II. UNE MISSION RASSEMBLANT DES ACTIONS HÉTÉROGÈNES, DONT LA MISE EN oeUVRE EST MOINS RAPIDE QU'ANNONCÉ

1. De nombreuses actions n'ont pas un caractère provisoire et n'ont guère de lien avec la relance de l'économie

En présentant le plan de relance le 10 septembre 2020 devant la commission des finances du Sénat, le ministre des comptes publics indiquait, interrogé au sujet de l'impact du plan sur les finances publiques, que « nous veillons à ce que les dépenses inscrites n'aient pas de caractère pérenne - je parle bien des dépenses du plan lui-même - et qu'elles ne soient pas renouvelables au-delà de deux ans ».

Or plusieurs dispositifs , parmi les plus importants de la mission, paraissent difficilement compatibles avec cette exigence d'action temporaire .

C'est le cas des dispositifs soutenant la rénovation thermique, inscrits à l'action 01 du programme 362. Il s'agit d'une priorité de l'action publique en faveur de l'environnement, dont la réalisation complète demandera plusieurs décennies. Or l'équilibre économique des travaux de rénovation est encore dépendant de subventions et le restera pour une durée difficile à prévoir. L'emploi de crédits publics demeurera donc nécessaire au cours des années à venir, à un niveau sans doute élevé . Le succès de MaPrimeRénov' a ainsi conduit, dès l'année 2022, à inscrire l'ensemble des autorisations d'engagement nouvelles non pas sur la mission « Plan de relance » qui avait majoritairement financé le dispositif en 2021, mais sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

La pérennisation de certains dispositifs, tels que le fonds friche, a également été d'ores et déjà annoncée par le président de la République lui-même le 7 septembre dernier.

De même, certaines mesures augmentent des rémunérations ou entraînent la création d'emplois, qui seront sources de dépenses sur les missions de droit commun après la fin de la mission « Plan de relance », par exemple la revalorisation de la rémunération des jeunes stagiaires de la formation professionnelle ou le plan « Internats du XXI ème siècle » qui a pour conséquence le recrutement de personnels et des moyens financiers.

Par ailleurs, de nombreuses dépenses, présentées plus en détail dans la suite de ce rapport, n'ont, indépendamment de la discussion de leur opportunité, que peu de rapport avec la relance de l'économie.

Au total, le Gouvernement semble avoir utilisé le véhicule budgétaire de la mission « Plan de relance » pour regrouper un ensemble de dépenses , anciennes ou nouvellement créées, de manière à compléter l'enveloppe de 100 milliards assignée au plan de relance à l'été 2020.

2. Le rythme d'engagement et de décaissement n'atteindra pas les objectifs prévus en 2021

La rapidité d'engagement et de décaissement des crédits constituait l'un des objectifs forts assignés par le Gouvernement au plan de relance.

Cet objectif a pris la forme, dans le budget 2021, d'une ouverture de la quasi-intégralité des autorisations d'engagement.

Un objectif de consommation de la totalité des autorités d'engagement et des crédits de paiement ouverts a même été assigné à chacun des trois programmes de la mission 6 ( * ) . Le rapporteur spécial avait souligné le caractère quelque peu tautologique de ces indicateurs 7 ( * ) , la loi de finances n'ayant pas vocation à ouvrir des crédits si ceux-ci ne doivent pas être consommés au cours de l'exercice.

Or il apparaît que ces objectifs ne seront pas tenus et qu'une partie significative des crédits qui devaient être consommés en 2021 le seront à partir de 2022, réduisant ainsi l'effet de relance de l'économie.

a) Le taux d'exécution des crédits aux trois quarts de l'année demeure faible

Aux trois quarts de l'année , il ressort des données du système d'information de l'État Chorus que seulement 53,6 % des autorisations d'engagement et 49,1 % des crédits de paiement ont été consommés.

Consommation de crédits sur la mission « Plan de relance »

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données Chorus au 1 er octobre 2021

Le taux de consommation en crédits de paiement est plus élevé pour le programme 364 « Cohésion » (55,9 %) que pour les programmes 362 « Écologie » (35,6 %) et 363 « Cohésion » (47,5 %).

Cette apparente exécution plus rapide du programme 364 s'explique en fait par l'utilisation des crédits de ce programme , en début d'année, pour financer non pas les dispositifs d'activité partielle prévus dans le cadre de la présente mission « Plan de relance », mais l'activité partielle d'urgence relevant de la mission « Plan d'urgence face à la crise sanitaire », dont les crédits ouverts étaient insuffisants 8 ( * ) .

En neutralisant, pour un montant de 4,2 milliards d'euros, cette utilisation des crédits de la mission « Plan d'urgence » qui ne correspond pas aux objectifs fixés en loi de finances initiale, le taux d'exécution du programme 364 serait de 37,7 % seulement et celui de l'ensemble de la mission de 39,0 % en crédits de paiement .

b) L'objectif d'engagement de 100 % des crédits en 2021 ne sera pas tenu

Un an plus tard, l'objectif de 100 % de consommation des crédits , formalisé par l'indicateur de performance précité, ne sera pas atteint , puisque, selon la prévision actualisée de cet indicateur inscrite dans le projet annuel de performances pour 2022, 82,0 % des autorisations d'engagements et 68,7 % des crédits de paiement devraient être consommées à la fin de l'année 9 ( * ) .

Les décaissements seraient ainsi inférieurs à 18 milliards d'euros , contre 25,4 milliards d'euros prévus .

Les sous-consommations seraient particulièrement élevées, en crédits de paiement, sur le programme 364 « Cohésion », comme on le verra infra lors de la présentation des actions de ce programme.

Taux de consommation prévisionnel en 2021
des crédits ouverts sur les programmes 362, 363 et 364

(en milliards d'euros et en pourcentage des crédits de chaque programme)

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires et des indicateurs de performance

3. Les premiers travaux d`évaluation

Il est bien entendu trop tôt pour présenter une véritable évaluation définitive d'un plan de relance qui est encore en cours de mise en oeuvre.

Les débats ont d'abord porté sur le plan de relance tel qu'il était présenté à la fin 2020 . De nombreux économistes se sont exprimés sur la question du dimensionnement du plan de relance, son rythme de mise en oeuvre ou son contenu.

S'agissant de l'impact sur le climat, le Haut Conseil pour le climat a noté que 28 % des dépenses étaient favorables à l'atténuation des émissions de gaz à effet de serre, notamment en ce qui concerne les transports et les bâtiments, mais que les autres mesures soutiennent l'économie dans la continuité des pratiques actuelles et pourraient donc avoir un effet significatif à la hausse sur ces émissions 10 ( * ) .

Une évaluation « en cours de route » a été réalisée par le comité national de suivi du plan « France Relance » , présidé par M. Benoît Coeuré. Ce comité s'est appuyé notamment sur les travaux conduits en parallèle pour le suivi du plan d'urgence.

Ses travaux portent sur l'ensemble du plan « France relance », y compris des dispositifs qui ne relèvent pas de la mission « Plan de relance », comme la baisse des impôts de production. Le premier rapport du comité, publié le 26 octobre 2021, se limite toutefois à cinq mesures, toutes financées en totalité ou partiellement par la présente mission : la rénovation énergétique des logements privés, la rénovation énergétique des bâtiments publics, le soutien à l'investissement industriel, le soutien à l'industrie du futur et le plan « 1 jeune 1 solution ».

Certaines conclusions de ce rapport seront exposées plus en détail lors du commentaire des actions portant les financements de ces dispositifs.

Le comité constate d'une manière générale, comme le rapporteur spécial l'avait déjà relevé dès l'examen du projet de loi de finances pour 2021, que le décaissement rapide a été une condition déterminante pour la sélection des projets , laissant parfois au second plan l'impact de long terme, par exemple sur la dimension écologique ou sur le renforcement des filières.

Le dispositif MaPrimeRénov, comme la Cour des comptes l'a également constaté 11 ( * ) , rencontre ainsi un vif succès, mais ne favorise pas les rénovations globales, et il sera très difficile d'évaluer le niveau de réduction des émissions de gaz à effet de serre obtenu, par manque de données sur la situation initiale. La rénovation des bâtiments de l'État, en revanche, semble mieux prendre en compte la nécessité de rénovations globales, seules à même d'atteindre un niveau de basse consommation.

De même, s'agissant du dispositif de soutien à l'investissement et la modernisation de l'industrie, le comité note que « le guichet Industrie du futur a financé la modernisation de chaines de production des PMI plutôt qu'un réel passage à l'Industrie du futur ». Des objectifs de consommation rapide des crédits et de création ou de maintien de l'emploi ont été fixés, mais pas d'objectifs environnementaux, relatifs à la modernisation ou encore de résilience des filières. La sélection des projets était en effet trop rapide pour permettre de mesurer ce type d'impact.

Des effets d'aubaine sont également décrits comme possibles pour certains dispositifs, sans être mesurés par le rapport. Ainsi en est-il, par exemple pour le mécanisme de soutien à l'investissement et à la modernisation de l'industrie qui, tout en ayant un effet d'entraînement pour les start-ups, aurait surtout accéléré ou facilité des projets existants pour les autres entreprises.

Enfin, l'évaluation des mesures de soutien direct à l'emploi des jeunes est délicate en raison de l'amélioration, en parallèle, de la situation générale de l'économie et de la difficulté d'établir les liens de cause à effet.


* 6 Projet annuel de performances de la mission « Plan de relance » annexé au projet de loi de finances pour 2021, indicateur 1.1 des programmes 362, 363 et 364.

* 7 Jean-François Husson, rapport spécial sur les missions « Plan de relance » et « Plan d'urgence face à la crise sanitaire » , annexé au rapport général n° 138 (2020-2021), fait au nom de la commission des finances, déposé le 19 novembre 2020.

* 8 Voir infra , la présentation de l'action 01 du programme 364.

* 9 Calculs commission des finances, à partir de la valeur de l'indicateur 1,1 proposée par le projet annuel de performances pour chacun des trois programmes de la mission « Plan de relance ».

* 10 Haut Conseil pour le climat, « France relance » : quelle contribution à la transition bas-carbone ? , décembre 2020.

* 11 Cour des comptes, Premiers enseignements du déploiement du dispositif « MaPrimeRénov' » , audit flash, 30 septembre 2021.

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