E. L'ACTION 05 « CULTURE » : PLUS QUE DES MESURES DE RELANCE, UN SOUTIEN À UN SECTEUR ENCORE MENACÉ PAR LES CONSÉQUENCES DE LA CRISE SANITAIRE

Dédiée à la culture, l' action 05 du programme « Compétitivité » était dotée de 1,6 milliard d'euros en AE et 1,094 milliard d'euros en CP en loi de finances pour 2021.

Cinq priorités structurent l'action :

- investir en faveur des patrimoines et pour l'emploi (614 millions d'euros en AE et 344,7 millions d'euros en CP) ;

- inciter à la consolidation et à la modernisation des filières stratégiques fragilisées par la crise (428 millions d'euros en AE et 329,5 millions d'euros en CP) ;

- favoriser le renouveau du modèle de création et de diffusion artistique (426 millions d'euros en AE et 319,9 millions d'euros en CP) ;

- soutenir l'emploi artistique, redynamiser la jeune création et moderniser le réseau des établissements d'enseignement supérieur de la culture (113 millions d'euros en AE et 83 millions d'euros en CP) ;

- mettre en oeuvre une stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives (19 millions d'euros en AE et 17,5 millions d'euros en CP).

L'état d'exécution de cette action au 1 er octobre 2021 s'élevait à 1,063 milliard d'euros en autorisations d'engagement, soit 66,4 % des crédits prévus en loi de finances initiale , et de 849,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit 77,6 % des sommes dégagées en début d'exercice.

Le projet de loi de finances pour 2022 prévoit une ouverture de crédits de 463,4 millions d'euros en crédits de paiement, aucune nouvelle autorisation d'engagement n'étant demandée.

Priorités de l'action 05 « Culture »

(en millions d'euros)

LFI 2021

PLF 2022

AE

CP

AE

CP

Plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines dans les territoires et pour l'emploi

614

344,7

227,3

Soutien aux opérateurs patrimoniaux

334

231,7

102,3

Accélération du chantier de restauration de Villers-Cotterêts

100

43

60

Réinvestissement dans les monuments nationaux relevant du Centre des monuments nationaux

40

20

Plan « cathédrales »

80

30

40

Soutien aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques n'appartenant pas à l'État

40

10

15

Réinvestissement dans les autres équipements patrimoniaux appartenant aux collectivités territoriales

20

10

10

Consolidation et modernisation des filières stratégiques en termes de souveraineté culturelle lourdement impactées par la crise

428

329,5

98,5

Soutien de la filière cinéma et audiovisuel

165

165

Soutien de la filière presse

140

70

70

Aide au secteur de l'audiovisuel public

70

65

5

Plan filière livre

53

29,5

23,5

Renouveau et reconquête de notre modèle de création et de diffusion artistique

426

319,9

106,1

Soutien de la filière musicale

200

170

30

Soutien aux opérateurs nationaux

126

81,9

44,1

Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (musique)

30

23

7

Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (théâtre, arts de la rue, danse, cirque)

30

20

10

Fonds de transition écologique pour les institutions de la création en région sur deux ans

20

10

10

Soutien au théâtre privé

10

10

Majoration de la dotation budgétaire du Centre national de la musique

10

5

5

Effort spécifique pour soutenir l'emploi artistique, redynamiser la jeune création et la modernisation des réseaux d'enseignement supérieur de la culture

113

83

Rénovation du réseau des écoles de l'enseignement supérieur culturel et modernisation de leur outil pédagogique

70

50

20

Programme de commande publique dans les domaines de la littérature, des arts visuels et du spectacle vivant

30

20

10

Soutien aux artistes fragilisés par la crise et non pris en charge par les dispositifs transversaux

13

13

Stratégie d'avenir pour l'ensemble des industries culturelles et créatives

19

17,5

1,5

Renforcement des capacités de garantie de l'IFCIC

14

14

Quartiers culturels créatifs

3

1,5

1,5

Découvrabilité numérique

2

2

Total

1 600

1 094,6

463,4

Source : commission des finances du Sénat

1. Une consommation des crédits en large partie tirée par les subventions versées aux opérateurs

Quatre dispositifs sont fléchés, au sein de l'action 05, vers le réarmement budgétaire des opérateurs des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » : salles de spectacles, établissements patrimoniaux, Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) et Centre national de la musique (CNM) et sociétés de l'audiovisuel public.

Le montant total des crédits dédiés s'élevait ainsi en 2021 à 603 millions d'euros en AE (37,7 % des AE demandées au sein de l'action 05) et 446,6 millions d'euros en CP (40,8 % des CP demandés). Un financement de 10 millions d'euros (AE = CP) avait également été accordé à l'Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP).

Comme l'avait relevé le rapporteur spécial lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2021, ces crédits paraient à une situation d'urgence et palliaient avant tout une perte de recettes liée à la fermeture de ces établissements. Ils ne constituaient pas de réelles mesures en faveur d'une relance du secteur. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que ces dispositifs de soutien présentent des taux de consommation importants.

Taux de consommation des crédits dédiés aux opérateurs des missions « Culture » et « Médias, livre et industries culturelles » au 1 er octobre 2021

(en millions d'euros)

AE

Taux de consommation

CP

Taux de consommation

Opérateurs du patrimoine

287,2

86,0 %

240,7

103,9 %

Opérateurs de la création

74,9

59,5 %

74,9

91,5 %

Centre national du cinéma

165

100 %

165

100 %

Centre national de la musique

175

100 %

175

100 %

Sociétés de l'audiovisuel public

68

100 %

68

100 %

Association pour le soutien au théâtre privé

10

100 %

10

100 %

Total

780,1

88,8 %

733,6

99,7 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données Chorus

Le cas du Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), qui s'est vu affecter 165 millions d'euros (AE = CP) en 2021 est assez révélateur. Une partie des crédits avait été avancée par le CNC au cours de l'exercice 2020 en vue d'aider les différents acteurs de la filière (63 millions d'euros environ). La dotation du plan de relance visait également à combler les pertes de recettes fiscales enregistrées par le CNC (60 millions d'euros). Au final, le plan de relance a permis au CNC d' assumer un rôle contracyclique en élargissant sa capacité d'intervention. Il s'agit néanmoins bien plus de mesures d'urgence que de mesures de relance à proprement dit.

2. Une exécution 2021 pour partie marquée par la poursuite de la crise sanitaire

La consommation des crédits du plan de relance dédiés aux opérateurs du ministère de la culture ne saurait pour autant occulter les difficultés à mettre en oeuvre d'autres dispositifs axés sur le soutien aux structures artistiques.

La fermeture des salles et leur réouverture progressive ont notamment ralenti la mise en place des mécanismes d'aide à la programmation musicale en région. Si 691 subventions ont pu être versées, le taux d'exécution atteignait seulement 52 % en AE et 50 % en CP au 28 septembre dernier.

Par ailleurs, si le Centre national de la musique a perçu 170 millions d'euros au titre du soutien à la filière musicale en 2021 et devrait percevoir 30 millions d'euros à ce titre en 2022, conformément à la répartition retenue en loi de finances pour 2021, la poursuite de la crise l'a conduit à décaler le reversement de ces sommes aux professionnels. Une trentaine de millions d'euros ont ainsi pu seulement être décaissés en 2021.

À l'inverse, les crédits dédiés aux mesures de soutien direct aux artistes - dont l'intégration au sein des mesures de relance peut être sujette à débat - ont, compte tenu de la poursuite de la crise, été largement consommés. 7 millions d'euros étaient ainsi mobilisés pour abonder le fonds d'urgence spécifique de solidarité pour les artistes et les techniciens du spectacle vivant et enregistré (FUSSAT) et 6 millions d'euros étaient consacrés au soutien des artistes fragilisés dans le domaine des arts visuels. Le taux d'exécution atteignait 94 % en AE et 93 % en CP.

3. Des crédits non utilisés en raison de procédures plus longues que prévues

Le Gouvernement a souhaité consacrer 30 millions d'euros sur 2021 et 2022 à un programme de soutien à la conception et à la réalisation de projets artistiques visant en particulier les jeunes créateurs. Ce programme de commande publique a pris la forme d'un appel à manifestation d'intérêt (AMI). La phase de candidature et de sélection des artistes a pris fin le 22 août 2021. La notification des projets était en cours de finalisation début octobre 2021. Il n'est pas étonnant, dans ces conditions, que le taux d'exécution de cette enveloppe soit pour l'instant proche de 0 % en AE et CP. Les phases de réalisation des oeuvres et de leur présentation au public devraient intervenir d'ici décembre 2022.

La mise en place d'un fonds de transition écologique visant les bâtiments des structures de spectacle vivant subventionnées en région (institutions labellisées et réseaux de théâtre, danse, arts de la rue et cirque, ensembles, opéras, orchestres et festivals) témoigne également d'un décalage entre les annonces et leur réalisation . Cette enveloppe (20 millions d'euros en AE et 10 millions d'euros en CP en 2021) a été répartie entre les directions régionales des affaires culturelles, après examen des projets d'investissements proposés. Cette phase de sélection a débouché sur un retard en matière de consommation de CP. Ainsi, au 28 septembre dernier, le taux d'exécution atteignait 16 % en CP et 49 % en AE. 104 opérations d'investissement ont d'ores et déjà été retenues.

Le fonds de transition écologique mis en place au sein de la filière presse (16 millions d'euros en AE et 8 millions d'euros en CP en 2021) souffre des mêmes retards : l'appel à projet s'est terminé le 15 octobre dernier, les premières aides devant être attribuées à compter du 25 novembre 2021. Le taux d'exécution de cette enveloppe est donc également proche de 0 %.

4. La poursuite en 2022 des objectifs établis en loi de finances pour 2021, à un niveau moindre qu'initialement prévu

Le projet de loi de finances prévoit 463,4 millions d'euros de crédits de paiement pour l'action 05. Les crédits de paiement ne devraient donc pas atteindre 1 600 millions d'euros sur la période 2021-2022 mais 1 558 millions d'euros.

L'écart de 42 millions d'euros résulte de la diminution de la dotation accordée :

- au plan « Cathédrales » : - 10 millions d'euros ;

- au Centre des monuments nationaux pour les travaux de Villers-Cotterêts : - 17 millions d'euros ;

- aux propriétaires des monuments historiques n'appartenant pas à l'État : - 15 millions d'euros.

D'après la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la Culture, ces crédits devraient être ouverts en 2023, alors même que l'échéancier des crédits de paiement figurant dans le projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » ne prévoit pas d'ouverture de crédits de paiements au-delà de 2022.

La répartition des crédits en 2022 s'inscrit dans la continuité de celle élaborée en 2021, aucune réorientation n'étant opérée :

- 227 millions d'euros seront dédiés à l'investissement culturel et à l'emploi ;

- 106 millions d'euros seront appelés à financer le renouveau et la reconquête du modèle de création ;

- 30 millions d'euros viseront à la redynamisation de la jeune création, le soutien à l'emploi artistique et la modernisation du réseau des établissements d'enseignement supérieur ;

- 100 millions d'euros seront orientés vers la consolidation et la modernisation des filières stratégiques fragilisées par la crise.

S'agissant de la première priorité, le soutien est en fait exclusivement concentré sur les chantiers (plan « Cathédrales », Centre des monuments nationaux, Villers-Cotterêts, investissements dans les monuments n'appartenant pas à l'État) et la poursuite de l'aide budgétaire aux opérateurs nationaux. Il convient de rappeler, s'agissant des travaux, qu'un bilan devra être effectué fin 2022 sur l'impact de cette aide sur la montée des prix dans ce secteur. Le rapporteur spécial rappelle en outre les réserves exprimées l'an passé sur le poids des restes à payer de la mission « Culture » visant ce type d'opération . Le montant du solde des restes à payer atteignait 978,8 millions fin 2020, soit une progression de 41 % depuis 2016.

Au 1 er octobre 2021, le taux de consommation des crédits de paiement dédiés aux principaux chantiers restait faible . Le cas est notamment patent pour le plan « Cathédrales ». Si ce dispositif a permis de lancer ou d'accélérer 52 opérations, dont 39 ont fait l'objet, à fin août 2021, d'une notification de marchés de travaux, seul 8,6 % des crédits de paiement étaient consommés un mois plus tard.

Taux de consommation des crédits dédiés aux travaux
au 1 er octobre 2021

(en millions d'euros et en %)

AE

Taux de consommation

CP

Taux de consommation

Plan « Cathédrales »

24,3

30,3 %

2,6

8,6 %

Château de Villers-Cotterêts

100

100 %

22

51,2 %

Autre équipements patrimoniaux

8,6

43,0 %

0,9

8,7 %

Monuments historiques n'appartenant pas à l'État

40

23,3 %

5,5

54,9 %

Rénovation du réseau des écoles de l'enseignement supérieur culturel

27,8

39,7 %

17,1

34,2 %

Total

183,9

59,3 %

48,1

33,6 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données Chorus

En ce qui concerne le soutien à la création, l'exercice 2022 devrait constituer un test quant à l'exécution des crédits dédiés, dans un contexte marqué depuis le deuxième semestre 2021 par une reprise progressive mais inégale de l'activité selon les secteurs.

Plusieurs raisons expliquent ainsi les pertes d'affluence dans les salles de spectacle : l'incertitude sanitaire, le départ d'une partie de la population des grandes villes ou des arbitrages économiques. Le ministère de la Culture apparaît optimiste quant à la consommation des crédits, qu'il s'agisse de ceux reportés au titre de 2021 ou du solde de 2022. Cet optimisme peut néanmoins interroger sur le risque d'un maintien « sous assistance respiratoire » d'une partie des acteurs de la création en 2022 , sans véritable retour du public.

Le retour à la normale budgétaire devrait se traduire par une baisse du soutien public en 2023 et pourrait entraîner une multiplication des risques de faillites pour les structures du spectacle vivant .

La consolidation et la modernisation des filières stratégiques en termes de souveraineté culturelle se concentrent quant à elles à 70 % sur le soutien à la presse. Une large partie de ces crédits vise à accompagner une vaste restructuration des imprimeries et s'apparente de fait davantage à un plan social qu'à un plan de relance.

Les crédits dédiés au fonds stratégique pour le développement de la presse, censés concourir à la modernisation de la filière, ne sont pas, par ailleurs, accompagnés d'une réflexion prospective sur les modalités du soutien public à la presse après 2022, au risque de ne pas permettre de poursuivre cet appui nécessaire à la révision de la stratégie industrielle des principaux organes de presse. En effet, le plan de filière tel que financé par le plan de relance n'a pas donné lieu à une vaste révision des aides à la presse, afin que celles-ci accompagnent désormais la nécessaire transition numérique de l'ensemble des titres de presse. La fin du plan de relance ne devrait pas en effet coïncider avec la disparition des difficultés systémiques que rencontre le secteur depuis 2009.

Page mise à jour le

Partager cette page