II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

A. LA HAUSSE CONTINUE DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔT D'ÉTAT DOIT TROUVER UN TERME

La hausse de 6,9 milliards d'euros des remboursements et dégrèvements d'impôts entre 2019 et 2020 poursuit un mouvement engagé depuis de nombreuses années, de sorte que les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État en 2019 atteignent 178 % de leur niveau de 2013.

Chaque année, le rapporteur spécial s'inquiète de ces hausses successives, qui, si elles résultent de la mécanique de l'impôt ou de choix de politiques publiques, démontrent la multiplication des niches fiscales et des modalités dérogatoires au paiement de l'impôt. Cette évolution traduit ainsi le recours, par les différents gouvernements depuis une quinzaine d'années, aux niches fiscales pour mettre en oeuvre leurs politiques.

1. Après la suppression du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, la question du maintien du crédit impôt recherche doit être posée

Malgré la suppression du dispositif, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) a continué à peser sur la mission. Il a représenté 6,8 milliards d'euros de remboursements et de restitutions d'impôt et représente toujours une créance de 14,1 milliards d'euros pour les entreprises.

Par ailleurs, la question du crédit impôt recherche (CIR) reste posée. L'utilité de ce crédit d'impôt mériterait d'être davantage interrogée compte tenu du niveau important de son coût, à 4,9 milliards d'euros de restitutions et remboursements en 2020.

Le dernier avis de la commission nationale d'évaluation des politiques d'innovation (CNEPI), de juin 2021, indique que les dépenses engagées sur le CIR ne permettent pas de dégager de véritable effet de levier. Le coût pour l'État est ainsi à peu près équivalent aux dépenses supplémentaires engagées par les entreprises.

Le rapporteur spécial considère que les effets du CIR sur le niveau de dépenses en recherche et développement sont donc très limités et il serait assurément préférable de conditionner ce crédit d'impôt à des engagements de la part des entreprises .

L'extinction du CICE, et une refonte urgente des financements de la recherche permettra de maîtriser davantage la croissance des crédits du programme 200 et de simplifier l'impôt sur les sociétés afin d'en majorer le rendement, alors que nombre de nos concitoyens attendent de l'ensemble des entreprises qu'elles participent à un niveau raisonnable au financement des services publics .

2. Le rapporteur spécial déplore à nouveau les limites de l'information au Parlement concernant la fraude à la TVA

Les documents budgétaires fournis par le Gouvernement sur le programme 200 ne permettent pas d'apprécier les efforts de l'administration dans la lutte contre la fraude à la TVA . Le coût annuel de ce type de fraude a pourtant été estimé par la Commission européenne à 20,9 milliards d'euros en France 2 ( * ) .

Le rapporteur spécial estime que la présentation des restitutions de crédits de TVA (RCTVA) au sein d'une sous-action du programme 200 devrait constituer l'occasion pour le Gouvernement d'assurer l'information du Parlement sur les moyens et les résultats de la lutte contre la fraude à la TVA .

Ainsi, les indicateurs de performance du programme ne devraient pas se limiter à mesurer les délais de remboursement de la TVA mais bien prendre en compte les efforts fournis dans la lutte contre la fraude .

Le rapport remis au Parlement en application de la loi de finances rectificative du 29 décembre 2014 3 ( * ) sur les écarts de TVA conteste l'évaluation de la Commission européenne sans offrir d'estimation plus précise du niveau des différents types de fraude .

Le rapporteur spécial déplore l'insuffisance des informations fournies dans ce rapport. En effet, les informations chiffrées y sont trop limitées, le Gouvernement se limitant pour l'essentiel à présenter l'état du droit et des considérations méthodologiques.

Dans son rapport de novembre 2019 , la Cour des comptes 4 ( * ) estimait que le chiffrage de la fraude et des irrégularités à la TVA se situait dans un ordre de grandeur proche d'une quinzaine de milliards d'euros tout en soulignant que ce chiffrage restait fragile .

Ainsi le rapporteur spécial rappelle l'importance de parvenir à un chiffrage précis du niveau de la fraude. Il se félicite par ailleurs de la mise en place de la « Task force TVA », dont les premiers éléments de bilan semblent positifs. En effet, « en 2018, 29 nouveaux procédés de fraude à la TVA ont été signalés (contre 13 en 2016 et 18 en 2017) et ont permis ainsi d'identifier plus de 3 000 entreprises nouvelles présentant un risque (contre 387 en 2016 et 679 en 2017). Ces alertes ont permis de bloquer ou rejeter un nombre croissant de remboursements de TVA demandés indûment et représentant un montant de 2,4 millions d'euros (contre 442 000 euros en 2016 et 129 000 euros en 2017). À la suite, plus de 2 000 contrôles fiscaux approfondis ont été réalisés engendrant plus de 20 millions d'euros de droits en matière de TVA (contre 4,2 millions d'euros en 2016 et 12 millions d'euros en 2017). Enfin, 26 plaintes pour escroquerie ont été déposées, contre 17 en 2016 » 5 ( * ) .

Le rapporteur encourage le Gouvernement à proportionner les moyens de la lutte contre la fraude à la TVA aux enjeux financiers une fois ceux-ci estimés avec davantage de précision.

Il est nécessaire de décloisonner l'information et d'aller vers une véritable coordination des travaux de l'ensemble des services de l'État. Une stratégie efficace de lutte contre la fraude permettrait de limiter « l'hémorragie fiscale » qui touche les recettes de TVA.


* 2 Commission européenne, « VAT Gap report », septembre 2018, p. 31.

* 3 Rapport remis par la Gouvernement au Parlement en application de l'article 25 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014.

* 4 La fraude aux prélèvements obligatoires, Évaluer, prévenir, réprimer, Cour des comptes, novembre 2019.

* 5 La fraude aux prélèvements obligatoires, Évaluer, prévenir, réprimer, Cour des comptes, novembre 2019, P. 104.

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