B. DES EFFORTS DE MODERNISATION BIENVENUS, QUI NE DOIVENT TOUTEFOIS PAS SERVIR DE PRÉTEXTE À UNE BAISSE DES DÉPENSES DE FONCTIONNEMENT ET D'INVESTISSEMENT

1. La création du SAILMI : une mesure de rationalisation qui ne doit pas servir d'alibi à une baisse des dépenses de fonctionnement et d'investissement

Le rapport annuel de performance de la mission « Sécurités » fait état de mesures d'économie mises en oeuvre en 2020 suite aux gains achats escomptés dans le cadre de la création du service d'achat unifié du ministère de l'intérieur, le SAILMI, à hauteur de 20,93 millions d'euros pour le programme « Police nationale ». Pour la gendarmerie nationale, les premières mesures d'économies liées à la création du SAILMI sont prévues à hauteur de 21,2 millions d'euros en 2020.

Ces économies, qui devraient s'élever à plus de 40 millions d'euros en 2020 pour les deux forces de sécurité intérieure rassemblent 60 % des 66 millions d'euros d'économies attendues au sein du ministère de l'intérieur à la suite de la création de ce service achat unifié.

La création du service de l'achat, de l'innovation et de la logistique
du ministère de l'intérieur

Dans un souci de rationalisation et d'optimisation de la performance des achats, le ministre de l'intérieur a souhaité réformer l'ensemble de la chaîne des achats du ministère, y compris le volet approvisionnement.

Le service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI), qui relevait de la police, de la gendarmerie et de la sécurité civile, est ainsi supprimé. Il a été créé, en septembre 2019, le service de l'achat, de l'innovation et de la logistique du ministère de l'intérieur (SAILMI), relevant du secrétariat général du ministère et du programme n°216 « Conduite des politiques publiques de l'intérieur », avec un champ de compétence élargi à l'ensemble de la chaîne achat du ministère de l'intérieur.

Le SAILMI est chargé, pour le compte des responsables de programme, de mettre en oeuvre les actes de la commande publique depuis l'initialisation des projets jusqu'à leur conclusion, tout en assurant un service logistique fiable, transparent et adapté aux caractéristiques et besoins des bénéficiaires. S'agissant de la police nationale, la DRCPN assurera l'interface entre les services de police et le SAILMI. À cet effet, la DRCPN sera chargée du suivi de l'activité de ce nouveau service et du respect du contrat de service propre à la police nationale, signé le 21 août 2019. Elle centralisera les demandes des services de police. La possibilité d'un dialogue direct entre chaque service et le SAILMI reste toutefois ouverte.

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Cette évolution appelle plusieurs remarques.

Tout d'abord, les éléments transmis à votre rapporteur spécial ne permettent pas d'apprécier la crédibilité de la prévision d'économie attendue en 2020 (66 millions d'euros) au sein du ministère de l'intérieur ni la pertinence de sa répartition entre ses différents programmes budgétaires . Il reconnaît néanmoins que l'unification de la fonction achat au sein de l'ensemble du ministère est susceptible d'engendrer des économies d'échelle et des gains de productivité qu'il conviendra de chiffrer, et, le cas échéant, d'ajuster pour l'avenir au cours de l'examen de l'exécution du budget 2020.

En outre, la trajectoire d'économie prévue pour l'ensemble du ministère apparaît abusivement optimise , puisque les économies cumulées attendues par le ministère de l'intérieur s'élèvent à 133 millions d'euros en 2021 et 225 millions dès 2022 24 ( * ) . Votre rapporteur spécial émet des doutes sur le caractère réaliste de cette trajectoire. Pour la police nationale, ces moindres dépenses s'ajoutent aux 12,96 millions d'euros d'économies à réaliser en 2020 conformément aux directives fixées au début du quinquennat.

Votre rapporteur spécial ne peut qu'approuver cet effort de rationalisation. Il s'étonne toutefois de voir les mesures d'économie répercutées sur les frais de fonctionnement et les dépenses d'investissement, à l'image des dotations SIC, des équipements et des véhicules légers . Les économies escomptées auraient en effet dû être utilisées pour abonder les postes de dépenses les plus en tension des deux forces, à l'instar de l'immobilier ou des moyens mobiles. De manière générale, votre rapporteur spécial craint que la surestimation des économies liées à la création du SAILMI, surtout à partir de 2022, ne serve d'alibi à une poursuite de la baisse des dépenses d'investissement et de fonctionnement.

2. Une modernisation de l'organisation de la lutte contre le trafic de stupéfiants bienvenue

Outre la création de la DNUM et du SAILMI (cf. supra ), l'année 2020 sera marquée par d'importantes mesures de modernisation de l'organisation de la lutte contre le trafic de stupéfiants.

Après plusieurs mois de travaux, le plan national de lutte contre les stupéfiants a été présenté le 17 septembre 2019 par la garde des sceaux, le ministre de l'action et des comptes publics et le ministre de l'intérieur. Il était en effet devenu nécessaire d'adapter le dispositif de la lutte anti-drogue, basé sur un office central créé en 1953, l'office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants, pour gagner en lisibilité, en coordination et en capacités de pilotage et d'anticipation. La création d'un service à compétence nationale , l'Office anti-stupéfiants (Ofast), chef de file de la lutte contre les trafics de drogue, placé au sein de la direction centrale de la police judiciaire, constitue ainsi l'élément central de ce plan . Ce nouvel office, « aura une composition lui permettant, en lien avec l'autorité judiciaire, d'animer une véritable politique interministérielle associant l'ensemble des services concernés (police, gendarmerie, douane, secrétariat général de la mer, ministère des affaires étrangères, ministère des armées) » 25 ( * ) . Chargé de l'élaboration de l'état de la menace, l'Ofast aura aussi une vocation opérationnelle, soit en conduisant en propre des enquêtes portant sur des trafics d'envergure internationale, soit en travaillant dans le cadre de saisines conjointes avec les services territoriaux de la police ou de la gendarmerie, soit pour apporter son expertise. Il sera, à cet effet, doté d'antennes territoriales.

Sans préjuger du succès de cet office, qui fait actuellement l'objet d'une mission de préfiguration chargée de définir avec précision son organisation, votre rapporteur spécial juge sa création bienvenue, alors que la lutte contre les stupéfiants n'avait plus été portée comme une priorité du ministère de l'intérieur depuis plusieurs années.


* 24 Chiffre transmis en audition par le directeur général de la police nationale.

* 25 Réponse au questionnaire budgétaire.

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