Rapport général n° 163 (2021-2022) de M. Albéric de MONTGOLFIER , fait au nom de la commission des finances, déposé le 18 novembre 2021

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N° 163

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 18 novembre 2021

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , adopté par l'Assemblée nationale, pour 2022 ,

Par M. Jean-François HUSSON,

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 15b

COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE : GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT

Rapporteur spécial : M. Albéric de MONTGOLFIER

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mmes Sophie Taillé-Polian, Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 15 ème législ.) : 4482 , 4502 , 4524 , 4525, 4526 , 4527 , 4597 , 4598 , 4601 , 4614 et T.A. 687

Sénat : 162 et 163 à 169 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

I. UNE BAISSE TENDANCIELLE DES RECETTES DU CAS « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT » QUI REMET EN CAUSE SA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE

Le CAS connaît une augmentation de 52,7 % de ses dépenses entre 2021 et 2022, mais celle-ci n'est pas représentative d'une tendance de long terme . En effet, cette augmentation vient presque intégralement de l'action 11, « opérations structurantes et cessions », qui est dépendante de la présence ou non d'opérations structurantes de grande ampleur une année donnée.

Cette augmentation ne doit pas masquer la baisse tendancielle des recettes du CAS . La prévision des recettes pour 2022 est de 370 millions d'euros, dont 280 millions d'euros pour les produits des cessions immobilières, et 90 millions d'euros pour les produits de redevances domaniales.

Évolution des recettes du CAS (en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Même si ces recettes sont identiques à celles inscrites dans la LFI pour 2021, elles présentent un risque important d'être inférieures en exécution . Ainsi, au 31 août 2021, le CAS comptabilise 122,2 millions d'euros de produits des cessions immobilières, ce qui rend peu probable l'atteinte de la cible des 280 millions d'euros à la fin de l'année.

Les raisons de ces recettes inférieures aux prévisions vont au-delà de la crise. En effet, les produits de cession dépendent de plus en plus fortement de la vente de biens « prestigieux » qui sont en nombre limité, et ce nombre décroit d'année en année .

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » NE REMPLIT PAS SON RÔLE DE « VECTEUR D'ORIENTATION » DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE AUX MASSES FINANCIÈRES NÉGLIGEABLES PAR RAPPORT À L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

La politique immobilière de l'État demeure éclatée et fragmentée. Le CAS n'est finalement qu'un outil minoritaire : il représente, suivant les années, de 8 % à 18 % de l'effort d'investissement de l'État sur son parc immobilier (11 % en 2019). Il ne porte par ailleurs qu'entre 4 % et 7 % des crédits dédiés à l'immobilier de l'État , et environ 10 % des moyens humains (si on considère que les moyens humains du CAS sont ceux de la direction de l'immobilier de l'État). La politique immobilière de l'État se confronte en outre à un autre problème : un déficit de compétences. Le CAS ne suffit donc plus pour porter les grands projets de l'État dans le domaine immobilier

B. UN OUTIL VIDÉ DE SA SUBSTANCE ET CONCURRENCÉ

En plus d'être marginalisé, le CAS est contourné dans ses règles mêmes de fonctionnement . Les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession. Or, certains ministères (armées, Europe et affaires étrangères pour les biens situés à l'étranger) ou projets (plateau de Saclay) disposent de dérogations . D'autres bénéficient d'avances sur cession , comme le ministère de l'Europe et des affaires étrangères (100 millions d'euros au total) ou la présidence de la République (13,3 millions d'euros en 2021).

En outre, le CAS est concurrencé . En effet, d'autres vecteurs budgétaires reprennent les objectifs du CAS. La rénovation des cités administratives est portée par le programme 348 de la mission « Transformation et fonction publiques » et la rénovation thermique des bâtiments publics fait l'objet d'une action dans le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ».

Réunie le mercredi 3 novembre 2021, sous la présidence de M. Dominique de Legge, vice-président, la commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ». Elle a confirmé son vote lors de sa réunion du jeudi 18 novembre 2021.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 94 % des réponses étaient parvenues au rapporteur spécial en ce qui concerne le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

I. UNE BAISSE TENDANCIELLE DES RECETTES DU CAS « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ETAT » QUI REMET EN CAUSE SA SOUTENABILITÉ FINANCIÈRE

A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE QUI A POUR OBJECTIF DE RATIONALISER LA GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Créé par la loi de finances pour 2006 1 ( * ) , le compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est l'instrument budgétaire de la politique immobilière de l'État . Placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État (DIE), il vise à financer les opérations de valorisation et la modernisation du parc immobilier de l'État en recourant, prioritairement, à la cession d'actifs.

Le compte d'affectation spéciale se compose de deux programmes :

- le programme 721 « Contribution des cessions immobilières au désendettement de l'État » porte la contribution du compte au désendettement de l'État. Avant que la loi de finances pour 2017 2 ( * ) ne supprime cette obligation, une fraction minimale des produits de cession (30 % à partir de 2014) devait obligatoirement être prélevée et reversée au budget général. Cependant, ce programme n'est plus abondé depuis 2018 3 ( * ) ;

- le programme 723 « Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État » porte les crédits destinés à financer les dépenses d'entretien à la charge du propriétaire, ainsi que les opérations immobilières structurantes réalisées sur le parc immobilier de l'État. Depuis 2017, ce programme intègre les dépenses d'entretien lourd, auparavant comptabilisées sur le programme 309, « Entretien des bâtiments de l'Etat », de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Seules les dépenses courantes d'entretien continuent de relever des budgets ministériels et du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Le choix d'un compte d'affectation spéciale plutôt que d'une mission ou d'un programme budgétaire ordinaire découle de la volonté de mettre en place des règles spécifiques pour la gestion du patrimoine immobilier. Ces règles ont pour objectif de promouvoir une gestion stratégique et efficace de l'immobilier de l'Etat.

Des règles de fonctionnement spécifiques au service de la rationalisation du patrimoine immobilier de l'État

Le principe de mutualisation des recettes

Les produits des cessions, qui constituent la principale ressource du compte, sont répartis à égalité entre les anciens ministères occupants et le compte d'affectation spéciale 4 ( * ) . Cette règle de gestion répond à un double objectif :

- mutualiser les recettes au profit des dépenses d'entretien du propriétaire ;

- encourager les ministères à rationaliser leurs emprises et à respecter les principes de la politique immobilière de l'État . En effet, une partie des produits issus de leurs actions de valorisation leur sont reversés.

Les règles d'engagement comptable

L'exécution des dépenses d'un compte d'affectation spéciale est conditionnée à l'obtention préalable de recettes, dont le rythme d'encaissement est souvent irrégulier , ce qui réduit les marges de manoeuvre des gestionnaires. C'est pour cette raison qu'il a été décidé, au moins pour les dépenses d'entretien , de réintroduire de la flexibilité en octroyant une enveloppe de fonds aux responsables de BOP, et ce dès le début de l'exercice budgétaire.

Ce décalage explique également que le montant des restes à payer sur le compte puisse être important ( 389,71 millions d'euros à la fin de l'année 2020 ) : certains projets nécessitent que l'ensemble des autorisations d'engagement (AE) soient mobilisées, tandis que les crédits de paiement (CP) sont débloqués progressivement. Le rythme de couverture par des CP dépend alors du projet (opération structurante ou opération d'entretien) et de son échelon géographique (ministériel ou déconcentré).

Les niveaux de couverture et l'évolution du solde des restes à payer sont, par définition, très incertains, puisqu'ils dépendent à la fois d'opérations immobilières qui elles-mêmes ne sont pas garanties, et du niveau de consommation effectif des crédits.

Source : commission des finances du Sénat

Évolution des dépenses et des recettes du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » entre 2021 et 2022

(en millions euros et en %)

2021 (LFI)

2022
(PLF)

Part de l'action
dans le programme

Évolution 2021/2022 (LFI)

Dépenses

[721] Contribution des cessions immobilières au désendettement
de l'État

0

0

-

[723] Opérations immobilières et entretien des bâtiments de l'État

AE

285

370

29,8 %

CP

275

420

52,7 %

11 - Opérations structurantes et cessions

AE

145

210

56,76 %

44,8 %

CP

110

260

61,90 %

136,4 %

12 - Contrôles règlementaires, audits, expertises et diagnostics

AE

18,7

21,9

5,92 %

17,1 %

CP

20,7

21,9

5,21 %

5,8 %

13 - Maintenance à la charge du propriétaire

AE

41

48,5

13,10 %

18,3 %

CP

46

47,5

11,31 %

3,7 %

14 - Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état

AE

80,3

89,6

24,22 %

11,6 %

CP

98,3

90,6

21,57 %

-7,8 %

Total des dépenses

AE

285

370

- 29,8 %

CP

275

420

- 52,7 %

Recettes

Produits des cessions immobilières

280

280

=

Produits de redevances domaniales

90

90

=

Total des recettes

370

370

=

Solde

105

- 50

- 147,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. UNE AUGMENTATION DES DÉPENSES EN TROMPE-L'oeIL

Dans le projet de loi de finances pour 2022, les prévisions de recettes sont stables (370 millions d'euros) par rapport à la LFI pour 2021.

En revanche, les dépenses augmentent nettement : elles passent de 275 millions d'euros l'année dernière à 420 millions , soit une progression de 52,7 %. Cette progression doit toutefois être nuancée pour trois raisons :

- le niveau de dépense reste inférieur à celui de 2020 (447 millions d'euros), qui était lui-même en diminution de 20,43 % par rapport à 2019 ;

- la quasi-totalité de cette augmentation provient de l'action 11, « opérations structurantes et cessions », dont les crédits de paiement ont été presque multipliés par 2,4 depuis 2021 ;

- les crédits rassemblés des actions 12 à 14, qui portent sur l'entretien de l'immobilier de l'État, diminuent de 3 % ;

- cette augmentation des dépenses conjuguée à une stagnation des recettes aboutit à un solde déficitaire du CAS de 50 millions d'euros alors qu'il était en excédent de 105 millions en LFI pour 2021.

L'augmentation des crédits de paiement ouverts pour le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » ne doit donc pas masquer l'attrition de ses recettes. Cela risque de présenter un danger pour la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, puisque ce déficit pourrait à terme se traduire par une contraction des dépenses.

1. Une remise en question dommageable de la sanctuarisation des dépenses d'entretien

Dans le PLF 2022, 21,57 % des crédits de paiement du CAS seraient alloués à l'action 14 « Gros entretien, réhabilitation, mise en conformité et remise en état » . Il s'agit d'une diminution importante par rapport à 2021, où ce taux était de 35 %. L'action connaît également une baisse en valeur sur les deux années, passant de 98,3 à 90,6 millions d'euros.

Le rapporteur spécial regrette vivement la diminution de ces dépenses . La cible de 30 % de crédits consacrés à l'action était un seuil pertinent pour éviter la dépréciation des biens et pour continuer de valoriser le patrimoine immobilier de l'État.

La direction de l'immobilier de l'Etat s'était également fixée comme cible de maintenir l'ensemble des dépenses d'entretien du propriétaire (c'est-à-dire les actions 12 à 14 du programme 723) au niveau de 160 millions d'euros.

En 2021 ces actions disposaient de suffisamment de crédits (165 millions d'euros) pour que cet objectif soit rempli, à condition que quasiment tous les crédits ouverts soient consommés. Sachant qu'au 30 août 2021 environ 60 % des crédits ont été consommés, il n'est pas encore possible de dire si la cible des 160 millions d'euros sera atteinte.

En 2022, la marge de manoeuvre est encore réduite puisque les actions 12 à 14 disposent exactement de 160 millions d'euros de crédits. À ce titre, il faut relever que le programme a connu plusieurs sous-exécutions notables des crédits de paiement hors période de crise, avec par exemple un écart de dépense par rapport à la LFI de - 17,4 % en 2018 et de - 20,12 % en 2019. L'exécution cette année des crédits est donc loin d'être une garantie.

Il apparaît ainsi que l'objectif des 160 millions d'euros ressemble davantage à une limite formelle qu'à une véritable sanctuarisation des dépenses d'entretien.

Le rapporteur spécial tient à rappeler l'importance, au-delà des projets structurants, des plus petits projets ou opérations d'entretien . Ce sont tous ces projets qui permettent une gestion efficace du parc immobilier et, d'un point de vue budgétaire, ils sont utiles pour éviter des dépenses futures et bien plus lourdes.

Ces projets de moindre envergure ne requièrent pas moins un haut de niveau de technicité. Pour cela, il est impératif de disposer des compétences nécessaires . Or, dans les ministères, ce sont très souvent des personnels non spécialisés qui s'occupent de cette fonction support. Le coût supplémentaire que représenterait cette professionnalisation serait très certainement plus que compensé par les améliorations ainsi permises en termes de gestion et d'entretien du parc.

Un indicateur de performance relatif à l'effort d'entretien du parc immobilier par l'État propriétaire est présenté depuis 2019 dans le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État (PIE). Il calcule ce taux d'entretien en rapportant, par mètre carré de surface utile brute, les dépenses immobilières de gros entretien-renouvellement consacrées au parc immobilier de l'État.

Le rapporteur spécial regrette de voir ce taux d'effort stagner voire diminuer (31,40 euros en 2020, contre 30 euros estimés pour 2021), alors même que les dépenses d'entretien sont primordiales à la valorisation du patrimoine immobilier de l'État . Il est par ailleurs dommageable que l'indicateur ne retienne pas d'éléments de comparaison sur ce taux d'effort ou d'indicateur d'efficacité de ces dépenses.

2. Les opérations structurantes gonflent les dépenses du CAS sans être révélatrices d'une tendance de long terme, en raison d'un solde déficitaire

L'action 11, « opérations structurantes et cessions », a progressé de 44,8 % en autorisations d'engagement et de 136,4 % en crédits de paiement. Cette progression explique quasiment à elle seule l'augmentation des dépenses de l'ensemble du CAS. Pour autant, elle ne révèle pas une montée en puissance durable du programme 723, mais un effet de conjoncture.

Les « opérations structurantes » désignent l'ensemble des travaux qui visent, à travers des modifications structurelles, à améliorer le potentiel de service. Concrètement, il s'agit principalement des travaux de remise à neuf, de restructuration et d'agrandissement. L'action inclut également les frais accessoires directement à la cession d'un bien, comme l'organisation matérielle ou les expertises techniques. Les principales opérations structurantes pour l'année à venir sont publiées tous les ans dans les documents budgétaires.

Les principales opérations structurantes prévues pour 2022

Les principales opérations à financer sur l'action 11 « opérations structurantes et cessions » en autorisations d'engagement, un préalable nécessaire au déblocage des crédits de paiement, seraient les suivantes :

- 56,4 millions d'euros pour le projet Quai d'Orsay XXI du ministère de l'Europe et des affaires étrangères ;

- 30 millions d'euros pour les opérations immobilières de Saclay par le ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation ;

- 29,3 millions d'euros pour le projet de Saint-Mandé mené par le ministère de la transition écologique ;

- 16 millions d'euros pour la poursuite du projet de la cité du renseignement par le ministère de l'intérieur.

Source : documents budgétaires

Les quatre principales opérations structurantes pour 2022 aboutissent à un montant de 131,7 millions d'euros en autorisations d'engagement. Ce chiffre est à mettre en comparaison avec les dépenses relatives aux quatre premières opérations structurantes de 2021, qui étaient évaluées à 40,3 millions d'euros, soit un niveau inférieur de près de 70 % par rapport à 2022.

Même si tous les crédits de paiement concernant ces opérations ne seront pas nécessairement débloqués en 2022, le cumul de ces autorisations d'engagement montre qu'une partie significative de la progression de l'action 11 vient de ces opérations structurantes « majeures ».

Il n'est bien entendu pas question de remettre en cause l'opportunité de ces travaux, qui sont nécessaires pour la préservation du patrimoine immobilier de l'Etat. Il s'agit pour le rapporteur spécial de souligner que la progression des dépenses associées aux opérations structurantes cette année n'est pas nécessairement représentative d'une tendance de long terme d'augmentation des capacités d'action du CAS.

Plus inquiétant encore : l'évolution des dépenses du CAS dépend étroitement du dynamisme des recettes. Or il est prévu que celles-ci stagnent en 2022 à 370 millions, ce qui a pour conséquence que le CAS se retrouve en déficit de 50 millions d'euros.

Sur le moyen et long terme, le dynamisme du CAS se retrouve ainsi limité, ce qui est par ailleurs écrit explicitement dans les documents budgétaires : « Les projets immobiliers structurants étant financés en tout ou partie par les produits de cessions encaissés, le montant d'AE engagées suit la tendance des encaissements de recettes de cessions, qui stagne depuis trois ans (hors encaissements exceptionnels de produit de cession). »

Ce sont pourtant les recettes qui conditionnent les dépenses visant à valoriser le parc immobilier de l'État, en vue notamment de faciliter les cessions. Un cercle vicieux pourrait donc s'installer entre chute des recettes et dégradation de l'état du parc immobilier de l'État.

C. UNE TRAJECTOIRE DE RECETTES INQUIÉTANTE

1. L'effet conjoncturel de la crise sanitaire et économique liée à l'épidémie de covid-19 ne fait qu'accentuer la tendance structurelle de la diminution des ressources du CAS

La prévision des recettes pour 2022 est de 370 millions d'euros, dont 280 millions d'euros pour les produits des cessions immobilières, et 90 millions d'euros pour les produits de redevances domaniales. Ces sommes sont identiques à celles inscrites dans la LFI pour 2021.

Évolution des recettes du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État »

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Toutefois, les chiffres de l'exécution révèlent des recettes nettement inférieures aux prévisions. En 2020, les produits de cession ne furent que de 157 millions d'euros. Au 31 août 2021, le CAS comptabilise en recettes 206,7 millions d'euros, dont 122,2 millions d'euros de produits des cessions immobilières et de pénalités de cessions immobilières. Au 1 er juillet, le produit des cessions envisagées pour le reste de l'année était de 104 millions d'euros. Pour ces raisons, une réponse au questionnaire budgétaire indique que : « les montants prévisionnels de cessions attendus sur la fin de l'année ne permettront probablement pas l'atteinte de l'objectif de cessions fixé en loi de finances initiale ».

Le rapporteur spécial soutient que, même si la crise sanitaire a joué un rôle dans cette contraction des recettes, elle ne saurait l'expliquer à elle seule.

Certes, la crise sanitaire a eu des effets notables sur les recettes du CAS. Des projets de cessions ont en effet été suspendus, voire annulés, du fait de la crise économique et sanitaire. De plus, et le rapporteur spécial considère que c'est légitime, la partie « cessions immobilières » ne faisait pas partie des activités jugées prioritaires par la direction générale des finances publiques (DGFiP) dans le plan de continuité d'activité qu'elle avait mis en place durant le confinement.

La LFR III de 2020 a tenté de prendre en compte ces effets, en diminuant la prévision du produit de cessions de 60 millions d'euros et celle du produit des redevances domaniales de 10 millions d'euros (estimations qui se sont révélées trop optimistes au regard du montant réel des recettes en 2020).

D'une manière générale, c'est seulement lors des prochains exercices que l'on pourra constater les effets de la crise sur la valorisation du patrimoine immobilier de l'État, que ce soit lors d'une cession ou lors du recours à une autre modalité de valorisation (ex. location longue durée). Il faudra à la fois tenir compte du décalage de certains projets, des effets de rattrapage, mais aussi de l'impact différencié selon les territoires, par exemple entre une zone tendue et une zone non-tendue ou selon le type de biens.

Malgré tout cela, il ne faut pas surestimer les effets de la crise. À ce titre, une réponse au questionnaire budgétaire indique : « les restrictions gouvernementales appliquées fin 2020 et début 2021 semblent avoir eu un peu moins d'impact sur les cessions immobilières de l'État que ce qui a pu être observé lors du premier confinement de 2020. On observe un début d'année 2021 soutenu en termes de volume de ventes . » Le rapporteur spécial constate ainsi que la baisse des recettes du CAS va au-delà de la crise, et révèle une tendance structurelle.

Les produits de cession dépendent en effet de plus en plus fortement de la vente de biens « prestigieux ». En 2019, sur les 613 millions d'euros encaissés par le CAS au titre des produits de cession, sur les 704 biens cédés cette même année 70 % provenaient de la vente de deux biens (l'îlot Saint-Germain pour 368 millions d'euros et l'hôtel de Seignelay pour 61 millions d'euros). Si la majorité des biens vendus sont, en volume, des terrains, les bureaux représentent une part prépondérante des biens cédés en valeur (75 % en 2019).

Produits des cessions « socle » et « exceptionnelles » 5 ( * )
entre 2014 et 2019

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après l'avis du Conseil de l'immobilier de l'État sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État (février 2020)

Or les biens susceptibles de faire l'objet d'une « cession exceptionnelle » sont en nombre limité. Ils ne peuvent donc pas être considérés comme une ressource pérenne pour le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

2. Les dispositifs de gestion des recettes n'ont pas permis d'enrayer leur chute, voire l'ont aggravée

Pour pallier la diminution structurelle des produits de cession, le CAS bénéficie depuis 2017 d'une partie des redevances domaniales ou des loyers perçus par l'État . Ces redevances proviennent des concessions ou des autorisations de toute nature de la compétence du représentant du ministre chargé du budget dans le département, des concessions de logement dont l'État est propriétaire ou locataire et des locations d'immeubles de son domaine privé, ainsi que des redevances et loyers du domaine public et privé dont le ministre des armées est le gestionnaire.

Afin d'assurer la durabilité de cette ressource, la direction de l'immobilier de l'État (DIE) avait expliqué au rapporteur spécial en 2020 s'être engagée dans une « politique de dynamisation des redevances », de manière à continuer à valoriser le parc de l'État et d'assurer une ressource pérenne au CAS.

Prévues à l'origine pour compenser l'intégration des dépenses du programme 309 « Entretien des bâtiments de l'État » au sein du compte d'affectation spéciale, ces ressources sont devenues structurellement indispensables au compte. Elles représentent une part stabilisante des recettes du CAS . Toutefois, avec un montant proche d'un quart de l'ensemble des recettes du CAS, elles ne seront pas suffisantes pour assurer la pérennité du modèle du compte d'affectation spéciale . La « dynamisation des redevances » se fait, à l'heure actuelle, encore attendre.

Les recettes des produits de cession peuvent par ailleurs être affectées par le système de décote qui s'applique sur la cession de certains biens du patrimoine immobilier de l'État. Entre 2013 et 2019, ce système a représenté, pour l'État, un effort financier de 228 millions d'euros , pour la construction de 11 000 logements, dont 8 200 logements sociaux.

Le système de la décote sur les cessions des biens de l'État

Ce système comprend en réalité deux mécanismes :

- aux termes de l'article 95 de la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, l'État peut céder un terrain de son domaine privé, bâti ou non, pour un prix inférieur à sa valeur vénale afin de favoriser la production de logements. La part de la décote, qui peut atteindre l'intégralité de la valeur vénale du bien, est négociée de gré à gré ;

- à ce principe général s'ajoute une décote « de droit ». En effet, conformément au dispositif dit de « décote Duflot », introduit par la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, des personnes morales peuvent bénéficier de la décote sur certains terrains éligibles, à condition qu'y soient réalisés des programmes de construction de logements sociaux.

Source : Cour des comptes, réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial

Comme l'illustre le graphique ci-dessous, l'effort financier de l'État est très variable d'une année sur l'autre. Sur le premier semestre 2020, il y a eu deux cessions avec décote.

Évolution du montant annuel de décote et du nombre d'opérations
soumises à décote entre 2013 et 2019

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La forte variation du taux annuel moyen de décote s'explique , selon les informations transmises au rapporteur spécial, par les caractéristiques mêmes des opérations réalisées dans l'année , par exemple la valeur du bien, la mixité sociale du projet, les facteurs de renchérissement du coût de construction ou encore la zone géographique.

Avant son plafonnement, la décote pouvait aller jusqu'à 100 % 6 ( * ) du prix du bien, par exemple pour une opération avec 100 % de logements en prêt locatif aidé d'intégration en zone tendue. Le montant de décote annuel tend toutefois à diminuer 7 ( * ) .

Pour limiter le coût pour l'État et le détournement de cette procédure, le Parlement a voté en 2019 8 ( * ) un mécanisme de plafonnement, précisé par décret 9 ( * ) , et soutenu par le rapporteur spécial . La commission des finances est en effet chaque année très réservée sur ce système et sur son efficacité réelle pour la politique du logement social, d'autant que cela revient à priver le CAS de recettes au profit d'une politique publique qu'il n'est pas supposé porter .

II. LE COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « GESTION DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT » NE REMPLIT PAS SON RÔLE DE « VECTEUR D'ORIENTATION » DE LA POLITIQUE IMMOBILIÈRE DE L'ÉTAT

D'après les documents budgétaires, le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » est censé être le « vecteur budgétaire d'orientation » de la politique de l'immobilier de l'État . Son rôle devait être de donner une impulsion et une unité à une politique particulièrement fragmentée.

Le rapporteur spécial regrette depuis de nombreuses années que la politique immobilière de l'État soit si éclatée et aussi peu lisible . En effet, une soixantaine de programmes concourent à cette politique, même si tous ne sont pas dotés de crédits . En outre, la conception traditionnelle de la politique de l'immobilier de l'État est de l'aborder « ministère par ministère », ce qui ne permet pas de saisir les enjeux et les défis communs qui se posent à l'État propriétaire .

Face à ce constat, le CAS devait servir de support à l'exercice d'une approche plus globale de la politique de l'immobilier de l'État. Avec la création de la direction de l'immobilier de l'État, il avait pour mission de permettre de faire de l'immobilier non plus seulement une fonction support mais un outil stratégique, au service de l'adaptation de l'État aux enjeux contemporains.

La politique immobilière de l'État et la direction de l'immobilier de l'État

Créée en 2007 pour faire de l'immobilier non plus une simple fonction support mais un aspect fondamental de la réponse de l'État à ses enjeux stratégiques et financiers, la politique immobilière de l'État (PIE) s'articule autour de quatre principes :

- une distinction entre l'État propriétaire, représenté par la direction de l'immobilier de l'État (DIE) et les ministères occupants ;

- un modèle de financement reposant sur les produits de cessions et, de plus en plus, sur les redevances domaniales ;

- un vecteur budgétaire, le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » ;

- un ensemble de principes destinés à rationaliser les décisions prises en matière de politique immobilière et à guider les ministères et services occupants dans leurs décisions : densification des espaces, gestion performante et valorisation des emprises, accessibilité, participation à la transition écologique, amélioration des conditions de travail des agents.

L'objectif affirmé est de faire passer l'immobilier d'une simple fonction support à un outil stratégique, qui peut être mobilisé pour répondre aux défis de l'Etat.

La direction de l'immobilier de l'Etat (DIE) constitue la branche opérationnelle de cette politique . Pour l'exercice de ses missions, la DIE peut s'appuyer sur son réseau au sein des directions départementales et régionales des finances publiques.

Source : rapport d'activité de la direction de l'immobilier de l'État pour 2020

Cependant, il faut constater à regret que le CAS ne remplit pas ce rôle d'impulsion stratégique . Son examen lors du projet de loi de finances ne parvient qu'à donner image incomplète et sans réelle valeur de la politique immobilière de l'État . Dès lors, on ne peut que se poser la question de l'utilité du CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat », et par là de sa raison d'être.

Cette remise en cause du CAS n'était toutefois pas inéluctable, mais résulte à la fois d'un sous-dimensionnement chronique au regard des enjeux de l'immobilier de l'Etat, et d'un dépouillement progressif de tout ce qui en faisait sa spécificité.

A. UN COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE AUX MASSES FINANCIÈRES NÉGLIGEABLES PAR RAPPORT À L'ENSEMBLE DU PATRIMOINE IMMOBILIER DE L'ÉTAT

Comme la commission des finances le constate depuis plusieurs années, les moyens du CAS pour mener la politique immobilière de l'État sont très limités au regard du parc immobilier de l'État.

Au 31 décembre 2020, la surface totale des bâtiments de l'État 10 ( * ) , des opérateurs et des établissements publics nationaux était de 94,3 millions de mètres carrés (en surface utile brute), contre 97 millions de mètres carrés à la fin de l'année 2019. Cette diminution résulte majoritairement, selon la DIE, d'un inventaire des travaux relatifs aux mesurages de surface.

La valeur comptable de ce patrimoine immobilier est estimée à 65,7 milliards d'euros , soit une hausse notable par rapport à la fin de l'année 2019 (+ 2,5 milliards d'euros, soit + 3,8 %).

Cette hausse s'explique moins par l'augmentation de la surface que par des réévaluations du patrimoine (hausse du marché immobilier ou correction d'évaluations initiales) 11 ( * ) . Un autre facteur important est que l'année 2020 a marqué l'aboutissement de travaux de fiabilisation engagés par la DIE pour rattacher à l'inventaire immobilier de l'État des travaux immobilisés qui figuraient dans le compte général de l'État, mais sans être présent dans l'inventaire. Ces travaux ont abouti à une augmentation du patrimoine de 1,7 milliard d'euros.

Au total, l'État, ses opérateurs et les établissements publics nationaux disposeraient à la fin de l'année 2020 de près de 191 500 immeubles, en augmentation de 500 par rapport à la fin de l'année 2019 .

Le rapporteur spécial souligne que, au regard de ce patrimoine très conséquent, le CAS « Gestion du patrimoine de l'immobilier de l'État » n'apparaît que comme un outil minoritaire, un instrument d'appoint pour la politique immobilière de l'État .

Ainsi, selon le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale ne représente qu'entre 4 et 7 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier et environ 10 % des moyens humains (si on considère que les moyens humains du CAS sont ceux de la DIE).

B. UN OUTIL VIDÉ DE SA SUBSTANCE ET CONCURRENCÉ

1. Le CAS est contourné dans ses règles

Les entités ou ministères occupants ne sont censés pouvoir exercer leurs droits de tirage sur le CAS qu'en contrepartie de la mutualisation de produits de cession . Il est cependant parfois choisi, en accord avec les ministères concernés et le ministère du budget, de ne pas mutualiser tous les produits de cession , par exemple pour le plateau de Saclay, pour les immeubles domaniaux occupés par le ministère des armées ou encore pour les immeubles domaniaux du ministère de l'Europe et des affaires étrangères situés à l'étranger, et ce jusqu'au 31 décembre 2025.

Le deuxième processus conduisant à contourner les règles du CAS résulte de l'octroi d'avances . En effet, le montant des avances consenties par le CAS pourrait s'élever à 370 millions d'euros d'ici la fin de l'année 2021 .

Ce montant devient non seulement très élevé, mais impossible à couvrir par un versement du budget général . Ce versement constituait en quelque sorte la « bouée de sauvetage » du mécanisme des avances, par exemple si un ministère se révélait incapable de concrétiser la ou les cessions sur lesquelles il s'était engagé pour financer son projet. Or, la contribution du budget général au CAS est limitée à 10 % des crédits ouverts en loi de finances initiale.

Pour que la capacité de financement du CAS ne soit pas totalement préemptée par ces avances, le rapporteur spécial estime que ce mécanisme de préfinancement devrait être mieux encadré et documenté , notamment sur les conditions de « rétrocession » des avances. Si en effet les avances n'ont pas d'impact sur la soutenabilité du CAS, les dépenses s'appuyant toujours sur des recettes équivalentes, elles peuvent affecter la capacité du CAS à débloquer ces crédits pour d'autres ministères que ceux bénéficiant de ces avances 12 ( * ) .

2. D'autres vecteurs budgétaires reprennent les objectifs du CAS

Les recettes du CAS sont loin d'être suffisantes pour couvrir l'ensemble des besoins du parc immobilier de l'État . Ses principes de fonctionnement font également obstacle au lancement, par ce vecteur budgétaire historique, de grands projets structurels pour le patrimoine immobilier de l'État. Le Gouvernement a donc procédé par d'autres moyens, comme l'illustrent le programme 348 et le plan de relance.

a) Le programme 348 « Rénovation des cités administratives et des sites multi-occupants » de la mission « Transformation et fonction publique »

La direction de l'immobilier de l'État est responsable du programme 348 « rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » de la mission « Transformation et fonction publiques ».

Ce grand plan de rénovation, dédié spécifiquement aux cités administratives et sites domaniaux multi-occupants est doté d'un milliard d'euros sur cinq ans (2018-2022) pour financer des opérations permettant de réduire la consommation énergétique de ces bâtiments et lutter contre leur obsolescence .

D'après les informations transmises au rapporteur spécial, le choix de recourir à un programme indépendant du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » s'explique par les contraintes fortes pesant sur l'ouverture de crédits sur le CAS . Pour rappel, les dépenses ne sont normalement engagées qu'à hauteur des recettes issues des produits de cession et des redevances domaniales. Elles seraient alors trop faibles pour pouvoir financer un plan d'une telle envergure sur cinq ans, sauf à accepter de rénover les cités administratives au détriment de tous les autres bâtiments du parc immobilier de l'État.

Le recours à un programme séparé et attaché à une autre mission montre que les grandes opérations structurantes ont de plus en plus vocation à être financées en dehors du vecteur budgétaire historique de la politique immobilière de l'État , renforçant ainsi son éclatement.

b) L'action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance »

Dans le cadre de la mission « Plan du relance », qui a été introduite dans le projet de loi de finances pour 2021, une nouvelle action a été créée pour porter un plan de plus de 6,29 milliards d'euros pour la rénovation énergétique, dont 4 milliards d'euros pour celle des bâtiments publics (action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie »). En 2021, 2,86 milliards de crédits de paiement ont été ouverts sur cette action.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, l'action comprend 1,51 milliard de crédits de paiement.

Cette action est indépendante du programme 348, même si les méthodes et les objectifs sont quasi-similaires . Le programme 348 a été très rapidement contraint par le niveau des crédits qui lui avaient été octroyés et qui lui permettaient finalement de ne couvrir qu'une quarantaine de bâtiments, soit une part infime des plus de 190 000 bâtiments contrôlés par l'État.

Le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » n'est donc ni nécessaire ni suffisant pour porter les grands projets immobiliers de l'État . Fragilisé, il n'est plus un instrument incontournable pour porter les priorités de la politique immobilière de l'État.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 3 novembre 2021, sous la présidence de M. Dominique de Legge, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Albéric de Montgolfier, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial pour le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » . - Je conclurai avec le CAS « Gestion du patrimoine immobilier de l'État », dont on se rend bien compte qu'il n'est pas le gestionnaire de la politique immobilière de l'État.

Les dépenses augmentent nettement : elles passent de 275 millions d'euros en 2021 à 420 millions en 2022. Je soutiens toutefois que cette augmentation est en réalité une augmentation en « trompe-l'oeil », au sens où elle ne représente pas une progression durable de la capacité d'action du compte d'affectation spéciale.

La première raison est que cette augmentation des dépenses est entièrement concentrée sur les opérations structurantes. Les dépenses d'entretien diminuent par rapport à l'année dernière, passant de 165 à 160 millions d'euros, ce que je regrette vivement.

La deuxième raison est que l'augmentation des dépenses n'est pas suivie par celle des recettes. Les recettes prévues restent au niveau de celles de l'année dernière, c'est-à-dire à 370 millions d'euros. Il en résulte un déficit du CAS de 50 millions d'euros. Or ce sont pourtant les recettes qui conditionnent les dépenses visant à valoriser le parc immobilier de l'État, en vue notamment de faciliter les cessions. Un cercle vicieux est donc en train de s'installer entre chute des recettes et dégradation de l'état du parc immobilier de l'État.

Les recettes ont baissé cette année, pour s'établir à 121 millions d'euros, et la pandémie n'explique pas toute cette baisse. Les produits de cession dépendent en effet pour une part de plus en plus grande de la vente de biens « prestigieux ». Or les biens susceptibles de faire l'objet d'une « cession exceptionnelle » sont en nombre limité.

Ensuite, ce CAS ne recouvre qu'une faible partie des dépenses immobilières de l'État. Selon le document de politique transversale relatif à la politique immobilière de l'État, le compte d'affectation spéciale ne représente ainsi qu'entre 4 et 7 % des crédits de l'État consacrés à l'immobilier et environ 10 % des moyens humains. Il faut souligner en outre que le CAS est contourné à la fois dans ses règles et dans ses objectifs.

Qui s'intéresse au sujet ne peut que constater l'absence de toute politique immobilière de l'État, mais des actions au coup par coup - avec les errements que l'on sait, comme l'opération de l'Imprimerie nationale il y a quelques années. La participation au Conseil de l'immobilier de l'État est à cet égard un exercice bien déprimant... Je suis donc très réservé sur ce CAS.

M. Antoine Lefèvre . - Où en est la cession des 290 hectares du domaine national de Paris-Grignon à la Cogedim ?

Mme Christine Lavarde . - Je vous confirme que la participation au Conseil de l'immobilier de l'État laisse une impression de parfaite inutilité, les dossiers qu'on y critique reviennent inchangés, le schéma pluriannuel s'améliore à peine, les dossiers se succèdent sans cohérence, ni ligne directrice. Alors que, suite à la pandémie, les entreprises réfléchissent à l'adaptation de leurs locaux, côté État, on dépense beaucoup, mais sans stratégie ni réflexion aucune - ce qui n'empêche pas de se payer de mots pompeux à chaque réunion...

M. Albéric de Montgolfier , rapporteur spécial . - L'État continue à louer des locaux à des prix très élevés, sans définir de stratégie ni de politique immobilières. La vente du domaine national de Grignon a été mal engagée dès le départ, il faut dire que le ministère de l'agriculture compte parmi les plus mauvais opérateurs, on l'a vu autoriser l'Office national des forêts (ONF) à céder les maisons forestières pourtant très utiles, on constate aussi qu'il ne sait pas gérer le potager du roi à Versailles, ni le domaine de Rambouillet... Des contentieux sont en cours à Grignon et le projet initial me paraît bien compromis.

La commission a décidé de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 18 novembre 2021, la commission a confirmé sa décision de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Gestion du patrimoine immobilier de l'État ».

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2022.html


* 1 Article 47 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 2 Article 42 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

* 3 Il ne peut pas être supprimé, car l'article 21 de la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) impose qu'un compte d'affectation spéciale comporte au moins deux programmes.

* 4 Il existe plusieurs exceptions à ce principe général.

* 5 La DIE considère que les cessions supérieures à 25 millions d'euros relèvent de la catégorie des cessions « exceptionnelles ».

* 6 Suite à la loi n° 2013-61 du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, la décote avait en effet été déplafonnée. Elle pouvait désormais représenter jusqu'à la totalité de la valeur vénale du bien contre 35 % auparavant.

* 7 Le pic constaté en 2018 provient en grande partie d'une décote là aussi « exceptionnelle », de 56,7 millions d'euros sur une partie de l'îlot Saint-Germain.

* 8 Article 274 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 9 Décret n° 2019-1460 du 26 décembre 2019 relatif au plafonnement de la décote prévue à l'article L. 3211-7 du code général de la propriété des personnes publiques.

* 10 Comme le précise la DIE dans les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial, les biens valorisés au bilan de l'État ne correspondent pas strictement au périmètre des biens dont l'État est propriétaire, mais plus largement aux biens dont il a le contrôle. Il peut donc y avoir des biens domaniaux non contrôlés par l'État, s'ils ont par exemple été confiés aux opérateurs, et il y a des biens non domaniaux contrôlés par l'État, par exemple les biens des collectivités territoriales mis à disposition de l'État de manière permanente.

* 11 Pour donner des exemples, d'après la réponse au questionnaire budgétaire, le site de l'ambassade à Tokyo a été réévalué de 94 millions d'euros, et le site de la « Grande Arche » à Paris a gagné 80 milliards d'euros.

* 12 Dans l'hypothèse par exemple où les avances seraient équivalentes à la totalité des dépenses pouvant être ouvertes en année n sur le CAS.

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