EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 12 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Paul Toussaint Parigi, rapporteur spécial, sur la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et le budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

M. Paul Toussaint Parigi , rapporteur spécial . - La mission « Direction de l'action du Gouvernement » est l'une des rares missions du projet de loi de finances à ne pas être impactée de manière significative par la crise sanitaire à un détail près, concernant les dépenses de communication du Gouvernement sur lesquelles je reviendrai.

Les crédits de la mission connaissent en effet, à périmètre constant, une hausse relativement modérée de 3 % en crédits de paiement, ce qui correspond à environ 21 millions d'euros supplémentaires par rapport au projet de loi de finances pour 2020.

Dans le détail, cette apparente stabilité masque cependant quelques nouveautés.

La mission connaît tout d'abord une importante mesure de périmètre, avec la création d'un nouveau programme relatif à la présidence française de l'Union européenne en 2022. Ce programme retrace les dépenses consacrées par l'ensemble des ministères à cette présidence française, prévue du 1 er janvier au 30 juin 2022. Il sera doté de 127 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 47 millions d'euros en crédits de paiement, qui correspondent intégralement à des dépenses de fonctionnement.

J'ai cependant relevé que certaines dépenses de personnel liées à l'organisation de cet événement étaient déjà prévues en 2021, mais ne figuraient pas sur ce programme dédié. C'est par exemple le cas de 10 agents à temps plein, qui seront spécialement recrutés pour développer un site internet dédié à cette présidence française, mais seront pris en charge sur les crédits du secrétariat général des affaires européennes (SGAE), qui figurent dans un autre programme de la mission. Cette dispersion des crédits me semble contraire à l'esprit même de la création d'un programme dédié à l'organisation de la présidence française de l'Union européenne et pourrait nuire au suivi de l'exécution des dépenses qui lui sont liées. Je resterai donc attentif à ce sujet lors du prochain exercice budgétaire.

J'en viens maintenant aux deux priorités stratégiques de la mission, qui font l'objet de moyens renforcés sur les plans financier et humain.

La première priorité est le renforcement de la coordination interministérielle en matière de sécurité et de défense, dont l'actualité ne cesse de démontrer l'importance, que ce soit en matière de lutte contre le terrorisme ou de gestion de crise. L'action afférente, qui comprend notamment le budget du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), voit ainsi ses crédits augmenter de 9 millions d'euros, afin notamment d'accompagner la montée en puissance du groupement interministériel de contrôle (GIC), qui est le pivot interministériel de gestion des techniques de renseignement, et celle de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi). Cette dernière verra ainsi ses effectifs renforcés de 40 agents équivalents temps plein (ETP) et poursuivra son implantation territoriale, avec l'installation d'une antenne à Rennes.

La seconde priorité concerne la protection des droits et des libertés, au travers du renforcement de plusieurs autorités administratives indépendantes qui exercent leurs missions dans ce domaine. Il s'agit notamment de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), du Défenseur des droits et de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ces dernières années, le législateur a plusieurs fois étendu le champ de compétences de ces trois autorités, qui ont donc connu une hausse significative de leur activité et du nombre de dossiers qu'elles doivent traiter. Pour accompagner cette hausse, elles bénéficient d'un schéma d'emplois positif, avec des hausses respectives de 20, 5 et 2 ETP, ce qui me paraît totalement justifié au regard de l'importance de ces autorités pour la préservation des droits et des libertés, individuels comme publics.

Je souhaiterais enfin revenir sur un point qui a retenu mon attention : il s'agit de l'impact du contexte économique et sanitaire sur la mission.

Si la crise sanitaire n'a pas eu d'impact budgétaire sensible sur la mission dans son ensemble en 2020, elle a en revanche eu un impact notable sur un point très spécifique, à savoir les dépenses de communication du Gouvernement au sujet de la crise sanitaire. Ces dépenses, prises en charge par le service d'information du Gouvernement (SIG), s'élevaient à un total de 17 millions d'euros au 30 septembre 2020. Compte tenu de la situation actuelle, elles devront vraisemblablement, et malheureusement, être partiellement reconduites en 2021. Or le projet de loi de finances prévoit un budget global de communication gouvernementale strictement identique à celui inscrit dans la loi de finances pour 2020, soit 14 millions d'euros pour l'ensemble de la communication du Gouvernement, qui recouvre des sujets allant bien au-delà de la crise actuelle. En tant que rapporteur spécial, cette démarche consistant à ne pas prendre en considération l'exécution de l'année 2020 et les risques sanitaires pesant sur l'année 2021 ne peut que m'étonner.

Elle m'étonne d'autant que, à l'inverse, certaines dépenses courantes des services du Premier ministre sont, quant à elles, considérées comme des dépenses exceptionnelles et figurent à ce titre dans le plan de relance. Il s'agit, par exemple, de 136 millions d'euros qui seront fléchés en direction de l'Anssi afin de renforcer la sécurité numérique de l'État, ou encore de 398 millions d'euros destinés à la direction interministérielle du numérique afin de mettre en place le « sac à dos numérique de l'agent public », qui correspond, d'après les annexes budgétaires, à une modernisation des postes de travail des agents de l'État. Il me semble que la majeure partie de ces dépenses ne présente qu'un lien ténu avec la relance économique du pays et aurait donc pu être budgétée sur les crédits de la mission, en tant que dépenses d'investissement des services du Premier ministre.

Sans aller jusqu'à considérer que le budget de la mission serait insincère, je considère que ces petits arrangements de présentation peuvent nuire à la lisibilité budgétaire et, in fine , au contrôle du Parlement sur la bonne utilisation des deniers publics.

Je terminerai mon propos par quelques mots sur le budget annexe « Publications officielles et information administrative », géré par la direction de l'information légale et administrative (DILA), elle-même rattachée aux services du Premier ministre.

Ce budget annexe tire principalement ses ressources des recettes d'annonces légales, notamment des recettes d'annonces de marchés publics, qui sont fortement impactées par la crise sanitaire et le ralentissement de l'activité économique qui s'ensuit. Pour l'année 2021, les recettes du budget annexe s'élèveraient à 159 millions d'euros, soit une baisse de 18 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 et de 39 millions d'euros par rapport aux recettes perçues en 2019.

Malgré ces prévisions à la baisse de ses recettes, le budget annexe pourrait dégager en 2021 un léger excédent, évalué à 6,7 millions d'euros. Cet excédent serait permis par une réduction de 3 % des dépenses de la DILA, notamment de ses dépenses de personnel et de fonctionnement, dans la continuité des efforts déjà entrepris ces dernières années. Les économies ainsi dégagées devraient par ailleurs permettre de nouveaux investissements dans des projets informatiques de modernisation de l'administration numérique, comme le développement d'un système d'inscription en ligne sur les listes électorales.

Il convient enfin de noter que, si l'érosion des recettes du budget annexe venait à se poursuivre, son modèle économique pourrait être durablement remis en cause. C'est un sujet que je suivrai donc de près.

Je vous propose d'adopter sans modification les crédits de la mission et du budget annexe, malgré les quelques points d'attention que j'ai pu souligner.

M. Jean-Yves Leconte , rapporteur pour avis de la commission des lois sur les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » . - Je n'ai pas achevé mes auditions sur ce budget pour la commission des lois. Je suis satisfait des évolutions des moyens de l'Anssi, même si l'agence a dû se séparer d'une partie d'elle-même pour créer l'opérateur des systèmes d'information interministériels classifiés (Osiic), qui aura une mission spécifique pour l'échange d'informations entre les membres du Gouvernement.

Compte tenu des risques liés à l'usage des visioconférences lors du confinement, il est absolument indispensable que les moyens de l'Anssi continuent d'être renforcés, par des ETP d'une part, et par le soutien de son projet immobilier à Rennes, d'autre part.

Il faut déplorer quelques retards, notamment en ce qui concerne la transposition de la directive européenne sur les plateformes : la fusion entre la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) et le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), théoriquement prévue cette année, ne se fera pas vraisemblablement pas avant l'année prochaine.

Nous avions regretté que la HATVP n'ait pas les moyens de faire face à ses nouvelles obligations en matière de déontologie des fonctionnaires. Le Gouvernement s'est occupé de la question en cours d'année, mais il aurait été préférable que les évolutions se fassent au moment de la discussion de la loi de finances.

Un nouveau programme dédié à la présidence française de l'Union européenne en 2022 a été créé dans le cadre de la mission. Ce qui est assez étonnant, c'est que les montants pour 2021 soient déjà du même ordre de grandeur que lors de la présidence française de 2008, alors qu'on sait déjà qu'il y aura de nouvelles dépenses en 2022...

Enfin, nous n'avons aucun élément sur la création du Haut-Commissariat au plan, qui est, en théorie, financièrement et administrativement relié à ce budget.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vous avez indiqué que plusieurs centaines de millions d'euros figuraient dans le plan de relance au titre de la transformation numérique de l'État. Je m'étonne que ces montants ne figurent pas dans les dépenses courantes des ministères. Je partage votre observation, que j'envisage de reprendre dans le cadre de mon rapport spécial sur le plan de relance.

Avez-vous eu des explications sur les raisons qui ont poussé les services du Premier ministre à ne pas budgéter les dépenses de communication du Gouvernement liées à la crise sanitaire sur 2021 ?

Vous avez évoqué l'impact négatif du ralentissement économique sur les recettes dans le budget annexe, mais vous mentionnez également dans votre rapport une conséquence de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, dont j'ai été l'un des corapporteurs. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le sujet ?

M. Philippe Dallier . - Je reviendrai sur un sujet qui avait soulevé quelque émoi : la disparition de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). Cette « petite » structure ne disparaît pas complètement puisqu'elle sera rattachée au ministère de l'intérieur, auquel sont transférés 90 000 euros de crédits et deux ETP. Quels étaient les crédits dont disposait la mission précédemment ? Avec deux ETP et 90 000 euros, pourra-t-elle remplir ses missions comme avant ?

Mme Isabelle Briquet . - L'augmentation des crédits de la mission est essentiellement liée à la création du nouveau programme destiné à financer la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022, avec des crédits déjà importants budgétés pour 2021.

Dans la continuité des budgets précédents, les moyens dévolus à la lutte contre le terrorisme, aux moyens des services de renseignement et à la coordination de la politique de sécurité et de défense nationale sont renforcés, ce qui est une bonne chose. Il en va de même pour les moyens de la CNIL, de la HATVP et de la Défenseure des droits.

En revanche, on peut s'interroger sur la sincérité des documents budgétaires concernant le SIG, dans la mesure où ce service a déjà consommé 26,2 millions d'euros en 2020. La reconduction des crédits à hauteur de 19,4 millions pour 2021 interroge fortement, car le delta serait assez important.

On s'interroge aussi sur le fait que l'on ne trouve aucune trace de l'existence le Haut-Commissariat au plan dans cette mission, dont il relève pourtant.

Les commissions rattachées voient leurs dépenses de personnel augmenter de 200 000 euros. Certes, ce n'est pas grand-chose, mais le nombre d'ETP diminue de treize. Si deux ETP font l'objet d'un transfert lié au rattachement de la Miviludes au secrétariat général du Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, quid des onze autres ?

M. Michel Canevet . - Monsieur le rapporteur spécial, je vous félicite pour la qualité de votre rapport extrêmement complet. La réduction de quatre postes à la direction des services administratifs et financiers (DSAF) correspond-elle bien à des économies réalisées dans le cadre de la mutualisation des moyens ?

Par ailleurs, j'ai noté la création de dix postes au SGAE. Vous avez évoqué la perspective de la présidence française du Conseil de l'Union européenne en 2022. D'autres moyens seront-ils, selon vous, nécessaires pour assumer cette présidence ? S'agissant de la CNIL, vous avez indiqué la création de vingt postes. J'ai effectivement noté, dans le rapport, une forte évolution de l'activité de la commission, due certainement à l'activisme des parlementaires qui lui confient des missions de plus en plus importantes. Ces vingt postes seront-ils suffisants face à cette augmentation d'activité - 42 % entre mai 2018 et 2019 et 27 % en 2020 ?

Mme Christine Lavarde . - Concernant l'opération immobilière Ségur-Fontenoy, visant à mutualiser un certain nombre de moyens, celle-ci doit être achevée. Quel est le premier bilan ? La mutualisation donne-t-elle de bons résultats ?

Par ailleurs, le Défenseur des droits, une autorité administrative indépendante, est le résultat de la fusion de trois entités. Là aussi, la mutualisation doit être finalisée. Est-elle opérante ?

M. Paul Toussaint Parigi , rapporteur spécial . - Pour ce qui est de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, en 2022, nous serons effectivement vigilants, nous nous assurerons que les crédits soient exécutés comme il se doit. En effet, en 2008, lors de notre précédente présidence, nous avions constaté, non seulement une sous-exécution des crédits, mais aussi une dispersion de ceux-ci dans différents programmes - je vous renvoie au rapport de la Cour des comptes de 2009 à ce sujet, qui avait d'ailleurs été réalisé à la demande de la commission des finances du Sénat.

La loi Pacte prévoit la gratuité des annonces pour les créations par reprise d'entreprises, ce qui entraîne une baisse des recettes du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC). Malgré un excédent cette année encore, cette perte de recettes risque, à un moment donné, de poser des problèmes.

S'agissant des moyens qui doivent permettre le maintien de la Miviludes, deux ETP avaient déjà été transférés au ministère de l'intérieur l'an passé.

La suppression de 4 ETP à la DSAF résulte effectivement de la mutualisation de certaines fonctions. Concernant les 10 ETP du SGAE, d'autres personnels devraient être mis à disposition par les autres ministères, sans qu'ils figurent dans le programme dédié.

S'agissant de la CNIL, j'ai, bien entendu, posé la question de savoir si ces ETP étaient suffisants. Il m'a été répondu que oui, ils correspondent à la demande de la CNIL elle-même.

De même, je me suis également renseigné sur l'opération Ségur-Fontenoy. L'installation sur le site est achevée et les mutualisations des fonctions support se poursuivent, mais le plus gros est réalisé.

Enfin, pour ce qui est du Défenseur des droits, le regroupement semble avoir bien fonctionné.

Au-delà de ces éléments, je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de précisions.

M. Claude Raynal , président . - S'agissant de la Miviludes, nous devrons, dans l'avenir, la considérer sous l'angle non seulement budgétaire, mais également de son efficacité. Des différences seront, en effet, certainement à noter depuis que cette mission est rattachée au seul ministère de l'intérieur, car le Premier ministre disposait certainement d'une vision plus large.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter sans modification les crédits de la mission « Direction de l'action du Gouvernement » et du budget annexe « Publications officielles et information administrative ».

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