LES MODIFICATIONS APPORTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Au cours de l'examen des crédits de la mission par l'Assemblée nationale, celle-ci a adopté quatre amendements de crédits (dont deux identiques) :

- à l'initiative du Gouvernement un amendement majorant de 2 millions d'euros les crédits du programme 206 afin de financer le dévelopement de la plateforme de traitement des certificats sanitaire à l'exportation Expadon 2 afin de combler le déficit de financement créé par la suppression de la taxe prélevée sur les demandes de certficat en première partie du projet de loi de finances ;

- à l'initiative de Mme Anne-Laure Cattelot, un amendement tendant à majorer de 3,7 millions d'euros les crédits du programme 149 afin d'effacer les impacts des schémas d'emplois appliqués à quatre opérateurs de la mission, dont, en particulier, l'ONF le Gouvernement et la commission des finances ayant demandé le retrait de cet amendement ;

- à l'initiative de M. Dominique Potier et de M. Hervé Pellois, deux amendements identiques visant à augmenter les moyens du programme 206 par abondement de 450 000 euros du programme Ecophyto 2 destiné à financer les fermes Dephy, amendement soutenu par la commission et ayant reçu un avis de sagesse du Gouvernement .

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de MM. Vincent Segouin et Patrice Joly, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Claude Raynal , président . - Nous examinons maintenant le rapport de nos collègues Vincent Segouin et Patrice Joly sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (Aafar) ainsi que sur le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CAS-DAR).

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Permettez-moi de citer en introduction les propos du ministre de l'agriculture et de l'alimentation : le budget ne guide pas la politique, mais c'est la politique qui guide le budget. Comme nous n'avons pas pu auditionner le ministre avant de présenter notre rapport, nous n'avons pas de vision claire de la politique qui sera conduite. Pourtant, nous aurions besoin d'orientations sur le sujet, le budget de la mission pour 2021 n'étant guère rassurant.

Je rapporterai sur le programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture », mon collègue Patrice Joly interviendra plus particulièrement sur les crédits relatifs à la forêt et à la pêche, ainsi que sur le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » et le CAS « Développement agricole et rural ».

Au titre de la politique agricole commune (PAC), 9,5 milliards d'euros sont versés par l'Europe. La mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », qui regroupe les programmes 149 et 206 précités ainsi que le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l'agriculture », a un budget quasiment stable, à hauteur de quelque 3 milliards d'euros, tandis que le CAS-DAR se voit doter de 126 millions d'euros, à destination notamment des chambres d'agriculture. Le plan de relance, qui prévoit des crédits à hauteur de 1,124 milliard au titre des autorisations d'engagement (AE) et de 390 millions au titre des crédits de paiement (CP), met l'accent sur la production végétale, le bien-être animal ainsi que le développement des protéines végétales, un sujet qui nous tient à coeur mais qui demande certainement d'autres initiatives que ce qui est proposé !

La Ferme France connaît une baisse de ses volumes de production. Cette situation tient notamment à la transition écologique. Hors subventions - la moyenne des subventions est de 29 185 euros par exploitation -, la moitié des exploitations agricoles dégage un revenu courant avant impôt négatif. Le nombre d'exploitations est en baisse, de même que les emplois tant pour les chefs d'exploitation, les salariés que les conjoints.

Les concours publics à l'agriculture toutes aides confondues s'élèveraient à 22,1 milliards d'euros en 2021 : 9,5 milliards au titre de la PAC ; 5,3 milliards versés par l'État ; 5,3 milliards au titre des allégements de charges sociales et fiscales et 1,8 milliard d'exonérations fiscales dont la principale partie sur le gazole non routier (GNR).

Le programme 149 enregistre une baisse de 87  millions d'euros en autorisations d'engagement mais en réalité de près de 130 millions d'euros des crédits d'intervention qui sont au coeur de notre politique agricole et rurale. Or la conjoncture actuelle est plus que difficile, et les besoins alimentaires sont de plus en plus élevés au niveau mondial. Les difficultés liées à la crise de la covid dégradent profondément certaines filières, comme l'horticulture, la production de pommes de terre, etc.

On veut de l'agriculture de qualité, de proximité en recréant un lien social, mais cela demande des salariés et les coûts salariaux sont un obstacle majeur à la réussite de cet objectif. On souhaite développer le bio à hauteur de 15 % de la surface agricole utilisée (SAU), mais la France ne s'en donne pas les moyens. Des engagements avaient été pris par l'État quant au soutien d'installations de méthaniseurs, de l'industrie agroalimentaire, de la filière bois, des entreprises éligibles à l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN), des mesures agro-environnementales et climatiques (MAEC), des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE), de la filière sucre. Ils attendent leur concrétisation.

Nous avons relevé des queues de budget opaques, notamment concernant les dépenses imprévisibles : la budgétisation de la provision pour « dépenses imprévisibles » passe de 300 millions d'euros en 2018 à 190 millions d'euros en 2021, alors que les aléas augmentent, que les dégâts liés à la sécheresse 2019 n'ont pas encore été pris en charge, sans compter ceux de 2020.

Au total, ce budget manque de lisibilité et de cohérence avec les annonces de l'exécutif.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Cette mission est complexe au regard notamment de l'absence de transparence et de transversalité sur l'ensemble des thématiques.

Les crédits dédiés à la pêche sont à peu près constants. Ils s'ajoutent aux crédits européens du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche (Feamp), dont l'objet est de développer la pratique durable et la diversification des activités de pêche. Les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui sont susceptibles d'en subir les préjudices, du moins ne sont-ils pas pris en compte dans le budget de la mission.

La forêt constitue un véritable enjeu en termes de surface, en matière de lutte contre le réchauffement climatique, notamment de captation du carbone. Les filières aval sont très fragiles et peinent à trouver leur équilibre économique d'année en année.

Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire : la sécheresse fragilise l'ensemble des essences, qu'il s'agisse de parasites ou de dégradation liée au phénomène hydrique.

Le budget global dédié à la forêt n'est pas consolidé, avec une enveloppe globale qui pourrait être de l'ordre de 900 millions d'euros, dont 251,8 millions de crédits de paiement prévus dans le programme 149 de la mission. Cela équivaut à une augmentation de 5,5 millions d'euros, dont 2 millions à destination de l'Office national des forêts (ONF). La dotation dédiée à l'ONF vise à apporter une réponse à une situation difficile depuis plusieurs années. Le contrat d'objectifs et de performance (COP), qui arrive à son terme, est en cours de négociation.

Une partie des difficultés rencontrées par l'ONF concerne les charges liées aux retraites : il supporte les contributions employeurs appliquées pour les fonctionnaires civils de l'État. Pour équilibrer ses comptes, il s'endette à hauteur de 450 millions d'euros. Certes, cette somme peut apparaître modérée au regard de l'actif dont il dispose, mais son activité ne lui permet pas d'y faire face.

La productivité de cet organisme pose régulièrement question. Pour maintenir le niveau d'effectifs prévu dans le COP, l'ONF a recouru à des contractuels. Pour 2021, il devrait subir la perte de 95 équivalents temps plein (ETP).

Ajoutons les 82 millions d'euros de crédits de paiement prévus par le plan de relance, mais on n'en connaît pas les déclinaisons, sauf à très grands traits.

Nous avons peu d'évaluations sur la mise en oeuvre des avantages fiscaux, alors que les enjeux sont importants pour le développement des activités.

Sur le plan de la maîtrise des risques sanitaires, le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l'alimentation » connaît une hausse de ses crédits à hauteur de 30 millions d'euros, ce qui représente, pour un budget de 600 millions, une augmentation de 5 %. Ces crédits sont notamment consacrés au fonctionnement de la direction générale de l'alimentation (DGAL) et de ses agents de terrain et de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). La hausse attendue est principalement due à un alourdissement des charges d'indemnisation des exploitants frappés par des calamités sanitaires ainsi que des dépenses de personnels supplémentaires dans la perspective du Brexit. Ce programme n'enregistre donc pas de moyens opérationnels supplémentaires alors que de nouveaux sujets font l'objet d'attention, tels que le bien-être animal ou encore la question des produits phyto-sanitaires, avec la réduction de la consommation d'intrants.

Concernant l'engagement de sortie du glyphosate en 2023, nous ne disposons d'aucune évaluation nous permettant de nous assurer que les objectifs pourront être atteints. Les volumes d'utilisation de cette substance commercialisée chaque année ne sont pas mentionnés. L'Anses est chargée de l'accompagnement de cette sortie. L'appel à projets qu'elle a lancé pour apprécier la connaissance de la toxicité de cette substance est en cours, mais l'organisme retenu s'est rétracté. Se pose aussi, dans le même temps, la question de l'accompagnement des exploitations : il semblerait que la disparition de cette substance soit de nature à réduire les rendements et donc à fragiliser leur économie.

S'agissant du financement de plateformes numériques gérant les certificats sanitaires d'exportation, la suppression d'une taxe en première partie du projet de loi de finances a entraîné une ouverture de crédits à hauteur de 2 millions d'euros.

Enfin, les crédits du CAS-DAR seront réduits de 10 millions d'euros. Ce compte est financé par une taxe spécifique sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dont le rendement serait de 136 millions d'euros en 2020. Au regard de l'évolution du chiffre d'affaires, l'apport de cette taxe devrait diminuer de 10 millions d'euros, entraînant une réduction équivalente des crédits ouverts.

Le CAS-DAR est excédentaire depuis des années ; le montant cumulé de l'excédent s'élève à 80 millions d'euros. Aussi, un abondement des crédits ne met pas en péril la structure de financement d'un compte qui alimente la recherche et favorise la diffusion des innovations notamment en matière d'agriculture biologique ou d'alternatives à certains types de production. Néanmoins, cette diminution de 10 millions d'euros des crédits est un sujet de crispation pour certaines organisations professionnelles et acteurs de la recherche qui, au regard des objectifs fixés, ont l'impression que le budget n'est pas à la hauteur des enjeux.

D'une manière plus générale, sur l'ensemble de cette mission, on observe une gestion un peu au fil de l'eau. On constate que les crédits dédiés à l'installation des agriculteurs ne sont pas consommés.

Or, la politique, c'est non pas seulement constater, mais se donner les moyens, notamment humains, pour atteindre les objectifs.

Pour conclure, à partir de l'ensemble des éléments dont nous disposons, je propose donc de rejeter ce budget.

M. Claude Raynal , président . - Nous accueillons Laurent Duplomb, le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - Ce budget m'a véritablement questionné. D'habitude, je n'hésite pas à exprimer un avis négatif, mais, cette fois, je suis partagé.

Je relève plusieurs éléments positifs par rapport aux années précédentes. Le premier, c'est la pérennisation pour deux ans - le Sénat l'a pérennisé au-delà des deux ans - du dispositif TO-DE, que nous avons sauvé, il y a deux ans, au Sénat.

Je me félicite également des efforts déployés par l'agence de services et de paiement afin de retrouver une capacité à aider les agriculteurs en temps et en heure ; aujourd'hui, cette agence n'accuse pas de retard. S'agissant des apurements, ils sont nettement inférieurs à ce que nous avons connu dans les budgets précédents.

Autre élément positif : l'exonération sur le gazole non routier (GNR) qui, de surcroît, entraînera une simplification administrative.

Par ailleurs, je retiens le maintien - pour une fois ! - des budgets des chambres d'agriculture.

Enfin, le cinquième et dernier élément positif - reste à savoir s'il survivra aux annonces - concerne le plan de relance agricole, avec un budget de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, soit 1 milliard d'euros pour l'agriculture et 200 millions d'euros pour la forêt. Dans le budget dédié à l'agriculture, 465 millions d'euros sont prévus pour soutenir trois efforts que j'avais appelés de mes voeux : l'aide à l'investissement concernant l'agroéquipement, qui permettra à mon sens de répondre à la diminution des produits phytosanitaires ; le bien-être animal, plus particulièrement dans les abattoirs ; et, enfin, les risques climatiques, car nous ne pouvons pas continuer de constater l'augmentation de ces risques sans jamais y apporter de réponses.

Dans ce budget ressortent également des éléments négatifs qui sont loin d'être anodins. Les points nous ayant fait basculer du côté du rejet des crédits de la mission sont de trois ordres - je salue à cet égard le travail réalisé par les rapporteurs spéciaux.

Le premier, c'est la diminution - ou la spoliation - de 10 millions d'euros du CAS-DAR dans le budget de l'État, alors que jamais, dans notre pays, les injonctions sociétales n'ont été aussi fortes pour favoriser la recherche et trouver des solutions palliatives, soit à la diminution des produits phytosanitaires, soit à leur interdiction. Pour rappel, le CAS-DAR a trois grandes vertus : il s'agit d'un financement purement agricole, payé dans sa totalité par les agriculteurs ; son principe est mutualiste, c'est-à-dire que les filières les plus riches cotisent pour que les filières les plus pauvres puissent en bénéficier ; enfin, il est financé à 80 % par les subventions européennes, d'où un effet de levier non négligeable.

Le deuxième élément a trait au manque de réalisme du ministre de l'agriculture - ou du moins, de son prédécesseur - et, surtout, la différence entre les promesses et les actes. Didier Guillaume avait beaucoup promis, il a peu fait. Sur les aides liées à la pandémie, j'ai des exemples précis en tête, sans parti pris politique, qui s'appuient sur des faits objectifs.

Je pense, notamment, à la situation de l'horticulture. Le ministre avait promis 25 millions d'euros ; pas un centime n'a été versé à ce jour. De son côté, notre premier concurrent - les Pays-Bas - avait promis 600 millions d'euros pour l'horticulture, et 150 millions d'euros ont été versés à leurs entreprises. Naturellement, je vous laisse supposer les résultats à la fin de l'année et l'écart de compétitivité qui risque de se créer pour les années futures.

Autre exemple : la pomme de terre. En France, 450 millions de tonnes de pommes de terre ont été jetés ou méthanisés lors du premier confinement. L'aide promise s'établissait à 50 euros la tonne, soit 20 millions d'euros ; elle s'est traduite ensuite par une promesse du ministre s'élevant à 10 millions d'euros qui, dans la réalité, sont devenus 4 millions d'euros.

On ne peut pas accepter de voter un budget quand on sait que les promesses ne sont pas tenues.

Dernier élément décisif dans ma réflexion, le nouveau ministre a annoncé dernièrement, dans la loi sur les néonicotinoïdes ou à l'occasion de certaines interventions, qu'il était prêt à financer à hauteur de 7 millions d'euros la transition concernant le glyphosate. Pour la même somme, il s'engageait également à financer la transition et la recherche concernant les betteraves. Pour rappel, nous avons voté une loi dérogatoire pour la réintroduction des néonicotinoïdes jusqu'en 2023. Ces 14 millions d'euros, nous avons beau les chercher dans le budget, nous ne les trouvons pas. Là encore, les actes ne suivent pas les promesses.

Je me rallierai donc à la position des deux rapporteurs de la commission des finances pour rejeter les budgets de la mission et du CAS-DAR.

M. Claude Raynal , président . - Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence du rapporteur général, Jean-François Husson, qui prépare la réunion de la commission mixte paritaire sur le quatrième projet de loi de finances rectificative et nous rejoindra plus tard.

M. Antoine Lefèvre . - La Cour des comptes vient de publier un référé concernant l'artificialisation des sols. Dans cette affaire, le rôle des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural (Safer) est quelque peu détourné, ce qui empêche les pouvoirs publics d'avoir une bonne connaissance des structures souhaitables pour nos exploitations ; c'est toute la problématique de l'accaparement, évoquée par nos deux rapporteurs. Ont-ils, à la suite de la publication de ce référé, connaissance d'une réforme des Safer ?

La situation de l'ONF est effectivement critique depuis maintenant plusieurs années. Sans doute faut-il davantage encourager la gestion durable de nos forêts. Dans la mesure où 75 % de la surface forestière de notre pays sont détenus par la forêt privée, il est important de rappeler le dispositif d'encouragement fiscal à l'investissement en forêt (DEFI). Avez-vous des précisions sur la reconduction de ce dispositif ?

M. Jérôme Bascher . - Les remarques de Patrice Joly concernant l'ONF ne laissent pas de m'étonner. Cet organisme, qui gère les forêts publiques par le droit, est structurellement déficitaire, alors que, pour la forêt privée, la Société Forestière, filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est bénéficiaire. Au regard de la loi qui impose au domaine public d'être géré par l'ONF, le modèle me semble poser question. Quelles sont les missions de l'ONF ? De même, quelles sont les missions du ministère ? On dit que le ministère de l'agriculture compte plus de fonctionnaires qu'il n'y a d'agriculteurs ; ce n'est pas vrai, évidemment, mais une réforme du ministère et des agences n'est-elle pas envisageable ?

Enfin, avec la covid-19, on a constaté l'impréparation du ministère chargé de la santé. Aujourd'hui, nous sommes à nouveau, dans le domaine de l'élevage, en crise sanitaire. Le ministère est-il, cette fois, mieux armé ?

M. Marc Laménie . - Je félicite les rapporteurs spéciaux pour leur rapport, qui est dense. Au niveau du fonctionnement de l'administration, il existait autrefois les directions départementales de l'agriculture et de la forêt (DDAF) ; désormais, il y a les directions départementales des territoires (DDT). Vous avez évoqué également la mission « Administration générale et territoriale de l'État » (AGTE). Pouvez-vous m'éclairer sur la répartition des moyens humains entre l'administration centrale et nos départements ?

Dans le rapport, sont cités un certain nombre d'agences ou d'opérateurs de l'État. Avons-nous une idée de ce que cela représente sur le terrain ?

Le nombre des agriculteurs diminue malheureusement, alors qu'ils ont pourtant un rôle important.

S'agissant de la filière bois - que l'on dit peu mise en valeur - quelles sont les perspectives d'évolution ?

Enfin, concernant l'enseignement agricole, les lycées agricoles ont un rôle important à jouer. Des jeunes sont réellement intéressés et passionnés : les moyens consacrés sont-ils à la hauteur ?

M. Stéphane Sautarel . - Sur le volet agricole, on observe la baisse des dotations au titre de l'indemnité compensatoire de handicaps naturels (ICHN). Pourrais-je avoir des précisions, car il s'agit d'un levier essentiel de financement sur nos territoires ruraux de montagne ?

Les moyens consacrés à l'installation diminuent en même temps que le nombre d'agriculteurs. Je voudrais savoir si des mesures spécifiques sont prévues pour les installations hors cadre familial, qui représentent aujourd'hui une alternative à l'installation et ne bénéficient pas d'un soutien à la hauteur des enjeux.

J'aurais également une question liée à la question sanitaire et au risque de zoonoses. Les moyens et la reconnaissance de notre réseau de laboratoires publics sont-ils à la hauteur ?

Enfin, concernant l'ONF, on peut bien sûr s'inquiéter de ses moyens, de sa performance. Peut-être faute de moyens, dans les négociations pour accompagner les communes dans la valorisation des bois notamment, les conditions d'intervention posent aujourd'hui une vraie difficulté. Avez-vous des informations sur ce volet particulier ?

M. Sébastien Meurant . - Avez-vous pu échanger sur les traités internationaux ? Dans le rapport est mentionné le souhait de maintenir un commerce international « ouvert, transparent et prévisible » ; j'aimerais en savoir davantage.

Pour la première fois cette année, l'agriculture française est déficitaire par rapport à l'agriculture européenne. Le souhait de maintenir la migration à des périodes de récoltes est également précisé dans le rapport. Existe-t-il des dispositifs qui permettent de trouver de la main-d'oeuvre sur le territoire national - je pense aux personnes en recherche d'emploi ou qui bénéficient du revenu de solidarité active (RSA).

M. Claude Raynal , président . - Vous avez peu parlé de la PAC. Cela signifie-t-il que les problèmes sont résolus ?

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - L'année dernière, la Commission européenne avait prévu que le budget de la PAC baisse considérablement. En l'état des négociations européennes, on dit que le budget serait stabilisé. Cela donne le sentiment que les inquiétudes ont disparu, alors que beaucoup de sujets restent en discussion et que les moyens réservés à la PAC seront en fait réduits hors plan de relance européen.

Entre le premier et le deuxième pilier géré par le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), quels nouveaux transferts faudra-t-il constater ?

Concernant le rôle détourné des Safer, on crée aujourd'hui des sociétés pour racheter des terres, et les Safer n'ont plus leur mot à dire. Le ministre doit préciser la manière dont il compte gérer le foncier à l'avenir. Cela pose de vrais problèmes, notamment pour ce qui concerne les agrandissements de surface.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - La question de la gestion du foncier est un enjeu majeur, en termes de production, de captation de carbone. Des nouveaux sujets sont en train d'émerger. Une loi avait été annoncée par le Gouvernement ; pour l'instant, nous n'avons pas d'échéance.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - S'agissant de l'impréparation du ministère en cas de crise sanitaire, c'est un véritable sujet. Avec la crise porcine qui se profile, on n'anticipe pas assez sur la protection des exploitations, sur celle des filières. Il en va de même pour l'influenza aviaire. Pour les calamités agricoles, un fonds existe, qui est un peu la variable d'ajustement et qu'il faudrait réformer : doit-on faire de l'assurance ? De l'épargne de précaution ? Abonde-t-on ce fonds chaque année ? Sur ces questions, j'attends des réponses. La crise de la covid-19, nous pouvons la vivre dans le domaine de l'agriculture.

Pour répondre à Marc Laménie, l'Agence de services et de paiement (ASP) a fait beaucoup d'efforts en consommant beaucoup d'argent. Après avoir connu des affres dans la gestion des subventions, l'agence serait désormais plus à jour mais le poids des apurements reste élevé (79 millions d'euros pour 2020) et il existe des inquiétudes pour l'avenir compte tenu des conditions d'engagement de l'année 2020.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Sur les moyens déconcentrés du ministère de l'agriculture, une baisse des effectifs est prévue pour 2021.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Oui, la baisse sera de 126 équivalents temps plein (ETPT).

Les installations hors cadre familial sont, en effet, comme l'a évoqué Stéphane Sautarel, un fort enjeu. Beaucoup de personnes sont prêtes à venir vers le monde de l'agriculture. Il faut les accompagner.

M. Laurent Duplomb , rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques . - La diminution de l'ICHN et celle de la dotation Jeunes agriculteurs (DJA) n'ont pas d'incidence sur le budget.

Concernant l'ICHN, la nouvelle modification de son périmètre avait entraîné une levée de boucliers. Le ministre avait alors décidé un accompagnement pendant quelques années supplémentaires, avant la disparition du dispositif. C'est chose faite aujourd'hui, avec la suppression des 2 millions d'euros restants. Il est en de même pour la DJA, avec la fin des prêts bonifiés.

Concernant le rôle des Safer, la réalité est simple : aujourd'hui, on leur a supprimé tous les moyens. Pour éviter de disparaître, elles sont devenues, dans la plupart des départements, des formes d'agences immobilières qui achètent des terrains et les revendent pour faire une plus-value. Donnons-leur les moyens d'acquérir des terrains, de les stocker et de les redonner aux agriculteurs qui le désirent.

Est-ce que le ministère est plus armé ? En 2010, l'excédent commercial de la France s'élevait à 12 milliards d'euros. Nous étions autosuffisants sur toutes les productions : viande bovine, volaille... On exportait notre richesse, le vin, les céréales, tous les produits de très haute qualité et les produits laitiers. En septembre 2020 - alors que nous ne cessons d'entendre tous ces discours d'enfants gâtés réclamant une alimentation toujours plus durable, plus locale... -, nous sommes à 3,98 milliards d'euros d'excédent, avec une estimation à un peu moins de 5 milliards d'euros à la fin de l'année. En dix ans, notre excédent a fondu. Ce que j'avais prédit en 2019, à savoir la fin de l'excédent commercial français, pourrait être constaté en 2023.

Est-ce que l'on accepte que la France ne soit plus autosuffisante demain pour se nourrir ? Au regard de notre dette, est-ce le moment de se dire que notre alimentation passera par l'achat à des pays extérieurs ?

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - D'autant que le ministre souhaite s'engager sur le fait que nous soyons autonomes d'un point de vue alimentaire.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Quelle est la part, dans cette dégradation de la balance commerciale, des enjeux géopolitiques ? Je pense notamment à la taxation du vin par les États-Unis... Tous nos produits haut de gamme, qui sont de nature à créer des chiffres d'affaires importants, sont impactés par ces problématiques géopolitiques.

M. Vincent Segouin , rapporteur spécial . - Pour ce qui concerne les traités internationaux, l'important est de connaître les objectifs et la vision pour notre agriculture de demain.

Enfin, concernant la main d'oeuvre, je crois que la migration est nécessaire. Je ne suis pas sûr que les Français veuillent faire les travaux qui sont proposés...

M. Claude Raynal , président . - Pendant la pandémie, le besoin de main-d'oeuvre étrangère a posé des difficultés importantes, au point d'ailleurs qu'un ministre a lancé un appel pour aller aux champs...

Sur la question des Safer, les villes - notamment par le biais des établissements publics fonciers (EPF) et, quelquefois, des EPF locaux - se sont saisies des questions que les Safer ne traitaient plus. Des préemptions de terrains ont été effectuées, avec accord de la Safer, mais portage financier par les établissements publics, ce qui est quand même assez curieux.

M. Patrice Joly , rapporteur spécial . - Sur la question des crédits à l'installation non consommés, peut-être faudrait-il revoir les modalités d'attribution de ces aides. On doit adapter les accompagnements aux diversités de projets personnels et professionnels.

Concernant les DEFI, les allégements fiscaux ont fait l'objet d'un amendement à l'Assemblée nationale ; nous aurons donc à nous prononcer sur le sujet.

La structure de l'ONF, notamment en matière de personnel, n'est pas la même que celle de la filiale de la CDC. De plus, l'ONF a des missions de service public que n'a pas la Société Forestière. Cela dit, la question de la productivité de l'ONF se pose toujours. L'organisation est en grande difficulté, à la fois économique et sociale, alors que la gestion de la forêt est un enjeu majeur.

Pour répondre à Marc Laménie, l'enseignement agricole ne relève pas de notre mission.

Concernant le sujet des laboratoires, ils ont eu des difficultés, dans le cadre d'appels d'offres, à obtenir des marchés. Au regard des risques qui nous attendent, on déplore parfois des longs délais, du fait d'un maillage territorial aléatoire. Aujourd'hui, la restructuration des laboratoires départementaux est en train de s'achever ; cela donne des fermetures, des rachats par des groupes et aussi des groupements d'intérêt public (GIP) constitués par les départements pour mutualiser des moyens et, surtout, disposer d'une large gamme de prestations et de services.

M. Claude Raynal , président . - Nous devons passer au vote.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission, pas plus que ceux du compte d'affectation spéciale.

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