Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Jacques GENEST , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 2

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

Rapporteur spécial : M. Jacques GENEST

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Observations générales

1. Dotée de 2,8 milliards d'euros de crédits de paiement (CP) en 2019 la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE) change d'échelle avec une augmentation de 40 % des crédits inscrits qui passent à 3,977 milliards d'euros . Cette augmentation peut être décomposée en deux mouvements : d'une part, la fusion des programmes 307 « Administration territoriale de l'État » qui relevait déjà de la mission AGTE et 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » qui relevait de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » placée sous l'autorité du Premier ministre (537,5 millions d'euros de crédits en 2019) pour constituer un nouveau programme 354 ; d'autre part, des transferts entrants massifs sur ledit programme et sur le programme 216 de la mission AGTE « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » (+ 458,6 millions d'euros de crédits de paiement supplémentaires).

2. Hors ces changements de périmètre, les crédits n'augmentent que de 50,5 millions d'euros , l'essentiel de cette augmentation étant attribuable aux dotations nécessitées par l'organisation des élections municipales en 2020 , plus coûteuses que les élections européennes qui avaient marqué en 2019 le retour à un calendrier électoral relativement nourri après le creux de l'année 2018.

3. Le projet de loi de finances pour 2020 est, s'agissant des crédits de la mission AGTE, affecté d'un défaut de lisibilité qui est une exigence constitutionnelle . La structuration des actions du programme 354 présente des ruptures par rapport à l'exercice précédent qui ne sont pas le seul résultat de l'agrégation des crédits des programmes fusionnés mais résultent de modifications autonomes de la répartition des emplois de l'ancien programme 307, dont les justifications ne sont pas présentées. À titre d'exemple, alors que les moyens apportés par le programme 333 ne sont susceptibles d'impacter les effectifs du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales que modérément compte tenu de leur nature, et, en toute hypothèse, plutôt pour les accroître que pour les réduire, les effectifs du contrôle de légalité portés au budget d'entrée du programme 354 accusent une baisse de 174 ETPT sans qu'aucune explication ne soit fournie. Il faut se livrer à des conjectures pour imaginer qu'il pourrait s'agir des emplois du contrôle de légalité positionnés en sous-préfectures, mais sans nulle certitude. Il en va de même s'agissant de l'augmentation de 571 ETPT au titre de l'action « réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres ». Ces phénomènes cumulés de « budgétonécrose » et « budgétogénèse » altèrent dans des conditions trop excessives pour être acceptables l'information budgétaire minimale nécessaire pour que l'autorisation parlementaire puisse être jugée suffisamment éclairée.

4. Les évolutions des crédits par nature sont marquées par une certaine résistance des dépenses de personnel , malgré des suppressions d'emplois à nouveau considérables sur le programme 354 d'administration territoriale et, en dépit d'un contexte salariale caractérisé par le gel du point d'indice de la fonction publique. Ce dernier, qui se traduit par une baisse de la valeur réelle du point d'indice de 1,4 %, compte tenu de l'inflation prévue par le Gouvernement, engendre des économies en dépenses (environ 40 millions d'euros). Cependant, le glissement vieillesse technicité et des mesures catégorielles, dont la reprise du protocole « PPCR », avec un impact nettement plus limité qu'estimé initialement du fait du gel du point, compensent l'impact des importantes suppressions d'emplois (- 600 ETPT hors corrections techniques sur le programme 354) liées au schéma d'emplois de ce programme. Par ailleurs, malgré la progression des emplois précaires dans le total des emplois du programme, la recomposition des effectifs (le repyramidage) implique une hausse du coût unitaire des emplois du programme 354, et, à terme, dans l'hypothèse d'une politique indemnitaire compensant la rigueur indiciaire, un risque budgétaire d'une augmentation mécanique des charges salariales.

Observations sur l'administration territoriale de l'État

5. La fusion des programmes 307 et 333 dans un nouveau programme 354 et les nouveaux transferts d'emplois à destination de ce programme proposés par le projet de loi de finances pour 2020 s'inscrit, selon la présentation qui en est faite par le Gouvernement, dans le prolongement des analyses réalisées par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration sur les opportunités réservées par la mutualisation des moyens de fonctionnement courant des services déconcentrés de l'État. Cette présentation est piquante quand on se réfère au rapport en question qui déplorait que le ministère de l'Intérieur puisse s'opposer au scénario de fusion alors exploré qui privilégiait le regroupement des services sous l'autorité de Premier ministre.

6. En outre, le schéma d'intégration proposé par le projet de loi de finances ressort paradoxal par rapport aux réflexions alors conduites. Il est à la fois plus large et plus restreint. Plus large en ce sens que les préconisations du rapport ne portaient que sur des crédits hors titre 2, plus restreint en ce que les transferts réalisés dans le projet de loi de finances ne portent que sur des crédits de titre 2. Un certain nombre d'interrogations s'ensuivent. Au regard de la déconcentration de la gestion des moyens on doit rappeler que les administrations déconcentrées de l'État sont déjà sous l'autorité du préfet de région, le préfet étant de surcroît déjà chargé de la mise en oeuvre des mutualisations nécessaires à un meilleur fonctionnement des services déconcentrés de l'État. Le fait que les nouveaux transferts d'emplois destinés à étoffer la constitution de secrétariats généraux communs ne s'accompagnent pas du transfert des moyens de fonctionnement laisse inaboutis ces transferts qui, finalement, à ce stade, devraient avoir leurs principaux effets sur la programmation budgétaire des effectifs concernés. Dans ces conditions, une certaine perplexité demeure sur les conditions d'articulation des programmations concernant les personnels et les autres moyens tandis que la spécificité professionnelle des métiers de support ne doit pas être négligée.

7. Votre rapporteur spécial relève que le processus d'intégration ne concerne pas des administrations et des opérateurs importants, parmi lesquels les services du ministère de l'économie et des finances dont le goût pour les mutualisations d'efficience paraît s'appliquer principalement aux services de l'État extérieurs à son champ d'influence.

8. Ces observations étant faites, il faut espérer que les gains d'efficacité résiduels envisageables puissent permettre des redéploiements de moyens vers les services de l'État de proximité. Toutefois, ni les expériences passées dans le domaine de la mutualisation, ni l'état des forces de l'État dans les territoires, considérablement réduites ces dernières années, et dont le projet de budget pour 2020 propose une énième réduction, n'invitent à une grande confiance sur ce point.

9. Le plan préfectures nouvelle génération (PPNG) a prolongé les suppressions d'effectifs du réseau préfectoral qui se poursuivent encore en 2020.

10. S'agissant du PPNG, les suppressions d'emplois sur les missions jugées non prioritaires (4 000 ETPT) ont été réalisées, les redéploiements d'emplois vers les priorités affichées demeurant à entreprendre (pour près de la moitié), des affectations d'emplois plus fortes que prévu ayant été consacrées à la mission de délivrance des titres sécurisés et à l'accueil des étrangers.

11. Quant au budget pour 2020, moyennant les graves problèmes de lisibilité exposés supra, il franchit une nouvelle étape dans l'attrition des moyens d'administration territoriale avec un nouvel étiolement des emplois du réseau et des moyens de certaines missions, pourtant présentées comme des priorités du ministère.

12. Pour le réseau préfectoral, le niveau infradépartemental des sous-préfectures est de moins en moins doté : 58 sous-préfectures disposaient de moins de dix emplois en 2017, elles sont 82 en 2019.

13. L'expérience de la mutualisation des moyens dans le cadre des Maisons de services au public (MSAP) demeure trop mitigée et se trouve confrontée à des tensions financières si importantes déjà, particulièrement illustrées par le récent rapport de la Cour des comptes sur l'accès aux services publics dans les territoires ruraux, pour que la traduction des engagements du président de la République postérieurs aux récents « événements » par la circulaire du Premier ministre relative à la mise en place d'un réseau « Maisons France Service » (MFS) ne suscite pas d'emblée une profonde perplexité. Souhaitant le déploiement de 2 000 MFS avec pour chacune des conditions renforcées de labellisation (dont une condition d'au moins deux personnes en poste), le projet n'a pas de financement, ce dernier risquant in fine d'être mis à la charge des collectivités territoriales, qui, déjà, financent la moitié des dépenses des MSAP de droit commun.

14. Quant aux priorités du ministère de l'intérieur, force est de constater que ce dernier peine à les traduire dans les faits. En ce qui concerne la lutte contre la fraude documentaire, les collectivités territoriales sur une partie desquelles pèse l'obligation de mettre en place les moyens nécessaires au déploiement de l'application COMEDEC de transmission sécurisée des informations d'état civil contribuent fortement à un projet qui rapporterait 13,7 millions d'euros à l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et pour lequel elles ne sont accompagnées qu'à hauteur de 2 millions d'euros. En ce qui concerne le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales, dont les moyens budgétés en 2020 affichent une apparente réduction de 21 %, il ne bénéficie, c'est le moins qu'on puisse en dire, d'aucun renforcement susceptible de surmonter la crise d'une mission qui relève pourtant d'un statut constitutionnel, et devrait permettre, pour le conseil aux collectivités territoriales, d'accompagner des municipalités ne disposant pas des moyens financiers de traiter les problèmes juridiques en voie d'expansion inquiétante auxquels elles sont confrontées. Il y a là, aux yeux de votre rapporteur spécial, au-delà de la dimension technique du sujet, un fort enjeu de démocratie trop négligé.

15. La coordination de la sécurité des personnes et des biens n'atteint pas les cibles fixées dans les projets de performances dont le niveau, en particulier pour les espaces soumis à plans particuliers d'intervention, sont trop laxistes. Les événements récents appellent à combler des déficits de résultats que votre rapporteur spécial avaient eu l'occasion de considérer comme très préoccupants dès le mois de juin 2019.

16. Le projet de budget 2020 ne fait pas apparaître les moyens prévus pour l'accueil des étrangers. Votre rapporteur spécial s'interroge sur les raisons pour lesquelles cette mission n'est pas isolée dans la présentation budgétaire et ne fait même plus l'objet d'un suivi de performances. Il convient de remédier au plus vite à cette lacune. Il est inquiétant de voir les stocks de certaines demandes enfler malgré une stabilisation des dossiers présentés (titres de séjour). La question de l'asile, qui s'est à nouveau tendue, pourrait en être la cause par l'absorption de moyens qu'elle suppose. En toute hypothèse, elle a entraîné une réorganisation des services avec la création de pôles dits Dublin, dont les résultats ne sont pas nuls mais sans être décisifs. Il faut reconnaître que les services ne sont pas essentiellement en cause s'agissant d'un problème grave d'intégration européenne. Il paraît essentiel que l'accès des demandeurs ne soit pas rendu si complexe que des situations de vie en deviennent très lourdes et qu'un contentieux massif n'en résulte.

Délivrance des titres sécurisés

17. En ce qui concerne la délivrance des titres sécurisés , la fermeture des guichets de l'État semble globalement achevée ainsi que le processus de sélection des communes disposant de stations de traitement des demandes. Cette restructuration numérique, que les communes choisies ont pu généralement bien accompagner, illustre, par plusieurs de ses aspects, un certain nombre des difficultés rencontrées par l'État numérique. L'accessibilité à des services essentiels pour les administrés s'est réduite, du fait de la fermeture de la plupart des points de contact assurés auparavant par les mairies, mais aussi du maintien d'une fracture numérique, territoriale et sociale. Votre rapporteur spécial rappelle que le Défenseur des droits s'en est particulièrement alarmé et il fait sienne la proposition de ménager des voies alternatives non dématérialisées pour faciliter l'exercice par tous de leurs droits. Par ailleurs, les objectifs affichés pour justifier la numérisation des procédures semblent assez loin, pour certains, de s'être traduits en réalisations. La numérisation n'a, à ce jour, pas permis le raccourcissement de délais de délivrance des titres sécurisés, qui demeurent trop élevés. Dans certaines parties du territoire, des délais insupportables se constatent, que les dysfonctionnements des CERT (Centres d'expertise et de ressources titre) chargés de gérer les demandes de cartes grises ont considérablement accrus, alors même que moins de 5 % de ces demandes passent par ce canal. Les difficultés rencontrées ont, au demeurant, été un obstacle à la réallocation des moyens de la délivrance des titres vers les priorités affichées.

18. Votre rapporteur spécial souligne qu' un marché de la délivrance des cartes grises s'est développé . Le chiffre d'affaires correspondant n'est pas connu des services du ministère de l'intérieur qui, pourtant, accréditent les opérateurs privés, au nombre de 39 004, qui y offrent leurs services d'intermédiation. On rappelle que 13 millions de cartes grises seraient délivrées chaque année, si bien que sur la base d'un tarif, variable mais qui semble être de l'ordre de 30 euros par dossier, le désengagement de l'État de sa mission pourrait coûter aux Français 300 millions d'euros par an, chiffre sans proportion avec le coût qu'ils devraient assumer si l'État montrait ses capacités d'assurer convenablement un service élémentaire.

19. Les ressources affectées à l`ANTS sont relevées de 10 millions d'euros du fait de l'augmentation de la part des droits sur les passeports susceptible de lui revenir. La réglementation européenne prévoit la création d'une carte d'identité électronique et l'ANTS nourrit des projets innovants. L'expérience passée oblige à une certaine prudence tant financière que juridique relativement à ces projets. Le nouveau contrat d'objectifs et de performance de l'agence qui, du fait de sa nature, ne comporte pas d'engagements financiers de l'État pour accompagner les hautes ambitions assignées à l'ANTS ne saurait être financé par le moyen du seul relèvement du plafond d'affectation prévu en 2020.

20. Une partie des produits destinés à l'ANTS revient au ministère de l'intérieur, qui conserve des activités de production de titres, sans justification particulière. Les différents droits de timbre perçus auprès des demandeurs alimentent, par ailleurs, le budget de l'État du fait du plafonnement de l'affectation. C'est sans doute la raison pour laquelle, malgré une certaine retenue dans les coûts de production des titres, les droits perçus n'ont pas vu leur tarif baisser.

21. La programmation budgétaire du financement de la vie politique cultuelle et associative (programme 232) est dépendante du cycle électoral, qui, vide en 2018, a repris une certaine actualité en 2019 et sera marquée en 2020 par les élections municipales, les élections sénatoriales, et une seconde consultation sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Par ailleurs, le coût de la réduction d'impôt pour certaines contributions aux candidats et aux partis politiques ne figure toujours pas au projet annuel de performances, ce qui le rend très incomplet.

La programmation au titre des soutiens aux formations politiques est inchangée. L'enveloppe est de 68,7 millions d'euros, mais une économie de constatation tenant au non-respect des règles de parité devrait réduire les dépenses de l'ordre de 2,8 millions d'euros. Votre rapporteur spécial suggère que les économies, sans doute pérennes ainsi constatées, soient attribuées à l'action en faveur des droits des femmes.

De l'ordre de 60 000 euros sont prévus pour financer la mission du médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques. Institution nouvelle, qui n'est dotée d'aucun pouvoir de coercition et ne peut s'appuyer sur aucun engagement financier nouveau de l'État susceptible de consolider les demandes de prêts des impétrants, il est assez douteux qu'il s'agisse là d'une réponse à une vraie difficulté. Il est évident qu'il faudra y revenir.

Il faut dire que, si l'enveloppe de soutien aux partis politiques est budgétée sans changement depuis plusieurs années, perdant ainsi de sa valeur réelle année après année, les critères de répartition, qui ne tiennent aucun compte de la représentation locale des partis, sont extrêmement sensibles aux résultats électoraux d'une année donnée, le mécanisme d'attribution ne comportant aucun élément de lissage. Les critères qui conditionnent la répartition prévue à ce titre ont entraîné un bouleversement dans la répartition traditionnelle des concours publics aux différents partis. La dotation de « En Marche ! » nulle jusqu'à présent, par définition, a été portée à plus de 22 millions d'euros. Celle du parti socialiste a été amputée de 75 %.

Le coût des élections municipales devrait atteindre 155,7 millions d'euros , en l'absence de dématérialisation de la propagande électorale, le Gouvernement ayant renoncé à proposer de nouvelles expérimentations, qui auraient pu être utiles et adaptées à ce scrutin, à condition d'être limitées. Il n'est budgété que pour 132,4 millions d'euros en 2020. L'estimation des coûts complets est délicate puisqu'elle est tributaire du nombre des candidats réunissant in fine les conditions d'un remboursement forfaitaire de leurs frais de campagne, les remboursements devant être concentrés sur les 11 communes de plus de 200 000 habitants. Pour le scrutin municipal un problème se pose dans les communes de moins de 2 500 habitants dans la mesure où la prise en charge par l'État de la mise sous plis et de l'envoi de la propagande n'est pas assurée.

Les moyens de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) sont renforcés dans la perspective des élections municipales et de la numérisation des transmissions des comptes de campagne. En revanche, les prérogatives nouvelles qui lui sont reconnues ne sont pas financées (notamment au titre des expertises).

22. Les frais généraux du ministère de l'intérieur (programme 216) sont marqués par un changement d'échelle du fait de la création de nouveaux services intégrés (direction des achats, direction du numérique), du transfert de moyens des secrétariats généraux de l'administration du ministère de l'intérieur pour la police nationale (les SGAMI) et de la création de l'agence nationale de cohésion des territoires (30 ETPT supplémentaires).

23. Les coûts de l'immobilier sont en baisse mais les coûts regroupés sur le programme qui ne concernent que les implantations parisiennes et de la petite couronne restent considérables par rapport aux coûts de l'immobilier de l'administration déconcentrée. Les frais de fonctionnement de l'immobilier parisien s'élèvent à 89 millions d'euros contre une dotation inscrite de 28,9 millions d'euros à ce titre dans le programme 307 d'administration territoriale en 2019. La baisse des dépenses immobilières du programme au budget 2020 porte en totalité sur les dépenses d'investissement.

24. La baisse des crédits réservés au fonds interministériel de prévention de la délinquance se poursuit . L'an dernier, elle avait été expliquée par une réduction du format des centres de réinsertion et de prévention de la délinquance dans le contexte de la mise en place d'une nouvelle stratégie. Le plan présenté en février 2018 suppose 13,8 millions d'euros de crédits, 18,2 millions d'euros étant par ailleurs consacrés à la sécurisation de sites contre des actes terroristes. Le reste des interventions du fonds subira une contrainte renforcée, même si des recoupements peuvent exister. Votre rapporteur spécial relève la sous-représentation des zones de gendarmerie dans les équipements financés par le fonds. Cette situation peut s'expliquer par des besoins particuliers aux zones de police, mais il conviendra d'être attentif aux suites réservées aux engagements pris d'un rééquilibrage.

25. Les dépenses informatiques et de communication constituent un risque majeur pour le programme. Les projets passés ont entraîné des dépenses souvent spectaculairement supérieures aux prévisions. Le réseau radio du futur souhaité par le président de la République, qui est estimé à pas moins de 164 millions d'euros, devra être géré avec toute l'attention nécessaire d'autant qu'une orientation vise à la rendre utile pour les jeux olympiques de 2024.

26. La charge des dépenses de contentieux du ministère spectaculairement sous-budgétée en 2017, avec une insuffisance de financement proche de 100 millions d'euros, est prévue en stabilité en 2020 (80 millions d'euros). Il existe un risque sérieux que les dépenses correspondantes explosent à nouveau. Le mouvement des « gilets jaunes » entraîne plusieurs risques de ce point de vue, dont celui d'action contre l'État du fait des préjudices causés par les attroupements pour lesquels une estimation provisoire des enjeux porte sur 86 millions d'euros de charges. C'est sans compter avec d'autres considérables risques liés à d'autres contentieux suscités par ces événements.

Au 10 octobre 2019, date limite fixée par la LOLF, 98 % des réponses au questionnaire budgétaire étaient parvenues à votre rapporteur spécial .

PREMIÈRE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION

Le projet de budget pour 2020 est marqué par des modifications très significatives du cadre budgétaire de la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE).

Le programme 307 « Administration territoriale» est fusionné avec le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrés » auparavant rattaché à la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

L'inclusion de ce programme conduit à des réaménagements qui excèdent le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État ». Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » enregistre certains effets de la fusion mais également l'impact d'autres transferts.

Seul le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » demeure à l'écart de ces évolutions. Il avait été mis à sa charge l'an dernier les moyens nécessaires à l'exercice des compétences du Médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques sur des bases qui étaient restées provisionnelles. L'horizon budgétaire de cette nouvelle autorité paraît plus stabilisé en 2020.

La mission AGTE demeure structurée entre trois programmes mais se trouve étoffée.

Dotée, en 2019, de 2,836 milliards d'euros (hors fonds de concours et attributions de produits) en crédits de paiement, elle comprend désormais 3,977 milliards d'euros de crédits de paiement, soit une hausse de 40 % par rapport à 2019.

Une fois pris en compte les crédits du programme 333 pour 2019 (537,5 millions d'euros), les dotations passent de 3,373 milliards d'euros à 3,977 milliards d'euros , soit une hausse plus limitée de 18 % que d'autres transferts réalisés vers le programme 216 viennent expliquer.

La structure de la mission se décompose désormais comme suit :

- le nouveau programme 354 « Administration territoriale de l'État» qui porte les moyens du réseau préfectoral mais également désormais ceux des services placés sous l'autorité des préfets de région et des directions départementales interministérielles est doté de 2,328 milliards d'euros en crédits de paiement et de 2,460 milliards d'euros en autorisations d'engagement, soit respectivement 58,5 % et 60,7 % des dotations totales correspondantes de la mission ;

- le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » finance essentiellement certaines expressions de la vie politique du pays ( 237 millions d'euros en 2020 , contre 206,3 millions d'euros en 2019) ;

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » est un programme réservoir qui finance les moyens généraux du ministère de l'intérieur et certaines interventions de ce dernier ( 1 413 millions d'euro, en crédits de paiement et 1 351 millions d'euros en autorisations d'engagement, soit, respectivement 35,5 % et 34,8 % des dotations totales correspondantes de la mission) .

En dehors des changements de périmètre, les crédits de la mission appréciés sur la base des actions financées en 2019 s'accroissent de 50,5 millions d'euros , se décomposant en +16,8 millions d'euros pour les moyens de l'ancien programme 333 principalement du fait des crédits de personnel, - 2 millions d'euros pour les crédits du programme support de la mission, et + 36 millions d'euros pour les crédits de paiement du programme 232, évolution due aux dépenses d'organisation des élections prévues en 2020, en particulier des élections municipales.

I. AU-DELÀ D'UN CHANGEMENT D'ÉCHELLE, UN BUDGET AU FIL DE L'EAU

A. DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE DE FORTE AMPLITUDE AFFECTENT LES PROGRAMMES D'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT (EX-PROGRAMME 307) ET DE CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTERIEUR (PROGRAMME 216)

Le projet de budget pour 2020 est marqué par d'importants changements de périmètre.

1. La fusion des programmes 307 et 333

En ce qui concerne l'administration territoriale de l'État , il propose la fusion des programmes 333, qui relevait jusqu'à présent de la mission « Direction de l'action du Gouvernement », et du programme 307 rattaché à la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (voir ci-dessous pour les impacts budgétaires de cette fusion).

La fusion des crédits du programme 333 et du programme 307 conduit à reconstituer les dotations de ces deux programmes pour 2019 sur une base agrégée.

Les ouvertures du programme 333 pour 2019 agrégées aux ouvertures du programme 307 pour 2019 conduisent à rehausser la base de budgétisation de 2019 de 536,4 millions d'euros (182,5 millions d'euros de dépenses de personnel ; 353,9 millions d'euros pour les autres titres de dépenses).

S'agissant des dépenses de personnel , deux effets jouent.

En premier lieu, la fusion des programmes 307 et 333 conduit à relever le plafond d'emplois pris en charge par la mission au titre du nouveau programme 354.

L'an dernier, le plafond d'emplois du programme 307 avait été fixé à 25 317 ETPT. Le cumul de ce plafond d'emplois avec celui du programme 333, qui était de 2 005 ETPT, conduit à reconstituer un plafond d'emplois de 27 319 ETPT une fois pris en compte un abattement de 3 ETPT mis à la charge du programme 333 sur le fondement de l'article 11 de la loi de programmation des finances publiques 1 ( * ) .

En second lieu, le coût unitaire des emplois intégrés au nouveau programme d'administration territoriale de l'État est renchéri par l'apport des emplois du programme 333.

Les emplois apportés par le programme 333

Les emplois intégrés concernent les directeurs départementaux interministériels et leurs adjoints (DDI), les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) et leurs adjoints, les charges de mission des SGAR, les agents des plates-formes régionales « ressources humaines », les agents des plates-formes régionales « achats », une partie des agents chargés de la gestion des crédits des BOP régionaux du programme 333, les agents affectés dans les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication de l'État (SIDISC).

Le coût unitaire par emploi en provenance du programme 333 s'élevait à 91 271 euros en 2019 (en incluant les contributions au CAS « Pensions ; 65 286 euros hors CAS) à comparer à un coût unitaire des emplois du programme 307 de 58 510 euros (y compris les contributions au CAS ; 40 782 euros hors CAS).

L'écart important entre les coûts unitaires par emploi du programme 333 et du programme 307 (+55 % pour le programme 333 avec les contributions de pensions ; + 59 % hors ces dernières) traduit des structures d'emplois différentes, les emplois du programme 333 étant composés d'environ 50 % d'agents de catégorie A et A +.

Structure des emplois du programme 333 en 2017 et 2018

Source : rapport annuel de performance de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » pour 2018

Mais, l'écart constaté révèle également une hétérogénéité au regard de la répartition entre les rémunérations indiciaires et les indemnités .

La part des primes dans la rémunération des fonctionnaires rattachés aux services du Premier ministre est plus forte que celle des fonctionnaires du ministère de l'intérieur , qui sous cet angle, bénéficient pourtant de primes relativement élevées.

Bien qu'un peu anciennes et ne correspondant pas totalement au découpage des missions budgétaires, les données suivantes l'illustrent assez.

Estimations, pour l'année 2015, des cotisations et contributions versées au CAS Pensions rapportées à la rémunération brute totale, par ministère

Estimations pour l'année 2015

Ministère

Cotisations salariales au CAS Pensions ramenées à la rémunération brute totale

Contributions employeurs au CAS Pensions ramenées à la rémunération brute totale

Affaires étrangères

5,6%

43,7%

Culture et communication

7,4%

57,9%

Agriculture

7,0%

54,8%

Justice

6,6%

51,6%

Intérieur et outre-mer

6,3%

49,2%

Services du Premier ministre

5,5%

42,8%

Redressement productif

5,8%

45,4%

Économie et finances

6,2%

48,5%

Écologie, développement durable et énergie

5,8%

44,9%

Travail

6,8%

52,7%

Enseignement Supérieur

7,4%

57,4%

Éducation

8,1%

63,4%

Affaire sociales et Santé

6,7%

52,4%

Défense

6,8%

53,2%

Ensemble

7,4%

57,6%

Champ : fonctionnaires civils des ministères (i.e. hors EPA sous tutelle).

Source : calculs DGFiP-SRE ; données : DGAFP-DESSI à partir de SIASP, Insee 2013.

Du reste, l'hétérogénéité des écarts entre les coûts d'emploi du programme 333 et du programme 307 (supérieurs hors prise en compte des contributions employeurs au CAS « Pensions ») confirme celle des régimes de rémunérations des agents appelés à être pris en charge par un même responsable de programme.

L'union budgétaire de corps administratifs caractérisés par des régimes de rémunérations très différents peut susciter quelques interrogations.

Si une appréciation fine de ses prolongements supposerait de disposer de données exhaustives permettant, par exemple, de comparer les niveaux et les structures de rémunération par type d'emploi et par ancienneté il est peu douteux que ces comparaisons seront effectuées par les agents concernés, avec le risque de demandes d'alignements salariaux sur la situation la plus favorable. Il restera à vérifier si les gains d'efficience attendus de la mutualisation des moyens l'emporteront ou non sur les suppléments de charges pouvant devoir alors être supportés.

En outre, le responsable de programme pourrait être enclin à des arbitrages aux termes desquels certains emplois seraient plus ou moins fragilisés par la contrainte budgétaire sans que, nécessairement, des considérations opérationnelles soient correctement pondérées.

L'intégration des crédits du programme 333 exerce un second effet sur la structure des dépenses consacrées à l'administration territoriale de l'État en augmentant la part des dépenses de fonctionnement et d'investissement, plus forte dans le cadre du programme 333 que pour le programme 307.

Cette agrégation conduit à attribuer au responsable de programme la responsabilité de la gestion d'une masse de crédits qui passe de 175 millions d'euros à 529 millions d'euros ouvrant la perspective d'arbitrages nationaux de plus de poids.

2. Un niveau très élevé de transferts du fait de l'intégration budgétaire de secrétariats généraux de différentes directions départementales ministérielles
a) Le programme 354

En outre, il faut compter avec le transfert de 1 803 ETPT provenant des secrétariats généraux des directions départementales interministérielles correspondant à des effectifs affectés à des fonctions de support entraîne une augmentation des crédits de titre 2 de 104,5 millions d'euros . Ce transfert est partiellement compensé par un glissement de 37 emplois vers le programme 216 de la mission (emplois de la médecine de prévention) pour une économie de 3,4 millions d'euros pour le programme 354 issu de la fusion des programmes 333 et 307.

Au total, ces opérations majorent les crédits de personnel de 101,1 millions d'euros par rapport à une situation à structure budgétaire constante .

On relève que le coût unitaire des emplois transférés est inférieur à celui des emplois portés par le programme 354. Il s'élève à 39 426 euros (hors CAS) et à 58 773 euros contributions au CAS comprises.

La structure des emplois transférés est marquée par l'importance relative des emplois de catégorie C et de personnels techniques (40,2 % et 23,6 % du total respectivement).

Quant aux crédits relevant des autres titres de dépenses, les transferts ajoutent une charge nette de 14,7 millions d'euros , soit + 20,1 millions d'euros résultant principalement de l'extension du programme 333 aux Outre-Mer, qui se répercutent sur les montants inscrits au programme 354 et - 5,4 millions d'euros du fait de transferts de moyens vers le programme 216.

Au total, les transferts exposés lestent le nouveau programme de 115,8 millions d'euros .

b) Le programme 216

Quant au programme 216, programme support de plusieurs services du ministère de l'intérieur, il intègre de nombreuses lignes de crédits auparavant portées par d'autres programmes budgétaires.

Sur les crédits de personnel , l'impact des transferts est de 242,2 millions d'euros , du fait de transferts de 4 626 ETPT , correspondant principalement (4 031 ETPT) aux effectifs des secrétariats généraux du ministère de l'intérieur (SGAMI), mais aussi à la constitution d'un service ministériel d'achat et plus modestement de l'agence nationale pour la cohésion des territoires (ANCT) dotée de 30 ETPT. Le coût unitaire des emplois transférés est inférieur à celui des emplois du programme 354.

Les crédits hors ceux de personnel connaissent eux-mêmes une croissance de l'ordre de 215 millions d'euros essentiellement sous l'effet de la création d'une direction du numérique (DNUM) qui regroupe les moyens auparavant portés par une série de programmes (161, 232, 152, 176, 303, 122, 354) relavant de différents ministères, le contributeur essentiel à ce transfert étant le programme 176 consacré à la police nationale

Au total, les modifications de périmètre du programme 216 ajoutent aux crédits du programme 457 millions d'euros.

Les changements ci-dessus exposés augmentent les emplois de la mission de 6 134 ETPT 2 ( * ) , pour un alourdissement des crédits de personnel de 343,1 millions d'euros.

Quant aux autres dépenses, elles se trouvent augmentées de 229,7 millions d'euros.

Au total, les charges budgétées dans la mission AGTE ressortent accrues de 572,8 millions d'euros du fait des transferts en provenance d'autres missions budgétaires.

c) Le programme 232

Le programme 232 comporte un transfert de crédit de 5 millions d'euros vers le programme 216 au titre de la prise en charge de compétences à la direction du numérique en voie de constitution dans le champ de la gestion des systèmes d'information et des applications relatives aux élections ainsi que du répertoire des associations.

B. UNE FAIBLE ÉVOLUTION DES CRÉDITS MARQUÉE PAR LA BAISSE DES CRÉDITS IMMOBILIERS DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

À périmètre constant, les crédits des programmes 354 et 216 progressent de 12,2 millions d'euros.

Une fois pris en compte les crédits du programme 232, pour lequel la distinction entre périmètres constant et courant n'a qu'une signification limitée, les crédits de la mission augmentent de 42,8 millions d'euros en considérant que les évolutions du cycle électoral ne modifient pas le périmètre du programme.

1. Une progression modérée des crédits d'administration territoriale

Les dotations du programme 354 (nouveau) excèdent de 134,4 millions d'euros les autorisations budgétaires de 2019 au titre du programme 307.

Périmètre courant
Évolution des crédits du (nouveau) programme 354

Source : ministère de l'intérieur

Mais une fois neutralisés les transferts destinés à placer les secrétariats généraux de plusieurs directions départementales interministérielles sous la responsabilité budgétaire du ministère de l'intérieur, les évolutions d'une année sur l'autre sont nettement plus modérées.

À périmètre constant, les crédits augmentent de 16,8 millions d'euros, dont 10,3 millions d'euros pour les dépenses de personnel.

Évolution des crédits du programme « Administration territoriale de l'État »
selon le périmètre envisagé 307
Périmètre constant (ancien programme 307)

(en euros)

Source : ministère de l'intérieur

2. La réduction des crédits pour dépenses immobilières explique la baisse des dotations du programme 216

La variation des crédits du programme 216 à périmètre constant extériorise une baisse des dotations de 29 millions d'euros.

La réduction des crédits immobiliers (- 40,2 millions d'euros) atteint 25,3 % ; elle ne se retrouve pas en totalité dans l'évolution des crédits du programme du fait de l'alourdissement des crédits de personnel (+11,6 millions d'euros).

Évolution des crédits du programme 216
selon le périmètre envisagé

(en euros)

Source : ministère de l'intérieur

3. Le programme 232 alourdi de 36 millions d'euros à périmètre constant

Évolution des crédits du programme 232 selon le périmètre envisagé

(en euros)

Source : ministère de l'intérieur

L'augmentation des crédits nécessaires à l'organisation des élections explique la quasi-totalité de la variation des crédits du programme 232.

II. UNE NOUVELLE BAISSE DU PLAFOND D'EMPLOIS

Les emplois portés par la mission, en particulier ceux du programme d'administration territoriale, enregistrent année après année de fortes baisses.

C'est encore le cas pour 2020.

En dépit d'un contexte salarial et d'une recomposition des effectifs favorables à la décrue de la masse salariale de la mission, celle-ci, pour se réduire légèrement, reste marquée par une inertie certaine.

A. VUE D'ENSEMBLE SUR LES ÉVOLUTIONS DE CRÉDITS PAR NATURE

La mission AGTE était majoritairement une mission d'effectifs, ce dont témoignait le poids des dépenses de personnel dans le total des crédits en 2019 (71 % du total). Elle le reste en 2020 même si les changements de périmètre budgétaire atténuent cette caractéristique (64,2% du total).

Cette déformation de la structure des crédits correspond notamment à la dynamique des crédits de fonctionnement imprimée par l'intégration à la mission du programme 333 et des transferts de crédits vers le programme 216.

Évolution des crédits par nature de dépenses
(2020/2019)

(en millions d'euros et en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat

La répartition de chaque catégorie de crédits entre les différents programmes s'effectue comme suit.

Pour les crédits de fonctionnement de la mission, près de la moitié sont attribués au programme 354 (45,1 %), plus de 42 % au programme 216, le reliquat au programme 232 (6,4 %) Néanmoins, les dépenses de fonctionnement représentent plus de la moitié des crédits de ce dernier programme alors que pour les deux premiers cités, ils représentent, pour le programme 354, le cinquième de ses moyens, pour le programme 216 le tiers.

Cumulés, les crédits d'investissement et d'intervention (8,6 % des dotations de la mission), le programme 216 en est le principal consommateur (57,8 % du total) suivi par le programme 232. Le programme d'administration territorial 354 n'en mobilise que moins de 20 %.

Pour les crédits de personnel , ils sont majoritairement attribués à ce dernier programme (78 % du total) contre 30 % au programme 216.

B. DES CRÉDITS DE PERSONNEL À PEU PRÈS STABILISÉS

Les crédits de personnel de la mission atteignent au total 2 557 millions d'euros.

S'ils connaissent une augmentation faciale d'ampleur (+ 356 millions d'euros soit +16 %), hors mesures de transferts d'emplois, leur évolution est nettement plus mesurée.

Les réponses au questionnaire budgétaire invitent à considérer que les crédits connaissent, hors transferts, une augmentation de 25,6 millions d'euros, soit une progression de 1,1 %.

Cette augmentation s'accompagne d'évolutions différenciées par programme. Les crédits de personnel du programme 232 s'inscrivent en hausse de 2,6 millions d'euros, soit + 13,7 %, les crédits de personnel du programme 216 augmentant de 2,5 %, quand les crédits de personnel du programme 354 n'augmentent que de 0,7 %.

1. Les crédits de personnel du programme 354 sont en (faible) augmentation malgré de nouvelles suppressions d'emplois

Au cours des dernières années, une restructuration du réseau des préfectures (le plan préfectures nouvelle génération - PPNG), dont les équilibres sont exposés en détail plus avant, a programmé une réduction d'emplois de 1 300 ETPT au cours de la période 2016-2018, soit une réduction prévisionnelle des emplois du programme 307 de 4,9 %.

Quatre ans plus tard, en 2019 alors que le PPNG avait alors connu sa conclusion, les crédits de personnel du programme extériorisaient une réduction de l'ordre de 1,9 % par rapport au niveau atteint en 2015 3 ( * ) , soit moins que les réductions d'emplois programmées par le PPNG.

Dans ces conditions, à périmètre constant, après application du PPNG, il apparaît que les dépenses de personnel du programme seraient légèrement supérieures à leur niveau de 2015 (+ 10 millions d'euros).

Évolution des crédits de personnel du programme 307 (2015-2019)

Titre 2
(dépenses de personnel)

Dont crédits hors CAS pensions

Dont contribution au CAS pensions

LFI 2015

1 526 586 092

1 052 312 803

474 273 289

LFI 2016

1 462 704 199

1 008 909 571

453 794 628

LFI 2017

1 510 487 992

1 041 310 808

469 177 184

LFI 2018

1 513 328 303

1 049 100 884

464 227 419

PLF 2019

1 481 418 342

1 032 491 560

448 926 782

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Cette discordance entre l'évolution des emplois du programme d'administration territoriale et celle des crédits de personnel se prolonge en 2020.

Pour 2020, le plafond d'emplois du programme dégage une augmentation de 1 099 ETPT. Mais elle est due aux transferts d'emplois réalisés (+ 1 778 ETPT) de sorte qu'à périmètre constant le plafond d'emploi baisse de 679 ETPT (660 hors corrections techniques).

Cette diminution résulte de la combinaison des effets du schéma d'emplois de l'exercice 2019 (- 209 ETPT) et d'un nouveau schéma d'emplois pour 2020. Ce dernier porte sur 471 EPT avec un effet en 2020 de 451 unités.

Le schéma d'emplois pour 2020 intègre une réduction de 100 emplois au titre de la fusion des programmes 307 et 333 mais aucun emploi ne serait supprimé au titre de l'intégration budgétaire des secrétariats généraux des directions départementales interministériels (DDI). Au total, la réduction des emplois affecte principalement le périmètre de l'ex programme 307 de la mission AGTE, prolongeant une tendance bien établie (voir infra ).

Les transferts d'emplois vers le programme 354 gonflent les crédits de personnel de 106,3 millions d'euros (102,9 millions d'euros, contribution employeur au compte d'affectation spéciale « Pensions » comprise une fois déduits les transferts sortants).

À périmètre constant les dépenses de rémunération du programme 354 s'alourdissent de 10,3 millions d'euros.

Une fois les transferts neutralisés, la réduction du plafond d'emplois qui atteint 2,5 % ne s'accompagne pas moins d'un accroissement des crédits de personnel de 10,3 millions d'euros.

Ainsi, le coût unitaire des ETPT du programme 354 hors transferts de personnels s'alourdit de 3,2 %.

Si la poursuite de la modération salariale » qui caractérise la politique de revalorisation indiciaire du Gouvernement -elle se traduit par un gel du point d'indice- ralentit la progression des dépenses, celles-ci sont tributaires d'un effet de composition et de la mise en oeuvre de mesures catégorielles.

Le schéma d'emplois du programme concerne surtout, pour les réductions d'emplois, des personnels de catégorie C et des personnels techniques. Il prévoit en revanche une hausse du nombre des personnels de catégorie A (+108) et de catégorie B (+34). Dans ces conditions, la baisse du nombre des emplois exerce des effets limités en crédits (-2,8 millions d'euros).

Cette structure est notamment influencée par le PPNG. Dans le cadre de ce plan ; un repyramidage des emplois a été programmé. Il s'agit de modifier la structure d'emplois du programme en remplaçant des emplois de catégorie C par des postes de catégories A et B. Les cibles de ce repyramidage sont à l'horizon 2020 pour la filière administrative de 23 % de catégorie A, 35 % de catégorie B et 42 % de catégorie C. Il semble qu'un certain retard ait été pris dans la mise en oeuvre de ces mesures. L'information budgétaire ne permet toutefois plus d'en suivre la réalisation.

Dans la mesure où les primes des fonctionnaires de catégorie supérieure peuvent permettre de contourner la rigueur salariale, la recomposition des effectifs du ministère est susceptible d'imprimer une certaine dynamique au GVT.

L'application du RIFSEEP aux membres du corps préfectoral en 2018

Parmi les mesures catégorielles, la mise en place du régime indemnitaire des fonctionnaires de l'État (RIFSEEP) créé par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 au profit des membres du corps préfectoral a suscité une augmentation du coût global et du coût global moyen des rémunérations d'activité versées aux hauts fonctionnaires de ce corps de 6,08 % (en lien avec une sous-budgétisation de la mesure en 2017), pour un coût en année pleine de 4,8 millions d'euros concernant 565 agents de catégorie A +. Cette mesure a représenté 80 % des mesures catégorielles de l'année.

Votre rapporteur spécial souhaite que les informations budgétaires permettent de suivre l'évolution des personnels non-titulaires.

Le responsable de programme qui avait indiqué l'an dernier ne pas suivre cet indicateur n'a pas fourni la réponse souhaitée par votre rapporteur spécial.

L'augmentation des dotations prévues pour financer l'allocation de retour à l'emploi (9 millions d'euros pour 2 400 bénéficiaires contre 5,7 millions d'euros pour 1 500 bénéficiaires l'an dernier dans le périmètre du programme 307) paraît, par sa dynamique supérieure à celle pouvant être attribuée aux changements de périmètres, témoigner de la poursuite d'un mouvement de contractualisation des personnels.

Quant aux mesures catégorielles, elles alourdiraient les charges de personnel de 4,9 millions d'euros en 2020.

Les mesures catégorielles se décomposent en des mesures statutaires (+ 3,3 millions d'euros), dont 2 millions d'euros au titre de l'application du protocole PPCR, et en des mesures indemnitaires (1,6 million d'euros).

Dans ce total, l'application du PPCR représenterait près de 2 millions d'euros.

Cette charge est inférieure à celle qui avait été estimée dans le cadre du seul programme 307 pourtant.

En 2018, le Gouvernement avait annoncé sa décision de reporter d'un an l'application de l'accord sur la « modernisation des parcours professionnels, des carrières et des rémunérations », le PPCR. Il était prévu que l'ensemble des mesures PPCR soient mises en oeuvre progressivement sur la période 2016-2020.

Bilan du PPCR pour le programme 307 (2016-2017)

En 2016 , le PPCR s'est traduit par :

- la transformation de primes en points pour les infirmiers de catégorie A et les conseillers techniques de service social (effectifs non significatifs sur le programme 307) et pour les fonctionnaires de catégorie B (6 455 agents sur le programme 307). Les dépenses correspondantes sont évaluées à 2,68 millions d'euros par an, dont 1,6 million d'euros de contributions au CAS « Pensions ».

En 2017 , le PPCR s'est traduit par :

- le reclassement dans les nouvelles grilles pour les fonctionnaires de catégories A, B et C (environ 22 500 agents sur le programme 307) ;

- une revalorisation des grilles 1 ère phase pour les fonctionnaires de catégorie B (6 455 agents) et 1 ère phase pour les fonctionnaires de catégorie A du domaine social et paramédical (effectifs non significatifs sur le programme);

- la transformation de primes en points (1 ère partie) pour les fonctionnaires de catégorie A (4 600 agents) et pour les fonctionnaires de catégorie C (12 000 agents sur le programme). Ces dépenses sont évaluées à 8,46 millions d'euros par an, dont 4,03 millions d'euros de contributions au CAS « Pensions » .

Après la suspension de l'application du protocole en 2018, l'année 2019 devrait voir la mise en oeuvre des dispositions suivantes :

- le passage en catégorie A des personnels sociaux de catégorie B (effectifs non significatifs sur le programme 307) ;

- la transformation de primes en points (2 ème partie) pour les fonctionnaires de catégorie A (4 600 agents) ;

- une revalorisation des grilles 2 e phase pour les fonctionnaires de catégorie B (6 455 agents) et 1 re phase pour les fonctionnaires de catégorie C (12 000 agents).

Ces dépenses sont évaluées à 4,97 millions d'euros par an, dont 2,24 millions d'euros de contributions au CAS « Pensions ».

Estimation des effets du PPCR en régime sans suspension

(en euros)

Mesure nouvelle/an

2016

2017

2018

2019

2020

Total PPCR

Total Hors-CAS Pensions (21+22+23)

1 070 000

4 425 418

2 729 587

1 633 216

1 784 514

11 642 735

Total CAS Pensions

1 610 000

4 030 957

2 238 498

983 544

1 074 657

9 937 655

Total surcoût annuel

2 680 000

8 456 375

4 968 085

2 616 760

2 859 171

21 580 390

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Au total, à effectifs constants et sur la base des hypothèses cumulées sur la période 2016-2020 , le PPCR se traduirait par un surcoût annuel employeur de 21,5 millions d'euros par an sur le programme 307 à compter de 2021, dont 9,93 millions d'euros de cotisations patronales supplémentaires au CAS « Pensions ».

Il semble donc que le PPCR puisse se traduire par un supplément de dépenses inférieur à celui envisagé, cette situation tenant sans doute à une politique de revalorisation indiciaire très inerte.

2. Des dépenses de personnel du programme 216 d'administration générale du ministère de l'intérieur plus dynamiques que celles du programme d'administration territoriale de l'État

Les dépenses de personnel du programme 216 progressent en apparence de 46,1 %.

Mais, une fois neutralisés les changements de périmètre, leur variation est plus modérée (+2,5 %) quoique supérieure à celles portées par le programme 354.

a) Hors transferts, l'augmentation du plafond d'emplois correspond à un schéma d'emplois pour 2020 qui ressort comme très dynamique

Hors transferts, le plafond d'emplois du programme se trouve augmenté de 3 ETPT. Si le schéma d'emplois pour 2019 réduit les effectifs (- 75 ETPT), il est compensé par un schéma d'emplois au titre de 2020 qui conduit à leur augmentation (+78 ETPT).

Aucune justification n'est fournie sur ce point. Votre rapporteur spécial est ainsi amené à faire des hypothèses, obligation désagréable qui devrait être épargnée au Parlement.

L'impact du schéma d'emplois pour 2020 est décomposé par catégorie : principalement, 13 emplois de hauts fonctionnaires supplémentaires, 31 emplois de type administratif de catégorie A, 26 emplois administratifs de catégorie B et 23 emplois administratifs de catégorie C.

L'augmentation des ETPT de hauts fonctionnaires pourrait résulter en partie de l'augmentation des emplois de cabinets ministériels.

Évolution des emplois et des crédits des cabinets des ministres

Les emplois et dépenses associés aux cabinets des ministres (y compris le bureau des cabinets) du ministère de l'intérieur (hors mises à disposition gratuites) sont les suivantes :

- pour 2016 : 272,4 ETPT pour 18,57 millions d'euros ;

- pour 2017 : 270,5 ETPT pour 16,98 millions d'euros ;

- pour 2018 : 253,21 ETPT pour 16,54 millions d'euros ;

- pour 2019 : 267,8 ETPT pour 17,09 millions d'euros ;

- pour 2020 : 271 ETPT pour 17,42 millions d'euros

(prévision)

Cependant, la progression du nombre des ETPT des cabinets ministériels, de 3,2 de 2019 à 2020, est plus limitée que celle des hauts fonctionnaires et, de ce fait, à supposer qu'elle porte sur de tels emplois, ne correspondrait alors qu'à une partie réduite de l'augmentation des emplois de hauts fonctionnaires.

En toute hypothèse, l'essentiel est bien qu'en comprenant les transferts d'emplois (4 356 ETPT), le plafond d'emploi du programme augmente de 58,8 % (+ 4 359 ETPT).

Ces derniers emplois sont principalement des emplois de catégorie C et de personnels techniques (1 276 et 1 832 respectivement). En outre, 508 emplois de catégorie administrative B sont transférés et 316 emplois administratifs de catégorie A. Enfin, 6 emplois de hauts fonctionnaires sont compris dans ces transferts.

Les transferts modifient la structure d'emplois du programme.

Les variations des ETPT par action du programme s'établissent comme suit.

Évolution des ETPT du programme par action et par catégorie

Source : commission des finances d'après les projets annuels de performances pour 2019 et 2020

Les fonctions d'État-major absorbent la plupart des nouveaux emplois, un léger renforcement de l'action immigration, asile, intégration intervenant.

Les emplois consacrés à la sécurité routière baissent sous l'effet d'une réduction du nombre des inspecteurs du permis de conduire.

Les créations d'emplois de hauts fonctionnaires n'apparaissent pas au niveau de la décomposition des effectifs par action. Au contraire, le nombre de ces emplois recule de 13 ETPT.

Cette discordance appelle une clarification.

Traditionnellement les administrations centrales concentraient la très grande majorité des emplois du programme. L'intégration des effectifs des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur entraîne un renforcement de la part des emplois en région.

Toutefois, les emplois d'administration centrale sont également renforcés.

Répartition du plafond d'emplois
par niveau de service

Service

LFI 2019

ETPT

PLF 2020

ETPT

Administration centrale

4 178

4 507

Services régionaux

195

5 249

Services départementaux

1 758

1 762

Opérateurs

18

18

Autres 4 ( * )

1 267

1 241

Opérateurs

18

16

Total

7 416

11 775

Source : programme annuel de performance pour 2020

Les effectifs des services départementaux comprennent la majorité des inspecteurs et délégués du permis de conduire et des effectifs déconcentrés dédiés à la sécurité routière. Le nombre des ETPT départementaux s'inscrirait en légère baisse alors que les besoins paraissent pour le moins peu satisfaits.

La ligne « Autres » correspond aux personnels des cultes dans les départements concordataires.

Une réduction de l'effort consacré aux cultes

Les dotations consacrées aux cultes seraient en baisse de 2,1 millions d'euros avec un niveau de 52,2 millions d'euros.

Les crédits du budget de l'État destinés au financement des obligations qui lui incombent en vertu du régime local des cultes statutaires soumis au système concordataire en vigueur en Alsace et Moselle se répartissent en trois ensembles, parmi lesquels les rémunérations inscrites au programme 216 occupent la première place. Les crédits relatifs aux dépenses de personnel sont ouverts sur le programme 216, le plafond des ETPT se réduisant de 10 unités en 2020.

Pour mémoire, les schémas d'emplois cumulés depuis 2015 auront entraîné une réduction des effectifs rémunérés de 95 (10 ETP en 2018 et 2019 ; 25 ETP par an appliquée les trois exercices précédents), soit un repli relatif de 6,7 % en cinq ans.

Les crédits d'investissements (titre 5), portés par le programme 232, sont destinés à financer les travaux relevant de la responsabilité de l'État, propriétaire des quatre implantations cultuelles des départements concordataires d'Alsace et de Moselle. Il s'agit des grands séminaires et palais épiscopaux de Metz et Strasbourg. La dotation budgétaire est d'un niveau constant (680 000 euros en AE et 700 000 euros en CP) en 2020. Elle est exclusivement consacrée à la poursuite des travaux de pérennisation du patrimoine (réfection de toitures et de menuiseries extérieures) ou de mise en sécurité (structurelles ou relevant de la réglementation incendie).

Les crédits d'intervention, également ouverts sur le programme 232 ont augmenté en 2019 passant à 2,1 millions d'euros. Ils sont stabilisés en 2020. Ils sont destinés au versement des subventions d'une part, aux quatre cultes statutaires pour leurs frais d'administration, d'autre part au culte israélite pour la rémunération par les consistoires de prestations de ministres officiants non comptabilisés dans les emplois budgétaires inscrit au programme 216.

b) Une augmentation des crédits de personnel à périmètre constant

Une fois neutralisés les changements de périmètre du programme, les crédits de personnel connaissent une dynamique de l'ordre de 2,5 %.

Elle est plus forte que la croissance des crédits de personnel une fois inclus les emplois transférés au programme du fait d'une dynamique contrastée des masses salariales avant et après transferts.

Ces derniers portent essentiellement sur des emplois de catégorie C pour lesquels le GVT paraît moins dynamique.

On relève également que l'impact de la mise en oeuvre du PPCR est moins fort que prévu.

3. Un contexte de gel du point d'indice

Les évolutions salariales sont marquées par le maintien du gel du point d'indice.

Les revalorisations appliquées en 2016 et 2017 avaient entraîné une hausse des rémunérations inscrites sur le programme 307 (intégré au programme 354).

Impact de la revalorisation du point d'indice de 1,2 point
en juillet 2016 et février 2017

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Deux revalorisations successives de 0,6 % avaient été appliquées au 1 er juillet 2016 et au 1 er février 2017.

En année pleine, sur le seul périmètre de l'ex-programme 307, elles avaient élevé le niveau de la masse salariale de 14,8 millions d'euros.

L'inclusion d'emplois nouveaux dans le périmètre de la mission conduit à rehausser les crédits de rémunérations, et par conséquent, les économies qui lui sont procurées par le gel du point d'indice.

Une estimation fine des effets du gel indiciaire supposerait de pouvoir accéder à la répartition précise des éléments de rémunération attachés aux emplois budgétés entre les rémunérations indiciaires et celles liées aux indemnités.

Sur la base d'un taux de primes de 20 % et sous l'hypothèse d'une inflation de 1,4 % en 2020, la préservation de la valeur réelle du point d'indice se serait traduite pour la seule année 2020 par une hausse supplémentaire des rémunérations de 24,4 millions d'euros à périmètre constant portée à 28,8 millions d'euros du fait des transferts nets d'emplois entrants.

En ce qui concerne le programme 216, on peut évaluer l'économie à 8,5 millions d'euros.

C. LA FORTE CONTRAINTE EXERCÉE SUR LA MISSION DANS LA PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DES FINANCES PUBLIQUES N'EST TOUTEFOIS PAS RESPECTÉE

Dans la précédente loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, la mission AGTE ne faisait pas partie des missions prioritaires. Pour avoir délaissé cette notion, la nouvelle loi de programmation des finances publiques (2018-2022) prolonge cette situation. Elle a consacré le choix de maintenir une contrainte forte sur les dépenses de la mission. Une fois neutralisées les dépenses électorales, elle implique un maintien des autres dotations en 2019 et une augmentation de 1 % des dépenses en 2020, mais exprimée en valeur.

En bref, la valeur réelle des moyens consacrés à l'administration territoriale de l'État est appelée à se réduire à nouveau, l'effort consacré par l'État à sa présence dans les territoires déclinant dans le total de ses interventions.

Les importants changements de périmètre proposés pour 2020 compliquent l'analyse.

On présentera ainsi les données de la programmation budgétaire pour 2020 en regard de la lettre plafond.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) a fixé des plafonds de crédits et d'emplois entre 2018-2022 pour les programmes 307 « administration territoriale » et 333 « moyens mutualisés des administrations déconcentrées ».

La création du programme 354 étant postérieure à la LPFP, et dans l'attente d'une programmation pluriannuelle, sa trajectoire est issue de la lettre plafond du 1 er août 2019 pour les crédits de titre 2 (T2) et hors titre 2 (HT2).

Comparaison entre le projet de loi de finances pour 2020
et les éléments de programmation plurianuelle
(programme 354 nouveau)

AE

CP

Crédits P354

HT2

(1) Addition des P333 et 307 (AE) / Lettre plafond (CP)

698,8

536

(2) PLF 2020 (hors transferts)

669,5

536

(3) = (2) - (1) Ecart en M€

-29,3

0

(4) PLF 2020 (y/c transferts)

682,3

550,6

(5) = (4) - (1) Ecart en M€

-16,5

14,6

T2 HCAS

(6) Lettre-plafond (AE-CP)

1177,3

1177,3

(7) PLF (hors transferts)

1177,32

1177,32

(8) = (7) - (6) Ecart en M€

0,02

0,02

(9) PLF 2020 (y/c transferts)

1247,44

1247,44

(10) = (9) - (6) Ecart en M€

70,14

70,14

2020 (en ETPT)

Emplois P354

PLF 2020 avant transferts

26 641

PLF 2020 après transferts

28 418

Écart en ETPT

1 777

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Concernant les crédits hors titre 2, le projet de loi de finances pour 2020 hors transferts affiche un montant en autorisations d'engagement inférieur à celui de la loi de programmation des finances publiques reconstituée à hauteur de 29,3 millions d'euros, le montant en crédits de paiement étant équivalent au montant de la lettre-plafond du Premier ministre.

Néanmoins, à périmètre constant, le programme 354 intègre 12,8 millions d'euros de transferts nets en AE, et 14,6 millions d'euros en CP. Les transferts entrants représentent 18,1 millions d'euros d'AE et 20,0 millions d'euros de CP, dont 17,9 millions d'euros d'AE et 19,8 millions d'euros de CP sont liés à l'extension des crédits de fonctionnement du programme 333 aux territoires ultra-marins. Ces transferts entrants sont minorés par 5,3 millions d'euros de transferts sortants en AE, et 5,4 millions d'euros en CP. Ceux-ci sont très majoritairement justifiés par la création de la direction du numérique (DNUM) au secrétariat général du ministère de l'intérieur.

À l'issue de ces évolutions de périmètre, les ressources en AE du programme 354 sont inférieures à la LPFP additionnée de 16,5 millions d'euros. En CP, le périmètre constant excède la lettre plafond du Premier ministre mais pour le seul montant des transferts, soit 14,6 millions d'euros.

En ce qui concerne les crédits de personnel, l'écart entre le projet de loi de finances et la lettre-plafond s'élève à 70,1 millions d'euros, mais il est dû aux transferts d'emplois.

En ce qui concerne le programme 232 , le projet de loi de finances excède le plafond de la loi de programmation des finances publiques de 3,2 millions d'euros. Une fois pris en compte un transfert interne à la mission, le dépassement atteint 7,8 millions d'euros.

Les écarts à la loi de programmation des finances publiques en 2020

(programme 232)

(en millions d'euros)

2020

PLF 2020

LPFP

Écart PLF-plafond

Titre 2 HCAS

20,4

20,2

+0,2

Hors titre 2

216,2

213,2

+3

Total

236,6

233,4

3,2

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La budgétisation de 7,8 millions d'euros supplémentaires en crédits de paiement hors titre 2 par rapport à la LPFP provient pour 1,7 million d'euros du relogement de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) et pour 6,1 millions d'euros de l'organisation des élections notamment la seconde consultation pour l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté après celle de 2018 (cette seconde consultation n'était pas programmée en LPFP) ainsi que l'organisation d'élections partielles.

En ce qui concerne le programme 216 , l'ampleur des changements de périmètre est telle que les comparaisons avec la loi de programmation des finances publiques supposeraient des reconstitutions qui, en l'état de l'information budgétaire, ne sont pas accessibles.

Cependant, on constate pour les années écoulées une difficulté à respecter les plafonds de crédits de la loi de programmation des finances publiques.

En particulier, en 2019, ces derniers seraient très largement transgressés pour les dépenses hors titre 2.

Comparaisons entre les crédits du projet de loi de finances de l'année et les plafonds de la loi de programmation des finances publiques (programme 216)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Les dépenses principalement en cause sont les dépenses informatiques (+31,9 millions d'euros en 2019)

Détail par action des dépassements des plafonds de la loi de programmation
des finances publiques sur les dépenses hors titre 2 (programme 216)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

DEUXIÈME PARTIE :
LES PRINCIPAUX ENJEUX DU BUDGET
DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE

Le projet de budget pour le programme d'administration territoriale de l'État pour 2020 est marqué par un changement d'échelle provenant de la fusion des (anciens) programme 307 de la mission AGTE et 333 de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » dans un nouveau programme 354 placé sous la responsabilité du ministre de l'intérieur.

En outre, ce programme enregistre un grand nombre de rattachements d'emplois en 2020.

L'augmentation des crédits de 134,4 millions d'euros par rapport aux crédits cumulés inscrits en 2019 aux programmes 307 et 333 - la hausse des moyens atteint 6,10 %- est largement apparente puisqu'elle provient essentiellement de ces derniers transferts d'emplois et de crédits.

Évolution des crédits de paiement des actions
du programme 354

(en millions d'euros, hors fonds de concours et attributions de produits)

Ouverts en LFI pour 2019

Demandés pour 2020

Évolution 2020-2019

Action 01 - Coordination de la sécurité des personnes et des biens

173,1

162,7

- 6%

Action 02 - Réglementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance des titres

663,1

554,6

- 16,3 %

Action 03 - Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

153,4

121,5

- 21 %

Action 04 - Pilotage des politiques gouvernementales

696,2

577,2

- 17,1 %

Action 05 - Fonctionnement courant de l'administration territoriale

314,2

605,1

+ 92,6 %

Action 06 - Dépenses immobilières de l'action territoriale

193,6

306,8

+ 58,5 %

Total programme 307

2 193,5

2 327,9

+6,2 %

Source : projet annuel de performance pour 2020

Ces transferts de crédits nets s'élèvent à 117,6 millions d'euros de sorte que les crédits cumulés des programmes 307 et 333 ne progressent d'une année sur l'autre que de 16,8 millions d'euros.

Pour apprécier l'évolution des moyens correspondant au seul périmètre du précédent programme 307 « Administration territoriale de l'État », il conviendrait d'exclure les impacts des transferts nets précédemment exposés, mais également les variations des moyens consacrés aux missions du programme 333 entre 2019 et 2020.

L'information budgétaire transmise ne le permet pas, ce qu'il faut déplorer.

Cependant, en raisonnant sur la base de la clef de répartition des crédits des deux programmes fusionnés pondérée du poids des différentes actions du programme (les actions principalement impactées par l'inclusion du programme 333 sont les actions 5 et 6 du nouveau programme 354), il apparaît que les moyens précédemment retracés par le programme 307 sont ceux qui sont appelés à subir les plus fortes réductions d'emplois.

I. LA FUSION DES PROGRAMMES 307 ET 333 ET LES TRANSFERTS NOUVEAUX AU TITRE DE LA CONSTITUTION DE SECRÉTARIATS GÉNÉRAUX COMMUNS, UNE OPÉRATION QUI RÉDUIT LA LISIBILITÉ BUDGÉTAIRE DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE DE L'ÉTAT, UNE RÉORGANISATION ADMINISTRATIVE INCOMPLÈTEMENT APPRÉCIABLE

A. UNE OPÉRATION OPAQUE SUR LE PLAN BUDGÉTAIRE

La fusion des programmes 307 et 333 a donné lieu à un changement de nomenclature et à des réaffectations d'emplois entre les différentes actions du programme qui manquent de transparence, et dont les effets restitués par les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial sont peu en cohérence avec les informations fournies par le projet annuel de performances.

1. Au gré de la fusion des programmes 307 et 333, un changement de nomenclature sans exposé des motifs

Évolution du plafond d'emplois du programme 354 par action
à périmètre courant

ETPT LFI 2019

ETPT PLF 2020

(après transfert)

Évolution LFI

2019 / PLF 2020

1 - Coordination de la sécurité des personnes et des biens

2 897

2 899

+2 ETPT

2 - Règlementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance de titres

11 759

9 190

-2 569 ETPT

3 - Contrôle de la légalité et conseil aux collectivités territoriales

2 440

2 020

-420 ETPT

4 - Pilotage territorial des politiques gouvernementales

9 105

7 683

-1 422 ETPT

5 - Fonctionnement courant de l'administration territoriale

1 118

6 626

+5 508 ETPT

6 - Dépenses immobilières de l'administration territoriale

0

0

0

TOTAL

27 319

28 418

1 099 ETPT

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Évolution du plafond d'emplois du programme 354 par action
à périmètre constant

ETPT LFI 2019

ETPT PLF 2020

(avant transfert)

Évolution LFI 2019/PLF 2020

1 - Coordination de la sécurité des personnes et des biens

2 897

2 905

+8 ETPT

2 - Règlementation générale, garantie de l'identité et de la nationalité et délivrance de titres

11 759

9 204

-2 555 ETPT

3 - Contrôle de la légalité et conseil aux collectivités territoriales

2 440

2 025

-415 ETPT

4 - Pilotage territorial des politiques gouvernementales

9 105

7 684

-1 421 ETPT

5 - Fonctionnement courant de l'administration territoriale

1 118

4 823

+3 705 ETPT

6 - Dépenses immobilières de l'administration territoriale

0

0

0

TOTAL

27 319

26 641

-678 ETPT

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

L'an dernier, le plafond d'emplois du programme 307 était de 25 317 ETPT tandis que celui du programme 333 atteignait 2 005 ETPT. La fusion des deux programmes porte le plafond d'emploi d'entrée du nouveau programme 354 à 27 319 ETPT en 2020.

La répartition des emplois du programme 307 était la suivante en 2019.

Source : projet annuel de performances pour 2019

Ces données confrontées à celles du tableau précédent indiquent que la fusion des programmes 307 et 333 a donné lieu à des reclassements d'emplois dans le cadre d'une modification de la nomenclature de suivi des autorisations budgétaires.

On s'attendrait à ce que les emplois apportés par le programme 333 n'aient d'effets significatifs que pour l'action n° 04 de l'ancien programme 307, dans la mesure où certains emplois portés par le programme 333 semblaient pouvoir y être rattachés mais qu'ils impactent surtout la nouvelle action n° 05 de « fonctionnement courant de l'administration ».

Or, si cette dernière action ressort dotée de 1 118 ETPT, c'est beaucoup moins qu'attendu au vu des 2 005 ETPT du programme 333 intégrés au nouveau programme 354, laissant un volant d'emplois de 887 ETPT à répartir entre les autres actions, à supposer que tous les emplois rattachés à la nouvelle action n° 05 soient issus du programme 333.

Deux actions sont candidates pour recueillir ces emplois :

- le pilotage territorial des politiques publiques qui ne regroupait que 8 571 ETPT et passe à 9 105 ETPT (+ 534 ETPT) ;

- la réglementation générale qui, dotée de 11 118 ETPT en 2019 se voit rattacher 11 759 ETPT, soit un supplément de 571 ETPT.

On relève immédiatement que le contingent d'emplois apportés par le programme 333 n'est pas suffisant pour rendre compte des variations de ces actions.

Les emplois du programme 307 ont ainsi changé de rattachement entre deux exercices sans qu'aucun exposé des modifications intervenues ne soit présenté.

On relève, en particulier, que les 2 614 emplois comptés comme concourant à l'action de contrôle de légalité et de conseil aux collectivités territoriales se trouvent changés en 2 440 ETPT, accusant une réduction de moyens de 174 emplois sans aucun motif apparent.

2. Des évolutions d'emplois du programme 354 dont l'information budgétaire ne permet pas la lisibilité

Selon le projet annuel de performances pour 2020, le projet de loi de finances est fondé sur des schémas d'emplois comportant la suppression de 679 ETP 5 ( * ) , dont 209 ETPT au titre du schéma d'emplois pour 2019.

Ce dernier combine les schémas d'emplois des programmes 307 et 333, le premier de ces programmes comptant pour la quasi-totalité des suppressions d'ETPT en 2020.

Pour l'année 2020, le schéma d'emplois prévoit la suppression de 471 ETPT, dont 100 suppressions d'emplois proviendraient d'économies réalisées dans le cadre de la fusion des programmes 307 et 333.

Le schéma d'emplois devrait être réalisé en quasi-totalité au cours de l'année (- 451 ETPT).

Ces évolutions traduisent la variation des emplois cumulés des programmes 307 et 333 (désormais programme 354) avant les transferts dont celui-ci bénéficie en 2020.

Elles ne sont pas strictement cohérentes avec les informations transmises à votre rapporteur spécial qui, sur le seul périmètre constant du programme 354, annoncent une suppression de 678 ETPT.

L'impact des schémas d'emplois en 2020 extériorise des évolutions considérables des effectifs affectés aux différentes missions de l'administration territoriale de l'État (voir infra ).

Mais il faut encore tenir compte des modifications du plafond d'emplois associées aux transferts d'emplois précédemment évoqués (1 778 transferts entrants nets), en provenance des différents programmes concernés par la réorganisation des fonctions support déconcentrées des services ministériels correspondants.

Au total, le plafond d'emplois du nouveau programme 354 est porté à 28 418 ETPT, en hausse de 1 099 ETPT par rapport aux plafonds cumulés des programmes 307 et 333, une fois ajustés des suppressions d'emplois prévues en 2020.

À nouveau des évolutions interviennent dans la répartition des emplois.

L'action n° 05 bénéficie des transferts proposés. Ses effectifs s'accroissent de 1 803 ETPT, soit davantage que les transferts d'emplois (1 778 ETPT).

Les autres actions supportent des suppressions d'emplois sans exposé des motifs.

3. Une restructuration de la nomenclature fonctionnelle des emplois de grande ampleur mais impossible à analyser et qui interdit toute analyse des affectations des moyens de l'État dans les territoires

Sur le périmètre du programme 307, on peut relever des réductions d'emplois considérables par rapport à la dotation fonctionnelle prévue en 2019.

Les emplois de l'action n° 01 « Coordination de la sécurité des personnes et des biens » perdent 45 ETPT, ceux de l'action n° 02 « Réglementation générale, garantie de l'identité et délivrance des titres » sont en recul de 1 998 ETPT. L'ampleur du recul des emplois du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales (action n° 03) est également considérable : - 594 ETPT. Quant à l'action n° 04 « pilotage territorial des politiques publiques », elle perd 888 ETPT.

Dans le même temps, la nouvelle action n° 05 accueille 6 626 ETPT dont 1 118 ETPT du fait de la fusion entre les programmes 307 et 333, 3 705 ETPT dans le cadre de l'exercice de reclassement des emplois associé aux schémas d'emplois jouant en 2020 et 1 803 ETPT une fois les transferts d'emplois prévus en 2020 réalisés.

Une partie importante des emplois autrefois attribués aux différentes actions du programme 307 ont été transférés à des actions auxquelles ils n'étaient pas imputés auparavant, dont deux « actions réservoirs », les actions n° 04 et 05 qui totalisent désormais près de la moitié des emplois.

Le programme 307 n'était déjà pas présenté avec le détail minimal souhaitable ; la granularité du programme 354 se révèle encore plus inadaptée à toute analyse de l'effort de présence de l'administration générale de l'État dans les territoires.

Aucune justification appréciable n'est apportée aux modifications mises en oeuvre.

Dans ces conditions, l'information budgétaire contredit à l'exigence de lisibilité de la loi.

B. UNE OPÉRATION AUX PROLONGEMENTS DIFFICILEMENT APPRÉCIABLES

La fusion des programmes 307 et 333 et les compléments apportés par les transferts d'emplois et de crédits hors titre 2 répondait à une préoccupation d'améliorer l'efficience de l'action publique territoriale.

Dans la réponse fournie sur ce point à votre rapporteur spécial, le ministère de l'intérieur se réfère au rapport de l'inspection générale des finances, de l'inspection générale de l'administration et de l'inspection générale des affaires sociales d'avril 2016 relatif à la mutualisation des moyens de fonctionnement courant des services déconcentrés placés sous l'autorité des préfets.

Il est piquant de relever que ledit rapport envisageait de transférer certains moyens de gestion, non au ministère de l'intérieur, mais aux services du premier ministre dans le cadre du programme 333. Ce scénario avait fait l'objet des plus vives oppositions du ministère de l'intérieur au nom de la préservation des moyens d'exercice de sa mission de coordination de l'action de l'État.

Plutôt que d'être absorbés par le budget du Premier ministre, le ministère a préféré absorber une partie de celui-ci.

En ce qui concerne les effectifs, il s'agit de l'ensemble des emplois et des crédits de rémunération des agents des services du Premier ministre affectés en administration déconcentrée :

- au niveau régional , les effectifs regroupent les secrétaires généraux pour les affaires régionales (SGAR) et leurs adjoints, les chargés de mission (dont les directeurs des plates-formes régionales « achats » - PFRA - et les directeurs des plates-formes d'appui à la gestion des ressources humaines - PFRH) et leurs collaborateurs n'ayant pas le statut de chargé de mission (conseillers et assistants en PFRH, acheteurs en PFRA, ainsi que les gestionnaires locaux du programme 333), soit au total 386 ETPT ;

- au niveau départemental , les effectifs regroupent les directeurs départementaux des directions départementales interministérielles et leurs adjoints , ainsi que les directeurs départementaux délégués des DRDJSCS et leurs adjoints, soit 498 ETPT, ainsi que, depuis 2016, les agents affectés dans les services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (SIDSIC), soit 1 121 ETPT.

Les crédits de fonctionnement et d'investissement disponibles s'élevaient à 346,6 millions d'euros en 2019.

Quant aux nouveaux transferts prévus en direction du programme 354 , ils contrastent fortement avec les perspectives explorées par le rapport mentionné , les moyens attribués au ministère de l'intérieur étant à la fois plus larges et plus restreints que les transferts alors envisagés.

Plus larges en ce sens que ces derniers ne portaient que sur des crédits hors titre 2. Plus restreints en ce sens que les transferts réalisés ne portent que sur des crédits de titre 2.

La fusion des secrétariats généraux des DDI dans le cadre de l'opération finalisée en 2020 concerne en effet les personnels transférés à partir des programmes suivants :

- 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, de sport, de la jeunesse et de la vie associative » (258 ETPT) ;

- 217 « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » (1 149 ETPT) ;

- 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture » de la mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales (155 ETPT) ;

- 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » de la mission agriculture alimentation, forêt et affaires rurales (213 ETPT) ;

- 134 « Développement des entreprises et du tourisme » (40 ETPT).

Les crédits de personnel correspondant s'élèvent à 106,4 millions d'euros, soit davantage que les 80 millions d'euros de crédits transférables selon le rapport concerné qui n'envisageait que le transfert des crédits de fonctionnement.

Les nouveaux moyens apportés au programme 354 n'identifient pas de transferts de crédits de fonctionnement au titre des transferts complémentaires mis en oeuvre en 2020.

Au total, les opérations proposées suscitent des interrogations.

Au regard de la déconcentration de la gestion des moyens, elles n'apportent pas de transformations majeures.

Les administrations déconcentrées de l'État directement concernées par la fusion des deux programmes (préfectures, sous-préfectures, directions régionales et directions départementales interministérielles) sont déjà, aujourd'hui, sous l'autorité du préfet. Par exemple, les secrétariats généraux pour les affaires régionales sont placés auprès des préfets de région ; ils exercent les missions définies autour de deux axes principaux : l'animation et la coordination de l'action des services de l'État en région et l'organisation et la mutualisation des moyens de l'État dans les régions (budgets et gestion financière, immobilier, politique des achats, ressources humaines).

La fusion des programmes n'introduit donc pas d'évolution concernant l'autorité hiérarchique des préfets sur les personnels rémunérés par le programme 333.

D'un point de vue budgétaire, si la gestion des crédits hors titre 2 inscrits au programme 333, soit les crédits de fonctionnement courant du réseau des quatre directions régionales concernées par la REATE, passent sous l'autorité du ministère de l'intérieur, le préfet de région était déjà responsable des budgets opérationnels de programme (BOP) régionaux correspondants.

Le transfert concerne donc essentiellement le BOP central auparavant géré par le directeur des services administratifs et financiers du Premier ministre. Mais ce dernier n'était dépositaire que de 10 unités opérationnelles centrales.

Par ailleurs, s'agissant des autres transferts, ceux proposés par le projet de loi de finances, l'article 13 du décret n° 2015-510 du 7 mai 2015 portant charte de la déconcentration dispose déjà que le préfet est chargé de la mise en oeuvre des mutualisations nécessaires à un meilleure fonctionnement des services déconcentrés de l'État.

L'absence de transferts de crédits hors titre 2 limite l'intérêt de ces transferts.

Dans ces conditions, la modification la plus substantielle concernerait la programmation des dotations budgétaires correspondant aux crédits transférés (rémunérations des personnels du réseau pris en charge par le programme 333 et les crédits hors titre 2 de ce programme et dotations correspondant aux personnels nouvellement transférés au programme 354) placée sous la responsabilité du ministre de l'intérieur.

Ce dernier disposera donc d'une influence budgétaire plus forte dès le stade de la programmation des crédits et pourra exercer une influence plus directe sur les 1 778 emplois nouvellement transférés.

En l'état, les modifications opérées n'équivalent pas à la concrétisation du projet de constituer des secrétariats généraux communs, projet auquel le défaut de nouveaux transferts de crédits de fonctionnement associés aux transferts d'emplois proposés dans le cadre du projet de budget pour 2020 apporte d'emblée une limite par la réduction de l'amplitude des mutualisations possibles. Il est de surcroît de nature à freiner l'accentuation des mobilités professionnelles qui sont généralement recherchées dans le cadre de la mutualisation des moyens.

En outre, l'expérience de la gestion passée du programme 333 ne laisse pas présager que les possibilités de mutualisation légèrement accrues permettront réellement une plus grande flexibilisation des moyens déployés sur le territoire.

Le rapport précité relevait que malgré la création du programme 333 par le projet de loi de finances pour 2011 pour intégrer les 238 nouvelles directions départementales interministérielles résultant de la REATE, la structuration des crédits accordés aux différentes DDI n'avait que peu évoluée.

A titre d'exemple, il indiquait que la convergence des crédits entre les DDI avait tardé.

Il mettait l'accent sur l'absence d'impact appréciable des réorganisations territoriales face à des réseaux aux ancrages locaux inertes, observation largement partagée par tous les rapports consacrés à cette thématique.

Quelques inquiétudes peuvent être légitimement énoncées.

La première d'entre elles concerne l'articulation entre les nouvelles responsabilités attribuées au ministère de l'intérieur dans le cadre de la constitution de secrétariats généraux communs étoffés et les crédits correspondants laissés aux ministères. Le sort de ces crédits tant en gestion qu'en programmation laisse perplexe.

On peut également s'interroger sur les incidences des transferts d'emplois proposés dans le projet de loi de finances sur les moyens de pilotage des politiques publiques correspondantes, dont la responsabilité est laissée aux différents ministères. Il s'agit certes d'emplois correspondant à des actions de support mais il est difficile d'imaginer que les effectifs concernés soient totalement dénués d'une culture métier par laquelle ils sont à même de comprendre les enjeux spécifiques des politiques publiques auxquelles ils contribuent.

Votre rapporteur spécial relève encore que des ministères et des opérateurs de l'État restent à l'écart du processus engagé.

Si, pour certains d'entre eux des motifs forts le justifient (ainsi de la justice), le poids des forces administratives permet de préserver la plupart du secteur sanitaire et les services du ministère des finances de la perspective d'une mutualisation de la gestion de leurs moyens généraux.

Or, la situation plus que difficile qui frappe ces pans essentiels de l'activité pourrait justifier de rechercher des économies de dépenses de fonctionnement afin de préserver le déploiement nécessaire de ces services sur le territoire.

On peut s'étonner que le ministère de l'économie et des finances, qui a coutume de rappeler son goût pour l'efficience, ait préféré agir en solo.

Votre rapporteur spécial n'est, pour autant, pas opposé aux réaménagements entrepris dès lors que les économies réalisées grâce à une plus forte mutualisation des fonctions de support seraient redéployées vers des activités opérationnelles susceptibles d'améliorer l'apport de l'État aux collectivités territoriales et aux populations pour lesquelles l'État de proximité a régressé ces dernières années.

Toutefois, les perspectives ouvertes sont loin d'être à la hauteur des besoins de comblement du déficit d'État de proximité.

Les services déconcentrés de l'État, en particulier ceux placés sous l'autorité des préfets ont connu une forte réduction de leurs effectifs, la baisse des moyens des autres services ayant été plus mesurée.

Évolution des effectifs des services déconcentrés entre 2011 et 2015 en équivalent temps plein (ETP)

Source : Cour des comptes

De 2001 à 2015, sur une période très courte donc, les effectifs des services placés sous l'autorité des préfets ont perdu près de 10 000 emplois, soit un recul proche de 11 %.

Tous services confondus, en incluant les opérateurs de l'État, la « France de province » accueille 1,8 million d'emplois financés par le budget de l'État sur les 2,4 millions d'emplois décomptés à ce titre.

Hors personnels de l'éducation nationale, ce ne sont plus que 766 300 emplois qui sont concernés (sur un total métropolitain de plus d'un million d'emplois).

L'Ile-de-France absorbe à elle seule un quart de ces derniers emplois, contribuant aux déséquilibres constatés dans la répartition des effectifs sur le territoire.

Répartition territoriale des effectifs de la fonction publique d'État

Source : commission des finances du Sénat

Dans son rapport de 2017 sur les services déconcentrés de l'État, la Cour des comptes a pu estimer que la mission de pilotage des politiques gouvernementales confiée aux préfets n'était pas assurée dans des conditions satisfaisantes. Elle a ainsi jugé que « dans les territoires, l'unité de commandement de l'État est loin d'être assurée : si les préfets, représentant du Gouvernement, ont autorité sur l'administration territoriale de l'État et assurent une place prééminente de représentation, nombre d'administrations civiles échappent à leur autorité, notamment celles relevant des ministères chargés de l'Éducation nationale et des Finances, sans compter les services locaux de ces agences ou opérateurs ».

Dans le même temps, les services hors « champ préfectoral » ont enregistré une réduction de leurs effectifs plus mesurée d'un point de vue relatif (un recul de 1,2 %) tandis que le développement d'agences disposant d'entités territorialisées à l'autonomie très poussée, dans des domaines clefs de l'action publique (la santé, l'environnement, l'emploi...) tend à accentuer l'étrécissement des domaines d'intervention des préfets.

On relèvera que dans ce contexte d'attrition des échelons administratifs placés sous l'autorité des préfets, les organes préfectoraux eux-mêmes, s'ils ont perdu des personnels, ont plutôt moins mal résisté dans un premier temps. De 32,2 % des emplois du champ préfectoral en 2011, ils en représentaient 34,1 % en 2015. Cependant, les réductions d'emplois effectuées depuis 2015 ont modifié le panorama dressé par la Cour des comptes.

II. UN RÉSEAU PRÉFECTORAL CONFRONTÉ À UNE RÉDUCTION CONTINUE DE SES MOYENS

Les suppressions d'emplois prévues sur le programme 354 (voir supra ), qui toucheront particulièrement le périmètre couvert par l'ancien programme 307 prolongeront une attrition des effectifs du réseau préfectoral continue depuis de nombreuses années.

A. LA BAISSE DES EFFECTIFS DU RÉSEAU PRÉFECTORAL, LE PROLONGEMENT D'UNE TENDANCE BIEN INSTALLÉE

L'évolution du plafond d'emplois en 2020 doit être resituée dans une tendance installée de baisse continue des effectifs du réseau préfectoral, qui a conduit à réduire ses missions et son déploiement sur le territoire avec des effets peu probants sur la qualité de l'action de l'État.

On rappelle qu'au total, au cours de la décennie écoulée entre 2007 et 2017, le plafond d'emplois du programme d'administration territoriale aura rétrogradé de 3 357 ETPT soit un repli de 11 % des effectifs .

Une partie de cette diminution d'effectifs est due à des transferts vers d'autres administrations dans le cadre de la délégation des compétences de gestion du FEDER aux régions (- 211 ETPT en 2016) et du transfert des services interministériels départementaux des systèmes d'information et de communication (SIDSIC) du fait de la mutualisation mise en oeuvre en 2016 (- 679 ETPT).

Mais, une fois pris en compte ces mouvements, le constat d'une nette réduction des effectifs de l'administration de l'État dans les territoires demeure.

1. Des suppressions d'emplois depuis 2009

Il n'en reste pas moins que les effectifs du réseau préfectoral ont subi dès avant la mise en oeuvre du « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG) des réductions de personnel répétées détaillées dans l'encadré ci-après.

Chronique des réductions d'emploi du réseau préfectoral
entre 2009 et 2015

Les réductions d'effectifs du réseau préfectoral ont découlé successivement des « mandats » des révisions générales des politiques publiques - RGPP1 (de 2009 à 2011) et RGPP2 (définis initialement pour la période de 2012 à 2013 mais appliqués uniquement en 2012) - puis, à compter de 2013, du cadre d'action du plan ministériel de modernisation et de simplification (PMMS) et, enfin, pour la période 2016-2018, de la mise en oeuvre du « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG).

1- Les mandats RGPP1 : une cible de réduction d'emplois de 2 107 ETPT pour 2009 à 2011

Rappel des cibles RGPP 1

Une économie de 2 107 ETPT devait être réalisée sur 3 ans, de 2009 à 2011 , répartie comme suit :

- contrôle de légalité : 450 ETPT ;

- système d'immatriculation des véhicules (SIV) : 339 ETPT ;

- carte nationale d'identité, passeport : 260 ETPT ;

- Fonctions support : 1 058 ETPT.

B) Réalisation des mandats RGPP 1

Globalement, les objectifs ont été atteints.

Le ministère suggère cependant que, dans le détail, les réductions d'emplois ont pu différer de celles qui avaient été programmées. Dans sa présentation du bilan de la RGPP 1, il fait valoir que les « résultats doivent être par ailleurs appréciés en fonction des obstacles rencontrés et notamment :

- les difficultés initiales du SIV (calendrier différé, problèmes techniques lors de l'installation de l'application) ;

- la fréquentation des usagers aux guichets des préfectures n'a pas enregistré la baisse escomptée ;

- le report de la mise en place de la carte nationale d'identité électronique (CNIe) ;

- la réduction limitée des actes transmissibles au titre du contrôle de légalité ».

En bref, d'autres missions que celles initialement prévues pour receler des gains de productivité ont dû compenser une plus grande rigidité des emplois mobilisés par ces missions .

2- Les mandats RGPP 2 : une cible de réduction d'emplois de 475 ETPT en 2012

Rappel de la cible

En 2012, les mesures RGPP 2 relatives au programme 307 « Administration territoriale » prévoyaient la suppression de 475 ETPT qui se répartissaient comme suit :

- rationalisation de la délivrance des titres : 200 ETPT ;

- contrôle de légalité et de la réglementation : 225 ETPT ;

- rationalisation des fonctions support et de la représentation de l'État : 50 ETPT.

Réalisation : - 385 ETPT

La réduction d'effectifs liée au schéma d'emplois (- 380 ETP) a été inférieure à la baisse du plafond d'emplois (- 475 ETPT). Le programme 307 a réalisé un schéma d'emplois de - 383 ETP en 2012.

En effet, un renfort de + 110 ETP a bénéficié au programme 307 par « atténuation » du schéma d'emplois ainsi ramené à - 365 ETP, afin de renforcer les équipes dans le cadre du déploiement du logiciel dit « Application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France » (AGDREF).

En gestion, l'objectif a été durci de 15 ETP et porté à - 380 ETP pour contribuer à la réalisation du schéma d'emplois du programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ».

L'effort final a été très majoritairement porté sur les missions suivantes :

- rationalisation de la délivrance des titres : 142 ETP ;

- contrôle de légalité et de la réglementation : 108 ETP ;

- rationalisation des fonctions support et de la représentation de l'État : 133 ETP.

3- Les réductions d'effectifs en 2013 : une cible de réduction d'emplois de 53 ETPT

En loi de finances initiale pour 2013, le schéma d'emplois pour 2013 tablait sur la suppression de 450 ETP et se trouvait compatible avec une baisse du plafond de 53 ETPT, compte tenu des évolutions observées l'année précédente. Cet effort de réduction correspondait à un taux de non-remplacement de 46 % des départs en retraite prévisionnels, contre 42 % en 2012.

Les réductions d'effectifs liées à l'application du schéma d'emplois ont porté prioritairement sur les fonctions support (ex : la gestion budgétaire, les emplois de résidence et le nettoyage), les effectifs affectés au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire, qui avaient fortement diminué entre 2009 et 2012, étant à peu près préservés.

4- Les réductions d'effectifs en 2014 : une cible de réduction d'emplois de 398 ETPT

En loi de finances initiale pour 2014, la baisse du plafond d'emplois s'est à nouveau accusée avec - 398 ETPT.

Le schéma d'emplois pour 2014 a été fixé à - 550 ETP correspondant à une amplification du taux de non-remplacement porté à 56 % des départs en retraite prévisionnels, contre 46 % en 2013.

Ces réductions d'effectifs étaient, pour partie, explicitées par le plan ministériel de modernisation et de simplification, qui les justifiait notamment par des opérations de mutualisation et d'externalisation déjà engagées (exemple : fonctions supports et gestion budgétaire).

Les suppressions d'emplois ont majoritairement porté sur les missions suivantes :

- les emplois de résidence ;

- les fonctions de nettoyage ;

- la gestion budgétaire (régionalisation des plateformes Chorus) ;

- la sécurité ;

- les naturalisations ;

- l'asile ;

- le contentieux ;

- les élections.

5- Les réductions d'effectifs en 2015 : une cible de réduction d'emplois de 262 ETPT

Pour 2015, le schéma d'emplois a été fixé à - 180 ETP pour une baisse du plafond de 262 ETPT.

Les gains d'effectifs à réaliser ont été justifiés comme suit :

- régionalisation de la fonction financière et mise en place des services facturiers : - 40 ETP ;

- création des plateformes régionales pour l'instruction des passeports : - 60 ETP ;

- création des plateformes régionales d'instruction des demandes d'acquisition de la nationalité française par décret et par mariage : - 80 ETP.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Évolution des effectifs (ETP) portés par le programme 307 (2010-2019)

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

2. De nouvelles suppressions d'emplois dans le cadre du PPNG

La mise en oeuvre du plan préfectures nouvelle génération a prolongé ces réductions d'emplois au cours de la période 2016 à 2018, mais les effets attendus sur le plafond d'emplois paraissent avoir été contrariés.

Dans le cadre du PPNG, 1 300 ETP étaient appelés à être supprimés au cours de la période de 2016 à 2018.

En réalité, le nombre d'agents concernés par le plan était supérieur (4 000 emplois) puisqu'étaient prévus des redéploiements de moyens concernant 2 700 emplois.

La composante quantitative du plan a été menée à son terme selon la chronique suivante.

Suppressions d'emplois liées au PPNG

2016

2017

2018

Total

Emplois supprimés

200

685

415

1 300

Source : commission des finances du Sénat d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Mais, même s'il a été très significatif, le repli du plafond d'emplois du programme entre 2015 et 2018 n'a été que de 733 ETPT, traduisant les effets de besoins non prévus, du fait des difficultés rencontrées dans la dématérialisation de certaines prestations, des flux migratoires et des menaces sur la sécurité.

Évolution des emplois du programme à périmètre courant (2011-2019)

Source : commission des finances du sénat d'après les données des documents budgétaires

Ces mêmes besoins ont freiné les redéploiements vers les missions identifiées comme prioritaires, qui devaient provenir de la restructuration touchant les services de titres sécurisés en place dans les préfectures. À ce jour, elles n'ont pu être complètement mises en oeuvre.

B. LA RÉDUCTION DES MOYENS DU RÉSEAU CONTRIBUE À LA L'EFFACEMENT DE L'ÉTAT DE PROXIMITÉ...

1. Quelle présence de l'État au niveau infradépartemental ?

Les annonces du président de la République consécutives au « grand débat national » relatives à la présence territoriale de l'État trouvent un prolongement dans l'une des réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.

Il y est indiqué que « à ce jour il n'est pas prévu de nouvelle réforme de la carte des sous-préfectures mais plutôt un confortement des implantations. En effet, la réforme de l'organisation territoriale de l'État actuellement en cours va pleinement impliquer les sous-préfets d'arrondissement. Leur rôle est en effet amené à évoluer, en particulier concernant le suivi et le renforcement de l'offre de services de proximité (Maisons France Service, points numériques) mais également au bénéfice d'une plus grande cohérence de l'action de l'État dans les territoires » .

Il conviendra de mesurer la portée effective des engagements pris, étant observé qu'apparaît d'ores et déjà une forme de contradiction entre l'affirmation de l'intangibilité des implantations territoriales des sous-préfectures et le renforcement annoncé de l'offre de services de proximité à travers des entités ne relevant pas des sous-préfectures.

La réaffirmation du rôle des sous-préfets apparaît en tout état de cause peu compatible avec l'étiolement de l'administration générale de l'État au niveau infradépartemental.

a) La structure territoriale du réseau, peu d'évolutions significatives

Parallèlement à la réorganisation du réseau des préfectures de région, le Gouvernement précédent entendait poursuivre la réforme des sous-préfectures, en particulier au regard de leur déploiement.

Par instruction ministérielle du 12 février 2016, les préfets de département ont été ainsi sollicités afin de transmettre, après concertation avec les élus, un projet territorial visant à réorganiser l'échelon infradépartemental de l'État à échéance du 1 er janvier 2017.

Ces propositions n'ont porté que sur quelques ajustements passant par des fusions ou des jumelages d'arrondissements et, majoritairement, par des ajustements des limites des arrondissements, résultant notamment des travaux des schémas départementaux de coopération intercommunale.

Il s'est agi principalement d'assurer une plus grande cohérence entre la carte des arrondissements et celle des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Les fusions et les jumelages d'arrondissements depuis 2016

Les fusions d'arrondissements

En application de l'article L. 3113-1 du CGCT, la fusion d'arrondissements est prononcée par décret en Conseil d'État du ministre de l'intérieur, pris après consultation du Conseil départemental. Cette procédure a été mise en oeuvre pour:

- la fusion des arrondissements de Châteaubriant et d'Ancenis, en Loire-Atlantique ; le décret du 29/12/2016, entré en vigueur au 1 er /01/2017 a créé le nouvel arrondissement de Châteaubriant-Ancenis en se substituant aux deux précédent ;

- la fusion des arrondissements de Châlons-en-Champagne et de Sainte-Menehould, dans la Marne ; le décret du 29/03/2017, entré en vigueur au 1 er /04/2017 a étendu l'arrondissement de Châlons-en-Champagne en supprimant celui de Sainte-Menehould.

Aucune nouvelle fusion n'est intervenue en 2018 et 2019.

Les jumelages d'arrondissements

Par décret du Président de la République, un sous-préfet peut être nommé conjointement sur deux arrondissements, actant ainsi leur jumelage. Au cours des quatre dernières années , sept jumelages d'arrondissements ont été réalisés par la nomination par décret d'un sous-préfet commun :

- Antony et Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), depuis le 24 juin 2015 ;

- Marmande et Nérac (Lot-et-Garonne), depuis le 12 mai 2016 ;

- Gex et Nantua (Ain), depuis le 8 novembre 2016 ;

- Laval et Château-Gontier (Mayenne), depuis le 17 janvier 2018 ;

- Péronne et Montdidier (Somme) depuis le 23 avril 2018 ;

Issoudun et La Châtre (Indre) depuis le 10 septembre 2018 ;

Cosne-Cours-sur-Loire et Clamecy (Nièvre) depuis le 12 juillet 2019.

Les modifications des limites d'arrondissement

En application de l'article L. 3113-1 du CGCT, les modifications des limites territoriales des arrondissements sont décidées par le représentant de d'État dans la région, après consultation du Conseil départemental ou par décret en Conseil d'État dès lors qu'elles emportent modification des limites départementales.

En 2015 et début 2016, seules 11 modifications de limites d'arrondissements ont été réalisées dans 10 départements. À l'exception du Rhône, où la carte a été profondément remaniée pour tenir compte de la création de la métropole de Lyon, les arrêtés préfectoraux n'ont modifié qu'à la marge les limites d'arrondissements : seules 17 communes au total ont changé d'arrondissement afin de permettre la création de communes nouvelles (une commune ne pouvant être divisée entre deux arrondissements).

Depuis l'instruction du 12 février 2016 , la carte des arrondissements a été remaniée par arrêté préfectoral dans 65 départements, entrainant un changement d'arrondissement pour 2 106 communes : Ain, Aisne, Allier, Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Ariège, Aube, Aude, Aveyron, Bouches-du-Rhône, Calvados, Charente, Charente-Maritime, Corrèze, Corse-du-Sud, Côte-d'Or, Côtes-d'Armor, Creuse, Dordogne, Drôme, Eure, Finistère, Gard,

Haute-Garonne, Gers, Hérault, Ille-et-Vilaine, Indre, Indre-et-Loire, Isère, Jura, Loir-et-Cher, Loire, Loiret, Lot, Maine-et-Loire, Manche, Mayenne, Morbihan, Nièvre, Orne, Pas-de-Calais, Puy-de-Dôme, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées, Pyrénées-Orientales, Haut-Rhin, Rhône, Haute-Saône, Saône-et-Loire, Seine-Maritime, Seine-et-Marne, Yvelines, Somme, Deux-Sèvres, Var, Vaucluse, Vendée, Vienne, Yonne, Essonne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Val-d'Oise.

Au total, en 2018, neuf modifications de limites d'arrondissements ont été réalisées dans huit départements.

b) Mais une dégradation de la situation d'emplois

Les sous-préfectures sont censées incarner la présence de l'État au plus près du local dont elles sont chargées d'assurer l'animation du développement.

Si les implantations territoriales ont été globalement préservées ce dont il faut se féliciter, il reste que le réseau a beaucoup souffert de la politique d'emploi mise en oeuvre ces dernières années et que des pans entiers de ce réseau se trouvent en situation de pénurie de moyens.

Celle-ci, au demeurant, s'aggrave dans un contexte marqué par la poursuite de la baisse des effectifs. L'ensemble des sous-préfectures devraient accueillir, en fin d'année 2019, 3 829 ETPT contre 4 052 ETPT en 2018, soit une nouvelle baisse de 223 ETPT (- 5,5 % des effectifs).

4 557 ETPT étaient encore déployés dans les sous-préfectures en 2015 si bien qu'en quatre ans le réseau aura été amputé de 16 % de ses effectifs. Il aura apporté une contribution majeure et disproportionnée à la réduction des emplois programmés dans le cadre du PPNG.

Dans ces conditions, le nombre des sous-préfectures ayant 10 ETPT ou moins, qui était de 58 en 2017 et était passé à 76 en 2018 est désormais de 82. 132 sous-préfectures avaient entre 10 et 30 ETPT en 2018 ; elles sont désormais au nombre de 126, parmi lesquelles plus de 40 disposent de moins de 12 ETPT. 29 sous-préfectures ont entre 30 et 70 ETPT.

Ces données ne préjugent pas de la pertinence du déploiement du réseau. Celle-ci paraît sans détermination bien claire.

L'on constate, de fait, une grande hétérogénéité dans les situations si bien que, ni le nombre des habitants, ni celui des services de l'État ne sont des facteurs explicatifs d'une carte des sous-préfectures, qui malgré certaines évolutions portant sur les limites territoriales des arrondissements, éprouvent des difficultés à s'adapter aux changements multiples connus par les territoires.

Dans un contexte où le « besoin d'État » s'exprime fortement de la part des citoyens, la présence infra-territoriale de l'État est indispensable tant pour ceux-ci que pour les élus, en territoire rural comme en territoire urbain.

Dans ces conditions, votre rapporteur spécial rappelle son attachement à garantir l'accès de tous à un État de proximité .

2. L'État infradépartemental ne doit pas s'affadir dans de fausses alternatives
a) Le bilan mitigé des Maisons de services au public...

À cet égard, l' évolution des modalités de présence de l'État dans les territoires et d'accès aux services publics de proximité ne paraît pas offrir de réelle équivalence .

La loi n°2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a prescrit l'élaboration conjointe par l'État et le conseil départemental d'un schéma départemental d'amélioration de l'accessibilité des services au public, en association avec les intercommunalités.

Ces schémas comprennent un plan de développement des différents modèles d'espaces mutualisés de services, dont les Maisons de l'État (MdE) et de Maisons de services au public (MSAP) .

Appelées à changer de noms, et à plus de mobilité, ni les Maisons France Services, ni les Bus France Services ne paraissent en mesure d'apporter un progrès substantiel par rapport à l'existant.

Les Maisons de l'État (MdE) et les Maisons de services au public (MSAP)

D'après la circulaire du Premier ministre du 15 octobre 2014 sur la création des Maisons de l'État : « Il convient de distinguer les Maisons de services au public et les autres projets de ce type, des Maisons de l'État. Constituant deux formes de regroupement de services publics de proximité, ces formules se distinguent par leur nature juridique, leurs objectifs, leur échelle d'implantation privilégiée, et leurs moyens.

Les Maisons de services au public ont un fondement législatif, un objectif tourné vers l'usager et le grand public, et des moyens de fonctionnement humains mutualisés et encadrés. Elles sont généralement implantées à un échelon infra-arrondissement, même si elles peuvent dans certains cas, en fonction des spécificités territoriales, être créées dans des chefs-lieux d'arrondissement. Elles visent à faciliter les démarches des usagers et à améliorer la proximité des services publics dans des territoires ruraux, urbains ou périurbains en situation de déficit de services publics. Elles ont été définies par la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations. Elles reposent sur un principe de mutualisation des services : les agents qui les animent proposent des prestations assurées par différents services publics relevant de l'État, des collectivités territoriales ou de leurs groupements, des organismes nationaux ou locaux chargés d'une mission de service public ainsi que des services privés, principalement à destination du grand public. Le fonctionnement des Maisons de services au public est porté par des collectivités locales, en partenariat avec les opérateurs, ou par les opérateurs eux-mêmes, selon une logique de service rendu.

Les Maisons de l'État , quant à elles, permettent une rationalisation et une meilleure visibilité de la présence de l'État dans des territoires ruraux, urbains ou périurbains présentant des enjeux particuliers de maintien de cette présence, via une mutualisation des locaux et de certaines fonctions support : elles accueillent des services de l'État privilégiant plutôt l'appui aux collectivités territoriales mais sans exclure les services dédiés aux usagers, tels ceux des sous-préfectures délivrant des titres ou ceux des services des finances publiques, ainsi que les opérateurs eux-mêmes, soit via des permanences, soit via des missions de plein exercice. Les missions des Maisons de l'État sont assurées par les agents des services qui y sont rassemblés ».

Les maisons de service au public (MSAP ) visent à organiser un accueil de proximité principalement pour le compte des opérateurs et entreprises de service public (CAF, CPAM, CARSAT, MSA, URSSAF, EDF, GRDF, SNCF, La Poste, Pôle Emploi, ...).

Le Gouvernement avait l'ambition de créer 1 000 MSAP au 1 er janvier 2017 ; leur nombre est de 1 350 ouvertes ou en cours d'ouverture au 1 er janvier 2019.

Les MSAP 6 ( * ) visent à faciliter les démarches des usagers et à améliorer la proximité des services publics dans des territoires ruraux ou urbains en situation d'isolement Elles sont davantage dédiées à l'accueil des usagers que les maisons de l'État, qui ont pour principale vocation d'assurer un service de conseil et d'ingénierie territoriale à destination des porteurs de projets locaux comme les collectivités territoriales, les entreprises ou les associations et sont un instrument de rationalisation des implantations immobilières de l'État.

Un récent rapport de la Cour des comptes 7 ( * ) a dressé un bilan plus que nuancé de ces structures.

Leur offre serait très hétérogène, certains partenariats n'ayant pas pu aboutir 8 ( * ) ou étant trop peu étendus (ainsi en va-t-il des réseaux du ministère de l'intérieur, ce qui est pour le moins paradoxal, et de l'administration fiscale). Les MSAP seraient souvent des structures de délestage des réseaux de services de l'État et des opérateurs, leur permettant, en outre, de mobiliser des ressources publiques en lieu et place de leurs propres moyens. Enfin, la capacité des agents à offrir des réponses satisfaisantes aux demandes serait globalement faible, ce qui pourrait tenir tant à l'expérience professionnelle des agents localisés dans ces structures qu'à la grande diversité des sollicitations, malgré la faible fréquentation de ces structures.

Indicateurs de fréquentation des MSAP au 1 er avril 2018

* Données au 1 er avril 2018.

Source : Cour des comptes d'après fichier de la Caisse des dépôts et consignations

De fait, le nombre moyen des visites quotidiennes peut apparaître assez faible, mais, alors que ces entités présentent encore bien des faiblesses, elles ne sont pas sans public même si les demandes présentées (118 569 en 2018) varient considérablement dans le champ des services offerts. Ainsi, l'essentiel des demandes concernent Pôle emploi (43 488) et les caisses d'allocations familiales, qui sont également les partenaires les plus actifs des MSAP.

Dans ce contexte, un problème d'équilibre financier se pose.

Le commissariat général à l'égalité des territoires (CGET) a proposé une évaluation des coûts de déploiement des MSAP.

Coût des MSAP

(estimation 2017)

Source : CGET, 2017

Le coût de fonctionnement des MSAP du réseau de La Poste est nettement inférieur à celui des autres MSAP, cette situation semblant traduire la polyvalence des agents concernés et un quantum d'agents déployés dans les MSAP hors La Poste généralement un peu supérieur. 9 ( * )

La Cour des comptes fait valoir que le coût de fonctionnement des MSAP peut sembler raisonnable (il semble établi sur la base d'un seul ETP annuel par unité) tout en mettant en évidence la fragilité du système de financement et, au rang de ses facteurs, l'hétérogénéité des coûts supportés par les acteurs des MSAP.

Sur ce dernier point, il apparaît en effet qu'il existe une assez forte hétérogénéité des coûts des prestations unitaires au regard des différents financements issus des participants aux MSAP.

Coût des demandes unitaires par opérateur participant aux MSAP en 2017

Source : Cour des comptes - données CDC et FIO

Cette situation, qui aboutit à des coûts des prestations rendues dans les MSAP supérieurs à ceux exposés dans le cadre des réseaux classiques des opérateurs, provient de la structure des financements des MSAP.

Cette dernière diffère entre les MSAP de La Poste et les MSAP de droit commun.

Structure de financement des MSAP de droit commun

Source : Cour des comptes

Pour les MSAP de droit commun, un fonds inter-opérateur (FIO) apporte 25 % du financement, l'État un autre quart et les porteurs de projets (souvent les collectivités territoriales) la moitié des frais de fonctionnement.

Structure de financement des MSAP de La Poste

Source : Cour des comptes

Pour les MSAP de La Poste, le financement est assuré par le fonds postal national de péréquation territoriale, qui est lui-même abondé par un abattement de fiscalité locale à la charge des collectivités territoriales, le FIO (25 %) et l'État (25 %) complétant les ressources.

Le FIO est lui-même doté de 19,4 millions d'euro, la charge étant répartie comme suit.

Répartition des financements du FIO

Source : Cour des comptes d'après l'accord national du 4 décembre 2015

Or, malgré des apports conformes aux engagements, le FIO connaît un déficit cumulé de 12,6 millions d'euros depuis l'origine (8,4 millions d'euros en 2018). Le nombre des MSAP a excédé les prévisions tandis que des opérateurs se sont retirés du mécanisme, La Poste faisant d'ailleurs valoir une créance de 9 millions d'euros sur le fonds. Si l'on ajoute que certains opérateurs peuvent être conduits à considérer que les financements à leur charge excèdent de beaucoup les retours qu'ils retirent des MSAP, on conçoit qu'un risque de pérennité existe.

On relèvera surtout que les collectivités territoriales sont conduites de leur côté à assurer une responsabilité financière des MSAP autrement plus élevée que celle de l'État alors même que les services publics déployés dans les MSAP sont pour la plupart des services de l'État.

Dans ces conditions, l'on aboutit à une situation pour le moins peu satisfaisante avec la mise à la charge des collectivités territoriales de coûts de services publics de l'État dont celui-ci tend à réduire la voilure au niveau territorial.

Quant aux maisons de l'État (MdE), créées par arrêté préfectoral, elles sont souvent localisées sur le site de la sous-préfecture, et regroupent en priorité des services de proximité de l'État - soit totalement, soit par l'organisation de permanences périodiques - comme des administrations déconcentrées (par exemple des directions départementales des territoires ou des directions départementales des finances publiques) ou des opérateurs nationaux (par exemple des délégations territoriales de l'Office national des forêts, de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage ou des Agences régionales de santé).

Elles ont pour principale vocation d'assurer un service de conseil et d'ingénierie territoriale à destination des porteurs de projets locaux

Au 1 er août 2018, outre 70 Maisons de l'État ou espaces mutualisés déployés dans 52 départements, 21 projets étaient en cours d'élaboration dans 19 départements. Ces données sont inchangées au 1 er août 2019, ce qui traduit une certaine hésitation à aller de l'avant.

L'investissement nécessaire à la création de maisons de l'État repose sur les budgets ministériels (programmes 214, 307, 309, 333, ...) ou des opérateurs, éventuellement renforcés par le produit des cessions immobilières, et si besoin par un abondement issu du BOP mutualisé du CAS 723.

Une étude a permis d'évaluer que les 22 maisons de l'État :

- ont un coût moyen par projet de 320 000 euros ;

- représentent un coût total de travaux de 7,045 millions d'euros , dont 5,022 millions d'euros (71 %) en provenance des différents programmes budgétaires de l'État ;

- représentent une économie annuelle pour le budget de l'État de 970 000 euros ;

- ont permis de réduire de 39 % le ratio d'occupation dans les bâtiments concernés, qui est passé de 28 à 17 m 2 de surface utile nette (SUN) par poste de travail, soit une réduction de 8 000 m 2 (43 %) de SUN ;

- ont une durée moyenne d'amortissement de 6,3 ans ;

- sont créées à 77 % dans une sous-préfecture, à 14 % dans une unité territoriale de la DDT(M) et à 9 % dans un centre des finances publiques ;

- regroupent essentiellement des sous-préfectures, des unités territoriales des DDT(M) et des inspecteurs de l'éducation nationale ;

- accueillent principalement des permanences des délégués du défenseur des droits (36 %), des unités départementales de l'architecture et du patrimoine (32 %) et des DDPP (23 %) ;

- peuvent aussi accueillir (physiquement ou sous forme de permanences) : des centres d'information et d'orientation (CIO), des unités ou agences territoriales de l'Office national des forêts (ONF), des centres des finances publiques, des unités départementales des DIRECCTE ou des DREAL, les Douanes, les services de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), des Points d'accès au droit, Pôle emploi, la Mission locale, la CPAM, la CAF, l'UDAF, ...

Le bilan des maisons de l'État semble assez médiocre, ces structures ayant toutefois permis de faire quelques économies d'occupation immobilière. La mutualisation n'est guère allée au-delà et, en toute hypothèse, la capacité des maisons de l'État, nettement moins déployées que le réseau du ministère de l'intérieur à accompagner les collectivités territoriales n'a pas été démontrée.

b) ...n'augure rien de bon pour les « Maisons France Service »

Dans ce contexte, les annonces du Président de la République et leur déclinaison par la circulaire du premier ministre n°6094/SG du 1 er juillet 2019 suscitent un réel scepticisme.

Il s'agit de mettre en oeuvre une refonte complète du réseau existant des MSAP et de leur substituer des « Maisons France Service » sur la base d'une labellisation censée élever le niveau de qualité des prestations avec un objectif de déploiement de 300 entités au 1 er janvier 2020, pour arriver, à l'horizon de 2022 , à un point France Services par canton, soit un peu plus de 2 000 déploiements.

L'annonce d'un renforcement des effectifs dans ces Maisons France Service qui devront à l'avenir compter au moins deux unités pourrait faire sourire d'autant qu'elle est accompagnée d'un engagement d'amélioration de la formation.

Cependant, elle semble traduire une certaine difficulté à appréhender les vrais besoins de nos compatriotes, en particulier dans les zones rurales de faible densité de services publics et les capacités des unités envisagées à les satisfaire.

Votre rapporteur spécial s'en inquiète tout comme de la perspective de voir les collectivités territoriales appelées à financer encore davantage un réseau qui connaît de ce point de vue (voir supra) des fragilités sérieuses.

C. UNE DÉGRADATION SOURDE DES MISSIONS

L'attrition des moyens n'a pas manqué d'exercer des contraintes telles que la question de la redéfinition du périmètre des missions du réseau préfectoral classique a fini par se poser. Selon l'analyse du Gouvernement transmise à votre rapporteur spécial, à partir de 2015, « la situation du programme 307 s'est rigidifiée dans la mesure où il n'était plus en mesure de réaliser des suppressions de postes supplémentaires sans une révision profonde de ses missions » .

C'est de ce blocage dont, selon la même analyse « le plan préfecture nouvelle génération (PPNG) permet de sortir » en échappant à la « logique de « rabot » et en gageant les schémas d'emplois jusqu'en 2018 notamment par la réorganisation des services de délivrance de titres tout en consolidant les effectifs dédiés aux missions prioritaires (sécurité/gestion de crises ; expertise juridique et contrôle de légalité ; lutte contre la fraude, coordination territoriale des politiques publiques) ».

Ces affirmations méritent d'être nuancées. En réalité, des modulations ont été apportées bien avant 2015 à l'exercice de certaines missions dans le sens d'un allègement de certaines d'entre elles, pourtant prioritaires.

Il est cependant exact que, tant le plan préfecture nouvelle génération, que la directive nationale d'organisation des préfectures et des sous-préfectures (DNO) pour les années 2016 à 2018, ont attribué des priorités fonctionnelles au réseau d'administration générale de l'État dans le contexte d'une fin programmée de la plupart des opérations de guichet.

Ces restructurations ont rencontré des difficultés.

Mais, c'est au-delà qu'il convient de s'inquiéter de l'adéquation des ambitions avec les moyens et les performances observés.

1. Les priorités fixées au réseau préfectoral dans le cadre du plan préfectures nouvelle génération se sont traduites par des redéploiements d'effectifs dont seule une partie a été mise en oeuvre

Le plan préfecture nouvelle génération a été conforté par les priorités fixées par la DNO (2016-2018) publiée au mois de mars 2016.

Le plan « Préfectures nouvelle génération » (PPNG)

Présenté par le ministre de l'Intérieur au cours du comité technique spécial des préfectures du 9 juin 2015, le plan de « Préfectures nouvelle génération » (PPNG) vise à repenser les missions de l'administration territoriale afin d'adapter au mieux les ressources affectées au réseau préfectoral aux besoins de nos concitoyens et des collectivités.

Le plan repose sur plusieurs principes directeurs :

- permettre aux préfectures de répondre aux enjeux de demain en renforçant les missions prioritaires pour le ministère de l'intérieur : lutte contre la fraude documentaire, gestion locale des crises, coordination territoriale des politiques publiques, expertise juridique et contrôle de légalité ;

- veiller à l'égalité d'accès au service public de toutes les populations, préserver la qualité du service et simplifier les procédures, éviter les déplacements de l'usager en préfecture ;

- s'appuyer sur les technologies existantes (numérisation, plateformes, télé procédures, etc.) pour exercer autrement la mission de délivrance de quatre titres (carte nationale d'identité, passeport, permis de conduire, certificat d'immatriculation) ;

- renforcer la sécurisation des titres, la lutte contre les fraudes et le contrôle du ministère de l'intérieur sur la chaîne de délivrance ;

- étudier la possibilité de recourir à un opérateur agissant sous le contrôle du ministère de l'intérieur, pour la réalisation de certaines tâches, en excluant toute privatisation.

Les travaux réalisés dans le cadre du plan devraient être formalisés dans une nouvelle directive nationale d'orientation pour la période 2016-2018 exposée finalement fin mars 2016 (voir ci-dessous).

Chacune des priorités affichées fait l'objet d'orientations générales.

Le renforcement de la gestion locale de crises

En premier lieu, le plan se donne pour objectif de clarifier les missions préalablement à une situation de crise, pendant la crise et après la crise entre les différents acteurs locaux : le Service interministériel de défense et de protection civile (SID-PC) ; les sous-préfectures ; les collectivités locales ; les associations. Au cours des premiers échanges, le groupe de travail consacré à la réorganisation de cette mission a ainsi examiné les moyens de renforcer l'articulation entre les différents niveaux d'intervention (locale, départementale, zonale, voire central), ainsi que la possibilité de développer des outils de partage des informations facilitant l'animation de l'ensemble des acteurs.

En second lieu, l'élaboration du plan doit conduire notamment à étudier les voies d'un renforcement des moyens (par la professionnalisation des viviers des centres opérationnels, par le renforcement du niveau de qualification des agents).

L'amélioration de la capacité d'expertise juridique et le contrôle de légalité

La réflexion engagée dans le cadre du PPNG porte à la fois sur l'expertise juridique et sur le contrôle de légalité.

S'agissant de cette dernière mission, il est envisagé de redéfinir les priorités de contrôle et de réviser la liste des actes transmissibles.

Est également examinée l'extension du rôle du Pôle interrégional d'appui au contrôle de légalité (PIACL), ainsi que la création d'un pôle d'appui au contrôle budgétaire.

En cela, le PPNG s'inscrit dans la continuité des mesures retenues par le Gouvernement dans le cadre de la revue des missions de l'État engagée en septembre 2014.

Celles-ci consistent à :

- encourager, voire rendre obligatoire pour les collectivités de plus de 50 000 habitants, la dématérialisation des actes soumis au contrôle de légalité ;

- alléger les contrôles à l'égard des collectivités largement engagées dans des démarches de contrôle interne ou de certification ;

- réduire par blocs cohérents la liste des actes transmissibles ;

- renforcer et améliorer le conseil aux plus petites collectivités domaines juridiques les plus complexes.

L'approfondissement de la coordination territoriale des politiques publiques

Il s'agit, d'une part, de délimiter plus précisément le périmètre d'intervention des services de l'administration territoriale et de veiller à l'efficacité de la coordination interministérielle , notamment avec les opérateurs de l'État.

D'autre part, une nouvelle articulation des différents échelons de l'administration territoriale de l'État est envisagée. Dans cette optique, le groupe de travail thématique a examiné la question du rôle des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR), notamment dans les nouvelles régions issues des regroupements opérés par la loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015, le positionnement des services de coordination à l'échelon départemental, ainsi que le socle de compétence des sous-préfectures.

Ainsi que le ministère de l'intérieur le relève lui-même, le renforcement de la coordination territoriale des politiques publiques appelle un certain nombre d'actions prioritaires à la mise en oeuvre desquelles il conviendra de veiller :

- développer des compétences techniques dans les champs de l'économie et de l'emploi, de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme et de l'environnement ;

- adapter le pilotage en matière de politique de la ville au contexte local ;

- développer le pilotage interministériel en matière de soutien financier de l'État : renforcer la cohérence de la parole de l'État dans son dialogue avec les porteurs de projet ;

- accroître les capacités de pilotage dans une démarche de réalisation de projet.

La modernisation des procédures de délivrance des titres et la lutte contre la fraude documentaire

La rénovation des procédures au coeur du PPNG (hors titres délivrés aux étrangers) repose sur la généralisation du recours aux télé-procédures et à la dématérialisation des actes pour la délivrance des titres et, notamment de la carte nationale d'identité (CNI), du permis de conduire et des certificats d'immatriculation. L'objectif du plan est de réduire les formalités et démarches accomplies aux guichets des préfectures.

Ces nouvelles modalités de délivrance des titres doivent permettre de réaffecter une partie des effectifs sur des missions de contrôle et la lutte contre la fraude, mais aussi sur les missions prioritaires du contrôle de légalité, de la gestion de crise et de la coordination des politiques publiques, sachant que les effectifs consacrés à la délivrance de titres représentent aujourd'hui 29 % des effectifs totaux des préfectures.

La lutte contre la fraude documentaire représente également une priorité pour la sûreté des titres délivrés.

Source : commission des finances du Sénat d'après les éléments de présentation du PPNG par le ministère de l'intérieur

Le recentrage souhaité des entités du réseau sur les missions prioritaires conduisait à mettre l'accent sur une meilleure prise en compte des questions de sécurité (gestion de crise et lutte contre la fraude, en particulier), de contrôle budgétaire et de légalité , de conseil aux collectivités territoriales et, enfin, d'animation des politiques publiques dans les territoires autour des objectifs de coordination des administrations publiques et d'ingénierie territoriale.

Ces redéploiements se sont jusqu'à présent heurtés à des obstacles.

Un plan de renforts, présenté comme « exceptionnel » a dû être mis en place pour faire face aux flux de dossiers et aux stocks résultant des dysfonctionnements des plateformes de traitement des demandes de cartes grises. Des agents non titulaires ont été recrutés au bénéfice de certaines d'entre elles tandis que deux plateformes supposées temporaires ont été mises en place à Amiens et Paris comprenant respectivement 40 et 30 agents contractuels. Par ailleurs, le CERT « permis de conduire » de Nantes, qui exerce une compétence nationale pour l'instruction des demandes d'échanges de permis de conduire étrangers, a également bénéficié de renforts afin de pallier le flux croissant de demandes.

En outre, les priorités fixées ont été débordées par les flux migratoires qui ont absorbé une partie des emplois « libérés » par le PPNG.

Les redéploiements initialement envisagés ont dû être limités, les CERT exigeant davantage de personnels qu'escompté. En outre, les emplois demeurant libres pour un redéploiement vers les missions prioritaires ne l'ont pas encore été.

Au total, sur les 603 emplois destinés à renforcer les 2 391 ETP consacrés au 31 décembre 2015 à la lutte contre la fraude documentaire, l'expertise juridique et le contrôle de légalité, la coordination territoriale des politiques publiques et la sécurité seuls 310 ETP ont été effectivement transférés à ces missions à fin 2018.

2. Un devoir d'amélioration de la prévention des risques

Des dix sous-indicateurs du programme 307, huit révélaient en 2018 des résultats inférieurs aux attentes présentant souvent un niveau préoccupant .

Lors de l'examen du projet de loi de règlement pour 2018, votre rapporteur spécial s'était particulièrement inquiété des résultats des actions de prévention des risques.

Le projet annuel de performances pour 2020 confirme les difficultés à mettre en oeuvre les procédures prévues, notamment pour ce qui est des plans particuliers d'intervention.

Les explications données aux difficultés rencontrées pour atteindre les objectifs fixés renvoient à des motifs difficilement palpables mais qui paraissent suggérer des problèmes sérieux de coordination des moyens de la sécurité civile et de niveaux des moyens disponibles.

Face aux fragilités de certains espaces mises en évidence par des événements tragiques, l'inadéquation des moyens et des objectifs évoquée au détour de l'information budgétaire doit susciter une réflexion d'ensemble sur une politique absolument nécessaire à la sécurité de nos compatriotes.

3. Le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales

Le projet de budget dote les moyens du contrôle de légalité d'une enveloppe en forte réduction (121,5 millions d'euros contre 153,4 millions d'euros en 2019).

La réduction prévue (- 21 %) situe les moyens consacrés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales à un niveau historiquement bas.

Évolution des crédits de l'action 03 « Contrôle de la légalité
et conseil aux collectivités territoriales »

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires de la mission « AGTE »

Le niveau de ressources dédiées au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales est particulièrement étroit s'agissant d'une action qui engage l'exercice d'une mission constitutionnelle des préfets à forts enjeux, mais encore au vu de la directive nationale d'orientation (DNO) des préfectures et sous-préfectures 2016-2018 qui avait placé l'expertise juridique et le contrôle de légalité au rang des priorités du réseau préfectoral, priorité réaffirmée dans le cadre du « plan préfectures nouvelle génération » (PPNG).

Ce dernier projetait de réaffecter les emplois supprimés au titre de l'accueil dans le réseau à des priorités, parmi lesquelles l'expertise juridique et le contrôle de légalité, qui devait bénéficier d'une fraction du contingent de 1 000 emplois (ramené à 603 dans le cadre des adaptations d'emplois 10 ( * ) mises en oeuvre depuis la définition du plan) libérés par le PPNG.

Or, cette mission, qui mobilisait, en 2015, 2 805 ETPT, n'en compterait plus que 2 036 en 2020 contre 2 614 en 2019.

Ainsi bien loin de se trouver renforcée, la mission subit une baisse considérable de ses moyens en personnel (-22 % et -578 ETPT).

Ces évolutions contreviennent à la recommandation formulée par la délégation du Sénat aux collectivités territoriales et à la décentralisation, qui, dans son rapport précité, avait préconisé un « soclage » des effectifs afin de pérenniser la capacité d'expertise des administrations.

Il faut, en effet, garder à l'esprit qu'outre les enjeux en rapport avec l'application de la loi, le contrôle de légalité et son corollaire, le conseil juridique aux collectivités territoriales, doivent prendre en compte la sécurité juridique des opérations qu'elles réalisent.

Or, les dysfonctionnements du contrôle de légalité ont été régulièrement mis en évidence.

Ainsi, par une insertion dans son rapport public 2016, la Cour des comptes en avait constaté l'affaiblissement.

Pour faire face à un effet de ciseaux entre le nombre d'actes normalement soumis au contrôle de légalité et les moyens disponibles, cette mission a été réorganisée, une sélection des contrôles étant mise en oeuvre.

En premier lieu, depuis la circulaire du 17 janvier 2006 relative à la modernisation du contrôle de légalité, les préfets exercent le contrôle de légalité selon un schéma reposant sur la sélection des actes contrôlés qui s'est traduite par une forme de résignation à restreindre le champ des contrôles.

Ce contrôle est réalisé dans le cadre d'un plan stratégique départemental de contrôle dont le contenu est défini en référence aux orientations de la circulaire du 25 janvier 2012 , laquelle distingue trois niveaux de contrôle des actes soumis à l'obligation de transmission :

- les priorités nationales qui constituent un socle commun de contrôle harmonisé sur l'ensemble du territoire et ciblent les dossiers à enjeux dans les trois domaines que sont la commande publique , l'urbanisme et la fonction publique territoriale ;

- les priorités locales viennent compléter les précédentes. Les préfets disposent de la capacité d'ajuster leur contrôle en fonction du contexte local et des caractéristiques propres à chaque département, notamment d'un point de vue géographique et socio-économique. Ces priorités locales peuvent consister à compléter les priorités nationales. Par exemple, les seuils de contrôle des marchés publics définis dans les priorités nationales peuvent être abaissés en fonction de la taille des collectivités et de la nature des marchés passés, ou, en matière d'urbanisme, les ajustements opérés peuvent permettre de cibler le contrôle des autorisations du droit des sols afin que l'attention soit portée sur l'ensemble des permis délivrés dans les zones à risques (inondations, submersion marine, risques industriels ou technologiques) ;

- enfin, pour l'ensemble des autres actes qui n'entrent pas dans les deux catégories précédentes, les préfets ont, au regard des moyens disponibles, la capacité d'arrêter les conditions et modalités de leur examen. Les actes relevant de ce troisième niveau de contrôle sont examinés selon différents processus croisés, essentiellement sur signalement des services déconcentrés de l'État, des sous-préfectures ou de tiers ayant intérêt à agir, et par ciblage prédéfini en fonction de la nature de l'acte, de son objet et de sa sensibilité. De manière générale, les ajustements s'opèrent essentiellement sur le champ d'intervention des priorités locales en vue d'étendre les contrôles sur certaines catégories d'actes, à l'aune des observations, de la situation sensible ou particulière de certains territoires, et pour tenir compte de l'application de nouvelles dispositions législatives et réglementaires.

Malgré la demande de votre rapporteur spécial, le ministère de l'intérieur n'a pas actualisé les données relatives à l'étendue du contrôle.

Pour les dernières années disponibles, les données relatives au contrôle de légalité 11 ( * ) faisaient ressortir un taux de contrôle des actes de 21 %.

Ce résultat est tributaire de deux enchaînements. En premier lieu, la sélectivité du contrôle de légalité conduit à ne soumettre au contrôle prioritaire qu'une faible proportion des actes reçus : un cinquième environ .

Part des actes prioritaires et non prioritaires parmi les actes reçus et contrôlés et taux de contrôle - Années 2016 et 2017

2016

2017

Actes reçus

Total

5 094 960

5 387 886

Dont actes prioritaires

941 076

1 035 610

Dont actes non prioritaires

4 153 884

4 352 276

Part des actes prioritaires parmi les actes reçus

18,5 %

19,2 %

Actes contrôlés

Total

1 039 425

1 139 344

Dont actes prioritaires

852 715

932 303

Dont actes non prioritaires

186 710

207 041

Part des actes prioritaires parmi les actes contrôlés

82 %

81,8 %

Part des actes non prioritaires parmi les actes contrôlés

18 %

18,2 %

Taux de contrôle des actes reçus

20,4 %

21,1 %

Taux de contrôle des actes prioritaires reçus

90,6 %

90 %

Taux de contrôle des actes non prioritaires reçus

4,5 %

4,7 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En second lieu, si les actes prioritaires sont plus soumis que les autres à un contrôle effectif, le taux de contrôle n'est pas plein. En 2017, le taux de contrôle des actes non prioritaires n'était que de 4,7 %. Pour les actes prioritaires, il atteignait 90 % .

Le dispositif de suivi de la performance du projet annuel de performances pour 2020 rend compte d'une amélioration de ce résultat, le taux de contrôle de légalité des actes prioritaires étant supposé atteindre 93 % en 2019 (contre 90,4 % en 2018).

Il faut s'en féliciter mais sous les réserves importants suivantes.

En premier lieu, il ne s'agit encore que d'une prévision qui demande à être vérifiée .

Au-delà, un certain abandon de l'ambition d'excellence doit être déploré. Traditionnellement, les cibles de performance étant fixées à 100% et les résultats décevant systématiquement les attentes, on ne peut se satisfaire de l'abaissement des objectifs, admettant que 6 % des actes prioritaires ne soient pas contrôlés.

Il faut ajouter que les instructions adressées aux préfets de réduire l'empreinte des priorités locales de contrôle afin de mieux atteindre les cibles des contrôles relevant des priorités nationales ne sont pas compatibles avec une administration de proximité qui suppose une adaptation aux environnements locaux.

En outre, l'issue des contrôles reste une zone d'ombre totale . Le dispositif de performance de l'action devrait ainsi être complété afin de rendre compte des prolongements donnés aux contrôles effectués. Cette information répondrait à plusieurs attentes parmi lesquelles une certaine transparence notamment sur l'activité sous revue et pourrait donner quelque indication sur la qualité des contrôles mis en oeuvre.

Quant au contrôle budgétaire, force est de constater que le taux de contrôle des actes budgétaires des collectivités locales et des établissements publics demeure, ainsi que les cibles fixées, très bas (62 %).

La réduction drastique des emplois consacrés au contrôle, outre qu'elle contredit les intentions exprimées dans le cadre du PPNG, devrait, à plan de charge inchangé, réduire considérablement les performances de cette mission.

Les objectifs pour 2020 ne le prévoient pas, ce dont on doit s'étonner.

On ne peut attendre de l'extension de la procédure de transmission dématérialisée des actes soumis à contrôle des gains de productivité tels que la baisse des effectifs de contrôle puisse être absorbée par elle.

Pour éviter la consommation de moyens excessifs un objectif consistant à développer la transmission dématérialisée des actes des collectivités soumis au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire a été poursuivi. La transmission électronique des actes passe par l'application « ACTES ».

Alors que les exigences formulées par le ministère de l'intérieur ont impliqué des coûts d'adaptation déjà non négligeables pour les collectivités, elles se sont renforcées dans le cadre de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe » 12 ( * ) . Elle a prévu d'étendre la transmission dématérialisée des documents budgétaires soumis à contrôle à toutes les collectivités territoriales et aux établissements publics de coopération intercommunale de plus de 50 000 habitants dans un délai de cinq ans (août 2020).

Les collectivités ont très largement joué le jeu. Les prévisions de recours à l'application laissent entrevoir la poursuite de leur effort (62 % des actes transmissibles devraient passer par l'application en 2019 ; 64 % en 2020).

À défaut de réponse à la question posée par votre rapporteur spécial sur les progrès réalisés dans ce domaine, il convient de rappeler que, dans le passé récent, le taux de collectivités enregistrées dans l'application a augmenté chaque année de façon significative.

Le nombre de collectivités enregistrées dans l'application @CTES était au 1 er janvier 2018 de 33 000, contre 30 000 début 2017 (+ 9 % entre 2017 et 2018). Sur l'ensemble des collectivités territoriales, établissements publics locaux et groupements dont les actes sont soumis au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire, 45,6 % d'entre eux étaient enregistrés dans l'application @CTES au 1 er janvier 2018, contre 39,6 % au 1 er janvier 2017.

Néanmoins, la proportion d'actes soumis au contrôle de légalité et transmis par voie électronique, pour avoir été marquée par une hausse significative, pourrait se heurter aux difficultés particulières rencontrées par certaines d'entre elles, en particulier les collectivités sans grands moyens, pour numériser les documents.

Les inquiétudes suscitées par l'attrition des moyens du contrôle de légalité peuvent être renforcées par le constat d'une distribution territoriale très inégale des effectifs chargés du contrôle.

Le réseau des préfectures et des sous-préfectures devrait accueillir, selon les données prévisionnelles actualisées au 31 juillet 2019, 921,52 ETPT sur les missions de contrôle de légalité.

Si le coût prévisionnel en crédits de personnels des emplois correspondants n'est pas disponible pour le responsable de programme, ce dont il convient de s'étonner, la répartition des effectifs a été transmise à votre rapporteur spécial.

Le graphique ci-dessous indique qu'elle est assez peu modulée selon les régions.

Répartition territoriale des ETPT consacrés au contrôle de légalité

Source : commission des finances du Sénat d'après une réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ainsi, pour des populations respectives de 2,5 et 3,3 millions d'habitants, les régions Centre-Val-de-Loire et Bretagne ont le même nombre de personnels attachés au contrôle. De la même manière rapportés au nombre d'habitants, la région Auvergne-Rhône Alpes dispose de davantage de contrôleurs que la région PACA.

Enfin, alors que les directives nationales d'orientation ont régulièrement évoqué un effort de rationalisation du rôle des sous-préfectures dans la chaîne de traitement du contrôle de légalité, l'engagement des sous-préfectures dans cette mission, désormais consacré par la doctrine ministérielle, demeure. Le personnel dédié au contrôle de légalité dans les sous-préfectures, a même connu une hausse ces dernières années.

En 2016, il réunissait 174 équivalents temps plein travaillé (ETPT) soit 0,72 ETPT par sous-préfecture. En 2017, ce sont 170 ETPT qui exercent en sous-préfecture.

Selon le ministère, le maintien des effectifs dans les sous-préfectures trouve sa justification dans le fait que le sous-préfet participe au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales en application du décret n° 2004-374 du 29 avril relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements.

Cette justification, qui n'est en soi pas irrecevable, peine cependant à convaincre au vue de la répartition fonctionnelle des effectifs.

Si, selon le ministère, certains pôles de contrôle ont pu être constitués en sous-préfecture « pour tenir compte de situations locales », sur lesquelles il conviendrait de disposer de davantage d'informations, la dimension stratégique du contrôle exercé en sous-préfectures trouve peu de justification dans la structure des missions des personnels, dont 82 sont affectés à des missions de réception et de tri des actes, 88 ETPT exerçant effectivement des activités de contrôle et de conseil.

Dans ce contexte, la création de pôles d'expertise nationaux paraît difficilement susceptible de constituer une solution aux problèmes rencontrés. Depuis la fin de l'année 2017, six pôles interdépartementaux d'appui juridique aux préfectures spécialisés dans quatre matières (police administrative et sécurité routière, ressources humaines, contrats et marchés publics et responsabilité de l'État) sont opérationnels 13 ( * ) .

La minceur des effectifs correspondants- chacun de ces pôles est constitué de 5 ETP - ne laisse pas présager qu'ils puissent apporter une contribution déterminante au contrôle de légalité sinon pour certains dossiers particulièrement complexes.

Dans ce contexte, la mission de conseil aux collectivités territoriales dont les moyens sont confondus avec ceux réservés au contrôle de légalité tend à décliner de plus en plus complètement.

On attend encore la traduction concrète de la priorité donnée à cette mission, qui inclut l'ingénierie territoriale, par le PPNG.

Votre rapporteur spécial constate depuis plusieurs années la crise du contrôle de légalité. Les annonces du PPNG n'ont pas été tenues. Tout se passe, à l'inverse, avec la chute des effectifs programmée en 2020, comme s'il s'agissait à l'avenir de sacrifier une mission devenue « impossible ».

Or, outre qu'il s'agit d'une mission constitutionnelle, qui, à ce titre, devrait se voir dotée de moyens suffisants pour n'être pas totalement virtuelle, il y a lieu de considérer les risques pour les collectivités territoriales et pour nos concitoyens de la dégradation encore aggravée comme celle qu'annonce le projet de budget pour 2020.

Que le contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales doivent être rénovés est peu douteux. Des analyses de risques plus sophistiquées pourraient être mises en oeuvre ; une plus grande transparence des conditions dans lesquelles ce contrôle est pratiqué s'impose également.

Votre rapporteur spécial souhaite ainsi que le Gouvernement s'attache à présenter un plan de restauration des conditions d'une mission qu'il ne saurait se contenter de laisser dépérir.

4. Le renforcement des moyens de l'accueil des étrangers ?
a) Une augmentation des moyens à la hauteur des charges ?

Le tableau ci-dessous récapitule les mesures intervenues en réponse à l'augmentation des flux de migrants entre 2016 et 2018.

Après un train de recrutements supplémentaires relativement fournis en 2016 (+ 102 ETP), un net ralentissement dans la création de moyens s'est lentement installé. Pour 2017, les ETP supplémentaires n'atteignent plus que 61 unités. Quant au projet de budget pour 2018, il ne faisait état que de 30 ETP nouveaux.

Évolution des effectifs en réponse à l'augmentation des flux d'immigration
(2016-2018)

2016

2017

PLF 2018

ETPT Renforts contractuel infra-annuel en gestion 2017 "plan 1000 mois vacataires"

ETP

T2

HT2

ETP

T2

HT2

ETP

T2

Réponses apportée à l'augmentation des flux d'immigration

Plan d'accueil des migrants (A)

30 ETP

1,41M€

-

-

-

0,07 M€

-

-

95 ETPT (1 138 mois):
- 43% pour les GUDA
- 50% pour les services séjours
- 7% naturalisation

Pacte de sécurité (B)

50 ETP*

-

-

-

-

-

-

Renfort guichets unique asile (GUDA) (C)

16 ETP

0,26M€

-

15ETP

0,82M€

-

-

-

Service éloignement (D)

-

-

-

-

-

-

30 ETP

0,55M€

Délégation supplémentaire du RPROG en cours de gestion (E)

6 ETP

-

-

46 ETP

-

-

-

-

Total

102 ETP

1,67M€

-

61 ETP

0,82M€

0,07M€

30ETP

0,55M€

(*): 50 ETP notifiés pour une réalisation de 56 ETP

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Pour 2017, il convenait d'ajouter 95 ETPT mobilisés dans le cadre d'un plan de recrutement de 1 000 mois vacataires.

Dans le domaine de l'accueil des étrangers, le projet de loi de finances pour 2019 avait encore intégré la création de 50 emplois supplémentaires pour faire face aux besoins d'accueil des mineurs non accompagnés.

En outre, en cours de gestion, 13 emplois pérennes ont été mis en place tandis que le plan de renforts de 1 358 mois vacataires appliqué a été en partie consacré à renforcer les services étrangers des préfectures.

Alors que l'accueil des étrangers, à l'inverse des autres actions financées par le programme, aurait connu une croissance significative de ses effectifs - une augmentation de 14 % en trois ans a pu être mentionnée-, et qu'elle regrouperait désormais 3 731 agents 14 ( * ) , cette mission, noyée dans l'action n° 02 du programme (qui regroupe également les moyens nécessaires à la délivrance de titres sécurisés comme les permis de conduire ou les cartes d'identité...) ne fait pas l'objet d'une présentation budgétaire distincte.

L'an dernier, votre rapporteur spécial l'avait regretté et avait préconisé que le projet annuel de performances pour 2020 isole les moyens consacrés à l'accueil des étrangers et que lui soit consacré un dispositif d'appréciation des performances à part entière.

Il n'en est rien et les choses en restent à l'état insatisfaisant déploré l'an dernier.

Or, cette évolution est indispensable pour mieux appréhender les conditions de la programmation budgétaire qui, en l'état, sont opaques.

À titre d'exemple, en l'état de la programmation budgétaire, il est impossible de déterminer si le projet de budget pour 2020 pérennisera l'ensemble des mesures adoptées en 2019.

Il reste assez incompréhensible que la demande de votre rapporteur spécial ne soit pas satisfaite, comme il l'est, que les moyens placés dans le champ du programme ne soient pas pris en compte dans le document de politique transversale consacré aux politiques françaises de l'immigration et de l'intégration.

Les données sont pourtant disponibles et votre rapporteur spécial en avait obtenu communication il y a deux ans.

Elles extériorisaient les éléments ci-après.

L'accueil des « étrangers » recouvre cinq sous-missions :

- le séjour ;

- les naturalisations ;

- l'éloignement ;

- l'asile ;

- le contentieux.

Le tableau ci-dessous présente le nombre d'emplois affectés à chaque procédure, leur évolution entre 2016 et 2018 ainsi que les coûts associés, dans les termes qui lui avaient été alors communiqués.

Répartition des emplois consacrés à l'accueil des étrangers et dépenses associées
(2016-2018)

(en nombre d'ETPT et en euros)

Séjour

Natura-
lisation

Éloigne-ment

Asile

Conten-
tieux

TOTAL

Évolution n/n-1

2016

ETPT

1 701

391

322

305

270

2 989

ND

Masse salariale

80 272 211

19 384 953

17 250 196

14 006 759

15 046 062

145 960 181

ND

2017

ETPT

1 798

419

351

410

299

3 276

10 %

Masse salariale

85 147 995

20 798 552

18 783 269

18 093 947

16 537 841

159 361 604

9 %

2018
(prévisionnel à juillet 2018)

ETPT prévisionnels

2 004

427

469

502

329

3 731

14 %

Masse salariale prévisionnelle

96 574 092

21 991 784

24 789 708

22 643 899

19 415 246

185 414 729

16 %

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Il permet de faire ressortir plusieurs évolutions significatives.

En premier lieu, en lien avec les données précédemment exposées, l'augmentation des effectifs des services d'accueil des étrangers a été de 742 depuis 2016 (soit une progression de 24,8 %) avec un renforcement significatif en fin de période, témoignant d'une adaptation tardive compte tenu de certains besoins, en particulier dans le domaine de l'asile.

Les effectifs consacrés aux différentes fonctions ont été inégalement renforcés, la plupart des renforts ayant été affectés à la fonction de traitement des demandes de séjour (+ 303) .

Les demandes d'asile ont par ailleurs bénéficié de 197 emplois supplémentaires, soit le renforcement le plus important d'un point de vue relatif (+ 67 %).

Les déficits qui n'avaient pas été comblés en 2017 l'ont mieux été du fait des évolutions d'emplois actées en 2018.

Répartition des renforts en ETPT par fonction
(2016-2018)

Séjours

303

+ 17,8%

Naturalisations

36

+ 9,2%

Éloignement

147

+ 45,7%

Asile

197

+ 64,6%

Contentieux

59

+ 21,8%

Source : commission des finances du Sénat

Depuis, selon des données malheureusement trop incomplètes, une stabilisation des moyens consacrés à l'asile serait à relever.

Ces évolutions doivent toutefois être mises en regard de la forte élévation de la charge de travail et de la nécessité d'améliorer les conditions de traitement des demandes.

Cette dernière n'a pas tant tenu à la délivrance des titres de séjour restés à peu près stables ou au nombre de demandes de naturalisation qu'à l'augmentation des demandes d'asile.

Données relatives à la délivrance des titres de séjour

(2016-2018)

2016

2017

2018

Nombre de refus de délivrance de titres de séjour et APS

45 775

49 123

49 127

Nombre de décisions positives d'émission d'autorisation provisoire de séjour

41 553

39 107

42 368

Nombre de décisions positives d'émission de premiers titres de séjour

167 598

172 695

187 576

Nombre de décisions positives de renouvellement de titres de séjour

754 297

665 117

500 251

Total demandes Séjour instruites

1 009 223

926 042

779 322

Stock de dossiers à instruire au 31/12

175 168

225 517

225 291

Source : données INDIGO consolidées annuelles 2016, 2017, 2018

Données relatives aux naturalisations

(2016-2018)

2016

2017

2018

Nombre de demandes de naturalisations traitées

69 741

65 974

71 256

Stock de demande de naturalisation en fin de période

31 462

52 809

66 264

Source : données INDIGO consolidées annuelles 2016, 2017, 2018

En particulier, une forte hausse de la demande d'asile s'est amorcée au troisième trimestre 2015 et s'est intensifiée au quatrième trimestre, conduisant à une hausse globale de 24 % pour l'année 2015. Ce phénomène s'est poursuivi tout au long de l'année 2016, mais dans une moindre mesure (+ 7 %). Néanmoins la demande d'asile aurait dépassé le chiffre de 100 000 en 2017. Elle atteindrait en 2019 120 000 dossiers nouveaux ou de réexamen. Sur l'ensemble de la période de 2007 à 2016 la demande de protection internationale a ainsi augmenté de 141 % en France.

b) Demeurent des incertitudes sur l'efficacité de l'ensemble

De ce point de vue, on pourrait espérer d'une amélioration de la transparence budgétaire une gestion moins marquée par le « fil de l'eau » peu adaptée au traitement correct d'une situation complexe et à forts enjeux.

Votre rapporteur spécial s'était interrogé sur le niveau des renforts décidés en 2019 dans le cadre de la loi de finances.

De fait, ils ont été complétés en gestion, selon un cheminement quelque peu heurté impliquant à nouveau un recours important à des vacations.

Au total, les emplois dégagés, de 50 en loi de finances initiale, sont passés à environ 145 en réalisation, témoignant d'un calibrage de départ très insuffisant, mais aussi d'une forme d'existentialisme administratif d'autant plus étonnante que les données du problème sont cernées de longue date.

En effet, la situation de déficit de moyens, ainsi que ses conséquences individuelles et sociales désastreuses, n'est pas nouvelle.

Un rapport de l'inspection générale de l'administration publié en décembre 2014, soit avant l'amplification des flux migratoires, avait appelé l'attention sur les dysfonctionnements du système.

Plus récemment, les conditions de l'accueil des étrangers ont été vivement critiquées par le Défenseur des droits dans la réponse à une consultation rendue sur demande de la commission des lois de l'Assemblée nationale. Le Défenseur des droits y attribuait à une insuffisance des moyens affectés au traitement des demandes des étrangers une partie des raisons des dysfonctionnements qu'il relève. Parmi ceux-ci étaient particulièrement mentionnées les conditions d'accueil des mineurs non accompagnés, à propos desquels le comité des droits de l'enfant de l'ONU recommande que les États réservent suffisamment de moyens pour leur assurer un traitement adapté à leur situation. Les guichets n'appliqueraient pas toujours la loi qui veut que la situation des mineurs fasse l'objet d'une évaluation dans des conditions déterminées par une circulaire interministérielle de janvier 2016. Le plan annoncé par le Gouvernement nécessitera des moyens supplémentaires que le projet de loi de finances a pris en compte. Les 50 emplois créés posent, malgré tout, la question de leur suffisance pour surmonter les difficultés rencontrées.

(1) Le problème particulier du traitement de l'asile a suscité des réorganisations administratives aux effets encore limités

Au sujet des demandes d'asile, le défenseur des droits avait pu relever que les engorgements constatés étaient antérieurs à la vague de demandes enregistrées depuis l'accentuation des flux migratoires.

La loi du 29 juillet 2015 ayant entrepris de surmonter l'encombrement des services, la mise en oeuvre de la nouvelle procédure ne donnerait pas pleine satisfaction. L'État aurait subi 135 condamnations pour la seule Ile-de France en 2016. De fait, le contentieux des étrangers est l'un des motifs récurrents du niveau anormalement élevé des dépenses de contentieux constatées sur la mission (voir infra ).

Des guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile créés en 2015 ont tendu à professionnaliser la réponse.

Les guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile

Dans le cadre de la réforme de l'asile, 34 guichets uniques d'accueil des demandeurs d'asile (GUDA) en France métropolitaine ont été créés en 2015.

Ils réunissent des agents de préfecture dédiés aux activités d'enregistrement, et des agents de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) chargés de l'évaluation de la vulnérabilité et de la prise en charge des demandeurs d'asile (hébergement et ouverture des droits à l'allocation de demande d'asile).

La cartographie des guichets uniques repose sur le schéma antérieur des points d'enregistrement des demandeurs d'asile. Le site de Calais a été fermé début 2017, suite au démantèlement du campement de la Lande.

Leur implantation immobilière est majoritairement en préfecture, sauf pour trois sites hébergés en direction territoriale de l'OFII.

En outre, face au mauvais fonctionnement de la procédure dite de Dublin - qui ne fonctionnait correctement que dans une proportion infime de cas - oblige à mobiliser des ressources importantes qui pourraient être mieux employées si les services se trouvaient libérés pour l'application d'autres procédures, une intégration de la chaîne de traitement de la procédure Dublin a été expérimentée à partir de 2017.

La procédure dite de Dublin

Lorsqu'un ressortissant étranger se présente au guichet unique de demande d'asile  GUDA (voir infra)- pour l'enregistrement de sa demande d'asile, la préfecture doit systématiquement déterminer l'État membre responsable de l'examen de cette demande. En effet, le règlement européen n°604/2013, dit règlement Dublin, prévoit qu'un seul État membre est responsable de l'examen d'une demande d'asile et décline les critères permettant d'établir cette responsabilité :

- présence de membres de la famille dans un autre État membre,

- État membre ayant préalablement délivré un visa ou un titre de séjour,

- franchissement irrégulier d'une frontière extérieure de l'espace Schengen,

- demande d'asile en cours d'examen dans un autre État membre.

Pour cela, le GUDA procède au relevé des empreintes digitales de l'intéressé sur la borne Eurodac aux fins d'enregistrement et de comparaison avec les empreintes enregistrées dans la base de données européenne. La procédure est complétée par une recherche d'informations dans la base de données VISABIO afin de vérifier les conditions d'entrée de l'intéressé sur le territoire des États-membres. Si la situation de l'usager est identifiée comme pouvant relever d'un autre État membre ou que l'intéressé a indiqué avoir de la famille dans un autre État membre (procédure Dublin), le GUDA reçoit l'intéressé en entretien individuel afin de retracer son parcours depuis le départ de son pays d'origine et recueillir tout indice ou élément de preuve susceptible de fonder la responsabilité d'un autre État membre. L'agent qui mène l'entretien s'appuie sur un formulaire dont le modèle est national. En application du règlement Dublin, cet entretien doit être mené dans une langue « dont on peut raisonnablement supposer que l'usager la comprend ce qui peut nécessiter le recours à un interprète par le GUDA.

Si au vu des éléments présentés lors de l'entretien par le demandeur d'asile ou recueillis par consultation des bases EURODAC ou VISABIO, la responsabilité d'un autre État membre peut être engagée pour l'examen au fond de sa demande, l'intéressé se voit remettre un document d'information dans une langue « dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend », au sujet de l'application du règlement Dublin. Si la brochure n'existe pas dans la langue du demandeur, l'intervention d'un interprète est requise. L'intéressé se voit également remettre une

première attestation de demande d'asile pour un mois qui sera renouvelée par la suite par période de quatre mois, jusqu'au transfert effectif de l'intéressé à destination de l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile. Le demandeur peut également être assigné à résidence avec obligation de se présenter de manière régulière auprès des forces de l'ordre compétentes territorialement. La non présentation du demandeur aux convocations en préfectures ou auprès des forces de l'ordre est considérée comme un indice de fuite dans le cadre de la procédure Dublin justifiant une prolongation du délai de transfert passant de 6 mois à 18 mois.

À l'issue du passage en GUDA, l'État membre considéré comme responsable doit être saisi dans les plus brefs délais d'une demande de prise en charge ou de reprise en charge via le réseau de communication électronique « DubliNet ». La réponse de l'État membre saisi doit être suivie : les accords traités et les refus éventuellement contestés.

En cas d'accord, explicite ou implicite, de l'État membre responsable, le demandeur d'asile doit en être averti et son transfert organisé.

La compétence du GUDA s'arrête à l'issue de l'entretien de parcours avec l'usager. Jusqu'en 2018, la préfecture de résidence du demandeur était ensuite compétente sur la suite de la procédure.

Le principe de la création d'une dizaine de pôles spécialisés pour le traitement de la procédure Dublin après enregistrement en guichet unique a été arrêté en 2017 à l'exception de l'Île-de-France. Cette régionalisation concerne les procédures Dublin engagées à la suite du dépôt d'une demande d'asile et non celles concernant des étrangers en situation irrégulière interpellés sur le territoire national et relevant de la procédure Dublin sans avoir sollicité la protection internationale de la France qui restent de la compétence de chaque préfecture. La réforme vise à assurer la cohérence de la mise en oeuvre de ces procédures sur l'ensemble du territoire ainsi qu'une complète spécialisation de la gestion de la procédure Dublin pour atteindre les objectifs fixés en termes d'enregistrement des procédures, d'amélioration de leur qualité et de réalisation des transferts. Le dispositif a été généralisé à l'ensemble des régions métropolitaines à l'exception de l'Île-de-France fin 2018. 106 ETPT ont été affectés à 11 pôles régionaux.

Le ministère de l'intérieur estime que la formule a rencontré le succès sur la base d'un différentiel entre le taux de transfert des pôles et des préfectures. En 2018, le taux de transfert métropolitain moyen était de 11,9 %. Au premier semestre 2019, il est passé à 17,1% quand pour les seuls pôles régionaux Dublin le taux a atteint 23,1%.

Le succès reste relatif, la formule créée par le ministère de l'intérieur ne pouvant pas régler l'ensemble des difficultés dues à une intégration européenne défectueuse face à un problème d'une ampleur considérable.

Votre rapporteur spécial est cependant conduit à estimer qu'une étape a été franchie pour mieux adapter les moyens aux problèmes rencontrés.

Il recommande cependant que cet effort soit poursuivi et que soient envisagés tous les moyens de garantir un professionnalisme sans faille dans le traitement des demandes.

(2) Une mission dont la performance n'est plus publiée

Le dispositif de performances du programme est totalement muet sur les réalisations des services, ce qui n'est pas acceptable compte tenu des enjeux.

Il existait jusqu'à récemment un indicateur faiblement significatif mais qui permettait d'appréhender des tendances.

Étaient suivis le délai moyen de traitement des demandes d'asile et celui des titres de séjour. En ce qui concerne ce dernier, le délai moyen de délivrance des premiers titres de séjour avait été de 126 jours en 2018 contre une cible déjà peu exigeante de 90 jours, et il avait connu une dégradation par rapport à 2017 (111 jours). Quant au délai moyen de renouvellement des titres de séjour (67,5 jours) il était très loin de la cible (30 jours).

Ces sous-performances étaient d'autant moins satisfaisantes qu'une réforme permettant d'allonger la durée de validité des titres de séjour est désormais appliquée.

En ce qui concerne les seules demandes de titre de séjour les performances communiquées à votre rapporteur spécial ne peuvent que le conduire à relever la dégradation des conditions de traitement des flux, avec une augmentation des stocks à traiter très importante.

En outre, d'autres problèmes mériteraient examen. L'accès aux procédures paraît engendrer des difficultés importantes.

Pour l'asile, l'organisation retenue pour le déploiement territorial des guichets de demande d'asile implique en soi des difficultés d'accès que la numérisation de la prise de rendez-vous paraît ne pas pouvoir aider à surmonter toujours.

Enfin, une question se pose du fait du recours à un nombre important de vacataires pour traiter les flux de demandes. Si cette politique de recrutement peut réserver des marges de flexibilité, recommandables compte tenu des incertitudes sur les flux migratoires à venir, elle peut aussi permettre de dégager quelques économies de masse salariale. Si les effectifs ont augmenté de près de 29 % entre 2016 et 2018, de leur côté, les rémunérations associées aux emplois mobilisés dans le cadre de l'accueil des étrangers sont passées de 146 millions d'euros en 2016 à 185,4 millions d'euros en 2018, soit une augmentation moins forte, de 24 %.

Cette préoccupation n'est pas condamnable en soi, mais deux limites doivent être rappelées : la nécessité de conserver à la mission sa qualité ; un objectif plus social consistant à ne pas négliger le devenir professionnel des agents.

D. LA DÉLIVRANCE DES TITRES SÉCURISÉS, UNE INÉVITABLE NUMÉRISATION AUX BÉNÉFICES ENCORE PEU APPARENTS

Alors que, dans le cadre du plan préfectures nouvelle génération, la chaîne de délivrance des titres sécurisés a fait l'objet d'une réorganisation en profondeur censée tirer parti des progrès technologiques pour obtenir des gains de productivité, une amélioration du service et des progrès d'efficacité contre les fraudes et falsifications, certaines interrogations subsistent face au bilan de ces réformes.

1. La fermeture presque complète des guichets du réseau préfectoral et la cessation forcée d'un service de proximité rendu par les communes

La numérisation du processus de délivrance des titres sécurisés s'est accompagnée d'une importante réduction des points de contact avec les usagers. Dans un premier temps, limitée aux passeports biométriques, elle concerne désormais les autres titres sécurisés, dont la carte nationale d'identité.

La fermeture des guichets du réseau préfectoral a été concomitante avec le lancement des « centres d'expertise et de ressources titres » CERT.

Un redéploiement d'emplois massif concernant 1 786,35 ETPT affectés dans les CERT à la fin de juillet a été mis en oeuvre, en recourant largement aux emplois contractuels.

Le déploiement des CERT

27 CERT cartes nationales d'identité et passeports (CNI-PSP) : Hors sites pilotes, le déploiement de l'ensemble des CERT dédiés à l'instruction des demandes de carte nationale d'identité (CNI) et de passeports sécurisés a été réalisé entre le 21 février et le 29 mars 2017, à raison d'une à quatre régions par semaine. 21 CERT sont désormais opérationnels en plus de celui de la préfecture de police de Paris 15 ( * ) et des 5 CERT Outre-mer.

21 CERT Permis de conduire (PC) et 1 CERT dédié exclusivement aux permis internationaux et étrangers : L'ouverture des CERT PC est intervenue le 6 novembre 2017, excepté pour les deux CERT pilotes : celui de Cergy, pilote départemental, a démarré son activité le 15 mai 2017, et celui de Mulhouse, pilote régional, a ouvert le 6 juin 2017. Les dossiers d'échange de permis de conduire étrangers et de demande de permis de conduire internationaux (cas particuliers) ne sont pas dématérialisés et sont traités exclusivement par le CERT de Nantes, hors demandes parisiennes traitées par le CERT de Paris .

6 CERT certificat d'immatriculation des véhicules (CIV) : L'ouverture des CERT CIV est intervenue le 6 novembre 2017, excepté pour le CERT de Besançon qui a ouvert le 2 octobre 2017 en qualité de CERT pilote. Le CERT de la Préfecture de police de Paris est spécifique puisqu'il centralise les demandes liées aux immatriculations diplomatiques de l'ensemble du territoire et le traitement de l'ensemble des autres demandes pour les personnes résidant à Paris

3 CERT ultramarins mixtes : Les CERT CIV implantés en Outre-mer sont des CERT mixtes et traitent également les permis de conduire. Ils sont implantés en Guadeloupe, à la Réunion et à Mayotte.

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ce processus s'est accompagné de la fermeture de nombreux points d'accès auparavant accessibles dans les antennes du réseau préfectoral, mais surtout dans les communes, qui se sont trouvées forcées d'interrompre les services rendus à leurs administrés.

Dans ce contexte, un report de charges sur les usagers et certaines mairies est intervenu.

La mise en place du passeport biométrique, en 2009, s'est accompagnée du déploiement de dispositifs de recueil dans un nombre réduit de mairies, dans le réseau préfectoral et les postes consulaires ou diplomatiques. Un nombre de 3 500 dispositifs de recueil ont été installés par l'agence nationale des titres sécurisés, en 2009, auprès de 2 062 communes , de l'ensemble des préfectures et de certaines sous-préfectures, et de 212 postes diplomatiques de la France à l'étranger.

Ces dispositifs ont vocation à permettre le recueil de l'ensemble des pièces constituant la demande ainsi que son envoi dématérialisé aux services instructeurs mais également le recueil des données biométriques (empreintes digitales et photographie).

Le dépôt des demandes de passeports biométriques est régi par le principe de déterritorialisation si bien qu'il n'est pas nécessaire d'être résident de la commune pour présenter une demande à la mairie de celle-ci. C'est une solution naturellement recommandable sans laquelle seuls les résidents des communes dotées de dispositifs de recueil de données pourraient ambitionner d'accéder aux titres concernés par la numérisation. Mais, cette déterritorialisation pose bien entendu des difficultés sérieuses, tant aux usagers qu'aux communes qui assument la charge du nouveau dispositif.

Quant aux charges supportées par les communes gestionnaires des dispositifs nécessaires à la formulation des demandes, elles peuvent dépasser largement les compensations prévues selon les témoignages de nombreux responsables locaux.

Ces difficultés n'ont pas ralenti le processus de numérisation que le ministère a souhaité étendre à la carte nationale d'identité.

Désormais recueillies selon les mêmes modalités techniques que le passeport, les demandes de titres d'identité ne peuvent être déposées qu'auprès de mairies équipées d'un dispositif de recueil.

Dans ce contexte, l'inspection générale de l'administration a préconisé le déploiement de 228 dispositifs de recueils complémentaires , qui viennent s'ajouter au parc déjà existant.

Le déploiement effectif a concerné 278 nouveaux dispositifs de recueil auprès de communes déjà équipées et de communes souhaitant maintenir ce service aux usagers. Par ailleurs, 250 nouveaux dispositifs de recueil sont en cours de déploiement.

Au total, seules désormais 2 157 communes se trouvent équipées de 3 833 stations, chiffre en augmentation par rapport à 2013 où 3 522 stations étaient déployées dans 2 085 communes, mais, évidemment sans commune mesure avec les plus de 36 600 points d'entrée accessibles avant la dématérialisation de la chaîne de délivrance des titres d'identité.

L'éloignement des points d'entrée est le principal problème supporté par les usagers résidant dans les dizaines de milliers de communes non équipées, d'autant que le nouveau système peut être sensible à de menues perturbations.

Cet éloignement peut aller jusqu'à remettre en cause l'égale accessibilité aux droits, inquiétude formulée par votre rapporteur spécial l'an dernier et traduite dans le dernier rapport du Défenseur des droits.

Celui-ci se fondant sur « de nombreux appels reçus sur la plateforme téléphonique » indique avoir « pu percevoir que le transfert des compétences des préfectures vers l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) s'était traduit, dans certains départements, franciliens notamment, par une fermeture prématurée des guichets avec un stock de dossiers non traités et de multiples difficultés liées à l'informatique et aux ressources humaines ».

Il recommande que lorsqu'une procédure est dématérialisée, une voie alternative - papier, téléphonique ou humaine - soit à chaque fois proposée.

Cette recommandation paraît tomber sous le sens à votre rapporteur spécial qui la fait évidemment sienne.

S'agissant de l'indemnisation, il a été décidé de compléter l'indemnisation forfaitaire déjà versée pour les passeports biométriques par une indemnité forfaitaire par dispositif de recueil pour couvrir le traitement des demandes de CNI émanant des demandeurs non-résidents.

Longtemps mal compensées, les communes ont bénéficié de l'amélioration apportée par l'article 168 de la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 qui a modifié le dispositif précédent et prévu une augmentation du montant de la dotation.

Selon les données transmises par le ministère, le total des compensations versées aux communes atteindrait 43,2  millions d'euros en 2019.

Évolution du régime des compensations financières
apportées aux communes disposant d'une station

(en euros)

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

Montant unitaire de la dotation

5 030 € par station en fonction-nement au 1er janvier de l'année

5 030 € par station en fonction-nement au 1er janvier de l'année

5 030 € par station en fonction-nement au 1er janvier de l'année

5 030 € par station en fonction-nement au 1er janvier de l'année

5 030 € par station en fonction-nement au 1er janvier de l'année

8 580 € par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année
et une majoration de

3 550 € par station ayant recueilli plus de 1 875 demandes de titres l'année précédant la répartition

8 580 € par station en fonctionnement au 1er janvier de l'année
et une majoration de
3 550 € par station ayant recueilli plus de 1 875 demandes de titres l'année précédant la répartition

Nombre de communes bénéficiaires

2 085

2 086

2 088

2 089

2 088

Nombre total de communes :

2 157 pour la dotation forfaitaire
dont 951 communes pour la majoration

Nombre total de communes :
2 292 pour la dotation forfaitaire
dont 1 317 communes pour la majoration

Nombre de stations

3 522

3 528

3 527

3 527

3 547

Nombre total de stations :

3 833 pour la dotation forfaitaire dont
1 772 pour la majoration

Nombre total de stations :

4 023 pour la dotation forfaitaire dont
2 433 pour la majoration

Montant total des crédits versés de la DTS

17 715 660

17 745 840

17 740 810

17 740 810

17 841 410

39 177 740

43 154 490

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

2. Des délais de délivrance des titres qui restent élevés, le développement d'un marché privé de délivrance des cartes grises

Le projet annuel de performances présente le raccourcissement du délai moyen de délivrance des titres (passeports biométriques, cartes nationales d'identité, permis de conduire) comme l'un des quatre objectifs les plus représentatifs de la mission.

Il est naturellement important que les titres permettant l'exercice de grandes libertés publiques et, tout simplement, l'existence quotidienne, puissent être remis aux demandeurs dans les meilleurs délais .

Force est de constater que les performances atteintes en la matière n'étaient généralement pas au niveau attendu.

Le ministère a modifié l'indicateur permettant de suivre l'atteinte de cet objectif, modification qui, outre une justification contestable, aboutit à une forte déperdition de l'information.

L'indicateur jusqu'à présent suivi permettait de mesurer la proportion de différents titres sécurisés délivrés dans des délais jugés « raisonnables » (15 jours pour les passeports biométriques et les cartes nationales d'identité, 19 jours pour les permis de conduire). Le ministère a remplacé ce suivi par celui des délais d'instruction des mêmes titres dans les CERT.

Cette substitution est justifiée par la préoccupation de ne restituer que les performances attribuables aux services ministériels, l'indicateur précédant incluant des délais considérés comme non imputables à ces derniers (dépôt en mairie, fabrication et acheminement du titre) 16 ( * ) .

Votre rapporteur spécial n'approuve pas ce changement. D'une part, il n'est pas judicieux de considérer que l'État n'a pas de responsabilité sur les opérations qui se trouvent exclues du champ de l'indicateur. Responsable de l'architecture de la délivrance des titres, il ne peut dégager sa responsabilité de quelques-uns de ces constituants. En particulier, les délais de fabrication et d'acheminement sont évidemment de la responsabilité de l'ANTS, dont il assure la tutelle. D'autre part, cette évolution tend à négliger la seule information qui compte vraiment pour les usagers, celle portant sur les délais que prend l'accès aux titres sécurisés nécessaires à leur vie professionnelle ou courante.

Il est assez peu probable que le ministère ait vraiment besoin de modifier l'indicateur publié dans le cadre de l'information budgétaire pour connaître les performances des CERT. Dans ces conditions, le changement d'indicateur semble ne ressortir que d'une intention de communication maladroite.

Si le ministère souhaite exposer les seuls résultats des activités qu'il considère comme relevant de sa seule responsabilité, rien ne l'empêche de continuer à informer les contribuables et les usagers sur les délais moyens auxquels ces derniers doivent s'attendre à être confrontés avant la satisfaction de leur demande.

Quoi qu'il en soit, le projet annuel de performances ne comporte plus aucune indication sur les délais de délivrance des titres constatés dans le passé.

Or, les opérations de délivrance des titres ont connu des dysfonctionnements réguliers.

Le projet annuel de performances pour 2019 avait exposé des objectifs plutôt peu ambitieux.

Les performances appréciées à partir du projet annuel de performances
pour 2019

Source : projet annuel de performances pour 2019

Pour l'année 2018, il tablait sur un pourcentage de seulement 85 % des titres concernés par l'indicateur délivrés sous les délais de référence.

En réalité, les réalisations ont été encore très inférieures à ces objectifs. Le rapport annuel de performances pour l'exercice 2018 en témoigne.

Les performances effectives mesurées par le rapport annuel
de performances pour 2018

Source : rapport annuel de performances pour 2018

Si les permis de conduire avaient été remis aux demandeurs dans des conditions satisfaisantes, ce dont il faut se réjouir, il n'en avait pas été de même pour les passeports et pour la carte d'identité. Dans les deux cas, les cibles avaient été manquées de beaucoup et le service rendu s'était considérablement dégradé par rapport à 2018.

Le ministère avait expliqué avoir été confronté à un flux de demandes dont l'importance n'avait pas été anticipé. Par ailleurs, sa précocité aurait surpris le ministère mis hors d'état de procéder aux recrutements des personnels vacataires qui sont embauchés pour fournir un appui aux services. D'ores et déjà, le ministère tendait à dégager sa responsabilité en indiquant que pour sa part les délais d'instruction moyen par les CERT étaient limités à 7,5 jours seulement en 2018.

Votre rapporteur prend acte de ces explications qui consistent à imputer à l'ANTS la responsabilité de retards d'autant plus étonnants que les procédés de fabrication des titres sont nécessairement très mécanisés. Il observe également que la performance des CERT aurait été supérieure à celle prévue pour 2019 et 2020 (10 et 9 jours d'instruction respectivement).

La dégradation de la performance attendue en 2019 est à nouveau motivée par un flux de demandes jugé important (+ 15 %) en lien avec le calendrier des renouvellements des cartes nationale d'identité.

Il faut espérer que cette dégradation des délais de la phase d'instruction ne sera pas amplifiée lors de la phase ultérieure de fabrication et d'acheminement des titres.

Par ailleurs, il faut tenir compte des importantes disparités territoriales qu'occulte la référence à une cible moyenne.

Elles avaient pu faire l'objet d'une présentation détaillée par département dans le rapport sur le projet de loi de finances pour 2018.

Rappel des constatations exposées en 2017

S'agissant des permis de conduire , pour le seul délai moyen de traitement des demandes de permis de conduire imputable à la préfecture (mesuré à partir du nombre de jours séparant la date de réception par le service instructeur de l'ensemble des éléments constitutifs du dossier et la date d'envoi au centre de traitement des numérisations des documents nécessaires à l'édition du titre), l'hétérogénéité est considérable. Pour une moyenne nationale en 2016 de 10,5 jours, le délai est de 1,5 jour dans le Jura et la Creuse mais de 45,4 jours en Corse du Sud (25 jours en Haute Corse). Si le flux des demandes peut jouer (ainsi, dans le Rhône, le délai est de 23 jours), il n'est manifestement pas un déterminant mécanique. En Essonne, le délai est de 3,1 jours, tandis qu'en Seine-et-Marne il atteint 21,9 jours.

De mêmes constats s'imposent en ce qui concerne la carte nationale d'identité . Pour un délai moyen de 7,9 jours en 2016 apprécié à partir d'une donnée incomplète (le nombre de jours séparant la date de réception de la demande par le service instructeur et la date d'envoi de la demande par ce service au centre de fabrication, qui n'incluent pas les délais imputables aux autres maillons de la chaîne - mairie, centre de fabrication, livraison...), on observe un délai effectif d'une journée dans le Territoire-de-Belfort, de 4,4 journées en Ardèche, mais de 39,8 jours dans le Rhône et 12,8 jours à Paris. Les performances là aussi ne semblent pas corrélées avec des données sociodémographiques, pas davantage d'ailleurs qu'avec les performances obtenues dans la délivrance d'autres titres.

Quant aux passeports biométriques , qui sont de longue date délivrés dans le cadre d'un processus de dématérialisation, l'inégale efficacité des traitements s'impose aussi comme un constat. Pour une moyenne nationale de 12,9 jours en 2016, le délai tel qu'il est suivi par le ministère était en 2016 de 30,5 jours en Auvergne-Rhône-Alpes pour 7,2 jours et 7,4 jours en Corse et dans les Hauts-de-France, respectivement.

Source : commission des finances du Sénat. Rapport sur la mission. Loi de finances pour 2018

L'an dernier le ministère avait indiqué ne plus suivre les performances du système au niveau du département du fait du déploiement des centres de ressources et expertises titres (CERT).

Votre rapporteur spécial avait déploré ce qui constituait un appauvrissement du suivi des performances et de leur restitution.

Si le suivi par département n'est plus accessible, l'information le demeure CERT par CERT, ce qui, pour avoir pour effet d'écraser les différences entre départements rappelées plus haut, permet, c'est le moins, de disposer d'une information moins agrégée que celle transmise dans la documentation budgétaire de base.

Les délais de mise à disposition des titres 17 ( * ) ressortent comme nettement dispersés.

Pour les permis de conduire , avec un délai moyen national de 14 jours, le délai va de 9 jours pour le CERT de Grasse, (14 CERT atteignant une performance égale ou meilleure que la moyenne) jusqu'à 24 jours à Lyon (21 jours à Paris), 9 CERT dépassant la moyenne nationale.

Pour la carte nationale d'identité , le délai national moyen est de 19,5 jours (hors recueil d'informations supplémentaires qui peuvent ajouter de nouveaux délais). Il s'étage entre 10,5 jours (CERT de Boulogne Billancourt) et 26,5 jours pour le CERT du Mans (les délais sont encore un peu supérieurs en Outre-Mer). Dans 11 CERT les délais sont inférieurs au délai national tandis qu'ils lui sont supérieurs dans 10 CERT.

Enfin, pour le passeport biométrique , le délai national moyen est de 18,5 jours (à nouveau hors recueil complémentaire) avec un délai minimal de 11 jours à nouveau à Boulogne Billancourt et un délai maximal de 24 jours pour le CERT de Bourges.

Pour les papiers d'identité, les CERT d'Île-de-France extériorisent de meilleurs résultats que les CERT traitant les demandes des régions, situation qui s'inverse et de beaucoup pour les permis de conduire.

Or, sauf vérification contraire, il n'y a pas lieu de supposer que les flux concernant ces titres soient hétérogènes de sorte que le calibrage des effectifs des CERT est probablement en cause.

Votre rapporteur spécial souhaite que les facteurs agissant sur la variété des performances soient identifiés et qu'il y soit remédié.

Mais, la situation la plus difficile a encore été celle des titres d'immatriculation des véhicules. La situation demeure très tendue.

Pour ces titres, les circuits de délivrance sont au nombre de trois.

Les demandes relatives aux certificats d'immatriculation sont transmises par télé-procédures, avec ou sans passage en CERT, ou réalisées directement par des professionnels dans le système d'immatriculation des véhicules (SIV).

La substitution des CERT aux guichets habituels a occasionné la constatation d'un délai moyen de 35 jours (allant même jusqu'à 38 jours pour le CERT de Poitiers) pour les demandes transitant par les CERT.

Au premier semestre 2019, ce délai atteint encore en moyenne nationale 35,7 jours (de 26,3 jours à Paris à 37,9 jours à Besançon). Le ministère nuance ces mauvais résultats en faisant ressortir que la phase d'instruction des demandes propre aux CERT se déroule dans des délais plus brefs : une moyenne nationale de 18 jours allant de 7 jours à Paris à 22 jours à Clermont-Ferrand. Les autres délais seraient imputables « à la dématérialisation (qui) induit des délais de réponse différés de l'usager, lorsque des pièces ou renseignements complémentaires lui sont demandés... ».

Comme l'indique le ministère, la numérisation et la dématérialisation des procédures ne constituent pas systématiquement un progrès d'efficacité. Ces processus sont peu adaptés dès lors que les opérations concernées sont soumises à des conditions complexes.

Incidemment, votre rapporteur spécial observe que les relations commerciales entre les consommateurs et des organismes professionnels qui inclinent à soumettre leurs clients aux fourches caudines de programmes informatiques inflexibles ont pour effet de déséquilibrer ces relations aux dépens systématique des consommateurs, évolution dont il conviendrait de se préoccuper au plus vite.

Quoi qu'il en soit, la responsabilité des délais insupportables des délivrances des titres passant par les CERT incombe au ministère de l'intérieur, qui, pour avoir mis en oeuvre des solutions plus ou moins fonctionnelles (voir infra ), doit mieux résoudre les difficultés rencontrées.

Il est heureux en toute hypothèse que la plupart des demandes puissent être traitées sans recours aux CERT : 85% des opérations réalisées sont effectuées directement dans le SIV par des professionnels, sans intervention du CERT. 10% des opérations sont traitées automatiquement par télé-procédures et ne passent donc pas en CERT (5% seulement des opérations, représentant les cas les plus sensibles ou complexes, sont instruites par télé-procédures en CERT).

Ces dernières procédures permettent de disposer d'un titre sous un délai moyen de 3,4 jours.

Votre rapporteur spécial observe toutefois que si le traitement des demandes est « gratuit » lorsque la demande est formulée auprès du service public, les conditions de tarification de la délivrance des CIV dans le circuit commercial sont libres. Interrogé sur les pratiques commerciales, le ministère n'a pas fourni d'indication complémentaire.

Il faut le regretter puisqu'aussi bien l'accès à ce marché aux intervenants commerciaux se fait sous contrôle du ministère de l'intérieur, ce dernier indiquant que le nombre des professionnels habilités est en augmentation significative. Lors de la mise en place du SIV en 2009, 14 295 professionnels ont été habilités à télétransmettre leurs opérations. Au 29 juillet 2019, on en dénombre 39 004 actifs.

Une consultation sur internet laisse supposer une facturation variable selon les commerçants mais qui n'est que rarement inférieure (hors promotion) à 30 euros. On rappelle que 13 millions de cartes grises seraient délivrées chaque années si bien que le marché correspondant pourrait représenter plus de 300 millions d'euros, soit davantage que le plafond de recettes fiscales affectées à l'ANTS pour financer son activité et un peu plus de la moitié des crédits demandés au titre de l'action n° 02 de la mission AGTE 18 ( * ) .

3. La diffusion de COMEDEC auprès des communes, une charge mal compensée

La loi de modernisation de la justice du XXI e siècle a rendu obligatoire (au 1 er novembre 2018) le dispositif COMEDEC pour les communes qui sont ou ont été siège d'une maternité. Elle contribue à la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres sécurisés et ainsi à la lutte contre la fraude documentaire.

L'application COMEDEC est une plateforme informatique d'échanges de données d'état-civil, en production depuis le 1 er janvier 2014. Elle assure la transmission dématérialisée des actes de naissance entre les communes et les centres d'expertise et de ressources titres (CERT) chargés de l'instruction des demandes de cartes nationales d'identité et de passeports.

Or, celle-ci demeurait plutôt confidentielle puisqu'au 31 août 2017, seules 366 communes étaient raccordées à ce dispositif. La situation paraît avoir évolué dans le bon sens, mais demeurent des failles.

Au 21 août 2018, 636 communes étaient raccordées à ce dispositif. L'échéance réglementaire mentionnée plus haut a accéléré le déploiement de COMEDEC : 1 226 communes y sont désormais raccordées, dont 1 008 communes disposant ou ayant disposé d'une maternité dépositaires des actes de naissance et 218 communes volontaires, couvrant ainsi 89% de la population. Si l'ensemble des communes de naissance ne sont pas encore toutes raccordées à COMEDEC, plus de 200 communes supplémentaires le sont depuis le 1er novembre 2018.

6 000 études notariales connectées , soit l'essentiel de la profession, et depuis le début de l'année 2019, près de 6,2 millions de demandes ont été traitées via le dispositif COMEDEC, soit plus de 750 000 réponses par mois. L'application facilite les démarches des demandeurs puisque 87 % des demandeurs de passeport et carte nationale d'identité n'ont plus à fournir leur acte de naissance.

Pour les communes, la gestion de l'application suscite des coûts que le mécanisme d'accompagnement prévu par le décret n°2017-890 du 6 mai 2017 relatif à l'état civil ne permet de prendre en compte que restrictivement.

Les versements effectifs n'ont débuté qu'en octobre 2018. Ils auront nécessité des délais bien trop élevés. Par ailleurs, les conditions posées tendent à désinciter les communes présentant un moindre potentiel. En effet, les versements ne bénéficient qu'aux communes générant un plancher de réponses aux demandes des notaires. Au demeurant, les versements réalisés (2 millions d'euros au total, soit 1 700 euros en moyenne par commune) posent un problème d'équilibre. Ils sont très inférieurs aux produits attendus par l'ANTS qui devraient s'élever à 13,7 millions d'euros en 2019, les efforts des communes se traduisant par un gain net pour l'État de près de 11 millions d'euros. Enfin, l'on doit regretter que le versement soit affecté d'un terme puisqu'il devrait cesser au bout d'une période de 7 ans.

4. L'équilibre financier de l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) reste, malgré certains progrès apparents, une source de perplexité

En plus des crédits de l'action n° 02 du programme 354 il faut prendre en compte les coûts de cette prestation pris en charge par l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS).

Celle-ci opère pour le compte de l'État, un certain nombre d'activités, de conception et de gestion de la fabrication et de l'acheminement des titres principalement, dont le financement n'est pas assuré par une subvention pour charges de service public, comme c'est souvent le cas, mais par l'attribution d'une partie d'un certain nombre de droits perçus auprès des usagers.

Le projet de loi de finances prévoit d'élever le plafond de l'affectation de la taxe sur les passeports pour permettre à l'ANTS de bénéficier d'une recette supplémentaire de 10 millions d'euros.

a) Le financement de l'ANTS repose sur des taxes affectées correspondant à une fraction des produits perçus par l'État à l'occasion de la mission de délivrance des titres sécurisés

Établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, l'ANTS a pour mission de développer et d'assurer la production de titres sécurisés . Initialement compétente pour les passeports électronique et biométrique, le certificat d'immatriculation des véhicules, le titre de séjour électronique, la carte nationale d'identité électronique (CNI) et le visa biométrique, l'Agence a vu ses attributions progressivement étendues à la plupart des documents officiels 19 ( * ) .

Le projet de loi de finances ne rend pas bien compte de la mobilisation des finances publiques au service de l'ANTS, non plus que de la productivité pour l'État de la gestion des titres sécurisés.

Le budget n'assure qu'une partie minoritaire des ressources de l'ANTS sous la forme du reversement à l'agence du produit de la redevance d'acheminement des certificats d'immatriculation des véhicules (32,6 millions d'euros pour 2020 comme en 2019, prévision établie sur la base de la délivrance de 11,8 millions de cartes grises).

Ces sommes suivent un circuit complexe qui mobilise la procédure d'attribution de produits rattachés au programme 354 puis une rétrocession à l'ANTS.

Surtout, le financement de l'agence sollicite les finances publiques au-delà de cette redevance puisqu'il repose sur des recettes affectées.

Le produit de ces droits affecté à l'ANTS est plafonné (en 2019 à 195 millions d'euros, pour un produit envisagé de 402 ,7 millions d'euros 20 ( * ) ) mais il s'élève à plus de 35 % des dotations en crédits du programme 354 consacrés à la délivrance des titres (17,2 % des crédits du programme).

Les taxes affectées et la redevance d'acheminement susmentionnée apporteraient, en 2019, 227,9 millions d'euros à l'agence .

Les produits affectés à l'ANTS ont été à peu près stabilisés ces dernières années en raison du plafonnement dont elles font l'objet. En revanche, les taxes perçues à raison de la délivrance des titres sécurisés ont été en forte croissance du fait de la hausse des tarifs appliqués et du volume des opérations, faisant de l'activité de délivrance des titres une source de recettes publiques dynamique.

Les taxes affectées à l'ANTS sont des droits de timbre acquittés lors de la délivrance de certains titres dont elle a la charge. La structure des produits affectés dépend des différents plafonds auxquels les affectations sont soumises.

La recette la plus productive provient du droit de timbre relatif à la délivrance des passeports biométriques (126,1 millions d'euros depuis 2017, soit plus de la moitié des recettes), sur la délivrance des certificats d'immatriculation des véhicules (36,2 millions d'euros depuis 2016). Les droits perçus sur la carte nationale d'identité (11,25 millions d'euros) arrivent loin derrière.

Les titres de séjour et de voyage des étrangers engendrent une somme très significative (14,5 millions d'euros) au vu du volume qui est le leur, nettement inférieur à celui impliqué par les autres opérations.

Les taxes affectées à l'ANTS entre 2015 et 2019

(en millions d'euros)

2015

2016

2017

2018

2019

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Produit

Plafond

Total

357,17

193,19

379,17

187,69

372,2

195,00

396,00

195,00

402,7

195,00

Passeport

257,64

118,75

259,15

118,75

276,10

126,06

301,8

126,06

307,5

126,06

Certificat d'immatriculation- Taxe de gestion

50,64

38,70

50,02

36,20

47,20

36,20

46,1

36,20

46,4

36,20

Titres de séjour et de voyage (TSVE)

19,93

14,49

16,67

14,49

19,30

14,49

16,5

14,49

16,9

14,49

Carte nationale d'identité (CNI)

20,30

11,25

20,67

11,25

19,80

11,25

22,1

11,25

22,4

11,25

Permis de conduire

8,66

10,00

11,99

7,00

9,80

7,00

9,5

7,00

9,5

7,00

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Le projet de loi de finances pour 2020 propose dans son article 27 d'élever le plafond au-delà duquel les droits perçus sur la délivrance des passeports biométriques sont versés au budget général, en le faisant passer à 137,06 millions d'euros. Les recettes affectées à l'ANTS se trouveraient ainsi augmentées de 5,6 % (+ 11 millions d'euros).

Comme on le constate dans le tableau ci-dessus, les produits affectés à l'agence ne rendent pas compte de la totalité des recettes que l'État se procure du fait de la délivrance des titres sécurisés.

En dehors des dépenses de l'ANTS revenant à la mission AGTE (voir infra ), il convient de tenir compte des produits de ces taxes reversés au budget général.

En effet, hormis pour la redevance d'acheminement, le produit des taxes attribuées à l'ANTS est plafonné comme c'est le cas général des taxes affectées dans le cadre des normes budgétaires appliquées aux opérateurs. En cas de recettes supérieures au plafond fixé chaque année en loi de finances, l'excédent est reversé au budget général de l'État.

L'information fournie par le document « Voies et moyens », annexé au projet de loi de finances relève la contribution des cinq taxes affectées à l'ANTS au financement du budget général.

Sur un produit total de 402,7 millions d'euros en 2019, l'ANTS soustrait 195 millions d'euros si bien que les taxes apportent 207,7 millions d'euros au budget général.

L'évolution des prélèvements correspondants n'est pas linéaire, dépendant du volume des opérations traitées chaque année, mais elle se caractérise par un dynamisme certain. Les recettes ont augmenté de 45,6 millions d'euros entre 2015 et 2019 (+ 12,7 %, soit environ 3 % de croissance annuelle).

Par ailleurs, l'agence dégage des ressources propres 21 ( * ) , en forte croissance mais pour un montant finalement peu significatif.

Évolution des ressources propres de l'ANTS entre 2015 et 2019

(en millions d'euros)

2015

(réalisé)

2016

(réalisé)

2017

(réalisé)

2018

(réalisé)

2019

(prévision)

Recettes diverses

2,19

7,65

7,27

8,38

16,67

Téléservices

0,09

0,12

3,21

7,15

14,30

Timbres dématérialisés

0,08

0,04

0,91

1,21

0,73

COMEDEC

0,01

0,08

2,3

5,94

13,57

Services de confiance

1,72

2,39

1,61

0,28

2,14

Innovation

0

1,92

0

0,49

0,1

Autres

0,38

3,22

0,7

0,46

0,22

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

La prévision pour 2019 ressort à 16,67 millions d'euros soit un septuplement par rapport à 2015 (+ 13,8 millions d'euros) et un quasi doublement par rapport à 2018 (+ 8,3 millions d'euros).

Même s'il n'entre pas dans la vocation d'un établissement public administratif de développer une activité commerciale, on pourrait se féliciter de cette augmentation s'il apparaissait qu'elle procédait d'une valorisation des savoir-faire de l'agence.

Or, tel ne paraît pas être la source de croissance desdits produits.

Votre rapporteur spécial souligne la contribution des téléservices à la dynamique de ces ressources. En 2018, ils ont produit 7 millions d'euros de recettes supplémentaires par rapport à 2015 et devraient apporter 7 millions d'euros de plus à l'ANTS en 2019 par rapport au réalisé de l'an dernier.

En bref, ce sont les recettes liées aux téléservices qui ont permis à l'ANTS de développer ses recettes propres.

Les prévisions pour 2019 intègrent la dynamique des produits de consultation de l'état civil dématérialisé à travers l'application COMEDEC par les notaires. L'incidence finale est sans doute reportée sur les clients, les charges notariales représentant pour eux une charge supplémentaire.

En outre, il faut remarquer que la fermeture de nombre de services assurés aux guichets des préfectures mais aussi, et surtout des mairies, s'accompagne d'une progression significative des appels téléphoniques adressés au centre de contact de l'ANTS, de la part des usagers mais aussi des mairies.

Il est précisé que la mise en place progressive de la dématérialisation de plusieurs nouveaux titres et de traitement des demandes via des CERT spécialisés s'est accompagnée d'un triplement des appels en 2017 auprès du centre de contact citoyens, progression confirmée lors du premier semestre 2018 et qui devrait se maintenir en 2019.

Ainsi, ont été comptabilisés en 2018 2 263 902 appels téléphoniques et 772 893 courriels, soit un volume d'activité si considérable que les capacités de réponse semblent avoir été débordées. Seuls 71 % des appels ont été traités (pour un taux de réponse de 71 %) tandis que 57 % des courriels ont reçu une réponse dans les 24 heures.

En 2017, la plupart des appels avaient porté sur les certificats immatriculation et les permis de conduire. La situation observée en 2018 reproduit cette structure.

L'inflation des appels a été une conséquence directe de la dématérialisation mise en oeuvre dans le cadre du PPNG.

Pour les certificats d'immatriculation, en 2017, les 4 500 appels et 2 000 courriels journaliers pouvaient être comparés aux 2 000 appels et 500 courriels avant la mise en oeuvre de PPNG ; pour les permis de conduire, les 650 courriels et 3 000 appels par jour contrastaient nettement avec la situation antérieure au PPNG (aucun appel).

Le ministère met en évidence la gratuité des communications correspondantes pour les usagers.

Il faut tempérer cet argument par deux considérations, celle du temps consacré souvent en vain par les usagers ; celle des coûts du dispositif pour l'ANTS, qui pour avoir été assumé par des redéploiements n'en compte pas moins comme une charge devant être couverte par des recettes affectées à l'ANTS et prélevées sur les demandeurs de titres sécurisés.

Délais d'attente des appels dirigés vers l'ANTS

Missions

Délai d'attente en minutes

Nombre d'appels traités

SIV

7:03

824 482

Permis

7:18

606 995

TES (passeports/CNI)

2:22

78 321

MSAP/PN

3:11

96 751

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

En 2018, les coûts des opérations correspondantes a dépassé 8 millions d'euros se répartissant comme suit :

- les dépenses de ressources humaines (6,4 millions d'euros), dont 3 873 540 euros au titre des dépenses d'intérim et 2 492 327 euros au titre des salaires versés aux téléconseillers de l'ANTS ;

- le coût de la prestation d'Intelcia 22 ( * ) : 1 544 006 euros ;

- le coût lié à la maintenance de l'outil de gestion de la relation clients : 277 013 euros.

b) Des charges difficiles à maîtriser

Les dépenses prévisionnelles de l'agence s'établissent à 242,5 millions d'euros en 2019 contre 235,9 millions d'euros pour 2018 soit une hausse de 2,8 % (+ 6,6 millions d'euros).

Les prévisions de charges traduisent un inversement de la tendance à la baisse (- 6 %) prévue en 2018.

Les charges de l'ANTS sont partiellement tributaires d'évolutions que l'agence ne maîtrise pas pleinement, qu'il s'agisse de son fait ou du contexte de son activité.

On rappelle que les charges de l'ANTS avaient connu une forte augmentation entre 2011 et 2014 (+ 32,5 %) liée principalement à la mise en oeuvre du nouveau permis de conduire au format européen ainsi qu'aux surcoûts dus à la maintenance du système d'immatriculation des véhicules (SIV), pour illustrer la volatilité des coûts qu'elle peut être conduit à supporter.

L'Europe réglemente les titres sécurisés nationaux

Le règlement (CE) No 2252/2004 du conseil du 13 décembre 2004 établissant des normes pour les éléments de sécurité et les éléments biométriques intégrés dans les passeports et les documents de voyage délivrés par les États membres modifié par le règlement (CE) 444/2009 du Parlement européen et du Conseil du 28 mai 2009 établit un ensemble de prescriptions s'imposant à la production des passeports.

L'influence des décisions européennes s'est à nouveau manifestée en 2019.

Cette sensibilité s'exerce notamment sur les investissements. Pour l'heure, la section d'investissement porte 20,2 millions d'euros de crédits de paiement en 2019, quasiment inchangée par rapport au budget précédent (mais en forte baisse par rapport à 2017, - 8 millions d'euros). Toutes dépenses confondues, les investissements occupent une place modérée dans l'ensemble avec moins de 10 % des engagements.

Le règlement n° 019/1157 du 20 juin 2019 du Parlement européen et du Conseil, prévoit l'instauration d'une carte nationale d'identité électronique (CNIe). Elle sera délivrée en France à partir de la mi-2021 (le règlement entre en vigueur le 2 août 2021). Il s'agit d'harmoniser les normes de sécurité applicables aux cartes d'identité délivrées par les États membres. Le règlement prévoit notamment un passage au format carte bancaire avec insertion d'un composant électronique.

On reconnaît là le retour d'un projet de carte nationale d'identité électronique, qui avait été abandonné, après avoir suscité d'importants coûts, à la suite de la censure partielle des dispositions de la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité par le Conseil constitutionnel.

Celui-ci n'avait pas censuré le principe d'une CNI dotée d'un composant électronique contenant l'état-civil du titulaire avec sa photographie et ses empreintes digitales, mais les dispositions afférentes à la mise en place d'une base commune aux deux titres CNI et passeport, dotée d'une fonction d'identification du demandeur à partir de ses données biométriques.

L'ANTS assurera la maîtrise d'oeuvre de ce projet, l'Imprimerie nationale assurant la production de la carte. Le projet de spécifications techniques applicables au titre ne sera validé que d'ici la fin de l'année 2019. Mais, d'ores et déjà, le ministère indique que, lors d'une réunion interministérielle qui s'est tenue le 12 octobre 2018, le gouvernement a décidé que la CNIe constituerait le support d'une identité numérique de niveau élevé.

Il conviendra de suivre l'impact budgétaire des décisions évoquées qui trouvent déjà une traduction dans la hausse du plafond des recettes affectées à l'ANTS. Dans ce cadre, les modalités de passage de la carte d'identité actuelle à la nouvelle carte d'identité électronique appellent des précisions.

Au-delà, il conviendra de veiller à ce que les modalités de l'opération respectent les principes de droit consacrés par le Conseil constitutionnel. À cet égard, l'indication selon laquelle la mise en place de cette nouvelle carte d'identité nécessitera des évolutions de l'application « Titres électroniques sécurisés » suscite une certaine perplexité si l'on se souvient des motivations de la décision du Conseil constitutionnel.

Ce nouveau projet en quelque sorte « européen-contraint » n'est toutefois pas le seul à impacter les dépenses de l'ANTS. Cette dernière mentionne deux projets significatifs.

Deux projets significatifs en cours de définition

CAPSULE : simplification des démarches de cession d'un véhicule

Accompagnant les travaux de modernisation du SIV, Capsule est une application mobile, en cours de conception, permettant à deux particuliers de déclarer la cession d'un véhicule dans le système d'immatriculation des véhicules et de réaliser la demande de changement de titulaire d'un véhicule.

L'usage d'une application mobile permettra de réaliser ces opérations directement durant la vente du véhicule en apportant la garantie aux usagers que l'opération a bien été enregistrée auprès de l'administration.

Les usagers seront guidés tout au long de la procédure et l'application informera en temps réel de la situation administrative du véhicule.

Capsule est conçue pour permettre une mise à jour du système d'immatriculation des véhicules en temps réel.

MES PAPIERS

Dans le cadre des missions que lui confie le ministère de l'intérieur, l'ANTS a initié une réflexion sur l'usage des titres qu'elle produit. Une phase d'étude a permis de définir plusieurs cas d'usages possibles d'un titre dématérialisé : le partage entre particuliers pour donner procuration ou mandat, la déclaration de perte et de vol, la présentation d'une preuve d'identité aux forces de l'ordre, le partage des droits à conduire avec son employeur ou le prêt de véhicule entre particuliers. L'ANTS a conçu un prototype (un socle technique), permettant d'envisager ces cas d'usages, dans le strict respect des obligations du RGPD et des objectifs de sécurité et de confidentialité. À titre d'illustration, l'application Mes Papiers pourrait permettre aux usagers de disposer sur leur smartphone d'une preuve de détention d'un titre physique. Les titres concernés pourraient être: le passeport, la carte nationale d'identité, le titre de séjour, le permis de conduire et le certificat d'immatriculation.

Votre rapporteur spécial, sensible à des innovations qui peuvent faciliter la vie des Français appelle à envisager avec tout le soin nécessaire la transposition de la gestion des titres sécurisés dans les univers numériques ordinaires. La banalisation des supports ne doit pas contredire l'accent mis sur la détection des fraudes documentaires.

Dans le budget initial de l'opérateur pour 2019, les charges de fonctionnement sont largement prédominantes. Elles augmentent (233,4 millions d'euros en 2019 contre 208 millions d'euros en 2018) de 12 %, ce qui est considérable. L'alourdissement de ces dépenses correspond largement aux dysfonctionnements exposés plus haut.

Quant aux dépenses de personnel, elles s'élèvent à 7,7 millions d'euros contre 7,2 millions d'euros en 2018, soit une augmentation de près de 7 %, elle aussi très substantielle.

Le plafond d'emplois de l'ANTS baisse pourtant de 3 ETPT. Il compte 134 ETPT en 2020 contre 137 ETPT en 2019 mais les effets de l'augmentation des emplois constatée en 2019 pour faire face aux dysfonctionnements des systèmes numériques de délivrance des titres sécurisés pèsent encore en 2019.

Cette structure de dépenses traduit la fonction de l'ANTS qui, outre des missions de conception et de conduite de projets, exerce essentiellement un rôle de maître d'ouvrage et de plaque tournante de distribution de titres.

Au total, l'exercice 2019 se solderait par une perte de 4,6 millions d'euros, qui, combinée avec les besoins de financement des investissements se traduiraient par une baisse du fonds de roulement de l'ANTS de 7,1 millions d'euros.

Parmi les dépenses de l'ANTS, il convient de relever le poids de celles qui sont effectuées au bénéfice du programme 354 sous forme de fonds de concours.

Le premier d'entre eux correspond au remboursement annuel des dépenses liées à la production des cartes nationales d'identité (CNI) qui reste assurée par le centre national de production des titres (CNPT) du ministère. Pour 2018, son montant maximum est fixé à 18 millions d'euros.

Évolution des remboursements de l'ANTS en direction du programme 354

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Montant annuel remboursé en million d'euros (dépenses de fonctionnement hors rémunération)

18,85

20,96

22

17,94

16,87

19,00

18,00

Production annuelle (en million de titres)

5,87

5,78

4,64

4,24

4,42

4,50

4,81

L'ANTS était également partie versante d'un autre fonds de concours, dont le niveau n'est plus précisé par les annexes budgétaires, regrettable recul de l'information budgétaire.

Il s'agit du reversement par l'ANTS au ministère de 3 euros pour chaque titre de séjour (TSE) délivré. Le reversement est prévu par une convention de juillet 2014 dans la limite de 2,29 millions d'euros. Les sommes correspondantes étaient rattachées au programme 307 via le fonds de concours n° 138. Elles sont affectées au financement des coûts immobiliers et de conduite du changement induits dans les préfectures par la mise en oeuvre des dispositifs de gestion des titres de séjour et de voyage des étrangers. Le montant du reversement a atteint 2,67 millions d'euros en 2018.

c) Des problèmes structurels demeurent

Afin de rétablir son équilibre budgétaire, l'ANTS est engagée dans une démarche de maîtrise des dépenses qui passe notamment par la réduction du coût de production des titres.

Le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) 2018-2020 signé le 6 juillet 2018 par le secrétaire général du ministère et le directeur de l'Agence fixe comme objectifs à l'agence d'améliorer la qualité du service rendu aux usagers, de renforcer l'action de l'ANTS en matière de sécurité des systèmes d'information, de protection des données et de lutte contre la fraude, d'innover dans la conceptions et la délivrance des titres et d'améliorer l'efficacité et le pilotage de l'action.

Ces objectifs ne sont assortis d'aucune perspective de renforcement des ressources de l'agence, ni d'aucune latitude nouvelle donnée à cette dernière.

Autant dire qu'ils ne sont pas financés.

Le précédent contrat (2015-2017) exigeait la diminution du coût de production du passeport de 5 % et du permis de conduire de 30 % d'ici 2017 .

Selon les données du tableau ci-dessous, qui récapitule les évolutions des coûts de production unitaire des titres produits par l'Imprimerie nationale tels qu'appréhendés par l'ANTS, ces objectifs, qui pèsent moins sur l'ANTS elle-même que sur ses partenaires, en particulier sur l'Imprimerie nationale, semblent avoir été à peu près tenus.

Néanmoins, certaines évolutions paraissent sans rapport avec les coûts qu'extérioriserait une comptabilité analytique rigoureuse puisqu'elles sont expliquées par des changements dans les conventions entre l'ANTS et l'Imprimerie nationale. Dans d'autres cas, les variations enregistrées correspondent à des modifications substantielles des cahiers des charges. Ainsi, en est-il allé pour le permis de conduire, le projet d'insertion d'une puce ayant été abandonné.

Au demeurant, le retour à une tendance haussière des coûts de production des titres amorcé en 2017 s'est installé en 2018. De 2017 à 2018, le coût de production des passeports biométriques a augmenté de 2,2 %, celui des certificats d'immatriculation de 3,7 %.

On relève la forte hétérogénéité des coûts de production des différents titres sécurisés en lien avec le niveau de sécurisation des titres mais aussi avec le volume des titres produits.

Le projet de carte nationale d'identité électronique se traduira par une nouvelle augmentation du coût de production des titres sécurisés.

Coûts de production des fournitures en titres par l'Imprimerie nationale entre 2012 et 2018

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Passeports (1)

13,30 €

13,24 €

13,47 €

13,06 €

11,94 €

12,07 €

12,34 €

Certificats d'immatriculation

0,74 €

1,04 €

1,06 €

1,06 €

1,07 €

1,07 €

1,11 €

Titres de séjour (1)

12,70 €

12,84 €

11,07 €

10,47 €

10,52 €

10,54 €

10,76 €

Visa (1)

0,80 €

0,83 €

0,83 €

0,66 €

0,66 €

0,66 €

0,68 €

Permis de conduire (2)

/

9,99 €

10,02 €

8,69 €

6,84 €

6,84 €

6,84 €

Cartes agent

/

11,59 €

11,62 €

11,58 €

11,58 €

11,58 €

11,58 €

Cartes d'accès sécurisé

/

9,39 €

9,44 €

9,41 €

9,44 €

9,50 €

9,65 €

Permis Bateau

/

/

3,19 €

3,20 €

3,19 €

3,19 €

3,19 €

Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial

Globalement, la réduction des coûts de production des titres avait eu son pendant dans l'évolution des coûts de transport. Cependant, pour ces derniers aussi, une tension se produit en 2018, avec une aggravation du coût moyen de transport des passeports biométriques de plus de 10 %. Ces coûts sont sensibles à un effet de volume. Le transport des passeports, des titres de séjour, des cartes d'accès sécurisées et des cartes agent est assuré par colis. Si la production augmente, le nombre de titres par colis augmente et les coûts moyens unitaires diminuent.

Par ailleurs, les options d'acheminement peuvent être plus ou moins coûteuses.

Les enjeux d'une réduction du coût unitaire de production et d'acheminement des titres peuvent être appréhendés à partir des prévisions de production en volume.

Ainsi, d'ici 2030, 33 millions d'anciens permis de conduire vont devoir être renouvelés et remplacés par des permis de conduire au format européen. De même, les demandes de passeport biométrique sont en augmentation : 3,88 millions de passeports devraient être produits en 2015 contre 3,78 millions en 2013 et 3 millions en moyenne les années antérieures.

Il convient de rappeler que la réalisation des titres sécurisés est un monopole confié par la loi n° 93-1419 du 31 décembre 1993 à l'Imprimerie nationale, société anonyme détenue à 100 % par l'État. L'ANTS se trouve par conséquent dans une situation particulière qui ne lui permet pas de faire jouer la concurrence.

Votre rapporteur spécial relève que le ministère semble avoir pris en compte ces données.

Dans le cadre d'une volumétrie prévisionnelle moyenne annuelle de 3,5 millions de titres, une renégociation à la baisse du prix unitaire du passeport au-delà de ce seuil prévu dans la convention a été demandée à l'Imprimerie Nationale 23 ( * ) . Pour les certificats d'immatriculation, la renégociation de la convention, en juillet 2019 devrait, à volumétrie constante, permettre un gain achat en année pleine de 2,89 millions d'euros et de 1,1 million d'euros pour la seule année 2019.

Pour les visas, une convention a été établie en juillet 2019, limitant le surcoût unitaire à + 25% contre 40 % initialement annoncé et demandant à l'Imprimerie nationale à ce qu'une renégociation à la baisse des prix unitaires intervienne sous 24 mois.

La réduction des coûts de production aurait dû s'accompagner d'une réduction des droits acquittés par les usagers. Celle-ci ne s'est pas matérialisée.

Interrogé sur la comparaison des coûts de production des titres dans les pays européens, le ministère a fourni des indications sur les tarifs appliqués. On ne peut en déduire la réponse à la question posée du fait de différences institutionnelles.

On relèvera cependant que la France pratique des tarifs très coûteux pour les passeports (près de 45 % de plus qu'en Allemagne).

A l'inverse, la gratuité de la carte d'identité ressort comme une particularité française.

Tarifs de la carte d'identité et du passeport dans différents pays européens

France

Alle-magne

Grande-Bretagne

Estonie

Dane-mark

Pays-Bas

Belgi-que

Irlande

Luxem-bourg

Autri-che

Coût
CNI

gratuite

28.80€

Pas de CNI

25€

Pas de CNI

64.44€

À partir de 12€

Pas de CNI

14€

61.50€

Coût Passeport

86€

À partir de 59€

72.50£

40€

626DKK

50.40€

65€

80€

50€

75.9€

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

On peut mettre en rapport les coûts unitaires mentionnés plus haut avec le tarif des différents droits perçus par l'ANTS.

Les tarifs demandés aux usagers ressortent comme sensiblement supérieurs aux coûts , ce qui n'est pas juridiquement injustifiable, les taxes différant des redevances pour lesquelles une proportionnalité doit être respectée entre coûts et tarifs, mais mérite d'être mieux justifié d'autant que des phénomènes de péréquation paraissent à l'oeuvre .

Les taxes affectées acquittées par les usagers suivent les tarifs suivants pour la délivrance :

- du certificat d'immatriculation : 4 euros,

- du passeport : 86 euros pour un majeur, 42 euros pour un mineur de plus de 15 ans, 17 euros avant cet âge,

- de la carte nationale d'identité : gratuité ou 25 euros à la suite d'une perte ou d'un vol,

- du titre de séjour ou de voyage des étrangers : 19 euros,

- du permis de conduire à la suite d'une perte, d'un vol ou en cas de détérioration : 25 euros.

Le poids prépondérant des recettes associées au droit de timbre à la charge des demandeurs d'un passeport biométrique dans le financement de l'agence a été souligné ci-dessus (137,06 millions d'euros, soit 57 % des ressources de l'agence).

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les conditions dans lesquelles sont fixés les tarifs des droits de timbre des différents titres développés par l'ANTS. Il observe qu'en dépit des informations transmises qui tendent à extérioriser une réduction des différents coûts unitaires supportés par l'ANTS, ses recettes, même si elles ont été globalement insuffisantes pour couvrir les charges de l'ANTS, ont connu une forte augmentation, en lien avec des volumes traités en expansion, dans un contexte où les tarifs unitaires ont eux-mêmes augmenté et laissent apparaître une forte discordance avec les coûts de chacun des titres concernés. Il convient en particulier de vérifier que les produits versés à l'ANTS par les ministères auxquels l'agence fournit des cartes agents couvrent convenablement les coûts d'une activité que l'agence entend développer considérablement.

Par ailleurs, il faut tenir compte d'un certain nombre de risques pesant sur l'ANTS.

À ce sujet, un rapport de l'inspection générale de l'administration (IGA) a préconisé l'adoption d'une politique de maîtrise des risques plus complète et plus systématique dont les recommandations doivent donner lieu à des suites effectives.

Par ailleurs, dans le contexte des réorganisations en cours visant à ôter au réseau préfectoral son rôle dans la chaîne de traitement des titres, excepté pour les titres liés à la situation des étrangers, le risque d'un transfert de charges récurrent aux dépens de l'ANTS n'est pas négligeable.

TROISIÈME PARTIE
LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE
ET LES MOYENS GÉNÉRAUX DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

I. LE FINANCEMENT DE LA VIE POLITIQUE

A. LE RETOUR DU CYCLE ÉLECTORAL

1. Une augmentation des crédits principalement liée aux élections municipales

Après avoir augmenté de 81,3 millions d'euros en 2019, les crédits du programme 232 s'accroissent à nouveau de 30,7 millions d'euros en crédits de paiement (+ 35,3 millions d'euros en autorisations d'engagement) en 2020.

Cette augmentation provient en presque totalité des crédits ouverts pour l'organisation des élections (+ 28,5 millions d'euros), le financement des partis politiques gagnant 60 000 euros, mais du fait d'un élargissement du périmètre de la mission sans profit direct pour les partis politiques (voir infra ).

Les crédits attribués à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) augmentent de 2,3 millions d'euros.

Évolution des crédits du programme 232
(2018-2019)

en millions d'euros

Ouverts en LFI pour 2019

Demandés pour 2020

Évolution 2019-2018

Action 01 - Financement des partis

68,67

68,73

0,06

Action 02 - Organisation des élections

127,2

155,7

+28,5

Action 03 - Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques

7,5

9,8

+2,3

Action 04 - Cultes

2,8

2,8

0

Action 05 - Vie associative

0,2

0

-0,2

Total programme 232

206,3

237

+ 30,7

Source : projet annuel de performances 2020

Sur les 155,7 millions d'euros inscrits au titre de l'organisation des élections en 2020 (les élections municipales, les élections sénatoriales, la deuxième consultation sur la pleine souveraineté en Nouvelle-Calédonie et, éventuellement des élections partielles), le budget provisionné pour les élections municipales absorbe 132,4 millions d'euros au total.

Le financement des élections mobilise essentiellement des dépenses hors titre 2, la répartition pour 2020 s'établissant à environ 10 % de dépenses de personnel (15,2 millions d'euros) et 90 % d'autres dépenses (140,5 millions d'euros, principalement des dépenses de fonctionnement, excepté 10,9 millions d'euros de dépenses d'intervention au profit des collectivités territoriales).

En titre 2, le programme 232 finance :

- les indemnités pour travaux supplémentaires qui correspondent aux dépenses de personnel pour les soirées électorales ;

- les frais de la commission de propagande qui recouvrent les indemnités de mise sous pli versées aux personnels de l'État effectuant cette prestation ;

- les autres indemnités qui correspondent au défraiement des personnels de l'État qui prennent part aux commissions de contrôle des opérations électorales ou qui sont chargés de recueillir les procurations à domicile.

En hors-titre 2, le programme 232 finance :

- les frais de la commission de propagande qui recouvrent des dépenses de mise sous pli et de colisage des documents électoraux confiés à des prestataires extérieurs ;

- les autres indemnités qui englobent les remboursements des frais de transports des personnels de l'État prenant part aux commissions de contrôle des opérations électorales ou qui sont chargés de recueillir les procurations à domicile ;

- le remboursement de la propagande électorale ;

-les remboursements forfaitaires aux candidats qui correspondent aux comptes de campagne validés par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) ;

- les frais d'assemblée électorale qui sont des transferts aux communes de crédits d'investissement pour l'entretien des bureaux de vote ;

- les autres frais de préfecture qui recouvrent l'achat de matériels divers ;

- l'acheminement de la propagande électorale qui correspond aux dépenses d'acheminement des plis de propagande électorale au domicile de l'électeur et des bulletins de vote aux mairies ;

- les frais de l'administration centrale qui regroupent l'ensemble des dépenses relatives aux soirées électorales, aux achats globaux de matériel électoral, au financement des dépenses liées aux Français de l'étranger et aux campagnes de communication.

La budgétisation des élections municipales rattachée à l'exercice 2020 se résume comme suit.

Programmation financière des élections municipales
(crédits rattachés à l'exercice 2020)

(en millions d'euros)

Frais de la commission de propagande

7,2

Remboursement de la propagande officielle

29

Remboursement forfaitaire aux candidats

39

Acheminement de la propagande électorale

29,5

Dépenses de personnel

14

Transfert aux collectivités

10,7

Divers frais des préfectures

3,1

TOTAL

132,4

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Ces dépenses correspondraient à un coût moyen par électeur de 3,31 euros à comparer au coût moyen par électeur pour les élections européennes 2,67 euros et pour les élections sénatoriales de 20 centimes d'euros. Pour mémoire, le coût par électeur s'est élevé à 4,35 euros pour les élections présidentielles de 2017 et à 3,72 euros pour les élections législatives.

La prévision budgétaire est difficile puisque les dépenses effectives sont appelées à dépendre du nombre des candidats et des résultats individuels acquis par ces derniers.

Quoi qu'il en soit les dépenses électorales sont soumises à des plafonds qui du fait de leur modulation associent des enjeux financiers très contrastés selon les communes.

Le tableau ci-après présente les modalités de détermination des différents plafonds pour les élections locales .

Fraction de la population de la circonscription :

Plafond par habitant des dépenses électorales (en euros)

Élection des conseillers municipaux :

Élection des conseillers départementaux

Élection des conseillers régionaux

Listes présentes au premier tour

Listes présentes au second tour

N'excédant pas 15 000 habitants :

1,22

1,68

0,64

0,53

De 15 001 à 30 000 habitants :

1,07

1,52

0,53

0,53

De 30 001 à 60 000 habitants :

0,91

1,22

0,43

0,53

De 60 001 à 100 000 habitants :

0,84

1,14

0,30

0,53

De 100 001 à 150 000 habitants :

0,76

1,07

-

0,38

De 150 001 à 250 000 habitants :

0,69

0,84

-

0,30

Excédant 250 000 habitants :

0,53

0,76

-

0,23

Source : code électoral

Pour les élections municipales, 35 760 communes (97,5 % du total) réunissent moins de 10 000 habitants formant ensemble 50 % de la population française.

Pour ces communes, le plafond moyen des dépenses électorales de chaque liste présente au premier tour est de l'ordre de 1 085 euros pour un total de 31,8 millions d'habitants.

Seules 11 communes réunissent plus 200 000 habitants représentant 5,7 millions d'habitants au total (9,1 % de la population française).

Les populations de ces communes créent un droit à des dépenses électorales pour les listes présentes au premier tour de 360 207 euros pour un total de 6 millions d'habitants. La population des communes considérées est très hétérogène ce qui rejaillit sur le plafond des dépenses électorales par commune pour une liste présente au premier tour des élections municipales, qui va de 183 000 euros à Rennes à 1,2 million d'euros à Paris.

Plafond des dépenses électorales pour les onze villes
de plus de 200 000 habitants
24 ( * )

(en euros)

Population (a)

Plafond (b)

(b)/(a)

Paris

2 210 875

1 241 514

0,56

Lyon

523 164

346 940

0,66

Lille

236 782

193 130

0,82

Marseille

870 018

530 859

0,61

Rennes

222 104

183 001

0,82

Toulouse

482 738

325 601

0,67

Bordeaux

256 045

205 453

0,80

Strasbourg

283 515

220 012

0,78

Nantes

314 611

236 493

0,75

Nice

354 998

257 898

0,73

Montpellier

286 098

221 381

0,77

Total

6 040 948

3 962 282

0,66

Source : commission des finances du Sénat sur la base des recensements de population disponibles

Comme pour les autres élections, même si c'est à un degré moindre, une part importante des coûts est imputable aux frais de propagande électorale. Le coût de la propagande est estimé à 1,56 euros par électeur, soit 47,2 % du coût total.

Pour mémoire, les coûts de propagande pèsent pour 68,5 % du coût par électeur inscrit pour les élections européennes, les proportions étant à peu près équivalentes pour les élections présidentielles (64,6 %) mais plus faibles pour les élections législatives (57,5 %).

Cette charge recouvre en réalité plusieurs opérations.

La mise sous pli et l'acheminement sont directement pris en charge par l'État tandis que les frais d'impression et d'affichage sont payés par les candidats et font l'objet d'un remboursement, conditionné à des performances électorales. Pour les élections municipales, le seuil de remboursement est de 5 % des suffrages exprimés.

Il existe une difficulté s'agissant des élections municipales dans la mesure où la prise en charge par l'État de la mise sous plis et de l'envoi de la propagande électorale aux électeurs assurée pour les communes de 2 500 habitants et plus dans le cadre des commissions de propagande ne l'est pas pour les autres communes.

Une partie de ces charges pourrait être évitée par le recours à la dématérialisation des opérations liée à la propagande électorale.

Si cette problématique est moins pertinente pour les élections municipales, elle pourrait trouver à s'appliquer dans les communes atteignant un certain niveau de population.

À cet égard, s'agissant de la plateforme de dématérialisation de la propagande expérimentée à titre volontaire pour les élections s'étant tenues en 2015 (élections départementales et élections régionales et des assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique) ainsi que pour les élections législatives de 2017, le ministère de l'intérieur estime qu' « elle a donné pleinement satisfaction. L'outil a démontré son utilité et a recueilli l'adhésion des candidats » et indique que « si la décision en était prise, le ministère de l'intérieur serait en capacité technique de mettre en oeuvre la dématérialisation de la propagande électorale pour des élections locales ou nationales » .

Le ministère de l'intérieur tend par ailleurs à faire valoir les difficultés rencontrées lors des opérations de diffusion des plis de propagande 25 ( * ) .

Ces dernières observations ne recueillent pas l'assentiment de tous, à commencer par les services du ministère de l'intérieur lui-même. Ainsi, pour les élections présidentielles et législatives de 2017, plus de 70 % des préfectures ont opté pour une externalisation de la mise sous pli de la propagande électorale à un prestataire privé sans que, pour l'élection présidentielle, les plis de propagande adressés aux électeurs aient subi des difficultés notables.

Il faut rappeler que le Parlement s'est régulièrement opposé à la dématérialisation envisagée, le vote de la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques, qui l'intégrait faisant toutefois exception.

Les Gouvernements successifs n'ont guère su convaincre de l'opportunité d'une modification qui paraît assez logique avec les évolutions de toutes sortes impliquées par la numérisation, mais concerne des opérations d'une particulière éminence dans le vie démocratique d'une Nation.

Au demeurant, le Gouvernement actuel n'a pas pris l'initiative de pousser la dématérialisation lors des prochaines élections européennes, qui auraient pu être l'occasion d'une expérimentation.

Votre rapporteur spécial encourage les progrès recherchés pour dématérialiser les procurations électorales.

Ils peuvent favoriser la participation électorale, ce qui est un objectif en soi. Le ministère de l'intérieur y voit aussi un moyen de réaliser des économies. Pour l'heure, le projet de loi de finances pour l'an prochain porte encore la trace de coûts dus à ce projet.

Enfin, il importe de veiller à ce que l'amélioration du suivi des électeurs et des conditions de leur participation aux scrutins qui a été au coeur des trois lois du 1 er août 2016 rénovant les modalités d'inscription sur les listes électorales (deux lois organiques et une loi ordinaire), à travers la mise en oeuvre du répertoire électoral unique (REU) trouvent leur pleine concrétisation 26 ( * ) .

2. Une exécution budgétaire dont la complexité ne doit pas être à aggravée par des entorses aux principes budgétaires

Les dépenses annuelles effectives du programme peuvent différer assez nettement des crédits ouverts dans la mesure où des échéances électorales à forts enjeux obligent à des examens de comptes de campagne qui exigent une certaine durée et obligent à reporter les crédits d'une année sur l'autre.

Tous les crédits ouverts en 2019 ne seront ainsi pas consommés au cours de l'année de sorte que des reports de crédits interviendront en 2020. Inversement, il est probable que tous les crédits ouverts en 2020 ne seront pas consommés au cours de l'exercice, même si les dotations inscrites en 2020 ne devraient couvrir que 83,5 % des dépenses résultant des élections municipales prévues à 158,5 millions d'euros, du fait des délais d'instruction impliqués par les élections.

En effet, le rythme de règlement des suites des élections est conditionné par les contrôles exercés sur les comptes de campagne par la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques. Le remboursement total ou partiel des dépenses retracées dans le compte de campagne, quand la loi le prévoit, n'est possible qu'après l'approbation du compte de campagne par la commission.

Celle-ci dispose, en règle générale, d'un délai de six mois pour se prononcer sur les comptes de campagne. Il faut, en outre, compter avec les contentieux dont l'issue peut être plus ou moins rapide.

Les dispositions de la proposition de loi visant à clarifier diverses dispositions du code électoral actuellement en cours d'examen parlementaire pourraient se traduire par un allongement des délais de traitement des comptes de campagne des candidats puisque le point de départ des délais imposés à la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques serait reporté à la date limite de dépôt de ces comptes (au lieu de la date effective).

Dans ce cadre, les crédits ouverts en 2019 ont fait l'objet d'aménagements. Les crédits du programme ont notamment été abondés en cours de gestion par report de crédits par arrêté du 8 mars 2019 (10,7 millions d'euros en AE et 13,9 millions d'euros en CP).

Compte tenu des mouvements réglementaires intervenus en cours de gestion, les crédits ouverts en 2019 atteignent ainsi 217,7 millions d'euros en AE et 220,2 millions d'euros en CP dont 18,2 millions d'euros de crédits de titre 2.

Une mise en réserve des crédits du programme 232 a été effectuée à hauteur de 0,5 % pour les dépenses de personnel et de 3 % pour les dépenses hors titre 2. Ainsi, les crédits disponibles sur le programme 232 s'établissent en 2019 à 214,5 millions d'euros en CP dont 18,1 millions d'euros de crédits de titre 2. Par ailleurs des transferts de crédits sont intervenus.

Le décret n° 2019-277 du 4 avril 2019 a transféré 1,2 million d'euros de crédits hors titre 2 du programme 123 intitulé « Conditions de vie outre-mer » au titre du remboursement pour 2019 de la subvention visant à financer la mission des observateurs de l'ONU dans le processus d'établissement des listes électorales en Nouvelle-Calédonie, en vue de la consultation sur l'accession de la Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté.

Si ce transfert entrant correspond à la vocation du programme 232, il n'en va pas de même du transfert sortant qui a attribué 4,1 millions d'euros en AE et en CP du programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » au programme 307 « Administration territoriale » dans le cadre du financement d'une opération immobilière à Saint-Denis.

3. Une information budgétaire incomplète

Le programme 232 ne mentionne pas de dépense fiscale qui pourrait lui être associée.

Cette omission est contraire aux prescriptions du droit budgétaire. Elle doit être corrigée.

De fait, le 3 de l'article 200 du code général des impôts prévoit que les dons aux formations politiques (voir l'article 11-4 de la loi du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique) ainsi que les cotisations versées aux partis et groupements politiques donnent lieu à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant, les dons étant pris en compte dans la limite de 15 000 euros 27 ( * ) et de 20 % du revenu imposable.

Interrogés sur la contrepartie financière de l'avantage fiscal, le ministère de l'intérieur et la CNCCFP indiquent ne pas disposer d'éléments de réponse, renvoyant à l'administration fiscale.

Il est regrettable que le ministère et l'autorité administrative indépendante particulièrement chargés de compétences de suivi des conditions de financement de la vie politique manquent à ce point d'information sur un élément pourtant majeur de leur mission.

4. Le financement des partis politiques sur crédits budgétaires entre inertie et volatilité

Le régime applicable à l'aide publique aux partis et groupements politiques est défini par les articles 8 à 10 de la loi du 11 mars 1988.

Le montant global des crédits inscrits à cet effet dans la loi de finances de l'année est divisé en deux fractions égales :

- une première fraction répartie entre les partis et groupements politiques en fonction de leurs résultats lors du dernier renouvellement général de l'Assemblée nationale ;

- une seconde fraction spécifiquement répartie entre les partis et groupements politiques représentés à l'Assemblée nationale et au Sénat.

Pour l'année 2020, un montant de 68,731 millions d'euros est inscrit, soit une augmentation de 61 000 euros.

L'enveloppe de financement des partis politiques est stable en valeur depuis 2014. L'année 2020 ne déroge pas à cette stabilité. L'augmentation prévue est attribuable à la création d'une nouvelle autorité, le médiateur du crédit aux candidats et aux partis politiques.

Évolution de la dotation prévue au titre du subventionnement
des partis politiques (2008-2020)

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Conformément à l'article 9 de la loi du 11 mars 1988, modifié par la loi n° 2014-873 du 4 août 2014, la première fraction de l'aide publique est attribuée :

- soit aux partis et groupements politiques qui ont présenté lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale des candidats ayant obtenu chacun au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ;

- soit aux partis et groupements politiques qui n'ont présenté des candidats lors du plus récent renouvellement de l'Assemblée nationale que dans un ou plusieurs départements d'outre-mer, ou à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française ou dans les îles Wallis et Futuna et dont les candidats ont obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans l'ensemble des circonscriptions dans lesquelles ils se sont présentés.

La répartition de cette première fraction de l'aide publique s'effectue proportionnellement au nombre des suffrages obtenus lors du dernier renouvellement de l'Assemblée nationale par les candidats se réclamant de ces partis.

Concrètement, le mécanisme repose sur un principe déclaratif organisé comme suit.

En vue d'effectuer la répartition de cette première fraction, les candidats à l'élection législative ont indiqué, s'il y avait lieu, dans leur déclaration de candidature, le parti ou groupement politique auquel ils se rattachaient.

Le troisième jeudi précédant le premier tour au plus tard, les partis ou groupements politiques ont déposé au ministère de l'intérieur, en vue de bénéficier de la première fraction des aides prévues à l'article 8 de la loi du 11 mars 1988 susvisée relative à la transparence financière de la vie politique, la liste complète des candidats qu'ils présentaient aux élections législatives

L'attribution de la totalité de la première fraction de l'aide publique est conditionnée au respect du principe de parité (art. 9-1 de la loi du 11 mars 1988).

Ainsi, lorsque, pour un parti ou un groupement politique, l'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe rattaché au parti dépasse 2 % du nombre total de ces candidats, le montant de la première fraction qui lui est attribuée est diminué d'un pourcentage égal à 150 % de cet écart rapporté au nombre total de ces candidats.

Par ailleurs, pour bénéficier de l'aide publique, les partis doivent avoir respecté les obligations comptables prévues à l'article 11-7 de la loi du 11 mars 1988 précitée.

La seconde fraction de l'aide publique est attribuée aux partis et groupements politiques bénéficiaires de la première fraction, proportionnellement au nombre de députés et de sénateurs qui ont déclaré au bureau de leur assemblée, au cours du mois de novembre de chaque année, y être inscrits ou s'y rattacher.

Chaque parlementaire ne peut indiquer être inscrit ou rattaché à ce titre qu'à un seul parti ou groupement.

Ces dispositions occasionnent des difficultés de gestion.

Après les élections de 2017, du fait du temps nécessaire à l'apurement du contentieux des élections législatives auquel est suspendue la détermination du montant de l'aide publique, la répartition de la dotation n'avait pu se faire en bon temps, retard pouvant mettre en difficulté plusieurs formations politiques.

Le Premier ministre avait décidé de verser une avance d'environ 50 % sur le total dû aux partis ou groupements politiques éligibles au titre de l'aide publique pour 2018, décision dont la base légale peut évidemment être discutée mais qui s'est finalement révélée utile.

Le financement public des partis et groupements politiques s'assimile à une subvention publique. Il est soumis aux règles de répétition de l'indu et de saisissabilité des subventions.

Finalement, un décret du 11 octobre 2018 a apuré la situation.

Le total du financement s'élève en 2019 à 66,1 millions d'euros , soit 2,5 millions d'euros de moins que la dotation théorique, la différence s'expliquant par la pénalisation des partis n'ayant pas respecté leurs obligations au titre de la parité.

Cette économie pérenne n'est pas prise en compte dans la programmation des crédits, qui surestime les besoins à due proportion. Cette situation est inévitable selon le ministère de l'intérieur qui fait valoir qu'intégrer la réfaction au stade de la programmation conduirait mécaniquement à pénaliser les partis politiques ayant respecté leurs obligations.

Cependant, cet argument est de moindre portée en exécution.

Votre rapporteur spécial suggère à nouveau que le Gouvernement affecte ces disponibilités à des actions en faveur des droits des femmes.

Cette initiative ne revient pas dans l'esprit de votre rapporteur spécial à assimiler les dépenses de soutien aux partis politiques à des actes répondant à un quelconque « entre soi ».

Bien au contraire, le financement de la vie politique obéit à des principes éminemment louables dans une démocratie qui se veut à la fois vivante et égalitaire.

À cet égard, le gel des dotations depuis 2014, qui est une mesure d'exception lui semble relever davantage d'une forme de démagogie frisant le populisme que d'une vision claire et saine des besoins d'un forum démocratique dans lequel les formations politiques jouent un rôle primordial du fait même de leur objet.

Ce n'est pas à dire que rien ne doive évoluer dans le mécanisme de soutiens aux formations politiques

En l'état, il rappelle les éléments de répartition observés ces dernières années.

Il en ressort que si les partis politiques s'étaient vus longtemps attribuer une fraction globalement stable des subventions financées par le programme, par contraste, les résultats des élections législatives du mois de juin 2017 ont entraîné de profondes modifications.

À titre d'exemple, on mentionnera que les 22,5 millions d'euros attribués à « En Marche ! », organisation de création très récente, se sont accompagnés d'une réduction des soutiens de « Les Républicains » de 5,8 millions d'euros, et de 18,7 millions d'euros pour le parti socialiste (respectivement, - 31 % et 74 % des subventions de 2017). Dans ce contexte, la stabilité du financement accordé au rassemblement national peut également être relevée.

La sensibilité du financement de partis politiques qui, pour nombre d'entre eux, sont inscrits dans l'histoire politique et parlementaire longue du pays, à des évènements politiques dont la pérennité n'a par définition pas été démontrée peut être considérée comme excessive au regard de la réalité de structures politiques auxquelles l'histoire a conféré une forme de consécration.

Compte tenu d'une certaine volatilité de l'opinion publique, il pourrait être envisagé de lisser des évolutions ponctuelles en introduisant une troisième fraction dans l'enveloppe de financement des formations politiques, qui, à ce jour, néglige complètement la composante territoriale de la vie politique.

5. Les difficultés d'accès des partis politiques au crédit, une faible empreinte sur le projet de budget pour 2020

Le projet de budget intègre une somme de 61 000 euros en lien avec la création du médiateur du crédit aux candidats et partis politiques.

L'institution en question est nouvelle.

Il n'est pas certain qu'elle permette de surmonter les difficultés rencontrées par les emprunteurs, aucune compétence de coercition n'étant confiée au médiateur pour obvier aux décisions de principe de grandes banques de refuser tout financement à des candidats ou formations politiques ou à certains d'entre eux.

Votre rapporteur spécial tend à reconnaître que la question de l'accès au crédit, éventuellement liée à celle d'une meilleure maîtrise des dépenses de campagne électorale, mérite une solution sans doute plus décisive.

B. LES MOYENS DE LA COMMISSION NATIONALE DES COMPTES DE CAMPAGNE ET DES FINANCEMENTS POLITIQUES

Le rôle de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a sollicité une certaine attention au cours de l'année en raison des rendez-vous électoraux de 2017.

A ce stade, il convient de relever que les dispositifs adoptés en 2017 au titre de la confiance dans la vie politique comportent un élargissement des points de vigilance de la commission, mais aussi de ses prérogatives.

Les principales dispositions susceptibles d'exercer des effets
sur la charge de travail de la CNCCFP

Contrôle du financement des partis politiques

L'article 25-I-12° de la loi pour la confiance dans la vie politique a sensiblement modifié l'obligation de publicité des comptes des partis politiques. Ainsi, à compter de l'exercice 2018 (comptes déposés au 1 er semestre 2019), la publication des comptes annuels des partis politiques devra comporter «le montant consolidé des emprunts souscrits, répartis par catégorie de prêteur et types de prêts, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales et les flux financiers nets avec les candidats ». En outre, la mention du caractère sommaire de cette publication a été supprimée de l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988.

Cette publication nécessitera la collecte et l'analyse d'un nombre beaucoup plus important d'informations par les agents de la commission.

Les articles 25-I-6° et 25-I-13° de la loi pour la confiance dans la vie politique dispose que, désormais, seul le mandataire (personne physique ou association de financement) peut percevoir des ressources pour le parti, et non seulement les dons de personnes physiques.

Par suite, la problématique des standards minimaux de présentation et de format des justificatifs de recettes va se renforcer dès lors que l'ensemble des ressources devra transiter sur le compte bancaire du mandataire.

Il faudra notamment pouvoir distinguer sans difficulté les dons et les cotisations ouvrant droit à réduction d'impôt des autres recettes. Sans la mise en place d'une présentation standardisée minimale des pièces justificatives, le contrôle par la commission du respect des règles de perception des dons et cotisations serait très difficile.

Selon la réponse transmise à votre rapporteur spécial, « la charge de travail va être considérablement accrue sans impact sensible sur l'efficacité réelle du contrôle ».

En application des dispositions de l'article 25-I-12° de la loi précitée, modifiant l'article 11-7 de la loi 88-227 du 11 mars 1988, le périmètre des comptes d'ensemble des partis devra désormais inclure obligatoirement les comptes de leurs organisations territoriales dans des conditions ultérieurement définies par décret.

Au regard du décret et de la définition du périmètre comptable retenue, le contrôle du respect des obligations comptables ainsi que la publication des comptes par la commission induiront une charge de travail supplémentaire importante.

La révision des articles 11-3-1 et 11-4 de la loi du 11 mars 1988 issus par la loi pour la confiance dans la vie politique prévoit un strict encadrement des prêts consentis aux partis politique par des personnes physiques ou morales.

Les nouvelles dispositions de la loi pour la confiance dans la vie politique concernant les prêts induiront un travail d'instruction très conséquent. En effet le pôle parti politique devra s'assurer que les termes de la loi et du contrat de prêt sont bien respectés. L'état de remboursement des prêts devra en outre être suivi par les services de la commission pendant 5 années maximum.

Contrôle des comptes de campagne

- L'article 4 de la loi n° 2017-286 6 mars 2017 ainsi que le 5° de l'article 26 de la loi pour la confiance dans la vie politique ont sensiblement modifié l'obligation de publicité des comptes de campagne.

Ainsi, l'article L. 52-12 modifié du code électoral, aux termes duquel la commission doit assurer la publication des comptes de campagne prévoit que pour les élections qui se dérouleront postérieurement au 31 décembre 2017, cette publication, d'une part, devra comporter les « montants consolidés des emprunts souscrits par le candidat ou le candidat tête de liste [...] , répartis par catégorie de prêteur et types de prêts, et pays d'établissement ou de résidence des prêteurs, ainsi que l'identité des prêteurs personnes morales » et, d'autre part, ne sera plus effectuée dans une forme simplifiée. La commission devra également assurer cette publication dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Ces dispositions nécessiteront une modification de l'application informatique sur laquelle les rapporteurs auprès de la commission saisissent les informations déclarées par le candidat dans le compte et ses annexes et induiront un lourd travail de mise en forme, par le service des systèmes d'informations et de la sécurité lors de la publication.

- L'article 26 I-1° de la loi pour la confiance dans la vie politique prévoit un strict encadrement des prêts consentis à des candidats par des personnes physiques pour le financement de leur campagne. Cet article prévoit qu'un décret en Conseil d'État précise « les conditions d'encadrement du prêt pour garantir que ce prêt ne constitue pas un don déguisé ».

Par suite, dans le cas où ledit décret prévoirait un contrôle, en aval de la décision de la commission, de l'exécution du remboursement de ces prêts, ce contrôle induirait une charge de travail supplémentaire importante. En effet les services de la commission devront s'assurer que les termes de la loi et du contrat de prêt sont bien respectés. L'état de remboursement des prêts devra en outre être suivi par les services de la commission pendant 5 années maximum, la loi imposant aux candidats de communiquer l'état du remboursement des prêts chaque année.

Source : commission des finances du Sénat d'après la réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Par ailleurs, il faut tenir compte des mesures prévues par la loi n° 2016-508 du 25 avril 2016 de modernisation de diverses règles applicables aux élections, l'article L. 52-14 du code électoral dispose que la CNCCFP peut « recourir à des experts à même d'évaluer les coûts des services et des prestations retracés dans les comptes de campagne et de l'assister dans l'exercice de sa mission de contrôle mentionnée à l'article 11-7 de la loi n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière de la vie politique ».

Cette possibilité a été mise en oeuvre, selon les termes de la réponse adressée l'an dernier au questionnaire de votre rapporteur spécial, à l'occasion de l'examen des comptes des candidats à l'élection présidentielle de 2017.

Le recours à des experts est certainement utile, mais pour l'être tout à fait, il doit pouvoir faire l'objet d'un suivi attentif de la part du commanditaire.

Or, celui-ci nécessite, notamment, des moyens, qui n'apparaissent pas dans le projet de budget.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit des renforts de 7 ETPT pour répondre aux besoins d'instruction des comptes de campagne liés aux élections municipales et accompagner la numérisation des transmissions de ces comptes.

Le nombre des ETPT passera ainsi de 51 à 58.

Les emplois sont composés de personnels permanents (43) auxquels s'ajoutent des recrutements temporaires destinés à faire face aux pics d'activité que connaît la commission en fonction du calendrier électoral.

Par ailleurs le projet annuel de performances indique que des emplois sont prévus afin de procéder à l'anonymisation des comptes de campagne, dans la perspective des demandes de communication prévisibles.

Cette dernière indication mériterait d'être précisée. Plusieurs décisions juridictionnelles sont intervenues pour conforter la communicabilité des comptes de campagne sans exigences générales d'anonymisation.

En la matière, seules les coordonnées bancaires des candidats et les indications sur la durée et le niveau du taux d'intérêt demandé doivent être rendues secrètes, en attendant peut-être d'autres décisions d'espèce.

Votre rapporteur spécial appelle l'attention sur l'impérieuse nécessité de procéder à une formation rigoureuse des chargés de mission destinés à rapporter sur les comptes de campagne des candidats.

Sur ce point le projet de budget ne paraît réserver aucun moyen complémentaire vraiment appréciable.

II. LE PROGRAMME 216 « CONDUITE ET PILOTAGE DES POLITIQUES DE L'INTÉRIEUR », UNE RECONFIGURATION DE GRANDE AMPLEUR, UNE MAÎTRISE OPÉRATIONNELLE PERFECTIBLE DE CERTAINES FONCTIONS

A. UNE RECONFIGURATION DE GRANDE AMPLEUR, DES ÉCONOMIES IMMOBILIÈRES

1. Un renforcement des personnels d'état-major et des crédits de fonctionnement des systèmes d'information et de communication

Le volume du programme 216 est majoré d'un coefficient de 1,45, passant de 973,7 millions d'euros de crédits en 2019 à 1 412,2 millions d'euros de crédits en 2020.

Le plafond des emplois est rehaussé de 4 356 ETPT et passe à 11 775 ETPT en 2020 contre 7 416 ETPT en 2019.

Les emplois intégrés au programme représentent 242,7 millions d'euros de masse salariale supplémentaire tandis que les autres crédits transférés se montent à 215,9 millions d'euros essentiellement au titre des moyens nécessaires au fonctionnement des services.

Ces opérations traduisent plusieurs projets dont, principalement :

- la création d'un service ministériel d'achat (le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique- SAILMI-) par intégration de différents agents de services correspondants portés par les programmes « Gendarmerie nationale » et « Police nationale », les crédits de fonctionnement nécessaires étant laissés sur ces programmes ;

- la constitution d'une direction du numérique qui implique des transferts de crédits hors titre 2 ;

- la création de l'agence nationale de cohésion des territoires (30 ETPT, pour 2,45 millions d'euros) ;

- et, surtout, le transfert des effectifs et autres moyens des secrétariats généraux pour l'administration du ministère de l'intérieur (les SGAMI) en provenance du programme 176 «Police nationale ».

2. Les autres dépenses non touchées par les réorganisations exposées ci-dessus prévues en baisse, notamment les dépenses immobilières

Les crédits des autres actions sont en réduction.

Symboliques pour certaines (voir les dépenses de contentieux ci-dessous), les baisses sont plus substantielles en ce qui concerne les affaires immobilières . Les dotations déclinent de 19 millions d'euros, soit - 14 %. Ces dépenses recouvrent les implantations parisiennes et dans la « petite couronne ». Elles ne représentent qu'une partie des dépenses immobilières de la mission qui englobent aussi les dépenses immobilières de l'administration territoriale, ces dernières étant considérées dans la dernière note d'exécution budgétaire de la Cour des comptes pour 2018 comme une source de fortes préoccupations. Si l'administration centrale ne mobilise qu'une partie des dépenses immobilières, elle reste élevée. À titre d'exemple, les frais de fonctionnement immobilier s'élèvent à 89 millions d'euros en administration centrale contre seulement 28,9 millions d'euros dans les territoires (en 2019). Pour 2020, la baisse des crédits est attribuable à la réduction des investissements.

La baisse des crédits réservés au fonds interministériel de prévention de la délinquance se poursuit. L'an dernier, elle avait été expliquée par une réduction du format des centres de réinsertion et de prévention de la délinquance dans le contexte de la mise en place d'une nouvelle stratégie. Le plan présenté en février 2018 suppose 13,8 millions d'euros de crédits, 18,2 millions d'euros étant par ailleurs consacrés à la sécurisation de sites contre des actes terroristes. Le reste des interventions du fonds subira une contrainte renforcée, même si des recoupements peuvent exister. Votre rapporteur spécial relève la sous-représentation des zones de gendarmerie dans les équipements financés par le fonds. Cette situation peut s'expliquer par des besoins particuliers aux zones de police, mais il conviendra d'être attentif aux suites réservées aux engagements pris d'un rééquilibrage.

B. UNE GESTION DES PROJETS INFORMATIQUES À AMÉLIORER

Quant aux systèmes informatiques , l'année 2018 a été marquée par une réduction des charges correspondantes (- 10 millions d'euros, soit - 12,2 %). L'explosion des dépenses informatiques en 2017 passées de 543 euros par poste en 2016 à 1 537 euros a fait place à un retour à un niveau de dépenses moins inhabituel (743 euros) mais qui paraît élevé.

En outre, de nouvelles charges très lourdes devraient être supportées à l'avenir. Le projet de réseau radio du futur qui s'intègre dans la démarche initiée par le comité « Action publique 2022 » n'a « coûté » qu'un million d'euros en 2018 mais est évalué au total à 166,3 millions d'euros.

De façon générale, on constate une forte dérive des coûts des projets par rapport aux estimations initiales. Ainsi, le projet France visas a vu l'estimation de son coût plus que doubler (54 millions d'euros contre 20 millions d'euros à l'origine). Il en est allé de même du prjet ANTARES dont le coût a été porté à 142,8 millions d'euros (contre une estimation initiale de 118,6 millions d'euros).

C. DES DÉPENSES DE CONTENTIEUX À NOUVEAU SOUS-BUDGÉTÉES ?

Les crédits destinés à couvrir l'activité juridique et les charges de contentieux du ministère de l'intérieur atteignent 80 millions d'euros, comme l'an dernier.

Cette ligne de dépenses, qui, dans un passé récent a fait l'objet de sous-budgétisations récurrentes aux effets très déstabilisants pour les gestionnaires de la mission, reste fixée à un niveau élevé, qui semble traduire une efficacité, seulement relative, des mesures mises en oeuvre pour réduire les coûts des contentieux ouverts contre le ministère de l'intérieur.

La budgétisation pour 2020 est soumise à un aléa important en lien avec les événements de la fin d'année 2018 et du premier semestre 2019. Les manifestations hebdomadaires des « Gilets jaunes » se sont accompagnées d'une multiplicité de graves incidents susceptibles d'engager la responsabilité de l'État et, en particulier, du ministère de l'Intérieur.

Les crédits programmés semblent ne prendre en compte ces enjeux que modérément.

1. Une programmation budgétaire fragile

Jusqu'en 2013, l'action 6 du programme 216 qui finance les frais de contentieux et les dépenses de protection des fonctionnaires était dotée en loi de finances initiale d'un budget annuel de près de 80 millions d'euros, comme ce sera à peu près le cas l'an prochain, les crédits étant symboliquement réduits de 500 000 euros (79,5 millions d'euros).

Ce montant avait sensiblement diminué à partir de 2014. En particulier, les crédits avaient baissé de manière significative en 2016, de 23,7 % par rapport à 2015 pour être budgétés à hauteur de 49 millions d'euros.

Le rapporteur spécial de la commission des finances, notre collègue Hervé Marseille, avait jugé cette baisse inquiétante, rappelant que ces dépenses font l'objet d'une sous-budgétisation chronique . De fait, les dépenses de l'exercice ont atteint 84,1 millions d'euros. Pour 2017, votre rapporteur spécial avait, à nouveau, appelé l'attention sur le risque de devoir constater une fois encore en 2017 une consommation nettement plus forte que les dotations ouvertes en loi de finances initiale. Ce risque s'était concrétisé puisque, face à des crédits de 55 millions d'euros ouverts en début d'année, les dépenses avaient alors atteint 139,3 millions d'euros. Les dépenses constatées en 2018 ont à nouveau dépassée les prévisions. Pour 80 millions d'euros d'ouverture de crédits, elles se sont élevées à 91,5 millions d'euros.

C'est ainsi, dans le contexte d'une sous-budgétisation chronique des dépenses de contentieux qu'il convient d'apprécier la dotation demandée pour 2020 au titre de cette action .

Elle est calée sur l'hypothèse d'un retour à un niveau de charges significativement inférieur à celui constaté ces dernières années (115,5 millions d'euros en moyenne annuelle en 2017 et 2018) et inférieur de 11,5 millions d'euros par rapport à la dernière exécution connue.

Elle suppose notamment que des contentieux exceptionnels n'interviennent pas, que certaines dépenses usuelles rétrogradent (voir infra ), mais aussi, en l'absence d'informations sur d'éventuels ajustements demandés dans le collectif de fin d'année, que les crédits disponibles en 2019 couvrent la totalité des besoins.

Une budgétisation adaptée des dépenses de contentieux recèle des enjeux qu'il convient de rappeler.

La sous-budgétisation des dépenses de contentieux n'est pas sans effets très regrettables.

L'exécution budgétaire, et jusqu'à la sincérité budgétaire même, s'en trouvent très altérées.

L'insuffisance des crédits contentieux votés en loi de finances initiale conduit, de manière récurrente, à une impasse budgétaire nécessitant des ouvertures de crédits en cours de gestion (mobilisation de la réserve de précaution, décret d'avance, loi de finances rectificative), opérations multiples aux fins de compléter la dotation initiale peu satisfaisante et ne permettant pas au demeurant à la démarche de performance mise en place par la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) de produire tous ses effets. Elle entraîne par ailleurs des difficultés importantes en termes de pilotage :

- elle engendre de la part de certaines unités opérationnelles (UO tels que les préfectures et SGAMI) un manque de sincérité dans la prévision budgétaire, les UO surestimant très largement leurs besoins sachant que la DLPAJ ne pourra leur déléguer qu'une fraction restreinte de l'enveloppe demandée ;

- elle oblige à des reports de charges importants d'un exercice budgétaire sur l'autre qui nuisent à la sincérité budgétaire de l'action (le report de charges est passé de 19,2 millions d'euros en 2016 à 30,2 millions d'euros en 2017), ainsi qu'en juge très ouvertement le ministère de l'intérieur dans sa réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.

Prolongeant son analyse, le ministère de l'intérieur abonde dans le sens des observations régulières de la commission des finances du Sénat en faisant valoir les dommages nombreux liés à la sous-budgétisation des dépenses de contentieux.

C'est ainsi que celui-ci mentionne les conséquences :

- sur l'exécution des décisions de justice puisqu'il faut parfois attendre plusieurs mois pour qu'un contentieux fasse l'objet d'un règlement, situation qui nuit à l'autorité de la chose jugée et, finalement, à la confiance des usagers du service public judiciaire ;

- sur la soutenabilité du programme lui-même puisque le défaut de disponibilité des crédits conduit au paiement d'intérêts moratoires ou de pénalités (liées par exemple aux astreintes décidées par le juge) et pénalise la conclusion de transactions amiables (en refus de concours de la force publique notamment) qui permettent à l'État d'éviter les frais et la durée des procédures juridictionnelles ;

- sur l'équilibre financier des créanciers du ministère de l'intérieur (cas de cabinets d'avocats notamment en protection fonctionnelle, fonctionnaires ou tiers blessés dans le cadre d'accidents de la circulation) ;

- sur la crédibilité des engagements pris par l'État , mais, plus largement, sur son autorité même.

Sous ce dernier angle, votre rapporteur spécial souligne encore que certaines charges témoignent en tant que telles d'un affaiblissement de l'autorité de l'État.

L'importance des coûts résultant des difficultés rencontrées dans le cadre des troubles à l'ordre public traduit un certain affadissement de ce point de vue dont témoigne également l'ampleur considérable des agressions dont sont victimes les fonctionnaires. Selon le ministère, 25 000 fonctionnaires de police sont régulièrement victimes d'agression, dont 10 000 se plaignent d'agressions physiques.

L'évaluation du besoin en matière de frais de contentieux est, sans doute, délicate, compte tenu de la nature aléatoire de ces dépenses du fait du rythme d'examen des dossiers par les juridictions, d'évolutions de la jurisprudence et du caractère impondérable et contraint de certaines demandes (dommages liés aux attroupements et rassemblements ou aux dépenses en matière d'accidents de la circulation).

Le niveau de la dépense a subi depuis 2010 d'importantes fluctuations ainsi que le montre le graphique ci-après.

Évolution des dépenses de contentieux

en millions d'euros

Source : ministère de l'intérieur

En toute hypothèse , le montant des crédits inscrits pour 2020 reste inférieur de 23,7 millions d'euros à la moyenne des dépenses effectuées au cours des trois derniers exercices clos (103,7 millions d'euros).

Ce constat ainsi que les risques mentionnés suscitent des interrogations sur la capacité des moyens demandés à couvrir les besoins.

2. Les principales catégories de dépenses contentieuses illustrent la diversité des risques juridiques pesant de manière croissante sur le budget du ministère de l'intérieur

Les déterminants des dépenses contentieuses (figurés dans les graphiques ci-après) sont divers et représentent chacun une charge budgétaire ascendante, que la programmation budgétaire pour 2020 ne prolonge pas.

Structure des dépenses de contentieux entre 2014 et 2017

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Les principaux postes recouvrent :

- des dépenses d'indemnisations liées aux refus de concours de la force publique (RCFP), qui reste l'un des premiers postes de dépense. La dépense élevée de 2017 (42,05 millions d'euros) a été suivie d'une réduction (33,4 millions d'euros), enjeu qui devrait être stabilisé en 2019.

Ces charges relèvent pour une assez large partie des dispositions mises en oeuvre pour prévenir les expulsions locatives.

Votre rapporteur spécial relève que le ministère de l'intérieur supporte à ce titre des dépenses sur lesquelles il n'exerce aucune réelle maîtrise.

Dépenses au titre des refus de concours de la force publique

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

- des dépenses en matière de protection fonctionnelle des fonctionnaires , composées d'honoraires d'avocats et des indemnisations versées aux fonctionnaires victimes en réparation des préjudices subis. Cette dépense (12,4 millions d'euros en 2016 et 20,8 millions d'euros en 2017) est soumise à de fortes tensions liées notamment à l'augmentation des demandes de protection fonctionnelle. En 2018, les dépenses ont augmenté de 12,6 millions d'euros, soit plus de 50 % de charges supplémentaires, contre une prévision de 16,5 millions d'euros.

Pour 2019, la programmation budgétaire est fondée sur un socle très inférieur aux prévisions révisées (15 millions d'euros contre 33 millions d'euros).

Le mouvement des « gilets jaunes » a d'ores et déjà entraîné une augmentation des octrois de protection fonctionnelle (+35 % au 1er trimestre 2019 par rapport au 1er trimestre 2018) qui vont impacter ce poste de dépenses pour les mois et les années à venir.

La DLPAJ mène actuellement une action visant à chiffrer cet impact budgétaire et à estimer le surcoût pour l'action 6 du programme 216.

Dépenses au titre de la protection fonctionnelle des fonctionnaires

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

- des dépenses en matière de contentieux des étrangers, constituées principalement d'honoraires d'avocats représentant l'État devant les juridictions judiciaires et administratives et de frais irrépétibles (12,23 millions d'euros en 2016 ; 19,05 millions d'euros en 2017 pour une prévision de 18,6 millions d'euros). Selon les informations du ministère de l'intérieur transmises l'an dernier, cette dépense peut être appelée à augmenter dans le contexte d'évolution des lois et règlements. S'inspirant sans doute de l'exécution 2018 en ligne avec une prévision de dépense de 16,1 millions d'euros, la programmation pour 2020 ne semble pas traduire cette perspective.

Dépenses au titre du contentieux des étrangers

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

- des dépenses en matière d'accident de la circulation (9,99 millions d'euros en 2016 ; 10,9 millions d'euros en 2017 pour une prévision de 9,4 millions d'euros). Cette dépense est globalement stabilisée malgré des contentieux à fort enjeu financier et une accidentalité importante des flottes opérationnelles du ministère de l'intérieur. La prévision pour 2019 pourrait être débordée au vu des décaissements réalisés au cours du premier semestre qui ont absorbé près de 80 % des provisionnements.

Dépenses au titre des accidents de la circulation

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

- des dépenses relatives à la mise en cause de l'État dans le cadre d'attroupements (3,40 millions d'euros en 2016 ; 0,9 million d'euros en 2017). Cette dépense représente traditionnellement une faible partie des charges de contentieux.

Toutefois, elle pourrait devoir mobiliser des sommes très lourdes suite aux graves troubles engendrés par les manifestations sur la voie publique en 2018 et 2019.

Dépenses au titre des attroupements

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

L'alourdissement des dépenses au titre des attroupements,
un autre « effet des Gilets jaunes »

Les dépenses en matière d'attroupements vont être impactées lors des exercices à venir par les dommages consécutifs au mouvement des gilets jaunes et des éventuels contentieux en découlant. L'estimation du risque financier lié au mouvement des gilets jaunes s'élève à 86 millions d'euros au 13 août 2019 . Ce chiffre est néanmoins provisoire et pourrait subir d'importantes évolutions en fonction de la stratégie des assureurs en la matière. Il correspond en outre à un risque financier impactant plusieurs exercices budgétaires (2019 à 2022 voire au-delà en fonction de la longueur des procédures contentieuses). La loi d'écoulement de ces dossiers n'est en effet pas évidente à établir, d'une part car l'indemnisation est, dans la plupart des cas, d'abord effectuée par les assureurs qui mèneront par la suite une action subrogatoire contre l'État (qui est seulement enfermée dans le délai de prescription quadriennale) et d'autre part car la proportion des dossiers qui feront l'objet d'une indemnisation amiable et ceux qui donneront lieu à des contentieux devant le juge administratif (avec les différents degrés de juridictions) ne peut être établie avec précision à ce jour.

Le ministère de l'intérieur a mis en place un mécanisme de veille et de suivi des demandes d'indemnisation pouvant être formulées à ce titre. Votre rapporteur spécial l'approuve dans ses grandes lignes tout en appelant l'État à ne pas éluder les responsabilités qui pourraient être reconnues.

- des dépenses pour les « autres mises en causes de l'État » , ce poste pouvant, certaines années, et sur un nombre restreint d'affaires, générer des dépenses importantes (20,22 millions d'euros en 2016 ; 20,8 millions d'euros en 2017). Les crédits consommés en 2018 ont baissé et la prévision pour 2019 poursuit sur cette trajectoire.

Il faut s'en féliciter dans la mesure où les charges en question sont souvent liées à des contentieux relatifs à des dotations aux collectivités territoriales

Dépenses au titre des « autres mises en cause de l'État »

(en millions d'euros)

Source : réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

3. Un ensemble de mesures correctrices aux suites encore aléatoires et qui ne doivent pas sacrifier certains principes
a) Un enrichissement de la maquette de performances du projet annuel de performance assombri par une déperdition d'information

Un objectif d'optimisation de la fonction juridique du ministère figure traditionnellement au projet annuel de performances du programme 216. L'année 2019 introduit une innovation en ajoutant un indicateur utile à la maquette de performances avec l'inclusion dans la maquette de performances d'un indicateur relatif aux coûts moyens de la fonction juridique du ministère de l'intérieur.

Il offre une information intéressante, qui pourrait être encore améliorée par une meilleure explicitation du périmètre des coûts engagés, qui, en l'état des explications fournies, laisse subsister des interrogations et par la présentation, en complément, d'une ligne globalisant le coût moyen pondéré.

On relève, au demeurant, peu d'évolutions d'une année sur l'autre à partir de 2018, ce qui tend à restituer une forme d'inertie des coûts par dossier, invitant à porter la priorité sur la diminution des volumes d'affaires.

Quant au taux de réussite des services déconcentrés (préfectures et SGAMI) devant les juridictions administratives et judiciaires, il continue de poser des problèmes méthodologiques, qui ne résident pas seulement dans l'absence d'information sur l'issue des recours hiérarchique ou gracieux formés par les demandeurs.

Votre rapporteur spécial s'interroge toujours sur la significativité d'un indicateur qui compte au nombre des décisions gagnées aussi bien les rejets des demandes des administrés que leurs désistements et les annulations seulement partielles des positions de l'administration.

Par ailleurs, l'on doit à nouveau regretter la déperdition d'information résultant de l'exclusion du document publié dans le cadre de la discussion budgétaire de l'indicateur de l'issue des contentieux concernant les étrangers.

Enfin il faut signaler que le contentieux des attroupements (pour lesquels la responsabilité de l'État est une responsabilité sans faute) n'est pas pris en compte dans le calcul du taux de réussite, le ministère justifiant cette exclusion par son caractère circonstanciel, qui aboutit à des évolutions heurtées, certaines années, à forts attroupements, pouvant voir le taux de réussite contentieuse de l'administration s'infléchir sensiblement de ce seul fait.

b) Des taux de réussite stabilisés...comme ceux d'insuccès

Selon les informations complémentaires, transmises à votre rapporteur spécial, le taux de réussite de l'administration devant les juridictions serait quasiment stabilisé depuis quelques années.

Taux de réussite de l'administration par grandes catégories de contentieux
année 2018

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Une certaine hétérogénéité se dégage dans un panorama où les contentieux perdus atteignent entre un quart et un cinquième des contentieux engagés.

Le contentieux des étrangers est un contentieux de masse pour les préfectures (90 000 recours par an) : il représente chaque année plus de 90 % du contentieux traité par les préfectures. En 2018, le taux de réussite s'établit, tout comme en 2017, à 78 %.

Il est généralement plus élevé devant le juge administratif que devant le juge judiciaire mais l'année 2018 paraît avoir été marquée par une situation inverse, évolution qui pourrait résulter de la loi du 7 mars 2016 (voir infra ).

En matière de contentieux des étrangers, la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction suit les principes suivants : les principaux contentieux traités par le juge administratif sont les contentieux de l'obligation de quitter le territoire de français, ceux de l'excès de pouvoir dirigé contre le refus de délivrance d'un titre de séjour et ceux des assignations à résidence administrative ; en application des dispositions de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, le juge des libertés et de la détention (JLD), juge judiciaire, est devenu le juge unique de la rétention : il contrôle non seulement les conditions de la rétention et de sa prolongation mais aussi la proportionnalité et la régularité formelle de la décision administrative de placement.

Le taux de réussite varie selon que les services qui traitent ce type de contentieux y sont plus ou moins confrontés (une répartition en sept strates de préfectures la première regroupant des préfectures traitant entre 1 et 200 dossiers, la septième plus de 2 000).

Taux de réussite contentieuse dans le champ du droit des étrangers

Il n'existe pas de corrélation évidente entre le nombre des dossiers traités et le taux de réussite globale. Par ailleurs, d'une année à l'autre les performances peuvent évoluer du tout au tout.

Ainsi, si en 2017, le taux de réussite global maximum était atteint par les préfectures relevant de la troisième strate (entre 401 et 800 dossiers), en 2018 ces préfectures ont connu le moins bon résultat.

S'agissant du contentieux dit « général » , pour lequel le taux de réussite de l'administration est inégal, on relève que le taux de succès de l'administration centrale, qui intervient en général en instance d'appel ou de cassation, n'est que légèrement supérieur à celui des services déconcentrés, et accuse de très mauvais résultats pour le contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires.

Taux de réussite contentieuse de l'administration centrale du ministère

Taux de réussite par domaine

2017

2018

droit et du contentieux européen

68,5%

82,8%

polices administratives

76,5%

85,9%

contentieux statutaire et de la protection juridique des fonctionnaires

68,6%

61,9%

droit de la commande publique

72,1%

76,3%

contentieux des étrangers

79,2%

83%

contentieux de la sécurité routière

93,1%

93 ,3%

Source : réponse au questionnaire du rapporteur spécial

Votre rapporteur spécial s'interroge sur ce dernier résultat, l'indicateur fourni méritant d'être décomposé pour faire apparaître distinctement le contentieux statutaire et le contentieux de protection fonctionnelle.

c) Un plan de maîtrise et l'organisation de pôles régionaux d'appui qui n'ont pas encore donné de résultats probants

En toute hypothèse, afin d'assurer une meilleure maîtrise des dépenses contentieuses, un plan d'action a été lancé en 2014 par le ministère de l'intérieur.

L'objectif principal consistait à renforcer le pilotage de la stratégie contentieuse ainsi que l'expertise juridique dans les territoires.

Au vu de la stabilité des résultats devant les juridictions, il n'a pas atteint tous ses résultats.

Même si l'information manque sur ce point, le volume des contentieux ne semble pas avoir décru (il pourrait être de l'ordre de 100 000 recours par an), du moins si l'on se fonde en première approximation sur l'évolution des charges budgétaires correspondante.

Le ministère évoque même une croissance en cours des volumes, évoquant l'impact des manifestations sur la voie publique.

Elle pourrait expliquer pourquoi, malgré l'extinction de contentieux à très forts enjeux financiers, les charges budgétées demeurent élevées.

Quoi qu'il en soit, une évaluation approfondie des contentieux permettant d'en analyser complètement l'étiologie s'impose afin de fournir des réponses de fond à une problématique qui ne saurait relever d'une démarche exclusive de renforcement des compétences juridiques.

Dans le cadre du plan préfectures nouvelle génération, la nécessité de renforcer l'expertise juridique des préfectures a été reconnue au titre des conclusions du groupe de travail ad hoc .

Une nouvelle organisation de la fonction juridique territoriale a été décidée. La constitution de huit pôles d'appui juridique , pilotés et animés par l'administration centrale du ministère avait été annoncée. Finalement, seuls sept pôles sont en place en matière de police administrative (3 pôles), de contentieux statutaire (2 pôles) et de concours de la force publique et responsabilité de l'État (2 pôles). Pilotés par la DLPAJ, ils délivrent des prestations à l'ensemble des préfectures. Le nombre de prestations délivrées aux préfectures continue à augmenter de manière régulière (plus de 1 200 prestations au premier semestre 2019).

Votre rapporteur spécial remarque que ces initiatives, très juridiques, n'auront de réel impact sur les dépenses contentieuses que dans la mesure où, dès le stade conceptuel, auront été réunies les conditions d'une prévention des cas de responsabilité de l'action administrative .

S'il faut espérer que la contribution des structures d'appui soit utile, leur dimensionnement d'emblée très modeste risque d'en limiter sérieusement l'efficacité. Elles sont décrites dans une circulaire du ministre de l'intérieur de décembre 2016 comme des « structures à la fois légères (5 agents dont un chef de pôle) et très spécialisées » appelées à proposer « une offre de services étendue » tout en n'étant accessible que selon des droits de tirage suivant une logique territoriale étroite et de rationnement.

L'on peut enfin s'interroger sur les équilibres ayant été pris en compte dans l'orientation consistant à se dispenser plus souvent qu'auparavant du recours à des conseils juridiques.

De nouvelles initiatives sont envisagées en 2019 et en 2020 :

- la création d'une « plate-forme accident » afin d'optimiser la prise en charge des accidents de la circulation a fait l'objet d'une étude explorant différents scenarios allant de l'externalisation de l'activité au secteur privé, à une mutualisation de celle-ci au sein d'un service à compétence nationale, à sa reconcentration au sein de la DLPAJ, ou à une spécialisation d'un SGAMI sur cette activité par la voie d'une délégation de gestion en la matière ; finalement la voie d'une plateforme nationale dédiée a été est privilégiée. Celle-ci doit permettre des économies d'échelles, la professionnalisation des agents et la constitution d'un réseau d'experts, la mise en oeuvre d'une application unique, à l'instar de celle dont disposent les compagnies d'assurance, permettant la collecte automatisée et directe des informations relatives à l'activité et in fine l'uniformisation des modalités d'instruction des dossiers d'accidents de la circulation, permettant notamment l'optimisation des recettes. La problématique en question pourrait se trouver fortement renouvelée selon les scenarios juridiques de mutualisation des services généraux annoncée par l'intégration de ces derniers sous l'égide du nouveau programme 354 ;

- la mise en place et le pilotage par l'administration centrale de « pôles régionaux Dublin ». En effet, après une expérimentation au sein des régions Hauts-de -France et Provence-Alpes-Côte-D'azur, 11 pôles régionaux spécialisés seront mis en place pour la mise en oeuvre et la prise en charge des contentieux générés en matière de traitement des demandes d'asile et de la procédure « Dublin ».

Compte tenu des problèmes structurels rencontrés par cette procédure, on peut s'interroger sur l'impact de ces nouveaux pôles.

d) Vers une responsabilisation des administrations ?

Le responsable de programme tend à mettre en évidence l'existence de charges qui lui sont imposées du fait d'arbitrages défavorables selon lesquels certains contentieux ne relevant pas de sa responsabilité lui sont imputés.

Un rapport de l'Inspection générale de l'administration rendu en février 2018 recommande que les condamnations de l'État résultant de l'absence de paiement d'une dépense qui aurait dû être supportée par un programme soient désormais imputées sur ce programme et non, comme par le passé, sur le programme 216. Parallèlement, il recommande de solliciter très en amont de la condamnation les arbitrages qui s'imposent en cas de désaccord avec les autres ministères ou les directions métier concernés.

Cette question semble concerner notamment la gestion de certains transferts financiers impliquant le ministère des comptes publics, notamment dans ses relations avec les collectivités territoriales, qui relèvent en pratique de l'intervention de plusieurs ministères.

Désormais, les services veillent à provoquer des réunions interministérielles systématiques afin de distribuer les responsabilités financières des ministères face à la prise en charge des dépenses de contentieux.

Il n'est pas absolument certain qu'il s'agisse d'un progrès au vu des coûts de coordination que la démarche implique. Au-delà de la dimension contentieuse, il convient de rechercher les simplifications à mettre en oeuvre.

Une telle réflexion devrait conduire à envisager globalement les conditions de la fonction contentieuse de l'État.

4. Des pratiques de gestion des nids à contentieux qui doivent prévenir toute entorse au principe d'égalité

Enfin votre rapporteur spécial ne peut manquer de rappeler ses interrogations sur certains choix privilégiés par le ministère de l'intérieur pour limiter les indemnisations dues au titre des refus de concours de la force publique .

Le ministère évoque le rôle du développement de « bonnes pratiques » dans la gestion des dossiers par les préfectures.

Votre rapporteur spécial peut facilement approuver certaines d'entre elles comme l'octroi du concours de la force publique plus systématique, le traitement à flux tendu des demandes de concours de la force publique, la réduction du délai de traitement des demandes amiables d'indemnisation.

Néanmoins, d'autres « bonnes pratiques » sont nettement plus contestables .

Ainsi en va-t-il de la mise en place auprès des bailleurs d'une procédure visant à obtenir des sursis de leur part sur les demandes de réquisition de la force publique pour interrompre la période d'indemnisation et du traitement en priorité des dossiers à fort enjeu financier qui établit une sorte de sélectivité par l'argent des interventions du ministère de l'intérieur sans doute justifiable financièrement mais très contraire au principe républicain d'égalité.

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de l'examen de la mission par l'Assemblée nationale, un amendement présenté par le Gouvernement a réduit les crédits de la mission de 27 750 euros afin de pouvoir rétablir sur le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » des moyens de soutenir la politique en faveur de l'égalité dans les outre-mer.

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

ARTICLE 73 B (nouveau)
(Art. 4 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 ; art. 34 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017)

Prolongation de l'expérimentation des clubs de jeux et du régime fiscal associé jusqu'au 31 décembre 2022

. Commentaire : le présent article a pour objet de prolonger l'expérimentation à Paris de « clubs de jeux » et du régime fiscal associé jusqu'en 2022.

I. LE DROIT EXISTANT

L'article 34 de la loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain a introduit deux modifications principales au régime des cercles de jeux :

- la suppression des cercles de jeux à compter du 1 er janvier 2018 - de façon transitoire, les cercles de jeux bénéficiant d'une autorisation d'exploiter en vigueur au 31 décembre 2017 pouvaient toutefois poursuivre leur activité pour une durée d'un an ;

- l'expérimentation, à Paris, de « clubs de jeux », pour une durée de trois ans , à partir du 1 er janvier 2018.

Si, comme les cercles, les clubs de jeux ne pourront pas proposer d'appareils de jeux - « machines à sous », la structure expérimentale se rapproche davantage des casinos .

L'établissement assure la contrepartie du jeu, et non plus un « banquier ». Surtout, il est précisé que :

- les clubs de jeux doivent être constitués sous forme de société commerciale , avec obligation de disposer d'un commissaire aux comptes ;

- les dispositions du code monétaire et financier relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux leur sont applicables dans les mêmes conditions que pour les casinos.

L'article 34 de la loi du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain précise que les clubs de jeux dont il prévoit l'expérimentation relèvent du régime fiscal applicable aux cercles et maisons de jeux, prévu aux articles 1559 à 1566 du code général des impôts.

Outre l'impôt sur les sociétés, il est prévu que les clubs de jeux soient assujettis à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements prévu aux articles 1559 à 1566 du code général des impôts et affecté aux communes.

C'est ce dispositif que l'article 34 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a supprimé pour lui substituer un régime fiscal propre aux clubs de jeux .

Il reprend l'essentiel des principes du régime appliqué aux casinos en matière d'assiette, de déclaration et de recouvrement. Son barème spécifique résulte d'un équilibre entre deux préoccupations distinctes :

- d'une part, permettre le succès de l'expérimentation, en incitant l'investissement des acteurs privés malgré l'incertitude entourant la pérennisation des clubs de jeux ;

- d'autre part, ne pas déstabiliser le marché préexistant des casinos à proximité directe de Paris.

De plus, l'affectation d'une partie du produit à la ville de Paris reprend les dispositions initialement prévues dans la loi , dans la mesure où l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements est affecté aux communes. Ainsi, il est prévu que 20 % du produit de l'impôt sur le produit brut des jeux des clubs de jeux soit reversé à la ville de Paris, dans la limite de 12 millions d'euros.

En son temps, votre commission des finances avait recommandé l'adoption du dispositif sans modification.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

L'article additionnel adopté par l'Assemblée nationale à la suite d'un amendement présenté par le Gouvernement tend à prolonger la période d'expérimentation initialement bornée à trois ans de deux ans, la portant à cinq ans et à prolonger l'application du régime fiscal instauré par la loi de finances rectificative pour 2017 devant, en l'état du droit fiscal, prendre fin après le 31 décembre 2020 jusqu'au 31 décembre 2022.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les raisons pour lesquelles le Gouvernement a cru bon de rattacher le présent article à la mission « Administration générale et territoriale de l'État », même si le ministre de l'intérieur exerce une mission générale de surveillance des jeux.

Par ailleurs, l'objet de l'article pourrait paraître quelque peu étranger au domaine des lois de finances, s'il n'incluait pas une disposition fiscale.

Sous ces réserves, s'agissant d'une préoccupation de disposer des moyens d'une évaluation de l'expérimentation en cours, votre rapporteur spécial rendu vigilant sur la bonne fin de cette évaluation vous recommande l'adoption de cet article additionnel.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 73 C (nouveau)

Rapport sur l'utilité du maintien de la carte d'électeur

. Commentaire : le présent article prévoit la remise d'un rapport par le Gouvernement sur l'utilité du maintien de la carte d'électeur.

I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article additionnel adopté sur proposition du rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale au nom de cette dernière tend à demander au Gouvernement d'établir un rapport sur l'utilité de maintenir la carte d'électeur dans le contexte de la généralisation du répertoire électoral unique.

Le Gouvernement a donné un avis défavorable à l'adoption de cet article additionnel.

II. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Au cours des débats à l'Assemblée nationale, le ministre de l'intérieur a fait valoir que d'ores et déjà la carte d'électeur lui paraissait offrir une garantie de bonne tenue des listes électorales permettant notamment d'identifier des changements de lieux de résidence.

Il a ajouté que le coût de fabrication de la carte était assez modeste (un centime dans une métropole), concluant que les conclusions du rapport demandé pourraient être quelque peu influencées par les observations par lui formulées.

Votre commission des finances n'est généralement pas favorable aux demandes de rapport et le Conseil constitutionnel tend à exercer sur ces demandes une vigilance particulière.

Il existe ainsi plusieurs risques qu'une suppression de l'article permettrait d'écarter. Tout en reconnaissant au rapporteur spécial de la commission des finances de l'Assemblée nationale une intention parfaitement louable de mesurer les progrès offerts par la numérisation, votre rapporteur spécial vous propose ainsi de supprimer cet article additionnel.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article.

AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES FINANCES

PLF POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L'ÉTAT

1

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° s 139, rapport 140, 146)

22 NOVEMBRE 2019

A M E N D E M E N T

présenté par

C

G

M. GENEST

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 73 C

Supprimer cet article.

OBJET

Cet article prescrit un rapport pour évaluer l'utilité du maintien de la carte d'électeur au vu des évolutions numériques de la tenue des registres d'électeurs.

La carte d'électeur est un symbole fort de la citoyenneté et permet des contrôles que les voies alternatives ne permettent pas.

L'article ne semble pas compatible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative à la prescription de rapports dans le cadre des lois de finances, à laquelle est traditionnellement sensible votre commission des finances.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2019 sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a examiné le rapport de M. Jacques Genest, rapporteur spécial, sur la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Jacques Genest , rapporteur spécial. - Depuis l'an dernier, le budget de la mission AGTE a changé d'échelle. Avec près de 4 milliards d'euros de crédits, elle bénéficie d'un supplément de crédits de 1,1 milliard d'euros.

La plupart d'entre vous savent qu'il s'agit de l'effet d'attraction exercé apparemment par le ministère de l'intérieur sur d'autres budgets puisqu'en dehors des transferts en provenance de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et d'une série d'autres missions allant de la mission sécurité à la mission agriculture, alimentation forêt et affaires rurales, je serais amené à vous présenter un budget à peu près stabilisé : 50 millions d'euros de plus que les 2,8 milliards de l'an dernier.

Je centrerai mon propos sur quelques sujets.

Le ministère de l'intérieur est censé incarner l'ordre, du point de vue budgétaire il manque à ce devoir. Le budget proposé est affecté d'un défaut de lisibilité qui me semble confiner à l'irrégularité constitutionnelle. Nous avons affaire au sein du programme 354, issu de la fusion des programmes 307 « Administration territoriale de l'État» et 333 « Moyens mutualisés des services déconcentrés du Premier ministre » à des reclassements d'emplois et de crédits entre les différentes actions du programme qui ne sont accompagnés d'aucune sorte de justification. C'est ainsi, par exemple, que d'un exercice à l'autre les emplois dédiés au contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales font l'objet d'un rebasage tel que le contingent prévu pour 2019 se réduit d'un coup de baguette magique de 174 ETPT, soit à peu près 8 % des emplois comptés jusqu'à présent comme concourant au contrôle de légalité.

En ce qui concerne l'administration territoriale de l'État, je vous ai indiqué que le programme 333 auparavant porté par le Premier ministre est transféré au ministère de l'intérieur. Celui-ci bénéficie en outre du transfert d'autres moyens, à savoir les emplois affectés par différents ministères à des fonctions de support au service des directions départementales interministérielles. Cette opération est présentée comme découlant d'une analyse conduite par l'inspection générale des finances et l'inspection générale de l'administration afin de rechercher les voies d'une meilleure mutualisation. Cette présentation me paraît assez révisionniste dans la mesure où ce dont il était question alors c'était de transférer des emplois et des crédits vers le programme 333 du Premier ministre, évolution à laquelle précisément le ministre de l'intérieur s'était vigoureusement opposé. La force fait l'union et finalement le ministre de l'intérieur aura eu gain de cause. Ce n'est peut-être pas le plus important, encore que les préoccupations du ministère de l'intérieur peuvent être un peu idiosyncratiques. Nous verrons bien.

Il est sans doute plus utile de relever que l'opération visant à constituer de grands états-majors, machines à mutualiser les moyens, manque d'aboutissement : les crédits de fonctionnement et d'investissement ne sont transférés que dans le cadre de l'apport fusion du programme 354 et certaines administrations ou agences restent à l'écart du processus. C'est en particulier le cas du ministère des finances, qui décidément n'aime que modérément s'appliquer à lui-même les recettes d'efficience qu'il préconise pour les autres, sauf bien entendu quand il s'agit d'abandonner des missions de proximité au service de nos compatriotes déjà soumis aux restrictions des services de proximité des banques. Il est évidemment trop tôt pour faire un bilan de la mission confiée au ministère de l'intérieur de rationaliser les coûts d'administration territoriale de l'État. Le passé ne plaide pas pour un pari sur la réussite.

Je rappelle le bilan du plan préfecture nouvelle génération. 4 000 emplois de proximité ont été supprimés sans que les redéploiements vers les missions prioritaires ne soient tous intervenus. Les guichets des préfectures sont fermés aux usagers, les seuls restant ouverts étant ceux destinés à l'accueil des étrangers. Le projet de budget prolonge les suppressions d'emplois (678 pour le programme 354) qui porteront donc sur des missions considérées comme prioritaires. Un processus de nécrose du réseau est de longue date identifié. Il s'aggrave au risque d'affecter un peu plus la qualité des missions. Les sous-préfectures demeurent en nombre inchangé mais les emplois se réduisent à nouveau. En 2017, 58 sous-préfectures disposaient de moins de 10 emplois. En 2019, elles sont au nombre de 82. Il y a fort à parier que le projet Maisons France Service annoncé par le Premier ministre à la suite des annonces du président de la République censé sublimer les maisons de services au public, les MSAP, en les disséminant dans chaque canton et devant satisfaire à des exigences renforcées de qualité entraînera une nouvelle attrition du réseau préfectoral, notamment celui de proximité. Nous avons les annonces, nous n'avons pas les financements. Cela se terminera par des coupes sombres dans le réseau préfectoral et par la sollicitation des financements des collectivités territoriales pour un bouquet de services impalpable et d'une qualité dont on frémit

Au demeurant c'est l'habitude de reporter les charges sur les autres au ministère de l'intérieur...

J'y reviens tout de suite mais je veux vous faire part de deux sujets de préoccupation : d'abord, la crise du contrôle de légalité et du conseil aux collectivités territoriales, ce dernier laissant sans moyens les petites municipalités. Allons-nous étonner que les maires renoncent ! Deuxième mission dont les conditions d'exercice sont préoccupantes, je l'avais exprimé dans ma contribution à la loi de règlement pour 2018, la mise en oeuvre des missions de sécurité des populations. Depuis, nous avons réappris ce que pouvait représenter un accident Seveso. Il est temps de redresser la barre.

J'en reviens aux transferts de charges. De nombreuses communes sont appelées à se doter d'une application dite Comedec de télétransmission des données d'état civil censée accompagner la lutte contre la fraude documentaire. L'État les défraye à hauteur de 2 millions d'euros. Cette application rapporte plus de 13 millions d'euros à l'Agence nationale des titres sécurisés. Quant aux frais liés à la prise en charge des bornes de demande de titres sécurisés je ne suis pas du tout sûr qu'ils soient correctement couverts. Mais l'essentiel est ailleurs.

Vous savez que l'État ne traite plus qu'à peu près 5 % des demandes de certificats d'immatriculation, s'étant délesté de cette mission. Le reste revient aux opérateurs privés qui demandent environ 30 euros à leurs clients pour obtenir leurs cartes grises. Ceci crée un marché pour un titre sécurisé obligatoire. Le ministère de l'intérieur agrée les opérateurs mais il dit ne rien savoir du chiffre d'affaires correspondant. Je vous rappelle que plus de 11 millions de cartes grises sont délivrées par an. Faites le calcul. Cela fait tout de même une belle charge supplémentaire pour les Français.

Il est vrai que les délais de délivrance des titres demeurent très insatisfaisants, la dématérialisation et la création de cellules spécialisées en lieu et place des mairies et des sous-préfectures n'ayant pas eu d'impact favorable sur ce point.

Un mot sur l'accueil des étrangers pour faire ressortir que l'armement des préfectures constaté ces dernières années est apparemment interrompu et qu'on constate des dysfonctionnements sérieux auxquels il faut remédier très vite.

Le programme 232 concerne le financement de la vie politique. Les élections municipales sont budgétées pour 132 millions d'euros mais devraient coûter 155,7 millions d'euros. Peut-être cela préservera-t-il le programme de transferts contestables comme celui qui l'a ponctionné en 2019 pour boucler une opération immobilière sans aucun lien avec lui. Nous ne disposons toujours d'aucune indication sur la niche fiscale pour dons et cotisations qui devrait figurer dans le bleu mais n'y est même pas mentionnée. Mais je vous apporterai des précisions sur ce point prochainement. Enfin nous voyons inscrits 60 000 euros au titre du médiateur du crédit aux candidats et aux formations politiques. Institution nouvelle qui me paraît assez peu susceptible de remplir son office en surmontant le refus des banques de prêter aux politiques, sauf à y imaginer que ce soit précisément sa mission d'y échouer...

Deux mots sur les crédits du programme soutien 216. L'agence nationale de la cohésion des territoires y bénéficie de 30 ETPT et les moyens des cabinets des ministres y sont renforcés. Le programme reconduit le niveau des crédits inscrits au titre des dépenses de contentieux. Dans le passé cette ligne a été souvent sous-budgétée. Les gilets jaunes coûteront au moins 80 millions d'euros au titre de la responsabilité de l'État pour attroupements nous dit le ministère. Ce sera sans doute beaucoup plus et il faudra compter avec d'autres titres de responsabilité.

Parmi les mouvements considérables qui concernent ce programme figure la création d'une direction du numérique. On peut s'en féliciter si elle permet de conduire correctement les projets informatiques et des systèmes de communication qui régulièrement coûtent in fine des sommes considérablement plus élevées que celles envisagées.

Compte tenu de mes observations, je devrais vous proposer le rejet des crédits de la mission. Mais, ce budget 2020 est une un budget de transition qui peut, si tout se passe bien, permettre de remettre des moyens sur les territoires. Prenons donc le Gouvernement au mot. Pour ne pas ajouter du désordre au désordre je vous propose donc de rendre un avis de sagesse sur l'adoption des crédits.

M. Marc Laménie . - Merci au rapporteur pour son travail de grande qualité. J'éprouve les mêmes sentiments que le rapporteur spécial devant les évolutions de ces dernières années. L'État est moins présent dans les territoires et les liens avec les élus sont distendus. Ma question porte sur les perspectives de répartition des emplois entre l'administration centrale et le terrain.

M. Jérôme Bascher . - Je voudrais savoir à combien de personnes le rapporteur spécial estime les besoins de l'Agence nationale de la cohésion des territoires. On a ôté des personnels dans le réseau préfectoral qui pouvaient servir par leurs compétences et on en crée à Paris. Est-ce qu'il y aura des économies d'échelle. Est-bien utile d'avoir des effectifs dans cette agence ?

M. Thierry Carcenac . - Ma question concerne le plan préfecture nouvelle génération. J'ai cru comprendre que cet été il y avait eu de nouvelles concentrations au niveau régional, par exemple dans les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. A-t-on une idée des évolutions prévues ? Les transferts d'emploi prévus cette année depuis les services du Premier ministre ne contribuent pas, pour le moment, à clarifier les choses. Il y a un second problème avec l'immobilier. Souvent les préfectures occupent des locaux appartenant à des collectivités territoriales et, en particulier, aux départements. Dans le cadre des schémas de suppressions de postes, les collectivités territoriales ne sont pas informées et l'État essaye de conserver des locaux où il n'y a pas de loyers significatifs à payer. Ce sont ceux mis à disposition par les collectivités, qui sont conduites à porter une part croissante de l'immobilier du réseau. De plus en plus de sous-préfectures passent sous des seuils d'emploi minimaux, cela conduit à excéder les normes de taux d'occupation des locaux. A-t-on une idée de ces dépassements ?

M. Philippe Dallier . - Toujours dans la suite de la visite du Premier ministre en Seine-Saint-Denis, sur le sujet de la sécurité, même s'il n'y a pas beaucoup de policiers supplémentaires déployés dans le département, une annonce a été faite selon laquelle on aiderait les communes à s'équiper de vidéo surveillance avec un recours accru au fonds interministériel de prévention de la délinquance, le FIPD. Je lis dans le document que des engagements ont été pris pour rééquilibrer les interventions du FIPD des zones de police vers celles de gendarmerie. Il sera intéressant de suivre dans les années qui viennent la façon dont les crédits seront consommés. Comment conciliera-t-on les engagements pris ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Je suivrai l'avis de sagesse du rapporteur spécial en espérant que les mutualisations seront fructueuses et en regrettant le mouvement général qui voit les capacités de coordination des préfets céder devant une administration en silos, qui perd la vision d'ensemble. Nous n'avons pas besoin de plus de fonctionnaires dans les agences ou en administration centrale mais nous pouvons en avoir besoin sur le terrain. Il faut une meilleure déconcentration et pas de décentralisation.

M. Patrice Joly . - Je voudrais comprendre pourquoi les crédits du programme 232 consacrés à la vie politique servent à réaliser une opération immobilière.

M. Jacques Genest , rapporteur spécial. - Il y a aura plus de suppressions sur le terrain que dans les administrations centrales. Sur l'agence nationale de cohésion des territoires, on crée une énième agence. Nous verrons bien le service que ça rendra à la population et aux collectivités territoriales. Je me souviens avec une certaine nostalgie de l'élan donné à l'aménagement du territoire par la DATAR. Encore une fois, nous verrons ce qu'il en sera et si les 30 ETPT prévus apportent un plus. Sur l'immobilier du réseau, vous avez vu juste. Il y a un problème d'articulation entre les suppressions d'emplois et l'occupation des locaux. Par ailleurs, je relève que le ministère s'occupe beaucoup plus de son immobilier parisien que de l'immobilier du réseau. Les crédits en témoignent. Il faudra bien entendu suivre comment on concilie les différents engagements pris au titre du FIPD. Il y a de plus en plus de communes, même dans les territoires ruraux, qui demandent de la vidéo surveillance même quand certains responsables locaux y étaient au début très hostiles. Il sera important de vérifier que les équipements ne sont pas vandalisés. Le transfert de crédits à partir du programme 232 n'est pas totalement contraire à la lettre de la loi organique relative aux lois de finances. Mais quant à son esprit...

La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur l'adoption des crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

M. Vincent Éblé , président. - Nous passons aux articles rattachés. Il y a un article 73 B.

M. Jacques Genest , rapporteur spécial. - L'article 73 B concerne l'expérimentation des cercles de jeu qu'on propose de prolonger. On peut se demander pourquoi rattacher cet article à la mission même si le ministre de l'intérieur suit les questions relatives aux jeux. S'agissant d'une simple prolongation destinée à l'évaluation, je préconise l'adoption.

La commission a proposé au Sénat l'adoption sans modification de l'article 73 B.

M. Vincent Éblé , président. - Maintenant sur l'article 73 C, quel est votre avis ?

M. Jacques Genest , rapporteur spécial. - Je propose de supprimer cet article additionnel qui porte sur une demande de rapport sur l'opportunité de maintenir la carte d'électeur. C'est un rapport de plus et un rapport qui pourrait ne pas trouver grâce aux yeux du Conseil constitutionnel.

M. Vincent Éblé , président. - Un rapport sur l'utilité de la carte d'électeur ? Y a-t-il besoin d'une loi pour que l'exécutif commette un rapport ?

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général. - Je suggère un rapport sur l'opportunité de faire des rapports.

La commission a proposé au Sénat de supprimer l'article 73 C.

*

* *

Réunie à nouveau le 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission des finances, après avoir pris acte des modifications adoptées par l'Assemblée nationale, a confirmé sa position de sagesse sur les crédits de la mission. Elle a proposé au Sénat d'adopter sans modification l'article 73 B et de supprimer l'article 73 C.

ANNEXES

I. ANNEXE N° I : LES MOYENS DES PRÉFECTURES AFFECTÉS AU TRAITEMENT DE L'ASILE EN FRANCE

Moyennant les incertitudes engendrées par un certain manque de suivi qui conduit le ministère de l'intérieur à rappeler que « les moyens dédiés spécifiquement aux guichets uniques de demande d'asile (GUDA) sont suivis depuis le 1er janvier 2019 seulement. Auparavant, ces moyens étaient fondus dans la mission asile dans sa globalité (2017) puis dans l'ensemble de la fonction d'accueil en préfecture dans le cadre de l'asile (2018). Les comparaisons ne sont donc pas possibles au niveau du seul GUDA mais peuvent se mener sur l'ensemble de la mission asile (voir tableau ci-dessous) » les effectifs des services du programme 354 dédiés au traitement de l'asile ont connu les évolutions et le positionnement indiqués ci-dessous.

GUDA

2017

2018

2019*

Mission Asile

Mission Asile

Dont accueil

Mission Asile

Dont GUDA

Nice

5,8

11,89

0,65

10,91

1,15

Marseille

13,12

14,48

N.R.

13,62

N.R.

Caen

7,88

7,18

3,55

5,91

2,88

Dijon

4 ,16

5,9

1,75

2,72

0,57

Besançon

6,67

7,25

1,59

9,62

3,62

Bordeaux

13,36

14,34

4,59

18,08

4,63

Toulouse

8,76

12,76

5

16,99

6,54

Montpellier

6,75

9,8

4,82

8,28

3,96

Rennes

14,45

14,92

4,40

8,14

4,01

Grenoble

10,27

10,91

5,8

9,3

5,35

Nantes

9,21

13,76

6,62

12,17

7,5

Orléans

9,79

7,79

3,06

9

3,87

Angers

4,9

6,53

0,52

6,22

0,79

Châlons-en-Ch.

5,69

6,48

3,05

5,62

2,14

Metz

13,51

11,51

4,86

11,24

5,34

Lille

10,37

19,02

3,51

15,35

3,76

Beauvais

4,9

4,01

2,44

3,89

3,34

Clermont-Fer.

5,22

4,9

1,21

5,18

2,13

Strasbourg

6,46

7,92

3,64

10,84

3,42

Colmar

7,82

5,37

1,97

4,66

1,9

Lyon

19,18

21,37

8,47

36,57

23,39

Mâcon

5,78

5,31

1,9

5,37

2,16

Paris

N.R.

N.R.

N.R.

N.R.

N.R.

Rouen

10,45

9,75

1,66

10,96

4,42

Melun

9,68

11,86

2

10,67

1,23

Versailles

15,9

17,09

5,31

21,11

4,82

Poitiers

4,67

5,79

2,58

5,46

2,43

Limoges

3,68

4,48

1,85

4,84

1,87

Évry

12,21

18,82

7,87

14,26

8,59

Nanterre

15,11

22,14

11,17

22,3

11,52

Bobigny

18,67

23,83

12,83

26,88

12,88

Créteil

14,15

15,58

8,39

10,78

4,14

Cergy-P.

16,24

18,48

15,99

16,35

11,71

Total hors PP

310,65

371,22

143,05**

373,29

156,06**

* Données provisoires juin 2019 - ** Hors GUDA Marseille non renseigné

Données ANAPREF (hors Préfecture de Police de Paris)

II. ANNEXE N° 2 : ÉVOLUTION DE LA RÉPARTITION DU FINANCEMENT DES PARTIS POLITIQUES AYANT PRÉSENTÉ DES CANDIDATS DANS AU MOINS 50 CIRCONSCRIPTIONS DE MÉTROPOLE

Année 2017

I - Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole)

AIDE PUBLIQUE 2017

Parti Socialiste

24 819 059,63 €

Les Républicains

18 657 558,42 €

Front national

5 074 683,74 €

Europe Écologie les Verts

2 803 975,07 €

Parti Communiste Français

2 948 397,73 €

Union des Radicaux, Centristes, Indépendants et Démocrates (URCID)

2 791 479,86 €

Parti Radical de Gauche

1 597 461,39 €

Association PSLE - Nouveau Centre

1 123 779,16 €

Le Centre pour la France

804 187,91 €

Forces de gauche

624 036,54 €

Debout la France

357 361,95 €

L'alliance écologiste indépendante

139 449,55 €

Le Trèfle - les nouveaux écologistes

92 096,29 €

Sous-total I

61 833 527,23 €

Année 2019

I - Partis et groupements politiques ayant présenté des candidats dans au moins 50 circonscriptions (métropole)

AIDE PUBLIQUE 2019

ALLIANCE ÉCOLOGISTE INDÉPENDANTE

105 790,53 €

DEBOUT LA FRANCE

615 279,26 €

EN MARCHE !

22 374 857,97 €

EUROPE ÉCOLOGIE LES VERTS

1 417 185,02 €

FRONT NATIONAL

5 172 823,09 €

LA FRANCE INSOUMISE

4 451 878,10 €

LA FRANCE QUI OSE

113 761,53 €

LES RÉPUBLICAINS

12 938 629,38 €

LUTTE OUVRIERE

260 494,57 €

MOUVEMENT DÉMOCRATE

3 879 509,37 €

PARTI ANIMALISTE

67 124,10 €

PARTI COMMUNISTE FRANCAIS

2 116 594,41 €

PARTI RADICAL DE GAUCHE

705 981,37 €

PARTI SOCIALISTE

6 104 458,89 €

RÉGIONS ET PEUPLES SOLIDAIRES

497 921,75 €

UNION DES DÉMOCRATES, RADICAUX ET LIBÉRAUX

4 419 406,63 €

Sous-total I

65 241 695,97 €


* 1 Ce dernier prévoit un ajustement automatique des plafonds d'emplois basé sur leur consommation effective constatée dans la dernière loi de règlement.

* 2 Le programme 232 bénéficie de la création de 7 ETPT.

* 3 Les dépenses effectives ont atteint 1 510,8 millions d'euros en 2015.

* 4 Il s'agit des personnels des cultes.

* 5 Dont 19 ETPT au titre des corrections techniques.

* 6 La part du financement des MSAP qui incombe à l'État est portée par le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » de la mission « Politique des territoires ».

* 7 « L'accès aux services publics dans les territoires ruraux », Cour des comptes, mars 2019.

* 8 En particulier avec la SNCF et EDF.

* 9 Des analyses complémentaires permettraient de mieux apprécier ces facteurs.

* 10 Dont une large part semble avoir été due aux besoins de l'accueil des étrangers chiffrés à 319 ETP.

* 11 Données qui sont largement perfectibles puisque établies sur la base des actes reçus, qui peuvent ne pas rendre pas compte du volume des décisions des collectivités territoriales dès lors que certains actes peuvent échapper à l'obligation de transmission.

* 12 Article 128 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 13 Huit pôles devaient être constitués avec 40 ETP mais le bilan du PPNG ne mentionne à ce jour que six rélaisations.

* 14 Pour un nombre d'ETPT indéterminable.

* 15 Il ne relève pas du programme 354.

* 16 Votre rapporteur spécial rappelle que, d'ores et déjà, la computation des délais de référence ne recouvrait pas l'ensemble de la démarche entreprise par l'usager. Elle ne débutait qu'à partir de la réception de la demande au CERT.

* 17 Ils sont calculés à compter de la date de réception de la demande par le CERT, qui peut être plus ou moins éloignée de la date où l'usager envisage une démarche de demande et implique des délais supplémentaires entre la formulation de la demande et sa réception par les CERT.

* 18 Un remboursement des dépenses liées à l'exploitation et l'hébergement de l'application SIV (système d'immatriculation des véhicules) sur le réseau informatique du ministère est rattaché aux crédits de la mission. Le produit de ce remboursement avait été estimé au titre de 2018 était de 3 millions d'euros. Il n'a finalement rapporté que 1,67 million d'euros.

* 19 Décret n° 2014-512 du 20 mai 2014 modifiant le décret n° 2007-255 du 27 février 2007 fixant la liste des titres sécurisés relevant de l'Agence nationale des titres sécurisés.

* 20 Source : Voies et moyens pour 2020.

* 21 Ces recettes propres sont par exemple liées à la fabrication des cartes d'agents pour différents ministères ou à l'utilisation du système de transmission électronique des données d'état civil COMEDEC.

* 22 Prestataire extérieur auquel a été confiée la mission de répondre aux demandes des usagers.

* 23 Ce seuil sert, en effet, de base de calcul pour l'ensemble des frais fixes et des amortissements.

* 24 Élections municipales listes présentes au premier tour.

* 25 Concernant l'externalisation de la mise sous pli, il suggère que peu de sociétés ont une capacité logistique suffisante pour traiter les documents de propagande dans des délais très contraints. Pour les élections organisées en 2017, seule une dizaine de prestataires différents auraient été retenus sur l'ensemble du territoire métropolitain et une même société aurait été retenue par 50 % des préfectures ayant recours à une externalisation.

* 26 À terme, le REU permettra aux électeurs de s'inscrire sur les listes électorales jusqu'au sixième vendredi précédant chaque scrutin.

* 27 Le plafond applicable est de 7 500 euros, mais la familialisation de l'impôt sur le revenu conduit à prendre en compte un plafond de réduction d'impôt plus élevé (correspondant, de fait, à deux fois 7 500 euros).

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