Rapport n° 469 (2019-2020) de Mme Dominique ESTROSI SASSONE , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 27 mai 2020

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N° 469

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2019-2020

Enregistré à la Présidence du Sénat le 27 mai 2020

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi
visant à
garantir l' efficacité des aides personnelles au logement ,

Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; Mme Élisabeth Lamure, MM. Daniel Gremillet, Alain Chatillon, Martial Bourquin, Franck Montaugé, Mmes Anne-Catherine Loisier, Noëlle Rauscent, Cécile Cukierman, M. Jean-Pierre Decool , vice-présidents ; MM. François Calvet, Daniel Laurent, Mmes Catherine Procaccia, Viviane Artigalas, Valérie Létard , secrétaires ; M. Serge Babary, Mme Anne-Marie Bertrand, MM. Yves Bouloux, Bernard Buis, Henri Cabanel, Mmes Anne Chain-Larché, Marie-Christine Chauvin, Catherine Conconne, Agnès Constant, MM. Roland Courteau, Pierre Cuypers, Marc Daunis, Daniel Dubois, Laurent Duplomb, Alain Duran, Mmes Dominique Estrosi Sassone, Françoise Férat, M. Fabien Gay, Mme Annie Guillemot, MM. Jean-Marie Janssens, Joël Labbé, Mme Marie-Noëlle Lienemann, MM. Pierre Louault, Michel Magras, Jean-François Mayet, Franck Menonville, Jean-Pierre Moga, Mmes Patricia Morhet-Richaud, Sylviane Noël, Guylène Pantel, MM. Jackie Pierre, Michel Raison, Mmes Évelyne Renaud-Garabedian, Denise Saint-Pé, Patricia Schillinger, M. Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

372 rect. et 470 (2019-2020)

L'ESSENTIEL

La proposition de loi n° 372 relative à l'efficacité des APL , déposée par Mme Cécile Cukierman , sénatrice (CRCE - Loire), a été adoptée par la commission.

La PPL proposait quatre mesures : la suppression du non-versement des APL lors du mois de la première demande, dit « mois de carence », l'abrogation du seuil de non-versement des APL, actuellement fixé à 10 euros par mois, le maintien des APL, en cas d'impayés de loyer, dans le cadre d'une crise sanitaire, et la réindexation des APL sur l'indice de référence des loyers (IRL) en 2020.

I. LES APL, UNE AIDE ESSENTIELLE POUR LES MÉNAGES MODESTES MAIS ROGNÉE PAR LE GOUVERNEMENT DEPUIS 2017

Selon le Rapport public annuel 2020 de la Cour des comptes , les aides personnelles au logement (APL) bénéficient à 20 % des ménages, soit 6,6 millions. Elles représentaient en 2018 un budget de 17 milliards d'euros, soit 40 % de la dépense publique pour le logement.

Ces aides au logement ont été créées après-guerre, en 1948 pour aider les familles avec l'allocation de logement à caractère familial (ALF) puis ont été étendues, en 1971, aux personnes isolées (jeunes travailleurs et personnes âgées) avec l'allocation logement à caractère social (ALS) et, enfin, aux locataires des logements sociaux conventionnés avec la création de l'aide personnalisée au logement (APL), en 1977.

55 % des bénéficiaires louent dans le parc privé. 53 % sont des personnes seules.

Le revenu moyen des ménages bénéficiaires est de 0,73 SMIC.

Les APL jouent un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes, en pesant pour près d'un tiers des transferts.

Pour la Cour des comptes, la baisse uniforme des APL décidée par le Gouvernement, quelle que soit la situation du ménage, suscite des interrogations en termes d'équité.

En effet, depuis 2017, le Gouvernement a choisi de faire des économies sur les APL pour atteindre ses objectifs de réduction du déficit budgétaire et pour permettre à la France de sortir de la procédure de déficit excessif.

La contribution de l'État aux APL a ainsi diminué de plus de 3 milliards d'euros entre 2017 et 2020 avec une économie totale de l'ordre de 7 milliards d'euros, si on y inclut la contemporanéisation.

Les deux principales mesures mises en oeuvre sont la réduction générale de 5 euros des APL, entraînant près de 400 millions d'euros d'économie, et la réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social qui pèse pour plus d'un milliard d'euros. De nombreuses autres dispositions de dégressivité, de sous-indexation ou de gel ont été prises conduisant à l'érosion progressive des APL par rapport à l'inflation et à l'évolution des loyers, mais sans faire apparaître de baisse nominale d'une année sur l'autre.

La commission s'est opposée à de nombreuses reprises à ces mesures injustes prises au détriment des ménages en difficulté et qui ont fortement affaibli les bailleurs sociaux en limitant leurs moyens de construire de nouveaux logements.

Dans la crise sanitaire et économique actuelle, ces mesures pèsent de tout leur poids alors que les impayés de loyer risquent de se multiplier et que notre pays va devoir affronter une crise du logement avec sans doute près de 100 000 constructions de moins en 2020 en raison de l'arrêt des chantiers pendant le confinement.

II. SUPPRIMER LE MOIS DE CARENCE ET RÉTABLIR L'INDEXATION SUR L'IRL, LES DEUX MESURES RETENUES PAR LA COMMISSION

Sur la proposition de Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur, la commission a retenu deux mesures : la suppression du mois de carence (art. 1 er ) et la réindexation des APL sur l'IRL (art. 4).

Le non-versement du premier mois lors de la première demande des APL existe depuis 1995. C'est une mesure qui fait économiser de l'ordre de 250 millions d'euros par an à l'État et qui pénalise 1,2 million de ménages chaque année.

Elle connaît déjà de nombreuses exceptions au profit des personnes hébergées temporairement et qui accèdent à un véritable logement, de celles qui sont logées en foyer, qui avaient un logement insalubre ou encore qui sortent de la prostitution ou perçoivent les minima sociaux.

La suppression de ce mois de carence apparaît donc à la fois comme une mesure de simplification, de justice sociale et particulièrement pertinente alors que la crise économique va certainement conduire de nombreuses personnes à demander les APL.

Par ailleurs, depuis 2017, l'indexation des APL, normalement basée sur l'IRL, a été gelée ou limitée à 0,3 %, soit bien moins rapide que l'inflation ou la hausse des loyers de l'ordre de 1,5 % aboutissant à une érosion du pouvoir d'achat des ménages les moins favorisés. Ce sont près de 300 millions d'euros qui seraient ainsi économisés par l'État sur 2019 et 2020.

La commission a donc approuvé le rétablissement de l'indexation des APL sur l'IRL, en 2020, telle que prévue par le code de l'habitation et de la construction. C'est une demande forte des associations de locataire et du mouvement HLM.

En revanche, la commission n'a pas soutenu deux propositions : la disparition du seuil de non-versement de 10 € et la disposition visant à maintenir les APL dans le cas d'impayés lors d'une crise sanitaire.

En effet, le seuil de non-versement n'est pas une mesure d'économie mais de gestion. Cette règle touche 17 000 ménages pour un montant d'APL moyen de 60 euros par an, pour un total d'un million d'euros environ, alors que les frais d'instruction d'un dossier par la caisse d'allocations familiales (CAF) sont évalués entre 80 et 90 euros. Par ailleurs, ce seuil a déjà été abaissé, en 2017, de 15 à 10 euros dans le parc privé, pour éviter un impact trop important de la réduction de 5 euros des APL. De même, dans le parc social, il a été supprimé compte tenu du risque d'un effet cumulé de la baisse des APL et de la réduction de loyer de solidarité (RLS). Enfin, on pourrait craindre que le versement d'une aide d'un tel montant, même versé annuellement, n'apparaisse à certains comme indécente.

Concernant le maintien des APL en cas d'impayés de loyer, la commission a constaté que les dispositifs existant au profit des locataires de bonne foi, qui font face à une baisse de leurs ressources, étaient déjà très complets.

En effet, dès lors que le locataire accepte de s'inscrire dans un plan d'apurement et de payer une partie des charges du logement, les APL continueront d'être versées. Il est même possible de les maintenir, au cas par cas, à des locataires de mauvaise foi.

La loi ALUR, en 2014, puis la loi ELAN, en 2018, ont renforcé les dispositifs de prévention des expulsions en coordonnant les procédures de surendettement avec celles d'expulsion, en renforçant les commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) et en facilitant le recours au droit au logement opposable (DALO).

Dès lors, l'ajout du motif de la survenue d'une crise sanitaire pour maintenir les APL, bien que compréhensible, n'est pas apparu juridiquement pertinent car n'apportant pas de droit supplémentaire.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

Cet article vise à supprimer le délai de carence d'un mois entre la première demande d'APL et leur versement.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - Le mois de carence, règle aux multiples exceptions

A. Les aides personnelles au logement, leurs bénéficiaires et les enjeux financiers

Les APL bénéficient à 20 % des ménages français, soit 6,6 millions.

Elles représentaient un budget de 17 milliards d'euros en 2019, soit 40 % des dépenses publiques pour le logement.

1. Les trois aides personnelles au logement :

Source : Cour des comptes, Rapport public annuel 2020

a. L'allocation de logement à caractère familial (ALF)

L'ALF est une prestation familiale qui a été créée à l'occasion de la réforme du régime des loyers, par la loi du 1 er septembre 1948 . Elle est attribuée aux ménages (personnes isolées et couples) ayant des personnes à charge 1 ( * ) .

Elle était initialement financée par le fonds national des prestations familiales (FNPF). Depuis le 1 er janvier 2016, l'ALF est financée par le fonds national d'aide au logement (FNAL), ce dernier assurant à compter de cette date le financement complet des trois aides personnelles au logement.

En cohérence, initialement codifiée dans le code de la sécurité sociale, elle relève maintenant du code de la construction et de l'habitation depuis le mois de septembre 2019.

En 2018, elle bénéficiait à 1,23 million de familles et représentait 4,2 milliards d'euros .

b. L'allocation de logement à caractère social (ALS)

L'ALS, qui relevait également du code de la sécurité sociale, a été créée par la loi du 16 juillet 1971 afin de venir en aide à des catégories de personnes, autres que les familles , caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources (personnes âgées, personnes handicapées, jeunes travailleurs salariés de moins de 25 ans). Elle est financée par le FNAL, créé à cette occasion.

Cette allocation a progressivement été étendue à d'autres catégories de bénéficiaires (chômeurs de longue durée non indemnisés depuis 1986, bénéficiaires du RMI depuis le 1 er janvier 1989, bénéficiaires de l'allocation d'insertion depuis le 1 er octobre 1990), puis généralisée à partir du 1 er janvier 1991 aux catégories qui restaient encore exclues d'une aide personnelle. Ainsi, depuis le 1 er janvier 1993, elle est attribuée à toute personne, sous condition de ressources, qui n'entre pas dans les conditions fixées pour bénéficier de l'ALF ou de l'APL .

Initialement codifiée dans le code de la sécurité sociale, elle relève maintenant du code de la construction et de l'habitation depuis le mois de septembre 2019.

En 2018, elle bénéficiait à 2,43 millions de foyers pour un total de 5,1 milliards d'euros .

c. L'aide personnalisée au logement (APL)

L'APL, créée par la loi du 3 janvier 1977 , relève du code de la construction et de l'habitation (CCH). Elle s'applique à un parc de logements déterminé, essentiellement le parc social, quelles que soient les caractéristiques familiales des occupants. Depuis lors l'ALF et l'ALS ne sont versées que pour les logements ne relevant pas de l'APL.

Le champ d'application de l'APL comprend :

- En accession à la propriété pour les prêts signés jusqu'au 1 er janvier 2018 (1 er janvier 2020 pour les logements anciens en zone 3) : les logements financés avec des prêts aidés ou réglementés par l'État (PAP ou PC/PAS ou PSLA) ;

- En secteur locatif : les logements conventionnés financés par des PLAI (prêts locatifs aidés d'intégration), par des PLA (prêts locatifs aidés) auxquels ont succédé les PLUS (prêts locatifs à usage social), par des prêts locatifs sociaux (PLS) , les logements conventionnés à l'occasion de l'attribution de subventions à l'amélioration (PALULOS ou Anah), ainsi que les logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à des organismes d'habitation à loyer modéré, à des sociétés d'économie mixte (SEM) .

Anciennement assuré par le fonds national de l'habitat (FNH), le financement de l'APL est assuré par le FNAL depuis le 1 er janvier 2006 et la fusion de ces deux fonds.

En 2018, l'APL bénéficiait à 2,95 millions de ménages, pour un coût de 7,6 milliards d'euros .

2. Des aides bénéficiant aux personnes les plus modestes

Les locataires (y compris les résidents de foyers) représentent 94 % des bénéficiaires et 96 % des prestations . Parmi ceux-ci, les ménages logés dans le parc non conventionné , qui bénéficient des allocations de logement (AL), sont majoritaires (55 %).

Par ailleurs, 500 000 ménages résident dans des foyers (foyers de personnes âgées, de travailleurs migrants, de jeunes travailleurs, de personnes handicapées, résidences sociales et pension de famille en APL, chambres de foyers universitaires, maisons de retraite, foyers de jeunes travailleurs en ALS).

Les bénéficiaires des aides personnelles au logement sont en majeure partie des ménages sans enfants, ainsi on compte 53 % de personnes seules et 7 % de couples sans enfant .

Il est à noter que les étudiants ne représentent qu'un effectif de 789 000 bénéficiaires (12 % de la population concernée). S'ajoutent à eux 446 000 bénéficiaires de moins de 25 ans non étudiants, soit 6,8 % de la population concernée. Les personnes âgées de plus de 60 ans représentent quant à elles 19 % des ménages (soit 1 130 000 bénéficiaires).

La répartition des bénéficiaires (hors étudiants) selon leur revenu imposable N-2 brut est décrite dans le graphique ci-après :

Source : Questionnaire budgétaire PLF 2020

Parmi les bénéficiaires, 96 % des ménages disposent d'un revenu imposable brut inférieur à deux SMIC et 70 % inférieur à un SMIC. En moyenne ce revenu est de 0,73 SMIC par ménage .

Dans son Rapport public annuel 2020, la Cour des comptes soulignait que les APL jouaient un rôle central dans la redistribution monétaire au profit des plus modestes, soit un tiers de l'effort de redistribution en direction des ménages du premier décile de niveau de vie qui constituent 75 % des bénéficiaires. Les aides personnelles au logement couvrent en moyenne 49 % du loyer hors charges en cas d'APL, 36 % en cas d'ALF ou d'ALS.

La Cour des comptes remarquait donc que la baisse uniforme des APL et les mesures d'économie décidées depuis 2017 soulevaient des interrogations en termes d'équité .

3. Le coût des aides personnelles au logement, un enjeu pour les finances publiques

Depuis 2016, le financement des APL a été simplifié et clarifié (suppression de la contribution du fonds national des prestations familiales). Il pèse à plus de 80 % sur le budget de l'État à travers le FNAL. S'y ajoutent une contribution des employeurs et des recettes fiscales affectées.

Source : Cour des comptes, Rapport public annuel 2020

Le poids pour le budget de l'État des APL en font un enjeu important dans le cadre de la maîtrise des finances publiques .

Le ministre de l'action et des comptes publics l'a clairement exprimé dans sa réponse à la Cour des comptes dans le cadre du Rapport public annuel 2020 : « L'appréciation portée par la Cour sur les réformes entreprises par le Gouvernement depuis 2015 mériterait d'être nuancée. Portant sur une politique publique pour laquelle la France dépense plus que ses voisins et dont l'efficience est insuffisante, ces réformes ont entre autres participé au redressement de la trajectoire de finances publiques et permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dès juin 2018 ».

Sur le budget de l'État lui-même, l'économie constatée est de 3 milliards d'euros environ. Mais par rapport à la trajectoire tendancielle, les mesures prises depuis 2017 doivent produire une économie de l'ordre de 7 milliards d'euros , étant noté que les difficultés techniques et la crise sanitaire ont empêché la mise en oeuvre de la contemporanéisation des APL au 1 er janvier 2020 et sur laquelle 1,2 milliard d'euros d'économie était attendu. Elle ne sera au mieux appliquée qu'au 1 er janvier 2021.

En effet, si la dégressivité des aides pour les loyers les plus élevés et la prise en compte du patrimoine des bénéficiaires, décidées en 2016, ont été poursuivies, plusieurs mesures de gel, de sous-indexation et de réduction ont été prises depuis 2017. Les deux principales sont la baisse uniforme de 5 € des APL, qui pèse presque 400 millions d'euros, et la Réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social pour plus d'un milliard d'euros.

Ces mesures se décomposent de la manière suivante :

LFI 2019

PLF 2020

Aides au logement (APL) - Action 1 du P109

13 430

12 029

dont Action 1 à périmètre constant

13 430

11 863

Tendanciel brut en dépenses hors mesures d'économies

18 856

19 128

Mesure de dégressivité pour les loyers élevés (mise en oeuvre 1 er juillet 2016)

-109

-109

Mesure patrimoine (mise en oeuvre sur le flux au 1 er octobre 2016)

-65

-67

Mesure  d'économies 2017 - baisse de 5 € des APL

-392

-391

Mesures d'économies 2018 :

-1 226

-1 609

* Effort bailleurs sociaux RLS

-873

-1 300

* Suppression APL accession

-113

-54

* Gel 2018 (dont gel des paramètres)

-218

-255

* Lutte contre la fraude

-22

0

Mesures d'économies 2019 :

-709

-1 636

* Actualisation base ressources APL (contemporanéisation)

-642

-1 252

* autres effet actualisation base ressources APL (autres)

-94

* indexation maitrisée 2019 et 2020

-67

-290

Mesure nouvelle 2020 - Dispositif de lutte contre l'habitat insalubre OM

3

Mesure de périmètre 2020 : application de la mesure seuils de la loi PACTE

166

B. Le mois de carence, la règle et ses exceptions

En matière d'Aides personnelles au logement (APL), l'article L. 823-5 du code de la construction et de l'habitation (CCH) dispose que « Les modalités d'ouverture et d'extinction des droits sont fixées par voie réglementaire ».

L'article R. 823-10 du CCH précise : « Les aides personnelles au logement sont dues à compter du premier jour du mois civil suivant celui au cours duquel les conditions d'ouverture du droit sont réunies. Toutefois, lorsque ces conditions sont réunies antérieurement au mois de la demande, l'aide est due à compter du premier jour du mois au cours duquel la demande est déposée ».

En matière d'APL, le mois de carence a été instauré par la loi de finances pour 1995 dans un souci d'harmonisation et d'économie, la même disposition s'appliquant aux prestations familiales depuis 1983. On pouvait donc en espérer une simplification de leur liquidation, celle-ci étant du ressort des caisses d'allocations familiales (CAF) ou de la mutuelle sociale agricole (MSA).

Compte tenu de son impact financier, cette « simplification » ne pouvait cependant que rester partielle au regard de la population fragile qu'elle frappe.

Ainsi, le mois de carence ne s'applique qu'à la première demande faite dans le premier mois où il était possible de bénéficier des APL. Si la demande est faite plus tard, l'APL du premier mois est due (R. 823-10 2 e al). Il n'y a pas de versement rétroactif à la demande.

Le mois de carence ne s'applique pas non plus en cas de déménagement et ne peut avoir pour effet d'interrompre le versement des aides (R. 823-14).

Enfin, par dérogation et en application de l'article R. 823-11, l'aide est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d'ouverture du droit sont réunies, donc y compris rétroactivement, pour les personnes :

- hébergées de manière temporaire par un organisme ou une association qui accèdent à un logement, notamment celles sortant de la prostitution,

- dont le logement a fait l'objet d'un arrêté d'insalubrité ou de péril lorsqu'elles reprennent le paiement du loyer ou lorsqu'elles sont relogées.

Cette exception s'étend aussi aux jeunes travailleurs et travailleurs migrants logés en foyer, et aux bénéficiaires de minima sociaux.

Pour pallier le manque de l'APL lors du premier mois de loyer, il est possible de solliciter les fonds de solidarité pour le logement (FSL) au titre de l'aide à l'entrée dans le logement au même titre que la prise en charge d'un dépôt de garantie, des frais d'agence, de déménagement, d'assurance ou d'achats de mobiliers de première nécessité. L'aide du FSL prend la forme d'une subvention ou d'un prêt sans intérêt.

II. Le dispositif envisagé - La suppression du mois de carence

Les auteurs de la PPL souhaitent ériger en principe législatif la suppression du mois de carence et élèvent donc au niveau de la loi des dispositions actuellement réglementaires.

L'article 1 er modifie la rédaction de l'article L. 823-5 du CCH en y incorporant l'article R. 823-10 ainsi modifié.

Il s'agit pour eux d'une mesure de justice sociale, le mois de carence étant préjudiciable aux ménages les plus modestes.

III. La position de la commission - Une mesure de justice en faveur des plus modestes

Lors des auditions, le Gouvernement a indiqué que le coût de cette mesure était évalué entre 240 et 260 millions d'euros en année pleine sur la base d'1,2 million de nouveaux bénéficiaires chaque année .

Il s'agirait aussi d'une disposition facilitant le travail des organismes payeurs en leur laissant plus de temps pour calculer et verser les APL.

La MSA a rappelé qu'elle s'était prononcée dès 2002 en faveur de cette mesure .

Toutefois, cette mesure apparaît essentiellement comme une économie budgétaire à l'encontre des personnes les plus fragiles . Comme il a été rappelé, la simplification invoquée n'est que toute relative aux regards des multiples exceptions. Enfin, si le coût de la suppression du mois de carence n'est pas négligeable, il doit être rapporté aux économies réalisées depuis 2017 au détriment des APL .

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 2

Cet article vise à supprimer le seuil de non-versement des APL qui est fixé à 10 €.

La commission proposera sa suppression en séance.

I. La situation actuelle - Le seuil de non-versement, une mesure traditionnelle de gestion

Les seuils de non-versement ou non-recouvrement sont des mesures traditionnelles de gestion lorsque les coûts de traitement dépassent les bénéfices escomptés.

En matière d'APL, l'article L. 823-7 du CCH prévoit, d'une part, l'existence de ce seuil et, d'autre part, la fixation de son montant par voie réglementaire.

Depuis le décret n° 2017-1413 du 28 septembre 2017 relatif aux aides personnelles au logement et au seuil de versement des allocations de logement (ALF, ALS), le seuil de non-versement est fixé à dix euros (article 3). Il était auparavant de quinze euros. Cette baisse est intervenue concomitamment à la diminution des APL de cinq euros afin d'éviter que 50 000 foyers ne sortent du dispositif. Cette baisse du seuil s'applique également à l'APL-accession.

Il a été en revanche complètement supprimé, depuis le 1 er mars 2018, pour l'aide personnalisée au logement, donc dans le parc social, pour neutraliser l'effet cumulé de la réduction d'APL et de la RLS qui pouvait atteindre 7 euros (arrêté du 27 février 2018 et article 12 de l'arrêté du 27 septembre 2019).

Selon les informations transmises par le Gouvernement, ce seuil prive actuellement 17 000 ménages des APL pour une dépense totale évaluée à un million d'euros, soit un versement annuel moyen par ménage d'environ 60 euros .

Or, en raison de la grande complexité du calcul et de la liquidation des APL, les coûts de gestion sont particulièrement élevés et régulièrement dénoncés comme tels par la Cour des comptes.

Ainsi dans son Rapport public annuel 2020, si elle se félicite de la baisse de 12 % du coût de gestion depuis 2012, elle regrette qu'il ait baissé moins vite que celui des autres prestations versées par les CAF (- 23 %).

Le coût moyen de gestion unitaire des APL s'élèverait ainsi à 81,8 euros en 2017 contre 97,2 euros en 2012.

II. Le dispositif envisagé - Suppression du seuil de non versement

L'article 2 de la PPL a pour objectif d'abroger l'article L. 823-7 du CCH et donc de supprimer tout seuil de non-versement.

Pour les auteurs, toute APL est due à son bénéficiaire.

Le vrai seuil n'est pas un seuil administratif, mais celui qui permet d'avoir droit ou non à la prestation.

III. La position de la commission - Un nécessaire mesure de gestion

Les montants en jeu montrent que le seuil de non-versement, tel qu'il est défini aujourd'hui, n'est pas une mesure budgétaire mais une mesure de saine gestion.

Le coût d'instruction des demandes est élevé pour la CAF mais aussi pour les bénéficiaires.

En supprimant le seuil de non-versement, on pourrait aboutir à l'attribution d'une aide qui, même versée annuellement, apparaîtrait comme modique et peut-être même indécente pour certains.

Le rapporteur a donc exprimé un avis défavorable sur cet article.

La commission a adopté l'article sans modification, compte tenu de l'accord entre les groupes relatif à l'examen des PPL, mais le rapporteur présentera en séance un amendement de suppression.

Article 3

Cet article vise à maintenir les APL d'un locataire de bonne foi en cas d'impayés de loyer intervenant lors d'une crise sanitaire.

La commission a adopté un amendement de suppression.

I. La situation actuelle - De larges possibilités de maintien des APL en cas d'impayés de loyer et une politique de prévention des expulsions

A. Le droit en vigueur

1. Le maintien des APL

Le maintien des APL est normalement conditionné au paiement du loyer mais la loi ALUR de 2014 a posé le principe de leur maintien aux allocataires de bonne foi .

L'article L. 824-2 du CCH prévoit que lorsque le bénéficiaire de l'aide personnelle ne règle pas la dépense de logement, l'organisme payeur maintient le versement de l'APL, si le bénéficiaire est de bonne foi, et décide au cas par cas dans les autres cas.

Concrètement, lorsqu'un bailleur bénéficiant du tiers payant constate que la part résiduelle du loyer et des charges ne lui a pas été versée depuis trois mois consécutifs ou si la dette locative équivaut à deux mois brut de loyer, il doit en informer la CAF qui va mettre en oeuvre une procédure d'impayé. Une première décision de maintien des APL pour une période de six mois est alors prise pour permettre la mise en place d'un plan d'apurement. L'APL sera suspendue au bout de six mois si aucune solution n'est trouvée.

Lorsqu'un bailleur ne bénéficie pas du tiers payant et constate un impayé équivalent à deux mois de loyer, il doit en informer la CAF qui proposera de faire bénéficier le bailleur du tiers payant pendant une période de six mois. Cette durée doit être utilisée pour trouver une solution.

Dans les deux cas, le plan d'apurement devra être approuvé par les deux parties et par la CAF qui vérifiera tous les six mois sa bonne application.

Si des difficultés surviennent, le locataire pourra être incité à saisir le FSL compétent, à contacter l'agence départementale d'information sur le logement (ADIL). Il pourra également être fait appel à un conciliateur de justice. La CAF peut alors être conduite à mettre en demeure le locataire de payer sa dette sur trois ans (1/36 e par mois). Une attention particulière est portée aux allocataires en situation sociale difficile, c'est-à-dire bénéficiant des minima sociaux, en situation de surendettement, confrontés à la maladie, la séparation ou la perte d'emploi ou qui sont suivis par des travailleurs sociaux. Mais le locataire doit témoigner de sa bonne foi en s'acquittant d'au moins la moitié de la dépense courante de logement, déduction faite des APL, pour trouver le chemin d'une solution plus globale par la suite.

Le maintien des APL aux allocataires de bonne foi s'inscrit dans un dispositif plus large de prévention des expulsions.

2. Le dispositif de prévention des expulsions

En effet, depuis la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, la logique poursuivie par les pouvoirs publics a été de passer d'un traitement de l'expulsion, considéré comme un problème d'ordre public, à un traitement social et préventif, le plus en amont possible, afin d'éviter la phase contentieuse et de limiter, dans les faits, l'expulsion locative pour dettes de loyer aux seuls locataires de mauvaise foi.

Elle a notamment abouti à la création des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX), généralisées à partir de la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion. L'objectif de ces commissions est d'examiner les dossiers difficiles au cas par cas en associant les acteurs concernés, notamment les services de la préfecture, du conseil départemental et les organismes payeurs des aides personnelles au logement (CAF et MSA) afin d'aider les ménages en difficulté à trouver une solution à leur situation, en amont d'une procédure.

Ce dispositif a été renforcé par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) n° 2014-366 du 24 mars 2014 par l'extension de la trêve hivernale, qui prend fin non plus le 15 mars mais le 31 mars , l'allongement des délais de paiement et des délais de « grâce » pouvant être accordés par le juge de l'expulsion qui sont portés à 3 ans maximum et la création d'un délit pénal sanctionnant le fait d'expulser par la contrainte un ménage sans avoir obtenu le concours de l'État. La loi ALUR a aussi renforcé les moyen d'action des CCAPEX, les bailleurs devant les informer obligatoirement deux mois avant l'assignation au tribunal pour expulsion et les CAF ou MSA devant faire de même lors de toute suspension des APL.

C'est notamment le décret n° 2016-748 du 6 juin 2016 relatif aux aides personnelles au logement en cas d'impayé, pris en application de la loi ALUR, qui met en oeuvre le principe selon lequel les aides au logement sont maintenues pour les allocataires de bonne foi.

La loi a enfin établi un lien entre les expulsions et le droit pour les ménages concernés au logement (DALO), notamment en permettant à la commission de médiation DALO de saisir le juge pour suspendre l'expulsion (délais « de grâce ») le temps d'un éventuel recours DALO.

Des dispositions complémentaires ont été introduites par la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (ELAN) :

- Une meilleure articulation de la procédure d'expulsion locative et de la procédure de surendettement afin de maintenir dans leur logement les locataires de bonne foi ayant repris le paiement de leur loyer et s'acquittant du remboursement de leur dette locative. Cette articulation était rendue nécessaire pour mettre fin aux injonctions contradictoires faites au locataire débiteur relatives au remboursement de ses dettes. Dans cette nouvelle articulation, la décision de la commission ou du juge du surendettement prime sur la décision du juge qui a accordé des délais de paiement avant de se prononcer sur la résiliation du bail.

- L'amélioration du fonctionnement des CCAPEX par la diffusion d'une information plus claire, la numérisation des procédures en s'appuyant sur un logiciel interministériel et la mise en place de commissions locales.

B. Les impayés de loyer et expulsions, tentative d'état des lieux

La situation des impayés de loyer est partiellement connue grâce à la dernière enquête nationale INSEE sur le logement, qui date de 2013.

Elle a fait apparaître une situation dégradée par rapport au début des années 2000 mais stable depuis 2006 avec près de 500 000 ménages concernés, 300 000 dans le parc social et 200 000 dans le parc privé dont deux tiers bénéficient des APL.

SECTEUR LOCATIF SOCIAL

SECTEUR LOCATIF PRIVÉ

ENQUÊTE

2001-2002

ENQUÊTE

2006

ENQUÊTE

2013

ENQUÊTE

2001-2002

ENQUÊTE

2006

ENQUÊTE

2013

Nombre de logements

187 000

294 000

298 200

102 000

186 000

194 600

Taux (en %)

4,4

6,37

6,49

1,8

3,4

2,98

Dont bénéficiaires d'aides personnelles au logement parmi les ménages en situation d'impayés

Nombre de ménages

137 000

201 000

204 500

57 000

124 000

130 600

% par rapport à l'ensemble des ménages en situation d'impayés

73 %

68 %

68 %

56 %

67 %

67 %

Source : ministère du logement

À cette date, la somme des loyers mensuels de ces ménages en impayé est égal à 133 M€ dans le parc public et à 110 M€ dans le parc privé.

Concernant les expulsions et le recours à la force publique, les données communiquées par le ministère du logement montrent une relative stabilité entre 2012 et 2018.

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

Contentieux locatif avec demande de délivrance de titre exécutoire (assignations)

155 277

159 953

173 703

167 213

160 305

158 232

154 239

Décisions de justice prononçant l'expulsion

120 183

125 923

132 016

132 196

127 412

124 550

119 554

Nombre d'interventions effectives de la force publique

11 487

10 132

11 604

15 151

15 222

15 547

15 993

Source : ministère du logement

Le contentieux en matière d'expulsion est de l'ordre de 155 000 à 175 000 demandes par an aboutissant à 120 000 à 130 000 décisions d'expulsion prises par le juge. Le nombre d'expulsion par la force publique a lui évolué plus significativement puisqu'il s'établit désormais au-dessus des 15 000 et tend vers les 16 000 par an, soit une augmentation de près de 50 % sur la période.

Lorsque le concours de la force publique n'est pas accordé, le bailleur a droit à une indemnisation (amiable ou contentieuse) par l'État. Le montant total des indemnités dans le parc public et dans le parc privé s'est élevé à 42 millions d'euros en 2017 et 33 millions d'euros en 2018.

II. Le dispositif envisagé - Le maintien des APL en cas d'impayés et de crise sanitaire

L'article 3 viendrait modifier l'article 824-2 1° du CCH en précisant la condition de bonne foi pour le maintien des APL avec l'ajout suivant : « notamment si la baisse de ressources est liée à la crise sanitaire ».

L'objectif serait de créer une présomption de bonne foi lorsque la baisse des ressources est liée à la crise sanitaire. Il s'agit, alors que notre pays subit une grave pandémie, de tenir compte des difficultés actuelles des locataires.

III. La position de la commission - Un disposition peu normative et opérationnelle

L'objectif légitime poursuivi par les auteurs de la proposition de loi se heurte à plusieurs difficultés :

- Il n'existe pas de définition juridique de la crise sanitaire et il n'est pas ici question de prendre seulement une disposition temporaire liée à la crise actuelle mais à portée générale.

- L'ajout proposé apparaît plus comme la mention d'un motif parmi d'autres des difficultés du locataire qu'une véritable présomption. Il n'a pas d'utilité juridique, la rédaction actuelle retenant la bonne foi étant très large, le maintien des APL même sans bonne foi étant possible. Enfin, comme cela a été exposé, les dispositifs de prévention et de traitement des dettes locatives sont très développés.

- Enfin, il serait sans doute difficile au locataire d'utiliser effectivement cet argument et de démontrer un lien de cause à effet.

En accord avec les auteurs de la proposition de loi, la commission a donc supprimé l'article .

Article 4

Cet article vise à revenir sur la sous-indexation des APL décidée en loi de finances pour 2020.

La commission a adopté l'article sans modification.

I. La situation actuelle - La sous-indexation des APL depuis 2018

Depuis le 1 er janvier 2008, les paramètres représentatifs de la dépense de logement entrant dans le calcul des aides personnelles au logement sont indexés chaque année, sur l'évolution de l'indice de référence des loyers (IRL) en application de l'article L. 823-4 du CCH. Auparavant, cette indexation n'était pas prévue par les textes, elle n'était donc pas systématique.

Depuis 2014, la revalorisation annuelle des paramètres de dépense de logement a lieu au 1 er octobre, et non plus au 1 er janvier, l'indice de référence pour les revalorisations est donc le deuxième trimestre de l'année en cours.

Mais depuis la loi de finances pour 2018 et dans le cadre des économies décidées par le Gouvernement sur les aides au logement, la variation de l'IRL n'a pas été prise en compte. En 2018, il n'y a pas eu de revalorisation 2 ( * ) .

En 2019, la variation de l'IRL au deuxième trimestre a atteint + 1,53 % mais la loi de finances pour 2019 n'avait retenu qu'une revalorisation à hauteur de 0,3 % 3 ( * ) .

Il en a été de même pour 2020 avec une revalorisation dérogatoire limitée à 0,3 % 4 ( * ) .

Sur 2020, cette revalorisation limitée représente une économie de 171 millions d'euros pour le budget de l'État .

II. Le dispositif envisagé - Retour à l'indexation sur l'IRL

L'article 4 vise à abroger le II de l'article 200 de la loi de finances pour 2020 et permettre ainsi une indexation plus avantageuse des APL sur l'IRL.

C'est pour les auteurs une mesure de justice sociale. Depuis plusieurs années maintenant, les APL progressent moins vite que l'inflation et moins rapidement que l'IRL.

III. La position de la commission - Mettre fin à l'érosion des APL

On constate depuis 2018 une érosion des APL du fait d'un gel et de sous indexations successives. Elle est dénoncée par les associations de locataires et par le mouvement HLM.

Le coût de l'indexation n'est pas négligeable mais doit être rapporté aux économies réalisées par le Gouvernement sur les aides au logement depuis 2017 et aux populations visées qui sont celles qui ont les revenus les plus faibles.

La commission a adopté l'article sans modification.

Article 5

Cet article vise à gager la PPL par une augmentation de l'impôt sur les sociétés.

La commission a adopté un amendement pour porter le gage sur les taxes sur le tabac.

I. Le dispositif envisagé - Un gage portant sur les entreprises

L'article 5 vise à compenser les mesures proposées dans la PPL par une hausse de l'impôt sur les sociétés.

II. La position de la commission - Une solution inadaptée

Dans la période présente où les entreprises sont confrontées à de graves difficultés, il est impossible de faire porter une charge supplémentaire sur les entreprises.

La commission a adopté l'amendement COM-1 proposé par Mme Cukierman afin d'assurer cette compensation par une hausse des taxes sur le tabac.

La commission a adopté l'article ainsi modifié.

TRAVAUX EN COMMISSION

Réunie le mercredi 27 mai 2020, la commission a examiné le rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone sur la proposition de loi n° 372 rect. (2019-2020), visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement.

Mme Sophie Primas , présidente . - Nous examinons ce matin la proposition de loi de notre collègue Cécile Cukierman et des membres de son groupe, visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement (APL). Cette proposition de loi a été déposée le 5 mars 2020 - dans le monde d'avant ! - et elle sera discutée en séance publique le jeudi 4 juin prochain, en seconde partie de matinée, dans la niche du groupe CRCE.

C'est la première proposition de loi que nous examinons dans le format semi-présentiel exigé par la crise sanitaire et je salue nos collègues présents en visioconférence. Je rappelle à cet égard les règles définies par le Bureau du Sénat. Le nombre des places disponibles pour les sénateurs dans la salle de la commission est limité à douze, pour respecter les consignes de distanciation, et les places ont été réparties à la proportionnelle des groupes : quatre places pour le groupe Les Républicains, deux pour le groupe Union Centriste, deux pour le groupe Socialiste et républicain, une pour le groupe LaREM, une pour le groupe RDSE et une pour le groupe Les Indépendants, ainsi qu'une pour le CRCE. Les sénateurs présents physiquement participent normalement à l'examen du texte et prennent part au vote. Tous les autres membres de la commission ont la possibilité de suivre l'examen du texte par visioconférence et de demander la parole, sans toutefois pouvoir prendre part au vote.

Il me faut procéder à un second rappel concernant la procédure d'examen d'une proposition de loi issue d'un groupe minoritaire. Celle-ci est régie par un accord entre les groupes politiques, dont le principe est le suivant : afin de préserver l'initiative sénatoriale, les groupes minoritaires ont le droit à l'examen de leurs textes, inscrits dans leurs espaces réservés, jusqu'à leur terme, et ces textes ne peuvent être modifiés par la commission sans leur accord. Ainsi, aucun amendement ne peut être adopté aujourd'hui s'il ne reçoit pas l'accord du groupe CRCE. Bien entendu, des amendements pourront être librement déposés en vue de la séance publique.

Dans le même esprit, et plus généralement dans le cadre de l'examen des propositions de loi, il est convenu que l'examen des irrecevabilités, notamment au titre des articles 40 et 41, est assoupli pour le texte initial, sans être pour autant supprimé. Il a ainsi été possible de gager les dispositions de la proposition de loi, mais un amendement qui viendrait aggraver les charges publiques ne serait pas recevable.

Je souligne enfin que l'examen de ce texte se fait dans des délais extrêmement courts : moins de quatre semaines entre son inscription à l'ordre du jour et son examen, et à peine quinze jours entre la désignation du rapporteur et notre réunion d'aujourd'hui. Bien qu'il s'agisse d'un texte de cinq articles, ce ne sont pas des conditions très sereines pour légiférer. La Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), qui aurait dû être entendue, puisqu'elle assure le traitement et le versement des APL, n'a pu répondre à la demande de notre rapporteur compte tenu de la crise sanitaire et des délais trop courts.

Cette proposition de loi touche un sujet important, les modalités de versement et d'indexation des APL, alors que la réduction de loyer de solidarité (RLS) et désormais la crise sanitaire et économique font craindre de graves difficultés pour les bailleurs et leurs locataires.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - En effet, les délais d'examen ont été réduits au strict minimum. S'il n'a pas été possible d'auditionner la CNAF, j'ai tout de même pu organiser une table ronde avec l'ensemble des associations représentatives des locataires, entendre la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP), avoir un échange avec le cabinet du ministre du logement et, bien entendu, partager mon analyse du texte avec l'auteur de la proposition de loi, notre collègue Cécile Cukierman.

Je voudrais m'attacher à expliquer notre convergence sur l'essentiel des dispositions de la proposition de loi, qui comprend des mesures que la plupart d'entre nous avons soutenues au sein de la commission, sans parvenir à les faire aboutir.

Comme vous le savez, les APL sont constituées de trois allocations différentes créées depuis la Libération : les allocations de logement, qui regroupent l'allocation familiale et l'allocation sociale et, depuis 1977, l'aide personnalisée au logement. Si la proposition de loi traite des dispositions générales touchant les trois allocations, cette distinction garde son importance, et j'y reviendrai lors de l'examen de l'article 2.

Ces trois allocations ont été créées pour aider directement les locataires à se loger de manière décente, pour lutter contre le mal-logement, et elles viennent compléter les aides à la pierre ou à la construction, qui sont le second volet essentiel de la politique du logement dans notre pays.

S'il y a des débats politiques et théoriques sur le bénéfice de l'aide à la pierre ou de l'aide personnelle au logement, leurs effets négatifs et la nécessité de privilégier telle ou telle allocation, il est assez évident que, compte tenu des masses financières en jeu, de l'ordre de 17 milliards d'euros pour les APL, dont plus de 12 milliards d'euros sur le budget de l'État, et du nombre de bénéficiaires, qui s'élève à 6,6 millions de ménages, soit 20 % des ménages français, seules des inflexions prudentes et progressives sont possibles, sauf à risquer de déséquilibrer l'ensemble du secteur.

C'est du reste ce que nous avons pu constater depuis les décisions du Président de la République, à l'été 2017, de réduire les APL de cinq euros et d'appliquer la réduction de loyer de solidarité (RLS) dans le parc social. Aujourd'hui, face à la crise, les bailleurs sont fragilisés - Annie Guillemot et moi suivons les problématiques du logement et de la politique de la ville, et nous voyons se profiler de graves difficultés : leur équilibre économique a été profondément remis en cause et, plus que de trésorerie, ils risquent de manquer de fonds propres pour relancer la construction ou acheter des programmes en vente en l'état futur d'achèvement (VEFA) aux promoteurs comme ils ont pu le faire en 2008-2009, jouant un rôle d'amortisseur contra-cyclique.

Concernant le contexte budgétaire relatif aux APL, je rappelle ce que j'indiquais dans mon rapport sur le projet de loi de finances pour 2020. Sans les mesures d'économies décidées depuis le début du quinquennat, le budget dévolu aux APL devrait être, toutes choses égales par ailleurs, de l'ordre de 19 milliards d'euros. Ce sont donc 7 milliards d'économie qui devaient être réalisées. Certes, la non-application de la contemporanéisation réduit ce chiffre à un peu moins de 6 milliards d'euros, mais il nous faut conserver à l'esprit le caractère massif de ces réductions budgétaires.

Or, comme l'a rappelé la Cour des comptes dans son rapport public pour 2020, les APL jouent un rôle central dans la redistribution au profit des plus modestes, puisqu'elles représentent environ un tiers de l'effort en la matière au profit des ménages du premier décile de niveau de vie, qui constituent 75 % des bénéficiaires des APL.

La Cour critiquait également la baisse uniforme des APL, quelle que soit la situation du ménage, car celle-ci pose des problèmes d'équité.

Pour ma part, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, je suis favorable à un moratoire de la RLS, pour redonner de l'air aux bailleurs sociaux dans la crise actuelle, et au rétablissement de l'APL accession, mesure peu coûteuse et extrêmement profitable pour soutenir l'accession sociale à la propriété, et que nous n'avons pas encore réussi à faire aboutir.

Les cinq articles de la proposition de loi ont une dimension essentiellement budgétaire. Chacun a un objet différent.

L'article 1 er supprime le principe d'un mois de carence de versement des APL lors de la première demande. Ce mois de carence est une mesure plus budgétaire que de gestion. Il a été instauré par la loi de finances pour 1995 et s'applique aux prestations familiales depuis 1983 mais, en réalité, il existe plusieurs exceptions. Il ne s'applique qu'aux premières demandes, pour le premier mois d'ouverture des droits, et non si les droits sont acquis depuis plus longtemps mais n'ont pas fait l'objet d'une requête. Par ailleurs, il ne s'applique pas à plusieurs catégories : les personnes hébergées qui accèdent à un logement, celles qui quittent un logement frappé d'insalubrité, les personnes logées en foyers, comme les jeunes travailleurs ou les travailleurs migrants, et les bénéficiaires des minima sociaux.

Le Gouvernement a souligné le coût de sa suppression, qui serait de l'ordre de 250 millions d'euros en année pleine, 1,2 million de nouvelles demandes étant enregistrées chaque année. Néanmoins, compte tenu des exceptions déjà existantes, celle-ci apportera plus de lisibilité. Son coût doit être rapporté aux économies réalisées ces dernières années au détriment des populations les plus fragiles qui bénéficient des APL. Enfin, dans le contexte actuel, il est à craindre qu'un grand nombre de nos concitoyens ne deviennent éligibles à cette aide... Il serait alors incompréhensible de réaliser une économie à leur détriment. La MSA m'a d'ailleurs fait savoir qu'elle s'est prononcée, depuis 2002, pour le versement des APL dès le premier mois d'occupation. Je vous proposerai donc d'adopter cet article.

L'article 2 de la proposition de loi supprime le seuil de non-versement des APL, qui est actuellement fixé à 10 euros par mois. L'argument selon lequel le vrai seuil devrait être celui de l'éligibilité, et non un montant minimum de versement, est naturellement compréhensible, mais il s'agit en l'espèce d'une mesure de bonne gestion. Selon le Gouvernement, ce seuil ne frappe que 17 000 ménages, pour un montant total de 1 million d'euros et des APL moyennes de 60 euros par an, alors que le coût de gestion et d'instruction d'une nouvelle demande serait de l'ordre de 80 à 90 euros, selon la Cour des comptes. En 2017, pour atténuer les effets indésirables de la baisse de cinq euros des APL, ce seuil avait été abaissé de 15 à 10 euros pour les locataires du parc privé et complètement supprimé dans le parc social, donc pour les bénéficiaires de l'APL, pour tenir compte de l'impact de la RLS qui s'y applique. Par ailleurs, on pourrait craindre que le versement d'une aide très faible, même si son versement était annualisé, n'apparaisse comme indécent à certaines familles.

Compte tenu de ces éléments, je ne suis pas favorable à l'adoption de cet article et présenterai un amendement de suppression en séance. Aujourd'hui, je vous proposerai de vous abstenir, conformément à l'accord entre les groupes qu'a rappelé notre présidente.

L'article 3 facilite le maintien des APL en cas d'impayés de loyer. Les auteurs visent à instaurer une présomption de bonne foi du locataire en cas de baisse de ressource dans le cadre d'une crise sanitaire. Je comprends bien l'intention, et le souci, dans la crise sanitaire, de maintenir les APL pour éviter les expulsions. Mais la rédaction proposée n'a pas véritablement de caractère normatif et elle est peu opérationnelle. En effet, l'ensemble des dispositifs existants permet le maintien des APL dès lors que le locataire accepte d'entrer dans un processus d'étalement et d'apurement de sa dette locative et qu'il manifeste la volonté de faire face aux charges de son logement, même partiellement. L'ajout envisagé n'apporterait donc rien, il introduirait peut-être même de la complexité puisque la notion de crise sanitaire n'est pas définie - il serait sans doute difficile pour le locataire de l'invoquer et de prouver un lien de cause à effet.

C'est pourquoi, si les auteurs me confirment leur accord, je proposerai un amendement de suppression de cet article 3.

L'article 4 revient sur la sous-indexation des APL, décidée dans le cadre de la RLS, pour l'année 2020. Les APL seraient de nouveau indexées sur l'indice de référence des loyers, soit une augmentation de l'ordre de 1,5 % au lieu de 0,3 %. Le coût serait de 171 millions d'euros. Il s'agit d'une demande très forte des associations de locataires et du monde HLM. Je la soutiens, estimant qu'il s'agit d'une mesure de justice. Je vous propose donc l'adoption de l'article 4.

Le dernier article, l'article 5, constitue le gage financier. Il portait initialement sur l'impôt sur les sociétés. Mais comment approuver une telle solution dans le contexte actuel, si le Gouvernement, comme c'est probable, ne lève pas le gage ? C'est pourquoi j'approuve l'amendement du groupe CRCE proposant de retenir une hausse des taxes sur le tabac.

Enfin, et comme prévu par le vade-mecum sur l'application de l'article 45 de la Constitution, je vous propose de considérer qu'entrent dans le champ des dispositions présentant un lien direct ou indirect avec le texte les mesures tendant à modifier le droit régissant les modalités de versement des APL, les règles d'indexation des APL et les conditions du maintien des APL en cas d'impayés de dépenses de logement.

Mme Sophie Primas , présidente . - Merci pour ce travail très précis mené en peu de temps ! Je propose donc, pour l'application de l'article 45, de retenir le périmètre indicatif proposé par notre rapporteur.

Mme Cécile Cukierman , auteure de la proposition de loi . - Sur cette problématique des APL, il y a de larges convergences. Je vous confirme notre accord pour supprimer l'article 3, qui n'a pas de réel apport législatif, j'en conviens. Nous avions déposé cette proposition de loi début mars : c'était il y a quelques semaines, mais c'est il y a très longtemps... L'un de nos amendements opère la modification du gage. Le confinement a bien montré l'importance d'un logement de qualité, où il fait bon vivre ! C'est un droit fondamental, que nous devons faire partager par tous. L'article 1 er supprime le mois de carence, car les APL sont une aide indispensable. Pour l'instant, nous souhaitons maintenir l'article 2, symbolique, même s'il ne concerne que peu de ménages : nous aurons le débat en séance.

Mme Valérie Létard . - Cette initiative bienvenue du groupe CRCE nous donne l'occasion de débattre d'un sujet qui préoccupe depuis longtemps le Sénat, la préservation de notre mouvement HLM et le versement des APL aux plus modestes, à un moment où cela a tout son sens. Il s'agit du socle de toute politique de solidarité : sans logement, on ne construit pas une famille, on ne peut pas aller travailler, on ne peut pas se soigner, on ne peut rien faire. Le logement, c'est le coeur de notre existence. Aussi convient-il de faire en sorte que ceux qui seront en difficulté économique demain ne soient pas mis en péril faute des aides dont ils auront besoin. Souvent, des situations d'impayés commencent avec très peu. Un début de situation d'endettement s'envenime vite.

Cette période montre aussi combien, avec la RLS, le monde du logement a contribué à la réduction de la dépense publique et de la dette - peut-être un peu trop, d'ailleurs, quand on sait combien nous aurons besoin d'organismes de logement capables de faire de la relance par l'investissement, par exemple dans la rénovation thermique des logements. La RLS a fait fondre les capacités d'autofinancement des bailleurs. Il nous faut aujourd'hui faire un geste en direction des bénéficiaires des APL, et adopter les dispositions proposées telles qu'elles ont été corrigées par notre rapporteur. Nous débattrons de l'article 2 en séance. Quant à l'article 3, il est satisfait par le droit existant.

En tous cas, je me réjouis que notre commission ait toujours veillé à ces questions et défendu des positions communes, au-delà de nos différences.

Mme Annie Guillemot . - Mon groupe votera cette proposition de loi. La situation sociale n'a pas été suffisamment prise en compte par le Gouvernement dans son plan de déconfinement, alors qu'il faut anticiper et aider les plus fragiles à traverser la crise. Les APL représentent plus de 40 % de l'effort public pour le logement. Elles réduisent la charge du logement pour sept millions de ménages locataires. Quand on a 1 500 euros de revenus, avec deux enfants, même un reste à charge de 300 euros peut poser problème, surtout si l'on a été longtemps au chômage partiel.

Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi sur le maintien des aides au logement, sans se limiter aux APL. Il faut viser aussi les propriétaires privés, dont l'accès au fonds de solidarité logement (FSL) est insuffisant. Comme certaines banques refusent de suspendre le paiement des annuités, on retrouvera ces propriétaires occupants sur le marché du logement... Nous demandons une suspension de six mois ou d'un an des annuités pour que ces ménages puissent reprendre leur souffle. Et l'État doit leur donner plus largement accès au FSL.

Les sénateurs socialistes ont déjà rappelé que l'État devait rester le garant du droit au logement et de la solidarité nationale. Avec six milliards d'euros en moins sur trois ans pour le logement social, le recentrage du prêt à taux zéro au détriment des zones rurales, la baisse des APL, une gouvernance de la politique du logement qui s'éloigne des territoires, le Gouvernement se focalise sur une logique budgétaire et oublie les enjeux de cohésion et de résorption des inégalités, pourtant exacerbés par la crise. Rien qu'en Île-de-France, 700 000 ménages sont demandeurs d'un logement social, et 71 % d'entre eux sont sous les plafonds du prêt locatif aidé d'intégration. Comment allons-nous faire si, dans le même temps, les propriétaires reviennent sur le marché et la construction ralentit ? Le taux de propriétaires parmi les jeunes ménages modestes a été divisé par deux en vingt ans.

Il faut aider les occupants à se maintenir dans leur logement. La loi Besson du 31 mai 1990 dispose que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation » et que « toute personne éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité pour accéder à un logement décent et indépendant et s'y maintenir. » Nous devons tout faire pour que locataires comme propriétaires privés puissent se maintenir dans leur logement.

Mme Viviane Artigalas . - Le débat sur le logement est important, et nous l'avons régulièrement depuis mon arrivée au Sénat en 2017 : nous avons tous regretté les économies faites dans ce secteur, et répété à M. Denormandie qu'elles étaient une erreur. La crise montre que nous avions raison hélas, et que nous allons vers une situation dramatique. J'espère que nous aurons gain de cause. Nous nous étions fermement opposés à la réforme des APL en temps réel, qui a été reportée uniquement pour des raisons techniques. Nous souhaitons qu'elle ne revienne plus à l'ordre du jour !

Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Cette proposition de loi soutient un outil de justice sociale, qui permet en plus d'éviter les impayés de loyer. Il faudra un pilier fort autour du logement social dans la politique de relance. Sur l'APL et la RLS, il est urgent d'agir, car les impayés de loyer augmentent, et des ménages vont basculer sous le seuil. La suppression du mois de carence est vitale. Nous avions contesté la baisse de cinq euros. Puisque même M. Denormandie a reconnu que c'était une erreur, il est temps de la corriger. Je me réjouis du large accord au Sénat sur ce texte efficace et juste, dont l'adoption est urgente.

M. Franck Menonville . - Mon groupe s'alignera sur les propositions de notre rapporteur. Les APL sont la base sociale de la politique du logement, et nous y sommes très attachés. Faire de petites économies dessus emporte de lourdes conséquences. La RLS a fragilisé les bailleurs sociaux, dont les plus modestes reflètent la réalité du territoire : il faut leur redonner de l'oxygène, d'autant qu'ils sont un levier économique pour redynamiser le logement et la rénovation. Dans mon département, l'Office public de l'habitat n'a plus aucune marge de manoeuvre.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'article 1 er est adopté sans modification.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Je vous propose, avec l'accord de Mme Cukierman, l'amendement de suppression 2, car la disposition, je l'ai dit, est d'application difficile et n'ajoute rien au droit existant, puisque les APL sont maintenues lorsque le locataire est de bonne foi et s'inscrit dans une démarche d'apurement. De plus, l'expression « crise sanitaire » n'est pas définie, cela pourrait créer des difficultés.

Mme Cécile Cukierman . - Je vous confirme mon accord.

L'amendement COM-2 est adopté.

L'article 3 est supprimé.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Article 5

Mme Cécile Cukierman . - Mon amendement COM-1 modifie le gage.

Mme Sophie Primas , présidente . - Vous le faites donc porter sur le tabac, plutôt que sur les entreprises.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

L'intitulé de la proposition de loi est adopté sans modification.

La proposition de loi ainsi modifiée est adoptée.

Mme Dominique Estrosi Sassone , rapporteur . - Nous avions dénoncé la réforme de la contemporanéisation des APL, et avions prédit que le dispositif ne serait pas prêt. De fait, la réforme a été reculée au 1 er avril, et n'a pas été mise en oeuvre. J'ai interrogé la DHUP et le cabinet de M. Denormandie sur son maintien : pour l'heure, il n'est pas question de la retirer, et elle doit être mise en oeuvre au quatrième trimestre. J'ai dénoncé l'absence d'étude d'impact. On nous a répondu que le Gouvernement n'avait pas l'intention d'en faire une, et qu'il fallait simplement attendre le retour au fonctionnement normal des caisses. Rien ne s'oppose au retour de cette réforme en 2020, donc...

Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :

Article 3

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme ESTROSI SASSONE, rapporteur

2

Suppression de l'article

Adopté

Article 5

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Mme CUKIERMAN

1

Transfert du gage de la PPL de l'impôt sur les sociétés sur les taxes sur le tabac

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 48, ALINÉA 3
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 5 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 6 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 7 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 8 ( * ) .

En application des articles 28 ter et 48 du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

Lors de sa réunion du mercredi 27 mai 2020, la commission des affaires économiques a arrêté le périmètre de la proposition de loi visant à garantir l'efficacité des aides personnelles au logement, enregistrée à la Présidence du Sénat le 5 mars 2020 comme suit : les mesures tendant à modifier le droit régissant les modalités de versement des APL, les règles d'indexation des APL et les conditions du maintien des APL en cas d'impayés de dépenses de logement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Lundi 18 mai 2020

Table ronde des associations de locataires

- Association force ouvrière consommateurs (AFOC) : M. David ROUSSET , secrétaire général ;

- Confédération nationale du logement : M. Eddie JACQUEMART , président, Mme Jocelyne HERBINSKI , secrétaire confédérale en charge du pôle Habitat ;

- Confédération générale du logement : M. Michel FRECHET , président ;

- Association nationale de défense des consommateurs et usagers (CLCV) : M. Jean-Yves MANO , président ;

- Confédération syndicale des familles : M. Romain BIESSY , secrétaire confédéral.

Mardi 19 mai 2020

- Direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages : MM. François ADAM , directeur, et Mathieu PRZYBYLSKI , adjoint sectoriel.

- Mme Cécile CUKIERMAN , sénatrice.

- Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales - Cabinet de M. Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement : M. Nicolas CHEREL , conseiller budgétaire, M. Nicolas MAZIÈRES , conseiller chargé des relations avec le Parlement.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl19-372.html


* 1 Pour des raisons historiques, elle est également versée aux jeunes ménages mariés depuis moins de 5 ans et aux femmes enceintes isolées.

* 2 Article 126 de la loi n° 2017-1837 de finances pour 2018.

* 3 Article 210 de la loi n° 2018-1317 de finances pour 2019.

* 4 Article 200 de la loi n° 2019-1479 de finances pour 2020.

* 5 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 6 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 7 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 8 Décision n° 2011-637 DC du 28 juillet 2011 - Loi organique relative au fonctionnement des institutions de la Polynésie française, confirmée par les décisions n° 2016-732 DC du 28 juillet 2016 - Loi organique relative aux garanties statutaires, aux obligations déontologiques et au recrutement des magistrats ainsi qu'au Conseil supérieur de la magistrature, et n° 2017-753 DC du 8 septembre 2017 - Loi organique pour la confiance dans la vie politique, qui considèrent comme un « cavalier organique » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial.

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