contrôle budgétaire, force est de constater que le taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics demeure, ainsi que les cibles fixées, très bas (62 %).

La réduction drastique des emplois consacrés au contrôle, outre qu'elle contredit les intentions exprimées dans le cadre du PPNG, devrait, à plan de charge inchangé, réduire considérablement les performances de cette mission.

Les objectifs pour 2020 ne le prévoient pas, ce dont on doit s'étonner.

On ne peut attendre de l'extension de la procédure de transmission dématérialisée des actes soumis à contrôle des gains de productivité tels que la baisse des effectifs de contrôle puisse être absorbée par elle.

Pour éviter la consommation de moyens excessifs un objectif consistant à développer la transmission dématérialisée des actes des collectivités soumis au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire a été poursuivi. La transmission électronique des actes passe par l'application « ACTES ».

Alors que les exigences formulées par le ministère de l'intérieur ont impliqué des coûts d'adaptation déjà non négligeables pour les collectivités, elles se sont renforcées dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe » 12 ( * ) . Elle a prévu d'étendre la transmission dématérialisée des documents budgétaires soumis à contrôle à toutes les collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants dans un délai de cinq ans (août 2020).

Les collectivités ont très largement joué le jeu. Les prévisions de recours à l'application laissent entrevoir la poursuite de leur effort (62 % des actes transmissibles devraient passer par l'application en 2019 ; 64 % en 2020).

À défaut de réponse à la question posée par votre rapporteur spécial sur les progrès réalisés dans ce domaine, il convient de rappeler que, dans le passé récent, le taux de collectivités enregistrées dans l'application a augmenté chaque année de façon significative.

Le nombre de collectivités enregistrées dans l'application @CTES était au 1 er janvier 2018 de 33 000, contre 30 000 début 2017 (+ 9 % entre 2017 et 2018). Sur l'ensemble des collectivités territoriales, établissements publics locaux et groupements dont les actes sont soumis au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire, 45,6 % d'entre eux étaient enregistrés dans l'application @CTES au 1 er janvier 2018, contre 39,6 % au 1 er janvier 2017.

Néanmoins, la proportion d'actes soumis au contrôle de légalité et transmis par voie électronique, pour avoir été marquée par une hausse significative, pourrait se heurter aux difficultés particulières rencontrées par certaines d'entre elles, en particulier les collectivités sans grands moyens, pour numériser les documents.

Les inquiétudes suscitées par l'attrition des moyens du contrôle de légalité peuvent être renforcées par le constat d'une distribution territoriale très inégale des effectifs chargés du contrôle.

Le réseau des préfectures et des sous-préfectures devrait accueillir, selon les données prévisionnelles actualisées au 31 juillet 2019, 921,52 ETPT sur les missions de contrôle de légalité.

Si le coût prévisionnel en crédits de personnels des emplois correspondants n'est pas disponible pour le responsable de programme, ce dont il convient de s'étonner, la répartition des effectifs a été transmise à votre rapporteur spécial.

Le graphique ci-dessous indique qu'elle est assez peu modulée selon les régions.

Répartition territoriale des ETPT consacrés au contrôle de légalité

Source : commission des finances du Sénat d'après une réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, pour des populations respectives de 2,5 et 3,3 millions d'habitants, les régions Centre-Val-de-Loire et Bretagne ont le même nombre de personnels attachés au contrôle. De la même manière rapportés au nombre d'habitants, la région Auvergne-Rhône Alpes dispose de davantage de contrôleurs que la région PACA.

Enfin, alors que les directives nationales d'orientation ont régulièrement évoqué un effort de rationalisation du rôle des sous-préfectures dans la chaîne de traitement du contrôle de légalité, l'engagement des sous-préfectures dans cette mission, désormais consacré par la doctrine ministérielle, demeure. Le personnel dédié au contrôle de légalité dans les sous-préfectures, a même connu une hausse ces dernières années.

En 2016, il réunissait 174 équivalents temps plein travaillé (ETPT) soit 0,72 ETPT par sous-préfecture. En 2017, ce sont 170 ETPT qui exercent en sous-préfecture.

Selon le ministère, le maintien des effectifs dans les sous-préfectures trouve sa justification dans le fait que le sous-préfet participe au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales en application du décret n° 2004-374 du 29 avril relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

Cette justification, qui n'est en soi pas irrecevable, peine cependant à convaincre au vue de la répartition fonctionnelle des effectifs.

Si, selon le ministère, certains pôles de contrôle ont pu être constitués en sous-préfecture « pour tenir compte de situations locales », sur lesquelles il conviendrait de disposer de davantage d'informations, la dimension stratégique du contrôle exercé en sous-préfectures trouve peu de justification dans la structure des missions des personnels, dont 82 sont affectés à des missions de réception et de tri des actes, 88 ETPT exerçant effectivement des activités de contrôle et de conseil.

Dans ce contexte, la création de pôles d'expertise nationaux paraît difficilement susceptible de constituer une solution aux problèmes rencontrés. Depuis la fin de l'année 2017, six pôles interdépartementaux d'appui juridique aux préfectures spécialisés dans quatre matières (police administrative et sécurité routière, ressources humaines, contrats et marchés publics et responsabilité de l'État) sont opérationnels 13 ( * ) .

La minceur des effectifs correspondants- chacun de ces pôles est constitué de 5 ETP - ne laisse pas présager qu'ils puissent apporter une contribution déterminante au contrôle de légalité sinon pour certains dossiers particulièrement complexes.

Dans ce contexte, la mission de conseil aux collectivités territoriales dont les moyens sont confondus avec ceux réservés au contrôle de légalité tend à décliner de plus en plus complètement.

On attend encore la traduction concrète de la priorité donnée à cette mission, qui inclut l'ingénierie territoriale, par le PPNG.

Votre rapporteur spécial constate depuis plusieurs années la crise du contrôle de légalité. Les annonces du PPNG n'ont pas été tenues. Tout se passe, à l'inverse, avec la chute des effectifs programmée en 2020, comme s'il s'agissait à l'avenir de sacrifier une mission devenue « impossible ».

Or, outre qu'il s'agit d'une mission constitutionnelle, qui, à ce titre, devrait se voir dotée de moyens suffisants pour n'être pas totalement virtuelle, il y a lieu de considérer les risques pour les collectivités territoriales et pour nos concitoyens de la dégradation encore aggravée comme celle qu'annonce le projet de budget pour 2020.

Que le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales doivent être rénovés est peu douteux. Des analyses de risques plus sophistiquées pourraient être mises en oeuvre ; une plus grande transparence des conditions dans lesquelles ce contrôle est pratiqué s'impose également.

Votre rapporteur spécial souhaite ainsi que le Gouvernement s'attache à présenter un plan de restauration des conditions d'une mission qu'il ne saurait se contenter de laisser dépérir.

4. Le renforcement des moyens de l'accueil des étrangers ?
a) Une augmentation des moyens à la hauteur des charges ?

Le tableau ci-dessous récapitule les mesures intervenues en réponse à l'augmentation des flux de migrants entre 2016 et 2018.

Après un train de recrutements supplémentaires relativement fournis en 2016 (+ 102 ETP), un net ralentissement dans la création de moyens s'est lentement installé. Pour 2017, les ETP supplémentaires n'atteignent plus que 61 unités. Quant au projet de budget pour 2018, il ne faisait état que de 30 ETP nouveaux.

Évolution des effectifs en réponse à l'augmentation des flux d'immigration
(2016-2018)

2016

2017

PLF 2018

ETPT Renforts contractuel infra-annuel en gestion 2017 "plan 1000 mois vacataires"

ETP

T2

HT2

ETP

T2

HT2

ETP

T2

Réponses apportée à l'augmentation des flux d'immigration

Plan d'accueil des migrants (A)

30 ETP

1,41M€

-

-

-

0,07 M€

-

-

95 ETPT (1 138 mois):
- 43% pour les GUDA
- 50% pour les services séjours
- 7% naturalisation

Pacte de sécurité (B)

50 ETP*

-

-

-

-

-

-

Renfort guichets unique asile (GUDA) (C)

16 ETP

0,26M€

-

15ETP

0,82M€

-

-

-

Service éloignement (D)

-

-

-

-

-

-

30 ETP

0,55M€

Délégation supplémentaire du RPROG en cours de gestion (E)

6 ETP

-

-

46 ETP

-

-

-

-

Total

102 ETP

1,67M€

-

61 ETP

0,82M€

0,07M€

30ETP

0,55M€

(*): 50 ETP notifiés pour une réalisation de 56 ETP

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Pour 2017, il convenait d'ajouter 95 ETPT mobilisés dans le cadre d'un plan de recrutement de 1 000 mois vacataires.

Dans le domaine de l'accueil des étrangers, le projet de loi de finances pour 2019 avait encore intégré la création de 50 emplois supplémentaires pour faire face aux besoins d'accueil des mineurs non accompagnés.

En outre, en cours de gestion, 13 emplois pérennes ont été mis en place tandis que le plan de renforts de 1 358 mois vacataires appliqué a été en partie consacré à renforcer les services étrangers des préfectures.

Alors que l'accueil des étrangers, à l'inverse des autres actions financées par le programme, aurait connu une croissance significative de ses effectifs - une augmentation de 14 % en trois ans a pu être mentionnée-, et qu'elle regrouperait désormais 3 731 agents 14 ( * ) , cette mission, noyée dans l'action n° 02 du programme (qui regroupe également les moyens nécessaires à la délivrance de titres sécurisés comme les permis de conduire ou les cartes d'identité...) ne fait pas l'objet d'une présentation budgétaire distincte.

L'an dernier, votre rapporteur spécial l'avait regretté et avait préconisé que le projet annuel de performances pour 2020 isole les moyens consacrés à l'accueil des étrangers et que lui soit consacré un dispositif d'appréciation des performances à part entière.

Il n'en est rien et les choses en restent à l'état insatisfaisant déploré l'an dernier.

Or, cette évolution est indispensable pour mieux appréhender les conditions de la programmation budgétaire qui, en l'état, sont opaques.

À titre d'exemple, en l'état de la programmation budgétaire, il est impossible de déterminer si le projet de budget pour 2020 pérennisera l'ensemble des mesures adoptées en 2019.

Il reste assez incompréhensible que la demande de votre rapporteur spécial ne soit pas satisfaite, comme il l'est, que les moyens placés dans le champ du programme ne soient pas pris en compte dans le document de politique transversale consacré aux politiques françaises de l'immigration et de l'intégration.

Les données sont pourtant disponibles et votre rapporteur spécial en avait obtenu communication il y a deux ans.

Elles extériorisaient les éléments ci-après.

L'accueil des « étrangers » recouvre cinq sous-missions :

- le séjour ;

- les naturalisations ;

- l'éloignement ;

- l'asile ;

- le contentieux.

Le tableau ci-dessous présente le nombre d'emplois affectés à chaque procédure, leur évolution entre 2016 et 2018 ainsi que les coûts associés, dans les termes qui lui avaient été alors communiqués.

Répartition des emplois consacrés à l'accueil des étrangers et dépenses associées
(2016-2018)

(en nombre d'ETPT et en euros)

Séjour

Natura-
lisation

Éloigne-ment

Asile

Conten-
tieux

TOTAL

Évolution n/n-1

2016

ETPT

1 701

391

322

305

270

2 989

ND

Masse salariale

80 272 211

19 384 953

17 250 196

14 006 759

15 046 062

145 960 181

ND

2017

ETPT

1 798

419

351

410

299

3 276

10 %

Masse salariale

85 147 995

20 798 552

18 783 269

18 093 947

16 537 841

159 361 604

9 %

2018
(prévisionnel à juillet 2018)

ETPT prévisionnels

2 004

427

469

502

329

3 731

14 %

Masse salariale prévisionnelle

96 574 092

21 991 784

24 789 708

22 643 899

19 415 246

185 414 729

16 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il permet de faire ressortir plusieurs évolutions significatives.

En premier lieu, en lien avec les données précédemment exposées, l'augmentation des effectifs des services d'accueil des étrangers a été de 742 depuis 2016 (soit une progression de 24,8 %) avec un renforcement significatif en fin de période, témoignant d'une adaptation tardive compte tenu de certains besoins, en particulier dans le domaine de l'asile.

Les effectifs consacrés aux différentes fonctions ont été inégalement renforcés, la plupart des renforts ayant été affectés à la fonction de traitement des demandes de séjour (+ 303) .

Les demandes d'asile ont par ailleurs bénéficié de 197 emplois supplémentaires, soit le renforcement le plus important d'un point de vue relatif (+ 67 %).

Les déficits qui n'avaient pas été comblés en 2017 l'ont mieux été du fait des évolutions d'emplois actées en 2018.

Répartition des renforts en ETPT par fonction
(2016-2018)

Séjours

303

+ 17,8%

Naturalisations

36

+ 9,2%

Éloignement

147

+ 45,7%

Asile

197

+ 64,6%

Contentieux

59

+ 21,8%

Source : commission des finances du Sénat

Depuis, selon des données malheureusement trop incomplètes, une stabilisation des moyens consacrés à l'asile serait à relever.

Ces évolutions doivent toutefois être mises en regard de la forte élévation de la charge de travail et de la nécessité d'améliorer les conditions de traitement des demandes.

Cette dernière n'a pas tant tenu à la délivrance des titres de séjour restés à peu près stables ou au nombre de demandes de naturalisation qu'à l'augmentation des demandes d'asile.

Données relatives à la délivrance des titres de séjour

(2016-2018)

2016

2017

2018

Nombre de refus de délivrance de titres de séjour et APS

45 775

49 123

49 127

Nombre de décisions positives d'émission d'autorisation provisoire de séjour

41 553

39 107

42 368

Nombre de décisions positives d'émission de premiers titres de séjour

167 598

172 695

187 576

Nombre de décisions positives de renouvellement de titres de séjour

754 297

665 117

500 251

Total demandes Séjour instruites

1 009 223

926 042

779 322

Stock de dossiers à instruire au 31/12

175 168

225 517

225 291

Source : données INDIGO consolidées annuelles 2016, 2017, 2018

Données relatives aux naturalisations

(2016-2018)

2016

2017

2018

Nombre de demandes de naturalisations traitées

69 741

65 974

71 256

Stock de demande de naturalisation en fin de période

31 462

52 809

66 264

Source : données INDIGO consolidées annuelles 2016, 2017, 2018

En particulier, une forte hausse de la demande d'asile s'est amorcée au troisième trimestre 2015 et s'est intensifiée au quatrième trimestre, conduisant à une hausse globale de 24 % pour l'année 2015. Ce phénomène s'est poursuivi tout au long de l'année 2016, mais dans une moindre mesure (+ 7 %). Néanmoins la demande d'asile aurait dépassé le chiffre de 100 000 en 2017. Elle atteindrait en 2019 120 000 dossiers nouveaux ou de réexamen. Sur l'ensemble de la période de 2007 à 2016 la demande de protection internationale a ainsi augmenté de 141 % en France.

b) Demeurent des incertitudes sur l'efficacité de l'ensemble

De ce point de vue, on pourrait espérer d'une amélioration de la transparence budgétaire une gestion moins marquée par le « fil de l'eau » peu adaptée au traitement correct d'une situation complexe et à forts enjeux.

Votre rapporteur spécial s'était interrogé sur le niveau des renforts décidés en 2019 dans le cadre de la loi de finances.

De fait, ils ont été complétés en gestion, selon un cheminement quelque peu heurté impliquant à nouveau un recours important à des vacations.

Au total, les emplois dégagés, de 50 en loi de finances initiale, sont passés à environ 145 en réalisation, témoignant d'un calibrage de départ très insuffisant, mais aussi d'une forme d'existentialisme administratif d'autant plus étonnante que les données du problème sont cernées de longue date.

En effet, la situation de déficit de moyens, ainsi que ses conséquences individuelles et sociales désastreuses, n'est pas nouvelle.

Un rapport de l'inspection générale de l'administration publié en décembre 2014, soit avant l'amplification des flux migratoires, avait appelé l'attention sur les dysfonctionnements du système.

Plus récemment, les conditions de l'accueil des étrangers ont été vivement critiquées par le Défenseur des droits dans la réponse à une consultation rendue sur demande de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le Défenseur des droits y attribuait à une insuffisance des moyens affectés au traitement des demandes des étrangers une partie des raisons des dysfonctionnements qu'il relève. Parmi ceux-ci étaient particulièrement mentionnées les conditions d'accueil des mineurs non accompagnés, à propos desquels le comité des droits de l'enfant de l'ONU recommande que les États réservent suffisamment de moyens pour leur assurer un traitement adapté à leur situation. Les guichets n'appliqueraient pas toujours la loi qui veut que la situation des mineurs fasse l'objet d'une évaluation dans des conditions déterminées par une circulaire interministérielle de janvier 2016. Le plan annoncé par le Gouvernement nécessitera des moyens supplémentaires que le projet de loi de finances a pris en compte. Les 50 emplois créés posent, malgré tout, la question de leur suffisance pour surmonter les difficultés rencontrées.

(1) Le problème particulier du traitement de l'asile a suscité des réorganisations administratives aux effets encore limités

Au sujet des demandes d'asile, le défenseur des droits avait pu relever que les engorgements constatés étaient antérieurs à la vague de demandes enregistrées depuis l'accentuation des flux migratoires.

La loi du 29 juillet 2015 ayant entrepris de surmonter l'encombrement des services, la mise en oeuvre de la nouvelle procédure ne donnerait pas pleine satisfaction. L'État aurait subi 135 condamnations pour la seule Ile-de France en 2016. De fait, le contentieux des étrangers est l'un des motifs récurrents du niveau anormalement élevé des dépenses de contentieux constatées sur la mission (voir infra ).

Des guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile créés en 2015 ont tendu à professionnaliser la réponse.

Les guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile

Dans le cadre de la réforme de l'asile, 34 guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA) en France métropolitaine ont été créés en 2015.

Ils réunissent des agents de préfecture dédiés aux activités d'enregistrement, et des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) chargés de l'évaluation de la vulnérabilité et de la prise en charge des demandeurs d'asile (hébergement et ouverture des droits à l'allocation de demande d'asile).

La cartographie des guichets uniques repose sur le schéma antérieur des points d'enregistrement des demandeurs d'asile. Le site de Calais a été fermé début 2017, suite au démantèlement du campement de la Lande.

Leur implantation immobilière est majoritairement en préfecture, sauf pour trois sites hébergés en direction territoriale de l'OFII.

En outre, face au mauvais fonctionnement de la procédure dite de Dublin - qui ne fonctionnait correctement que dans une proportion infime de cas - oblige à mobiliser des ressources importantes qui pourraient être mieux employées si les services se trouvaient libérés pour l'application d'autres procédures, une intégration de la chaîne de traitement de la procédure Dublin a été expérimentée à partir de 2017.

La procédure dite de Dublin

Lorsqu'un ressortissant étranger se présente au guichet unique de demande d'asile  GUDA (voir infra)- pour l'enregistrement de sa demande d'asile, la préfecture doit systématiquement déterminer l'État membre responsable de l'examen de cette demande. En effet, le règlement européen n°604/2013, dit règlement Dublin, prévoit qu'un seul État membre est responsable de l'examen d'une demande d'asile et décline les critères permettant d'établir cette responsabilité :

- présence de membres de la famille dans un autre État membre,

- État membre ayant préalablement délivré un visa ou un titre de séjour,

- franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace Schengen,

- demande d'asile en cours d'examen dans un autre État membre.

Pour cela, le GUDA procède au relevé des empreintes digitales de l'intéressé sur la borne Eurodac aux fins d'enregistrement et de comparaison avec les empreintes enregistrées dans la base de données européenne. La procédure est complétée par une recherche d'informations dans la base de données VISABIO afin de vérifier les conditions d'entrée de l'intéressé sur le territoire des États-membres. Si la situation de l'usager est identifiée comme pouvant relever d'un autre État membre ou que l'intéressé a indiqué avoir de la famille dans un autre État membre (procédure Dublin), le GUDA reçoit l'intéressé en entretien individuel afin de retracer son parcours depuis le départ de son pays d'origine et recueillir tout indice ou élément de preuve susceptible de fonder la responsabilité d'un autre État membre. L'agent qui mène l'entretien s'appuie sur un formulaire dont le modèle est national. En application du règlement Dublin, cet entretien doit être mené dans une langue « dont on peut raisonnablement supposer que l'usager la comprend ce qui peut nécessiter le recours à un interprète par le GUDA.

Si au vu des éléments présentés lors de l'entretien par le demandeur d'asile ou recueillis par consultation des bases EURODAC ou VISABIO, la responsabilité d'un autre État membre peut être engagée pour l'examen au fond de sa demande, l'intéressé se voit remettre un document d'information dans une langue « dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend », au sujet de l'application du règlement Dublin. Si la brochure n'existe pas dans la langue du demandeur, l'intervention d'un interprète est requise. L'intéressé se voit également remettre une

première attestation de demande d'asile pour un mois qui sera renouvelée par la suite par période de quatre mois, jusqu'au transfert effectif de l'intéressé à destination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le demandeur peut également être assigné à résidence avec obligation de se présenter de manière régulière auprès des forces de l'ordre compétentes territorialement. La non présentation du demandeur aux convocations en préfectures ou auprès des forces de l'ordre est considérée comme un indice de fuite dans le cadre de la procédure Dublin justifiant une prolongation du délai de transfert passant de 6 mois à 18 mois.

À l'issue du passage en GUDA, l'État membre considéré comme responsable doit être saisi dans les plus brefs délais d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge via le réseau de communication électronique « DubliNet ». La réponse de l'État membre saisi doit être suivie : les accords traités et les refus éventuellement contestés.

En cas d'accord, explicite ou implicite, de l'État membre responsable, le demandeur d'asile doit en être averti et son transfert organisé.

La compétence du GUDA s'arrête à l'issue de l'entretien de parcours avec l'usager. Jusqu'en 2018, la préfecture de résidence du demandeur était ensuite compétente sur la suite de la procédure.

Le principe de la création d'une dizaine de pôles spécialisés pour le traitement de la procédure Dublin après enregistrement en guichet unique a été arrêté en 2017 à l'exception de l'Île-de-France. Cette régionalisation concerne les procédures Dublin engagées à la suite du dépôt d'une demande d'asile et non celles concernant des étrangers en situation irrégulière interpellés sur le territoire national et relevant de la procédure Dublin sans avoir sollicité la protection internationale de la France qui restent de la compétence de chaque préfecture. La réforme vise à assurer la cohérence de la mise en oeuvre de ces procédures sur l'ensemble du territoire ainsi qu'une complète spécialisation de la gestion de la procédure Dublin pour atteindre les objectifs fixés en termes d'enregistrement des procédures, d'amélioration de leur qualité et de réalisation des transferts. Le dispositif a été généralisé à l'ensemble des régions métropolitaines à l'exception de l'Île-de-France fin 2018. 106 ETPT ont été affectés à 11 pôles régionaux.

Le ministère de l'intérieur estime que la formule a rencontré le succès sur la base d'un différentiel entre le taux de transfert des pôles et des préfectures. En 2018, le taux de transfert métropolitain moyen était de 11,9 %. Au premier semestre 2019, il est passé à 17,1% quand pour les seuls pôles régionaux Dublin le taux a atteint 23,1%.

Le succès reste relatif, la formule créée par le ministère de l'intérieur ne pouvant pas régler l'ensemble des difficultés dues à une intégration européenne défectueuse face à un problème d'une ampleur considérable.

Votre rapporteur spécial est cependant conduit à estimer qu'une étape a été franchie pour mieux adapter les moyens aux problèmes rencontrés.

Il recommande cependant que cet effort soit poursuivi et que soient envisagés tous les moyens de garantir un professionnalisme sans faille dans le traitement des demandes.

(2) Une mission dont la performance n'est plus publiée

Le dispositif de performances du programme est totalement muet sur les réalisations des services, ce qui n'est pas acceptable compte tenu des enjeux.

Il existait jusqu'à récemment un indicateur faiblement significatif mais qui permettait d'appréhender des tendances.

Étaient suivis le délai moyen de traitement des demandes d'asile et celui des titres de séjour. En ce qui concerne ce dernier, le délai moyen de délivrance des premiers titres de séjour avait été de 126 jours en 2018 contre une cible déjà peu exigeante de 90 jours, et il avait connu une dégradation par rapport à 2017 (111 jours). Quant au délai moyen de renouvellement des titres de séjour (67,5 jours) il était très loin de la cible (30 jours).

Ces sous-performances étaient d'autant moins satisfaisantes qu'une réforme permettant d'allonger la durée de validité des titres de séjour est désormais appliquée.

En ce qui concerne les seules demandes de titre de séjour les performances communiquées à votre rapporteur spécial ne peuvent que le conduire à relever la dégradation des conditions de traitement des flux, avec une augmentation des stocks à traiter très importante.

En outre, d'autres problèmes mériteraient examen. L'accès aux procédures paraît engendrer des difficultés importantes.

Pour l'asile, l'organisation retenue pour le déploiement territorial des guichets de demande d'asile implique en soi des difficultés d'accès que la numérisation de la prise de rendez-vous paraît ne pas pouvoir aider à surmonter toujours.

Enfin, une question se pose du fait du recours à un nombre important de vacataires pour traiter les flux de demandes. Si cette politique de recrutement peut réserver des marges de flexibilité, recommandables compte tenu des incertitudes sur les flux migratoires à venir, elle peut aussi permettre de dégager quelques économies de masse salariale. Si les effectifs ont augmenté de près de 29 % entre 2016 et 2018, de leur côté, les rémunérations associées aux emplois mobilisés dans le cadre de l'accueil des étrangers sont passées de 146 millions d'euros en 2016 à 185,4 millions d'euros en 2018, soit une augmentation moins forte, de 24 %.

Cette préoccupation n'est pas condamnable en soi, mais deux limites doivent être rappelées : la nécessité de conserver à la mission sa qualité ; un objectif plus social consistant à ne pas négliger le devenir professionnel des agents.


* 10 Dont une large part semble avoir été due aux besoins de l'accueil des étrangers chiffrés à 319 ETP.

* 11 Données qui sont largement perfectibles puisque établies sur la base des actes reçus, qui peuvent ne pas rendre pas compte du volume des décisions des collectivités territoriales dès lors que certains actes peuvent échapper à l'obligation de transmission.

* 12 Article 128 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 13 Huit pôles devaient être constitués avec 40 ETP mais le bilan du PPNG ne mentionne à ce jour que six rélaisations.

* 14 Pour un nombre d'ETPT indéterminable.

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