N° 758

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence du Sénat le 6 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant l' approbation de l' accord portant révision de l' accord général de coopération entre les États membres de la Commission de l' océan Indien ,

Par Mme Vivette LOPEZ,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. Christian Cambon , président ; MM. Pascal Allizard, Olivier Cadic, Olivier Cigolotti, André Gattolin, Guillaume Gontard, Jean-Noël Guérini, Joël Guerriau, Pierre Laurent, Philippe Paul, Cédric Perrin, Gilbert Roger, Jean-Marc Todeschini , vice-présidents ; Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, Isabelle Raimond-Pavero, M. Hugues Saury , secrétaires ; MM. François Bonneau, Gilbert Bouchet, Mme Marie-Arlette Carlotti, MM. Alain Cazabonne, Pierre Charon, Édouard Courtial, Yves Détraigne, Mmes Catherine Dumas, Nicole Duranton, MM. Philippe Folliot, Bernard Fournier, Mme Sylvie Goy-Chavent, M. Jean-Pierre Grand, Mme Michelle Gréaume, MM. André Guiol, Abdallah Hassani, Alain Houpert, Mme Gisèle Jourda, MM. Alain Joyandet, Jean-Louis Lagourgue, Ronan Le Gleut, Jacques Le Nay, Mme Vivette Lopez, MM. Jean-Jacques Panunzi, François Patriat, Gérard Poadja, Stéphane Ravier, Bruno Sido, Rachid Temal, Mickaël Vallet, André Vallini, Yannick Vaugrenard .

Voir les numéros :

Sénat :

408 et 759 (2021-2022)

L'ESSENTIEL

La Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation régionale intergouvernementale. Elle est originale dans sa composition en ce qu'elle est uniquement composée d'États insulaires et francophones du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, la France, Madagascar, Maurice et les Seychelles. La France n'en est membre qu'au titre de La Réunion ; en effet, l'inclusion de Mayotte dans cet environnement régional est contestée au sein de l'organisation en raison d'un contentieux territorial.

Compte tenu, d'une part, des nouveaux enjeux de la coopération régionale dans l'Indianocéanie, et d'autre part, de l'extension progressive des domaines d'intervention de la COI, les États membres se sont engagés dans un processus de modernisation de l'organisation afin de lui donner les moyens de ses ambitions.

Sur la base de la déclaration de Moroni, signée par les États membres en août 2019, qui définit les orientations politiques et stratégiques de l'organisation, l'accord de Victoria de 1984, texte fondateur de la COI, a fait l'objet d'une révision adoptée en mars 2020 et soumise aujourd'hui à l'examen du Parlement en vue de sa ratification.

La France, dont l'action au sein de la COI s'inscrit dans sa stratégie pour l'Indopacifique, est particulièrement concernée par le renforcement institutionnel de l'organisation régionale. Par conséquent, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a adopté ce projet de loi , dont le Sénat est saisi en premier.

I. LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN (COI) : L'ORGANISATION DE COOPÉRATION INTERGOUVERNEMENTALE DE L'OCÉAN INDIEN OCCIDENTAL

A. LA FRANCE, UN ÉTAT DE L'OCÉAN INDIEN

1. Une présence territoriale, économique et militaire

La France est présente dans la région indopacifique au travers de ses départements et collectivités d'outre-mer 1 ( * ) qui représentent une population de 1,6 million d'habitants, auxquels s'ajoutent quelque 150 000 ressortissants français installés dans les pays littoraux de l'océan Indien.

Avec 11 millions de kilomètres carrés, notre pays possède la deuxième zone économique exclusive (ZEE) la plus importante au monde ; cette ZEE est située à 93 % dans les océans Indien et Pacifique. En outre, on compte plus de 7 000 filiales d'entreprises françaises implantées dans les pays de la zone indopacifique où la France a réalisé 108 milliards d'euros d'investissements directs ; le stock d'actifs détenus par notre pays y a été multiplié par sept en une quinzaine d'années.

L'indopacifique concentre 14 % des exportations françaises, soit un tiers de nos exportations hors de l'Union européenne. D'après Business France , 14 % des décisions d'investissement directs étrangers en France sont le fait d'investisseurs originaires de la zone indopacifique, ce qui la place au troisième rang derrière l'Union européenne (60 %) et l'Amérique du Nord (22 %).

Enfin, la France assure une présence militaire permanente dans la région 2 ( * ) , avec au total quelque 7 000 personnels déployés de façon permanente, auxquels s'ajoutent ponctuellement environ 700 marins en mission. Ce dispositif, complété par un réseau de dix-huit attachés de défense, assure un maillage géographique permettant de veiller à la protection et à la sécurité des ressortissants et des territoires français, de contrôler notre ZEE et d'assurer nos missions de coopération dans le domaine de la défense.

2. L'Indopacifique, une priorité pour la France

L'Indopacifique est devenu un espace stratégique. S'il reste un lieu de menaces persistantes (prolifération nucléaire, criminalité transnationale organisée, terrorisme djihadiste, piraterie, pêche illicite, etc.), il apparaît désormais comme le théâtre de la compétition sino-américaine qui génère de nouvelles tensions.

L'Indopacifique est aussi devenu le centre de gravité de l'économie mondiale, où sept membres du G20 sont présents (Australie, Chine, Corée du Sud, France, Inde, Indonésie et Japon). Les principales réserves de croissance se trouvent dans cette zone géographique, qui contribuera à environ 60 % du produit intérieur brut (PIB) mondial d'ici 2030 ; dès lors, les voies commerciales maritimes qui la traversent sont devenues prépondérantes.

Si la zone indopacifique est très vulnérable au risque climatique et environnemental, elle comprend aussi d'importants émetteurs de CO2 et le poids des pays de la région dans les échanges commerciaux est croissant. L'existence même des États insulaires s'en trouve menacée.

En outre, on assiste à un délitement du multilatéralisme et de l'ordre international fondé sur le droit, les grands compétiteurs stratégiques étant incités à recourir à l'action unilatérale. La possibilité de révoquer tout engagement jugé trop contraignant, ainsi que la volonté de diminuer les ressources allouées aux instances multilatérales, remet en cause la crédibilité des efforts multilatéraux. Dans l'ensemble de la zone, le déficit de régulation et l'absence de consensus multilatéral sur les conditions d'accès et d'utilisation des espaces communs facilitent l'exercice des rapports de force entre États.

Compte tenu de ces enjeux qui affectent directement la prospérité et la sécurité de la France et, plus largement, de l'Union Européenne, l'Indopacifique est devenu l'un des axes prioritaires de l'action extérieure de la France. Dans son discours prononcé le 2 mai 2018 à Sydney sur la base navale de Garden Island, le Président de la République a exposé la stratégie française pour l'Indopacifique et son ambition de promouvoir une approche inclusive et stabilisatrice, fondée sur la règle de droit et le refus de toute forme d'hégémonie. Dans son allocution du 23 octobre 2019 à Saint-Denis de la Réunion, en clôture du sommet Choose La Réunion , le chef de l'État a également souligné la valorisation de nos outre-mer et de leur intégration régionale dans cette stratégie.

En 2019, le ministère des armées a adopté la stratégie de défense française en Indopacifique visant à renforcer l'action de nos forces de souveraineté et de nos forces de présence, à oeuvrer au renforcement des institutions régionales et de ses partenariats, à contribuer à la politique d'anticipation sécuritaire environnementale, et à consolider l'autonomie stratégique de ses partenaires d'Asie du Sud-Est.

La France partage la même vision que ses grands partenaires régionaux (Inde, Australie, Japon, Association des nations d'Asie du Sud-Est - ASEAN), avec l'objectif de maintenir un espace indopacifique libre, ouvert et inclusif. Cette conception est également au coeur de la stratégie de l'Union européenne.

3. La participation à la COI s'inscrit dans la stratégie française en Indopacifique

La France promeut un ordre multipolaire stable fondé sur le droit et la libre-circulation, ainsi qu'un multilatéralisme juste et efficace. Pour ce faire, l'un des axes de notre politique extérieure consiste à accroître la présence française auprès des enceintes régionales qui sont en mesure de contribuer au développement du multilatéralisme renforcé et rénové que la France appelle de ses voeux.

La diplomatie française souhaite également accompagner les transitions en cours dans la région, d'une part, en oeuvrant à la promotion des biens communs régionaux et mondiaux (environnement, santé, éducation, numérique), et d'autre part, en contribuant à leur développement durable et à une réponse efficace au changement climatique, et en promouvant dans ce contexte les solutions et l'expertise françaises. La France souhaite également soutenir le développement de la société civile dans le cadre de la promotion des droits de l'Homme et de l'État de droit, du multilinguisme, de la diversité culturelle, avec une attention particulière pour l'égalité entre les femmes et les hommes.

La participation active de la France à la COI constitue donc un atout pour la mise en oeuvre de notre stratégie indopacifique. Dans son discours du 23 octobre 2019 précité, le Président de la République insistait sur la nécessité pour les territoires français de la zone - à savoir La Réunion et Mayotte - de tirer parti des potentiels importants de la région en renforçant l'intégration et la coopération régionales.

À ce jour, la COI est la seule organisation régionale africaine dont la France est membre, et constitue, à ce titre, un vecteur efficace de promotion de notre présence dans l'océan Indien. L'adhésion à la COI et l'activité de la France en son sein ont été un levier et un atout dans nos démarches d'adhésion à l'Association des États riverains de l'océan Indien (IORA) 3 ( * ) , effective depuis décembre 2020.

Bien que des conflits de souveraineté persistent avec trois de nos partenaires de la COI 4 ( * ) , les relations tissées depuis une trentaine d'années avec eux ont permis de maintenir ces conflits dans un cadre bilatéral, tout en valorisant les atouts de notre présence dans la zone.


* 1 La Réunion, Mayotte, îles Éparses et Terres australes et antarctiques françaises (TAAF), Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna, Polynésie française et Clipperton.

* 2 La région est divisée en cinq commandements militaires, répartis entre trois forces de souveraineté (les Forces armées de la zone sud de l'océan Indien - FAZSOI ; les Forces armées de la Nouvelle-Calédonie - FANC ; les Forces armées en Polynésie française - FAPF) et deux forces de présence (les Forces françaises basées aux Émirats arabes unis - FFEA ; les Forces françaises stationnées à Djibouti - FFDj).

* 3 L'IORA englobe tout le pourtour de l'Indopacifique, de l'Australie au Golfe Persique, jusqu'au sud-ouest de l'océan Indien (zone de la CIO).

* 4 L'île Tromelin est revendiquée par Maurice, les îles Éparses par Madagascar, et Mayotte par les Comores.

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