EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et articles 62 et 63).

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » demandés pour 2021 s'élèvent à environ 26 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP), soit une stabilisation à périmètre courant par rapport à la loi de finances initiale pour 2020.

À y regarder de plus près, la stabilité des crédits de prévision à prévision masque en réalité une nette décrue du budget de la mission en 2021, puisque l'exécution 2020 a été marquée par la réponse à la crise sanitaire, avec en particulier le financement d'aides exceptionnelles de solidarité représentant un total d'environ 2 milliards d'euros.

On aurait pu s'attendre à ce que le plan de relance vienne renforcer les dispositifs financés par la mission, mais force est de constater que ses apports sont bien maigres et se limitent pour l'essentiel à la création d'un fonds de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté doté de 50 millions d'euros en 2021.

On assiste donc en réalité à une reconduction du budget 2020, comme si le chômage et la pauvreté générés par la crise allaient s'évaporer au 1 er janvier. Cela nous laisse quelque peu dubitatifs...

Nous ne pourrons pas couvrir l'ensemble des sujets traités par la mission, qui sont nombreux et variés.

Le financement de l'aide alimentaire doit constituer un axe prioritaire de la réponse à la crise. Pendant le confinement, et même après, les files actives devant les centres de distribution alimentaire ont augmenté de façon extrêmement préoccupante, avec dans certains cas des hausses de plus de 40 % du nombre de personnes venues demander un soutien. Les associations constatent aussi l'apparition de publics nouveaux, qui n'étaient jusqu'ici pas connus des acteurs des politiques sociales.

Des ambitions très importantes ont été affichées en la matière, avec le financement d'un programme de 869 millions d'euros de crédits nationaux - pour 110 millions d'euros - et européens - pour 769 millions d'euros - sur la période 2021-2027. Des incertitudes subsistent toutefois quant au fonctionnement concret du nouveau fonds dit FSE+ - Fonds social européen -, remplaçant le Fonds européen d'aide aux plus démunis (FEAD) à compter de 2021. Ni les administrations ni les associations ne disposent à ce stade de visibilité suffisante à ce sujet.

Comme nous l'avions montré lors d'un précédent rapport de contrôle, il est indispensable d'améliorer le système d'aide alimentaire européen, qui pose des exigences draconiennes pour la validation des montants présentés par les autorités nationales. Il conviendra de veiller à ce que les centaines de millions annoncés puissent effectivement être mobilisés en faveur des publics qui en ont le plus besoin.

Je souhaite également relever une tendance qui se fait jour à travers ce budget, à savoir l'affirmation du partenariat entre l'État et les départements dans la conduite des politiques sociales. En tant qu'ancien président de conseil départemental, le sujet me tient bien entendu particulièrement à coeur.

Les démarches de contractualisation avec l'État se développent de plus en plus, qu'il s'agisse de la mise en oeuvre de la stratégie pauvreté ou du lancement de la stratégie protection de l'enfance.

Dans un monde idéal, les départements, qui disposent d'une expertise incontestée en la matière et d'une fine connaissance de leur territoire, devraient être en mesure de conduire leurs politiques sociales de façon autonome. Toutefois, au vu de leurs difficultés financières avérées, la contractualisation avec l'État, qui leur permet de bénéficier de moyens supplémentaires, constitue pour eux un moindre mal.

Encore faut-il toutefois que le processus de contractualisation se fasse sur une base équitable et que les départements soient pleinement associés à la définition des objectifs et des indicateurs de résultats des actions, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas.

Pour consolider le partenariat État-départements, il faut aussi apaiser certaines tensions qui subsistent, au premier rang desquelles le financement de l'accueil et de la prise en charge des mineurs non accompagnés. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet lors de l'examen des articles rattachés à la mission.

En attendant, c'est avec un enthousiasme modéré que je vous propose d'adopter les crédits de la mission. Je crains cependant que ce ne soit pas la dernière fois que nous nous prononcerons sur ces crédits en 2021. Car un budget pour temps calmes semble quelque peu en décalage avec la situation du pays, qui imposera vraisemblablement de financer de nouvelles mesures en direction des publics les plus fragiles.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Je partage l'essentiel de ce qui a été dit par mon collègue Arnaud Bazin. Le principal problème ne réside pas dans les actions financées par la mission, qui sont utiles, voire indispensables, mais plutôt dans ce qu'il y manque, à savoir des mesures de soutien massif aux publics les plus fragiles, qui subissent de plein fouet les conséquences sociales de la crise sanitaire.

Les actions du plan de relance, en particulier celles en direction des jeunes, ne ciblent que ceux qui parviendront à s'inscrire dans un parcours d'insertion. Malgré un taux d'emploi des jeunes qui a déjà progressé de 3,1 points au deuxième trimestre 2020, il ne fait aucun doute que nombre d'entre eux seront laissés sur le bord du chemin. On évoque sans cesse le plan « un jeune, une solution » qui est bien mal nommé, car au jeune précaire qui ne trouve pas d'emploi, on ne propose pas de meilleure solution que 200 euros pour l'été, puis 150 euros pour l'automne.

Dans l'ensemble, comme l'a justement dit mon collègue Arnaud Bazin, c'est le budget de l'an passé qui est reconduit. Pour l'essentiel, les crédits de la mission évoluent comme les deux principaux dispositifs que la mission finance : la prime d'activité et l'allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représentent à eux seuls 80 % des crédits de la mission.

Or, le montant de l'AAH tend à se stabiliser en 2020, suite à deux années marquées par des revalorisations qui doivent bien sûr être saluées, même si elles se sont accompagnées, comme nous avions déjà eu l'occasion de l'expliquer, de discrets coups de rabots avec la suppression du complément de ressources et la réforme des règles de prise en compte du revenu des couples.

Quant aux dépenses de la prime d'activité, celles-ci devraient même baisser. Cette diminution, qui tient au contexte de forte montée du chômage et donc de baisse du nombre de personnes éligibles, atteste du caractère procyclique du dispositif.

Celui-ci est manifeste en cas de perte d'emploi, puisque la prime n'est pas prise en compte pour le calcul de l'indemnisation du chômage, et a donc pour effet d'accentuer la chute du revenu des personnes perdant leur emploi. On se souvient de la promesse présidentielle selon laquelle, grâce à la prime d'activité, « le salaire d'un travailleur au Smic augmentera de 100 euros par mois ». La crise est venue rappeler qu'en ce qu'elle n'ouvre aucun droit social, la prime d'activité n'est pas du salaire.

Nous avons consacré cette année un rapport de contrôle à la politique de lutte contre la violence faite aux femmes. Nous saluons la hausse significative des crédits du programme 137, consacré à l'égalité entre les femmes et les hommes. Ceux-ci progressent en effet de 11,4 millions d'euros en CP, soit une hausse de 37,5 %. D'importants efforts restent encore à mener, qu'il s'agisse du nécessaire renforcement des structures d'accueil et d'écoute des femmes victimes de violences, ou encore de l'accompagnement des victimes de prostitution.

La lisibilité budgétaire de cette politique reste également à améliorer, sujet sur lequel notre rapport de contrôle formule plusieurs propositions qui, nous l'espérons, seront suivies d'effet.

Je tiens également à souligner que la période de la crise sanitaire, à fort risque du point de vue des violences conjugales, a donné lieu - de l'aveu même des associations concernées - à une réelle mobilisation des pouvoirs publics et des forces de l'ordre sur la question, ainsi qu'au déblocage de crédits supplémentaires pour financer des actions urgentes. Nous considérons que cette mobilisation doit devenir la norme.

Ainsi, malgré certains points positifs que j'ai pu souligner, ce budget ne cesse d'étonner par son déni de la crise sociale que nous traversons. Pour cette raison, et bien que pour l'essentiel mes constats convergent avec ceux d'Arnaud Bazin, je vous proposerai pour ma part de rejeter les crédits.

M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Vos rapports convergent sur l'analyse, mais diffèrent quant au vote ! C'est la démocratie. Vous avez rappelé le rôle central des départements dans la conduite de nos politiques sociales. Comme moi, vous lisez dans la presse l'évocation d'évolutions possibles. Que pensez-vous de l'expérimentation prévue en Seine-Saint-Denis autour de la recentralisation du revenu de solidarité active ? Par ailleurs, j'aimerais connaître votre avis sur le dispositif d'emploi accompagné prévu par le plan de relance en faveur des personnes en situation de handicap ? Au-delà de l'intention, quel est l'état des lieux ? Quelles améliorations sont possibles ?

M. Antoine Lefèvre . - Ces rapports couvrent nombre de pans de notre vie sociale, avec une résonance particulière cette année. L'AAH n'avait pas été revalorisée en  2019. Lorsque l'allocataire est marié ou pacsé, les ressources du conjoint sont intégrées au calcul, ce qui est un péril pour la perception de l'allocation, vu l'accroissement du recours au chômage partiel par les employeurs depuis mars dernier. Une proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale sur le sujet. Avez-vous entendu parler d'une démarche de déconjugalisation de cette allocation ? Tout comme Éric Bocquet, je souligne la forte augmentation du budget consacré à la lutte contre les violences conjugales. Nous sommes à présent un an après le fameux Grenelle des violences conjugales, et celles-ci ont explosé pendant la période de confinement. Avez-vous fait le bilan des nouvelles actions, et notamment de la mise en place d'un nouveau numéro d'appel ? Où en est le projet d'abaisser l'âge d'éligibilité au revenu de solidarité active ?

M. Marc Laménie . - Nous parlons de montants particulièrement importants : 26 milliards d'euros ! Pourquoi un si faible taux de réponse - 21 % - au questionnaire ? En général, nous obtenons 90 % ou 95 % de réponses. Vous avez auditionné nombre de responsables, dans les services de l'État ou des collectivités territoriales, mais aussi dans de grandes associations. Quelle est la place de ces grandes associations dans la mission ? La délégation aux droits des femmes sera sensible à la revalorisation financière du programme 137. Mais la promotion de l'égalité femmes-hommes se répartit aussi entre d'autres missions et d'autres ministères : c'est compliqué... Sur les 26 milliards d'euros, une part notable est consacrée à l'AAH. Les départements frontaliers manquent souvent de places, et certaines personnes doivent se rendre en Belgique, par exemple. Outre les liens avec les départements, les villes et les intercommunalités jouent un rôle important, tout comme les centres communaux d'action sociale. Selon quelles modalités ?

M. Rémi Féraud . - Même si les rapporteurs spéciaux appartiennent à deux groupes politiques différents et proposent deux votes distincts, ils nous confirment tous les deux que la lutte contre la pauvreté est l'angle mort de ce budget - et de la politique du Gouvernement. Ce budget a été conçu pour une fin de crise sociale. Le Gouvernement envisage-t-il un projet de loi de finances rectificative pour prendre en compte la poursuite de la crise sanitaire et une période de confinement, et donc de crise sociale ? Les dispositifs qui visent à l'insertion sur le marché de l'emploi de publics en difficulté, en période de très forte hausse du chômage, semblent difficiles à mettre en oeuvre. Quel raisonnement a pu conduire à augmenter ces crédits dans une période comme celle que nous vivons ? Le résultat risque d'être des crédits non consommés. Sur la lutte contre les violences faites aux femmes, comment se fait-il que ce soit seulement aujourd'hui que le budget augmente de manière sensible ? Est-ce dû au changement de ministre ? À la prise en compte des conclusions du Grenelle ? Il y a un grand effet retard entre le budget qui nous est proposé et une communication très intense depuis le début du quinquennat. Est-ce à dire que la grande cause du quinquennat  est vraiment mise en oeuvre dans son avant-dernier budget ?

M. Sébastien Meurant . - Vous avez mentionné un budget pour temps calmes. Ce n'est pas ce que nous allons vivre ni ce que nous vivons ! On espère le retour du soleil, mais ce ne sera certainement pas pour tout de suite. Certains chiffres concernent 2018, notamment sur les mineurs non accompagnés. Avez-vous des chiffres plus récents ? Les projections qui figurent dans votre note de présentation s'appuient sur les chiffres de l'Association des départements de France. Par ailleurs, il est vrai que la faiblesse du taux de réponse est en effet assez surprenante.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Oui, nos votes diffèrent. Sans enthousiasme particulièrement marqué pour ce budget, j'appelle, en responsabilité, à voter les crédits de l'AAH et de la prime d'activité. Mais nous sommes d'accord : comme en 2020, il y aura des efforts complémentaires à fournir durant l'année, certainement par des projets de loi de finances rectificative, pour prendre en compte la situation sociale de nos compatriotes les plus démunis.

Sur la recentralisation du RSA, les départements sont assez partagés. Il y a un problème de financement, avec un reste à charge considérable pour les départements, qui ne fait que s'aggraver, puisque la valeur de référence remonte à 2010. Tous les départements ne souhaitent donc pas s'engager dans cette démarche. En ce qui concerne l'annonce faite pour le département de Seine-Saint-Denis, comme dans les discussions préalables qui ont eu lieu entre les départements et les gouvernements des deux précédentes mandatures présidentielles, tout va dépendre des modalités : quelle sera l'année de référence pour reprendre les recettes au département ? Y aura-t-il une clause de retour à meilleure fortune ? Quid du financement de l'insertion elle-même ? Qui en sera le maître d'oeuvre ? Si c'est toujours le département qui conserve les politiques d'insertion, y aura-t-il des clauses l'obligeant à dépenser des montants précis en pourcentage de l'allocation, comme c'était le cas avant la décentralisation du revenu de solidarité active ? Nous n'en savons rien, à ce stade, et nous ne pouvons donc pas estimer si cette perspective de recentralisation est crédible, et si elle sera réellement acceptable par le département concerné. L'obtention de ces précisions a de l'importance, puisque le département de Seine-Saint-Denis, par exemple, dépense plus de 500 millions d'euros annuellement pour le service d'allocation du revenu de solidarité active. Si on fait remonter 500 millions de recettes à l'État, ce n'est pas la même chose que si on fait remonter 350 millions d'euros... C'est tout le sujet du débat que les départements ont eu, à plusieurs reprises, avec différents gouvernements, et c'est ce qui a empêché d'aboutir à une solution. Nous serons fixés dans les mois qui viennent.

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Le dispositif d'emploi accompagné des personnes handicapées dans leur démarche d'insertion consiste en un suivi médico-social approfondi des personnes en situation de handicap, pour les aider à trouver de l'emploi ou à s'y maintenir ; mais ce dispositif prévoit aussi l'accompagnement de l'employeur. Entre 2020 et 2021, les crédits montent en puissance, et passent de 10 à 22,5 millions d'euros : le Gouvernement semble beaucoup compter sur cette mesure, qui a fait la preuve d'une certaine efficacité, puisque 60 % des personnes concernées trouvent un emploi, dont 60 % en CDI. Pour autant, il ne s'agit pas d'un dispositif de masse, et il reste assez restreint dans son périmètre.

Marc Laménie avait évoqué les 21 % de réponses. En fait, nous avons finalement reçu toutes les réponses. La période est très compliquée : la durée des auditions a été limitée, il a fallu faire vite, et passer parfois par la visioconférence - notamment avec la ministre, que nous nous réjouissons d'avoir pu entendre. Les associations ont une place centrale dans ces actions. Nous l'avions remarqué sur l'aide alimentaire, mais c'est aussi vrai pour tous les sujets. Par exemple, dans la lutte contre les violences faites aux femmes interviennent des associations très militantes et très expérimentées, qui font un travail de proximité absolument remarquable, et demandent à être soutenues. La question des places en établissements revient chaque année. Cette année, nous n'avons pas pu explorer cette thématique. Vous évoquez l'hébergement de personnes handicapées en Belgique. Là aussi, on en parle chaque année. Ma région est concernée...

Aucun projet de loi de finances rectificative n'est prévu pour l'instant, monsieur Féraud, mais, comme le souligne le rapport, il ne se passe pas une journée sans que la presse ne relaie des cris d'alerte des associations caritatives, de banques alimentaires, de la Croix-Rouge ou des soupes populaires. Et nous ne sommes même pas au début de l'hiver ! D'où ma réserve sur le sujet. Sur les violences faites aux femmes, nous avons aussi le sentiment d'un certain décalage. Ce sujet avait été déclaré cause du quinquennat ; la pandémie a eu un effet de révélateur, spectaculaire, qui a choqué l'opinion, et la mobilisation des associations a fait prendre conscience à l'opinion publique au sens large de l'existence et de l'ampleur du phénomène, et de ses conséquences dramatiques pour les femmes concernées. Nous avons pu contribuer à cette évolution par le rapport que nous avions coécrit, qui n'avait pas beaucoup plu à la ministre à l'époque. Les associations ont réussi à faire bouger les choses, enfin. Ainsi, on observe une évolution incontestable dans la prise en compte du sujet par les forces de police. Il faut que cette dynamique se prolonge dans les années qui viennent, malgré le confinement et le retour de la question du terrorisme. La ministre nous a confirmé que l'accueil et la prise en charge des femmes victimes de violences resterait une priorité des forces de police.

La déconjugalisation des revenus évoquée par Antoine Lefèvre représente 287 millions d'euros d'économie chaque année pour l'État. C'est contraire au principe d'autonomie, et les associations sont revenues sur le sujet. Cette décision a été mal vécue, et elle continue d'être combattue.

Sur le revenu de solidarité active, pas d'annonce particulière à signaler. Le revenu universel d'activité, qui était en chantier, reste présenté comme un objectif, mais n'est plus à l'ordre du jour immédiat.

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - Sur la question des violences conjugales dans le contexte de crise sanitaire, il nous faut reconnaître que l'État s'est mobilisé dans toutes ses composantes, y compris à travers la police et la gendarmerie. De nouvelles modalités d'écoute ont été mises en oeuvre, notamment dans les pharmacies et les centres commerciaux. Quant à la ligne d'écoute 3919, elle fonctionnera bientôt vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui permettra notamment une meilleure prise en charge des appels venus d'outre-mer. À cet effet, un marché public doit être ouvert très prochainement, ce qui inquiète un peu l'association qui gère aujourd'hui la ligne avec une grande efficacité, et il nous faudra suivre cette affaire de près. La mobilisation de l'État nous semble donc avoir été à la hauteur des enjeux.

Marc Laménie et Rémi Féraud ont bien noté l'augmentation du budget du programme 137. Cependant, cette augmentation de 40 % ne porte que sur 30 millions d'euros. Les sommes prévues dans le cadre du Grenelle ne relèvent pas du même ordre de grandeur et se comptent en milliards d'euros. Les efforts menés dans le cadre du programme 137 sont donc importants, mais c'est la politique interministérielle qui engage les montants les plus significatifs. Bien cerner les contours de cette politique est d'ailleurs une tâche difficile, tant les changements de périmètre sont constants. Par ailleurs, certaines manoeuvres rendent parfois difficile l'appréhension de la réalité de cette politique. L'année dernière, sur les 1,1 milliard d'euros prévus par le Grenelle, plus de 800 millions relevaient de l'aide au développement ! La moitié des sommes restantes couvrait la valorisation des salaires des professeurs d'histoire-géographie, pour les heures consacrées à l'enseignement de la question de l'égalité entre les garçons et les filles. Nous avons informé Mme la Ministre de notre intérêt pour des documents qui nous permettraient de lire la politique interministérielle de façon précise et transparente.

En tant que président de département ayant recours à des établissements belges pour l'accueil d'un certain nombre de personnes handicapées, je me suis rendu dans ces établissements. Les prestations y étaient de très bonne qualité, pour un prix bien moindre que ceux que nous pratiquons en France. Et il est vrai que pour les habitants du nord de l'Île-de-France, ces établissements sont d'un accès facile. Il faut nous montrer pragmatiques, et ne pas condamner de façon systématique cette réponse donnée au problème du manque de place.

Je partage l'interrogation de Rémi Féraud sur l'insertion. Les crédits seront-ils réellement consommés dans le contexte économique qui s'annonce ? S'agira-t-il seulement d'un effet d'affichage ? Nous n'aurons la réponse que dans un an, lors du prochain examen de loi de finances.

Sur la question des mineurs non accompagnés, je voudrais vous donner une idée de l'ordre de grandeur : en 2011, dans le département du Val-d'Oise, nous y avons consacré environ 3 millions d'euros, sur un budget de 100 millions d'euros consacrés à l'aide sociale à l'enfance. Cette année, le montant attribué est de 34 millions d'euros. Le sujet est donc devenu extrêmement important. Selon les chiffres dont nous disposons, 30 000 jeunes ont été pris en charge sur l'ensemble du territoire en 2019. J'attire cependant votre attention sur la difficulté d'obtenir des chiffres précis. En effet, il est parfois difficile de réconcilier les chiffres de l'État, qui prend en charge les premiers frais et l'évaluation de minorité, et ceux des départements, responsables de la prise en charge ultérieure. Celle-ci ne s'arrête d'ailleurs pas toujours à la majorité, et peut continuer jusqu'à l'insertion professionnelle, que les jeunes souhaitent le plus souvent rapide afin de pouvoir rembourser les réseaux de passeurs et aider leurs familles. La situation a néanmoins quelque peu changé avec l'apparition du phénomène des enfants des rues, qui échappent à tous les efforts, qu'ils soient menés par les départements ou l'État.

Il semblerait que le nombre de MNA se soit stabilisé en raison de la crise sanitaire, mais il reste difficile d'obtenir des données précises. Je profite de cette occasion pour présenter l'article 69 rattaché à la mission, qui prévoit une demande d'un rapport sur ce sujet . Je connais et partage la petite appétence de notre commission pour les rapports, mais si une exception doit être faite, c'est bien celle-là. En effet, 2 milliards d'euros sont aujourd'hui consacrés à cette question par les départements et, au-delà de cet aspect financier, il s'agit d'un véritable sujet pour l'aide sociale à l'enfance.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 68

M. Éric Bocquet , rapporteur spécial . - Pour mémoire, dans le droit commun, le dispositif d'AAH regroupe deux prestations : l'AAH-1, qui concerne les personnes dont le handicap représente un taux d'incapacité de 80 % ou plus, et l'AAH-2, qui s'adresse aux personnes pour qui ce taux est compris entre 50 % et 79 %. Or, dans le droit actuel, seul l'AAH-1 s'applique à Mayotte. L'article 62 doit permettre d'y étendre l'AAH-2, au plus tard au 1 er octobre 2021. Nous ne pouvons qu'approuver cet alignement et nous vous proposons d'adopter cet article sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 68.

Article 69

M. Claude Raynal , président . - L'article 69 prévoit une demande de rapport sur les mineurs non accompagnés. Il a déjà été présenté par les rapporteurs, qui proposent son adoption : un certain laisser-faire de notre part...

M. Arnaud Bazin , rapporteur spécial . - J'espère avoir bien plaidé la cause, monsieur le président.

M. Claude Raynal , président . - Remarquablement !

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 69.

La commission des finances a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».Elle a également décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des articles 68 et 69.

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Réunie à nouveau le jeudi 19 novembre 2020, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a confirmé sa décision de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » et les articles 68 et 69.

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