Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Bernard DELCROS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019

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N° 140

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2019

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2020 ,

Par M. Albéric de MONTGOLFIER,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 6b

COHÉSION DES TERRITOIRES - AMÉNAGEMENT DES TERRITOIRES

(Programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État »)

Rapporteur spécial : M. Bernard DELCROS

(1) Cette commission est composée de : M. Vincent Éblé , président ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Yvon Collin, Bernard Delcros, Philippe Dominati, Charles Guené, Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Georges Patient, Claude Raynal , vice-présidents ; M. Thierry Carcenac, Mme Nathalie Goulet, MM. Alain Joyandet, Marc Laménie , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Julien Bargeton, Jérôme Bascher, Arnaud Bazin, Jean Bizet, Yannick Botrel, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Mme Frédérique Espagnac, MM. Rémi Féraud, Jean-Marc Gabouty, Jacques Genest, Alain Houpert, Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Sébastien Meurant, Claude Nougein, Didier Rambaud, Jean-François Rapin, Jean-Claude Requier, Pascal Savoldelli, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel .

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 2272 , 2291 , 2292 , 2298 , 2301 à 2306 , 2365 , 2368 et T.A. 348

Sénat : 139 et 140 à 146 (2019-2020)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Pour 2020, les crédits du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » s'élèvent à 209 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 4,9 % par rapport à 2019) et 245 millions d'euros en crédits de paiement (+ 1,8 % par rapport à 2019) . La hausse des crédits du programme résulte principalement de la mise en place de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

Au 1 er janvier prochain, la mise en place de l'ANCT et des maisons France services (MFS)

2. À compter du 1 er janvier 2020, l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) aura pour objectif d'améliorer la coordination de l'action territoriale de l'État et de ses établissements publics nationaux au profit des collectivités territoriales . L'agence disposera d'une subvention de 49,7 millions d'euros sur le programme 112 et sera placée sous la tutelle de la direction générale des collectivités locales (DGCL). L'ANCT et son réseau territorial offriront aux collectivités un soutien en ingénierie , avec une enveloppe dédiée de 10 millions d'euros . Il conviendra de veiller à ce que ces moyens se concentrent sur les territoires qui en ont le plus besoin, et notamment les territoires ruraux.

3. Par ailleurs, au 1 er janvier prochain sera également mis en place le label Maisons France services pour les maisons de services au public (MSAP). Ce label doit répondre à une montée en gamme des services fournis au sein de ces maisons. Dans son discours du 25 avril dernier, le président de la République a affiché son intention de voir installée une MFS dans chaque canton d'ici la fin du quinquennat (soit l'équivalent de 2 000 MFS contre 1 344 MSAP actuellement). Les crédits du programme étant en conséquence augmentés de 2,8 millions d'euros, il conviendra d'évaluer si cette somme suffira à couvrir les charges supplémentaires engendrées par ces nouvelles missions.

La politique contractuelle avec les territoires

3. Depuis 2018, le financement des nouveaux engagements en faveur des contrats de ruralité est assuré par la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), inscrite sur la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette nouvelle présentation budgétaire n'offre pas les garanties d'une enveloppe fléchée en faveur des contrats de ruralité. Votre rapporteur spécial, dans un rapport d'information sur le sujet, avait recommandé la mise en oeuvre d'une deuxième génération de contrats. D'après les auditions menées, cette proposition a été entendue par le Gouvernement, une nouvelle génération de contrat étant en préparation.

3. Le volet territorial des contrats de plan État-région (CPER) financé par le programme 112 connaît des retards d'exécution, de même que le volet mobilité multimodale. Ces retards doivent être rattrapés au plus vite afin d'atteindre les objectifs fixés initialement. Votre rapporteur spécial considère par ailleurs que la nouvelle génération des CPER devrait systématiquement intégrer deux nouveaux volets, importants pour l'avenir, l'accès aux soins et l'agriculture .

De plus, il insiste sur le fait que cette nouvelle génération de CPER doit permettre de coordonner plus efficacement la solidarité infra-régionale.

4. Depuis le début de l'année 2019, le Gouvernement a recours à un nouvel outil contractuel, les pactes de développement territorial. Ils s'adressent à différents niveaux de collectivités et couvrent des besoins très divers. Cette diversité permet de laisser de réelles marges de manoeuvre et d'adapter les contrats aux besoins des territoires, soit une logique de différenciation. Cependant, ces contrats ne doivent pas se limiter aux territoires actuellement visés mais être étendus à tous ceux qui ont besoin d'un soutien spécifique .

Les outils du développement économique territorial menacés

5° Concernant la prime d'aménagement du territoire (PAT), il est prévu une diminution de 4 millions d'euros des engagements , qui s'élèveraient à 6 millions d'euros en 2020 . Ce montant est largement inférieur aux besoins réels, estimés entre 30 et 40 millions d'euros par an. Cette baisse entre en contradiction avec les réponses qui ont été apportées par le ministère de la cohésion des territoires à votre rapporteur spécial, suivant lesquelles « la PAT constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles ».

6° Enfin, comme votre rapporteur spécial l'a déjà affirmé dans son rapport co-écrit avec Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, l'année 2020 est une année charnière pour les zones de revitalisation rurale. Votre rapporteur spécial considère qu'il est indispensable de voter, dès la loi de finances pour 2020, la prorogation de la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif, et ce jusqu'au 31 décembre 2021 . Cette période transitoire permettrait de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d'améliorer le ciblage ainsi que l'efficience des dispositifs associés au zonage.

Le programme 162 : des crédits en hausse du fait de deux nouvelles actions

7. Pour 2020, les crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État » s'établissent à 43,5 millions d'euros en autorisations d'engagement (+ 22,4 % par rapport à 2019) et 36,7 millions d'euros en crédits de paiement (+ 43 % par rapport à 2019). Cette forte hausse résulte de la création d'une nouvelle action dédiée au fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, dotée de 16,8 millions d'euros en AE et 7,5 millions d'euros en CP. Une nouvelle action concerne la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire.

8. Contrairement à ce qui est indiqué dans le projet de loi de finances, il a été indiqué à votre rapporteur spécial lors d'une audition que les crédits consacrés à la lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne seront majorés par des transferts en gestion depuis le programme 149. Ces transferts nuisent à la transparence budgétaire du programme , et ce d'autant plus que la même logique devrait s'appliquer à la nouvelle action relative à la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire.

9.  L'arrivée à terme du PEI Corse pose la question d'un nouveau PEI au-delà de 2020. Votre rapporteur spécial recommande de passer d'une logique de saupoudrage sur de nombreux projets au financement de projets structurants, afin d'aider plus directement au développement autonome de l'île de Beauté .

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2019 .

À cette date, le rapporteur spécial Bernard Delcros avait reçu l'ensemble des réponses relatives au programme 162 « Interventions territoriales de l'État » et 91 % de celles relatives au programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire ».

AVANT-PROPOS

Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comprend le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui finance divers dispositifs, dont les volets territoriaux des contrats de plan État-région (CPER), la prime d'aménagement du territoire (PAT), ou encore les crédits de paiement visant à apurer les autorisations d'engagements antérieures à 2019 sur les contrats de ruralité et le pacte État-métropoles.

À compter du 1 er janvier 2020, l'Agence nationale de la cohésion des territoires remplacera le commissariat général à l'égalité des territoires et fera l'objet d'une subvention à hauteur de près de 50 millions d'euros .

Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) est une enveloppe budgétaire dont les crédits proviennent de différents ministères, mise à la disposition des préfets afin de répondre rapidement à des difficultés spécifiques rencontrées par certains territoires .

Il assure actuellement le financement de plans gouvernementaux interministériels, correspondant à quatre actions distinctes, à savoir une action relative à la qualité de l'eau en Bretagne , le programme exceptionnel d'investissements (PEI) en faveur de la Corse , le plan gouvernemental pour le Marais poitevin - qui ne prévoit plus de nouveaux engagements à partir de 2019 - et le plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe ainsi que l'action « Plan littoral 21 », inscrite sur ce programme depuis 2018.

Deux nouvelles actions sont créées en 2020 . La première concerne la création d'un fonds interministériel pour la transformation de la Guyane , l'action n° 10, centralisant les crédits engagés depuis plusieurs programmes en faveur du développement de ce territoire. L'action n° 11 concerne le Pays de la Loire , et en particulier la qualité de l'eau dans ce territoire.

Ces deux programmes interviennent souvent en complément des dotations de l'État en faveur des collectivités territoriales , au premier rang desquelles la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l'investissement public local (DSIL). Ils présentent donc une certaine proximité avec les crédits du programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Cette proximité peut nuire à la lisibilité de certains choix budgétaires , notamment lors de l'arrêt du financement de nouveaux contrats de ruralité sur le programme 112, transféré sur le programme 119, acté en 2018.

I. LE PROGRAMME 112 « IMPULSION ET COORDINATION DE LA POLITIQUE D'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE »

Le programme 112 retrace les crédits affectés par l'État à sa politique d'aménagement du territoire, principalement dans son rôle de coordination et d'accompagnement des collectivités locales . Ainsi, les crédits inscrits au sein du programme sont le plus souvent utilisés pour faciliter des démarches faisant intervenir plusieurs échelons : communes, intercommunalités, départements, régions. Les différents outils contractuels et les crédits qui y sont dédiés sont en effet indispensables à la coordination entre les différents niveaux de collectivités .

En 2020, la maquette de présentation du programme 112 a évolué, rendant plus difficile l'évaluation à périmètre constant des crédits affectés à chacune des actions du programme . De façon générale, les modifications de périmètre sont récurrentes, avec par exemple la sortie des contrats de ruralité en 2018. Ces modifications renouvelées nuisent gravement à la lisibilité budgétaire des actions qui sont retracées sur le programme.

Désormais, le programme se divise en quatre actions :

- l'action 11 , soit le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) - section locale. Elle retrace principalement les crédits des contrats de projet et de plan État-région, les pactes de développement territorial et les contrats de convergence et de transformation ;

- l'action 12 , soit le FNADT - section générale, qui retrace les crédits dédiés aux maisons France services, les mesures d'accompagnement des territoires confrontés à la fermeture d'installations militaires, les restes à payer du programme de revitalisation des centres-bourgs, les soutiens aux associations ;

- l'action 13 recouvre le soutien aux opérateurs, soit les subventions accordées à l'ANCT et à Business France ;

- l'action 14 est une action ad hoc , dédiée à la prime d'aménagement du territoire et aux deux dispositifs en extinction sur le programme, soit les contrats de ruralité et les pactes État-métropoles.

Évolution des crédits du programme 112

(en milliers d'euros)

Exécution 2018

LFI 2019

PLF 2020

Variation 2020/2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 11 - FNADT section locale

121 032

108 472

128 454

111 821

123 660

111 161

- 3,7 %

- 0,6 %

Action 12 - FNADT section générale

19 371

31 424

24 072

35 580

24 933

32 573

3,6 %

- 8,5 %

Action 13 - soutien aux opérateurs

36 816

36 972

36 873

36 873

54 486

54 486

47,8 %

47,8 %

Action 14 - PAT, contrats de ruralité et Pacte État-métropoles

14 594

63 542

10 000

56 540

6 000

46 926

- 40,0 %

- 17,0 %

Total

191 812

240 411

199 399

240 814

209 079

245 146

4,9 %

1,8 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits du programme 112 augmentent donc pour 2020, soit une hausse d'environ 5 % en AE (pour atteindre 209 millions d'euros) et de près de 2 % en CP (atteignant 245 millions d'euros). Cette hausse résulte des crédits reversés au programme 112, en faveur de l'ANCT.

Répartition par action des crédits du programme 112

Source : commission des finances

Les différences constatées entre la part des AE et celle des CP témoignent de la dynamique spécifique à chacune des actions.

En effet, si les subventions aux opérateurs de l'action n° 13 servent à couvrir des dépenses de fonctionnement (AE = CP), les crédits de paiement de l'action n° 14 sont nettement supérieurs aux autorisations d'engagement, ce qui témoigne de la disparition progressive des dispositifs qui y ont été placés .

Au sein de la section locale du FNADT (action n° 11), la forte consommation de CP relève de l'exécution des contrats de plan État-région mais ne doit pas pour autant masquer l'importance des autorisations d'engagement dédiées aux pactes de développement territorial , nouvel outil contractuel permettant de développer des projets de territoires dans les zones les plus fragiles.

Enfin, les crédits de la section générale du FNADT (action n° 12) sont également sur une dynamique de baisse, compte tenu de l'arrivée à échéance d'un certain nombre de dispositifs (accompagnement des territoires confrontés à la fermeture d'installations militaires, revitalisation centres-bourgs)

Évolution des crédits du programme 112
entre le PLF 2019 et la LFI 2020

(en milliers d'euros)

Source : commission des finances du Sénat

Les principaux dispositifs du programme 112

Dispositifs

2018

2019

2020

Évolution 2020/2018

Évolution 2020/2019

Prévision LFI

Réalisa-tion

Prévision LFI

PLF

PAT

AE

15 000

14 583

10 000

6 000

- 59 %

- 40 %

CP

20 665

19 133

19 329

18 065

- 6 %

- 7 %

CPER/ Pactes de développement territorial

AE

121 011

121 032

128 454

123 660

2 %

- 4 %

CP

102 147

108 472

111 821

111 161

2 %

- 1 %

Contrats de ruralité

AE

1

- 100 %

CP

44 156

41 501

33 395

26 618

- 36 %

- 20 %

Pacte
État-métropoles

AE

10

- 100 %

CP

15 191

2 909

3 816

2 242

- 23 %

- 41 %

ANCT programmes

AE

10 000

CP

10 000

Pôles de compétitivité

AE

2 600

2 106

2 600

0

- 100 %

- 100 %

CP

2 600

2 066

2 600

0

- 100 %

- 100 %

FNADT hors CPER

AE

17 941

22 328

21 472

24 239

+ 9 %

+ 13 %

CP

30 708

34 421

32 980

31 879

- 7 %

- 3 %

Restructuration sites de défense

AE

3 908

1 565

2 877

2 877

84 %

0 %

CP

8 778

5 356

8 355

6 250

17 %

- 25 %

Maisons de santé

AE

CP

926

539

- 100 %

Maisons de services au public

AE

11 533

17 433

16 533

19 300

+ 11 %

+ 17 %

CP

12 160

17 938

16 533

19 666

+ 10 %

+ 19 %

Centres bourgs

AE

CP

2 841

1 635

1 786

861

- 47 %

- 52 %

Section générale du FNADT

AE

2 500

3 330

2 062

2 062

- 38 %

CP

6 003

8 952

6 306

5 102

- 43 %

- 19 %

Pôles d'excellence rurale

AE

- 5 063

- 100 %

CP

- 5 063

- 100 %

Soutien CGET

AE

5 952

5 113

5 730

14 624

+ 186 %

+ 155 %

CP

5 952

5 203

5 730

14 624

+ 181 %

+ 155 %

Immobilier Pleyel

AE

200

141

- 100 %

CP

200

154

- 100 %

Réseaux et partenaires*

AE

5 742

5 726

5 442

5 442

- 5 %

0 %

CP

5 742

5 780

5 442

5 442

- 6 %

0 %

Business France

AE

5 768

5 672

5 768

4 800

- 15 %

- 17 %

CP

5 768

5 672

5 768

4 800

- 15 %

- 17 %

Masse salariale

AE

20 103

20 163

19 933

20 314

+ 1 %

+ 2 %

CP

20 103

20 163

19 933

20 314

+ 1 %

+ 2 %

TOTAL

AE

194 317

191 812

199 399

209 079

+ 9 %

+ 5 %

CP

253 232

240 411

240 814

245 146

+ 2 %

+ 2 %

dont SCSP de l'ANCT *

AE

49 686

CP

49 686

Votre rapporteur spécial regrette cependant que les mesures annoncées dans le cadre de l'agenda rural par le Premier ministre ne fassent pas l'objet d'une réelle traduction au sein du projet de loi de finances pour 2020.

Dans le présent budget, on ne retrouve en effet ni la prorogation des communes sortantes au 1 er juillet 2020 du classement en zones de revitalisation rurale, ni les crédits affectés au programme « petites villes de demain » en faveur des petites centralités .

La principale mesure de l'agenda rural reprise par le projet de loi de finances concerne les exonérations de fiscalité locale, qui dans la version initiale du texte ne se traduisent par aucune compensation de la part de l'État. Autant dire que les promesses restent pour l'instant symboliques ...

A. UN PROGRAMME MARQUÉ PAR LA CRÉATION DE L'AGENCE NATIONALE DE LA COHÉSION DES TERRITOIRES

L'agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) s'est vue fixer pour objectif d'améliorer la coordination de l'action territoriale de l'État et de ses établissements publics nationaux au profit des collectivités territoriales .

Si la date officielle de création de l'agence sera fixée par un décret en Conseil d'État qui déterminera par ailleurs son organisation, le transfert opérationnel des droits, obligations et personnels vers l'ANCT aura bien lieu le 1 er janvier 2020.

L'ANCT a donc vocation à réunir l'activité de l'actuel commissariat général à l'égalité des territoires (CGET), l'agence du numérique et l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA).

D'après l'article 7 de la loi du 22 juillet 2019, l'ANCT doit également conclure des conventions avec l'Agence nationale de la rénovation urbaine (ANRU), l'agence nationale de l'habitat (l'ANAH), l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (l'ADEME), le centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (le Cerema) et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

La subvention pour charges de service public à l'ANCT est prévue sur le programme 112, pour un montant de 49,7 millions d'euros . Les moyens de l'agence reposeront également sur les recettes liées à l'activité commerciale exercée par l'actuel EPARECA et aux remboursements européens attendus dans le cadre de la ré-internalisation du système d'information Synergie.

En outre, les dotations budgétaires de la direction générale des collectivités locales (DGCL), ont été adaptées et une nouvelle sous-direction chargée des relations avec l'ANCT est en cours de préfiguration .

Origine des crédits de l'ANCT

(en milliers d'euros, en ETP)

Crédits transférés

Transferts en ETP

Programme 112
Action 04 « instruments de pilotage et d'étude » (montant 2019 hors FDC)

CGET

29 057

238

Programme 134
« Développement des entreprises et régulations »

Agence du numérique

1 975

28

EPARECA

5 837

43 + 4 hors plafond

Programme 147
« Politique de la ville »

Fonctions support

2 400

Programme 217
« Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables »

Transfert depuis le ministère de la cohésion des territoires

109

2

Programme 156
« Gestion fiscale et financière de l'État et du secteur public local »

Création de l'agence comptable

151

2

Programme 218

« Conduite et pilotage des politiques économiques et financières »

Coûts périphériques - Agence du numérique

157

Agence des services et de paiements

SI synergie

14

Ouverture de crédits

Ingénierie territoriale

10 000

Subvention et emplois de l'ANCT

49 686

327 + 4 hors plafond

Source : commission des finances du Sénat

Une part des crédits du CGET est transférée à la direction générale des collectivités locales (DGCL) pour financer les activités menées par cette direction et les secrétariats généraux des préfectures régionales en lien avec l'ANCT. L'effectif, qui devrait dès début 2020 être fixé à 331 ETP, devrait à moyen terme être de l'ordre de 350 ETP .

La répartition de ces emplois évoluera dans les mois à venir, notamment du fait de la mutualisation de fonction support des entités fusionnées. Surtout, l'ANCT devrait se voir dotée de compétence renforcée en matière d'appui aux projets de territoires.

Agence nationale de la cohésion des territoires : les apports du Sénat

L'examen de la proposition de loi déposée par le Président Jean-Claude Requier et les membres du groupe RDSE 1 ( * ) en première lecture au Sénat a permis de conforter la future ANCT dans son rôle de mise en oeuvre de la politique de l'État en matière d'aménagement du territoire et d'orienter son action dans le sens d'une meilleure prise en compte des fragilités des territoires ruraux .

Le Sénat a apporté plusieurs évolutions au texte initial afin de :

- renforcer le poids des élus locaux dans la gouvernance de l'agence , en instaurant la parité au sein de son conseil d'administration, entre les représentants de l'État et de ses établissements publics d'une part, et les représentants des élus locaux et nationaux ainsi que des agents de l'établissement, d'autre part (article 3) ;

- créer un comité local de la cohésion territoriale (article 4) visant à renforcer l'information et l'association des élus locaux aux actions de l'agence dans les territoires, en particulier à l'échelle départementale ;

- prévoir que les conventions pluriannuelles conclues par l'agence avec d'autres établissements publics de l'État seront transmises au Parlement , pour lui permettre d'exercer sa mission constitutionnelle de contrôle et d'évaluation de l'action du Gouvernement (article 7) ;

- garantir la prise en compte des territoires les plus fragiles dans les champs d'intervention de l'agence , en incluant notamment des précisions portant sur la revitalisation des centres-villes et centres-bourgs ou encore le maintien des services publics (article 2);

Par ailleurs, afin de compléter la proposition de loi définissant les missions, le cadre et les modalités d'intervention de l'ANCT, les présidents Hervé Maurey et Jean-Claude Requier ont souhaité déposer une proposition de loi organique pour prévoir l'audition du directeur général de l'agence par les commissions compétentes de chaque assemblée en amont de sa nomination en application de l'article 13 de la Constitution 2 ( * ) . Cette procédure a été mise en oeuvre pour la nomination du futur directeur de l'Agence, Yves le Breton.

Source : commission de l'aménagement du territoire et du développement durable du Sénat

L'ANCT et son réseau territorial devront permettre de mieux accompagner les collectivités et de leur offrir un soutien indispensable en ingénierie . De ce point de vue, votre rapporteur spécial se réjouit de l'ouverture de 10 millions d'euros de crédits , fléchés vers l'ingénierie territoriale au sein de la subvention à l'ANCT.

Ces crédits dédiés devront permettre d'accompagner les projets des collectivités en leur offrant une expertise technique dont elles ne disposent pas toujours en interne . Pour être véritablement efficaces, les moyens d'ingénierie devront se concentrer sur les territoires les plus fragiles.

Lors de son audition par votre rapporteur spécial, la directrice générale des capacités des territoires du CGET a évoqué la possibilité pour l'ANCT de développer sa compétence en matière de maîtrise d'ouvrage.

En effet, certains agents de l'EPARECA disposent de cette formation et accompagnent déjà la mutation de zones commerciales . Cette mission sera poursuivie au sein de l'ANCT mais devrait pouvoir être étendue au-delà des seuls chantiers de restructuration d'espaces commerciaux pour accompagner les restructurations de différents types d'espaces (centres villes, aires touristiques, lieux de vie...) dans les territoires .

B. LA CONTRACTUALISATION, UNE DÉMARCHE INDISPENSABLE AU DÉVELOPPEMENT ÉQUILIBRÉ DES TERRITOIRES

1. Les contrats de ruralité un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural

Au printemps 2016, le ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, a annoncé la création d'un nouvel outil en faveur des territoires ruraux, les contrats de ruralité. Leur mise en place a été actée par le comité interministériel aux ruralités du 20 mai 2016.

Les contrats de ruralité s'inspirent des « contrats territoriaux de développement rural », proposés un an plus tôt par le Sénat.

Soutenue par votre rapporteur spécial en séance publique et adoptée en octobre 2015 par le Sénat, la proposition de loi partait d'un double constat :

- une France rurale faisant face à des problèmes structurels (déclin démographique, recul des activités agricoles, désindustrialisation), amplifiés par des difficultés conjoncturelles ;

- l'insuffisance des autres dispositifs (zonages, appels à projets), qui pour les uns emportent un risque de saupoudrer des crédits ; pour les autres, nécessitent des moyens en matière d'ingénierie (pour le montage d'un dossier de candidature par exemple) dont ne disposent pas toujours les territoires ruraux.

Il s'agissait de mettre en place un outil d'aménagement du territoire destiné aux territoires ruraux, suivant le modèle des contrats de ville, en proposant une approche intégrée des problématiques du développement rural et partenariale, associant l'État et les collectivités territoriales .

La circulaire du 23 juin 2016 relative au lancement des contrats de ruralité, précise qu'ils « ont pour objectif de coordonner tous les outils, dispositifs et moyens existants pour développer les territoires ruraux et accélérer la réalisation de projets concrets au service des habitants et des entreprises . Ils doivent s'accompagner de la mise en place de projets de territoires et fédérer l'ensemble des partenaires institutionnels, économiques et associatifs ».

Le contrat de ruralité consiste par conséquent à :

- coordonner et structurer des politiques publiques à une échelle infra départementale, afin d'accompagner la mise en oeuvre d'un projet de territoire ;

- fédérer les partenaires institutionnels, économiques, associatifs dans les territoires ruraux autour d'un programme d'actions ;

- apporter un soutien financier de l'État aux projets inscrits dans une stratégie pluriannuelle de développement local .

Ainsi, le contrat de ruralité est signé entre l'État et les présidents de pôles d'équilibre territorial et rural (PETR) ou les présidents d'EPCI. Le conseil régional, du fait de sa compétence en matière de développement économique, est un partenaire privilégié de ce type de contrat.

Les contrats de ruralité comptent de nombreux partenaires potentiels ; principalement, les conseils départementaux et les communes mais également les chambres consulaires, les parcs naturels ou régionaux, les syndicats mixtes, les agences de l'État (ADEME, ANAH) ainsi qu'un certain nombre d'opérateurs publics (Pôle emploi, ERDF, GRDF) et la Caisse des dépôts et consignations.

Les six volets obligatoires
du contrat de ruralité

Source : plaquette de présentation « le contrat de ruralité : mode d'emploi » du ministère de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Les contrats de ruralité ont été conclus pour une durée de quatre ans . La première génération de contrats couvre la période de 2017 à 2020 , soit quatre années budgétaires, afin d'assurer une cohérence avec les mandats électifs municipaux et les échéances de contractualisation européenne et régionale.

Chaque début d'année , une convention financière entre les signataires définit les actions à engager dans l'année et leur plan de financement. Elle formalise ainsi les engagements de l'ensemble des partenaires du contrat : « établie chaque année lorsque les budgets des signataires sont validés/délégués, et ainsi pour la durée du contrat, cette convention expose les types de financeurs, les formes de l'apport, la source et le montant des crédits pour chacune des actions nécessitant un financement » 3 ( * ) .

Le bilan dressé à mi-parcours réalisé par le ministère de la Cohésion des territoires indique qu'en 2017, « l'essentiel des contrats porte en premier lieu sur l'accès aux services publics (maisons de santé) et la revitalisation des bourgs centres , et secondairement sur l'attractivité du territoire ».

La loi de finances pour 2018 a acté l'arrêt du financement de nouveaux engagements concernant les contrats de ruralité sur le programme 112, transféré vers le programme 119 « Concours financiers aux collectivités territoriales et à leurs groupements » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

Alors qu'en 2017, la deuxième enveloppe de la DSIL était spécifiquement fléchée vers le financement de mesures prévues dans les contrats de ruralité, en 2018, la DSIL se composait d'une enveloppe unique, d'un montant total de 615 millions d'euros , consacrée au financement de plusieurs catégories d'opérations.

Le CGET indique que pour l'exercice 2018, 455 millions d'euros de crédits du budget de l'État ont été mobilisés pour les contrats de ruralité. S'ajoutent à ces derniers 116 millions d'euros provenant des conseils régionaux, 97 millions d'euros des conseils départementaux et 112 millions d'euros de crédits européens.

Pour 2019, le niveau des autorisations d'engagement de la DSIL a été réduit, passant de 615 à 570 millions d'euros. En 2020, les AE doivent rester au même niveau qu'en 2019.

Les 26 millions d'euros de crédits de paiement prévus sur le programme 112 pour 2020 servent donc uniquement à la couverture des restes à payer des engagements pris en 2017.

Le CGET confirme que « la part de l'enveloppe unique de DSIL fléchée vers les contrats de ruralité est laissée à l'appréciation des préfets de région, en lien avec les préfets de départements ».

Votre rapporteur spécial déplore ce transfert vers la DSIL, qui, d'un point de vue budgétaire, manque de cohérence . En effet, la mission « Cohésion des territoires » assure le financement de dispositifs contractualisés similaires aux contrats de ruralité, en particulier les CPER (programme 112) et les contrats de ville (programme 147 « Politique de la ville »).

Le non renouvellement du financement d'engagements dédiés aux contrats de ruralité constitue donc un recul pour le programme 112 « Impulsion et coordination de l'aménagement du territoire » , censé regrouper les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire de l'État.

En outre, depuis 2019, la DSIL ne comprend plus de crédits fléchés vers les contrats de ruralité , comme l'indique le projet annuel de performances annexé à la mission « Relations avec les collectivités territoriales » : en 2020 comme en 2019, le niveau d'AE de 2018 pour la DSIL a été reconduit, « hors l'abondement exceptionnel de 45 millions d'euros opéré l'année dernière au titre du financement des contrats de ruralité ».

Évolution de la DSIL entre 2018 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances

570 millions d'euros ont été proposés au titre de la DSIL en 2019, contre 615 millions d'euros en 2018, même s'il a été précisé que « la dotation pourra toujours financer des investissements, au sein des actions prévues dans les contrats de ruralité signés localement par les préfets », comme en 2018.

En 2020, la DSIL reste au niveau de 570 millions d'euros en AE, ce qui signifie que l'abondement exceptionnel lié aux contrats de ruralité a bel et bien disparu après 2018 et que le financement de ces contrats risque de ne pas être pérennisé.

Les dix propositions de votre rapporteur spécial
pour les contrats de ruralité

Proposition n° 1 : reconduire le dispositif des contrats de ruralité pour une deuxième génération à compter de 2020 et pour cinq ans, qui coïncidera avec la nouvelle mandature municipale.

Proposition n° 2 : afin d'éviter une dissolution des moyens dédiés à la ruralité dans des enveloppes concernant d'autres enjeux territoriaux, maintenir des contrats de ruralité distincts des futurs « contrats de cohésion territoriale », au même titre des contrats de ville.

Proposition n° 3 : afin de garantir la lisibilité des crédits affectés par l'État aux contrats de ruralité, revenir à une enveloppe de crédits dédiée sur le programme 112, affectée au FNADT, qui présente des atouts par rapport à la DSIL (souplesse, financement de l'ingénierie territoriale, de projets privés, etc.).

Proposition n° 4 : assurer la visibilité des engagements de l'État sur la durée des contrats, à l'instar de la méthode déployée sur les CPER, afin que les élus appuient leur stratégie de développement sur une programmation pluriannuelle financièrement sécurisée.

Proposition n° 5 : afin de garantir une meilleure efficacité des contrats et la transparence des modalités d'attribution des crédits, prévoir au niveau national des critères d'attribution des crédits par territoire fondés sur la fragilité des territoires (densité de population, évolution démographique et revenu par habitant).

Proposition n° 6 : lorsqu'un EPCI est porteur du contrat de ruralité, veiller à ce que seules les communes dites « rurales » bénéficient du soutien financier de l'État prévu dans le cadre des contrats.

Proposition n° 7 : conditionner la signature d'un contrat de ruralité à la désignation d'un chef de projet dédié à son animation et au suivi de sa mise en oeuvre, et assurer le financement de ce poste à hauteur de 80 % par l'État dans le cadre du financement prévu pour les contrats de ruralité.

Proposition n° 8 : instaurer une clause de revoyure du contrat à mi-parcours permettant une première évaluation de sa mise en oeuvre et un éventuel avenant.

Proposition n° 9 : encourager la participation des acteurs sociaux et des citoyens à l'élaboration des contrats de ruralité, afin de partager les diagnostics et les solutions aux problématiques du développement rural.

Proposition n° 10 : instaurer une majoration de 10 % de l'enveloppe allouée par l'État aux territoires ayant subi une baisse démographique au cours des cinq dernières années.

Source : rapport n° 673 (2018-2019), le contrat : un outil d'avenir pour relever le défi du développement rural de M. Bernard DELCROS, fait au nom de la commission des finances

Les recommandations de votre rapporteur spécial ont été entendues et une partie d'entre elles a été reprise par le Gouvernement. En effet, une nouvelle génération de contrats de ruralité doit être mise en oeuvre. Ceux-ci ne seront donc pas fondus dans un contrat de cohésion territoriale unique.

Votre rapporteur spécial considère que l'annonce de cette nouvelle génération de contrats va dans le bon sens. Toutefois, le levier financier mobilisé par l'État devra être suffisant pour accompagner efficacement les projets de territoires.

2. Les échéances des contrats de plan État-région

Les deux générations (2007-2014 et 2015-2020) des contrats de plan État région (CPER) représentent l'essentiel des crédits de la section locale du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT). L'année 2020 est la dernière année d'engagement pour les CPER 2015-2020 et la nouvelle génération de CPER est actuellement en préparation (CPER 2021-2027).

Toutes générations confondues, les crédits affectés aux CPER représentent 58 % des AE et 47 % des CP du programme 112 pour l'année 2020.

Les crédits du FNADT affectés aux CPER 2015-2020 sont cependant en baisse ; ils représentent 112 millions d'euros (- 14 % par rapport à 2019) en AE et 100,6 millions d'euros en CP (- 5 %).

Évolution des crédits consacrés aux CPER 2015-2020

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, à partir des données du projet annuel de performances

Les crédits retracés au sein du programme 112 n'offrent qu'une image très parcellaire des crédits consacrés par l'État aux contrats signés avec les régions . En effet, les 756 millions d'euros consacrés aux CPER 2015-2020 sur l'ensemble de la période retracés au sein du programme 112 ne représentent que 5,6 % de l'ensemble des crédits contractualisés avec les régions .

Les CPER sont financés à hauteur de 13 milliards d'euros par l'État et ses agences et mobilisent des crédits de plusieurs opérateurs tels que l'Agence nationale de rénovation urbaine ou Voies navigables de France. L'engagement des régions s'élève à 15 milliards d'euros, soit un total de 28 milliards d'euros contractualisés.

Exécution prévisionnelle CPER 2015-2020 au 31/12/2019

(en milliers d'euros)

Volets du CPER

Montants contractualisés révisés

AE
2015-2018

%
exécution 2015-2018

AE 2019
prévisionnelles

Rythme d'engagement des AE en 2019

AE 2015-2019 prévisionnelles

%
exécution 2015-2019

Mobilité multimodale

7 440

2 939

39,5 %

770

10,4 %

3 709

49,9 %

Enseignement supérieur, recherche

1 500

932

62,1 %

208

13,9 %

1 140

76,0 %

Transition écologique et énergétique

2 901

1 703

58,7 %

457

15,8 %

2 160

74,5 %

Territorial

1 265

682

53,9 %

162

12,8 %

844

66,7 %

Culture

254

156

61,5 %

32

12,8 %

189

74,3 %

Emploi

210

128

60,7 %

34

16,1 %

161

76,8 %

Total général

13 571

6 539

48,2 %

1 664

12,3 %

8 203

60,4 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire

L'exécution des CPER 2015-2020 s'est accélérée en 2019 , en particulier pour les volets « Enseignement supérieur, recherche » et « Emploi » qui devraient s'approcher d'un taux d'exécution de 100 % en 2020.

Il reste que la trajectoire du volet « mobilité multimodale » est stable avec un taux d'engagement des AE de 10 % par an, mais le taux d'exécution reste assez éloigné de l'objectif pour 2020 .

L'adoption de la loi d'orientation des mobilités et la programmation pluriannuelle des infrastructures de transports qui en découlera devrait permettre d'accélérer les engagements de crédit contractualisés dans les CPER.

Par ailleurs, le volet territorial des CPER connaît un léger retard avec un taux d'exécution prévu pour fin 2019 de 66,7 %. Ce retard s'explique en partie par les difficultés d'engagement sur le programme 123 - conditions de vie outre-mer.

La réduction constatée des AE et des CP en 2020 s'explique par le fait que 2020, constitue la dernière année d'engagements de crédits au titre des CPER 2015-2020 qui seront remplacés par les CPER prévus pour la période 2021-2027 .

Actuellement, des discussions sont en cours pour préparer cette nouvelle génération de contrats. Dans un premier temps, il a été demandé aux régions de faire part de leurs projets et de leurs attentes, afin d'établir les mandats de négociation après une phase préalable de consultation. Ces échanges ont permis des remontées de terrain jusqu'au 31 octobre dernier.

Les consultations ont permis de poser la question du champ des futures générations de contrat.

Votre rapporteur spécial considère que la nouvelle génération de CPER doit comprendre un volet dédié à l'accès au soin. La mise en place de ce volet permettrait de coordonner l'action des différents intervenants au niveau régional et de mener une stratégie concertée pour lutter efficacement contre la désertification médicale et traiter la question de la fragilisation de l'offre hospitalière.

Par ailleurs, les futurs CPER devront également comprendre un volet agricole, afin d'associer plus étroitement les régions à l'accompagnement de la transition vers un nouveau modèle agricole, adapté aux nouvelles contraintes climatiques. Les régions ont un rôle majeur à jouer dans cette transition, celles-ci disposant de la compétence de développement économique.

Les réunions interministérielles sur les futurs CPER étant en cours votre rapporteur spécial recommande que les mandats de négociation avec les régions donnés aux Préfets de région par le Premier ministre d'ici à la fin janvier permettent de traiter les thématiques de l'accès au soin et de l'agriculture .

Par ailleurs, votre rapporteur spécial recommande que la contractualisation avec les régions aille au-delà du simple engagement de crédits pour pouvoir constituer un cadre d'exercice coordonné des compétences .

Les annonces du Gouvernement sur le sujet semblent pour l'instant aller dans le bon sens, à l'image du contrat d'action publique pour la Bretagne signé en février dernier.

Surtout, votre rapporteur spécial insiste sur le fait que cette nouvelle génération de CPER doit permettre de coordonner plus efficacement la solidarité infra-régionale.

En effet, les régions disposant de la compétence de développement économique depuis la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, ( NOTRe ), leur action doit être coordonnée avec celle de l'État pour favoriser le développement de l'ensemble des territoires, en particulier des plus fragile s.

3. Les pactes de développement territorial, de nouveaux outils contractuels en faveur des territoires les plus fragiles ?

En vertu de l'article L. 1231-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), l'ANCT devrait désormais être chargée de la mise en oeuvre de ces contrats, qualifiés de « contrats de cohésion territoriale ». Ces derniers ont été préfigurés par les « pactes de développement territorial ».

Dès 2019, l'État a initié cette nouvelle démarche contractuelle en indiquant s'adresser aux territoires les plus fragiles. Ces contrats permettent de réorienter une partie des crédits existants mais jouent également un rôle de catalyseur pour faire émerger des projets et coordonner les acteurs.

En 2019, onze contrats ont été signés :

- contrat de développement territorial pour Calais et le Calaisis ;

- contrat de développement territorial de l'Amiénois ;

- contrat d'accompagnement à la redynamisation de Châlons-en-Champagne ;

- contrat triennal de Strasbourg ;

- pacte Sambre Avesnois Thiérache ;

- engagement pour le renouveau du bassin minier ;

- contrat d'action publique pour la Bretagne ;

- contrat d'avenir Pays de la Loire ;

- pacte de développement de la Nièvre ;

- pacte Ardennes ;

- plan particulier pour la Creuse.

D'après les documents budgétaires, les pactes territoriaux « visent à mieux coordonner l'action des pouvoirs publics (État, collectivités, opérateurs publics, ADEME, ANAH, CEREMA, ANRU) mais aussi des acteurs économiques et sociaux autour de la mise en oeuvre de projets stratégiques partagés visant à enclencher et à soutenir une dynamique de rebond . » La préparation de ces contrats, qui s'étend sur près d'une année, permet de réunir l'ensemble des acteurs et de financer les projets.

Déjà, lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, votre rapporteur spécial s'était interrogé sur la légitimité de supprimer les contrats de ruralité au profit d'un contrat unique de cohésion territoriale . En effet, le recours à un seul type de contrat pose la question de la prise en compte des enjeux ruraux. Cette préoccupation apparaît d'autant plus importante qu'une priorisation des projets est envisagée en fonction des contraintes budgétaires : « le calendrier d'intervention et le cadencement des opérations seront déterminés en fonction des choix politiques, tant locaux que nationaux, de l'avancement des projets et des moyens disponibles ».

Parmi les pactes de développement territorial signés depuis le début de l'année , les besoins des territoires sont de natures très différentes . Cette diversité va dans le bon sens : elle permet de laisser de vraies marges de manoeuvre et d'adapter les contrats aux besoins réels des territoires. Ainsi, cette nouvelle forme de contrats permet d'appliquer une logique de différenciation entre les territoires.

Cette logique ne devra cependant pas de limiter aux territoires actuellement visés mais doit pouvoir être étendues aux territoires qui ont les plus besoin.

C. HORS L'AUGMENTATION DES CRÉDITS AFFECTÉS À L'ACCESSIBILITÉ DES SERVICES PUBLICS, LES MOYENS DES DIFFÉRENTS DISPOSITIFS NON CONTRACTUELS DU PROGRAMME CONTINUENT LEUR BAISSE

1. Vers la disparition de la prime d'aménagement du territoire

La prime d'aménagement du territoire pour l'industrie et les services (PAT) est une aide directe à l'investissement des entreprises destinée à promouvoir l'implantation et le développement d'entreprises créatrices d'emplois et d'activités durables.

Le montant maximal de la prime est de 15 000 euros par emploi créé et maintenu , dans la limite des crédits disponibles et dans le respect des plafonds d'aide à l'investissement fixés par la réglementation européenne.

D'après les informations fournies à votre rapporteur spécial, en 2018, au total 22 projets ont reçu une prime d'aménagement du territoire (PAT), ce qui représente 14 millions d'euros, soit près de 2 800 emplois soutenus dont 2 000 créations d'emplois nouveaux et 637 millions d'euros réalisés en investissements . L'effet levier de la PAT en 2018 est estimé à 33 emplois par tranche de 100 000 euros engagés .

En revanche, les prévisions d'efficience de la PAT en 2020 ont été revues à la baisse, du fait du placement en redressement judiciaire de la société Saint Nazaire Aéroprod (objectif initial de 100 emplois) et surtout par la cession du site de production de l'entreprise Norske Skog (objectif initial de 390 emplois).

Ces évènements ponctuels ne doivent cependant pas conduire à remettre en cause le dispositif . La PAT a fait ses preuves et permet pour un coût relativement limité de maintenir des emplois tout en ciblant les espaces géographiques qui en ont le plus besoin . En effet, outre les emplois directement soutenus, les entreprises visées permettent également le maintien d'un grand nombre d'emplois indirects.

De plus, le budget de la PAT reste limité en comparaison des budgets des dispositifs similaires à l'étranger (jusqu'à 1,2 milliard d'euros pour le dispositif allemand similaire).

Évolution des crédits consacrés à la prime d'aménagement du territoire

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir du projet annuel de performances pour 2019 et des rapports annuels de performances des années précédentes)

En dépit du bilan positif de la PAT le présent projet de loi de finances prévoit de réduire encore de 4 millions d'euros les autorisations d'engagements au titre de la PAT. Cette nouvelle baisse revient à opérer une baisse de près de 70 % depuis 2017 .

La réduction des moyens de la PAT laisse peu de marges de manoeuvre pour mobiliser cet outil qui offre pourtant un soutien essentiel à l'investissement dans les territoires prioritaires.

Alors que dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, le ministère de la cohésion des territoires indique que « la PAT constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles », la baisse des autorisations d'engagement s'inscrit à rebours de ce constat .

Dès lors, votre rapporteur spécial vous propose d'adopter un amendement de crédit visant à restaurer des moyens d'actions pour la PAT . Il s'agit d'un amendement a minima , afin de sauver le dispositif de la disparition.

En application des règles de recevabilité des amendements applicables en vertu de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances, votre rapporteur vous propose de compenser l'augmentation des crédits concernant sur cette action par une diminution des crédits de l'action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

En réalité, votre rapporteur considère que la PAT devrait être renforcée dans des proportions beaucoup plus importantes dans la mesure où elle constitue un outil à fort effet de levier en faveur de l'emploi dans l'ensemble des territoires.

2. Les maisons France service, un label pour répondre aux critiques ?

Dès le 1 er janvier prochain, les maisons de services au public (MSAP) sont appelées à évoluer, pour renforcer leur offre de service. Cette montée en gamme donne lieu à la délivrance d'un label, les maisons France service (MFS) . En effet, dans un discours du 25 avril dernier, le président de la République a affiché son projet de disposer, dans chaque canton d'ici la fin du quinquennat, d'une MFS (soit 2 000 MFS contre 1 344 MSAP actuellement) .

Le financement de chacune des MSAP pour 2019 a été arrêté à une base forfaitaire de 30 000 euros par maison existante, dont 50 % au titre du FNADT et 50 % au titre du fonds inter-opérateur (FIO). Pour les MSAP portées par le groupe La Poste, la somme forfaitaire portée par l'État et les collectivités territoriales est en revanche fixé à 26 000 euros, complétés par 4 000 euros du FIO.

Abondement du fonds inter-opérateur destiné
à financer la dotation forfaitaire des MSAP

(au 1 er janvier 2019)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

La montée en gamme des MSAP souhaitée par le président de la République à compter du 1 er janvier 2020 doit permettre de répondre en partie aux réserves formulées par la Cour des comptes dans son rapport de mars dernier 4 ( * ) .

La Cour a en effet indiqué que d'importantes marges d'amélioration étaient possibles. L'offre de service des MSAP est jugée trop hétérogène et insuffisamment connue. Elle dresse également un bilan sévère des services rendus dans les maisons portées par le groupe La Poste.

Le rapport de la Cour des comptes sur l'accessibilité
des services publics dans les territoires ruraux

Pour la Cour, « la qualité de l'offre de services au sein des MSAP est tout aussi hétérogène que l'offre elle-même. Pour la CAF, après deux années de fonctionnement, les remontées d'information de son réseau indiquent que nombre de MSAP ne sont pas en mesure d'accomplir les missions définies dans le cahier des charges. De la même manière, les remontées d'information des agences de Pôle emploi font apparaître l'hétérogénéité des services proposés par les MSAP selon le type d'acteurs qui les portent. Afin de garantir une certaine qualité de l'accompagnement des usagers, les formations des agents des MSAP assurées au plan local par les opérateurs sont cruciales . »

[...]

« Au-delà de leur fréquentation bien moindre, les MSAP portées par La Poste concentrent les critiques les plus nettes. En dépit du maillage territorial de l'opérateur et de sa relation de proximité avec les usagers, la qualité du service rendu n'est pas à la hauteur des attentes. La conciliation de l'activité commerciale des agents de La Poste avec l'offre de prestations au titre des MSAP apparaît difficile »

[...]

« Il est inhérent au modèle de MSAP de pouvoir offrir un accompagnement de qualité des usagers, ce qui impose une certaine polyvalence. C'est pourquoi, la professionnalisation des MSAP doit être renforcée et un métier d'agent polyvalent d'accompagnement du public créé. La formation continue de ces agents devrait devenir obligatoire. »

Les recommandations de la Cour pour développer la qualité et l'attractivité des offres mutualisées de services publics des MSAP sont les suivantes :

- revoir les modalités de financement des MSAP en intégrant une contractualisation pluriannuelle et en augmentant le nombre de partenaires ;

- conditionner la création de nouvelles MSAP de La Poste, d'une part, à un enrichissement et à un élargissement préalable des prestations et, d'autre part, à une évaluation du besoin au regard du maillage préconisé dans chaque SDAASP ;

- créer le métier d'agent polyvalent d'accompagnement du public avec une obligation de formation continue pour ces agents, en particulier pour l'aide numérique au public.

Source : Cour des comptes, L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, mars 2019

La labellisation maison France service doit donc répondre à ces critiques . Le Gouvernement fixe trois objectifs :

- améliorer l'accessibilité aux services publics en faisant croître le réseau des MSAP et en mettant en place de services itinérants, les bus France services ;

- simplifier les démarches des usagers en regroupant effectivement dans un même lieu les différents services, sans avoir à rediriger les usagers vers d'autres services ;

- renforcer substantiellement la qualité du service rendu et offrir un panier de services homogène entre les différentes maisons.

Conformément à la Charte France services, chaque structure devra installer un accès libre et gratuit à un point numérique ou à tout outil informatique permettant de réaliser des démarches administratives dématérialisées .

Afin d'éviter que le rôle des MFS ne se limite à la réorientation des usagers et à la prise de rendez-vous, il est prévu que les opérateurs et administrations disposent de référents locaux, qui tiendront lieu de « back office » facilement joignables par téléphone par les agents locaux, ou même par visio-conférence directement par les usagers.

Votre rapporteur spécial s'interroge sur les coûts supplémentaires qui pourraient être engendrés par ces nouveaux objectifs fixés aux MFS. En effet, la mise en place d'un tel service téléphonique ou de visio-conférence suppose des mutations dans l'organisation des services et l'affectation d'un certain nombre d'agents à cette tâche.

De plus, la confidentialité des échanges supposera l'aménagement d'espaces dédiés au sein des MFS pour échanger par téléphone ou par visio-conférence avec les conseillers.

Sans modification de l'enveloppe forfaitaire dédiée à chaque maison, la montée en gamme des services rendus n'est pas couverte financièrement par l'État.

Votre rapporteur spécial s'inquiète donc de ne pas voir de financement complémentaire en prévision de la labellisation des maisons .

Les préfets ont été mobilisés pour procéder à des contrôles de la qualité des services rendus dans les MSAP, ce à partir du 26 septembre dernier et jusqu'à la fin du mois d'octobre . Ils ont pour l'instant labelisé 460 maisons .

Pour autant, les financements ne semblent pas au rendez-vous, les nouveaux moyens affectés au renforcement des MSAP restant relativement limités au regard des objectifs affichés. En effet, les AE prévues pour 2020 sont au même niveau que celles prévues pour 2017 et 2018 et légèrement supérieures à 2019 (+ 2,8 millions d'euros).

3. Les zones de revitalisation rurale, outil indispensable à l'économie des territoires ruraux, sont menacées

Créées en 1995, les zones de revitalisation rurale (ZRR) ont pour objectif de compenser le différentiel d'attractivité que subissent les territoires ruraux . Ce dispositif « vise à compenser les handicaps territoriaux [et] fixe des dispositions dérogatoires modulant les charges imposées à chacun » 5 ( * ) .

Les ZRR permettent d'adapter le niveau de la fiscalité pour favoriser le développement de territoires moins bien dotés en services, tant publics que privés et dont la faible densité de population a des conséquences importantes sur le niveau d'activité . Comparée aux territoires les plus densément peuplés, l'attractivité des territoires ruraux est en effet limitée.

Votre rapporteur spécial considère que ce constat justifie le recours à une logique de traitement différencié : il est indispensable de conforter les choix de l'implantation en milieu rural en offrant des avantages spécifiques visant à compenser les difficultés inhérentes à la création et au développement de leurs activités.

De plus, il est nécessaire d'aider directement au maintien et au développement d'activités dans les territoires les plus fragiles en offrant notamment des exonérations fiscales à destination des entreprises.

Ces exonérations permettent, comme le soulignaient déjà les députés Alain Calmette et Jean-Pierre Vigier dans leur rapport de 2014, « de sécuriser les projets en phase de démarrage en leur donnant une meilleure lisibilité financière et de pérenniser les activités en accompagnant dans la durée les petites entreprises » 6 ( * ) .

Ainsi, votre rapporteur spécial a mené un travail de contrôle sur l'avenir des ZRR 7 ( * ) avec nos collègues sénateurs Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau. À l'issue de ce travail, les trois co-rapporteurs ont dressé plusieurs constats et appelé à des mesures d'urgence pour sauver les ZRR et en améliorer l'efficience.

Votre rapporteur spécial considère en effet qu'il est indispensable de voter dès la loi de finances pour 2020 la prorogation de l'ensemble des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes bénéficiant actuellement du dispositif, et ce jusqu'au 31 décembre 2021 . Cette période transitoire permettra de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d'améliorer le ciblage ainsi que l'efficience des dispositifs associés au zonage.

D'ici au 31 décembre 2021, votre rapporteur spécial s'engage à participer à une réflexion sur la réforme des ZRR à partir des leviers qu'il a pu identifier avec ses co-rapporteurs.

Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par votre rapporteur spécial et ses co-rapporteurs afin de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux.

Cette réforme devra définir des critères de classement permettant des zonages plus justes et différenciés en fonction du degré de fragilité des territoires ruraux et de proportionner les dispositifs de soutien au niveau de fragilité des territoires, à travers des bouquets d'aides renforcés , ainsi qu'un meilleur accompagnement des acteurs concernés par les ZRR dans le cadre d'une clarification de la gestion du dispositif.

Les propositions du rapport
Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR),
un enjeu pour 2020

Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau

Dès l'examen de la loi de finances pour 2020, proroger jusqu'au 31 décembre 2021 la totalité des mesures en vigueur dans les ZRR pour l'ensemble des communes actuellement incluses dans le zonage. Cette période transitoire doit permettre de définir des critères plus adaptés pour tenir compte des fragilités des territoires et d'améliorer le ciblage et l'efficience des dispositifs associés au classement en ZRR.

Proposition n° 1 : maintenir l'ensemble des communes sortantes au 1 er juillet 2020 pour une période transitoire allant jusqu'au 31 décembre 2021 et réévaluer, au plus vite et au cas par cas, la situation de ces communes au regard des modifications des périmètres intercommunaux intervenues depuis le 1 er juillet 2017.

Proposition n° 2 : maintenir à droit constant l'ensemble des dispositifs en vigueur dans les ZRR, en particulier les exonérations fiscales, jusqu'au 31 décembre 2021.

D'ici au 31 décembre 2021, préparer une réforme des ZRR à partir des leviers identifiés par les rapporteurs. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de chiffrer les mesures proposées par les rapporteurs et de définir les seuils les plus adaptés aux besoins des territoires ruraux.

Proposition n° 3 : mieux prendre en compte les fragilités et la diversité des territoires dans les grands ensembles intercommunaux, en affinant les critères de classement par secteurs géographiques au sein des intercommunalités.

Proposition n° 4 : revoir les critères de classement en ZRR pour définir trois niveaux de zonage (ZRR1/ZRR2/ZRR3) avec un critère principal de densité démographique et cinq critères secondaires. Des simulations ultérieures, réalisées dans le cadre d'une étude, permettront de définir les seuils les plus adaptés pour ces différents critères :

1. densité démographique ;

2. déclin démographique sur plusieurs années ;

3. revenu par habitant ;

4. dévitalisation constatée par l'évolution des services publics ou privés : nombre d'artisans, de commerçants, d'agriculteurs et de professionnels de santé ;

5. âge moyen de la population ;

6. nombre de logements vacants et de bâtiments d'exploitation vacants ou abandonnés.

En fonction du nombre de critères remplis, un indice de fragilité permettra de classer le territoire concerné en ZRR 1, 2 ou 3 et de bénéficier des mesures associées à chaque niveau de zonage.

Proposition n° 5 : mettre en place un panel de mesures dont l'ampleur serait adaptée à chaque niveau de zonage. Des moyens renforcés devront être consacrés aux territoires les plus fragiles sur la base des différents leviers identifiés par les rapporteurs :

1. des exonérations fiscales facilitant l'installation, la reprise et le maintien de l'ensemble des secteurs d'activité ;

2. des exonérations de cotisations patronales mieux ciblées sur les niveaux de revenus appropriés et la suppression de la condition d'augmentation nette d'effectif afin d'étendre le dispositif à toute nouvelle embauche ;

3. la création d'un fonds spécifique aux ZRR accordant des aides directes aux entreprises localisées dans les territoires les plus fragiles ;

4. une bonification de la dotation globale de fonctionnement, en particulier de la dotation de solidarité rurale, et une majoration des dotations de soutien à l'investissement des collectivités territoriales proportionnées à la fragilité des territoires concernés.

Proposition n° 6 : clarifier la gouvernance de la politique de l'État en matière de ZRR, en confiant à la future ANCT un rôle d'animation territoriale, et créer une section dédiée au suivi des ZRR au sein de l'Observatoire des territoires.

Source : rapport d'information n° 41 (2019-2020), Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020 de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau

Alors que la version initiale du projet de loi de finances pour 2020 ne prévoyait aucune prorogation des communes sortantes du classement ZRR, les députés ont pris en compte les recommandations du rapport en introduisant par amendement, avec avis favorable du Gouvernement, une mesure visant à proroger les communes sortantes au 31 juillet prochain jusqu'au 31 décembre 2020.

Cependant, comme cela est indiqué dans le rapport, ce délai ne permettra pas de faire émerger une réforme ambitieuse du zonage . De plus, les acteurs ont besoins de visibilité et l'arrivée à échéance au 1 er janvier 2020 de l'ensemble des mesures d'exonérations fiscales envoie un signal très négatif.

Dès lors, votre rapporteur spécial envisage de déposer un amendement sur ce sujet lors de l'examen en séance des articles non rattachés de la deuxième partie du PLF.

II. PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT »

1. La hausse des crédits du PITE résulte principalement de la montée en puissance d'une nouvelle action dédiée à la Guyane

Créé en 2006, le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) est composé d'actions territorialisées répondant à des enjeux divers et abondé par des contributions de différents ministères.

Ce programme, s'il représente un faible enjeu budgétaire, est pertinent pour répondre à certaines problématiques locales complexes mettant en jeu la responsabilité de l'État, en cas de contentieux européen ou de risque sanitaire - le président de la République a récemment reconnu à ce titre la part de responsabilité de l'État face au scandale environnemental du chlordécone, lors de son déplacement aux Antilles à l'été 2018.

Évolution des crédits du programme 162 « Interventions territoriales de l'État »

(en millions d'euros)

LFI 2019

PLF 2020

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (volume)

Évolution PLF 2020 / LFI 2019 (%)

FDC et ADP attendus en 2020

Action 02 - Eau - Agriculture en Bretagne

AE

2,3

2

- 0,3

- 13,2 %

0

CP

1,8

1,8

+ 0,0

+ 0,0 %

0

Action 04 - Programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse

AE

27,3

16,8

- 10,5

- 38,4 %

20

CP

17,8

17,9

+ 0,0

+ 0,2 %

20

Action 06 - Plan gouvernemental sur le Marais Poitevin

AE

0

0

0

0,0 %

0

CP

1,6

1,4

- 0,1

- 9,3 %

0

Action 08 - Plan national d'action chlordécone

AE

2

3

+ 1,0

+ 51,0 %

0

CP

2

3

+ 1,0

+ 51,4 %

0

Action 09 - Plan littoral 21

AE

4

4,8

+ 0,8

+ 21,3 %

0

CP

2,5

4,5

+ 2,0

+ 80,2 %

0

Action 10 - Fonds interministériel de transformation de la Guyane

AE

0

16,9

+ 16,9

0,0 %

0

CP

0

7,5

+ 7,5

0,0 %

0

Action 11 - Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire

AE

0

0,1

+ 0,1

0,0 %

0

CP

0

0,7

+ 0,7

0,0 %

0

Total programme 162

AE

35,6

43,6

+ 8,0

+ 22,4 %

20

CP

25,7

36,7

+ 11,1

+ 43,1 %

20

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données du projet annuel de performances pour 2020 et des rapports annuels de performances des années antérieures)

Le PITE présente des avantages notables pour les gestionnaires, en leur offrant une grande souplesse de gestion , tandis qu'il garantit aux acteurs locaux une meilleure visibilité de l'engagement de l'État sur leur territoire.

Deux nouvelles actions sont intégrées au PITE en 2020. Elles concernent d'une part le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane et d'autre part la qualité de l'eau dans le Pays de la Loire.

Les crédits du PITE devraient s'établir en 2020 à :

- 43,6 millions d'euros en autorisations d'engagement , soit une hausse de 22,4 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2019 ;

- 36,7 millions d'euros en crédits de paiement , ce qui correspond à une hausse de 43,1 % par rapport à 2019.

À périmètre constant en revanche, les autorisations d'engagement consacrées aux actions déjà présentes sur le PITE en 2019 sont en baisse de près de 10 millions d'euros, soit une baisse de plus d'un quart de leur montant. Cette baisse résulte de la baisse des AE liées au plan exceptionnel d'investissement (PEI) en Corse.

Par ailleurs, le plan Littoral 21 continue sa montée en puissance pour atteindre près de 5 millions d'euros en AE et 4,5 millions d'euros en CP.

Par ailleurs, après que le projet de loi de finances pour 2019 a marqué la fin de nouveaux engagements sur l'action 06 « Plan d'action gouvernemental pour le Marais poitevin », l'année 2020 marque l'apurement des engagements antérieurs par l'utilisation des derniers CP sur l'action (1,45 millions d'euros).

Au total, ces évolutions conduisent à accroître le poids de l'action 04 « PEI en Corse » au sein du PITE : en 2019, celle-ci représente 77 % des autorisations d'engagement du programme et 69 % des crédits de paiement.

Budget quinquennal 2018-2022 du programme 162
prévu par la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022

(en milliers d'euros)

LFI 2018

Plafond 2019

Plafond 2020

Plafond 2021

Plafond 2022

27,3

25,8

27,8

25,4

24,4

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Ce plafond tient compte :

- de la fin des engagements sur l'action 06 « Plan gouvernemental pour le Marais poitevin » en 2019, et prévoit une clôture de l'action en 2020 ;

- de la prorogation pendant deux années supplémentaires de l'action 04, au vu du volume des opérations restant à programmer d'ici le terme du plan exceptionnel d'investissements pour la Corse, afin de lisser sur cinq ans les crédits nécessaires pour couvrir l'intégralité de l'engagement de l'État (cf. infra ) ;

- de la création de l'action 09 « Plan littoral 21 » avec une mise en oeuvre progressive ;

- de la reconduction du plan chlordécone en Martinique et en Guadeloupe à compter de 2021.

Cependant, les nouvelles actions et, en particulier celle dédiée au Fonds interministériel de transformation de la Guyane conduisent à dépasser très largement ces plafonds.

2. Eau et agriculture en Bretagne : un manque de lisibilité budgétaire qui perdure

Cette action vise à améliorer la qualité de l'eau en incitant les agriculteurs et les autres acteurs économiques à supprimer les atteintes à l'environnement et à respecter les normes européennes .

Elle contribue également au financement du plan de lutte contre les algues vertes , renouvelé pour la période 2017-2021, qui permet un suivi spécifique de la concentration moyenne des eaux en nitrates de plusieurs bassins versants.

Le plan de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV)

En 2010, le Gouvernement a décidé la mise en oeuvre d'un « plan de lutte contre les algues vertes » (PLAV) pour la période 2010-2015. Après une année de transition, il a été prolongé par un second plan pour les années 2017 à 2021.

L'axe 5 « plan algues vertes » de l'action « Eau et agriculture en Bretagne » contribue ainsi à réduire la prolifération des algues vertes par le financement de projets de territoire préventifs destinés à limiter les rejets d'azote et de phosphore dans l'environnement des huit baies identifiées.

Les crédits consacrés à cet axe relèvent de dépenses d'intervention contribuant, pour l'État, à soutenir les huit chartes de territoires du plan, en co-financement avec l'ensemble des autres financeurs (agence de l'eau, conseil régional, conseils départementaux et collectivités locales). Ils financent des actions d'animation et de conseil et encouragent par la voie contractuelle et volontaire une évolution des systèmes de production agricoles vers des systèmes adaptés aux enjeux locaux de réduction des flux de nitrates. Les actions visent ainsi à accompagner la phase de mise en oeuvre opérationnelle du volet préventif du plan pour l'ensemble des huit baies.

Ils apportent par ailleurs, au titre du volet curatif du plan, un soutien financier aux communes pour le ramassage, le transport et le traitement des algues vertes échouées.

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances 2020

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 1,98 millions d'euros en AE et 1,78 million d'euros en CP , soit une baisse de 13 % par rapport aux montants inscrits en 2019.

Cette baisse des crédits de l'action 02 « Eau et agriculture en Bretagne » doit être nuancée en raison du recours à des mouvements de crédit en gestion en provenance du programme 149. Ces transferts permettent de financer le plan de lutte contre la prolifération des algues vertes (PLAV) par voie de transfert en gestion du ministère de l'agriculture et de l'alimentation .

En effet, comme chaque année depuis 2018, cette action sera abondée à hauteur de 5 millions d'euros (en AE et en CP) en gestion par un transfert de crédits du ministère de l'agriculture et de l'alimentation, afin de financer la lutte contre la prolifération des algues vertes en Bretagne.

Comme l'a confirmé la direction de la modernisation et de l'administration territoriale du ministère de l'Intérieur, chargé de la gestion déléguée du PITE, cet abondement est prévu en 2020 et devrait se poursuivre les années suivantes.

Votre rapporteur souhaite formuler plusieurs observations sur ce sujet :

- compte tenu du caractère régulier et prévisible de cette dépense , cette situation est difficilement compréhensible ;

- elle fausse l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement et ne correspond pas à la logique du PITE ;

- cet abondement n'apporte aucune garantie, ni quant au montant qui sera in fine transféré en faveur du plan ni quant au calendrier de ce versement ; le secrétariat général du ministère de l'intérieur a ainsi confirmé la nécessité de pouvoir disposer de l'abondement suffisamment tôt en gestion afin d'entreprendre les actions liées au plan.

Dans un contexte de recrudescence des algues vertes, votre rapporteur spécial invite à davantage de lisibilité budgétaire et interroge la réduction des moyens sur le PITE .

3. La réduction des crédits alloués au plan exceptionnel d'investissement en Corse : un lissage dans le temps pour couvrir les engagements de l'État

Dans le cadre de ce plan destiné à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité, pour résorber son déficit en équipements et services collectifs » 8 ( * ) , l'État s'est en effet engagé à verser 416 millions d'euros au total, auxquels s'ajoutent 552 millions d'euros de l'Agence pour le financement des infrastructures de transport de France(AFITF).

Depuis 2017, première année de lancement de la quatrième phase du PEI, la programmation budgétaire traduisait une augmentation des besoins d'AE et de CP.

La loi ELAN 9 ( * ) a prorogé jusque fin 2022 le PEI Corse en permettant l'engagement de crédit jusque 2022, les CP pouvant être débloqués jusqu'en 2026. En 2020, le niveau des CP est fixé à 17,9 millions d'euros, soit le même niveau qu'en 2019. En revanche, le niveau des AE est en très nette baisse, passant de plus de 27 millions d'euros à moins de 17 millions d'euros. Cette baisse est une conséquence de l'accélération de la mise en oeuvre du PEI en 2019.

D'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial, « les opérations envisagées pour le PEI 4 étaient déjà largement identifiées au moment de la signature de la convention en décembre 2016, mais le temps nécessaire à leur maturation (réalisation des études techniques et environnementales, maîtrise foncière, obtention des permis de construire et autorisations administrative) ne permet pas d'envisager la programmation de la totalité d'entre elles dans les délais initialement impartis ».

La réalisation du PEI nécessite en réalité de lisser sur cinq ans les crédits nécessaires pour couvrir l'intégralité de l'engagement de l'État .

Les différentes générations de plans d'investissement en Corse

Le PEI a été institué par l'article 53 de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse. Il entend « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité », et « résorber son déficit en équipements et services collectifs ».

Par une convention cadre, signée le 22 avril 2002, l'État et la collectivité territoriale de Corse ont fixé les masses du PEI, dont le montant total s'établit à 1,94 milliard d'euros (cofinancement État et collectivités territoriales).

La première convention d'application du PEI, qui a porté sur les années 2002-2006, a programmé 481,2 millions d'euros d'investissements, pour un financement de l'État de 291 millions d'euros.

La deuxième convention, signée le 4 mai 2007 pour les années 2007-2013, prévoit 992 millions d'euros. Fin 2013, 100 % des crédits ont été programmés au titre de cette convention, pour un financement état de 545,5 millions d'euros et des paiements réalisés de 264,6 millions d'euros.

Une troisième convention, signée le 4 juin 2013, couvre la période de programmation 2014-2016, pour un montant de 536 millions d'euros.

La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (« NOTRE ») a porté la durée du PEI de 15 ans à 17 ans, décalant son échéance de 2016 à 2018.

La quatrième convention d'application, signée le 20 décembre 2016, porte sur la période 2017-2020.

Source : commission des finances du Sénat d'après le projet annuel de performances 2020

Selon les informations transmises par le secrétariat général du ministère de l'intérieur, un certain nombre de projets ont été engagés en 2018 (opérations de réhabilitation de réseaux, études relatives à la rénovation du théâtre de Bastia).

Au 30 juin 2019, le niveau d'exécution de la programmation du PEI 4 atteint 45,73 %, toutes mesures confondues.

Un avenant de fin de PEI entre l'État la collectivité de Corse devrait formaliser les montants restant à programmer au-delà de 2020, pour un montant d'environ 240 millions d'euros . Sur cette somme, 70 millions d'euros devraient provenir du programme des interventions territoriales de l'État ; 112 millions d'euros de l'AFITF, et 42 millions d'euros de l'ADEME, pour les équipements de traitement et de valorisation des déchets.

La question de l'après PEI 4 doit dès à présent être lancée. Plutôt qu'une logique de saupoudrage sur de nombreux projets, votre rapporteur spécial recommande de concentrer les financements sur des projets structurants , afin d'aider plus directement au développement autonome de l'île de Beauté. Il pourra s'agir notamment de financer les travaux importants qui doivent être opérés sur les principaux ports de l'île.

4. Marais poitevin : l'extinction des engagements dès 2019

D'après les réponses au questionnaire du rapporteur, « initiée en 2003 pour favoriser une agriculture conforme aux enjeux environnementaux du Marais en préservant les milieux naturels et en valorisant de façon durable son territoire et son patrimoine, l'action a permis d'accélérer le rythme de reconstitution des prairies et arrive par conséquent à terme ».

Le projet de loi de finances pour 2019 ayant acté l'arrêt du PITE en faveur du Marais poitevin : les crédits de paiements inscrits sur l'action seront désormais destinés, pour la dernière année, à couvrir les restes à payer des opérations engagées jusqu'en 2018 .

D'après les informations transmises par le secrétariat général du ministère de l'intérieur, l'action de l'État dans le Marais poitevin serait poursuivie avec les outils de droit commun (crédits du ministère de l'agriculture, de l'Agence française de la biodiversité voire du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire).

Alors que la situation sur le terrain reste précaire, votre rapporteur spécial portera une attention particulière à la mobilisation de ces crédits de droit commun . À l'occasion du contrôle budgétaire mené au printemps 2017 10 ( * ) , il a constaté qu'une intervention financière de l'État devait être maintenue. Les besoins restent importants sur le terrain en particulier en matière de remise à niveau des ouvrages hydrauliques et de mesures agroenvironnementales .

5. Plan chlordécone dans les Antilles : les moyens affectés sont-ils à la hauteur des enjeux ?

Une mission d'évaluation du plan chlordécone III (2014-2020) a été confiée à l'inspection générale des affaires sociales, au conseil général de l'environnement et du développement durable, au conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux et à l'inspection générale de l'administration, de l'éducation nationale et de la recherche le 28 mars 2019. Le rapport, qui était attendu en septembre dernier, devait comporter des propositions pour l'élaboration du plan chlordécone IV, annoncé par le président de la République lors de son déplacement aux Antilles en septembre 2018.

Ce rapport n'a cependant pas encore été rendu. En parallèle, l'Assemblée nationale a décidé la création d'une commission d'enquête sur le sujet le 18 juin dernier.

Le plan chlordécone vise à répondre aux risques liés à la contamination des sols par ce pesticide, utilisé entre 1972 et 1993 en Martinique et en Guadeloupe pour lutter contre le charançon de la banane . Interdit dès 1977 aux États-Unis, ce pesticide est resté utilisé jusqu'en 1993 aux Antilles par les producteurs de bananes.

D'après les réponses au questionnaire budgétaire, « plus de 1 500 prélèvements, répartis de manière homogène sur la Martinique et Guadeloupe, ont été analysés. Les résultats, présentés en juillet 2018, montrent une contamination plus faible en zone périurbaine comparée aux bases de données existantes concernant les zones agricoles. En Guadeloupe, une étude de faisabilité sur la mise en place d'une charte de qualité concernant les produits maraîchers et vivriers est en cours ».

Pour l'exercice 2020, les moyens prévus sont en hausse de 50 % et passent à 3 millions d'euros en AE et en CP . Ce montant devrait être complété par un transfert en gestion de 100 000 euros du ministère de l'agriculture et de l'alimentation afin de soutenir les pêcheurs professionnels touchés par les interdictions de pêche liées à la pollution par le chlordécone, de 200 000 euros pour le renforcement des contrôles et 200 000 euros pour les analyses des sols contaminés .

Les quatre axes du plan couvrant la période 2014 à 2020 continueront à être financés selon des montants similaires aux années précédentes : environ 1,3 million d'euros en faveur du développement d'une stratégie locale de développement durable (chartes patrimoniales, cartographie de la pollution, actions de communication), 800 000 euros pour les actions de surveillance et les études, 500 000 euros au profit d'actions de recherche et 400 000 euros pour l'accompagnement des agriculteurs et des petits producteurs locaux .

Malgré la hausse bienvenue de 1 million d'euros, les moyens alloués au plan chlordécone n'apparaissent pas en adéquation avec les enjeux sanitaires et environnementaux considérables qui le sous-tendent.

6. Plan littoral 21 en Occitanie : une montée en charge rapide des crédits

La loi de finances pour 2018 a créé une nouvelle action au sein du PITE. L'action 09 « Plan littoral 21 » a vocation à participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l'horizon 2050 , défini conjointement par l'État et la région. Pour 2020, sont prévus 4,8 millions d'euros en AE et 4,5 millions d'euros en CP.

Le coût total prévisionnel du Plan littoral 21 est estimé à près de 1 milliard d'euros, mobilisant 300 millions d'euros de la région pour la période 2017-2020 et 218,5 millions d'euros de l'État (CPER, PIA, financements de droit commun et PITE). L'action devrait également bénéficier de financements européens et les projets seront également financés par l'emprunt.

Elle s'inscrit en outre dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral .

En effet, le vieillissement des stations touristiques, l'inadaptation des infrastructures, le réchauffement climatique et l'urbanisation qui menacent l'intégrité des espaces naturels sont des facteurs susceptibles d'affaiblir la compétitivité de ce territoire, ce qui justifie l'intervention de l'État.

Les sources de financement du PITE Littoral 21

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

Les actions financées dans le cadre du plan littoral 21

Les études et investissements programmés concernent :

- le développement et l'accompagnement de la filière halieutique, marquée par un effondrement des ressources disponibles pour la pêche commerciale, afin de modifier les pratiques de pêche en finançant la construction d'un modèle d'exploitation qui permettra de pérenniser ces activités, de les ancrer dans le littoral et de les développer ;

- la valorisation de l'offre culturelle du littoral occitan pour offrir aux flux touristiques importants sur le littoral des passerelles entre terre et mer en permettant de compléter leur séjour par la découverte du patrimoine, des musées, lieux de mémoire ou évènements ;

- la connaissance des risques et la stratégie régionale de lutte contre l'érosion, élément majeur d'aide à la décision tant pour les porteurs de projets que pour la définition des politiques publiques de gestion du trait de côte et la mise en oeuvre de solutions techniques telles que l'aménagement et la restauration des digues, le confortement des dunes et le rechargement des plages ;

- la définition de l'opération de repli stratégique à Vic-la-Gardiole avec un développement de ce site de façon raisonnée et maîtrisée, prenant en compte des aspects économiques et environnementaux ;

- l'adaptation du littoral à la gestion quantitative de l'eau par l'amélioration des conditions d'alimentation, la performance des stations d'épuration, le taux d'utilisation de l'eau brute et la sélection des souches les plus économes en eau dans les cépages viticoles ;

- l'accompagnement des activités économiques par la création de synergies entre les entreprises et les établissements publics de recherche, notamment dans le cadre d'appels à projets pour le numérique, l'halio-alimentaire, l'innovation collaborative, l'innovation de rupture ;

- le développement de la filière sportive, autour du capital vent, par un programme de soutien à l'équipement des clubs de voile, pratique populaire dont il est nécessaire d'envisager la montée en gamme afin de favoriser le tourisme ;

- la création d'une structure de référence spécialisée dans la technologie des bateaux à foils, à l'avant-garde des nouvelles pratiques nautiques, professionnelles et de loisirs ;

- l'amélioration des ports de plaisance pour les adapter aux nouveaux besoins et répondre notamment aux attentes des touristes et des sportifs de la mer ;

- la modernisation et le développement équilibré des stations littorales afin qu'elles deviennent des lieux de vie répondant aux exigences actuelles;

- l'aménagement des voies de circulation douce le long de la côte et la création d'itinéraires entre le littoral et les zones habitées pour développer l'offre de mobilités douces, valoriser l'intermodalité et connecter les villes et les stations balnéaires.

Source : réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial

7. Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

Dans le cadre de la démarche engagée pour la réorganisation de l'État en Guyane, la circulaire du 28 janvier 2019 relative à la nouvelle organisation des services de l'État en Guyane a prévu la mise en place d'un fonds interministériel d'intervention de l'État . La création de ce fonds doit permettre que les crédits mobilisés pour la Guyane dans le cadre du contrat de convergence et de transformation 2019-2022 soient réunis dans une enveloppe unique suivant l'exemple du PEI Corse .

Votre rapporteur spécial partage l'analyse faite par le ministère de l'Intérieur, qui estime que « le principe de déconcentration de gestion des crédits et la fongibilité mise en oeuvre dans le cadre du PITE sont des principes pertinents pour garantir une meilleure adaptation au contexte local . »

Ainsi, l'action 10 « fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » donne une visibilité particulière à l'effort de l'État pour le développement de la Guyane. Le PITE porte en effet les 5 volets inscrits dans le contrat de convergence et de transformation signé par l'État avec la Guyane : cohésion des territoires, mobilité multimodale, territoires résilients, territoires d'innovation et de rayonnement ainsi que cohésion sociale et employabilité.

L'État s'est engagé à mobiliser 294,2 millions d'euros dans le cadre de ce contrat pour la période 2019-2022 , dont 178 millions d'euros issus d'opérateurs (l'AFITF à hauteur de 157,1 millions d'euros, l'agence française de la biodiversité pour 10,4 millions d'euros, l'agence nationale du sport à hauteur de 4,5 millions d'euros et l'ADEME pour 6 millions d'euros).

Le reste des crédits proviendra pour 50,6 millions d'euros de crédits budgétaires de l'action 10 du PITE , pour 46,7 millions d'euros du volet emploi du plan d'investissement dans les compétences (PIC) et enfin pour 4,5 millions d'euros du fonds européen d'investissement (FEI).

8. Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire

La présente action résulte du contrat d'avenir des Pays de la Loire , signé en février 2019 par le Premier ministre et la Présidente du conseil régional, Christelle Morançais. Le niveau relativement modeste des crédits pour cette première année se justifie d'abord par le financement de dépenses d'ingénierie et l'accompagnement des porteurs de projets.

En effet, pour la première année, il est seulement doté de 60 000 euros en AE et 700 000 euros en CP . Les CP permettront de couvrir les engagements contractés dans le cadre d'AE transférées en gestion depuis programme 149, « compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ».

Ce transfert de gestion devrait permettre de renforcer le deuxième axe de l'action, soit l'accompagnement dans la transition agro-écologique des exploitations agricoles, pour 3,26 millions d'euros en AE . Des dépenses d'ingénierie pourront également être financées par l'ANCT.

Votre rapporteur spécial ne peut sur cette action que réitérer la critique qu'il formule sur l'action « Eau et agriculture en Bretagne », pour laquelle les transferts en gestion nuisent à la sincérité budgétaire de la présentation .

LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En seconde délibération, l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement n° II-10 minorant de 3 millions d'euros en autorisations d'engagements et en crédits de paiement les crédits du programme 112 et de 168 053 euros les crédits du programme 162. Cet amendement tire les conséquences, pour la mission, des votes intervenus dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2020.

L'AMENDEMENT PROPOSÉ
PAR LA COMMISSION DES FINANCES

PLF POUR 2020

SECONDE PARTIE

MISSION COHÉSION DES TERRITOIRES

2

DIRECTION

DE LA SÉANCE

(n° s 139, rapport 140, 143, 141, 144)

22 NOVEMBRE 2019

A M E N D E M E N T

présenté par

C

G

M. DELCROS

au nom de la commission des finances

_________________

ARTICLE 38 (CRÉDITS DE LA MISSION)

État B

Modifier ainsi les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

Aide à l'accès au logement

Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

4 000 000

4 000 000

Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

4 000 000

4 000 000

Interventions territoriales de l'État

Politique de la ville

dont titre 2

TOTAL

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

SOLDE

0

0

OBJET

Cet amendement vise à augmenter de 4 millions d'euros les autorisations d'engagement et les crédits de paiement au profit de la prime d'aménagement du territoire afin de stabiliser les moyens engagés en faveur de ce dispositif de soutien à l'investissement des entreprises à hauteur de 10 millions d'euros d'AE, comme en 2019.

Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit 6 millions d'euros en autorisations d'engagement pour la prime d'aménagement du territoire, soit une réduction de 4 millions d'euros du montant des engagements par rapport aux crédits votés en 2019.

Le montant d'autorisations d'engagement inscrit pour 2020 représente moins d'un tiers de celui de 2017. La PAT est devenue une véritable variable d'ajustement du programme. À titre de comparaison, les crédits engagés au titre de la prime d'aménagement du territoire s'élevaient en moyenne à 36 millions d'euros par an entre 2010 et 2014.

Cette diminution des crédits apparaît d'autant moins justifiée que l'évaluation à mi-parcours de la PAT publiée en novembre 2017 présente un bilan positif du dispositif et recommande une augmentation de sa dotation.

De plus, les indicateurs de performance montrent que la prime d'aménagement du territoire s'est révélée efficace pour maintenir ou créer des emplois et encourager l'investissement des entreprises bénéficiaires. Les quelques cas de fermetures ne remettent pas en cause l'efficacité globale du dispositif.

Il est proposé de compenser l'augmentation des crédits en faveur de la prime d'aménagement du territoire, portée par l'action 01 « Attractivité économique et compétitivité des territoires » du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » par une diminution des autorisations d'engagements, sous-exécutées, de l'action 04 « Réglementation, politique technique et qualité de la construction » du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 20 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Bernard Delcros, rapporteur spécial, sur les programmes « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et « Interventions territoriales de l'État » de la mission « Cohésion des territoires ».

M. Vincent Éblé . - Je salue la présence, pour l'examen de la mission « Cohésion des territoires », de Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, et de Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanismes, territoires et amélioration de l'habitat » et 177 « Politique de la ville » . - Après avoir examiné un grand nombre de missions, dont la plupart voient leurs crédits augmenter ou rester à peu près stables, notre commission est invitée à examiner aujourd'hui une mission qui ne peut pas être accusée de creuser le déficit budgétaire de l'État. C'est le moins que l'on puisse dire, car la mission « Cohésion des territoires » est dotée de crédits de paiement qui s'élèvent à 15,2 milliards d'euros, soit en nouvelle baisse. Cette diminution s'établit à 1,2 milliard d'euros et, à périmètre constant, à 1,5 milliard d'euros.

Les dépenses fiscales, même si leur chiffrage est difficile à prévoir en 2020, en raison des limites des documents budgétaires, atteignent un montant équivalent. Les crédits budgétaires ne donnent donc qu'une vision assez partielle des politiques menées en faveur de la cohésion des territoires.

Je vous parlerai plus en détail des programmes consacrés au logement et à l'urbanisme. Bernard Delcros abordera ceux qui ont trait à la politique des territoires.

En préambule, je veux faire un point sur la situation de la construction dans le pays. Nous espérons que le nombre de logements sociaux construits en 2019 sera à peu près identique à celui de l'an dernier. Pour ce qui est de la construction privée, les chiffres sont toujours préoccupants : on constate une diminution des mises en chantier, ce qui inquiète toute la profession.

S'agissant du programme 177, qui porte la politique d'hébergement et d'accès au logement des personnes sans abri ou mal logées, les crédits du logement adapté comme de l'hébergement d'urgence sont, dans l'ensemble, en hausse de 100 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2019. Toutefois, nous venons d'examiner un projet de loi de finances rectificative qui a ouvert 180 millions d'euros de crédits au titre de 2019. Les crédits proposés dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine sont donc, une nouvelle fois, inférieurs à ceux ouverts pour l'année en cours, même si certaines des personnes que j'ai pu auditionner m'ont indiqué que les ouvertures de crédits concernaient surtout les programmes qui n'avaient pas d'effet sur l'année prochaine. Cela dit, je fais le pari, aujourd'hui, que le Gouvernement sera obligé d'y revenir à la fin de l'année 2020, la demande étant toujours galopante.

Les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) font l'objet d'un projet pluriannuel de convergence tarifaire, dont je soutiens le principe depuis longtemps, compte tenu de différences de coût entre les centres qui étaient certainement excessives. Cette opération a eu du mal à se mettre en place, la réalisation de l'enquête nationale des coûts ayant rencontré des difficultés, mais nous sommes désormais entrés dans la phase de convergence.

La convergence tarifaire est toutefois mal ressentie sur le terrain, car elle ne prend pas en compte la totalité des facteurs objectifs de coût, notamment la localisation des centres, qui a des conséquences évidentes sur le coût du foncier et du bâti. La réforme manque de lisibilité pour des centres et apparaît à beaucoup comme une simple recherche d'économies budgétaires. Certains centres voient leur budget baisser, alors que leur coût était déjà inférieur à la moyenne. Une telle situation leur est difficilement compréhensible, puisqu'il s'agissait plutôt de tendre vers un rééquilibrage.

Dans le même temps, on constate que le logement adapté, malgré l'accent que le Gouvernement a placé sur cette politique, peine à prendre le relais de l'hébergement d'urgence pour sortir réellement les personnes sans abri de la précarité : la part des personnes sortant de CHRS qui accèdent à un logement autonome ne décolle pas du taux de 15 %.

Le manque de solutions pérennes conduit à une augmentation apparemment inéluctable de l'hébergement en hôtel. Force est de constater que l'on ne parvient pas à réduire le nombre de nuitées hôtelières, malgré les engagements récurrents du Gouvernement en ce sens. Or l'absence d'accompagnement des personnes hébergées est presque complète, ce qui pose de grosses difficultés, en particulier pour les familles.

Le programme 109 regroupe les crédits consacrés aux aides au logement, qui représentent 80 % des crédits de la mission et expliquent la diminution des moyens de celle-ci.

La politique du Gouvernement se poursuit : il s'agit, comme les deux années précédentes, de faire porter une partie essentielle des économies budgétaires sur le budget des aides au logement. Alors que les crédits du programme 109 s'élevaient à 15,5 milliards d'euros en 2017, ils s'établiront, en 2020, à 12 milliards d'euros, ce qui représente une économie de 3,5 milliards d'euros en l'espace de trois exercices budgétaires.

Cette année, la diminution est de 1,4 milliard d'euros. Elle est supportée aussi bien par les bailleurs sociaux que par les bénéficiaires des aides eux-mêmes. Les premiers sont affectés par la hausse de la réduction de loyer de solidarité (RLS), qui passe de 900 millions d'euros à 1,3 milliard d'euros et s'accompagne d'une diminution des aides versées aux locataires. Toutefois, en conséquence de l'accord intervenu le 25 avril 2019 avec le Gouvernement - la fameuse clause de revoyure -, les bailleurs bénéficient de mesures de compensation par ailleurs : l'article 73 du PLF prévoit ainsi qu'Action Logement prend en charge le financement des aides à la pierre à leur place, pour un montant de 300 millions d'euros.

Action Logement est affecté en premier lieu, puisque cette société fait également l'objet d'un prélèvement de 500 millions d'euros, dont la seule finalité est de réduire à due concurrence la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds national des aides à la pierre. Cette disposition, qui se fonde sur la bonne santé de l'organisme, pourrait remettre en cause, si elle était pérennisée, les équilibres issus de la convention quinquennale signée en 2018 et semble ignorer les engagements pris par Action Logement pour financer des investissements massifs, à hauteur de 9 milliards d'euros, dans le logement social et intermédiaire, dans le cadre du plan d'investissement volontaire (PIV). Par conséquent, je vous proposerai de supprimer l'article 75, qui institue ce prélèvement, lequel ne peut constituer une politique de financement des aides au logement.

Les bénéficiaires des aides sont également concernés par les économies budgétaires, puisque l'article 67 prévoit une revalorisation des aides limitée à 0,3 %, bien inférieure à l'inflation. Ils sont aussi impactés par la réforme du versement en temps réel - la « contemporanéisation » - des aides au logement. Si cette réforme est justifiée sur le principe, il faut prendre garde à sa mise en oeuvre, qui risque de susciter de très nombreuses incompréhensions auprès des bénéficiaires. En outre, sa complexité est redoutable, ce qui s'est traduit par sa non-application en 2019. La contemporanéisation doit permettre d'économiser 1,2 milliard d'euros en 2020 selon le Gouvernement, qui, dans le même temps, présente cette réforme comme une réforme de justice, et non comme une réforme de rendement budgétaire. Ce n'est pas mon avis !

Je veux enfin alerter sur le projet d'inclusion des aides personnelles au logement dans le futur revenu universel d'activité (RUA). S'il n'est pas d'une actualité budgétaire immédiate, ce projet est actuellement à l'étude. Tous les intervenants du secteur du logement tirent la sonnette d'alarme, dénonçant le risque que les aides personnalisées au logement (APL) ne servent plus à payer les loyers, alors que c'est précisément leur raison d'être. À titre personnel, je suis absolument opposé à ce projet d'inclusion.

Le programme 135 porte des politiques diverses en faveur de l'urbanisme et de l'habitat. Le Gouvernement a reconnu que l'impact de la réforme de la réduction de loyer de solidarité instaurée en 2018 avait été plus élevé que prévu. Un ensemble de mesures en découlent, dont plusieurs trouvent leur traduction dans le projet de loi de finances, comme la diminution du taux de TVA pour les opérations les plus sociales. Je pense, d'ailleurs, que cette baisse ne va pas assez loin, mais nous en reparlerons en séance lors de l'examen de l'article 8. Je considère que l'on pourrait également baisser la TVA sur le prêt locatif à usage social (PLUS) - je défendrai, en mon nom personnel, des amendements en ce sens. L'article 73, dont j'ai déjà parlé, et l'article 74, qui augmente les moyens du Fonds national d'accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL), participent également à la mise en oeuvre de l'accord du 25 avril dernier.

Le marché du logement est sur une pente descendante depuis 2017, alors même que le Gouvernement annonçait alors un « choc d'offre ». Il n'est plus guère soutenu que par le niveau historiquement bas des taux d'intérêt, ce qui est un fondement particulièrement fragile pour une politique publique aussi importante. Dans ce contexte, je plaide, comme l'an dernier, pour que l'on revienne sur la mise en extinction partielle de deux dispositifs qui favorisent l'accession à la propriété : le prêt à taux zéro - l'Assemblée nationale s'en est chargée - et l'aide personnalisée au logement accession, moyen efficace de solvabilisation des ménages modestes. Nous avions essayé, l'an dernier, de la rétablir, mais l'Assemblée nationale ne nous avait pas suivis. Je vous proposerai à nouveau un amendement tendant à prévoir les crédits nécessaires au rétablissement de ce dispositif.

Je regrette également, comme nous l'avons déjà dit lors de l'examen de l'article 5, que le remplacement de la taxe d'habitation par la part départementale de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) dans les ressources des communes freine grandement la construction de logements sociaux. Nous essaierons de régler le problème de l'exonération de TFPB concernant les bailleurs sociaux et le logement intermédiaire. Si nous n'y parvenons pas, les conséquences pourraient être importantes dans les années qui viennent.

Enfin, je veux vous soumettre une idée nouvelle. L'Assemblée nationale a voté, à l'article 6 bis , la suppression de la « taxe Apparu », qui devait lutter contre les loyers abusifs que l'on constate pour les très petits logements. Sans doute cette taxe n'a-t-elle pas fonctionné, mais ce n'est pas une raison pour perdre de vue l'objectif. Au reste, je crois que la première raison de cet échec réside dans le manque d'informations sur les loyers pratiqués. Alors qu'il est aujourd'hui très facile d'accéder à toutes les informations que l'on souhaite sur les ventes de logement, il serait très utile de créer un « registre national des baux », qui permettrait à l'administration fiscale comme aux autorités locales - et même, sous certaines conditions, au public - de disposer d'informations fiables et exhaustives sur les loyers pratiqués. Je ne sous-estime pas la difficulté de l'exercice, mais je pense que, techniquement, les moyens existent. La création d'un tel registre permettrait d'y voir beaucoup plus clair dans un certain nombre de domaines.

S'agissant, enfin, du programme 147, relatif à la politique de la ville, je peux surtout faire observer que le nouveau programme national de renouvellement urbain commence enfin à prendre forme, dans la mesure où plus des deux tiers des projets de transformation ont désormais été validés. Je rappelle que ce PNRU 2 a fait l'objet de critiques. Alors que le budget avait été doublé, les choses ont mis du temps à avancer. Il semble que la mécanique soit repartie. Il n'en reste pas moins que le démarrage a été très lent au cours des années passées et que l'exécution des crédits a toujours été très inférieure à la budgétisation initiale. L'État a promis, en 2017, une enveloppe de 1 milliard d'euros de crédits budgétaires, soit 10 % seulement du coût du programme, qui est surtout financé par Action Logement et les bailleurs sociaux. Il faut avoir conscience que la charge de cette enveloppe pèsera principalement lors du prochain quinquennat : c'est en effet vers 2023 ou 2024 que les dépenses atteindront probablement leur niveau le plus élevé. Il sera d'ailleurs nécessaire de redéfinir d'ici là les conditions de financement : si celui-ci paraît assuré jusqu'en 2022, le rapport de gestion de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) relève un risque d'impasse budgétaire au cours des années suivantes. Il conviendra d'éviter ce retour de la fameuse « bosse de l'ANRU ».

En conclusion, on peut difficilement se satisfaire qu'une politique qui touche à des enjeux aussi essentiels que l'accès au logement voie ses crédits continuer. Cette baisse impacte nos concitoyens, mais aussi un secteur d'activités très important pour notre pays. Pour autant, les mesures présentes dans le projet de loi de finances correspondent à l'accord signé par le Gouvernement et les acteurs du secteur du logement social, à l'exception du prélèvement de 500 millions d'euros sur Action Logement, qui a été décidé ultérieurement.

Je vous proposerai donc, contrairement à l'année dernière, d'adopter les crédits de la mission pour ce qui concerne les programmes que je vous ai présentés, tels que modifiés par l'amendement que je vous propose concernant l'APL accession.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial pour la mission « Cohésion des territoires » des programmes 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » et 162 « Interventions territoriales de l'État » . - Les sommes en jeu sur les programmes 112 et 162 ne sont pas évidemment du même ordre, mais leurs effets leviers sont importants sur les territoires.

Les deux programmes connaissent une augmentation de leurs crédits par rapport à 2019, pour des raisons que je vais vous expliquer.

Le programme 112 se voit doté de 209 millions d'euros de crédits au titre des autorisations d'engagement et de 245 millions d'euros en crédits de paiement.

Ce programme connaît deux nouveautés cette année.

La première est la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), à laquelle sont affectés 49,7 millions d'euros de crédits. Je rappelle que l'ANCT regroupera l'Établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (Epareca), l'Agence du numérique et un certain nombre de fonctions support. Les crédits ouverts sur cette enveloppe pour le soutien à l'ingénierie territoriale s'élèvent à 10 millions d'euros.

Hier est paru le décret relatif à la création de l'ANCT au 1 er janvier prochain. Les préfets seront les délégués territoriaux, dans chaque département, de l'ANCT, dont la mission est de mieux coordonner l'action de l'État auprès des collectivités et d'accompagner les territoires, notamment en matière d'ingénierie pour ce qui concerne les territoires les plus fragiles. L'ANCT suscite évidemment beaucoup d'attentes. Nous serons attentifs à sa mise en place et nous devrons, à un moment, évaluer son efficacité.

La deuxième nouveauté du programme 112 est la mise en place des maisons France Service, annoncée par le président de la République. L'objectif est qu'il y ait au moins une maison par canton, soit 2 000 Maisons France Service labellisées en 2022. Il s'agit de faire monter en gamme et de labelliser les maisons de services au public, dès lors qu'elles répondront au cahier des charges des maisons France Service. Les crédits du programme sont augmentés de 2,8 millions d'euros pour financer cette opération, ce qui porte les autorisations d'engagement à près de 20 millions d'euros. Je rappelle que la Cour des comptes a publié un rapport qui met en évidence la grande hétérogénéité dans l'offre de services des maisons de services au public existantes. Si certaines remplissent toutes les conditions d'accès au label « maison France Service », d'autres devront procéder à des améliorations. On peut souscrire à la définition d'un cahier des charges un peu plus rigoureux en matière d'offre de services si elle permet d'améliorer l'offre de services rendus aux habitants.

Cependant, le financement des maisons France Service pose question. Ces structures devront répondre à un certain nombre d'exigences, comme l'existence de 2 équivalents temps plein (ETP) pour assurer l'accueil du public. Des charges supplémentaires seront liées, par exemple, au service à apporter compte tenu de la réorganisation du réseau des trésoreries dans les départements. La dotation forfaitaire accordée annuellement à chacune des maisons reste inchangée à 30 000 euros, la moitié provenant du programme 112 et l'autre du fonds interopérateurs. Certaines maisons de services au public bénéficient déjà d'une telle somme ! Comment, dans ces conditions, financer les charges et les responsabilités supplémentaires, la formation des personnels, etc. ? Il faudra rester attentif au financement de ces nouveaux services.

Je souhaite évoquer la question de la politique contractuelle menée au travers du programme 112.

Les contrats de ruralité ont été créés en 2017 pour quatre ans. Leurs crédits ont fluctué : des crédits qui leur étaient dédiés lors de leur création au titre du programme 112 ont ensuite été inscrits sur la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Les crédits fléchés qui étaient de 45 millions d'euros en 2018 n'existent plus, les contrats de ruralité étant aujourd'hui financés par des crédits fongibles de la DSIL. Le bilan de ces contrats est tout à fait positif : près de 500 contrats ont été signés, qui fonctionnent plutôt bien. Toutefois, la baisse des crédits de la DSIL a entraîné une diminution des crédits qui leur sont alloués.

Dans le rapport que j'ai rédigé sur ce dispositif, j'ai émis un certain nombre de préconisations pour une deuxième génération de contrats de ruralité, après 2020. Il était alors question d'un contrat de cohésion territoriale unique, faisant craindre que les crédits dédiés à la ruralité ne soient dilués dans une enveloppe plus globale, devant répondre à d'autres enjeux nationaux. Les auditions que j'ai menées sont rassurantes sur ce point : il y aurait bien, pour l'après-2020, une deuxième génération de contrats de ruralité, identifiés en tant que tels. Nous suivrons évidemment ce dossier de près au cours de l'année prochaine.

Un nouvel outil contractuel a été mis en oeuvre à compter de cette année par le Gouvernement : il s'agit des pactes de développement territorial. Onze pactes ont été signés en 2019. Le PLF pour 2020 prévoit 11 millions d'euros en autorisations d'engagement pour assurer leur financement, ce dont on peut se réjouir. Le pacte de développement territorial présente une souplesse qui permet de s'adapter aux réalités des territoires. Ainsi, les périmètres peuvent être différents. En revanche, on peut regretter que la première vague de pactes ait été mise en place de façon quelque peu dispersée. Je suis plutôt favorable à cet outil, mais il faut maintenant structurer le dispositif, travailler à une cohérence nationale et permettre à de nombreux autres territoires d'en bénéficier.

Les contrats de plan État-région (CPER), qui consomment plus de 50 % des crédits du programme 112, arrivent à échéance en 2020. Leur sous-exécution est récurrente. Les négociations sur la nouvelle génération de CPER vont bientôt commencer : les mandats de négociation aux préfets de région devraient être remis à la fin du mois de janvier prochain. Il serait utile que les CPER comportent des volets concernant l'offre de soins ou encore l'agriculture et son adaptation au réchauffement climatique. Il faudrait également mieux coordonner, à travers les CPER, les actions de l'État et des régions en matière de solidarité infrarégionale.

Seulement 2 millions d'euros de crédits de paiement demeurent pour les pactes État-métropole, les crédits ayant été transférés vers la DSIL.

Je veux dire quelques mots sur les actions ciblées.

Les pôles d'excellence rurale sont arrivés à leur terme. Les maisons de santé ne sont plus financées par le programme. Ainsi, 860 000 euros de crédits de paiement sont prévus pour honorer les engagements pris en matière de revitalisation des centres-bourgs. Les sites de défense bénéficient d'un montant avoisinant les 3 millions d'euros. Les crédits relatifs aux pôles de compétitivité ont quant à eux été transférés sur le programme 134 pour 2020.

J'en viens à la prime d'aménagement du territoire (PAT) : si les sommes en jeu sont dérisoires - les crédits se sont élevés à 15 millions d'euros en 2018 et à 10 millions d'euros en 2019 -, l'effet levier est très important dans les communes et les secteurs éligibles. Dès lors, on peut regretter que les crédits alloués à la PAT passent à 6 millions d'euros en 2020. En outre, cette baisse est contradictoire avec la réponse fournie par le ministère à notre questionnaire : d'après celui-ci, « la PAT constitue un outil solide et pertinent pour soutenir le développement économique des territoires fragiles. » Je vous proposerai donc un amendement pour ramener les crédits de la PAT à leur niveau de 2019, soit 10 millions d'euros.

Je vous ai présenté récemment le rapport que j'ai rédigé avec Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau sur les zones de revitalisation rurale (ZRR). L'enjeu financier est limité - de l'ordre de 300 millions d'euros -, mais le levier est extrêmement important sur les territoires où ces dispositifs s'appliquent. En attendant une refonte du soutien à la ruralité, je défendrai un amendement sur la seconde partie du projet de loi de finances pour proroger les ZRR jusqu'au 31 décembre 2021, conformément à l'une des dispositions de notre rapport.

Le programme 162 est doté de 43 millions d'euros en autorisations d'engagement et de près de 37 millions d'euros en crédits de paiement. Plusieurs actions qui existaient l'année dernière sont maintenues : l'action en faveur de l'eau et de l'agriculture en Bretagne, le programme exceptionnel d'investissements en faveur de la Corse, le plan d'action chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, le plan d'action gouvernemental pour le marais poitevin - uniquement s'agissant des crédits de paiement, puisque le programme des interventions territoriales de l'État (PITE) va s'éteindre -, et le « plan littoral 21 », qui a été créé l'année dernière et qui se prolonge cette année.

Deux nouveaux PITE voient le jour en 2020 : le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane, qui est crédité de 17 millions d'euros en autorisations d'engagement, et la reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire, crédité de 700 000 euros en autorisations d'engagement.

Si les PITE sont un outil intéressant, ils ne permettent pas toujours d'avoir une vision globale de l'action de l'État sur ces territoires. En outre, ces programmes sont abondés en cours de gestion par des transferts de crédits ministériels. Cela pénalise leur lisibilité. De fait, les crédits votés par le Parlement ne correspondent pas exactement à ceux qui seront engagés sur le territoire.

En conclusion, le programme 112, qui est censé regrouper les crédits dédiés au pilotage de la politique d'aménagement du territoire, souffre d'un manque de stabilité et de lisibilité. Plus globalement, comme je le dis chaque année, c'est la politique globale d'aménagement du territoire menée par le pays qui manque de lisibilité, puisqu'elle est répartie entre 29 programmes et 12 missions. Il serait intéressant de réfléchir à une meilleure identification de cette politique dans le budget de l'État.

Pour 2020, l'ANCT suscite beaucoup d'attentes et la politique contractuelle devrait être complètement remise à plat, avec les nouveaux contrats de ruralité, la signature de nouveaux pactes de développement territorial et la négociation de la nouvelle génération de CPER.

Sous réserve de l'adoption de l'amendement sur la PAT, je vous propose d'adopter les crédits de la mission.

M. Vincent Éblé , président . - Nous accueillons Mmes Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Logement », Annie Guillemot, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Politique de la ville », MM. Jean-Marie Morisset, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » et Louis-Jean de Nicolaÿ, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ».

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Logement » - Je partage entièrement ce qu'a dit Philippe Dallier. Comme lui, je donnerai un avis favorable sur ces crédits. Nous sommes quand même inquiets pour la production de logements sociaux, en deçà de 10 % par rapport aux objectifs, c'est-à-dire des 110 000 logements sociaux qui devraient être construits.

Sur le programme 109, on constate que le Gouvernement a suivi ce que le monde HLM a signé, à savoir le rétablissement de la TVA réduite, même si ce n'est pas sur tous les logements sociaux. Elle aurait dû porter sur les PLUS, et pas uniquement sur les prêts locatifs aidés d'intégration (PLAI), les acquisitions-améliorations et les logements sociaux dans les programmes de rénovation urbaine.

Je note la suppression de l'indexation de la réduction du loyer de solidarité (RLS) et l'indexation limitée à 0,3 % des APL.

Qu'en est-il de la santé des bailleurs sociaux ? Aujourd'hui, cela va tant bien que mal, parce qu'ils ont bénéficié de ces mesures de compensation, notamment des prêts qui devront bien être un jour remboursés. Quid après 2022 ? Il n'y a toujours aucune visibilité.

La réforme des APL va dans le bon sens. Néanmoins, il y a des craintes, car les différents acteurs ne disposent pas de simulation. La mise en oeuvre du revenu universel d'activité (RUA) n'est, au demeurant, pas très claire.

Enfin, s'agissant du programme 135, je m'inquiète du budget de l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), même si elle bénéficie de crédits supplémentaires avec la transformation du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) en prime. Avec le succès du plan « chaudières », elle risque d'avoir des problèmes de trésorerie demain.

Mme Annie Guillemot , rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques sur les crédits de la mission « Politique de la ville » . - L'amputation de 1 milliard d'euros sur le budget du logement a aussi des conséquences sur les quartiers. Les bailleurs ont fait 25 % à 30 % de moins d'entretien. Il n'y a pas eu de ventes à la hauteur de ce qu'ils ont perdu.

Le budget « Politique de la ville » baisse d'environ 2 %, ce qui est peu. L'effort est maintenu en matière d'éducation, avec la nouveauté que constituent les cités éducatives, telles que les avait imaginées Jean-Louis Borloo. Il y a aussi les écoles de la deuxième chance, qui suivent aujourd'hui 15 000 jeunes.

Sur l'ANRU, j'ai déposé un amendement qui a été adopté par la commission des affaires économiques. Je ne partage pas l'idée que tout va bien à l'ANRU.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial. - Ce n'est pas ce que j'ai dit.

Mme Annie Guillemot , rapporteur pour avis. - Je pense que nous ne sommes pas à la hauteur de la situation explosive. L'État pourrait mettre 200 millions d'euros sur la table tout de suite, compte tenu de ce qu'il a gagné avec le prélèvement à la source et les taux d'intérêt bas, sinon nous n'arriverons pas au milliard sur le quinquennat. N'oublions pas que le rapport Borloo s'intitule : Vers la réconciliation nationale . Aujourd'hui, les habitants ne voient que des démolitions, car l'ANRU a été en panne pendant trois ans.

M. Jean-Marie Morisset , rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». - La commission des affaires sociales a remis un rapport d'information sur l'hébergement d'urgence, et les conclusions sont identiques à celles que notre collègue Dallier a présentées voilà 18 mois. Le budget est en légère hausse, mais la sincérité budgétaire ne laisse pas d'interroger.

On augmente la capacité d'accueil, mais on constate que l'urgence est toujours là. La directrice du SAMU sociale nous a donné des chiffres qui donnent à réfléchir : le 1 er octobre 2016, il y a eu 6 135 appels téléphoniques le soir ; trois ans après, il y en avait 16 869, et on n'a pu en prendre en compte que 1 600.

Malgré le plan triennal, on constate toujours une augmentation du nombre des nuitées d'hôtel. Le programme 177 est surtout impacté par l'accueil des publics migrants. Dans les centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS), on trouve des demandeurs d'asile, alors qu'ils relèvent du dispositif national d'accueil. On retrouve aussi des personnes en situation irrégulière au titre de l'accueil inconditionnel, mais il n'y a aucune solution de sortie vers le logement.

On a noté une inquiétude des CHRS, car on leur a retenu 5 millions d'euros sur quatre ans, ce qui a déstabilisé l'organisation et la convergence tarifaire. Il y a une réflexion à mener s'agissant de cette convergence, surtout sur les indicateurs. L'inquiétude est aggravée par le fait qu'ils doivent mettre en place les contrats d'objectifs et de moyens en application de la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur).

La politique du logement adapté recueille un bon point, avec une hausse de 12,41 %.

En conclusion, je dirai qu'il faut mettre l'accent sur l'accompagnement social, d'autant que de plus en plus de jeunes arrivent dans ces centres d'hébergement.

M. Louis-Jean de Nicolaÿ , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sur les crédits de la mission « Cohésion des territoires ». Nous partageons les constats formulés par le rapporteur social sur la mission « Cohésion des territoires », avec quatre points de vigilance. Tout d'abord, nous espérons que l'ANCT ne sera pas une simple chambre d'enregistrement des politiques de l'État. Ensuite, la nouvelle génération des CPER doit inclure de nouveaux champs d'action et de coopération au service du développement local. En outre, je partage la position de Bernard Delcros sur la prime d'aménagement du territoire qui doit être remontée à la somme de 10 millions d'euros, comme l'année dernière. Enfin, les ZRR sont absolument indispensables à l'attractivité des territoires ruraux.

M. Antoine Lefèvre . - Je partage les regrets de Philippe Dallier sur la baisse de production des logements sociaux. À chaque fois que l'on fait une loi sur le logement, les objectifs ne sont pas atteints. Je veux aussi relayer les préoccupations des bailleurs sociaux sur la mise en oeuvre du RUA. Avec la fusion des aides sociales, dont les APL, il y a une crainte de voir les impayés augmenter. Je soutiendrai l'amendement de Philippe Dallier sur l'APL-accession.

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général . - Bernard Delcros, je ne suis pas certain que la création d'une agence nationale de cohésion des territoires permette de résoudre nos problèmes en la matière. Autrefois, il y avait quelque chose que l'on appelait les préfets... C'est peut-être ringard, mais ils ont un avantage : une vision interministérielle, que leur confère la Constitution, puisqu'ils représentent chacun des membres du Gouvernement. On est en train de mettre en silos les politiques publiques.

Est-ce que les Français sont mieux soignés depuis qu'existent les agences régionales de santé (ARS) ? J'en doute.

Sur le logement, je partage les craintes des uns et des autres. Je ne suis pas certain que l'application en l'état de l'article 5 du PLF sur la taxe d'habitation incite les maires, demain, à construire. Les niches fiscales sont toujours importantes, mais leur efficacité est douteuse. Enfin, l'attention portée au parc ancien est toujours aussi peu importante. Je vous rassure, à partir de demain, le Sénat remédiera aux pires inconvénients de ce texte.

M. Victorin Lurel . - J'ai trois questions à poser à nos deux rapporteurs spéciaux.

Quel est le rôle de l'ANAH dans les outre-mer ? Si vous avez un bilan, je suis preneur. Ensuite, Bernard Delcros, je m'interroge sur le plan Chlordécone, qui est abondé de 3 millions d'euros, ce qui ne répond absolument pas aux besoins. Le problème dure depuis 47 ans. En 2011-2012, il y avait 36 millions d'euros sur ce programme. Cette crise sanitaire entraîne des prises de position radicales de la population en Guadeloupe et à la Martinique. Le Gouvernement n'est vraiment pas à l'écoute. Il faut savoir que 95 % des gens sont contaminés. Quel est votre avis ? Enfin, je conclus sur l'ANCT. Quel est le statut juridique de cet organisme ? Si c'est un établissement public à caractère administratif (EPA), quid de la concurrence et de la place laissée au privé ?

M. Dominique de Legge . - Mes propos s'inscriront dans le prolongement de ceux de notre rapporteur général sur la place de l'État et le rôle des préfets face à la multiplication des structures.

Je m'interroge plus particulièrement sur les maisons de service au public. Je crains qu'elles ne soient une réponse au désengagement de l'État dans tous les domaines. J'aimerais également savoir qui va les labelliser. Si c'est l'État, je crains que nous n'arrivions sur une obligation de moyens pour les collectivités territoriales, sans obligation de résultat par rapport au service public.

Quels engagements l'État prend-il dans la durée, notamment au regard de la réorganisation de la direction générale des finances publiques (DGFiP) ?

Enfin, Bernard Delcros, dans votre rapport, vous parlez d'agents polyvalents d'accompagnement du public. J'avais pourtant compris que les maisons de service au public avaient vocation à être non pas un lieu d'orientation, mais plutôt un lieu où l'on effectue des démarches.

M. Roger Karoutchi . - L'hébergement d'urgence va de plus en plus mal, est de plus en plus saturé, tout simplement parce qu'il y a de plus en plus de demandeurs d'asile. L'effort fait entre 2013 et 2016 de construction de centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) a été ralenti à partir de 2017. Moins il y a de places dans les CADA, plus on met les demandeurs d'asile dans les centres d'hébergement d'urgence ou dans les hôtels.

Par ailleurs, je pense qu'il faut mettre un terme aux contrats de plan État-Régions et trouver une méthode. On est dans la surenchère des deux côtés, élus comme État, et, in fine , les engagements financiers ne sont pas tenables. On est content quand il est réalisé à 50 %. Cela n'est pas satisfaisant. Il faut des contrats d'objectifs de courte durée pour avoir des engagements plus concrets.

M. Patrice Joly . - Aujourd'hui, les labellisations de France Service sont faites à partir de critères qui ne sont pas nécessairement adaptés aux territoires. Dans mon département, il y a aujourd'hui 24 maisons de service au public qui fonctionnent correctement en réseau. Or seules 3 d'entre elles ont été labellisées, car elles répondent au critère de deux emplois dédiés à ces missions. Cela n'a aucun sens de mettre deux emplois dans les autres maisons au regard de leur activité. Nous sommes face à une approche très distante de la réalité. C'est très dommageable.

Sur l'ANCT, j'ai un peu les mêmes réserves que tout le monde. Un point positif tout de même, 10 millions d'euros sont prévus pour financer de l'ingénierie locale. C'est fondamental pour faire émerger des projets.

Par ailleurs, les contrats de développement territorial s'apparentent à un véritable jeu de bonneteau. On prend des crédits d'un côté pour les mettre ailleurs. À la fin, on ne sait plus très bien d'où cela vient. Pour le département de la Nièvre, il représentait 7 millions d'euros en plus des crédits existant déjà. Sur cette somme, 5 millions sont prévus pour le déploiement de la fibre numérique ; il reste 2 millions d'euros pour l'ANRU. Ce n'est pas grand-chose.

Enfin, s'agissant des CPER, il faut savoir que, pour des montants très limités, on ne finit pas un certain nombre d'infrastructures routières. L'État invoque actuellement un manque de matériel pour les travaux publics, alors que les appels d'offres ont été lancés et que les collectivités ont voté les budgets correspondants.

M. Marc Laménie . - On veut toujours ajouter des structures. Pourtant les administrations territoriales ne fonctionnent pas si mal sous l'autorité des préfets et des sous-préfets. Quelle est la répartition géographique des 300 agents affectés à l'ANCT ?

Sur le programme 135, je m'interroge sur l'augmentation des dépenses fiscales, qui représentent plus de 10 milliards d'euros, alors que le programme est assez peu important en masse financière. On parle beaucoup d'aménagement du territoire, mais, en réalité, c'est très compliqué de s'y retrouver dans toutes ces missions. Enfin, concernant les 11 pactes territoriaux signés en 2019, je constate qu'ils se sont accompagnés d'une forte mobilisation des acteurs locaux, mais je m'interroge sur les raisons qui ont conduit à exclure de cette démarche un certain nombre de territoires fragiles. Je le souligne d'autant plus volontiers que je suis élu dans les Ardennes où un pacte a été signé.

M. Jean-Claude Requier . - Je dois avouer que j'ai beaucoup de mal à décrypter la politique du logement.

Un commentaire sur l'ANCT, mon groupe en ayant été à l'origine. Il s'agissait de fournir de l'ingénierie à des collectivités qui n'en avaient pas ou peu et de faire sortir le préfet de sa posture de contrôle pour qu'il joue un rôle plus dynamique d'accompagnement des territoires. Le texte a été édulcoré à l'Assemblée nationale et on ne reconnaît pas nos petits. J'attends de voir comment elle fonctionne concrètement.

Enfin, sur les CPER, je me demande s'il est bien utile de refaire un certain nombre de routes quand la vitesse y est limitée à 80 kilomètres/heure.

M. Yannick Botrel . - Concernant le programme 147, j'ai constaté aussi des variations à la baisse qui m'ont interpellé. Si j'ai bien compris, il y a un transfert d'engagements, en particulier vers l'ANCT. Quelqu'un a parlé de jeu de bonneteau à l'instant.

Sur la revitalisation économique et l'emploi, en lien avec les zones franches urbaines, on constate un recul de près de 17 millions d'euros, soit 37 % de l'enveloppe précédente. C'est un signal particulièrement négatif.

Par ailleurs, nous ne décelons aucune impulsion nouvelle en faveur de l'amélioration urbaine et du cadre de vie, un certain nombre de financements étant renvoyés au-delà de l'échéance 2023, ce qui est très révélateur...

Le programme 109 connaît une baisse significative. On ne peut que déplorer ce désengagement du logement social et cette fragilisation des bailleurs sociaux.

J'ai noté les réserves de notre collègue Annick Guillemot s'agissant de l'ANRU. Au vu de tout ce que nous avons entendu sur cette mission, je ne vois pas ce qui pourrait nous conduire à voter ces crédits.

Sur les programmes 112 et 162 présentés par notre collègue Delcros, j'ai entendu également quelques réserves s'exprimer, réserves contrebalancées par quelques avancées. Nous sommes tous un peu sceptiques sur l'ANCT et nous partageons les regrets du rapporteur spécial sur le manque de stabilité des dispositifs. Néanmoins, le constat est nettement moins négatif concernant ces deux missions.

M. Thierry Carcenac . - J'ai apprécié le brillant rapport de notre collègue Bernard Delcros sur la ruralité, notamment sa proposition sur la prime d'aménagement du territoire. Cet outil est important.

S'agissant des Maisons France service, je note que le comité interministériel de la transformation publique du 15 novembre a déjà labellisé 400 maisons de service au public (MSAP). Quelle est la différence avec les anciennes MSAP ? A-t-on suffisamment de moyens pour couvrir ces dépenses nouvelles ?

Pour prolonger ce qu'a dit Dominique de Legge sur les compétences de ces maisons, permettez-moi de reprendre le relevé de conclusions du Gouvernement, qui parle d' « accompagnement à l'appropriation du prélèvement à la source et [d'] achat de timbres fiscaux ». On est donc loin de ce que vous dites dans le rapport, puisque l'on est plus proche du front office que du back office .

M. Yvon Collin . - Je voudrais revenir sur les dépenses fiscales en faveur de l'investissement locatif intermédiaire Duflot/Pinel dans le cadre de la mission « Cohésion des territoires ». Un montant de 9 millions d'euros est prévu en 2020, contre 555 millions d'euros l'an dernier. Est-ce qu'il ne serait pas temps de faire une évaluation de ces politiques, qui ont désorganisé l'habitat dans beaucoup de communes ?

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - En avril 2018, la Cour des comptes nous a remis un rapport sur l'ANAH, que nous avions commandé dans le cadre de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances. Depuis, le budget a été redressé, un objectif annuel de 75 000 dossiers a été fixé - au lieu de 50 000 - et deux programmes, « Sérénité » et « Agilité », ont été instaurés. Le programme « Agilité », beaucoup plus léger, a conduit à la multiplication des dossiers. C'est ainsi que le plan Chaudière a connu un succès foudroyant en 2019, soutenu par de nombreuses campagnes de publicité des installateurs qui en ont profité pour augmenter le prix de vente des appareils... En cette fin d'année 2019, elle n'est pas en mesure de traiter les derniers dossiers qui devront être reportés sur 2020. La disparition du CITE en 2020 va changer la donne, il est difficile à ce stade de savoir en quel sens.

Le Gouvernement aurait-il dû faire un geste politique en dotant l'ANRU de crédits de paiement plus importants ? Certes, mais pour les consommer, il faudrait que les projets des collectivités soient suffisamment mûrs. Lors du premier programme de l'ANRU, j'avais beaucoup alerté sur la « bosse » de l'ANRU ; mais on a finalement observé qu'elle s'étale dans le temps, car tous les dossiers n'avancent pas aussi vite que prévu.

L'augmentation du nombre de demandeurs d'asile a embolisé l'hébergement d'urgence, faute de places suffisantes dans les CADA.

Je n'ai malheureusement aucune information concernant l'action de l'ANAH outre-mer.

Les dépenses fiscales attachées à la mission sont très importantes : dispositif Pinel, prêts à taux zéro (PTZ), TVA à taux réduit, etc. Un rapport conjoint de l'Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD) préconise de mettre fin au mécanisme de guichet ouvert pour le dispositif Pinel et de le remplacer par un contingentement. Le dispositif Pinel a eu la vertu, en 2015, de relancer la construction de logements, avec quelques utiles garde-fous. L'instauration d'un contingentement me semble toutefois poser des questions d'ordre constitutionnel.

La faiblesse des crédits prévus pour les zones franches urbaines s'explique par la « sortie en sifflet » de ce dispositif. Mais quid de la suite ?

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - Je partage l'analyse de notre collègue Victorin Lurel sur le plan Chlordécone : il ne répond pas aux enjeux et les crédits prévus, qui sont passés de 2 à 3 millions d'euros, sont trop faibles. Outre le rapport de la commission d'enquête de nos collègues députés, un rapport d'inspection est attendu sur le sujet.

L'ANCT est une agence dotée de la personnalité morale et placée sous la tutelle de la direction générale des collectivités locales (DGCL).

Le modèle de financement des maisons Canada Service, qui est directement porté par l'État canadien, n'est pas comparable à celui des futures maisons France Services (MFS). Les actuelles maisons de services au public qui bénéficient de 30 000 euros pour leur fonctionnement pourront obtenir le label de MFS si elles remplissent toutes les conditions prévues au cahier des charges ; elles ne bénéficieront pas de crédits supplémentaires. Elles ont jusqu'à 2022 pour s'y conformer et pourront conserver les 30 000 euros d'ici là, c'est l'État qui labellise, sur proposition du préfet. Les deux emplois prévus pour le fonctionnement d'une MFS ne sont pas nécessairement présents simultanément, car ils doivent permettre de couvrir les jours et heures d'ouverture de la MFS au public. La reprise d'activités de la DGFiP par les MFS est prévue, mais elle se fera sans crédits supplémentaires.

L'ANCT dispose de 10 millions d'euros de crédits fléchés vers de l'ingénierie territoriale. Ces crédits seront très utiles à nos collectivités, notamment rurales, qui ont besoin de monter en compétences en matière d'ingénierie, mais restons vigilants sur la mise en place de ces crédits. Les personnels de l'ANCT vont lui être affectés par transfert, ils seront désormais regroupés sur le site Ségur-Fontenoy.

Les pactes de développement territorial peuvent parfaitement se combiner avec des contrats plus locaux. Mais il faut mettre de la cohérence entre tous ces contrats. Pour chaque territoire il faut une stratégie, un projet et un contrat avec des financements pluriannuels.

Les crédits prévus pour la PAT sont dérisoires et baissent de 4 millions d'euros alors qu'ils ont pourtant un véritable effet de levier sur l'emploi.

Je rejoins l'avis de notre collègue sur le décret concernant l'ANCT qui a été publié avant même le vote du Parlement.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - L'amendement n° 1 vise à rétablir l'APL-accession, comme tous les ans. Si, par bonheur, l'Assemblée nationale et le Gouvernement nous suivaient, il conviendrait de rétablir les 50 millions d'euros que nous supprimons collatéralement par cet amendement. C'est la règle de la fongibilité asymétrique à laquelle nous devons nous soumettre.

L'amendement n° 1 a été adopté.

M. Bernard Delcros , rapporteur spécial . - L'amendement n° 2 vise à augmenter les crédits de la PAT de 4 millions d'euros afin de les porter à 10 millions d'euros comme l'an dernier. Il faudrait pourtant 30 à 40 millions pour répondre aux besoins.

L'amendement n° 2 a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - L'article 73 prévoit qu'Action Logement prend en charge le financement des aides à la pierre, pour un montant de 300 millions d'euros. J'y suis favorable, car il est lié à la clause de revoyure.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 73.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - L'article 74 augmente les moyens du FNAVDL de 15 millions d'euros. J'y suis favorable pour les mêmes raisons.

La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 74.

M. Philippe Dallier , rapporteur spécial . - L'article 75 prévoit un prélèvement de 500 millions d'euros sur Action Logement. Cet organisme est en bonne santé financière et s'est engagé dans plusieurs réformes dans l'attente de la clause de revoyure, mais il semble être dans le collimateur des services de l'État. Le Premier ministre a demandé un rapport sur sa gouvernance. Je suis défavorable à l'adoption de cet article.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 75.

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2019, sous la présidence de M. Vincent Éblé, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Cohésion des territoires », tels que modifiés par ses amendements, et d'adopter les articles 73 et 74. L'amendement n° 3 ayant été adopté, elle lui a en revanche proposé de supprimer l'article 75.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de l'intérieur

Direction de la modernisation et de l'administration territoriale (DMAT)

- M. Sébastien AUDEBERT, chef du bureau de la performance et des moyens de l'administration territoriale.

Ministère de la cohésion des territoires

Commissariat général à l'égalité des territoires (CGET)

- Mme Sophie DUVAL-HUWART, directrice du développement des capacités des territoires ;

- Mme Laurence LANGA, adjointe au chef du bureau de la programmation et des affaires financières.


* 1 Texte n° 2 (2018-2019), déposé au Sénat le 2 octobre 2018.

* 2 Loi organique n° 2019-790 du 26 juillet 2019 relative à la nomination du directeur général de l'Agence nationale de la cohésion des territoires.

* 3 Extrait des précisions méthodologiques relatives à la convention annuelle de financement des contrats de ruralité annexées au modèle de contrat de ruralité fourni par le CGET.

* 4 Cour des comptes, L'accès aux services publics dans les territoires ruraux, mars 2019.

* 5 Loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire .

* 6 Rapport d'information précité.

* 7 Sauver les zones de revitalisation rurale (ZRR), un enjeu pour 2020, rapport d'information de Bernard Delcros, Frédérique Espagnac et Rémy Pointereau, 9 octobre 2019 .

* 8 Article L. 4425-9 du code général des collectivités territoriales.

* 9 Loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

* 10 Sénat, rapport d'information n° 604 (2016-2017), op. cit .

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