TITRE IV

SOUTENIR UNE RECHERCHE LIBRE ET RESPONSABLE
AU SERVICE DE LA SANTÉ HUMAINE

CHAPITRE IER

Encadrer les recherches sur l'embryon, les cellules souches embryonnaires et les cellules souches pluripotentes induites

Article 14
Différenciation des régimes juridiques d'autorisation
s'appliquant à l'embryon et aux cellules souches embryonnaires

Cet article définit des régimes juridiques distincts applicables aux recherches sur l'embryon, soumises à une autorisation de l'Agence de la biomédecine, et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, soumises à une déclaration préalable auprès de l'agence.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a essentiellement rétabli l'article dans sa version issue de ses travaux en première lecture, revenant sur la plupart des modifications adoptées par le Sénat.

La commission a rétabli les apports du Sénat en première lecture destinés à sécuriser sur le plan juridique les recherches sur l'embryon et à prévenir tout franchissement de la barrière des espèces en supprimant la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion dans un embryon animal de cellules souches embryonnaires humaines.

I - Le dispositif initial

Cet article modifie en profondeur le régime juridique applicable aux recherches sur l'embryon et les cellules souches embryonnaires.

• En premier lieu, afin de bien différencier les recherches menées dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation sur les gamètes destinés à constituer un embryon ou sur un embryon conçu in vitro destiné à être transféré à des fins de gestation de celles menées sur des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental, il transfère les dispositions applicables aux premières dans la partie du code de la santé publique consacrée aux recherches impliquant la personne humaine, soumises à un avis favorable d'un comité de protection des personnes (CPP) et une autorisation de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

En première lecture, l'Assemblée nationale a précisé que, dans le cadre de ces recherches, toute intervention ayant pour objet de modifier le génome des gamètes ou de l'embryon est interdite.

• En deuxième lieu, l'article 14 introduit deux régimes juridiques distincts pour les recherches sur l'embryon et celles sur les cellules souches embryonnaires :

- il maintient ainsi un régime d'autorisation par l'Agence de la biomédecine pour les recherches sur l'embryon. À cette occasion, il inscrit dans la loi une durée limite de culture in vitro des embryons surnuméraires destinés à la recherche, fixée par le projet de loi à 14 jours. En première lecture, l'Assemblée nationale a souhaité préciser que la recherche sur un embryon non destiné à être implanté peut porter sur les causes de l'infertilité ;

- il institue une procédure de déclaration préalable auprès de l'Agence de la biomédecine pour les recherches sur les cellules souches embryonnaires.

• Il est en outre prévu que certaines recherches conduites sur des cellules souches embryonnaires, et considérées comme particulièrement sensibles au regard des enjeux éthiques qu'elles soulèvent, devront faire l'objet d'une vigilance renforcée par l'Agence de la biomédecine qui disposera de la possibilité de s'y opposer après avis de son conseil d'orientation. Dans le projet de loi initial, les recherches concernées sont celles visant à différencier des cellules souches embryonnaires humaines en gamètes ou à agréger des cellules souches embryonnaires humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires. En première lecture, l'Assemblée nationale a complété ces recherches soumises à une vigilance particulière par celles visant à insérer dans un embryon animal des cellules souches embryonnaires humaines en vue de son transfert chez la femelle.

• Tirant en première lecture les conséquences de l'institution de régimes distincts d'autorisation et de déclaration préalable, applicables respectivement aux recherches sur l'embryon et aux recherches sur les cellules souches embryonnaires, l'Assemblée nationale a prévu, par cohérence, que la conservation de cellules souches embryonnaires fera l'objet non plus d'une autorisation mais d'une déclaration préalable auprès de l'Agence de la biomédecine.

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

En première lecture, le Sénat a modifié substantiellement l'article 14 du projet de loi à l'initiative de la commission.

• Il a tout d'abord supprimé 60 ( * ) les termes « impliquant la personne humaine » utilisés pour qualifier les recherches menées sur les gamètes ou l'embryon dans le cadre de l'assistance médicale à la procréation, afin de mettre un terme à toute confusion sur le statut du gamète ou de l'embryon concernés qui, au stade de la recherche, n'ont pas le statut de « personne humaine ».

• Il s'est ensuite employé à préciser les prérequis des recherches menées sur l'embryon afin de les sécuriser sur le plan juridique, en précisant :

- qu'à la finalité médicale pourra être substitué l'objectif d'amélioration de la connaissance de la biologie humaine, plus pertinent en matière de recherche fondamentale ;

- que toute méthode alternative au recours aux embryons ne sera recevable que s'il est démontré qu'elle présente une pertinence scientifique comparable avec l'embryon humain.

Par coordination, le Sénat a intégré l'objectif d'amélioration de la connaissance de la biologie humaine dans les exigences auxquelles doivent répondre les protocoles de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines.

• Par ailleurs, il a introduit une précision tendant à rappeler 61 ( * ) que l'interdiction de la constitution d'embryons à des fins de recherche s'entend de la conception d'un embryon humain par fusion de gamètes, afin de lever toute ambiguïté à l'égard des modèles embryonnaires à usage scientifique créés par l'agrégation de cellules souches embryonnaires humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires, qui ne constituent pas des embryons humains.

• Dans le souci de faciliter les recherches sur le développement embryonnaire précoce, le Sénat a prévu, à l'initiative de la commission, qu'il puisse être dérogé à la durée limite de 14 jours pour la culture d'embryons in vitro afin de permettre, à titre exceptionnel, le développement in vitro d'embryons jusqu'au 21 e jour suivant leur constitution dans le cadre de protocoles de recherche spécifiquement dédiés à l'étude des mécanismes de développement embryonnaire au stade de la gastrulation.

• Le Sénat a supprimé la précision introduite par l'Assemblée nationale aux termes de laquelle des recherches sur l'embryon peuvent porter sur les causes de l'infertilité, dès lors que rien ne l'interdit en l'état actuel de la législation et que des recherches en ce sens sont déjà conduites.

• Le Sénat a écarté la possibilité de constituer des embryons chimériques résultant de l'insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal, procédure qui franchit une « ligne rouge » difficilement acceptable au regard du risque de franchissement de la barrière des espèces.

• Enfin, le Sénat a introduit une précision aux termes de laquelle les gamètes dérivés de cellules souches embryonnaires ne peuvent servir à féconder un autre gamète, issu du même procédé ou obtenu par don.

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Écartant la plupart des modifications apportées par le Sénat en première lecture, l'Assemblée nationale a rétabli, en deuxième lecture, l'article 14 dans sa version issue des travaux des députés en première lecture, moyennant des amendements de coordination.

IV - La position de la commission

Si l'Assemblée nationale a supprimé la précision introduite par le Sénat à l'article 14 rappelant que l'interdiction de la constitution d'embryons à des fins de recherche s'entend de la conception d'un embryon humain par fusion de gamètes, la commission constate que cette précision a en réalité été transférée par les députés à l'article 17 du projet de loi, permettant ainsi de l'inscrire à l'article L. 2151-2 du code de la santé publique, ce dont elle se félicite.

Soucieuse de sécuriser les recherches sur l'embryon qui font encore aujourd'hui l'objet de nombreux contentieux, la commission spéciale a rétabli les prérequis applicables à ces recherches dans leur rédaction issue des travaux du Sénat en première lecture (amendements COM-60, COM-61 et COM-64). Elle a en outre adopté un amendement de coordination (amendement COM-63).

Enfin, fidèle à sa position en première lecture, elle a supprimé les dispositions tendant à permettre la constitution d'embryons chimériques par l'insertion de cellules souches embryonnaires humaines dans un embryon animal (amendement COM-65).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 15
Régulation, en recherche fondamentale,
de certaines utilisations des cellules souches pluripotentes induites

Cet article vise à encadrer certaines finalités, sensibles sur le plan éthique, des recherches menées sur les cellules souches pluripotentes induites.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale a rétabli la possibilité que des recherches menées sur des cellules souches pluripotentes induites humaines puissent conduire à leur insertion dans un embryon animal dans le but de son transfert chez la femelle.

Le Sénat s'étant prononcé en première lecture contre toute possibilité de création d'embryons chimériques, la commission a supprimé la possibilité de créer des embryons chimériques par insertion de cellules pluripotentes induites humaines dans un embryon animal, en cohérence avec le contenu de l'interdiction de la création d'embryons chimériques qu'elle a précisé à l'article 17.

I - Le dispositif initial

Cet article introduit dans le code de la santé publique une définition des cellules souches pluripotentes induites humaines et institue un régime déclaratif ciblé sur les recherches menées sur ces cellules qui soulèvent des enjeux éthiques. Parmi les recherches « sensibles » concernées, le projet de loi initial recense la différenciation de cellules souches pluripotentes induites humaines en gamètes et l'agrégation de cellules souches pluripotentes induites humaines avec des cellules précurseurs de tissus extra-embryonnaires.

En première lecture, l'Assemblée nationale a complété la liste des recherches sur les cellules souches pluripotentes induites humaines susceptibles de faire l'objet d'une décision d'opposition de l'Agence de la biomédecine sur le fondement du respect des principes éthiques fondamentaux, après avis public de son conseil d'orientation : est ainsi ajoutée l'insertion de ces cellules dans un embryon animal en vue de son transfert chez la femelle, dans le cadre de la constitution d'un embryon chimérique.

Afin d'assurer le respect des nouveaux régimes de déclaration préalable introduits en matière de recherche sur les cellules souches embryonnaires humaines et sur les cellules souches pluripotentes induites humaines, l'article 15 procède également aux coordinations nécessaires au sein des articles du code de la santé publique et du code pénal prévoyant les sanctions applicables en la matière.

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

En première lecture, la commission a institué un encadrement spécifique de la création d'embryons chimériques recourant aux cellules souches pluripotentes induites humaines en posant deux « verrous » :

- ces embryons ne pourront donner lieu à parturition (mise-bas), si bien qu'en cas de transfert chez la femelle, la gestation sera obligatoirement interrompue dans un délai approuvé par l'Agence de la biomédecine au regard des délais gestationnels propres à l'animal concerné ;

- la contribution des cellules d'origine humaine au développement de l'embryon chimérique (« taux de chimérisme ») ne saurait dépasser un seuil approuvé par l'Agence de la biomédecine. En tout état de cause, aucun embryon chimérique ne pourra présenter une proportion de cellules d'origine humaine supérieure à 50 %.

Toutefois, le Sénat a écarté en séance ce dispositif d'encadrement spécifique, privilégiant le maintien de l'interdiction de la création d'embryons chimériques dans sa rédaction en vigueur à l'article L. 2151-2 du code de la santé publique - en supprimant, par coordination, l'article 17 du projet de loi.

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

Fidèle à sa position en faveur des recherches visant à insérer dans des embryons animaux des cellules souches d'origine humaine, l'Assemblée nationale a rétabli en deuxième lecture la possibilité que des recherches puissent avoir pour objet l'insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal, sous réserve que ces recherches soient préalablement déclarées auprès de l'Agence de la biomédecine qui conserve la possibilité de s'y opposer après avis public de son conseil d'orientation.

IV - La position de la commission

Lors des débats en deuxième lecture, le rapporteur de l'Assemblée nationale a jugé contradictoire la rédaction issue du Sénat, au motif que le maintien de l'interdiction de la création d'embryons chimériques dans sa rédaction en vigueur conduisait à maintenir le silence du code de la santé publique sur les recherches impliquant l'insertion de cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal.

Cette interprétation est néanmoins contestable : l'article L. 2151-2 du code de la santé publique, qui dans sa rédaction actuelle interdit la création d'embryons chimériques, s'insère dans un chapitre unique au sein du titre V du livre I er de la deuxième partie de ce code, titre dont l'intitulé est renommé par le projet de loi : « Recherche sur l'embryon humain, les cellules souches embryonnaires humaines et les cellules souches pluripotentes induites humaines ». En conséquence, l'interdiction générale de la création d'embryons chimériques figurant à l'article L. 2151-2 du code de la santé publique a vocation à s'appliquer à l'ensemble des recherches visées dans ce titre, y compris désormais les recherches menées sur les cellules souches pluripotentes induites humaines.

Toutefois, afin de lever tout doute sur l'interdiction de la création d'embryons chimériques, il est apparu utile à la commission spéciale de préciser son contenu à l'article 17 du projet de loi. Par cohérence, elle a adopté un amendement tendant à supprimer à l'article 15 toute référence à des recherches consistant à insérer des cellules souches pluripotentes induites humaines dans un embryon animal (amendement COM-66).

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

Article 16
Limite de conservation des embryons proposés à la recherche

Cet article fixe une durée de conservation de cinq ans pour les embryons cédés à la recherche qui n'auraient pas été inclus dans un protocole de recherche à l'expiration de ce délai.

En deuxième lecture, l'Assemblée nationale est revenue sur le délai de conservation que le Sénat avait porté en première lecture à dix ans pour la conservation des embryons destinés à la recherche, pour le rétablir à cinq ans.

L'Assemblée nationale ayant néanmoins conservé l'allègement de la procédure de confirmation du consentement sur le devenir des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental introduit par le Sénat en première lecture, la commission spéciale a adopté cet article sans modification.

I - Le dispositif initial

Cet article modifie les conditions de conservation des embryons surnuméraires conçus dans le cadre d'une assistance médicale à la procréation en définissant les finalités qui peuvent leur être assignées en cas d'abandon du projet parental : leur accueil par un autre couple ou une autre femme ; leur don à la recherche ; leur destruction. Il définit une durée limite de cinq ans pour la conservation des embryons cédés à la recherche mais non inclus dans des protocoles de recherche. Il précise les modalités de consultation annuelle sur le maintien du projet parental et de consentement à l'une des possibilités de devenir en cas d'abandon de ce projet.

En première lecture, l'Assemblée nationale a ouvert la possibilité pour le couple, à l'occasion de la consultation annuelle sur le point de savoir s'il maintient son projet parental, de formuler des directives anticipées sur le devenir des embryons en cas de décès de l'un des membres du couple.

II - Les modifications adoptées par le Sénat en première lecture

Le Sénat a supprimé le principe d'une confirmation par écrit dans un délai de trois mois par le couple de son consentement sur le devenir des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental, compte tenu du caractère lourd et chronophage de cette procédure.

Il a en outre porté à dix ans le délai de conservation des embryons destinés à la recherche supérieur afin de tenir compte du tempo long de la recherche sur l'embryon en France et de la nécessité de ménager pour les chercheurs la possibilité de mettre en place des recherches sur des embryons présentant des anomalies géniques ou chromosomiques à l'origine de pathologies à révélation tardive ou bien rares.

III - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale en deuxième lecture

L'Assemblée nationale a conservé l'allègement de la procédure de confirmation du consentement sur le devenir des embryons ne faisant plus l'objet d'un projet parental introduit par le Sénat en première lecture, moyennant une précision rédactionnelle sur la forme écrite du consentement initial.

Elle est, en revanche, revenue sur le délai de conservation de dix ans pour la conservation des embryons destinés à la recherche, pour le rétablir à cinq ans.

IV - La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.


* 60 À l'article L. 1125-3 du code de la santé publique.

* 61 Conformément à l'article 18 de la convention d'Oviedo.

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