II. UN BUDGET AU CoeUR DE CONTRAINTES CROISÉES

A. UNE PROGRAMMATION À MOYEN TERME PEU SOUTENABLE ET SUR LA BAISSE DE LAQUELLE LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2021 SURENCHÉRIT

1. Une programmation budgétaire pluriannuelle sans élan et confrontée à des chocs

La forte baisse des autorisations d'engagement du programme 149 en 2021, particulièrement accusée pour les interventions à destination spécifiquement agricole, illustre le poids de choix pluriannuels contraignant les soutiens publics à l'agriculture.

La programmation du FEADER est certes en cause, mais elle n'est pas la seule responsable de cette trajectoire. La loi de programmation des finances publiques pour 2018-2022 avait dessiné une trajectoire baissière des crédits de la mission.

En toute hypothèse, au cours des années 2015-2020, les crédits disponibles sur le FEADER se sont révélés insuffisants, obligeant à transférer des crédits du premier pilier (FEAGA) vers le FEADER, l'agriculture finançant l'agriculture.

La chronique de ces transferts est restituée ci-dessous.

Une programmation du FEADER 2015-2020 prise en défaut

Campagne 2015 - Exercice financier 2016

En début de programmation, le gouvernement a décidé de transférer 3,3 % des montants du premier pilier vers le second pilier. L'enveloppe correspondante s'élevait à 252 millions d'euros pour l'exercice financier 2016.

Pour sa première année de mise en oeuvre, la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif (aide majorée pour les 52 premiers hectares de chaque exploitation agricole) était de 5 %, soit une enveloppe de 366 millions d'euros.

Campagne 2016 - Exercice financier 2017

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu à l'identique (3,3%), correspondant à une enveloppe de 250 millions d'euros.

Conformément à ce qui avait été annoncé en 2015, la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été portée à 10 %, soit une enveloppe de 727 millions d'euros.

Campagne 2017 - Exercice financier 2018

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu à l'identique (3,3%), correspondant à une enveloppe de 249 millions d'euros.

Compte tenu de difficultés rencontrées par de nombreuses exploitations céréalières ou de polyculture-élevage, le Ministre de l'Agriculture a décidé de maintenir à 10 % ( 724 millions d'euros) la part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif, au lieu de 15 % prévu pour atteindre l'objectif initial de 20% en 2018.

Campagne 2018 - Exercice financier 2019

En 2017, les besoins pour le second pilier ont été ré-évalués au regard de la dynamique de conversion à l'agriculture biologique et de la souscription de contrats d'assurance récolte ainsi que de la nouvelle délimitation des zones défavorisées et de l'extension du périmètre des bénéficiaires. Ces besoins ont conduit le gouvernement à décider un prélèvement complémentaire de 4,2 %. Aussi, à partir de la campagne 2018, le prélèvement sur les paiements directs s'établit à 7,5 %, soit une enveloppe de 562 millions d'euros pour l'exercice financier 2019.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été maintenue à 10 % (690 millions d'euros).

Campagne 2019 - Exercice financier 2020

Le taux du transfert du premier pilier vers le second pilier a été maintenu identique à celui de 2018 (7,5%), correspondant à une enveloppe de 560 millions d'euros.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif a été maintenue à 10 % (688 millions d'euros)

Campagne 2020 - Exercice financier 2021

L'année 2020 relève du cadre financier pluriannuel pour 2021?2027, encore en cours de négociation. Cependant, sur la base d'une actualisation des besoins de financement du second pilier pour 2014?2020, le Comité État-Régions du 30 octobre 2019 a acté le maintien du taux de transfert du premier vers le second pilier pour la campagne 2020, soit 7,5 %.

La part de l'enveloppe des paiements directs consacrée au paiement redistributif sera maintenue à 10 %.

Au total, pour les exercices financiers 2016 à 2020, le montant des transferts du premier pilier vers le FEADER a été de 1,873 milliards d'euros, soit près de 15 % de l'enveloppe initialement prévue.

Le financement de ces transferts a pesé sur le disponible du FEAGA et a obligé à réduire les objectifs initialement fixés de montée en charge du paiement redistributif.

Quant à la programmation pluriannuelle nationale, les crédits de paiement y dessinaient une baisse de 350 millions d'euros en 2020 par rapport au projet de budget pour 2018.

Selon un précédent ministre, la réduction des crédits programmés ne devait être que la traduction des modifications apportées aux allègements de cotisations sociales, en particulier, de la suppression du dispositif TO-DE.

Cette explication ne s'est révélée que moyennement opérante au vu de la résistance relative du dispositif (voir infra ).

Au-delà, l'inertie des dotations agricoles doit être resituée dans un contexte plus global marqué par une cible générale d'évolution des dépenses des administrations centrales avec une croissance en volume de 1 % par an sur la période de programmation, d'où le niveau de priorité accordée à l'agriculture se déduit aisément, mais aussi par les inscriptions nouvelles au titre du FEADER exposées supra .

Si l'on ajoute que des objectifs de transition vers une agriculture plus durable ont été fixés dans le cadre des états généraux de l'alimentation, on comprend mal comment ces objectifs pourraient être atteints sur les bases de l'actuelle programmation des crédits.

Enfin, et peut-être surtout, la programmation triennale était élaborée dans un contexte général de très fortes incertitudes mais aussi de défis majeurs.

Sur ce dernier point, il suffit de rappeler que le nombre des personnes souffrant de la faim dans le monde, qui avait reculé ces dernières années, a connu une augmentation en 2017, la perspective d'une hausse de la demande mondiale de nourriture en lien notamment avec celle de la population mondiale posant bien les termes d'un défi alimentaire auquel il est de la responsabilité de la France d'apporter sa contribution d'autant que de grands voisins y pourraient être particulièrement confrontés.

Quant au cadre européen, la nouvelle programmation financière ne s'ouvre pas sur des perspectives particulièrement favorables. Certes des améliorations sont en passe d'intervenir par rapport aux propositions initiales de la Commission, mais elles ne donnent pas d'élan nouveau à une politique agricole dont le caractère « commun » sera probablement mis à rude épreuve

La perspective d'une renationalisation rampante de la politique agricole européenne supposerait de mobiliser davantage de crédits nationaux, compte tenu des caractéristiques de la base agricole française et des objectifs affichés par notre politique agricole.

Cette perspective était d'emblée négligée par la loi de programmation.

2. Un projet de loi de finances qui, pour les soutiens directs aux agriculteurs, surenchérit sur les économies programmées

Le projet de loi de finances pour 2021 prévoit des dépenses inférieures à celles envisagées dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques au titre du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture ».

Cette dernière selon la dernière actualisation disponible, qui a procédé à des ajustements à la hausse, prévoit un montant maximal de crédits de 3,26 milliards d'euros en 2021 pour des crédits de paiement inscrits à 3,099 milliards d'euros (y compris les ouvertures du compte d'affectation spéciale développement agricole et rural).

Un déficit de 160 millions d'euros apparaît en crédits de paiement dont l'origine n'a pas été précisée aux rapporteurs spéciaux.

Page mise à jour le

Partager cette page