B. L'ORGANISATION DE LA COMMISSION DE L'OCÉAN INDIEN

Créée au début des années 1980, la Commission de l'océan Indien (COI) est une organisation intergouvernementale régionale qui regroupe cinq États du sud-ouest de l'océan Indien : les Comores, Madagascar, Maurice, les Seychelles, et la France au titre de La Réunion.

Il s'agit de la seule organisation régionale d'Afrique à être composée exclusivement d'îles et francophone. En effet, des liens historiques nous unissent à ces États insulaires qui, pour une période plus ou moins longue, ont tous été sous souveraineté française.

En outre, depuis 2016, la COI compte plusieurs membres observateurs 5 ( * ) : la Chine, l'Union européenne, l'Organisation internationale de la francophonie, l'Ordre souverain de Malte, l'Inde, le Japon et l'Organisation des Nations unies.

L'accord de Victoria révisé rappelle que la COI est une organisation d'États insulaires de la région du sud-ouest de l'océan Indien ; à ce titre, Zanzibar est la seule entité qui pourrait prétendre au statut de membre de plein droit. Le Sri Lanka et le Kenya ont déposé une demande d'adhésion qui a été rejetée par le conseil des ministres du 6 mars 2020, le Kenya ne répondant pas à l'exigence insulaire, et le Sri Lanka n'étant pas situé dans l'espace africain. Ces deux pays pourraient en revanche devenir observateurs.

1. Ses instances

La COI est composé de trois instances :

- le sommet des chefs d'État et de Gouvernement , qui fixe le cap de la COI et définit les grandes orientations politiques de l'organisation. Jusqu'à présent, cette instance se réunissait de manière informelle et selon une périodicité aléatoire - les derniers sommets s'étant tenus en juillet 2005 à Madagascar, et en août 2014 aux Comores ;

- le conseil des ministres , qui est l'instance décisionnelle suprême. En effet, le texte fondateur de 1984 précise que la COI est une « commission technique paritaire de rang ministérielle » . Il réunit, chaque année, les ministres des affaires étrangères des pays membres ou leurs représentants. Chaque État membre accède à la présidence du conseil des ministres à tour de rôle ; la rotation s'effectue annuellement, suivant l'ordre alphabétique. Depuis le 23 février 2022, c'est Madagascar qui assure la présidence de la COI, succédant à la France ;

- le comité des officiers permanents de liaison (OPL) , qui est chargé de suivre l'exécution des décisions du conseil des ministres, en étroite collaboration avec le secrétariat général.

Le secrétariat général, dont le siège est situé à Maurice (Ébène), est l'organe exécutif de la COI. Composé de 80 agents (comité de direction, chargés de mission, responsables de départements, unités techniques), il prépare les programmes et les projets émanant des décisions des instances de la COI, suit leur avancement et assure leur gestion, propose de nouvelles orientations aux États membres et assure la liaison avec les bailleurs de fonds. Le secrétaire général est actuellement nommé pour un mandat de quatre ans, non renouvelable, par rotation 6 ( * ) ; depuis le 16 juillet 2020, ces responsabilités sont occupées par un Français, M. Vêlayoudom Marimoutou.

2. Ses domaines d'action
a) Le champ de coopération de la COI

Initialement restreint à un nombre limité de domaines (diplomatie ; économie et commerce ; agriculture ; sciences et éducation), le champ de coopération de l'organisation s'élargit aux termes de l'article 2 de l'accord de Victoria révisé.

Depuis sa création, la COI mène des projets de coopération au bénéfice de ses cinq États membres, dans les domaines suivants : coopération diplomatique ; paix, stabilité, gouvernance et État de droit ; défense des intérêts insulaires ; coopération économique et commerciale ; coopération dans le domaine de l'agriculture, de la conservation des ressources et des écosystèmes ; économie bleue ; coopération dans le domaine culturel, scientifique, universitaire et éducatif ; coopération juridique et en matière de justice ; sécurité alimentaire et sanitaire ; sécurité maritime et lutte contre la criminalité transnationale organisée ; connectivité aérienne, maritime et numérique pour le rapprochement des peuples ; lutte contre le changement climatique ; protection civile ; circulation des personnes et des biens dans l'espace de la COI.

La commission s'implique également dans la mise en oeuvre des dix-sept objectifs de développement durable fixés par l'Organisation des Nations unies.

b) Le plan de développement stratégique

Depuis 2013, l'action de la Commission de l'océan Indien s'articule autour d'un plan de développement stratégique, adopté par le conseil des ministres. Ce document constitue un cadre de référence pour définir le cap de l'organisation, mettre en oeuvre la mission dévolue à la COI, et mesurer les avancées de la coopération régionale.

Le plan de développement stratégique se décline en plusieurs axes qui fixent l'orientation générale de la COI, et qui se décomposent ensuite en plusieurs champs d'actions.

Le secrétariat général est responsable de la traduction opérationnelle de l'ensemble des décisions du conseil des ministres et, partant, du plan de développement stratégique. La mise en oeuvre effective des axes stratégiques et des champs d'actions est confiée aux « domaines d'intervention » qui sont dirigés par cinq chargés de mission nommés par les États membres.

c) Les projets menés

La présidence française de la COI de mai 2021 à février 2022 a décliné un ensemble de propositions et d'engagements pris par le Président de la République en octobre 2019, à l'occasion de son discours de clôture du sommet Choose La Réunion .

Le programme de la présidence française était axé autour de la mobilité et de la formation professionnelle, du renforcement des relations économiques entre les îles de l'océan Indien, de la réponse aux risques majeurs, et de la sécurité maritime. Cette présidence a permis d'initier ou d'avancer sur plusieurs projets conduits par la COI, parmi lesquels :

- sécurité maritime et lutte contre la criminalité transnationale organisée : le programme « Ecofish », financé par l'Union européenne (28 M€), qui couvre la période 2018-2026, oeuvre pour la promotion de la gestion durable des pêches maritimes dans les îles de l'océan Indien, d'Afrique orientale et australe (pêche continentale). Il appuie le plan régional de surveillance des pêches (PRSP) de la COI pour renforcer les capacités de prévention, de dissuasion et d'élimination de la pêche illicite, non-déclarée et non-règlementée (INN).

Le programme « sécurité maritime » ( Maritime Security - MASE) a été lancé en 2013. Il est financé par l'Union européenne jusqu'en 2023 (42 M€) pour contribuer à l'architecture régionale de sécurité maritime dans la zone d'Afrique orientale et australe, et dans l'océan Indien. Ses missions principales sont de veiller au respect du droit international de la mer, et de sécuriser l'espace maritime de l'Indianocéanie grâce au partage d'informations et aux opérations coordonnées en mer. Un centre régional de fusion d'information maritime (CRFIM), situé à Madagascar, et un centre régional de coordination des opérations (CRCO), installé aux Seychelles, ont été créés. La procédure de ratification des accords MASE est concomitante à celle de l'accord de Victoria révisé ;

- sécurité sanitaire et alimentaire : depuis mars 2020, la coopération sanitaire a été l'une des pierres angulaires de l'activité de la COI. Un plan de riposte a été adopté, avec le soutien de l'Agence française de développement (AFD), en vue d'acheminer des équipements médicaux vers les quatre autres États membres : le programme « RSIE3-Santé » (8 M€ pour la période 2019-2024), complété par « RSIE4 » (8,7 M€ pour la période 2020-2023), vise ainsi à lutter contre le risque épidémique dans la région de l'océan Indien occidental, notamment par la mise en place d'un réseau régional de surveillance épidémiologique et de coordination de la réponse sanitaire, et par la pérennisation du réseau « SEGA - One Health » (surveillance épidémiologique et gestion des alertes) qui concentre l'action de la COI dans le domaine sanitaire.

En matière de sécurité alimentaire, l'Union européenne finance le programme de la COI (16 M€ pour la période 2021-2025) visant à renforcer les capacités nationales et régionales de production durable et de qualité, à valoriser les filières commerciales, à mettre aux normes les productions, et à accompagner les populations vulnérables dans la diversification de leur alimentation ;

- environnement et climat : plusieurs initiatives ont été mises en oeuvre pour lutter contre le changement climatique, préserver la biodiversité et les ressources marines et côtières, gérer et réduire les déchets, et promouvoir l'économie bleue.

Les États membres de la COI sont très vulnérables à de nombreux aléas météorologiques et climatiques, notamment les inondations, les sécheresses, les tempêtes, les cyclones tropicaux et les ondes de tempête. Aussi l'AFD, l'Union européenne et le Fonds vert pour le climat ont-ils décidé de financer à hauteur de 56 M€, pour une durée de cinq ans, le projet « Hydromet » en cours d'instruction. Ce projet vise à soutenir les réseaux de surveillance et les systèmes de prévisions climatiques, météorologiques et hydrologiques, ainsi qu'à renforcer les capacités nationales et régionales en matière de modélisation, de prévision et d'alerte.

Le projet « Recos » de résilience côtière, financé par l'AFD et la Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM) pour une durée de cinq ans (10 M€), est également en phase de démarrage. Il doit soutenir, entre autres, des initiatives de réhabilitation côtière dans des sites vulnérables aux aléas climatiques, et développer des tissus économiques locaux en améliorant la gestion et la préservation des milieux.

La COI a également lancé, en juillet 2021, le projet « Expédition plastique océan Indien » (Exploi), financé par l'AFD et le FFEM (6,7 M€). Le programme a pour objectif d'améliorer la connaissance de la pollution engendrée par les déchets plastiques, et de promouvoir l'économie circulaire. S'inscrivant dans le cadre du plan d'action régional sur la gestion et la valorisation des déchets de la COI, l'initiative allie des actions de soutien à la recherche scientifique sur la pollution plastique dans l'océan Indien, le soutien à l'innovation entrepreneuriale en matière de traitement des déchets et d'économie circulaire, ainsi que la promotion des politiques publiques pour la prévision, la meilleure gestion et la valorisation des déchets.

Enfin, un plan d'action régional sur l'économie bleue (« Pareb ») a été adopté par les États membres en 2020. Sa mise en oeuvre figure parmi les axes de programmation de l'UE, proposés par le secrétariat général de la COI pour la période 2021-2027 ;

- coopération dans le domaine culturel, scientifique, universitaire et éducatif : la COI participe à une plateforme régionale de recherche agronomique pour le développement de l'océan Indien (PRéRAD-OI), coordonnée et animée par l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Ce partenariat tripartite, actif depuis 2014, a amené l'IRD et la COI à signer un accord-cadre pour développer la culture scientifique dans la région en soutenant des projets de recherche et développement et de formation en matière de gestion des défis alimentaires, sanitaires et environnementaux.

Sous l'impulsion de la France et du secrétaire général, la COI étudie le sujet des mobilités universitaires. Des assises de la formation professionnelle se sont réunies les 10 et 11 février 2022 afin de dresser un état des lieux des formations existantes, proposer des pistes pour développer les échanges entres les centres de formations des États membres, et élaborer un programme régional de mobilité. Les conclusions des assises ont été présentées en conseil des ministres le 23 février 2022 à Paris ;

- coopération économique et commerciale : la COI se mobilise sur la coopération entrepreneuriale à travers des partenariats avec Cap Business océan Indien (CBOI), le réseau French Tech , l'AFD et des associations de jeunes. Les initiatives visent à promouvoir l'entreprenariat dans la région - en particulier celui des femmes -, à faciliter les échanges commerciaux et à améliorer la compétitivité régionale. Le 18 novembre 2021, CBOI a tenu une première rencontre du réseau des femmes et hommes d'affaires de la région, qui a permis l'élaboration d'un plaidoyer du secteur privé pour la relance économique, présenté au conseil des ministres qui s'est tenu le 26 novembre 2021 à La Réunion ;

- coopération numérique : la COI accompagne plusieurs initiatives en ce domaine. Elle a notamment participé à la mise en oeuvre du projet de câble numérique régional entre Maurice, La Réunion, Madagascar et l'Afrique du Sud dénommé « Metiss » ( Meltingpot Indianoceanic Submarine System - 38M€), actif depuis mars 2021. L'organisation s'est également dotée, en novembre 2021, d'un cadre régional de protection des câbles sous-marins.

3. Ses ressources

Le budget de la COI pour 2022 s'élève à 1,44 million d'euros (M€), dont 1,35 M€ de contributions statutaires et 90 000 euros de dons de la Chine, membre observateur.

S'agissant des contributions statutaires, la France est le principal contributeur (à hauteur de 40 %, soit 540 000 euros), suivie de Madagascar (29 %), Maurice (20 %), l'Union des Comores (6 %) et les Seychelles (5 %).

Les principaux partenaires techniques et financiers de la COI sont : l'Union européenne (87,1 M€ pour la période 2018-2022), le Fonds vert pour le climat (53,3 M€) 7 ( * ) , l'Agence française de développement (41,3 M€), la Banque mondiale (11 M€), le Fonds français pour l'environnement mondial (3,2 M€) et la Banque africaine de développement (1,7 M€).


* 5 Peuvent prétendre au statut d'observateur auprès de la COI, les États tiers, les organisations intergouvernementales et les organisations internationales non gouvernementales, « directement intéressés par les questions traitées par la COI, et ayant un intérêt, la volonté et la capacité de s'engager résolument aux côtés de la COI » . Il appartient aux candidats de présenter les motifs de leur demande, d'expliciter leur intérêt et leurs capacités de contribution. La COI s'appuie sur une liste de critères pour émettre des recommandations et statuer sur toute demande de statut d'observateur. La France reste vigilante quant aux candidatures déposées et veille à la préservation de l'intégrité, de l'identité, de la cohésion et de l'efficacité de la COI ; elle s'est ainsi opposée à la candidature de la Russie en 2020. Il convient de préciser que le conseil des ministres de la COI peut décider de retirer le statut d'observateur à toute entité ou État.

* 6 Le présent accord porte la durée du mandat à cinq ans.

* 7 Le Fonds vert pour le Climat contribue par l'intermédiaire de subventions déléguées à l'AFD, de même que l'Union européenne qui peut également intervenir directement.

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