COMPTE RENDU DE L'AUDITION DE M. OLIVIER VÉRAN, MINISTRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA SANTÉ

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MARDI 11 MAI 2021

M. François-Noël Buffet , président . - Monsieur le ministre, je vous remercie de vous être rendu disponible pour nous présenter le projet de loi relatif à la gestion de la sortie de crise sanitaire, dont l'examen, en procédure accélérée, se poursuit aujourd'hui à l'Assemblée nationale. Le Sénat l'examinera en commission le lundi 17 mai et en séance publique le mardi 18 mai.

M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé . - Le projet de loi que je vous présente n'est ni optimiste ni pessimiste : c'est un texte que nous avons voulu réaliste.

Notre pays a connu une vague épidémique importante. Le nombre de cas de covid diagnostiqués par jour est monté jusqu'à 40 000 et celui des patients covid en réanimation au-delà de 6 000. Il a fallu une fois de plus intervenir avec des mesures de freinage urgentes, d'abord territorialisées, puis nationales, afin de créer un effet coupe-feu, dans le même état d'esprit que celui qui avait prévalu au printemps 2020, puis à l'automne 2020 et à l'hiver 2021 : des mesures proportionnées, territorialisées, puis des mesures nationales quand la vague est devenue irrépressible à l'échelle du pays. Nous avons adapté notre arsenal de réponses aux connaissances scientifiques, avec, notamment, la notion de moindre contamination à l'extérieur qu'à l'intérieur, ce qui nous a permis d'éviter un confinement généralisé tel que les Français ont pu le connaître l'année dernière. Néanmoins, nous avons dû décider de restrictions fortes - couvre-feu dans tout le pays, fermeture des commerces, anticipation des vacances scolaires -, qui sont autant de mesures très contraignantes pour les Français.

Nous avons pu enrayer la dynamique épidémique grâce à ces mesures de freinage. La décrue de l'épidémie a permis au Président de la République de faire des annonces aux Français pour leur donner de la visibilité dans la durée sur la stratégie de levée progressive de ces mesures. Il est nécessaire que cette levée soit progressive pour éviter une nouvelle ascension de l'épidémie, alors que l'on dénombre encore plus de 17 000 diagnostics covid par jour. Cependant, les mesures de freinage doivent être réduites, parce que nous avons toujours eu à coeur de les proportionner pour tenir compte de leur impact sur le quotidien des Français - sur leur vie sociale, économique, culturelle ainsi que sur leur santé mentale.

La dynamique épidémique, la saisonnalité, la vaccination intensive - il y aura bientôt 20 millions de primovaccinés en France - nous permettent aujourd'hui d'envisager un avenir un peu meilleur. La décroissance des malades du covid en réanimation est une réalité : nous sommes passés sous la barre des 5 000 patients. C'est encore beaucoup, mais nous savons que les chiffres des malades en réanimation sont le reflet de l'épidémie deux à trois semaines auparavant. Comme l'épidémie continue de décroître, nous avons toutes les raisons d'espérer que les services de réanimation reprendront progressivement une activité moins intense, ce qui permettra de reprogrammer les soins qui ont été différés pour un certain nombre de Français.

Cependant, renoncer à toute mesure maintenant serait prématuré. C'est pourquoi le Gouvernement a d'ores et déjà déposé un amendement visant à permettre la prolongation d'une mesure de couvre-feu sur la durée exclusive du mois de juin. Le Président de la République a pris l'engagement de repousser le couvre-feu à 21 heures, puis à 23 heures, avant de le supprimer au 30 juin. À cette date, le couvre-feu n'aura donc plus de base légale.

Nous nous engageons également à ce qu'il n'y ait plus de confinement généralisé, puisque le texte qui vous est présenté ne prévoit plus cette possibilité. C'est une différence très importante. Néanmoins, comme l'année dernière, le Gouvernement conserve la possibilité de mettre en place des mesures de freinage qui peuvent être territorialisées. C'est l'objet de l'article 2 du projet de loi, qui permet d'instaurer, pour une durée maximale de deux mois et sans consulter le Parlement, un état d'urgence local sur un territoire qui ne peut représenter plus de 10 % de la population française.

Cette mesure restrictive s'appuie sur le constat que nous avons dressé l'année dernière : au mois de juin 2020, alors que tout allait bien ou presque dans notre pays, la réémergence de l'épidémie en Mayenne, partie des salariés des abattoirs, avait nécessité une action déterminée immédiate pour éviter une vague épidémique. Par ailleurs, j'invite la représentation nationale à ne pas oublier que, l'été dernier, l'hémisphère sud a été percuté de plein fouet par une vague épidémique très forte, qui a aussi touché certains de nos territoires ultramarins, comme la Guyane. Nous avions dû prendre des mesures localisées très fortes - un couvre-feu, puis un confinement - pour faire face à ce problème sanitaire, qui aurait pu devenir un problème humanitaire si nous l'avions laissé filer.

En outre, je rappelle que, à la mi-août, il a fallu intervenir progressivement pour faire face aux nouvelles contaminations observées dans les Bouches-du-Rhône, notamment chez les jeunes, avec des mesures de couvre-feu partiel affectant les bars et les restaurants, puis des mesures plus fortes. Toutefois, ces dernières n'ont pas permis d'enrayer la reprise épidémique qui se faisait jour dans notre pays et qui a progressivement conduit à la deuxième vague que nous avons connue à l'automne.

Nous considérons comme très probable que la situation sanitaire s'améliore semaine après semaine et que nous puissions retrouver beaucoup plus de sérénité. Cependant, je resterai une sentinelle active tout au long des prochains mois, et des interventions seront probablement nécessaires dans certains territoires de manière raisonnée. Pour cela, nous avons besoin de conserver un arsenal de mesures qui nous permettent de réagir et surtout d'éviter de laisser flamber une épidémie qui redeviendrait nationale à partir d'un foyer local.

Il y aura de nouveau de grands rassemblements. Or nous savons d'expérience, en France comme en Europe, que la présence d'un supercontaminateur lors d'un grand rassemblement peut conduire à une vague de contaminations sur le territoire national. Nous ne voulons plus que cela se produise !

La proportionnalité dans les mesures, la capacité à réagir très vite, y compris au coeur de l'été, sont donc nécessaires. Le projet de loi vise précisément à vous demander de nous donner cette possibilité de réaction rapide.

Ce texte ne prévoit ni confinement ni couvre-feu après le mois de juin. Il contient des possibilités d'interventions adaptées, proportionnées et territorialisées. Nous allons continuer à vacciner massivement, à tester, à maintenir les gestes barrières. J'espère sincèrement que nous pourrons quitter le masque en extérieur cet été, lorsqu'il fera beau et chaud, mais je ne puis en avoir la certitude à l'heure actuelle. Au reste, nous savons qu'il faut se garder de prédictions trop péremptoires sur l'évolution de l'épidémie : c'est modestement que je viens devant vous pour vous demander de nous donner encore pendant quelques mois la possibilité de protéger les Français, en tenant compte de l'équilibre à trouver entre la préservation des libertés et les mesures de contrainte.

Je travaille d'arrache-pied avec Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l'autonomie, sur un sujet qui préoccupe beaucoup le Sénat. En effet, j'ai vu qu'une proposition de loi avait été déposée sur la question des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), notamment sur les droits de visite. La période que nous avons traversée était inédite et, sur le terrain, j'ai constaté que les mesures n'étaient pas toujours proportionnées, indépendamment des protocoles sanitaires, qui, eux, étaient justifiés par l'état des connaissances scientifiques lorsqu'ils ont été décidés. C'est pourquoi j'ai demandé aux services du ministère de préparer une circulaire qui s'impose aux gestionnaires d'établissements sanitaires, d'Ehpad ou d'autres établissements médico-sociaux. Il n'est en effet pas nécessaire de passer par la loi pour atteindre des objectifs qui nous tiennent à coeur : garantir une proportionnalité des mesures, ne restreindre le droit de visite que sur critères sanitaires et faire valoir le droit des patients à être accompagnés, a fortiori lorsqu'ils sont en fin de vie. Nous allons donc considérablement faire évoluer les droits de visite et l'ouverture des Ehpad. L'exceptionnel taux de couverture vaccinale que nous avons atteint dans les établissements médico-sociaux nous permet de le faire avec beaucoup plus de sérénité qu'il y a encore quelques semaines dans notre pays.

Nous irons sans doute plus loin que la proposition de loi. Nous le ferons par la voie réglementaire, donc de façon plus rapide. Nous vous avons entendus et nous avons entendu les Français.

M. Philippe Bas , rapporteur . - Monsieur le ministre, je partage votre prudence sur la situation sanitaire. Elle ne justifie pas que l'on baisse la garde. Je remarque que les chiffres s'améliorent - pour certains d'entre eux, rapidement - depuis une quinzaine de jours, sous le régime de ce qui, sans avoir porté le nom de reconfinement, y ressemble tout de même, mais qu'ils se situent encore à un niveau élevé.

Je me suis efforcé de comparer la situation de la fin des précédents confinements avec la situation actuelle. On recensait, le 11 mai 2020, un peu plus de 10 000 nouvelles contaminations par jour, contre près de 12 000 le 15 décembre 2020 et presque 18 000 le 9 mai 2021, mais 35 000 le 3 avril 2021. Il est incontestable que le nombre de contaminations quotidiennes décroît rapidement, mais il reste aujourd'hui nettement plus élevé qu'à la fin des confinements de mai 2020 et décembre 2020.

On retrouve la même tendance pour le nombre de patients hospitalisés. Pour le nombre de patients en réanimation, la tendance est encore plus forte, puisque le taux d'occupation des lits en réanimation s'élève à presque 1 %, contre 0,53 % en mai 2020 et 0,57 % en décembre 2020. Le taux d'incidence diminue quant à lui très rapidement, puisqu'il était de 411 le 3 avril 2021 et de 192 le 9 mai dernier. Il n'en demeure pas moins encore très élevé. Il ne faut donc pas verser dans ce que l'on appelle le « wishful thinking ».

La situation justifie de ne pas abandonner totalement un certain nombre de mesures de contrainte. C'est le sens de votre proposition.

Je ne doute pas que vous ferez preuve de vigilance, mais, une fois que l'on aura atténué les mesures de contraintes, l'épidémie risque de redémarrer. On peut conjurer ce risque en maintenant les gestes barrières, en veillant à ce que l'abaissement du niveau de contraintes s'accompagne de mesures de responsabilité, mais aussi, sans doute, en accélérant autant que faire se peut les vaccinations.

À cet égard, je dois dire, même si je ne cherche pas à vous en faire porter la responsabilité exclusive, que les résultats de la France, comparés à ceux de pays démocratiques d'égale richesse, ne me paraissent pas très bons. La part de la population vaccinée une première fois contre la covid-19 est de 52 % au Royaume-Uni, de 45,5 % aux États-Unis, de 32 % en Allemagne, mais seulement de 26 % en France. L'amoindrissement des contraintes n'a de sens que si des mesures sont prises pour que les contaminations ne repartent pas massivement à la hausse. Sur ce plan, je crois que l'instrument le plus efficace que nous ayons sous la main est la vaccination. Partagez-vous l'analyse que je viens de présenter ? Quelles sont les mesures que le Gouvernement peut prendre pour rattraper le retard français en matière de vaccination ?

Ma deuxième question est d'ordre juridique. La loi du 23 mars 2020 a créé le régime de l'état d'urgence sanitaire. Ce dernier n'est pas permanent, mais il est activable à tout moment par le Gouvernement jusqu'au 31 décembre de cette année, compte tenu de la loi qui a été votée en début d'année.

Il faut assumer clairement ses choix et ne pas s'inscrire dans des effets d'annonce qui relèvent davantage du traitement psychologique de l'opinion que de la nécessité juridique. Vous n'avez nul besoin de créer un régime de sortie de l'état d'urgence sanitaire pour exercer les contraintes qui vous paraissent justifiées du point de vue de la santé publique.

Vous ne voulez pas aller jusqu'au point maximal, à savoir le confinement. Mais personne ne vous oblige à utiliser les mesures de contrainte maximale du régime d'état d'urgence sanitaire. Quels moyens n'y figurant pas voulez-vous mettre en oeuvre ? Si ce projet de loi ne sert à rien, il ne faut pas nous le présenter. Vous n'avez pas besoin de créer un nouveau régime juridique pour mettre en oeuvre une politique de décroissance progressive des mesures de contrainte.

Une fois de plus, les exigences d'un contrôle parlementaire ne sont pas respectées : un des articles du projet de loi permet au Gouvernement d'instaurer l'état d'urgence sur une partie du territoire ne couvrant pas de plus de 10 % de la population française, en portant dans ce cas la durée de la validation législative à deux mois au lieu d'un. Nous ne voulons pas aller dans ce sens.

Notre doctrine est constante : vous n'avez rien à craindre du Parlement, qui ne vous a jamais refusé les moyens d'action pour faire face à la crise sanitaire. Pourquoi vouloir espacer à ce point nos rencontres qui permettent de légitimer ces pouvoirs exceptionnels ? La loi doit vous autoriser régulièrement à utiliser des pouvoirs de restriction aux libertés, ce qui suppose que vous rendiez compte à la représentation nationale de la nécessité des mesures de contrainte.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Le Premier ministre a annoncé qu'un reconfinement généralisé ne serait plus possible. Or il est toujours possible de le réinstaurer par décret, en déclarant à nouveau l'état d'urgence sanitaire conformément à la loi du 23 mars 2020. Les Français ont été extrêmement patients, mais ils sont usés. Il faut prendre garde de ne pas dire des choses inexactes alors que nous pourrions avoir à effectuer ce retour en arrière.

Je rejoins les interrogations de Philippe Bas sur l'utilité de cette disposition, non sur celle de l'ensemble du texte. Le débat sur le délai de deux mois a également eu lieu à l'Assemblée nationale.

Dans votre propos liminaire, j'ai noté votre discrétion sur la question du passe sanitaire, lequel comprendra l'attestation de vaccination, le certificat de guérison ou un résultat de test négatif. Il est toujours extrêmement difficile d'accéder au vaccin en dessous d'un certain âge. Pour les générations jeunes ou très jeunes, c'est totalement impossible. De fait, ce passe sanitaire, qui sera très prochainement en vigueur, va créer une situation inégale. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cette question ? Certains sont radicalement opposés à ce passe ; d'autres considèrent qu'il s'agit d'un moindre mal. Mais votre texte n'est pas très précis. Qu'en est-il de la question de la jauge, de celle du champ, de la durée ou de la date d'application ?

Mme Marie Mercier . - Les patients appartenant aux groupes iso-ressources 1 (GIR 1) sont les plus dépendants. Ils sont quasiment grabataires et leurs familles se battent du matin au soir. Cette solidarité collégiale permet quelques parcours victorieux. On leur doit le respect ; on leur doit surtout la vaccination.

La sécurité sociale harcèle les tuteurs en leur demandant d'emmener ces personnes fragiles dans les vaccinodromes ou dans les « vaccibus » ou de se rapprocher de leur médecin traitant. Or il s'agit de grabataires vivant dans des territoires ruraux et dont les médecins traitants n'ont aucun vaccin à disposition. Rien de tout cela n'est possible.

Monsieur le ministre, il faut être inventif et créateur. Ne pourrait-on créer des « voltigeurs-vaccineurs », avec une géolocalisation, pour ces patients qui ne sont pas très nombreux, mais qu'il est important de reconnaître ?

Mme Muriel Jourda . - Il en va de même dans les Ehpad, où l'on demande aux nouveaux entrants de se rendre dans les vaccinodromes, ce qui n'est pas toujours possible.

M. Olivier Véran, ministre . - Monsieur Bas, le 19 mai sera une étape importante : nous sommes aujourd'hui à 16 000 ou 17 000 contaminations, nous devrions être à 12 000 la semaine du 19, soit le même niveau qu'en octobre dernier. Nous sommes sur une dynamique descendante.

Par ailleurs, nous faisons beaucoup plus de tests qu'il y a un an - entre 2 et 3 millions par semaine. Et plus on teste, plus on trouve : le dépistage massif des vacances de Noël a fait augmenter le taux des contaminés asymptomatiques. En mai 2020, nous ne faisions qu'entre 100 000 et 200 000 tests hebdomadaires.

Voilà encore trois semaines, nous étions très hauts par rapport à l'Allemagne. Aujourd'hui, nos voisins en sont à 16 000 ou 17 000 contaminations par jour. Nous sommes donc encore un peu au-dessus, mais nous faisons deux fois et demie plus de tests. Leur niveau épidémique, en théorie, pourrait donc être supérieur au nôtre.

La donnée fondamentale, c'est la vaccination. La mortalité des personnes les plus fragiles a chuté. À niveau de contamination identique, l'impact sanitaire est moindre, ce qui nous permet d'envisager les choses différemment. Ce qui m'importe, c'est que notre triptyque tester-alerter-protéger soit pleinement efficace. D'ici au 19 mai, le niveau de circulation du virus nous permettra de reprendre le contrôle sur chaque contamination.

En ce qui concerne la vaccination, on pourrait faire des thèses de médecine passionnantes sur les comparaisons internationales des taux de couverture, selon les indicateurs choisis. Chacun peut prendre l'indicateur qui lui convient pour mettre en valeur ou en difficulté l'État en charge de la campagne vaccinale.

Monsieur Bas, vous avez raison sur deux points : avec Israël, dont la population est plus restreinte, les États-Unis et l'Angleterre ont un taux de couverture vaccinale plus élevé que tous les pays européens. L'Angleterre a fait le choix de la mono-vaccination avec une seconde injection retardée. Les scientifiques ne savent pas encore si ce choix sera efficace dans la durée
- c'est tout le mal que je souhaite aux Anglais -, mais il y a des raisons de penser que cette stratégie est payante. Ils ont connu hier une première journée sans décès. Encore une fois, c'est à la fin de la campagne vaccinale qu'on compte les vies sauvées.

En ce qui concerne les indicateurs, comparons ce qui est comparable. La natalité n'est pas la même en France et en Allemagne. À l'exception des 16-18 ans très immunodéprimés, nous ne pouvons aujourd'hui vacciner que la population adulte. Si l'on fait le ratio du nombre de doses injectées pour cent habitants adultes, l'Allemagne est à 50,1 injections et la France à presque 49. Il ne s'agit plus d'un écart majeur. L'Italie en est à 47 et l'Espagne à 49. Tous les pays européens arrivent donc à vacciner de manière intensive.

En France, le pourcentage d'utilisation du vaccin Pfizer est de 92 % contre 93 % en Espagne, 92,5 % en Italie et 89 % en Allemagne. En ce qui concerne le vaccin Moderna, la France est à 76 %, contre 75 % en Italie, 66 % en Espagne et 60 % en Allemagne. Le taux d'utilisation de l'AstraZeneca est de 55 % en France - nous venons de recevoir une grosse livraison, ce taux va donc mécaniquement s'améliorer dans la durée -, de 83 % en Espagne et de 82 % en Allemagne.

J'ajouterai que l'Espagne convoque les personnes âgées de 60 ans et plus dans les centres de vaccination sans leur dire quel vaccin - ARN messager ou adénovirus - ils vont recevoir. Par ailleurs, trois régions allemandes ont ouvert, à l'encontre des recommandations internationales, la vaccination AstraZeneca aux populations âgées de moins de 55 ans, avec consentement. J'ai saisi les autorités sanitaires de cette question. La Haute Autorité de santé (HAS) n'a pas encore rendu ses conclusions, mais j'ai cru comprendre que le sujet n'était pas très bien engagé.

Madame Mercier, des solutions opérationnelles existent pour les personnes que vous décrivez : quelques dizaines de milliers d'infirmières et d'infirmiers libéraux se sont fait livrer des doses de vaccin AstraZenaca ou Johnson & Johnson dans le but de vacciner ces populations à leur domicile. Nous avons également mis en place des équipes mobiles, y compris avec des médecins.

Tout est mis en oeuvre dans les territoires pour faciliter cette vaccination à domicile. Nous avons mobilisé des centaines d'équivalents temps plein auprès de la Caisse nationale de l'assurance maladie (CNAM) pour téléphoner aux personnes âgées qui n'ont pas encore été vaccinées. Nous faisons la démarche d'aller vers elles, en partenariat avec les collectivités territoriales.

Monsieur Bas, il s'agit du huitième texte sur l'état d'urgence sanitaire. Quel autre pays européen peut en dire autant ? Cela montre le poids qu'accorde le Gouvernement au Parlement sur ces questions. Le Gouvernement ne demande pas de pouvoirs dont il n'a pas besoin. Le régime de sortie, plus restrictif que celui d'état d'urgence sanitaire, a été voté par le Parlement en 2020. Le Conseil d'État se prononce en droit et n'a pas douté de l'utilité ni de la pertinence de ce régime.

Je suis moins expert que vous en légistique, mais n'est-il pas un tout petit peu antinomique de dire que ce texte n'était pas nécessaire et que nous pouvions agir par voie réglementaire et, dans le même mouvement, de déplorer le manque de contrôle parlementaire ? Nous avons fait le choix de nous présenter devant le Parlement en prenant toutes les garanties, de manière à ne pas avoir à recourir aux dispositions de l'article L. 3131-1 du code la santé publique qui échappent bien davantage au contrôle parlementaire et dont nous avons déjà discuté à l'envi.

Madame de La Gontrie, vous savez mon opposition de principe à l'usage du passe sanitaire pour des activités aussi courantes qu'aller au restaurant ou au cinéma. En revanche, il prend tout son sens dans les lieux qui concentrent un fort brassage de population. L'adhésion des Français
- 67 % dans la dernière enquête d'opinion - à cette idée est de plus en plus forte.

Certains pays - Espagne et Italie, par exemple - ont fait le choix de limiter le passe sanitaire à certains grands événements. D'autres, notamment au nord de l'Europe, sont déterminés à aller au-delà. Le passe n'est pas que vaccinal. Il peut consister en un certificat de rétablissement ou un test de moins de 48 heures. Il s'inscrit dans la démarche européenne d'un passe pour voyager d'un État à un autre, ce qui est essentiel.

L'amendement du Gouvernement permet d'étendre ce passe à certaines situations très circonscrites. Nous en avons longuement débattu hier à l'Assemblée nationale. Nous ne souhaitons pas utiliser le passe sanitaire pour des événements regroupant moins de 1 000 personnes. À compter du 19 mai, les théâtres seront accessibles jusqu'à 800 spectateurs avec une jauge de 35 %, sans passe sanitaire. À partir du 9 juin, ce sera une jauge de 65 % jusqu'à 5 000 spectateurs ; au-dessus de 1 000 spectateurs, il faudra un passe sanitaire. À compter du 30 juin, il n'y aura plus de jauge : il faudra seulement un passe si le théâtre compte plus de 1 000 spectateurs. Nous avons clarifié les choses.

Autant il me semble légitime d'apporter au Parlement des éléments d'information précis, autant inscrire des jauges, des pourcentages et des sites particuliers dans la loi nous lierait pieds et poings pour des mois, sans que nous sachions comment évoluera la situation sanitaire, ni que nous connaissions l'impact de la vaccination et des expériences étrangères. Ce serait contreproductif de ne pouvoir faire évoluer le dispositif. Le Gouvernement, en revanche, a pris des engagements clairs : le passe sanitaire sera réservé aux salons professionnels et aux grands événements.

Mme Valérie Boyer . - Nous ne remettons pas en cause la gravité d'une pandémie qui a déjà causé plus de 100 000 morts ni les difficultés de la vaccination. Mais comment les choses se mettront-elles en place ? Quelle est la différence entre passe et passeport vaccinal ? Qui contrôlera le respect des jauges ? Quel document conviendra-t-il de présenter ? Une attestation comme lors des voyages à l'étranger ? Je reviens d'Arménie et, au retour, seul mon test PCR de départ a été vérifié...

Il me semble normal que nous puissions débattre tous les trois mois. Cela me rassure, compte tenu des abus observés par le passé. Je pense aux footing s interdits sur les plages et aux personnes âgées verbalisées alors qu'elles se rendaient à la boulangerie... Comment allons-nous concrètement vivre dans les semaines à venir ?

Mme Catherine Di Folco . - Je m'adresse au ministre autant qu'au professionnel de santé. Les professionnels de la petite enfance
- orthophonistes, pédiatres, enseignants - alertent sur les conséquences du port du masque sur les apprentissages et la maîtrise du langage. Envisagez-vous d'alléger certaines mesures applicables aux jeunes enfants, alors que la vaccination s'accélère, notamment chez les professionnels de santé ?

M. Philippe Bas , rapporteur . - Je donne acte au ministre de sa réponse sur les comparaisons européennes en matière de vaccination. Cela est intéressant pour mesurer l'efficacité du dispositif.

Non, ma position n'est pas contradictoire : nous pouvons demander un vote plus fréquent du Parlement et refuser d'admettre sans inventaire un texte créant un régime transitoire de sortie de l'état d'urgence sanitaire. Il faut de toute façon une loi après le 1 er juin, mais laquelle ? Il suffirait de prolonger l'état d'urgence sanitaire pour doter le Gouvernement des pouvoirs qu'il juge nécessaires, sans instaurer un régime de sortie particulier. Là, vous aurez à la fois un nouveau dispositif et un état d'urgence sanitaire réactivable. Quel est l'intérêt, sauf celui d'entretenir l'optimisme de la population ? Si tel est le cas, dites-le franchement !

M. Jean-Yves Leconte . - De nombreuses privations de liberté sont contestées par nos concitoyens devant le Conseil d'État. Le Gouvernement présente chaque fois un mémoire auquel nous n'avons pas accès. Ce serait pourtant essentiel pour comprendre l'usage qu'il fait des pouvoirs accordés par le Parlement. Pourquoi, par exemple, un tel décalage entre le mémoire restrictif de fin mars sur la vaccination et les perspectives permises par le présent projet de loi alors en gestation et par les négociations européennes sur le passe sanitaire ?

Certains pays européens souhaiteraient élargir le passe sanitaire à l'ensemble des vaccins, afin d'attirer le maximum de touristes. Comment gérer d'éventuelles différences en la matière entre les États membres ?

Des élections consulaires se tiendront à la fin du mois de mai. Il est prévu, pour les élections départementales et régionales du mois de juin, de garantir la vaccination de l'ensemble des membres des bureaux de vote. L'amendement déposé hier par le Gouvernement autorise un droit de retrait des fonctionnaires qui ne seraient pas vaccinés à l'étranger pour les élections consulaires ; cela nous inquiète. N'avez-vous pas le temps de les faire vacciner au cours des trois prochaines semaines ?

M. Stéphane Le Rudulier . - Ma question concerne les confinements locaux. Je comprends la recherche d'un juste équilibre entre la sécurité sanitaire et la reconquête des libertés, mais le seuil de 10 % de la population nationale peut correspondre à une ou deux régions. Quelle a été la motivation du Gouvernement pour fixer ce niveau de seuil ? Cela me semble bien éloigné de la territorialisation des mesures prônée par le Sénat...

M. Olivier Véran, ministre . - S'agissant des conditions de tenue des élections consulaires, l'acheminement de doses de vaccin aux quatre coins du monde ne relève pas de mes prérogatives, mais davantage des ministères de l'intérieur et des affaires étrangères, auxquels je transmettrai votre question, monsieur Leconte. Je voudrais éviter de me tromper ; la dernière fois, je l'ai payé pendant trois mois... L'ambiance feutrée et sympathique du Sénat incite certes aux échanges, mais je reste vigilant...

La reconnaissance des vaccins dans le cadre du passe sanitaire relève d'un règlement européen. Il ne me semble pas illogique que ne soient pas acceptés à ce titre des vaccins non validés par les autorités sanitaires européennes. Songez à l'exemple des Seychelles qui subissent une troisième vague alors que la population adulte a été massivement vaccinée avec le produit chinois.

J'entends l'argument légistique du rapporteur. Nous nous sommes posé la question d'une prorogation de l'état d'urgence sanitaire, mais les mesures de sortie nous permettent justement de quitter progressivement ce régime. Elles limitent les pouvoirs extraordinaires accordés à l'exécutif sans remettre en cause la nécessité de revenir devant le Parlement en tant que de besoin. La date du 31 octobre donne une visibilité aux acteurs économiques s'agissant des aides. S'il s'avérait nécessaire, du fait de la situation sanitaire, de revenir devant le Parlement en septembre pour un débat, je le ferai volontiers.

Monsieur Leconte, les arguments produits par le Gouvernement dans ses mémoires sont retranscrits dans les comptes rendus des rapporteurs publics du Conseil d'État. Les démonstrations scientifiques ne varient pas, ni notre objectif de conserver un juste équilibre entre les mesures de freinage et les libertés individuelles et collectives.

Madame Boyer, il reviendra à l'exploitant de contrôler le passe sanitaire et le respect des protocoles. Des douchettes seront installées pour vérifier les QR codes, comme cela a été testé avec succès dans les transports vers la Corse et les territoires ultramarins.

Monsieur Le Rudulier, le seuil de 10 % permet de déclarer l'état d'urgence sanitaire sur l'ensemble d'une région, à l'exception de l'Île-de-France. Un seuil plus bas ne concernerait que les territoires ultramarins. Ce seuil de 10 % permet donc de mettre en place un état d'urgence local à l'échelle d'une région, mais, comme tout seuil, il est possible de faire valoir à son encontre des arguments contraires.

Enfin, madame Di Folco, la question sur l'orthophonie et les masques est intéressante, bien qu'elle ne relève peut-être pas du débat actuel. Le neurologue que je suis, évidemment, est très sensible à l'impact que pourrait avoir le port du masque chez des enfants en développement en matière de troubles dys. Le sujet est étudié par les autorités sanitaires et scientifiques compétentes et des enquêtes sont menées. Nous agirons en fonction des résultats obtenus.

M. François-Noël Buffet , président . - Nous vous remercions de votre participation.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl20-571.html

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