EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE LIMINAIRE

Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques pour l'année 2022

. Le présent article retrace la prévision de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques au titre de l'année 2022.

Dès lors qu'il se borne à tirer les conséquences budgétaires de la dégradation de la conjoncture et des modifications proposées par le présent projet de loi de finances rectificative sur le solde public, la commission propose d'adopter cet article sans modification.

Conformément à l'article 7 de la loi organique relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques 68 ( * ) , le présent projet de loi de finances rectificative comporte un article liminaire qui retrace, dans un tableau synthétique, « l'état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques, avec l'indication des calculs permettant d'établir le passage de l'un à l'autre ».

Tableau de synthèse de l'article liminaire

(en points de PIB)

Exécution 2021

Loi de finances initiale pour 2022

PLFR

Solde structurel (1)

- 4,4

- 4,0

- 3,6

Solde conjoncturel (2)

- 2,0

- 0,8

- 1,3

Mesures exceptionnelles (3)

- 0,1

- 0,2

- 0,1

Solde effectif (1 + 2 + 3)

- 6,4

- 5,0

- 5,0

Source : article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2022

Le présent article fait l'objet d'une analyse détaillée dans le cadre de l'exposé général du présent rapport, auquel le lecteur est invité à se reporter.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

PREMIÈRE PARTIE

CONDITIONS GÉNÉRALES DE L'ÉQUILIBRE FINANCIER

TITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES
AUX RESSOURCES AFFECTÉES

ARTICLE 1er A (nouveau)

Revalorisation du plafond d'exonération d'IR applicable aux titres-restaurant et du plafond des exonérations sociales des remboursements des frais de repas des salariés

. Le présent article propose de revaloriser de 4 % la limite dans laquelle la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant par le salarié est exonérée d'impôt sur le revenu, la faisant passer de 5,69 euros à 5,92 euros.

L'article prévoit également de revaloriser d'au plus 4 % les limites dans lesquelles les remboursements de frais de nourriture des salariés ne sont pas considérés comme des revenus d'activité.

Ces mesures sont bienvenues dans la mesure où elles favorisent le pouvoir d'achat des salariés.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES TITRES-RESTAURANT ET LE REMBOURSEMENT PAR L'ENTREPRISE DES FRAIS DE REPAS ENGAGÉS PAR LES SALARIÉS FONT L'OBJET D'EXONÉRATIONS FISCALES ET SOCIALES

A. LES TITRES-RESTAURANT SONT DES TITRES SPÉCIAUX DE PAIEMENT EXONÉRÉS DE COTISATIONS SOCIALES ET D'IMPÔT SUR LE REVENU SOUS CERTAINES CONDITIONS

Au sein du code du travail, le chapitre II, intitulé « Titres-restaurant », du titre IV du livre II de la troisième partie, régit l'émission, l'utilisation et les exonérations des titres restaurants.

L'article L. 3262-1 du code du travail définit le titre-restaurant comme « un titre spécial de paiement remis par l'employeur aux salariés pour leur permettre d'acquitter en tout ou en partie le prix du repas consommé au restaurant ou acheté auprès d'une personne ou d'un organisme mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 3262-3. »

Au titre de l'article L. 3262-6 du code du travail, la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant bénéficie d'une exonération de l'impôt sur le revenu, dans les limites définies à l'article 81 du code général des impôts . Le 19° de l'article 81 du code général des impôts précise ainsi que la limite de l'exonération est de 5,69 euros par titre et qu'elle n' est possible que sous la condition que la contribution patronale soit « comprise entre un minimum et un maximum fixés par arrêté du ministre chargé du budget. » Le minimum et le maximum de la contribution de l'employeur à l'acquisition d'un ticket-restaurant sont respectivement 50 % et 60 % (article 23 M du code général des impôts). Par conséquent, la valeur du titre-restaurant ouvrant droit à l'exonération maximale est comprise entre 9,48 euros et 11,38 euros 69 ( * ) .

L'article 81 du CGI ajoute que la limite d'exonération est relevée chaque année dans la même proportion que la variation de l'indice des prix à la consommation .

Le 4° du III de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale prévoit en outre que les sommes consacrées par les employeurs à l'acquisition des titres-restaurant par le salarié sont exclues de l'assiette de la contribution sociale sur les revenus d'activité et sur les revenus de remplacement .

Les titres-restaurant ne peuvent être utilisés que pendant l'année civile dont ils font mention, ainsi qu'une période de deux mois à compter du 1 er janvier de l'année suivante (article R. 3262-5 du code du travail). Sauf dérogations, les titres-restaurant ne peuvent pas être utilisés les dimanches et les jours fériés (article R. 3262-8). Enfin, l'article R. 3262-10 du code du travail dispose que l'utilisation des titres-restaurant est limité à un montant maximum de 19 euros par jour.

Les titres-restaurant ont fait l'objet de plusieurs dérogations en 2021 et en 2022, en raison de la crise sanitaire . Elles ont été mises en place par les décrets n° 2021-104 du 2 février 2021 et n° 2021-1368 du 20 octobre 2021 portant dérogations temporaires aux conditions d'utilisation des titres-restaurant. Les décrets ont autorisé l'utilisation des titres-restaurant les dimanches et jours fériés et ont doublé le montant maximal de titres-restaurant utilisable par jour pour le porter à 38 euros.

Les dispositions dérogatoires ne sont plus applicables depuis le 1 er juillet 2022, et ce sont les dispositions du code du travail qui font de nouveau droit (plafond de 19 euros et interdiction le dimanche et les jours fériés).

B. LES FRAIS DE REPAS ENGAGÉS PAR LES SALARIÉS AU TITRE DE LEUR ACTIVITÉ PROFESSIONNELLE NE SONT PAS CONSIDÉRÉS COMME DES REVENUS D'ACTIVITÉ SOUS CERTAINES LIMITES

Les frais de repas font partie des frais professionnels pouvant faire l'objet d'un remboursement par l'entreprise. Le deuxième alinéa du I de l'article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale dispose que ne constituent pas un revenu d'activité les remboursements effectués au titre de frais professionnels, dont les frais de repas, dans les conditions et limites fixées par arrêté .

L'article 3 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dispose ainsi que sont exonérés de cotisations sociales les remboursements de frais de nourriture dans les limites suivantes (en euros) :

salarié contraint de prendre son repas sur le lieu de travail

6,80

salarié en déplacement professionnel qui prend un repas au restaurant mais qui n'y est pas contraint

9,50

salarié en déplacement professionnel contraint de prendre un repas au restaurant

19,40

Source : Commission des finances, d'après l'arrêté du 20 décembre 2002 et le barème 2022 des frais de repas publié par l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale

L'article 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002 précise que ces montants sont revalorisés et arrondis à la dizaine de centimes chaque année au 1 er janvier aux prévisions d'inflation indiquées dans le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la nation annexé au projet de loi de finances.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE REVALORISATION DU PLAFOND APPLICABLE À L'EXONÉRATION D'IR DES TITRES-RESTAURANTS AINSI QUE LA HAUSSE DU REMBOURSEMENT DES FRAIS DE REPAS DES SALARIÉS

A. LA LIMITE DE L'EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU DE LA CONTRIBUTION PATRONALE AUX TITRES-RESTAURANT EST PORTÉE À 5,92 EUROS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances avec un avis favorable du Gouvernement 70 ( * ) .

L'article 1 er A fait passer la limite de l'exonération d'impôt sur le revenu de la contribution patronale à l'acquisition de titres-restaurant de 5,69 euros à 5,92 euros. Par conséquent, Par conséquent, la valeur du titre-restaurant ouvrant doit à l'exonération maximale serait comprise entre 9,87 euros et 11,84 euros.

Le passage de 5,69 à 5,92 euros correspond à une revalorisation de 4 %. Ce coefficient est celui qui a été retenu par le gouvernement pour la revalorisation des prestations sociales à l'inflation dans l'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat .

D'après l'étude d'impact du projet de loi « Pouvoir d'achat », le chiffre de 4 % a été retenu au motif qu'en l'additionnant aux revalorisations survenues le 1 er janvier 2022 (1,1 %), on obtiendrait un chiffre proche de l'inflation constatée au milieu de l'année 2022. Le chiffre obtenu (5,1 %) est cependant inférieur à l'inflation sur un an en juin 2022 (5,8 %).

B. L'ARTICLE REVALORISE ÉGALEMENT D'AU PLUS 4 % LES LIMITES DANS LESQUELLES LES REMBOURSEMENTS DE FRAIS DE NOURRITURE DES SALARIÉS NE SONT PAS CONSIDÉRÉS COMME DES REVENUS D'ACTIVITÉ

Le II de l'article 1 er A dispose que les limites dans lesquelles les remboursements de frais de nourriture des salariés ne sont pas considérés comme des revenus d'activité sont revalorisés à compter du 1 er septembre par un coefficient déterminé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget , dans la limite du coefficient prévu au premier alinéa du I de l'article 5 du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

Le I de l'article 5 du projet de loi « pouvoir d'achat » prévoit la revalorisation de 4 % du montant d'un certain nombre de prestations sociales, dont les prestations de retraite des régimes de base. Par conséquent, la revalorisation du II de l'article 1 er A serait inférieure ou égale à 4 %.

En faisant l'hypothèse que l'arrêté des ministres retiendra le coefficient de 4 %, et que le coefficient de l'article 5 du projet de loi « Pouvoir d'achat » sera définitivement adopté, le tableau suivant donne le barème applicable à partir du 1 er septembre 2022 (en euros) :

Barème applicable du 1 er janvier 2022 au
1 er septembre 2022

Barème applicable
à partir du
1 er septembre 2022

salarié contraint de prendre son repas sur le lieu de travail

6,80

7,10

salarié en déplacement professionnel qui prend un repas au restaurant mais qui n'y est pas contraint

9,50

9,90

salarié en déplacement professionnel contraint de prendre un repas au restaurant

19,40

20,20

Source : Commission des finances, d'après l'arrêté du 20 décembre 2002, le barème 2022 des frais de repas et l'article 5 du projet portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES MESURES BIENVENUES POUR RENFORCER LE POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS

La revalorisation du plafond d'exonération de l'impôt sur le revenu des titres-restaurant ainsi que la hausse du remboursement des frais de repas sont des mesures qui favorisent la consommation intérieure et qui sont bénéfiques pour le pouvoir d'achat . Le rapporteur général rappelle en outre que les mesures dérogatoires relatives aux titres-restaurant ont pris fin le 1 er juillet 2022. La revalorisation du plafond d'exonération d'impôt sur le revenu des titres-restaurant permet ainsi de faciliter la transition entre le régime exceptionnel « crise sanitaire » et le régime pérenne des titres-restaurant .

Lors de l'examen de l'amendement ayant créé cet article, Bruno Le Maire, ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a confirmé qu'un relèvement de 19 à 25 euros du plafond journalier des titres-restaurant serait mis en oeuvre parallèlement par voie réglementaire. Cette mesure, complémentaire au rehaussement du plafond d'exonération d'impôt sur le revenu, contribuera à encourager l'utilisation des titres-restaurant .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE 1er B (nouveau)

Assouplissement des conditions d'éligibilité à la « prime transport »
et des plafonds ouvrant droit, au titre de l'avantage qu'elle procure,
à une exonération d'impôt sur le revenu

. Alors que les salariés qui utilisent leur véhicule personnel pour aller travailler sont très exposés à la hausse des prix des carburants, cet article propose de renforcer et d'élargir les possibilités de recourir au dispositif de la « prime transport » par lequel l'employeur peut notamment prendre en charge une partie des frais de carburant avancés par ses salariés pour se rendre sur leur lieu de travail.

Pour se faire il propose, pour les années 2022 et 2023 :

- de doubler le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage tiré de la prise en charge par l'employeur des frais de carburants de son salarié ;

- d'augmenter le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage tiré de la participation de l'employeur aux frais de transport de son salarié ;

- de supprimer les deux critères alternatifs qui limitent l'éligibilité des salariés à la « prime transport » ;

- de permettre le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge partielle par l'employeur des frais relatifs à un abonnement de transports en commun ou de service public de location de vélos.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS QUESTIONNE LES CONTRAINTES QUI ENCADRENT AUJOURD'HUI LA « PRIME TRANSPORT » QUE L'EMPLOYEUR PEUT VERSER À SES SALARIÉS

A. TROIS DISPOSITIFS PERMETTENT À L'EMPLOYEUR DE PRENDRE EN CHARGE LES FRAIS ASSUMÉS PAR LES SALARIÉS POUR SE RENDRE SUR LEUR LIEU DE TRAVAIL

Trois dispositifs permettent aujourd'hui à un employeur de prendre en charge tout ou partie des frais de transport assumés par ses salariés pour se rendre sur leur lieu de travail.

Un premier dispositif oblige l'employeur à prendre en charge au moins 50 % « du prix des titres d'abonnements souscrits par ses salariés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélos » 71 ( * ) . Ce mécanisme est prévu par l'article L3261-2 du code du travail .

Un second dispositif, dit « prime transport », prévu à l'article L326-3 du code du travail , permet à l'employeur, sur la base du volontariat cette fois-ci, de prendre en charge « tout ou partie des frais de carburant et des frais exposés pour l'alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène engagés pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail par ceux de ses salariés » 72 ( * ) . Si l'employeur décide de mettre en place cette prime, cette dernière doit être proposée à l'ensemble de ses salariés sans discrimination. Le montant, les modalités ainsi que les critères d'attribution de cette prime doivent être déterminées dans le cadre d'un accord d'entreprise, d'un accord interentreprises ou d'un accord de branche. Faute d'accord collectif, l'employeur peut néanmoins mettre en oeuvre cette prime par une décision unilatérale, après consultation du comité social et économique (CSE), s'il existe.

Enfin, un troisième dispositif, dit « forfait mobilités durables », créé par l'article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et prévu par l'article L326-3-1 du code du travail , permet à l'employeur, là encore sur la base du volontariat, de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » . Le décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 relatif au « forfait mobilités durables » précise ainsi le périmètre des frais relatifs à l'usage de « mobilités douces » susceptibles d'être couverts par ce dispositif.

B. CES DISPOSITIFS BÉNÉFICIENT D'UN TRAITEMENT DÉROGATOIRE SUR LES PLANS FISCAL ET SOCIAL

Ces dispositifs font l'objet d'un traitement dérogatoire sur les plans fiscal et social dans la limite de certains plafonds. Ainsi, pour les salariés, le bénéfice de ces dispositifs donne lieu, dans certaines limites, à une exonération d'impôt sur le revenu prévue par le 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Le 19° ter a prévoit que le bénéfice de l'obligation faite à l'employeur de prendre en charge 50 % d'un abonnement de transport en commun ou de location de vélos (article L3261-2 du code du travail) fait l'objet d'une exonération d'impôt sur le revenu pour le salarié concerné.

Le premier alinéa du 19° ter b prévoit quant à lui que l'avantage résultant des deux autres dispositifs , à savoir la « prime transport » et le « forfait mobilités durables », ouvre droit à une exonération d'impôt sur le revenu jusqu'à un plafond global de 500 euros avec un sous-plafond de 200 euros s'agissant de la prise en charge des frais de carburant .

Le deuxième alinéa du 19° ter b prévoit quant à lui qu'en cas de cumul du « forfait mobilités durables » avec la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos, l'avantage global résultant de ces deux dispositifs ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu est plafonné à 600 euros . Ce plafond, auparavant de 500 euros, a été relevé de 100 euros à compter du 25 août 2021 par l'article 128 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Le tome II de l'annexe au projet de loi de finances pour 2022 « Voies et moyens » ne permet pas d'évaluer le montant des exonérations fiscales d'impôt sur le revenu qui résultent de chacun des dispositifs. Néanmoins, la dépense fiscale n° 120113, dont le périmètre est étendu à « l'exonération partielle de la prise en charge par l'employeur, une collectivité territoriale ou Pôle emploi, des frais de transport entre le domicile et le lieu de travail » , avait, en 2020 et en 2021 un coût budgétaire estimé à 160 millions d'euros .

Conformément aux dispositions des articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale , les bénéfices de ces dispositifs sont exclus du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans les mêmes conditions que celles prévues au 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Il est à noter que l'exonération de cotisations et de contributions sociales sur l'avantage qui résulte de la « prime transport » n'est pas compensée aux organismes de sécurité sociale en vertu de la dérogation expresse qui figure à l'article L131-7 du code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, l'annexe 5 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 portant sur la présentation des mesures d'exonération de cotisations et contributions et de leur compensation ne propose aucune évaluation du montant des exonérations de cotisations et contributions sociales qui résultent de la « prime transport » et du « forfait mobilités durables ».

C. CERTAINES DES CONTRAINTES POSÉES À LA PRIME TRANSPORT SONT REMISES EN CAUSE PAR LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS

Outre les plafonds d'exonération fiscale et sociale présentés supra , plusieurs mécanismes restreignent l'éligibilité au bénéfice de la « prime transport » .

Premièrement, et par cohérence, le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec la déduction des frais réels de transport dans l'établissement de l'impôt sur le revenu.

L'éligibilité à la prime transport se trouve en outre restreinte par deux conditions alternatives prévues par les trois premiers alinéas de l'article L3261-3 du code du travail. Aussi, pour que le salarié puisse bénéficier de la prime transport, il doit se trouver dans l'une des deux situations suivantes :

- sa résidence habituelle ou son lieu de travail est situé dans une commune non desservie par un service public de transport collectif régulier et n'est pas inclus dans le périmètre d'un plan de mobilité obligatoire;

- l'utilisation de son véhicule personnel est rendue indispensable par des conditions d'horaires de travail particuliers ne lui permettant pas d'emprunter un mode collectif de transport .

Le dernier alinéa de l'article L3261-3 du code de travail précise par ailleurs que le bénéfice de la « prime transport » ne peut être cumulé avec celui de la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de vélos (article L3261-2 du code du travail).

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ASSOUPLISSEMENT DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ À LA « PRIME TRANSPORT » ET DES PLAFONDS EN DEÇA DESQUELS ELLE OUVRE DROIT À UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance 73 ( * ) ainsi que d'un sous-amendement déposé par des députés membres du groupe Libertés indépendants, Outre-mer et territoires 74 ( * ) . Ces derniers ont été adoptés avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement.

Le I du présent article vise d'une part, pour l'imposition des revenus 2022 et 2023 , à multiplier par deux , en le faisant passer de 200 euros à 400 euros le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu au titre de l'avantage résultant de la prise en charge par l'employeur des frais de carburant engagés par les salariés dans le cadre des dispositions de l'article L3261-3 du code du travail (relatif à la « prime transport »). Il prévoit que ce plafond soit majoré à un niveau de 600 euros dans les territoires ultra-marins 75 ( * ) .

Ce même I vise d'autre part, toujours pour l'imposition des revenus 2022 et 2023 , à augmenter , en le faisant passer de 500 euros à 700 euros, le plafond global d'exonération d'impôt sur le revenu au titre des avantages résultant aussi bien de la « prime transport » prévue à l'article L3261-3 du code du travail que du « forfait mobilités durables » prévu à l'article L3261-3-1 du code du travail. Cette disposition permet ainsi de majorer pour deux ans le plafond d'exonération applicable aux avantages résultant de chacun de ces dispositifs ainsi que de leur cumul. En outre, il prévoit que ce plafond soit majoré à un niveau de 900 euros dans les territoires ultra-marins 76 ( * ) .

Le II de l'article vise quant à lui, d'une part, à écarter, pour les années 2022 et 2023, les deux critères alternatifs prévus à l'article L3261-3 du code du travail qui limitent l'éligibilité des salariés à la « prime transport » . Pour ce faire, il prévoit ainsi de déroger aux trois premiers alinéas de l'article L3261-3 du code du travail. Aussi pour ces deux années, tous les salariés pourront être concernés par l'avantage tiré de la « prime transport » « pour leurs déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail » .

D'autre part, ce même II , en dérogeant au dernier alinéa de l'article L3261-3 du code du travail, autorise, pour les années 2022 et 2023, le cumul de la « prime transport » avec la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement aux transports collectifs et de vélos (article L3261-2 du code du travail).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LE RENFORCEMENT TEMPORAIRE DU DISPOSITIF DE LA « PRIME TRANSPORT » SE JUSTIFIE PAR LA HAUSSE DES PRIX DES CARBURANTS

Selon les données publiées par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, 70 % des trajets domicile - travail sont effectués au moyen d'un véhicule individuel . Ainsi, de nombreux travailleurs , particulièrement dans les zones rurales ou périurbaines qui ne disposent pas nécessairement de services de transports collectifs denses et réguliers, se trouvent fortement exposés à la hausse des prix des carburants .

La remise de 18 centimes d'euros TTC sur les prix du carburant mise en oeuvre depuis le mois d'avril 2022 et qui devrait être prolongée et même amplifiée à la rentrée de septembre, propose une aide généralisée à l'ensemble des consommateurs de carburants. Si une telle mesure semble nécessaire pour ne pas exclure certains publics exposés à l'inflation des prix des carburants, en particulier les classes moyennes ou les retraités, il n'en est pas moins vrai que certaines catégories de la population souffrent davantage de cette situation, notamment car leur consommation de carburant se trouve contrainte à des fins purement professionnelles . Il en va ainsi des travailleurs contraints d'utiliser leur véhicule particulier pour se rendre sur leur lieu de travail.

Aussi, en sus de la mesure de remise généralisée sur les prix des carburants, une mesure ciblée sur les travailleurs, moins coûteuse pour les finances publiques , apparaît-elle nécessaire . L'ajustement de certains des paramètres de la « prime transport » est un levier qui peut permettre d'atteindre cet objectif . La hausse temporaire des plafonds qui limitent l'exonération fiscale d'impôt sur le revenu appliquée sur l'avantage tiré de ce dispositif, et tout particulièrement le doublement du plafond dédié à la prise en charge des frais de carburant, apparaît cohérente au regard de la hausse des prix du gazole et de l'essence qui, par voie de conséquence, avait rendu le dispositif sous-dimensionné.

Même si la suppression temporaire des deux critères qui limitent aujourd'hui l'éligibilité à la « prime transport » peut conduire à ce que celle-ci soit accordée à des salariés qui auraient potentiellement l'opportunité d'utiliser des moyens de transport collectif, le fait que ce dispositif soit par définition dédié aux salariés conduit à cibler et rendre plus efficientes les aides publiques qui lui sont consacrées.

Même s'il ne faut pas tomber dans l'écueil de dispositifs « à la carte » d'une complexité exagérée, il n'est pas sans cohérence de tenir compte des spécificités des territoires d'Outre-mer comme le prévoit le présent article.

Il conviendra d' évaluer le recours à la possibilité , permise pour deux ans par le présent article, de cumuler l'avantage de la « prime transport » avec celui de la participation de l'employeur à l'abonnement d'un service de transport collectif . Si cette opportunité peut répondre à des besoins de trajets mixtes, il s'agira d'estimer le nombre de salariés susceptibles d'en bénéficier réellement.

Pour en circonscrire le coût pour les finances publiques et pour ne les cantonner qu'à la période de tension exceptionnelle sur les prix des carburants, il apparaît pertinent que ces dispositions demeurent limitées dans le temps, soit pour deux années comme le prévoit l'article.

Par ailleurs, pour ne pas avancer dans l'inconnu budgétaire sur ce type de dispositions, il serait particulièrement utile que les évaluations du coût de l'exonération fiscale et sociale de la « prime transport » comme des autres dispositifs de soutien de la mobilité des professionnels soient beaucoup mieux connues et documentées . Il n'apparaît pas utile de faire évoluer ces dispositifs sans avoir une réelle visibilité sur leurs impacts budgétaires .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 1er C (nouveau)

Augmentation du plafond d'exonération fiscale et sociale en cas de cumul du « forfait mobilités durables » et de la participation de l'employeur à l'abonnement à un service de transport collectif ou de location de vélos

. Cet article prévoit une augmentation de 600 euros à 800 euros du plafond ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu, de cotisations et de contributions sociales au titre des avantages tirés du cumul du « forfait mobilités durables » et du dispositif de prise en charge partielle des frais relatifs au prix d'un abonnement à un service de transport en commun ou de location de vélos.

La commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PARTICIPATION DE L'EMPLOYEUR AUX FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT COLLECTIF OUVRE LE DROIT À DES EXONÉRATIONS FISCALES ET SOCIALES DANS LA LIMITE D'UN PLAFOND DE 600 EUROS

A. LE « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » PERMET À UN EMPLOYEUR DE PARTICIPER AUX FRAIS DE TRANSPORTS DE SES SALARIÉS UTILISANT DES MODES DE « MOBILITÉS DOUCES » POUR SE RENDRE SUR LEUR LIEU DE TRAVAIL

Le « forfait mobilités durables » a été créé par l'article 82 de la loin° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM). Il est prévu à l'article L326-3-1 du code du travail . Il permet à l'employeur , sur la base du volontariat, de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage, ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » .

Le décret n° 2020-541 du 9 mai 2020 relatif au « forfait mobilités durables », qui a mis en oeuvre ce dispositif, a ainsi précisé le périmètre des frais relatifs à l'usage de « mobilités douces » susceptibles d'être couverts par ce mécanisme. Ce périmètre, prévu par l'article R3261-13-1 du code du travail, qui lui-même renvoie à l'article R311-1 du code de la route ainsi qu'à l'article L1231-14 du code des transports, comprend notamment les vélos et vélos à assistance électrique (VAE), le covoiturage, les cyclomoteurs et motocyclettes en location ou en libre-service, divers engins de déplacement personnel motorisés (trottinettes, mono roues, gyropodes, etc .), l'autopartage de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogènes et les transports en commun à l'exclusion des frais d'abonnement.

Si l'employeur décide de mettre en oeuvre ce forfait, il doit être proposé à l'ensemble de ses salariés sans discriminations. Le montant, les modalités ainsi que les critères d'attribution de ce forfait doivent être déterminés dans le cadre d'un accord d'entreprise, d'un accord interentreprises ou d'un accord de branche. Faute d'accord collectif, l'employeur peut néanmoins mettre en place ce forfait par une décision unilatérale, après consultation du comité social et économique (CSE), s'il existe.

B. JUSQU'À 500 EUROS, LES MONTANTS VERSÉS DANS LE CADRE DE CE FORFAIT SONT EXONÉRÉS D'IMPÔT SUR LE REVENU, DE COTISATIONS ET DE CONTRIBUTIONS SOCIALES

Le « forfait mobilités durables » fait l'objet d'un traitement dérogatoire sur les plans fiscal et social. Pour les salariés, le bénéfice tiré de ce dispositif donne lieu à une exonération d'impôt sur le revenu prévue par le 19° ter de l'article 81 du code général des impôts .

Le premier alinéa du 19° ter b prévoit ainsi que l'avantage résultant de la « prime transport » prévue à l'article L3261-3 du code du travail (dont le dispositif est présenté dans le commentaire de l'article 1 er B) et du forfait mobilités durables ouvre droit à une exonération d'impôt sur le revenu jusqu'à un plafond de 500 euros . Aussi, le traitement fiscal dérogatoire résultant des bénéfices tirés du forfait mobilité durable ou du cumul de celui-ci avec la « prime transport » sont-ils limités à 500 euros.

Conformément aux dispositions des articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale , les bénéfices de ces dispositifs sont exclus du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) dans les mêmes conditions que celles prévues au 19° ter de l'article 81 du code général des impôts.

C. LES AVANTAGES FISCAUX ET SOCIAUX TIRÉS DES BÉNÉFICES DU CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PRISE EN CHARGE PAR L'EMPLOYEUR D'UNE PARTIE DES FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT COLLECTIF OU DE VÉLOS SONT PLAFONNÉS À 600 EUROS

Le deuxième alinéa du 19° ter b de l'article 81 du code général des impôts prévoit qu'en cas de cumul du « forfait mobilités durables » avec la prise en charge des frais d'abonnement de transport en commun ou de location de vélos prévue à l'article L3261-2 du code du travail, l'avantage global résultant de ces deux dispositifs ouvrant droit à une exonération d'impôt sur le revenu est plafonné à 600 euros . Ce plafond, auparavant de 500 euros , a été relevé de 100 euros à compter du 25 août 2021 par l'article 128 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Puisque les articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale renvoient aux dispositions du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, l'exclusion de ces bénéfices du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) répond aux mêmes conditions.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE AUGMENTATION DE 200 EUROS DU PLAFOND OUVRANT DROIT À EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU, DE COTISATIONS ET DE CONTRIBUTIONS SOCIALES AU TITRE DES AVANTAGES TIRÉS DU CUMUL DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES » ET DE LA PRISE EN CHARGE PAR L'EMPLOYEUR D'UNE PARTIE DES FRAIS D'ABONNEMENT À UN SERVICE DE TRANSPORT EN COMMUN OU DE LOCATION DE VÉLOS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance 77 ( * ) avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement.

En modifiant le second alinéa du b du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, le présent article prévoit d' augmenter de 600 à 800 euros le plafond de l'exonération fiscale d'impôt sur le revenu résultant du cumul entre le forfait mobilités durables (article L3261-3-1 du code du travail) et la prise en charge par l'employeur d'une partie de l'abonnement à un service de transport en commun ou de location de vélos prévue à l'article L3261-2 du code du travail.

Puisque les articles L136-1-1 et L242-1 du code de la sécurité sociale renvoient aux dispositions du 19° ter de l'article 81 du code général des impôts, cette majoration de 200 euros du plafond des bénéfices résultant du cumul de ces deux dispositifs sera exclue du calcul de l'assiette des cotisations sociales, de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS).

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DESTINÉE À PROMOUVOIR LE DÉVELOPPEMENT DU « FORFAIT MOBILITÉS DURABLES »

Le 30 juin 2022 la deuxième édition du baromètre du « forfait mobilités durables » a été publiée par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Parmi le panel des employeurs sondés, il apparaît que 38 % des entreprises du secteur privé l'ont déjà mis en oeuvre , soit une hausse de douze points par rapport à la précédente étude en 2021. 40 % des organisations envisageraient de le déployer . Toutefois, l'étude souligne que 20 % des employeurs ignorent encore l'existence du dispositif .

Ce baromètre précise aussi que le montant moyen du « forfait mobilités durables » proposé par les employeurs a atteint 434 euros , contre 400 euros en 2021. Au regard de ce montant moyen, il apparaît que le plafond d'exonération des avantages tirés du cumul de ce dispositif et de la participation de l'employeur à un abonnement de transport en commun ou de location de vélos peut être aisément atteint et dépassé . Cette situation peut , dans certains cas, freiner le recours au « forfait mobilités durables » et rendre ineffective la possibilité , encouragée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée, de le cumuler .

En augmentant le plafond de l'exonération de 200 euros pour le fixer à 800 euros, cet article doit permettre de rendre plus effective cette possibilité de cumul des deux dispositifs, une façon pertinente pour répondre aux enjeux du développement de trajets mixtes qui combinent le recours aux services de transports en commun avec l'utilisation de moyens de transport individuels à faible empreinte carbone.

D'un côté , dans cette période de hausse des prix du carburant, il est indispensable de prendre des mesures d'urgence pour soutenir le pouvoir d'achat des français exposés à la hausse des prix des carburants . D'un autre côté cependant, de façon structurelle, il est important de garder le cap de la transition écologique et de renforcer les incitations , pour ceux qui le peuvent, visant à adopter des habitudes de mobilité plus vertueuses sur les plans environnemental et climatique.

Pour autant, le baromètre précité signale que le principal frein au déploiement du « forfait mobilités durables » demeure son coût pour l'entreprise . Il convient donc d' inciter les employeurs à développer l'usage du forfait mobilités durables .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter l'article sans modification.

ARTICLE 1er D (nouveau)

Relèvement du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires

. Le présent article propose de porter de 5 000 euros à 7 500 euros le plafond annuel d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires et complémentaires effectuées en 2022. C'est une mesure portée par le Sénat depuis plusieurs années, et c'est notamment à son initiative qu'une dérogation similaire avait été adoptée durant la crise sanitaire.

Le relèvement de ce plafond répond à un double-objectif, celui, d'une part, de soutenir le pouvoir d'achat des salariés face à la hausse durable et significative des prix à la consommation, et celui, d'autre part, de soutenir les entreprises rencontrant d'importantes difficultés de recrutement, dans un contexte de fortes tensions sur le marché du travail.

Au regard de ces objectifs, la commission des finances soutient le relèvement du plafond, tout en proposant de supprimer son bornage au 31 décembre 2022 (amendement FINC.1 ( 182 )). Les crises récentes obligent en effet à s'interroger sur la nécessaire revalorisation du travail et sur la souplesse à apporter aux entreprises dans un contexte économique soumis à de nombreux aléas.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES EST PLAFONNÉE

A. L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES, UNE MESURE RÉINTRODUITE À LA SUITE DE LA CRISE DES « GILETS JAUNES »

L'article 2 de la loi portant mesures d'urgence économiques et sociales 78 ( * ) - adoptée en réponse au mouvement des « gilets jaunes » - a rétabli, à compter du 1 er janvier 2019, l'article 81 quater du code général des impôts (CGI), abrogé en 2012 79 ( * ) , afin d' exonérer d'impôt sur le revenu les rémunérations, majorations et éléments de rémunérations mentionnés aux I et III de l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale . Ce sont notamment les heures supplémentaires , les heures complémentaires pour les salariés à temps partiel et les jours de repos auxquels les salariés ayant conclu la convention d'un forfait jour renoncent.

Sous une forme différente, cette exonération avait été introduite en 2007 par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat (dite loi « TEPA ») 80 ( * ) .

Le champ des bénéficiaires visés est vaste : cette exonération concerne autant les salariés relevant du régime général que ceux relevant du régime agricole, les salariés à temps partiel et ceux à temps plein ou en convention de forfait annuel en heures, les agents publics, les salariés des particuliers employeurs ou encore les assistants maternels 81 ( * ) .

Toutefois, le bénéfice de cette exonération est soumis au respect de deux conditions :

- l'exonération est limitée par un plafond annuel de 5 000 euros , soit 417 euros par mois en moyenne (I de l'article 81 quater du CGI) ;

- les éléments de rémunérations des salariés éligibles à cette exonération ne peuvent pas se substituer à d'autres éléments de rémunération, à moins qu'un délai de douze mois ne se soit écoulé depuis le dernier versement de l'élément de rémunération en tout ou partie supprimé et le premier versement au titre des heures supplémentaires, complémentaires ou des jours de repos non pris dans le cadre d'un forfait jour (V de l'article L. 241- 17 du code de la sécurité sociale).

Le coût de cette dépense fiscale avait été évalué à 2,1 milliards d'euros en 2021 et à 1,67 milliard d'euros en 2022 82 ( * ) .

Le champ des rémunérations éligibles à cette exonération fiscale est identique à celui prévu à l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale pour l'exonération de cotisations sociales salariales . Ce renvoi assure une harmonisation des dispositions relatives aux cotisations salariales et à l'impôt sur le revenu. Le dispositif d'exonération sociale, lui-aussi abrogé en 2012 83 ( * ) et réintroduit, sous une forme aménagée, en 2019 84 ( * ) , prévoit une réduction des cotisations salariales applicables à la rémunération des heures supplémentaires . L'entrée en vigueur de ce dispositif avait été avancée, du 1 er septembre 2019 au 1 er janvier 2019 85 ( * ) .

Quant aux cotisations patronales, l'article 2 de la loi dite « TEPA » 86 ( * ) avait inséré un nouvel article L. 241-18 au sein du code de la sécurité sociale, afin de définir les modalités de déduction des cotisations sociales patronales pour les heures supplémentaires . Cette déduction, limitée aux employeurs de moins de 20 salariés à compter de 2012 87 ( * ) , est forfaitaire . Son montant est fixé à 1,50 euro par heure effectuée, et ce quel que soit le niveau de rémunération du salarié. Contrairement aux rémunérations visées à l'article 81 quater du CGI, cette déduction se limite aux heures supplémentaires et ne s'applique pas, par exemple, aux heures complémentaires.

B. UN PLAFOND D'EXONÉRATION TEMPORAIREMENT ASSOUPLI LORS DE LA CRISE SANITAIRE, À L'INITIATIVE DU SÉNAT

Sur proposition de la commission des finances, le Sénat avait adopté par deux fois, lors de l'examen des première et deuxième lois de finances rectificatives pour 2020, un article visant à assouplir le régime fiscal et social des heures supplémentaires.

Le dispositif permettait d'une part de ne pas tenir compte des heures supplémentaires effectuées durant la période d'état d'urgence sanitaire dans le calcul du plafond de 5 000 euros et, d'autre part, d'exonérer les employeurs de cotisations sociales patronales sur la rémunération de ces heures. L'objectif était double : soutenir les salariés mobilisés pour assurer la fourniture de biens et de services vitaux en période de crise sanitaire et ne pas pénaliser davantage les employeurs en cette période difficile.

Dans le cadre de l'examen de la deuxième loi de finances rectificative, un accord avait été trouvé à l'issue de la commission mixte paritaire 88 ( * ) : le plafond avait été porté à 7 500 euros pour les rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées durant l'état d'urgence sanitaire et entrainant le dépassement du plafond de 5 000 euros . Ce plafond était maintenu pour les rémunérations perçues au titre des heures travaillées hors de la période de l'état d'urgence sanitaire.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UNE HAUSSE DU PLAFOND DE L'EXONÉRATION FISCALE ET SOCIALE SUR LES HEURES SUPPLÉMENTAIRES

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement , trois amendements identiques de la commission des finances, de Laurent Marcangeli et de ses collègues députés membres du groupe Horizons et de Véronique Louwagie et de ses collègues députés du groupe Les Républicains, modifiant l'article 81 quater du code général des impôts. Ces amendements portent à 7 500 euros le plafond d'exonération d'impôt sur le revenu pour les heures supplémentaires et les heures complémentaires réalisées en 2022 .

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE DÉFENDUE À PLUSIEURS REPRISES PAR LE SÉNAT, NÉCESSAIRE POUR VALORISER LE TRAVAIL ET DÉFENDRE LE POUVOIR D'ACHAT DES SALARIÉS

A. LA REVALORISATION DU PLAFOND DE DÉFISCALISATION DES HEURES SUPPLÉMENTAIRES, UN DOUBLE SOUTIEN APPORTÉ AUX SALARIÉS ET AUX ENTREPRISES

La commission des finances a défendu à plusieurs reprises le rehaussement du plafond applicable à l'exonération d'impôt sur le revenu sur les heures supplémentaires , avec le double objectif de soutenir le pouvoir d'achat des salariés et de soutenir les entreprises ne trouvant pas la main d'oeuvre nécessaire ou ne disposant pas, notamment pour les petites et moyennes entreprises, de la trésorerie nécessaire pour embaucher immédiatement de nouveaux salariés.

Ces deux objectifs sont aujourd'hui devenus des impératifs , dans un contexte de forte inflation et d' accroissement des tensions sur le marché du travail depuis la fin de l'année 2021 . À titre d'exemple, et selon les données publiées par l'Insee pour le mois de juillet 2022, 67 % des entreprises du secteur de l'industrie manufacturière et 60 % des entreprises du secteur des services déclaraient rencontrer des difficultés de recrutement , soit les plus hauts niveaux depuis la création de ces indicateurs. Cette proportion s'élève même à 82 % dans le secteur de la construction, au plus haut depuis 15 ans.

Il est dès lors impératif que le travail puisse être encouragé et valorisé . Dans une étude publiée en 2021 sur la structure des rémunérations en 2018 89 ( * ) , soit avant le rétablissement de l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires, la Dares indiquait que la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires concernait 42,7 % des salariés et représentait 2 % de leur rémunération brute totale . Il existe toutefois d' importantes disparités entre les salariés et entre les secteurs .

Ainsi, 64,1 % des salariés du secteur de la construction et 47,1 % des salariés de l'industrie ont effectué des heures supplémentaires et complémentaires en 2018, deux secteurs particulièrement affectés par les tensions sur le marché du travail. Au niveau des branches professionnelles, ce sont les salariés de l'hôtellerie, de la restauration et du tourisme (65,7 %), ainsi que ceux du nettoyage, de la manutention, de la récupération et de la sécurité (57,5 %) qui sont les plus concernés par les heures supplémentaires, dans des secteurs connaissant là encore des difficultés importantes de recrutement.

Par ailleurs, et alors que ce sont celles qui peuvent avoir le plus de difficultés à recruter ou à disposer des fonds nécessaires à l'embauche de nouveaux salariés , il est intéressant de voir que ce sont bien les petites entreprises qui recourent le plus aux heures supplémentaires et complémentaires .

Proportion de salariés concernés par des éléments de rémunération liés aux heures supplémentaires et complémentaires
en 2018 selon la taille de l'entreprise

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Concernant enfin le niveau de rémunération des salariés, et toujours dans l'optique de soutenir leur pouvoir d'achat et de valoriser leur travail, il convient de relever que, d'après les données de la Dares, la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires est, en proportion de la rémunération brute, plus élevée parmi les 10 % des salariés percevant les salaires les moins élevés (D1) ainsi que parmi ceux situés au milieu de la distribution (D4 à D6), une partie de ces derniers étant également redevables de l'impôt sur le revenu.

Part de la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires
dans la rémunération brute par décile des salaires de base annuels versés aux salariés rémunérés à temps complet tout au long de l'année

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Ce sont également les salariés des déciles D4 à D7 qui sont le plus concernés par la réalisation d'heures supplémentaires et complémentaires, même si ce sont les heures supplémentaires des ménages des derniers déciles qui sont, a fortiori, les mieux rémunérées.

Part des salariés concernés par la réalisation d'heures supplémentaires et complémentaires par décile des salaires de base annuels versés aux salariés rémunérés à temps complet tout au long de l'année

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les données publiées par la Dares, « La structure des rémunérations », avril 2021

Le rehaussement du plafond de l'exonération fiscale sur les heures supplémentaires aura un effet immédiat sur ses bénéficiaires puisque la rémunération des heures supplémentaires est exclue, sur la fiche de paie du salarié, des éléments retenus pour l'application du prélèvement à la source.

B. UNE PROPOSITION QUI DOIT ÊTRE RENFORCÉE POUR SOUTENIR LES TRAVAILLEURS

Le présent article s'inscrit parmi les dispositions du projet de loi de finances rectificative visant à soutenir le pouvoir d'achat des salariés et défendues de longue date par le Sénat . Pour rappel, lorsque l'exonération fiscale et sociale avait été réintroduite en 2019, le gain pour un salarié rémunéré 1 500 euros nets et réalisant un nombre d'heures supplémentaires dans la moyenne de l'ensemble des salariés avait été estimé à 455 euros , dont 190 euros au titre de la réduction des cotisations sociales et salariales et 265 euros au titre de l'impôt sur le revenu 90 ( * ) .

Alors que les crises récentes et le contexte actuel obligent à s'interroger sur la nécessaire valorisation du travail et sur la souplesse à apporter aux entreprises , la commission des finances propose de renforcer l'impact du présent article, en supprimant le bornage au 31 décembre 2022 ( amendement FINC.1 ( 182 ) ). D'ailleurs, la date retenue par nos collègues députés était particulièrement restrictive.

Les entreprises et leurs salariés subissent un contexte économique soumis à de nombreux aléas, avec un niveau de tensions inédit sur le marché du travail.

Il convient donc d' introduire davantage de souplesse dans l'organisation du travail, tout en soutenant davantage la rémunération des salariés . Ces objectifs sont cohérents avec ceux poursuivis par l'article 1 er E du présent projet de loi, qui donne à l'ensemble des salariés du secteur privé la possibilité de convertir leurs jours de repos « RTT » en majoration de salaire exonérée d'impôt sur le revenu et de cotisations sociales.

Ils sont également alignés avec le dispositif adopté par la commission des affaires sociales du Sénat dans le cadre de l'examen du projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et concernant les cotisations salariales patronales sur les heures supplémentaires 91 ( * ) . Le dispositif permettrait, d'une part, d' étendre le dispositif de déduction forfaitaire de cotisations patronales sur les heures supplémentaires aux entreprises de plus de 20 salariés et, d'autre part, d'appliquer la même déduction, pour les mêmes entreprises, aux jours de repos auxquels les salariés en forfait jour ont renoncé. À l'instar de ce qui est prévu pour les entreprises de moins de 20 salariés, le montant de la déduction forfaitaire serait fixé par décret .

Le même amendement FINC.1 ( 182 ) procède également à une clarification de l'article 81 quater du CGI en supprimant son II 92 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er E (nouveau)

Conversion des jours de repos « RTT » en majoration de salaire

. Le présent article propose de donner à l'ensemble des salariés du secteur privé la possibilité de convertir leurs jours de repos « RTT » en majoration de salaire. Cette majoration bénéficierait d'exonérations de cotisations sociales et d'une exonération d'impôts sur le revenu, qui est comptée dans la limite annuelle de celle des heures supplémentaires.

À l'heure actuelle, les possibilités de rachat des jours de repos « RTT » sont limités. Le dispositif permet ainsi d'élargir cette faculté pour les salariés proposée par le présent article.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LES POSSIBILITÉS DE RACHAT DES JOURS DE REPOS « RTT » SONT LIMITÉES À DES CAS PRÉCIS

A. LE RÉGIME DES JOURS DE REPOS « RTT » EST PRINCIPALEMENT DÉFINI DANS LES CONVENTIONS ET ACCORDS COLLECTIFS D'ENTREPRISE

Le II de l'article L3121-33 du code du travail prévoit qu'une convention ou un accord collectif d'entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche peut permettre : « le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires, ainsi que des majorations, par un repos compensateur équivalent . » En l'absence d'accord, les caractéristiques et les conditions dans lequel la contrepartie en repos peut être prise est précisée par décret.

Il existe deux types d'accord conventionnels pouvant prévoir le remplacement des heures supplémentaires par des jours de congés :

- il n'est plus possible, depuis la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail, de conclure de nouveaux accords portant spécifiquement sur la « réduction du temps de travail » (RTT). Les accords « RTT » conclus antérieurement à cette loi restent toutefois en vigueur ;

- les articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail prévoient la possibilité de mettre en place un dispositif d'aménagement du temps de travail . Celui-ci peut inclure un dispositif de jours de repos conventionnel. Il s'agit de la seule procédure utilisable pour aménager les jours de repos depuis la loi du 20 août 2008.

B. TROIS CAS SEULEMENT PERMETTENT DE TRANSFORMER SES JOURS DE REPOS « RTT » EN MAJORATION DE SALAIRE

Aujourd'hui, la possibilité de transformer ses jours de repos en majoration de salaire est limité à trois cas .

Le premier concerne les salariés en forfait jours . Ceux-ci ont en effet la possibilité de transformer leurs jours de repos en majoration de salaire . L'article L. 3121-59 du code du travail, qui fait partie du Paragraphe 3 « Forfaits en jours », dispose que : « Le salarié qui le souhaite peut, en accord avec son employeur, renoncer à une partie de ses jours de repos en contrepartie d'une majoration de son salaire. L'accord entre le salarié et l'employeur est établi par écrit. »

Le taux de la majoration applicable à la rémunération de ce temps de travail supplémentaire doit être déterminé dans un avenant à la convention de forfait conclue entre le salarié et l'employeur. La majoration doit être au minimum de 10 % sur le salaire journalier. Cette majoration de salaire n'est pas défiscalisée .

Deuxièmement, le compte épargne-temps (CET) permet aux salariés qui le possèdent « d'accumuler des droits à congé rémunéré ou de bénéficier d'une rémunération, immédiate ou différée, en contrepartie des périodes de congé ou de repos non pris ou des sommes qu'il y a affectées » (article L. 3151-2 du code du travail). L'article L. 3151-3 du code du travail précise que : « Tout salarié peut, sur sa demande et en accord avec son employeur, utiliser les droits affectés sur le compte épargne-temps pour compléter sa rémunération ou pour cesser de manière progressive son activité . »

Le compte épargne-temps n'est toutefois pas obligatoire, mais doit être prévu par une convention ou un accord : « Le compte épargne-temps peut être mis en place par une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche . » (article L. 3151-1 du code du travail).

Enfin, lorsque l'absence des prises de jours de repos « RTT » est causée par l'employeur, ces jours non-pris donnent lieu à une augmentation de salaire . Un arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2015 énonce que « à défaut d'un accord collectif prévoyant une indemnisation, l'absence de prise des jours de repos au titre de la réduction du temps de travail n'ouvre droit à une indemnité que si cette situation est imputable à l'employeur ».

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ÉLARGISSEMENT DE LA POSSIBILITÉ DE RACHETER DES JOURS DE CONGÉ, QUI BÉNÉFICIE D'EXONÉRATIONS SOCIALES ET D'UNE EXONÉRATION D'IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par des députés membres du groupe Renaissance avec des avis favorables de la commission des finances et du Gouvernement 93 ( * ) .

L'article 1 er E dispose que, quelles que soient les stipulations conventionnelles applicables dans l'entreprise, tout salarié du secteur privé peut, sur sa demande et avec l'accord de l'employeur, renoncer à tout ou une partie des journées (ou demi-journées) de repos acquises du 1 er janvier 2022 au 31 décembre 2023, et les « convertir » en majoration de salaire .

Les jours de congés doivent être acquis soit dans le cadre d'une « convention RTT » en vigueur avant la loi du 20 août 2008, soit dans le cadre d'un dispositif de jours de repos conventionnels mis en place dans le cadre des articles L. 3121-41 à L. 3121-47 du code du travail.

L'article prévoit que la majoration de salaire doit être égale ou supérieure au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable à l'entreprise . Les heures correspondantes ne sont pas incluses dans le contingent annuel d'heures supplémentaires mentionné à l'article L. 3121-30 du code du travail.

Le salaire majoré par le rachat des jours de RTT fait l'objet d'exonérations sociales et fiscales . Le II de l'article 1 er E prévoit ainsi que les rémunérations versées au titre des journées ou demi-journées de repos converties ouvrent droit au bénéfice des dispositions des articles L. 241-17 et L. 241-18 du code de la sécurité sociale pour les cotisations sociales ainsi qu'à celui du I de l'article 81 quater du code général des impôts pour l'impôt sur le revenu .

Le I de l'article 81 quater du Code général des impôts dispose que sont exonérées de l'impôt sur le revenu diverses rémunérations , dont les heures supplémentaires, dans une limite annuelle fixée en droit existant à 5 000 euros 94 ( * ) .

Le I. de l'article L. 241-17 du code de la sécurité sociale liste une série de rémunérations bénéficiant d'une réduction des cotisations salariales , dont le montant est fixé par décret. Il en est de même pour les cotisations patronales à l'article L. 241-18.

Enfin, le III de l'article 1 er énonce que le montant des rémunérations exonérées d'impôt au titre de cet article est inclus dans le montant du revenu fiscal de référence pour le calcul de la taxe d'habitation et de la taxe foncière, ainsi que dans la limite d'exonération d'impôt sur le revenu des heures supplémentaires prévue à l'article 81 quater du code général des impôts.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : SOUTENIR UNE MESURE DE SOUPESSE ET DE VALORISATION DU TRAVAIL

À l'heure actuelle, les trois cas existants de transformation des jours de repos « RTT » en majoration de salaire possèdent des restrictions importantes .

D'abord, le cas où la transformation des jours de « RTT » en majoration de salaire est imputable à l'employeur correspond à une situation exceptionnelle .

Ensuite, le compte épargne-temps est un dispositif dont la portée est encore limitée . Un rapport de la Direction de l'Animation de la recherche, des Études et des statistiques (DARES) d'août 2017 « Les congés payés et jours de RTT : quel lien avec l'organisation du travail ? », estime que la part des salariés du secteur privé ayant accès à ce dispositif est faible. La Dares relève ainsi qu'en 2007, « seuls 7 % des salariés des entreprises des secteurs concurrentiels non agricoles disposaient de jours de congés sur un compte épargne-temps . »

Enfin, les salariés au forfait jours constituent une faible part de l'ensemble des salariés . Moins de 15 % des salariés sont en forfait jours, et parmi ces salariés environ 85 % ont le statut cadre.

Par conséquent, il n'y a aucune possibilité à l'heure actuelle de convertir des jours de RTT pour la grande majorité des salariés .

En permettant cette « monétisation » des jours de congé, à la demande du salarié mais toujours avec l'accord de l'employeur, le dispositif de l'article 1 er E vient utilement combler ce manque . La possibilité de convertir ses jours de RTT apporte aussi une souplesse souhaitable pour les entreprises qui connaissent des périodes où le travail est continu .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

ARTICLE 1er F (nouveau)

Possibilité de bénéficier du régime de frais réels au titre de l'impôt sur le revenu pour les frais de déplacement engagés dans le cadre du covoiturage

. Cet article vise à lever une ambiguïté en précisant que les frais de covoiturage engagés par un passager pour les trajets qu'il effectue entre son domicile et son lieu de travail sont bien admissibles au titre du dispositif de déduction de ses frais réels professionnels dans le calcul de son impôt sur le revenu.

Si sur le fond, cette évolution législative ne pose pas de difficultés, il convient, en vue de respecter la bipartition des lois de finances prévue par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), de supprimer l'article pour le déplacer en seconde partie.

En effet, ce dispositif ne pourra pas s'appliquer avant 2023 lors du calcul de l'impôt sur le revenu portant sur les revenus de l'année 2022. Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'a ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances.

Par son amendement FINC.2 ( 183 ) la commission des finances propose, en conséquence, de supprimer cet article.

I. LE DROIT EXISTANT : LE COVOITURAGE N'EST PAS EXPLICITEMENT MENTIONNÉ DANS LES FRAIS RÉELS SUSCEPTIBLES D'ÊTRE DÉDUITS DE LA BASE DE CALCUL DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

A. LE COVOITURAGE FAIT L'OBJET DE MESURES INCITATIVES

Légalement, la pratique du covoiturage est définie à l'article L3132-1 du code des transports comme « l'utilisation en commun d'un véhicule terrestre à moteur par un conducteur et un ou plusieurs passagers, effectuée à titre non onéreux, excepté le partage des frais, dans le cadre d'un déplacement que le conducteur effectue pour son propre compte » .

L'article R3132-1 du code des transports précise la nature des frais partagés dans le cadre de l'activité de covoiturage définie à l'article L3132-1 du même code. Ainsi, les frais considérés sont : « les frais de déplacement effectivement engagés par un conducteur pour l'utilisation d'un véhicule à l'occasion d'un déplacement. Ils se composent des frais de dépréciation du véhicule, de réparation et d'entretien, des dépenses de pneumatiques et de consommation de carburant ainsi que des primes d'assurances. Ces frais peuvent être évalués à partir du barème forfaitaire mentionné au 3° de l'article 83 du code général des impôts. Ils comprennent également les frais de péage ainsi, le cas échéant, que les frais de stationnement afférents au déplacement » . L'article R3132-2 du même code précise quant à lui que « le partage des frais est effectué entre le conducteur et les passagers, dans des proportions qu'ils fixent librement » .

Créé par l'article 82 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d'orientation des mobilités (LOM) et prévu par l'article L326-3-1 du code du travail, le « forfait mobilités durables » permet à l'employeur de prendre en charge « tout ou partie des frais engagés par ses salariés se déplaçant entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail avec leur cycle ou cycle à pédalage assisté personnel ou leur engin de déplacement personnel motorisé ou en tant que conducteur ou passager en covoiturage , ou en transports publics de personnes à l'exception des frais d'abonnement mentionnés à l'article L. 3261-2, ou à l'aide d'autres services de mobilité partagée définis par décret » . Le périmètre de cette aide, dont l'avantage est exonéré d'impôt sur le revenu, de cotisations et de contributions sociales, dans une limite de 500 euros 95 ( * ) , inclut ainsi la pratique du covoiturage.

L'article 35 de la LOM autorise les intercommunalités et les régions à verser une allocation de covoiturage aux conducteurs comme aux passagers. Cette allocation est encadrée par le décret n° 2020-678 du 5 juin 2020 relatif à la nature des frais de covoiturage et aux conditions de versement d'une allocation par les autorités organisatrices.

La LOM encourage également le dialogue social sur les questions de mobilité en entreprise . Le sujet des déplacements des travailleurs fait partie des thèmes de négociations obligatoires pour les entreprises de plus de 50 salariés. Le covoiturage fait partie de ces discussions. En l'absence d'accord conclu avec les représentants des salariés, ces entreprises ont l'obligation de concevoir un plan de mobilité employeur qui doit notamment promouvoir la pratique du covoiturage .

D'après les « chiffres clés du covoiturage » publiés par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires sur son site internet, environ 900 000 personnes se rendent sur leur lieu de travail en covoiturage pour 6 milliards de kilomètres annuels 96 ( * ) .

B. DANS LE CALCUL DE LEUR BASE IMPOSABLE À L'IMPÔT SUR LE REVENU, LES CONTRIBUABLES PEUVENT OPTER POUR UNE DÉDUCTION DE LEURS FRAIS PROFESSIONNELS RÉELS, NOTAMMENT LEURS FRAIS DE DÉPLACEMENT ENTRE LEUR DOMICILE ET LEUR TRAVAIL

Le droit commun prévoit, lors du calcul de l'impôt sur le revenu, une déduction forfaitaire de 10 % des frais professionnels du contribuable. Toutefois, si ce dernier considère que les frais qu'il a réellement engagés au titre de ses activités professionnelles sont supérieurs à cette déduction forfaitaire, notamment les frais de transport pour se rendre sur son lieu de travail, il peut opter pour la déduction de ses frais professionnels pour leur montant réel . Les dépenses susceptibles d'être déclarées au titre des frais réels professionnels doivent être liées et nécessitées par l'exercice de l'activité professionnelle du contribuable, payées au cours de l'année d'imposition considérée et justifiées. Parmi ces frais réels professionnels, le contribuable peut déclarer ses frais de déplacement et notamment ses frais kilométriques.

À ce titre, l'alinéa 7 de l'article 83 du code général des impôts prévoit que « les frais de déplacement de moins de quarante kilomètres entre le domicile et le lieu de travail sont admis, sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels. Lorsque la distance est supérieure, la déduction admise porte sur les quarante premiers kilomètres, sauf circonstances particulières notamment liées à l'emploi justifiant une prise en compte complète » .

Comme le prévoit l'alinéa 8 de ce même article, l'évaluation de ces frais de déplacement réels, ouvrant droit à une déduction de la base d'imposition, peut être réalisée sur la base d'un barème forfaitaire établi par un arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance du véhicule, de son type de motorisation et de la distance annuelle parcourue. Le barème en vigueur a été établi par l'arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles.

Un conducteur qui choisit d'opter pour la déclaration de ses frais réels de transports est tenu de déclarer les sommes perçues de ses passagers covoitureurs. Néanmoins, pour les passagers covoitureurs, les dispositions législatives actuelles ne précisent pas explicitement que les sommes engagées dans le cadre du partage des coûts de trajets domicile - travail en covoiturage peuvent être considérées comme des frais réels de transport professionnels au titre du 3° de l'article 83 du code général des impôts.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : PRÉCISER QUE LES FRAIS ENGAGÉS PAR UN PASSAGER COVOITUREUR SONT ADMIS AU TITRE DU DISPOSITIF DE DÉDUCTION DES FRAIS RÉELS DANS LE CALCUL DE SON IMPÔT SUR LE REVENU

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement déposé par le député Jean-Marc Zulesi 97 ( * ) avec un avis de sagesse de la commission des finances et un avis favorable du Gouvernement.

Le I de l'article vise à ajouter la phrase suivante au septième alinéa du 3° de l'article 83 du code général des impôts : « Les frais de déplacement mentionnés au présent alinéa engagés par un passager au titre du partage des frais dans le cadre d'un covoiturage tel que défini à l'article L. 3132-1 du code des transports, sont admis , sur justificatifs, au titre des frais professionnels réels » .

Ce faisant, il entend préciser que les frais de déplacement professionnel engagés dans le cadre d'un transport en covoiturage peuvent être déduits de l'assiette imposable à l'impôt sur le revenu au titre des frais professionnels réels.

Le II de l'article indique qu'un décret fixe les conditions d'application de cette disposition.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE UTILE SUR LE FOND MAIS QUI, SUR LA FORME, DOIT ÊTRE PRÉSENTÉ EN SECONDE PARTIE DE LA LOI DE FINANCES RECTIFICATIVE

Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires estime que 70 % des déplacements domicile - travail s'effectuent au moyen de véhicules individuels et pour la plupart en « auto-solisme ». À l'heure où des mesures sont prises pour soutenir le pouvoir d'achat des français exposés à la hausse des prix des carburants d'origine fossile, il convient de garder le cap de la transition écologique et de continuer à promouvoir le développement des mobilités durables . La pratique du covoiturage en fait indéniablement partie.

En pratique, il ne semble pas évident que le nombre de salariés pratiquant le covoiturage pour se rendre sur leur lieu de travail et ayant intérêt à déclarer leurs frais réels professionnels pour les déduire de leur revenu taxable à l'impôt sur le revenu soit significatif . Néanmoins , pour les cas où des contribuables y auraient intérêt, il ne serait ni juste, ni cohérent de les priver de cette possibilité . Aussi apparaît-il pertinent de lever toute ambiguïté sur ce droit et de préciser dans la loi que les passagers en covoiturage puissent déclarer leurs frais réels de transports pour les déduire de leur revenu taxable à l'impôt sur le revenu.

Si sur le fond, la commission est favorable à cette évolution législative, sur la forme, elle s'appliquera à l'impôt sur le revenu 2023 au titre des revenus 2022 .

Cette mesure n'affecte donc pas l'équilibre budgétaire de l'État de l'année 2022 et n'a ainsi pas sa place dans une première partie de loi de finances . Par son amendement FINC.2 ( 183 ) la commission propose , en conséquence, de supprimer cet article .

Dans la mesure où sur le fond elle est favorable à cette disposition, la commission propose, par son amendement FINC.12 ( 193 ) de rétablir le dispositif de l'article 1 er F en seconde partie de ce projet de loi de finances rectificative.

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 1er G (nouveau)

Alignement du barème kilométrique des frais de transports des bénévoles sur celui des déplacements professionnels

. Le présent article propose d'aligner le barème kilométrique des frais de transports des bénévoles qui utilisent un véhicule sur celui des déplacements professionnels.

Les contribuables qui optent pour le régime des frais réels ont la possibilité de déduire de leur montant de revenu imposable leurs frais de déplacements professionnels en appliquant un barème kilométrique défini par arrêté. Ce barème fait la distinction selon le type de véhicule que le contribuable utilise, la distance qu'il parcoure, ainsi que la « puissance administrative » du véhicule.

L'administration fiscale a défini un barème spécifique applicable aux bénévoles pour leurs déplacements dans le cadre de leur activité associative. Ce barème est moins précis et moins avantageux que le barème de droit commun. L'article 1 er G supprime donc implicitement le barème spécifique des bénévoles pour les aligner sur le barème de droit commun.

L'alignement des bénévoles sur le barème kilométrique de droit commun permet de valoriser l'engagement associatif. Il permet également de mieux distinguer entre les situations que le barème spécifique des bénévoles.

Cependant, comme cet article n'a pas d'impact sur les recettes en 2022, sa présence en première partie du projet de loi de finances rectificatives est contraire à la loi organique relative aux lois de finances. Il est donc nécessaire de supprimer cet article pour le récréer en deuxième partie.

Par son amendement FINC.3 ( 184 ), la commission des finances propose de supprimer le présent article.

I. LE DROIT EXISTANT : LA COEXISTENCE D'UN BARÈME KILOMÉTRIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS ET D'UN BARÈME SPÉCIFIQUE POUR LES DÉPLACEMENTS DES BÉNÉVOLES

A. LE BARÈME DE DROIT COMMUN : UN BARÈME DES INDEMNITÉS KILOMÉTRIQUE APPLICABLE POUR LES DÉPLACEMENTS PROFESSIONNELS

Le barème des indemnités kilométrique est prévu au 3° de l'article 83 du code général des impôts (CGI). Le contribuable a le choix pour ses frais professionnels entre deux options : appliquer une déduction forfaitaire de 10 % sur ses revenus, ou opter pour le régime des frais réels.

L'administration applique en effet par défaut une « déduction forfaitaire » de 10 % sur les revenus afin de déterminer le montant du revenu net imposable. Cette déduction forfaitaire est censée couvrir une série de dépenses professionnelles courantes, dont le transport.

Toutefois, dans le cas où il s'estime lésé par la déduction forfaitaire, le contribuable a la possibilité d'y renoncer pour adopter le régime de déduction des frais réels . C'est dans le cadre de ce second régime qu'il est possible de déduire de manière séparée ses frais de transports.

Les frais de transports doivent être distingués en deux catégories : les frais générés lors du trajet domicile-lieu de travail, et les frais de déplacement occasionnés durant l'activité professionnelle 98 ( * ) .

Concernant les trajets domicile-lieu de travail, les frais de transport sont pris en compte dans la limite d'une distance de 40 km entre le domicile et le lieu de travail. Il est toutefois possible d'inclure les frais de transport au-delà de 40 km si le contribuable justifie de circonstances particulières, comme une mutation géographique professionnelle, l'exercice d'une activité professionnelle par le conjoint, ou la difficulté à trouver un emploi à proximité du domicile.

Pour les déplacements professionnels à proprement dit, les contribuables ont le choix entre deux méthodes pour calculer leurs frais :

- ils peuvent déduire leurs dépenses réelles sur justificatif . Cette méthode est particulièrement contraignante puisqu'il est nécessaire de calculer les dépenses de transports à partir de chaque trajet ;

- ils peuvent utiliser le barème des frais kilométriques, qui est publié annuellement par l'administration . L'article 83 du CGI dispose que : « Lorsque les bénéficiaires de traitements et salaires optent pour le régime des frais réels, l'évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d'intérêts annuels afférents à l'achat à crédit du véhicule utilisé, peut s'effectuer sur le fondement d'un barème forfaitaire fixé par arrêté du ministre chargé du budget en fonction de la puissance administrative du véhicule, retenue dans la limite maximale de sept chevaux, du type de motorisation du véhicule, et de la distance annuelle parcourue . » Le barème ne peut être appliqué que pour les automobiles, les motocyclettes et les cyclomoteurs immatriculés.

Le barème est calculé à partir de la puissance administrative 99 ( * ) du véhicule, évaluée en CV (chevaux vapeur), ainsi que de la distance parcourue . Les tableaux suivants donnent les barèmes applicables selon les types de véhicule (les distances « d » sont exprimées en km) :

Barème applicable aux voitures
pour l'imposition des revenus de 2021

Puissance administrative (en CV)

Distance (d) jusqu'à 5 000 km

Distance (d) jusqu'à 20 000 km

Distance (d) au-delà
de 20 000 km

3 CV et moins

d x 0,502

(d x 0,3) + 1 007

d x 0,35

4 CV

d x 0,575

(d x 0,323) + 1 262

d x 0,387

5 CV

d x 0,603

(d x 0,339) + 1 320

d x 0,405

6 CV

d x 0,631

(d x 0,355) + 1 382

d x 0,425

7 CV et plus

d x 0,661

(d x 0,374) + 1 435

d x 0,446

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

En appliquant ce barème, une personne qui aura roulé 10 000 km dans l'année avec un véhicule de 5 CV pourra par exemple faire état de (10 000 x 0,339) + 1 320 = 4 710 euros de frais réels sur sa déclaration d'impôt pour ses revenus de 2021. Il faut relever qu'il existe un barème plus favorable pour les voitures électriques.

Barème applicable aux motocyclettes
des revenus de 2021

Puissance administrative (en CV)

Distance (d) jusqu'à 3 000 km

Distance (d) jusqu'à 6 000 km

Distance (d) au-delà de 6 000 km

1 ou 2 CV

d x 0,375

(d x 0,094) + 845

d x 0,234

3, 4, 5 CV

d x 0,444

(d x 0,078) + 1 099

d x 0,261

Plus de 5 CV

d x 0,575

(d x 0,075) + 1 502

d x 0,325

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

Barème applicable aux cyclomoteurs
pour l'imposition des revenus de 2021

Distance (d) jusqu'à 3 000 km

Distance (d) jusqu'à 6 000 km

Distance (d) au-delà de 6 000 km

d x 0,299

(d x 0,07) + 458

d x 0,162

Note : pour les cyclomoteurs, il n'y a pas de calcul de la puissance administrative.

Source : Arrêté du 1 er février 2022 fixant le barème forfaitaire permettant l'évaluation des frais de déplacement relatifs à l'utilisation d'un véhicule par les bénéficiaires de traitements et salaires optant pour le régime des frais réels déductibles

Le barème kilométrique est revalorisé tous les ans avec l'inflation . En février 2022, le barème applicable aux revenus de 2021 a fait l'objet d'une revalorisation ponctuelle de 10 % afin de soutenir le pouvoir d'achat.

B. LES BÉNÉVOLES PEUVENT UTILISER POUR LEURS FRAIS DE DÉPLACEMENT UN BARÈME SPÉCIFIQUE DÉFINI PAR L'ADMINISTRATION FISCALE

Le barème kilométrique de droit commun n'est pas applicable pour les déplacements des bénévoles. Les bénévoles peuvent néanmoins utiliser un barème spécifique, défini par l'administration fiscale .

Le régime fiscal utilisable par les bénévoles pour prendre en compte leurs frais engagés pour le compte de l'association n'est pas celui des frais professionnels réels, mais celui des dons aux associations défini à l'article 200 du code général des impôts .

Le bénévole doit en effet renoncer à percevoir le remboursement des frais engagé au titre de son activité dans l'association. Ce renoncement est considéré par l'administration fiscale comme un don aux associations, ce qui le fait bénéficier d'une réduction d'impôt sur le revenu.

Pour mémoire, l'article 200 du CGI énonce qu' « ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant les sommes prises dans la limite de 20 % du revenu imposable qui correspondent à des dons et versements, y compris l'abandon exprès de revenus ou produits, effectués par les contribuables domiciliés en France . » Le bénévole doit produire une déclaration de renoncement au remboursement des frais qu'il a engagés, et l'association est tenue de conserver dans sa comptabilité les justifications de frais et la déclaration.

Pour être éligible, le membre de l'association ne doit tirer aucun revenu de son activité associative, et l'association doit être d'intérêt général à but non lucratif . L'ensemble des conditions est énoncée à l'article 200 du CGI. Les structures concernées sont notamment les oeuvres ou d'organismes d'intérêt général ayant un caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel, ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l'environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises.

Pour calculer leurs frais de transports, les bénévoles peuvent utiliser un barème, mais ce barème est simplifié par rapport à celui utilisé pour les déplacements professionnels : la puissance du véhicule et la distance parcourue ne sont pas prises en compte . Il n'y a pas non plus de régime plus favorable pour les voitures électriques.

Ce barème ne fait pas l'objet d'un arrêté, mais il est reconnu par l'administration fiscale et mentionné dans le Bulletin officiel des finances publiques : « À titre de règle pratique, Il est admis que les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto, dont le contribuable est propriétaire, soient évalués forfaitairement en fonction d'un barème kilométrique spécifique aux bénévoles des associations, sous réserve de la justification de la réalité, du nombre et de l'importance des déplacements réalisés pour les besoins de l'association . » (BOI-IR-RICI-250-20) Les montants de ce barème sont revalorisés tous les ans dans la même proportion que l'évolution de l'indice des prix hors tabac.

Barème kilométrique applicable pour les revenus de 2021 aux véhicules automobiles et autres pour les frais engagés
par les bénévoles pour le compte d'une association

Type de véhicule

Distance (d) en km

Automobile

d x 0,304

Motocyclettes, cyclomoteurs

d x 0,126

Source : Bulletin officiel des finances publiques (BOI-IR-RICI-250-20) et Brochure 2022 de la Déclaration des revenus 2021

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN ALIGNEMENT DU BARÈME APPLICABLE AUX BÉNÉVOLES SUR CELUI DES DÉPLACEMENT PROFESSIONNELS

Le présent article a été introduit par l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption d'un amendement du groupe Les Républicains avec un avis favorable de la commission des finances et du Gouvernement 100 ( * ) .

L'article 1 er G vise à aligner le barème applicable aux bénévoles des associations sur celui des déplacements professionnels.

Le I. de l'article au dernier du 1 de l'article 200 du code général des impôts dispose que : « Les frais de véhicule automobile, vélomoteur, scooter ou moto dont le contribuable est propriétaire peuvent être évalués sur le fondement du barème forfaitaire prévu au huitième alinéa du 3° de l'article 83 . »

En droit proposé, il n'y a donc plus aucune différence entre le barème applicable pour les déplacements professionnels, et pour les frais de transport engagés au titre de l'activité associative . Le barème kilométrique spécifique pour les bénévoles utilisé par l'administration fiscale n'est plus applicable.

En revanche, le régime fiscal pour les frais engagés par les bénévoles n'est pas celui des frais professionnels réels, mais demeure celui de l'article 200 du code général des impôts . Les frais concernés ouvrent donc droit à une réduction d'impôt sur le revenu égale à 66 % de leur montant.

Les conditions relatives au bénévolat et à l'association (intérêt général et but non lucratif) sont inchangées. Il est de même toujours nécessaire pour le bénévole de produire une déclaration de renonciation au remboursement des frais qu'il a engagés au titre de son activité associative.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE MESURE QUI PERMET DE VALORISER L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF

Une comparaison entre le barème applicable aux bénévoles et le barème de droit commun montre que dans tous les cas, le barème de droit commun est plus favorable aux bénévoles que le barème spécifique déterminé par l'administration fiscale .

Par exemple, un bénévole qui a roulé 1 000 km dans l'année avec une automobile de puissance 5 CV a droit à une réduction d'impôt de (1 000 x 0,304) x 0,66 = 200,64 euros avec le barème « bénévole ». Avec le barème de droit commun, il bénéficie d'une réduction d'impôt de (1 000 x 0,603) x 0,66 = 397,98 euros.

Le tableau suivant compare les réductions d'impôt sur le revenu de 2021 (en euros) dont peut bénéficier un bénévole utilisant une automobile de puissance administrative 5 CV, pour plusieurs distances parcourues au cours d'une année :

Distance parcourue
(en km)

Réduction d'impôt avec le barème applicable aux bénévoles (en euros) - droit existant

Réduction d'impôt avec le barème de droit commun (en euros) -
droit proposé

100

20,06

39,78

500

100,32

198,99

1 000

200,64

397,98

2 000

401,28

795,96

4 000

802,56

1 591,92

6 000

1 203,84

2 317,92

Source : Commission des finances, à partir du Bulletin officiel des finances publiques (BOI-IR-RICI-250-20), de la Brochure 2022 de la Déclaration des revenus 2021, et de l'Arrêté du 1 er février 2022

Le barème de droit commun est d'autant plus favorable que la distance parcourue est grande, et que la puissance administrative du véhicule est élevée. Des déplacements importants sont toutefois rares, s'agissant des déplacements effectués par un bénévole dans le cadre de son activité associative.

Il faut en outre rappeler que les sommes qui ouvrent droit à la réduction d'impôt prévue à l'article 200 du code général des impôts sont limitées à 20 % du revenu imposable . Les frais de transports du bénévole s'additionnent donc aux autres dons versées à des associations jusqu'à la limite des 20 % du revenu imposable.

Le Rapporteur général est favorable à cette mesure, qui encourage l'engagement bénévole, tout en rendant plus lisible le dispositif des indemnités kilométriques par l'intégration des bénévoles au barème kilométrique applicable aux déplacements professionnels.

Le barème de droit de commun possède également l'avantage de distinguer plus précisément selon les situations (puissance administrative, distance parcourue...) que le barème applicable aux bénévoles . Les bénévoles bénéficieraient par exemple du barème plus favorable aux voitures électriques, contrairement à la situation actuelle.

Cependant, la présence de cet article en première partie du projet de loi de finances rectificative pour 2022 est contraire à la loi organique relative à la loi de finances. L'article n'a en effet pas d'impact sur les recettes en 2022, puisque l'impôt sur le revenu de 2022 sera prélevé en 2023. Il est donc nécessaire de supprimer cet article pour le récréer en deuxième partie (amendement FINC.3 ( 184 )) .

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.

ARTICLE 1er

Réforme du financement de l'audiovisuel public - suppression
de la contribution à l'audiovisuel public

. Le présent article prévoit la suppression, dès 2022, de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) versée aux sociétés de l'audiovisuel public, dont elle constitue la principale ressource. Acquittée par près de 23 millions de foyers et 80 000 entreprises, son montant, en principe indexé sur l'inflation, était gelé depuis 2018 (138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer). Alors qu'elle devait être initialement remplacée par une enveloppe du budget de l'État, l'Assemblée nationale a, en première lecture, choisi de lui substituer une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée. Les versements déjà effectués par les contribuables dans le cadre des contrats de mensualisation seront restitués.

Présentée comme une mesure en faveur du pouvoir d'achat, la suppression devait donc initialement conduire à une budgétisation du financement de l'audiovisuel public. L'affectation du produit de a TVA qui lui est substituée est censée répondre à la crainte d'une régulation infra-annuelle associée à la budgétisation. Les deux options conduisent cependant l'État à se priver d'une recette qui restait conséquente : 3,14 milliards d'euros attendus en 2022. Aucune des deux options de remplacement n'est par ailleurs accompagnée d'une réforme d'ampleur du secteur, pourtant nécessaire afin de favoriser les rapprochements entre les entreprises qui le composent, de dégager des économies d'échelles et de faire face aux nouveaux enjeux industriels du secteur (« plateformisation », avenir du numérique terrestre notamment).

La suppression annoncée dès 2019 de la taxe d'habitation sur les résidences principales à laquelle est adossée la CAP aurait, pourtant, du constituer pour le Gouvernement, une occasion de mener à bien une réflexion sur la mise en oeuvre d'un financement alternatif, reflétant notamment les nouveaux usages en matière de « consommation audiovisuelle », d'autant que la CAP n'était plus dynamique depuis cette même année. La pression inflationniste pesant sur l'ensemble des acteurs économiques limite aujourd'hui la possibilité de mise en avant d'un nouveau prélèvement.

En l'absence de réforme d'envergure du secteur, le présent article relève donc d'une forme de « pis-aller », prenant acte de deux impératifs éloignés : la préservation du pouvoir d'achat d'une part et la garantie de la prévisibilité des financements attribués au secteur d'autre part. La solution préconisée est pourtant loin d'être pleinement satisfaisante : l'audiovisuel public dépend désormais de la consommation et se retrouve financé par la totalité de la population, sans possibilité de dégrèvement alors qu'auparavant de nombreux foyers étaient exonérés de la CAP.

Par ailleurs, aucun gage n'est apporté quant à son financement à long terme. En effet, sur un strict plan juridique, la dernière révision de la loi organique relative aux lois de finances, en date de décembre 2021 prévoit que les affectations de taxe à des tiers ne pourront être maintenues, à compter du projet de loi de finances pour 2025, que si lesdites taxes sont en lien avec les missions de service public confiées à ces tiers. Le lien entre la consommation et l'audiovisuel public apparaît, à ce titre, difficile à étayer.

Compte tenu du contexte de renchérissement du coût de la vie et face à la difficulté de trouver une alternative satisfaisante sans qu'une véritable réforme de l'audiovisuel public ait été préalablement menée, la commission des finances propose d'adopter cet article, en précisant que le financement par l'affectation d'une part du produit de la TVA devra prendre fin au 31 décembre 2024, conformément à la LOLF (amendement FINC.4 ( 185 )). Cette période de transition de deux ans doit permettre au Gouvernement de présenter une réforme d'ampleur du service public de l'audiovisuel public et de son financement, en favorisant tout rapprochement entre les sociétés qui le composent, conformément aux recommandations formulées par Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Les rapporteurs spécial et pour avis du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ont également préconisé la mise en place d'une commission indépendante chargée d'évaluer le coût des missions de service public assignées aux sociétés de l'audiovisuel public, de suivre précisément leur gestion et de définir une trajectoire financière pluriannuelle, sur le modèle allemand.

La commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

I. LE DROIT EXISTANT : LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC, UN DISPOSITIF DÉDIÉ AU FINANCEMENT DES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Définie à l'article 1605 du code général des impôts (CGI), la contribution à l'audiovisuel public (CAP) est une taxe affectée qui vise à participer au financement des sociétés composant l'audiovisuel public (France télévisions, Arte France, Radio France, France Médias monde, TV5 Monde et Institut national de l'audiovisuel).

Répartition de la CAP prévue en loi de finances pour 2022

Source : commission des finances du Sénat

La CAP constitue la principale ressource de ces sociétés.

Contribution à l'audiovisuel public et ressources propres perçues
par les sociétés de l'audiovisuel public en 2021

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE CONTRIBUTION ADOSSÉE À LA TAXE D'HABITATION ET INDEXÉE SUR L'INFLATION

1. La contribution à l'audiovisuel public est due par les foyers possédant un téléviseur

Aux termes du 1° du II de l'article 1605 du code général des impôts, toute personne physique redevable de la taxe d'habitation, détenant au 1 er janvier de l'année en cours au moins un appareil récepteur de télévision, doit s'acquitter de cette contribution. Une seule contribution est due par foyer fiscal. Elle est établie avec l'avis d'imposition de taxe d'habitation de la résidence principale. Si seule la résidence secondaire est équipée d'un téléviseur, la contribution est établie avec l'avis d'impôt de la taxe d'habitation qui la concerne.

L'article 1605 bis du même code précise les conditions d'assujettissement à la contribution et, notamment, son lien avec la taxe d'habitation, avec laquelle elle est collectée. Cette collecte devait être maintenue jusqu'en 2023, date de l'extinction définitive de la taxe d'habitation sur les résidences principales. Les contribuables bénéficiant d'un dégrèvement, en raison de la réforme en cours de la taxe d'habitation, continuent ainsi à recevoir un avis d'imposition avec une taxe d'habitation nulle.

Fixé au III de l'article 1605, le montant de la CAP est censé évoluer chaque année en fonction de l'indice des prix à la consommation hors tabac. Il est arrondi à l'euro le plus proche. La CAP s'élevait ainsi en 2022 à 138 euros en France métropolitaine et à 88 euros au sein des départements d'outre-mer.

Aux termes du 2° du II de l'article 1605 du code général des impôts, tout professionnel est, par ailleurs, redevable de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) dès lors qu'il dispose d'un téléviseur. Conformément au III du même article, le montant est différent selon que l'établissement est situé en métropole ou en outre-mer. Le tarif de la CAP est dégressif en fonction du nombre de téléviseurs détenus. Le a du 1° de l'article 1605 ter du même code précise ainsi qu'un abattement est appliqué au taux de 30 % pour chacune des télévisions à partir de la troisième et jusqu'à la trentième. Ce taux est porté à 35 %, à partir du trente et unième appareil. Le décompte est opéré par établissement.

Le b du 1° de l'article 1605 ter prévoit, en outre, que les hôtels de tourisme dont la période d'activité annuelle n'excède pas neuf mois bénéficient d'une minoration de 25 % sur la contribution à l'audiovisuel public. Le montant de la CAP est, en revanche, multiplié par 4, pour les appareils installés dans les débits de boisson (c du 1° de l'article 1605 ter ).

Montants de la contribution à l'audiovisuel public par appareil détenu

(en euros)

Nombre de téléviseurs

Établissement situé en métropole

Établissement situé en outre-mer

Débit de boissons situé en métropole

Débit de boisson situé en outre-mer

Jusqu'à 2 appareils

138 €

88 €

552 €

332 €

Entre 3 et 30 appareils

96,90 €

61,60 €

386,40 €

246,40 €

À partir de 31 appareils

89,70 €

57,20 €

358,80 €

228,80 €

Source : ministère de l'économie et des finances

La loi de finances pour 2022 table sur des encaissements nets de CAP établis à 3 140,5 millions d'euros.

2. Des exonérations nombreuses

Les bénéficiaires du minimum vieillesse, de l'allocation adulte handicapés, et sous certaines conditions, les personnes âgées de plus de 60 ans ou veuves ou installées dans une maison de retraite tout en conservant la jouissance de leur résidence principale, bénéficient d'une exonération de la CAP. Les personnes dont le revenu fiscal de référence est nul sont également exonérées de contribution à l'audiovisuel public. Il est, en outre, prévu un dispositif de maintien des droits acquis pour les personnes âgées de 65 ans au 1 er janvier 2004 et exonérées de CAP à cette date.

Le montant des exonérations des personnes physiques était estimé à 530,6 millions d'euros en 2021. Les personnes concernées doivent être non imposables à l'impôt sur le revenu et ne pas être soumises à l'impôt sur la fortune immobilière.

Le nombre de foyers bénéficiant d'un dégrèvement a augmenté très légèrement, passant de 4,57 millions à 4,62 millions entre 2020 et 2021.

Les personnes morales de droit public sont également exonérées pour leur activité non assujettie à la TVA.

Les établissements sociaux et médico sociaux et les établissements de santé sont également dégrevés. Enfin, les associations caritatives visant à l'hébergement de personnes en situation d'exclusion ou les associations culturelles et sportives des établissements pénitentiaires ne sont pas non plus concernées par le paiement de cette contribution.

Les exonérations de CAP donnent lieu à une prise en charge par le budget de l'État. Elle est cependant plafonnée à un montant déterminé chaque année en loi de finances, en même temps que le montant de la CAP et celui, prévisionnel, des encaissements nets de CAP. La loi de finances pour 2022 prévoit ainsi une prise en charge des dégrèvements par l'État à hauteur de 560,8 millions d'euros.

Évolution de la contribution à l'audiovisuel public depuis 2019

2019

2020

2021

2022 (p)

CAP métropole (en euros)

139

138

138

138

CAP outre-mer (en euros)

89

88

88

88

Nombre de foyers assujettis

(en millions) 101 ( * )

27,77

27,60

27,61

27,61

Encaissements nets

(en millions d'euros)

3 236,3

3 135,5

3 188,6

3 140,5

Dégrèvements compensés par l'État

(en millions d'euros)

623,3

653,5

530,6

560,8

Dotation de la CAP aux organismes (TTC) (en millions d'euros)

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

B. LE PRODUIT DE LA CAP EST VERSÉ SUR UN COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS

Le coût de gestion (hors personnels) est estimé à 28,4 millions d'euros par la direction du budget pour 2021 et 2022 . Ce chiffrage pourrait être révisé à la hausse. Prévu par la loi de finances pour 2006 102 ( * ) , il intègre en effet les frais d'assiette et de recouvrement - 1 % sur une partie du montant de la CAP 103 ( * ) - auxquels s'ajoutent les frais de trésorerie qui dépendent d'un taux d'intérêt correspondant aux obligations ou bons du Trésor de même échéance que les avances à l'audiovisuel public ou, à défaut, d'échéance la plus proche. En 2021, le coût de gestion n'intégrait ainsi que des frais de gestion, les taux d'intérêt étant négatifs. La remontée attendue des taux en 2022 devrait le faire progresser avec la réapparition de frais de trésorerie.

La contribution à l'audiovisuel public est soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis 1969 104 ( * ) . Un taux réduit de 2,10 % est ainsi appliqué. Cette taxation permet d'exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires, prévue à l'article 231 du code général des impôts . Aux termes de celui-ci, la taxe sur les salaires est due par les employeurs qui ne sont pas assujettis à la TVA. Le taux de TVA réduite n'a pas de réelle incidence budgétaire pour l'État, au point d'être retiré de la liste des dépenses fiscales annexée au projet de loi de finances pour 2020. Il constitue cependant un soutien indirect en ce qu'il permet aux entreprises publiques du secteur d'être exonérées de taxe sur les salaires. La Cour des comptes a ainsi estimé cet avantage à 94 millions d'euros en 2021 pour les sociétés de l'audiovisuel public 105 ( * ) .

Le produit de la contribution à l'audiovisuel public , déduction faite des frais de gestion et de trésorerie, est versé, depuis la loi de finances pour 2006 106 ( * ) , sur un compte de concours financiers (CCF) dédié, le CCF « Avances à l'audiovisuel public » où il vient compenser en recettes le montant des avances accordées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Le montant des dégrèvements de CAP pris en charge par le budget général est également versé sur ce compte.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SUPPRESSION DE LA CONTRIBUTION ET SON REMPLACEMENT PAR UNE COMPENSATION BUDGÉTAIRE

Dans sa rédaction initiale telle qu'issu du projet de loi présenté en Conseil des ministres, le présent article propose de supprimer la contribution à l'audiovisuel public dès 2022 et de la remplacer par une dotation budgétaire versée aux sociétés de l'audiovisuel public.

A. LA CONTRIBUTION À L'AUDIOVISUEL PUBLIC SERAIT SUPPRIMÉE DÈS 2022

1. Une application immédiate via une révision du code général des impôts

Le 6° du II du présent article prévoit d' abroger l'article 1605 du code général des impôts qui institue la contribution à l'audiovisuel public. Aux termes du A du IX, cette disposition s'applique dès le 1 er janvier 2022. Les articles 1605 bis (modalités de calcul de la contribution), 1605 ter (modalités d'application aux entreprises) et 1605 quater (obligation pour les commerçants, les constructeurs et les importateurs de faire souscrire à leurs clients une déclaration à l'occasion de toute vente de téléviseurs) du même code seraient également supprimés. Par coordination, la référence à l'article 1605 bis ne figurerait plus aux articles 1414 et 1417 du même code qui précisent les règles en matière de dégrèvement de la taxe d'habitation ( 4° et 5° du II ) Parallèlement, le XI de l'article 1647 du même code, qui encadre les frais d'assiette et de recouvrement, serait abrogé.

Le 7° du II prévoit, par ailleurs, de supprimer la référence à la contribution à l'audiovisuel au sein de l' article 1681 ter du code général des impôts . Celui-ci détaille les règles entourant la mensualisation du recouvrement des taxes foncières et de la taxe d'habitation. Le V du présent article précise, en outre, que pour les contribuables mensualisés, le montant des mensualités déjà versées devrait être déduit du montant de la taxe d'habitation mis en recouvrement et, le cas échéant, restitué. L'article 1681 sexies , qui définit les modalités de prélèvement sur compte bancaire des principaux impôts et contributions, serait, quant à lui, modifié par le 8° du II afin de tenir compte de la suppression de la CAP. Un même ajustement est prévu au 1° de l' article 1691 ter qui précise les règles de dégrèvement de la taxe d'habitation et de la CAP en cas de décès ( 8° et 9° du II ).

La suppression proposée de la CAP ne vaut pas pour autant annulation immédiate des procédures de contentieux prévues aux articles 1840 W ter (particuliers) et 1840 W quater (entreprises). L'abrogation desdits articles prévue au 10° du II du présent article ne devrait entrer en vigueur que le 1 er janvier 2025 , date retenue au C du IX.

Le présent article prévoit par ailleurs, par cohérence, de supprimer les références à la CAP au sein des dispositions afférentes à la taxe sur la valeur ajoutée. Le 1° du II propose ainsi d'abroger la mention de la CAP à l' article 257 du code général des impôts qui définit les règles en matière d' assujettissement à la TVA. Le 3° du II prévoit de supprimer l' article 281 nonies du même code qui définit le taux de celle-ci applicable à la CAP quand le 2° du II propose d'adapter la rédaction des articles 278-0-A (modalités d'application des taux particuliers de TVA) et 298 sexdecies I (régime particulier pour la déclaration et le paiement de la TVA à l'importation) du même code.

2. L'abrogation du dispositif implique également la mise à jour d'autres textes

L'abrogation de la CAP proposée par le présent article induit l'adaptation d'autres dispositifs.

Le I propose ainsi la suppression de la référence à la CAP au sein du c ode du cinéma et de l'image animée . Le vise ainsi l' article 115-7 de ce code qui prévoyait que la taxe sur les éditeurs de service de télévision (TST-E) due par les sociétés de l'audiovisuel public au Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC) jusque-là assise sur le produit de la CAP et les ressources publiques perçues par ailleurs. Aux termes de la modification proposée, seules ces dernières, appelées à être majorées, devraient ainsi être prises en compte. Le décline cette nouvelle rédaction à l'article 115-8 qui précise le régime d'exigibilité de la TST-E.

Le 2° du III tire les conclusions au sein du livre des procédures fiscales de la suppression proposée de l'article 281 nonies sur le taux de TVA applicable à la CAP et propose de modifier à cet effet l'article L. 252 B . Le 1° du III prévoit, en outre, que les articles L. 61 B (procédure de redressement contradictoire), L. 96 E (transmission des documents par les établissements distributeurs ou diffuseurs de services payants de programmes de télévision), et L. 172 F (droit de reprise) du même livre soient abrogés, afin de tenir compte de la suppression proposée des articles 1840 W ter et 1840 W quater du code général des impôts (contentieux). Comme pour ces derniers, l'abrogation n'intervient qu'à compter du 1 er janvier 2025 (C du IX).

Le 3° du VIII propose, de son côté, d'ajuster la rédaction de l' article 99 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. En l'état actuel de sa rédaction, cet article prévoit l'attribution d'une aide à l'équipement aux foyers dégrevés de la CAP afin de leur permettre d'accéder à la télévision numérique terrestre. La suppression prévue de la CAP conduit le Gouvernement à proposer en lieu et place une condition de ressources pour pouvoir accéder à ce dispositif. Cette aide était par ailleurs versée dans les collectivités d'Outre-mer et en Nouvelle-Calédonie sans condition de dégrèvement de la CAP. La rédaction proposée au présent article fait là encore disparaître cette référence.

Le 2° du IV prévoit également des modifications rédactionnelles des 8°, 21° et 24° du E du I de l'article 16 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 , afin de tenir compte, respectivement, de la suppression de la référence à la contribution à l'audiovisuel public aux articles 1417, 1691 ter et 1681 ter du code général des impôts. L'article 16 de la loi de finances pour 2020 prévoyait notamment, à compter du 1 er janvier 2023, une nouvelle rédaction des trois articles précités afin de supprimer les dispositions relatives à la taxe d'habitation sur les résidences principales et pour ne laisser que la seule mention de la CAP.

B. LA MISE EN PLACE D'UNE COMPENSATION BUDGÉTAIRE EN DEUX TEMPS

1. La suppression du compte de concours financiers

Afin de tenir compte de la suppression de sa principale recette, le 2° du VII prévoit la clôture du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » au 31 décembre 2022 et modifie à cet effet les dispositions afférentes au sein de la loi de finances pour 2006.

Aux termes du a) du 1° du VII , aucune dépense ne serait imputée sur ce compte à partir du 1 er août 2022. Le d) du 1° précise que les avances sont versées jusqu'à cette date aux sociétés de l'audiovisuel public, à raison d'un douzième par mois des dépenses prévisionnelles prévues. Au-delà, une subvention du budget général vient compenser la perte de financement lié à la suppression de la CAP dès 2022 (a) du 1° du VII). L'État B annexé à l'article 6 du présent projet de loi de finances rectificative prévoit à cet effet la création d'une mission budgétaire dédiée et intitulée « Audiovisuel public ». Elle serait composée de 6 programmes (un par société de l'audiovisuel public) et dotée de 1,525 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) pour 2022. Cette somme correspond au montant qu'auraient dû percevoir les bénéficiaires de la CAP entre août et décembre 2022.

Crédits dédiés à la mission « Audiovisuel Public »
selon le dispositif initial de l'article 1 er

(en euros)

Programme

Montants ouverts (AE=CP)

372 - France Télévisions

982 208 331

373 - ARTE France

121 589 357

374 - Radio France

240 283 897

375 - France Médias Monde

112 760 013

376 - Institut national de l'audiovisuel

36 621 787

377 - TV5 Monde

31 749 450

Total

1 525 202 385

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

À ce montant s'ajouterait 17 millions d'euros destinés à neutraliser les effets fiscaux liés à la suppression de l'assujettissement de la contribution à l'audiovisuel public à la TVA. Cette somme intègre l'arrêt de la collecte de la TVA à 2,1 % (- 31,7 millions d'euros) et la prise en compte de l'assujettissement partiel à la TVA d'ARTE France et France Médias Monde (- 14,7 millions d'euros).

Le remplacement de la CAP par un financement via une dotation budgétaire non assujettie à la TVA devrait aboutir, pour certaines entreprises, à un changement de statut vis-à-vis de cette taxe et, par conséquent, à une modification de leur régime de droit à déduction de TVA sur leurs factures fournisseurs (actuellement, les six entités de l'audiovisuel public bénéficient d'un droit à déduction intégrale). En effet, dans le cadre du nouveau mode de financement de l'audiovisuel public, la proportion de recettes assujetties à la TVA (soit les ressources propres) de certaines entreprises ne sera pas suffisante pour leur permettre d'être qualifiées d' « assujetties intégrales à la TVA » par l'administration fiscale. Ainsi ARTE France et France Médias Monde devraient devenir « assujetties partielles », statut qui aboutirait à la perte de leur droit à déduction intégrale de TVA.

Afin de neutraliser cet effet fiscal lié à la suppression de la CAP proposée par le Gouvernement, une hausse de la dotation des deux sociétés (7,9 millions d'euros pour ARTE France, et 6,8 millions d'euros pour France Médias Monde) est prévue afin de couvrir la perte estimée pour la période août-décembre 2022.

Enfin, une régularisation prévue en fin de gestion devrait venir compenser le montant de CAP déjà perçu et appelé à être reversé aux contribuables (2,2 milliards d'euros). La prévision d'encaissements de contribution à l'audiovisuel public des professionnels, soit 100 millions d'euros, devrait rester imputée sur le compte de concours financiers mais ferait l'objet d'un remboursement via le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

La mise en place d'une prise en charge globale par l'État des crédits nécessaires au financement de l'audiovisuel conduit le Gouvernement à proposer au b) du 1° du VII de supprimer la référence au montant maximal des dégrèvements pris en charge par le budget de l'État , soit 560,8 millions d'euros, au sein de l'article 46 de la loi de finances pour 2006 et, dans le même texte, aux termes du e) du 1° du VII de supprimer la référence à la possible majoration à due concurrence du plafond de cette prise en charge en cas d'encaissements nets inférieurs à la prévision. La référence aux frais d'assiette et de trésorerie est également supprimée ( e) du 1° du VII ).

Le a) et le b) du 2° du VIII prévoit, par cohérence, que les références au compte de concours financiers sont par ailleurs supprimées au sein de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (III et IV de l'article 53 ).

2. La mise en place d'une compensation budgétaire intégrale à compter de 2023

Le VI du présent article prévoit enfin qu'à compter du 1 er janvier 2023, la suppression de la CAP donne lieu à compensation budgétaire intégrale . Des subventions seraient alors versées aux sociétés de l'audiovisuel public.

Ces versements seraient effectués dans un délai d 'un mois maximum à compter de l'ouverture de gestion .

Compte-tenu de cette budgétisation intégrale, le c) du VIII prévoit l'abrogation du V de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication qui pose le principe du remboursement intégral par le budget général de l'État des exonérations de redevance audiovisuelle pour motifs sociaux. Le 4° du VIII propose par cohérence une modification rédactionnelle à l' article 108 de la même loi qui faisait expressément référence à cette prise en charge.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : PLUTÔT QU'UNE ENVELOPPE BUDGÉTAIRE, L'AFFECTATION D'UNE FRACTION DU PRODUIT DE TVA

À l'initiative de Mme Aurore Bergé et M. Quentin Bataillon (Renaissance), M. Mohamed Laqhila, au nom du groupe Démocrate, Mme Isabelle Rauch, au nom du groupe Démocrate et M. Jean-Jacques Gauthier et plusieurs membres du groupe Les Républicains, après avis favorable du rapporteur général de la commission des finances et du Gouvernement, l'Assemblée nationale a souhaité substituer à la budgétisation initialement prévue un financement par l'affectation d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), déterminée chaque année en loi de finances.

Le VI qui prévoyait la budgétisation est, en conséquence, supprimé, comme le a) du VII . La nouvelle rédaction prévoit le rétablissement du compte de concours financiers (CCF), ce qui conduit à la suppression du a) du 1° du VII et des a) et b) du 2° du VIII, qui actaient la clôture du compte, et à une nouvelle rédaction s'agissant de ses recettes (b) du 1° du VII).

L'amendement revient en outre sur les dispositions en vigueur en matière de versement des crédits aux sociétés de l'audiovisuel public. Le 2° du VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 prévoyait en effet que les avances soient versées chaque mois aux organismes bénéficiaires à raison d'un douzième du montant prévisionnel des recettes du compte. L'amendement supprime ce versement échelonné.

En ce qui concerne l'exercice 2022, la nouvelle rédaction précise que les recettes du CCF sont constituées du produit de la contribution à l'audiovisuel public versée par les professionnels, soit 100 millions d'euros, et d'une fraction du produit de la TVA établi à 3 585 millions d'euros. La somme équivaut au montant total des dotations initialement retenu en loi de finances pour 2022, déduction faite des mesures de neutralisation de l'assujettissement partiel à la TVA prévues pour France Médias Monde et ARTE France ( cf supra ).

Elle a également adopté, après avis favorable du Gouvernement, deux amendements de la commission des finances et de la rapporteure pour avis de la commission de la culture visant à rétablir la possibilité, pour France Télévisions, de déduire les dépenses réalisée outre-mer de l'assiette de la TST-E due au Centre national du cinéma et de l'image animée . Cette déduction étant déjà prévue dans la rédaction actuelle de l'article L. 115-7 du code du cinéma et de l'image animée, sa suppression dans le présent article relevait d'une erreur matérielle.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SUPPRESSION INSUFFISAMMENT ANTICIPÉE D'UNE CONTRIBUTION VOUÉE À DISPARAÎTRE, SANS RÉFLEXION SUR L'AVENIR DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC ET SON INCONTOURNABLE RÉFORME

A. UNE CONTRIBUTION PEU DYNAMIQUE ET ADOSSÉE À UN PRÉLÈVEMENT EN COURS DE DISPARITION

1. Une baisse des encaissements qui reflète un bouleversement des usages en matière de consommation audiovisuelle

27,61 millions de foyers ont été assujettis à la contribution à l'audiovisuel public en 2021 , soit un niveau relativement stable par rapport à 2020. Il est néanmoins en baisse par rapport à 2019 où il atteignait 27,77 millions de foyers.

Le nombre de foyers s'acquittant de la contribution poursuit la même trajectoire baissière , s'établissant à 22,98 millions en 2021 contre 23,02 millions lors de l'exercice précédent et 23,19 millions en 2019. Depuis 2015, le nombre de foyers redevables a diminué de 600 000 unités, quand le nombre de foyers exonérés progressait parallèlement de près d'un million.

Nombre de foyers assujettis à la CAP
entre 2015 et 2021

(en millions)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les encaissements nets de CAP épousent la même dynamique. Pour la première fois depuis 2016, ceux-ci ont en effet baissé de 101 millions d'euros en 2020 pour atteindre 3 135,5 millions d'euros . La diminution de 1 euro de son montant adoptée en loi de finances pour 2020 (- 24 millions d'euros, effet taux) conjuguée à la baisse du nombre de foyers redevables (- 78 millions d'euros) et à la chute des recettes liées aux professionnels (- 18 millions d'euros) en raison de la crise sanitaire (effet assiette) expliquent un tel retournement. Si l'exécution 2021 fait apparaître un rebond - 3 188,6 millions d'euros -, celui-ci reste inférieur aux prévisions retenues en loi de finances pour 2021 (3 231,1 millions d'euros).

La loi de finances pour 2022 table, de son côté, sur une nouvelle baisse du nombre de foyers payants, désormais établi à 22,89 millions. Le montant des encaissements attendus devait, dans ces conditions, être logiquement en baisse, pour atteindre 3 140,5 millions d'euros.

Cette trajectoire de diminution du nombre de foyers et des encaissements reflète une véritable révolution des usages en matière de « consommation télévisuelle », liée pour partie à l'émergence d'une nouvelle génération d'écrans et à l'apparition des plateformes de programmes. Le téléviseur n'est en effet plus le seul prisme pour accéder aux programmes, l'émergence des plateformes renforçant cette tendance. Le taux d'équipement en téléviseurs des foyers français est ainsi passé de 98 % en 2012 à 92 % en 2020. Le baromètre du numérique 2021 édité par le CREDOC précise que sur les 83 % des personnes interrogées regardant la télévision en direct ou en rattrapage, 73 % le font sur un poste de télévision à domicile 107 ( * ) . La moyenne d'écrans (téléviseurs, smartphones, tablettes, ordinateurs) par foyer n'a, quant à elle, cessé de progresser passant de 5,3 en 2007 à 6,5 en 2020 108 ( * ) .

2. Des coûts de collecte appelés à croître en raison de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales

La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle elle est adossée double la question du faible dynamisme de la CAP de celle de son coût de collecte .

La collecte de la taxe d'habitation et de la CAP mobilisait environ 2 530 ETP d'après la direction générale des finances publiques (DGFiP). Le coût du maintien de la seule CAP sur la base actuelle de collecte pourrait donc apparaître disproportionné par rapport au produit attendu.

La suppression de cette double collecte a, par ailleurs, été anticipée au sein du schéma de transformation de la direction générale des finances publiques, qui couvre la période 2019-2024 et qui prévoit notamment le transfert du recouvrement et/ou de la gestion de plusieurs taxes et impositions des douanes, du Centre national du cinéma et de l'image animée ou encore de la direction générale de l'aviation civile vers la DGFiP. 1 980 ETP dédiés à la collecte de la taxe d'habitation et de la CAP sont intégrés dans le grand mouvement de réaffectation prévu par ce schéma . En ce qui concerne le suivi de la base consacrée à la taxe d'habitation pour les résidences secondaires, elle serait simplifiée grâce au lancement, en 2023, de l'application GMBI (Gérer mon bien immobilier) 109 ( * ) .

Les 550 ETP restants auraient donc vocation à être supprimés, ce chiffre restant à affiner. En se fondant sur l'hypothèse d'une répartition des effectifs mobilisés sur la CAP à hauteur de 5 % de cadres supérieurs, 20 % de cadres A et 75 % de personnels de catégorie B et C, l'économie en termes de masse salariale est estimée par la DGFiP à un minimum de 24,5 millions d'euros par an (hors versements au CAS Pensions) et à un maximum de 36 millions d'euros par an (versements au CAS Pensions compris).

B. UNE SUPPRESSION MOTIVÉE PAR LA PRÉSERVATION DU POUVOIR D'ACHAT

1. Un effet à relativiser ?

Le Gouvernement présente la suppression de la contribution à l'audiovisuel public comme une mesure destinée à améliorer le pouvoir d'achat. L'impact pour les foyers peut apparaître, en première analyse, réel. La contribution est en effet acquittée par plus de foyers que ceux payant l'impôt sur le revenu : 23,02 millions en 2020 contre 17,9 millions.

Il n'en demeure pas moins que la suppression du dispositif ne concernera pas réellement les foyers les plus modestes : 4,6 millions d'entre eux sont déjà exonérés du paiement de la contribution en 2021. En outre, comme l'a relevé le cabinet Asterès en mai dernier, si le gain de pouvoir d'achat est certain pour les deux déciles de revenus supérieurs suivants, il doit cependant être atténué par la progression concomitante des prix de l'alimentation et de l'énergie. Il n'atteindrait ainsi que 64 euros pour les foyers situés entre le 1 er et le 2 ème décile puis de 97 euros pour les foyers situés entre le 2 ème et le 3 ème décile. Pour les foyers restants, le gain de pouvoir d'achat est estimé à 129 euros.

Dans ces conditions, le gain de pouvoir d'achat moyen pour l'ensemble des foyers pourrait atteindre 106 euros, ce qui reste en deçà du montant de la contribution effectivement acquittée : 138 euros.

Gains de pouvoir d'achat liés à la suppression de la contribution à l'audiovisuel public

(en euros)

Type de ménage

Gain de pouvoir d'achat

Inférieur au 1 er décile

0 euro

1 er au 2 ème décile

64 euros

2 ème au 3 ème décile

97 euros

3 ème au 4 ème décile

129 euros

4 ème au 5 ème décile

129 euros

5 ème au 6 ème décile

129 euros

6 ème au 7 ème décile

129 euros

7 ème au 8 ème décile

129 euros

8 ème au 9 ème décile

129 euros

Supérieur au 9 ème décile

129 euros

Moyenne

106 euros

Source : d'après Cabinet Asterès - Sylvain Bersinger, Suppression de la redevance TV : peu de gain de pouvoir d'achat des ménages modestes - 16 mai 2022

L'avantage d'une suppression est sans doute plus significatif pour les entreprises devant s'acquitter du paiement de la contribution . Le Gouvernement estime que la suppression de la CAP devrait équivaloir à un allègement fiscal d'environ 110 millions d'euros pour les entreprises du secteur de l'hôtellerie, des cafés et de la restauration (HCR), principalement concernés par la taxe. 79 348 entreprises sont actuellement redevables.

Cette suppression s'inscrit presque dans la continuité des facilités mises en place durant la crise sanitaire. Celle-ci a conduit en 2020 et en 2021 au report de l'échéance déclarative et du paiement de la CAP. Les entreprises relevant du secteur des hôtels de tourisme et assimilés ont, en outre, eu la faculté d'appliquer en 2021, directement lors du calcul de la contribution à l'audiovisuel public due, une minoration de 25 % dès lors que la période d'activité annuelle n'a pas excédé neuf mois en 2020.

2. Un contexte inflationniste qui rend peu propice aujourd'hui la mise en place d'alternatives fiscales

Compte tenu de la suppression au 1 er janvier 2023 de la taxe d'habitation sur les résidences principales et de la présentation, fin 2019, d'un projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l'ère numérique, dont plusieurs dispositions visaient la gouvernance de l'audiovisuel public, le Gouvernement envisageait, au début du quinquennat précédent, une réforme de la contribution à l'audiovisuel public à l'horizon 2021. Lors de l'examen de la loi de finances pour 2019, l e Gouvernement s'était ainsi engagé à présenter, au Parlement, un rapport relatif à la réforme du dispositif avant le 1 er juin 2019 110 ( * ) . Ce document n'a jamais été publié.

Les pistes d'évolution du prélèvement étaient pourtant connues :

- un élargissement de l'assiette à tous les foyers, afin de prendre en compte l'usage des tablettes, des téléphones ou des consoles, à l'instar de ce qui est mis en oeuvre en Allemagne ou en Grande-Bretagne. Cette solution avait notamment été retenue dans un rapport publié par la commission des finances et la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat en septembre 2015 111 ( * ) ;

- l'adossement de la CAP à l'impôt sur le revenu ;

- le remplacement de la contribution par une taxe sur certains biens et services issus du secteur des médias et télécommunications

Force est de constater que le contexte inflationniste et l'argument de la préservation du pouvoir d'achat, même s'il soit être relativisé pour la CAP ( cf infra ), rendent aujourd'hui complexe la poursuite de travaux visant à mettre en place une alternative fiscale .

Ainsi, la création d'une contribution universelle devrait conduire environ un million de foyers qui ne possèdent pas de téléviseurs à financer l'audiovisuel public, parmi lesquels de nombreux jeunes ayant des revenus limités.

L'adossement à l'impôt sur le revenu pourrait prendre la forme d'une augmentation des taux marginaux de chacune des tranches du barème actuel de l'impôt sur le revenu ou la création d'une taxe assise sur le revenu du foyer fiscal assujetti à l'impôt sur le revenu, mais indépendante. Ces deux options conduiraient cependant à de nombreux effets de transferts : les concubins ou colocataires s'acquitteraient ainsi deux fois de la CAP révisée, un même logement pouvant accueillir plusieurs foyers redevables de l'impôt sur le revenu. Le dispositif serait, en outre, moins universel que celui actuellement retenu pour la CAP : seuls 43 % des foyers s'acquittent de l'impôt sur le revenu.

La mise en place d'une taxe sur les achats d'appareils multimédias conduirait à majorer le coût de ces produits, au détriment des foyers les plus modestes. Le chiffre d'affaires de l'électronique grand public (téléviseurs, téléphones, ordinateurs, bureautiques, tablettes, équipements annexes) atteignait 12,44 milliards d'euros en 2021.

Chiffres d'affaires de l'électronique grand public en 2021

(en millions d'euros)

Source : Institut d'études GFK

Si l'on entend maintenir un niveau équivalent de financement pour le service public de l'audiovisuel, le taux de ce prélèvement serait possiblement élevé. Le taux serait de surcroît difficile à calibrer, les achats de ce type de produits pouvant être aléatoires et pas forcément renouvelés chaque année. Une large partie de ces produits est, en outre, déjà soumise à la redevance « copie privée ».

Une alternative pourrait consister en un assujettissement des foyers ayant souscrit une offre donnant accès à internet fixe haut débit ou très haut débit, ce qui reviendrait à changer le fait générateur. Il pourrait être facilité par un rapprochement entre les données fiscales déclaratives et les fichiers d'abonnement à des offres de fournisseurs d'accès à internet. Cette évolution ne serait, cependant, pas de nature à recouper l'ensemble des pratiques des foyers en matière de consommation de contenus audiovisuels, ni nécessairement à anticiper leurs usages futurs.

La dernière option pourrait consister en une réaffectation, aux sociétés de l'audiovisuel public, de la taxe sur les services fournis par les opérateurs de communications électroniques (TOCE), mise en place en 2009 112 ( * ) . Assise sur le montant, hors TVA, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers auprès de ces opérateurs en rémunération des services de communications électroniques qu'ils fournissent, elle est acquittée par les opérateurs de communications électroniques. La création de ce dispositif était censée compenser la disparition de la publicité après 20 heures sur France Télévisions. Plafonnée à 86,4 millions d'euros en loi de finances pour 2016 113 ( * ) , la part de son produit versée à l'entreprise publique transitait par le programme 313 « Contribution au financement de l'audiovisuel » de la mission « Médias, Livre et industries culturelles », avant d'être reversée au compte de concours financiers. L'article 29 de la loi de finances pour 2019 a supprimé l'affectation de la taxe et prévu sa réintégration au budget général 114 ( * ) . Cette solution est cependant à relativiser, le produit de la TOCE a atteint 259 millions d'euros en 2021. Il conviendrait donc de multiplier par 12 son taux actuel pour aboutir à un produit comparable à celui de la CAP.

C. UNE MODIFICATION DU FINANCEMENT QUI AURAIT DÛ AVOIR POUR PRÉALABLE UNE RÉFORME DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

1. La TVA est déjà très largement partagée entre l'État, les collectivités territoriales et les administrations de sécurité sociale

L'affectation, aux sociétés de l'audiovisuel public, d'une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée conduit à les placer au même niveau que la sécurité sociale et les collectivités territoriales, seules bénéficiaires, à l'heure actuelle, d'une fraction du produit de la TVA (hors État).

Ces transferts ont pour effet, une nouvelle fois, de réduire la part de la TVA revenant à l'État par rapport à celle revenant à la Sécurité sociale et aux collectivités territoriales. Alors qu'elle était très faible jusqu'en 2020, cette part est désormais supérieure à un tiers de celle revenant à l'État.

Évolution depuis 2017 de la répartition des recettes de TVA nette
entre les différentes catégories d'administrations

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données de la Cour des comptes

La loi de finances pour 2022 prévoit en effet que 28,01 % du produit de cette taxe soient transférés aux branches maladie; maternité, invalidité et décès du régime général ainsi qu'à l'Ursaff Caisse nationale. Une fraction du produit de la TVA établie à 398 millions d'euros est, en outre, destinée à compenser le coût de la réduction de 6 points de cotisations maladie de droit commun en faveur des travailleurs occasionnels - demandeurs d'emploi (TO-DE), affiliés à la caisse centrale de la mutualité agricole. Le montant total des recettes de TVA affectées à la sécurité sociale devraient ainsi représenter 53,7 milliards d'euros en 2022.

Les collectivités territoriales devraient, de leur côté, percevoir 37,6 milliards d'euros au titre de la TVA en 2022 dont :

- 4,68 milliards de TVA aux régions en substitution de leur ancienne dotation globale de fonctionnement ;

- 264 millions d'euros pour le fonds de sauvegarde des départements, Mayotte, des collectivités de Guyane, Martinique, Corse et de la métropole de Lyon, afin de soutenir les territoires les plus fragiles ;

- 9,8 milliards d'euros aux régions en compensation de la suppression de la CVAE régionale ;

- 15 milliards d'euros affectés aux départements, 7,2 milliards d'euros versés aux EPCI et 660 millions d'euros à la Ville de Paris dans le cadre de la réforme supprimant la taxe d'habitation.

Il convient de rappeler à ce stade que le produit de la TVA revenant à l'État était estimé en projet de loi de finances pour 2022 à 97,5 milliards d'euros , soit un niveau inférieur à celui enregistré en 2020 (113,8 milliards d'euros). La recette pourrait cependant être plus dynamique en exécution en raison de l'inflation.

Motivée par une volonté de faire croître le pouvoir d'achat, la suppression de la contribution à l'audiovisuel public débouche donc sur son remplacement par l'affectation du produit d'une taxe sur la consommation, dont le dynamisme est pour l'heure lié à l'inflation. La mesure apparaît éminemment paradoxale, la TVA étant par ailleurs acquittée par tous les Français au quotidien alors que 4,6 millions de foyers bénéficiaient d'un dégrèvement. Les ménages les plus modestes jusque-là exemptés sont donc conduits à financer l'audiovisuel public.

2. L'affectation d'une fraction du produit de la TVA ne résout pas les difficultés déjà soulevées par la perspective d'une budgétisation

La rédaction initiale du présent article a suscité un certain nombre de réserves de la part des sociétés de l'audiovisuel public, qui ont notamment souligné un risque de régulation budgétaire infra-annuelle, l'absence d'indépendance et un manque de prévisibilité.

L'affectation du produit d'une taxe écarte évidemment le risque de mesures de gestion en cours d'exercice 115 ( * ) mais elle ne répond pas pour autant aux deux autres objections.

En ce qui concerne l'indépendance de l'audiovisuel public , il convient de rappeler à ce stade que la CAP restait chaque année tributaire d'un vote du Parlement en loi de finances , avec possibilité de réduire son montant. Le Gouvernement avait d'ailleurs choisi cette option de la baisse en proposant depuis 2018 sa désindexation sur l'inflation, voire sa diminution. Le montant de la fraction du produit de la TVA qui sera affecté sera également voté chaque année en loi de finances.

Il ressort par ailleurs de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, établie à l'occasion de la suppression de la publicité après 20 heures sur le service public, qu'au-delà de l'affectation d'un impôt, l'indépendance de l'audiovisuel public passe surtout par une garantie de ressources et qu'il incombe « à chaque loi de finances de fixer le montant de la compensation financière par l'État de la perte de recettes publicitaires de cette société afin qu'elle soit à même d'exercer les missions de service public qui lui sont confiées » 116 ( * ) . Ainsi une dotation budgétaire, fixée par le législateur, pouvait donc être considérée comme un élément concourant à garantir les ressources de l'audiovisuel public et donc son indépendance. Le Conseil constitutionnel rappelle ainsi qu'aucune exigence constitutionnelle ni organique n'impose au législateur de déroger aux principes d'unité et d'universalité budgétaires 117 ( * ) .

En ce qui concerne la prévisibilité des ressources à moyen terme, indispensable pour permettre aux sociétés de l'audiovisuel public de mener à bien les investissements nécessaires au maintien de grilles de programmes ambitieuses en accord avec les missions de service public qui leurs sont assignées, l'affectation d'une fraction du produit de TVA ne permet pas de définir une trajectoire de financement. La budgétisation pouvait, à cet égard, constituer une réelle opportunité . La création de la mission « Audiovisuel public » initialement envisagée induisait l'intégration des crédits dédiés au sein de la loi de programmation des finances publiques (LPFP) et la mise en avant d'une trajectoire quinquennale . Il convient de rappeler que le compte de concours financiers n'est actuellement pas concerné par la LPFP. De fait, seuls les contrats d'objectifs et de moyens (COM) concourent aujourd'hui à participer à cet impératif de prévisibilité. Si l'instrument n'est pas réellement contraignant, la durée de ces contrats a été alignée sur celle de la législature et les documents resserrés sur un nombre plus réduit d'objectifs et d'indicateurs. Ces documents précisent, en outre, les engagements financiers de l'État sur la période. Le Parlement est associé à l'élaboration de ces contrats via un avis formulé préalablement à leur signature.

3. L'affectation d'une fraction du produit de la TVA à l'audiovisuel pose un problème de compatibilité avec la loi organique

a) Une mesure difficilement compatible pour l'avenir avec la mise en oeuvre de la révision de la loi organique relative aux lois de finances dont l'encre est à peine sèche

L'affectation d'une fraction du produit d'un impôt ou d'une taxe à l'audiovisuel public faisait partie des préconisations rendues publiques en juillet 2022, de la mission de l'inspection générale des finances (IGF) et de l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) sur l'avenir de la contribution, lancée par le Premier ministre le 22 octobre dernier.

La mission ne préconisait aucune alternative fiscale mais la création d'une instance indépendante chargée de l'évaluation des crédits nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel, l'inscription dans la loi organique relative aux lois de finances du 1 er août 2021 (LOLF) 118 ( * ) du principe d'exonération de régulation infra-annuelle et l'inscription de la trajectoire des COM dans la LPFP ou une loi de programmation ad hoc .

La mission souhaitait affecter temporairement une part du produit d'un impôt existant - TVA ou impôt sur le revenu - afin de garantir une recette à l'audiovisuel public, qui ne pourrait faire l'objet, comme toute taxe affectée, d'une régulation infra-annuelle. La mission limitait toutefois cette affectation au seuls exercices 2023 et 2024 afin de tenir compte de l'entrée en vigueur, à l'occasion du projet de loi de finances pour 2025, de la nouvelle rédaction de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances telle qu'issue de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publique (article 3). Celle-ci prévoit en effet à cette date que pour un tiers (hors organismes de sécurités de sociale ou collectivité territoriale) bénéficiant déjà d'une affectation de taxe, celle-ci ne peut être maintenue que si elle est en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées. Or le lien entre consommation et audiovisuel public apparaît difficile à étayer.

Une nouvelle affectation, limitée aux deux prochains exercices, consisterait déjà en un détournement de l'esprit de la révision de la loi organique, issue des travaux communs de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le rapporteur général note à cet égard que l'Assemblée nationale propose une solution encore plus à rebours du texte organique puisqu'il ne prévoit pas de bornage. Aucune mesure n'est par ailleurs annoncée en vue de répondre aux autres préconisations de la mission de contrôle IGF/IGAC.

b) Une suppression du compte de concours financiers qui était bienvenue

La budgétisation proposée par le Gouvernement devait déboucher sur la clôture du compte de concours financiers le 31 décembre 2022. Ledit compte n'était plus censé participer au financement du service public de l'audiovisuel le 1 er août prochain. La nécessité de mener à bien diverses opérations comptables, la prise en compte du nouveau schéma de financement et le dénouement des opérations constatées depuis le début de l'année justifiaient son maintien jusqu'à la fin de l'année.

Cette suppression permettait également de lever le doute sur la compatibilité de son utilisation à LOLF. La Cour des comptes avait, en effet, relevé, dans sa note d'exécution budgétaire publiée en mai 2016 119 ( * ) , que le compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne respectait pas, dans sa forme actuelle, les principes afférents aux comptes spéciaux, tels que prévus par l'article 24 de la LOLF.

Aux termes de celui-ci, les comptes de concours financiers doivent, en effet, retracer les prêts et avances consentis par l'État. Un compte distinct doit être ouvert pour chaque débiteur ou catégorie de débiteurs. Les opérations doivent se solder, en cours d'année, par le versement d'intérêts qui auraient vocation à alimenter le budget général en tant que recettes non fiscales ou en fin d'année, par le remboursement du principal venant en recette du compte de concours financiers. Ces comptes sont, par ailleurs, dotés de crédits limitatifs 120 ( * ) .

Or, les dépenses du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne constituent pas, en réalité, des avances à proprement dit mais plutôt des dotations . Le compte n'est, en outre, pas équilibré par les remboursements des sociétés mais par la contribution à l'audiovisuel public recouvrée ainsi que par la compensation des dégrèvements versée par l'État. Enfin depuis 2018, la CAP n'est plus considérée par l'Insee comme un achat de services audiovisuels mais comme un prélèvement obligatoire.

4. En l'absence de réforme sur le périmètre du service public et les missions qui lui sont assignées, un coût important pour les finances publiques

a) La réforme du financement de l'audiovisuel public n'est pas précédée d'une réflexion sur son périmètre

La création d'une commission indépendante chargée d'estimer le niveau de ressources adapté aux missions était préconisée par les inspections générales des finances et des affaires culturelles de même qu'un mois plus tôt par la mission conjointe de contrôle des commissions des finances et de la culture du Sénat en vue de renforcer les garanties entourant le financement de l'audiovisuel public 121 ( * ) .

S'appuyant sur l'exemple allemand de la Kommission zur Ûberprüfung und Ermittlung des Finanzbedarfs der Rundfunkanstalten (KEF) mise en place en 1975, la mission sénatoriale proposait la création d'une instance d'évaluation indépendante des besoins de l'audiovisuel public. La commission allemande est composée de 16 experts indépendants, nommés par chacun des Länder . Cinq de ces experts sont issus des cours des comptes de Länder. Au-delà de l'estimation des besoins financiers des entreprises publiques de l'audiovisuel, la KEF peut également évaluer la gestion desdites sociétés et en tirer toutes les conclusions nécessaires. La mission conjointe de contrôle préconisait ainsi la mise en place en France d'un organisme indépendant de l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), présidé par un magistrat de la Cour des comptes et composée de quatre experts, nommés par les commissions chargées des finances et de la culture de l'Assemblée nationale et du Sénat. Il aurait eu pour mission de proposer au Gouvernement et au Parlement une trajectoire financière pluriannuelle pour les sociétés de l'audiovisuel public, répondant au financement des priorités qu'il estimerait nécessaires. Il émettrait également un avis sur le montant de la dotation budgétaire prévu en projet de loi de finances. La création de cette instance renforcerait ainsi l'information du Parlement.

Les rapporteurs estimaient également que la commission permettait d'offrir une vision claire sur le coût des missions de service public assignées aux entreprises dédiées et d'ouvrir enfin un débat sur le périmètre du service public de l'audiovisuel et la nature des missions qui lui sont assignées. Cette question est essentielle et aurait dû précéder toute réforme de son financement.

Cette inversion des priorités avec une réforme du financement mue par une réflexion sur le pouvoir d'achat et non sur le rôle du service public de l'audiovisuel traduit un manque de réflexion stratégique de la part du Gouvernement, particulièrement manifeste depuis l'abandon, en 2020, de son projet de loi sur l'audiovisuel. Les enjeux sont pourtant connus : révolution des usages, développement et renforcement des plateformes, interrogations sur l'avenir du numérique terrestre.

Las, la suppression de la CAP et l'affectation d'une fraction du produit de la TVA s'inscrivent en fait dans la continuité d'un pilotage « court-termiste » de la dépense, illustré sous le précédent quinquennat par la trajectoire d'économies imposées aux sociétés de l'audiovisuel public, sans réelle prise en compte du rôle particulier de certaines d'entre elles (ARTE ou France Médias Monde). L'absence de revalorisation de la CAP depuis 2018 (désindexation sur l'inflation et baisse de 1 euro) s'inscrit dans le cadre de cette stratégie, définie en juillet 2018 par le Gouvernement. Celle-ci prévoit une réduction des dotations accordées de 190 millions d'euros entre 2018 et 2022 .

Montant annuel des économies demandées
aux sociétés de l'audiovisuel public entre 2019 et 2022

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Des économies de l'ordre de 36,5 millions d'euros en 2018, 35 millions d'euros en 2019, 70,6 millions d'euros en 2020 et 70 millions d'euros en 2021 122 ( * ) ont ainsi été demandées aux opérateurs. L'effort demandé s'élève en 2022 à 17,7 millions d'euros.

Évolution de la répartition des crédits du compte de concours financiers
« Avances à l'audiovisuel public » de 2018 à 2022

(en millions d'euros)

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

LFI 2022

Évolution 2022/2021

en M€

en %

841 - France Télévisions 123 ( * )

2 567,9

2 543,1

2 481,9

2 421,1

2 406,8

- 14,3

- 0,6

842 - Arte

285,4

283,3

281,2

279

278,6

- 0,4

- 0,1

843 - Radio France

608,8

604,7

599,6

591,4

588,8

- 2,6

- 0,4

844 - France Médias Monde

263,2

261,5

260,5

260

259,6

- 0,4

- 0,2

845 - Institut national de l'audiovisuel

90,4

89,2

88,2

89,7

89,7

0

0

847 - TV5 Monde

78,9

77,8

77,8

77,7

77,8

+ 0,1

0

Total Avances à l'audiovisuel public TTC

3 894,6

3 859,6

3 789

3 719

3 701,3

- 17,7

- 0,5

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette trajectoire peut cependant être relativisée à l'aune des efforts consentis par ailleurs par l'État pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. Le programme 363 « Compétitivité » de la mission « Plan de relance » prévoit une dotation de 73 millions d'euros (AE = CP), répartie sur les exercices 2021 et 2022 . Cet apport vise à appuyer le rôle de soutien à la création en compensant à la fois le recul des ressources publicitaires, le report sur 2021 d'un certain nombre de charges et la progression des dépenses supplémentaires liées à la gestion de la crise sanitaire (aménagements des locaux, achats de masques et de gel etc.).

Crédits affectés aux sociétés audiovisuelles publiques par la mission
« Plan de relance » en 2021 et 2022

(en millions d'euros)

2021

2022

Total 2021-2022

France Télévisions

45

-

45

Arte

5

-

5

Radio France

15

5

20

France Médias Monde

0,5

-

0,5

Institut national de l'audiovisuel

2

-

2

TV5 Monde

0,5

-

0,5

Total

68

5

73

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'État a, par ailleurs, pris sa part dans le financement des plans de départs volontaires au sein de France Télévisions, Radio France et France Médias Monde, induits par la trajectoire d'économie . Cet apport financier prend la forme d'une augmentation de capital en année n+ 1 venant financer 2/3 du coût des départs effectués en année n dans la limite de 67 000 euros par départ. Le montant de ces dotations a atteint 67,1 millions d'euros sur la période 2020-2022 pour 2 170 départs attendus (883 devant être remplacés).

L'État a enfin participé au financement du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio , lancé en 2010, et chiffré à 493,2 millions d'euros et aux travaux des studios de création, lancés en 2017 et estimés à 78 millions d'euros. La prise en charge de ces travaux est assurée à 70 % par l'État, soit au total 399,8 millions d'euros.

b) L'absence de réflexion sur l'affectation des sommes

Il aurait été judicieux que la suppression de la CAP traduise au moins une nouvelle approche dans la détermination des dotations, dans un souci de gestion saine et rigoureuse des finances publiques. Aucune évolution en ce sens ne semble aujourd'hui se faire jour. Cette inflexion est pourtant, à l'avenir, indispensable au regard du coût pour l'État de la suppression de la CAP, qui équivaut à une perte de recettes de 3,14 milliards d'euros en 2022.

La corrélation actuelle au chiffre d'affaires tend à figer les positions de Radio France ou France Télévisions et rend illusoire toute réflexion au sein de ces entreprises sur une gestion plus agile et l'approfondissement de rapprochements nécessaires, en particulier au plan local. Les pistes de réforme, recensées par la mission conjointe de contrôle du Sénat, sont par ailleurs connues :

- fusion de France Télévisions, Radio France, France Médias Monde et l'Institut national de l'audiovisuel ;

- création d'une rédaction commune à l'ensemble de l'audiovisuel public ;

- développement d'une stratégie numérique unifiée pour le service public ;

- mise en place d'un grand média territorial.

L'introduction d'indicateurs de performances en vue de valoriser les stratégies à la fois ambitieuses et populaires et sur lesquels seraient indexées les dotations, aurait également pu permettre de sortir de cette situation figée.

*

La réforme de la contribution à l'audiovisuel public, prélèvement peu dynamique, apparaissait indispensable au regard de la suppression annoncée de la taxe d'habitation sur les résidences principales sur laquelle elle est adossée. Le Gouvernement disposait de quatre ans, en 2019, pour proposer une réforme prenant acte de cette suppression en l'accompagnant d'une réflexion plus ambitieuse sur l'audiovisuel public. Une contribution adaptée aux nouveaux usages en matière de consommation audiovisuelle aurait dû permettre de financer des entreprises modernisées, aptes à faire face aux nouveaux enjeux industriels du secteur.

L'absence de réflexion stratégique, en temps voulu , sur ces deux points conduit aujourd'hui le Gouvernement, dans un contexte de renchérissement du coût de la vie, à présenter la question de l'avenir de la CAP comme une opportunité en vue de renforcer le pouvoir d'achat des ménages et alléger la fiscalité des entreprises. Même si les gains sont modestes, ils apparaissent certains, notamment pour les classes moyennes. Ce contexte fragilise, de fait, toute présentation d'un mécanisme fiscal alternatif.

Cette suppression d'une ressource fiscale a, cependant, un coût important pour les finances publiques, qui peut être estimé pour le seul exercice 2022 à 3,14 milliards d'euros. Un tel montant rend urgent la mise en oeuvre d'une véritable stratégie pour le secteur , confrontés à de nouveaux défis (émergence des plateformes, développement numérique) qui incitent repenser les missions et les objectifs qui lui ont été assignés, son périmètre et donc son coût. Aucune vision n'est, cependant, proposée quant aux modalités de répartition des ressources publiques. L'absence de référence à la performance traduit à cet égard une nouvelle fois un manque d'ambition patent.

L'affectation d'une fraction du produit de la TVA, telle que présentée dans le présent projet de loi de finances rectificative issu des travaux de l'Assemblée nationale, pose par ailleurs plus de problèmes à ce stade qu'elle n'en résout. Si elle permet d'écarter le risque de régulation budgétaire infra-annuelle, elle ne garantit pas une véritable prévisibilité des ressources et reste dépendant d'un vote annuel au Parlement qui peut orienter à la baisse les crédits dédiés.

Elle trahit enfin l'esprit de la dernière révision de la LOLF qui n'autorise de telles affectations à compter de la loi de finances pour 2025 que si un lien est établi entre la nature de l'impôt et la mission de service public qu'elle finance . L'article, dans sa rédaction actuelle, ne pose aucune limite temporelle à cette affectation.

La prégnance de la question du pouvoir d'achat dans le débat public et l'opportunité que représente à cet égard la disparition d'un prélèvement qui concerne plus de foyers que l'impôt sur le revenu conduit néanmoins à approuver in fine la suppression de la CAP et son remplacement par une affectation du produit de la TVA. Cette solution doit cependant être temporaire et ne pas aller au-delà de l'exercice budgétaire 2024.

Cette période de transition laissera donc le temps au Gouvernement de présenter cette fois une véritable réforme du secteur corrélée à une allocation de ressources adaptée à la nécessaire réforme du secteur qui implique de profonds changements, compte-tenu de la charge qu'il représente pour l'État. Les pistes sont nombreuses et notamment celles recommandées par le Sénat dans le cadre de la mission conjointe de contrôle sur le financement de l'audiovisuel public de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication menée en juin 2022. Ainsi en est-il par exemple de la fusion de Radio France et France Télévisions, de la création d'une rédaction commune, de la mise en place d'un grand média territorial ou du développement d'une stratégie numérique unifiée. Afin d'accompagner cette démarche nécessaire, le Gouvernement est également invité à procéder rapidement à la mise en place, sur le modèle allemand, d'une commission indépendante chargée d'évaluer le coût des missions de service public assignées aux opérateurs audiovisuels, suivre précisément leur gestion et définir ainsi une trajectoire pluriannuelle de financement.

Le rapporteur général propose donc de modifier cet article afin de préciser que le financement par l'affectation d'une part du produit de la TVA devra prendre fin au 31 décembre 2024, afin de respecter les dispositions prévues par la loi organique relative aux lois de finances à partir de 2025 (amendement FINC.4 ( 185 )).

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article ainsi modifié.

ARTICLE 1er bis (nouveau)

Dispositif anti-abus concernant l'amortissement des fonds commerciaux prévu par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022

. Le présent article prévoit de limiter la possibilité temporaire d'amortir les fonds commerciaux prévue par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022. Il exclut ainsi les cessions à une société liée au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts ou à une société placée sous le contrôle de la même personne physique que la société cédante. Le dispositif permet d'éviter, à compter du 18 juillet 2022, que des cessions de fonds commerciaux entre sociétés liées ou détenues par une même personne physique ne puissent bénéficier de la possibilité d'amortir celui-ci.

D'après l'exposé de l'amendement, des comportements « optimisants » auraient été observés, laissant penser que des personnes morales ou physiques ont procédé à des cessions entre sociétés uniquement dans l'objectif de bénéficier de cette possibilité d'amortissement. D'après les informations transmises par l'administration fiscale, ces comportements resteraient « très limités » pour l'instant.

De plus, l'article prévoit les modalités de réintégration aux bénéfices imposables des plus-values dégagées à l'occasion d'une fusion lors de l'apport de fonds commerciaux amortissables.

La commission des finances propose d'adopter le présent article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LA FACULTÉ TEMPORAIRE D'AMORTISSEMENT FISCAL DES FONDS COMMERCIAUX VISE À FAVORISER LA REPRISE DE FONDS DE COMMERCE

A. LE DISPOSITIF ADOPTÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022 DOIT PERMETTRE DE FAVORISER LA REPRISE DE FONDS DE COMMERCE

La notion de fonds commercial vise les éléments de bilan participant du fonds de commerce mais ne relevant pas d'autres postes comptables. Ainsi en est-il de plusieurs des éléments déterminants de la part de marché de l'entreprise comme la clientèle, l'achalandage, l'enseigne ou encore le nom commercial.

Ces éléments ayant une durée d'utilisation illimitée, ils ne peuvent en principe donner lieu à un amortissement fiscal . Les règles comptables permettent néanmoins l'amortissement comptable du fonds commercial pour les petites entreprises ou lorsque l'exploitation de celui-ci est limitée dans le temps - comme dans le cas d'un contrat de concession ou d'une autorisation légale limitée dans le temps.

L'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 a ouvert la possibilité, à titre temporaire, d'amortir fiscalement les fonds commerciaux lorsque l'amortissent comptable est possible. Cette possibilité est ouverte, à titre dérogatoire et temporaire, pour les fonds commerciaux acquis entre le 1 er janvier 2022 et le 31 décembre 2025.

D'après l'évaluation fournie lors de l'examen du projet de loi de finances initiale pour 2022, le « coût générationnel » du dispositif serait, sur la base d'un amortissement sur une période de 10 ans, de 125 millions d'euros par an. Ouvert pour quatre ans, le dispositif aurait un coût total de 5 milliards d'euros.

B. L'ABSENCE DE DISPOSITIF ANTI-ABUS DANS L'ARTICLE VOTÉ EN LOI DE FINANCES INITIALE POUR 2022

Le dispositif voté en loi de finances initiale ne prévoit pas de dispositif anti-abus permettant d'éviter que des cessions soient réalisées entre personnes morales liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts 124 ( * ) ou entre personnes morales détenues par une même personne physique.

Des comportements d'optimisation de la part des détenteurs de fonds commerciaux pourraient apparaître, s'ils sont tentés de procéder à des cessions uniquement pour bénéficier de l'amortissement de leur fonds. Cependant, une requalification pourrait être opérée au cas par cas par les services de contrôle de l'administration fiscale, en abus de droit.

Défini à l'article L 64 du livre des procédures fiscales, la notion d'abus de droit permet à l'administration fiscale d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, des « actes [ayant] un caractère fictif, [ou], recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, [n'ayant] pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles . »

De plus, l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 ne prévoit pas les conditions dans lesquelles doivent être réintégrées les plus-values en cas de fusion de l'entreprise bénéficiaire de l'amortissement du fonds commercial.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : DES PRÉCISIONS DU DISPOSITIF POUR GARANTIR SON EFFICACITÉ

Le présent article est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement à l'initiative de M. Mohamed Laqhila, avec un avis favorable de la commission et du Gouvernement. Il vise à restreindre le dispositif pour exclure les cessions intervenues entre personnes morales liées au sens du 12 de l'article 39 du code général des impôts (CGI) ou appartenant à une même personne physique. Par ailleurs, il précise le traitement de l'amortissement en cas de fusion.

Ainsi le 1 du I précise que le dispositif introduit par l'article 23 de la loi de finances initiale pour 2022 à l'article 39 du CGI ne s'applique pas aux fonds acquis auprès d'une entreprise liée au sens du 12 du même article ou auprès d'une entreprise sous le contrôle de la même personne physique que l'entreprise qui acquiert le fonds.

Le 2 du I prévoit les modalités de réintégration dans les bénéfices imposables des plus-values dégagées lors de l'apport de fonds commerciaux amortissables à l'occasion d'une fusion. Le traitement proposé au présent article correspond au droit commun des actifs amortissables, à savoir une réintégration des plus-values au résultat imposable sur une période de cinq ans. Lorsque le fonds commercial n'a pas donné lieu à un amortissement, l'article précise que ceux-ci doivent être traités comme des immobilisations non amortissables.

Le II de l'article prévoit que ces dispositions ne sont applicables qu'aux acquisitions de fonds commerciaux réalisées à compter du 18 juillet 2022, à savoir la date de dépôt de l'amendement.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES PRÉCISIONS UTILES, EN PARTICULIER L'INTRODUCTION D'UNE CLAUSE ANTI-ABUS VISANT À REMÉDIER AU DÉVELOPPEMENT DE COMPORTEMENTS D'OPTIMISATION

Les comportements d'optimisation de la part des détenteurs de fonds commerciaux, qui auraient procédé à des cessions entre entités uniquement dans l'objectif de bénéficier du dispositif d'amortissement, doivent déjà pouvoir donner lieu à une requalification par les services de contrôle de l'administration fiscale en abus de droit.

En effet, si des cessions sont intervenues entre le 1 er janvier et le 18 juillet 2022 dans le seul but de bénéficier de l'amortissement du fonds commercial entre des personnes morales liées ou entre des personnes morales détenues par une même personne physique, ces opérations, qui n'auraient aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales, devraient pouvoir être exclues du bénéfice de l'amortissement.

Les dispositions prévues au présent article permettent en tout état de cause de sécuriser pour l'avenir le dispositif pour l'avenir et d'éviter de type de comportements d'optimisation . Ils permettent ainsi de garantir un recalibrage du dispositif vers son objectif initial, à savoir la facilitation de la reprise de commerces via la faculté d'amortissement de fonds commerciaux.

La clarification apportée concernant le régime des fusions est également utile au traitement de l'amortissement lors de cette opération.

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 1er ter (nouveau)

Précision à des fins d'anti-abus de la condition d'exercice d'une activité économique éligible par la société dont les parts et les actions ont été transmises dans le cadre d'un pacte » Dutreil »

. Le présent article vise à préciser explicitement que, dans le cadre de la conclusion d'un pacte « Dutreil », l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit sur les parts ou sur les actions d'une société ne s'applique que lorsque la société conserve une activité économique éligible tout au long des engagements de conservation collectifs et individuels des héritiers. De fait, la précision apportée impose également aux sociétés holdings d'être animatrices d'un groupe ayant une activité économique éligible tout au long des engagements de conservation.

Un arrêt de la Cour de cassation du 25 mai 2022 a en effet remis en cause le maintien d'une activité éligible - industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale - tout au long du pacte « Dutreil », au motif que la condition de maintien de cette activité n'était pas explicitement prévue à l'article 787 B du code général des impôts.

La commission des finances soutient la clarification apportée par le présent article à des fins d'anti-abus et estime qu'elle est conforme à l'intention du législateur de l'époque et à l'esprit du pacte « Dutreil », dont le principal objectif est d'encourager la transmission des entreprises et le maintien de leurs activités opérationnelles.

La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

I. LE DROIT EXISTANT : LE « PACTE DUTREIL », UN RÉGIME DESTINÉ À FAVORISER LA TRANSMISSION DES ENTREPRISES ET LA POURSUITE DE LEURS ACTIVITÉS

A. LE PACTE « DUTREIL » : UN DISPOSITIF FISCAL AVANTAGEUX, QUI VISE À PRÉSERVER L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE DES ENTREPRISES

Aux termes de l'article 787 B du code général des impôts (CGI), les donations et les transmissions de parts ou actions de sociétés ayant fait l'objet d'un pacte « Dutreil » sont exonérées de droits de mutation à titre gratuit (DMTG) à concurrence de 75 % de leur valeur.

Le bénéfice de cette exonération de DMTG, dont le coût pour les finances publiques s'élèverait à 500 millions d'euros en 2021 et en 2022 125 ( * ) , est subordonné à deux conditions, liées d'une part à l'activité exercée par la société transmise et, d'autre part, à la stabilisation de l'actionnariat.

Ainsi, seules les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale peuvent bénéficier de cette exonération partielle.

Concernant l'objectif de stabilisation de l'actionnariat, trois critères doivent être respectés pour valider le bénéfice de l'exonération fiscale :

- un engagement collectif de conservation de deux ans minimum. Cet engagement collectif, souscrit par le défunt ou par le donateur et par au moins un autre associé de la société 126 ( * ) , que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale, doit porter sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote attachés aux titres émis par une société cotée ou, pour les sociétés non cotées, sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote. L'engagement collectif est réputé acquis si la société était détenue, directement ou indirectement, depuis deux ans au moins, par une même personne physique, seule ou avec son conjoint, et que l'une de ces personnes exerçait, depuis deux ans au moins à la date de la transmission, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction dans la société dont les titres sont transmis ;

- un engagement individuel de conservation de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif. Cet engagement individuel signifie que si l'un des bénéficiaires de la transmission ne respecte pas son engagement, cette rupture de contrat n'est pas de nature à remettre en cause l'exonération partielle dont ont pu bénéficier, le cas échéant, les autres bénéficiaires de la transmission ;

- l'exercice d'une fonction de direction par l'un des signataires durant la phase d'engagement collectif et pendant trois ans à compter de la transmission.

B. UN ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION EST VENU SANCTIONNER L'APPRÉCIATION DES ENGAGEMENTS DE CONSERVATION DANS LE CADRE DES SOCIÉTÉS HOLDINGS ANIMATRICES

Dans le cadre des ajustements apportés par le législateur au pacte « Dutreil », les bénéficiaires de la transmission à titre gratuit de parts ou d'actions de sociétés holdings animatrices de leur groupe peuvent également bénéficier de l'exonération partielle de DMTG.

Sont désignées sous le terme de sociétés holdings animatrices 127 ( * ) les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations, ont pour activité principale :

- la participation active à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales exerçant une activité commerciale industrielle, artisanale, agricole ou libérale ;

- le cas échéant, la fourniture à ces filiales de services spécifiques, administrations, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.

Pour l'application du pacte « Dutreil » à la transmission des parts ou des actions de ces sociétés, l'administration fiscale, dans ses commentaires sur l'article 787 B du CGI, précise que « le caractère principal de l'activité d'animation de groupe d'une société holding s'apprécie au moment de la conclusion du pacte « Dutreil » ou de la transmission en cas d'engagement réputé acquis, et doit être remplie jusqu'au terme des engagements collectif, le cas échéant unilatéral, et individuel de conservation. » 128 ( * )

Or, dans un arrêt du 25 mai 2022 129 ( * ) , la Cour de cassation a considéré que la perte, par la société holding , de sa fonction d'animatrice de groupe avant l'expiration du délai légal de conservation des parts (engagement individuel), ne pouvait pas en droit conduire à rendre inéligible au pacte « Dutreil » la transmission des parts ou des actions de cette société holding . Elle a ainsi cassé l'arrêt de la cour d'appel, en considérant que cette dernière avait « ajouté à la loi une condition qu'elle ne comport[ait] pas » et donc « violé » les dispositions de l'article 787 B du CGI, alors même que l'engagement individuel de conservation des parts de la société holding avait été respecté et que les dirigeants en place au décès ont continué à exercer une fonction de direction éligible pendant une durée de trois ans.

En l'espèce, l'héritier des parts de la société holding avait cédé, dans les dix-huit mois suivant le décès, six participations majoritaires dans des sociétés commerciales, sur les sept dont la société disposait au moment de la transmission. Le produit de ces cessions n'avait ensuite pas été réinvesti dans l'acquisition de nouvelles participations animées ni dans une activité économique, la société holding prenant la forme d'une société financière, dont l'objet principal était la gestion de participations.

L'administration fiscale avait donc adressé à l'héritier un redressement fiscal, en considérant qu'il ne pouvait plus bénéficier du régime favorable du pacte « Dutreil ». Ce dernier avait néanmoins soutenu que le caractère principal de l'activité d'animation de groupe de la société holding ne pouvait être apprécié qu'au jour du fait générateur de l'imposition , et la Cour de cassation lui a donné raison sur ce point.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE : UN DISPOSITIF ANTI-ABUS QUI VISE À TENIR COMPTE DE L'ARRÊT RENDU PAR LA COUR DE CASSATION

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, visant, à des fins d'anti-abus, à tirer les conséquences de la décision de la Cour de cassation.

Le I du présent article modifie ainsi l'article 787 B du code général des impôts (CGI) et introduit un c bis, précisant que la condition d'exercice par la société d'une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale doit être satisfaite à compter de la conclusion de l'engagement de conservation collectif et jusqu'au terme de la conclusion de l'engagement de conservation individuel . En cas d'engagement collectif « post-mortem » 130 ( * ) , la condition doit être satisfaite à compter de la transmission des titres et, en cas d'engagement collectif réputé acquis, depuis au moins deux ans à la date de la transmission. Cette disposition s'appliquera aux sociétés holdings animatrices, associées en droit et par la jurisprudence aux sociétés exerçant directement une activité éligible.

Le II du présent article précise l' entrée en vigueur de cette clarification , et ce afin d' éviter les effets d'aubaine entre la date de présentation de l'amendement et l'adoption du présent projet de loi. Il prévoit ainsi que le I du présent article s'applique aux transmissions intervenant à compter du 18 juillet 2022, ainsi qu'à celles répondant aux conditions cumulatives suivantes :

- l'un des engagements collectif ou individuel mentionné dans le cadre du nouveau c bis de l'article 787 B du CGI est en cours ;

- la société ayant fait l'objet de la transmission n'a pas cessé d'exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE CLARIFICATION CONFORME À L'INTENTION DU LÉGISLATEUR ET QUI PRÉSERVE LA COHÉRENCE DU PACTE DUTREIL

La commission des finances considère que la clarification apportée par le présent article aux conditions d'exercice par la société transmise d'une activité économique réelle est conforme à l'intention du législateur de l'époque et à l'esprit du pacte « Dutreil », dont le principal objectif est d'encourager la transmission des entreprises et le maintien de leurs activités opérationnelles . Dès lors, l'obligation de conservation d'une activité économique réelle éligible, sauf circonstances indépendantes de la volonté de la société, est conforme à l'objectif poursuivi par le pacte « Dutreil ».

Tel que rédigé, le dispositif vise les sociétés transmises et permet de préciser explicitement au sein de l'article 787 B du CGI, ce qui n'était pas le cas auparavant, que l'appréciation de l'exercice par ces sociétés d'une activité éligible s'apprécie bien tout au long des engagements de conservation collectif et individuels . L'arrêt de la Cour de cassation, qui portait certes sur le caractère principal de l'activité d'animation de groupe pour la société holding , peut en effet être interprété comme permettant également aux sociétés dont les titres ont été directement transmis de ne plus exercer une activité éligible de manière prépondérante, à l'instar de ce que la Cour a affirmé pour les sociétés holdings , et étant donné que la condition n'était pas écrite aussi explicitement au sein de l'article 787 B du CGI.

À noter, l es sociétés holdings animatrices étant associées en droit et par la jurisprudence aux sociétés exerçant directement une activité éligible, la disposition introduite à l'article 787 B du CGI par le présent article s'appliquera également à elles . Pour que le bénéfice de l'exonération fiscale soit maintenu, elles devront conserver une activité principale d'animation de groupe ayant une activité éligible.

Cette précision, apportée à des fins d'anti-abus , était donc nécessaire au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, et c'est ce même objectif qui justifie les conditions particulières de son entrée en vigueur, avec une application aux pactes « Dutreil » déjà en cours, s'il n'y pas eu cessation de l'exercice d'une société éligible 131 ( * ) .

Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2 (supprimé)

Report d'un an de la suppression du tarif réduit de l'accise sur le GNR

. En raison du contexte de hausse du prix des énergies qui n'épargne pas celui du gazole non routier (GNR) et fragilise les secteurs qui seraient impactés par une hausse de sa fiscalité, le présent article propose, dans sa version initiale, que la suppression du tarif réduit de l'accise sur ce carburant, prévue au 1 er janvier 2023 en vertu de l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, soit reportée au 1 er janvier 2024.

L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022, il doit en effet être présenté dans la seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative, et non dans la première (article 34 de la LOLF).

La commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article et présentera sa position sur ce dispositif lors de son examen en seconde partie (article 9 A).

I. LE DROIT EXISTANT : UN OBJECTIF D'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER MAINTES FOIS CONTRARIÉ

Les dispositions actuellement en vigueur concernant le tarif d'accise sur le gazole non routier (GNR) et l'objectif, déjà maintes fois repoussé, de son alignement avec la fiscalité du gazole routier, seront présentés dans le cadre du commentaire de l'article 9 A, compte tenu de son déplacement, en première lecture à l'Assemblée nationale, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf III du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN REPORT AU 1 ER JANVIER 2024 DE LA DATE D'ENTRÉE EN VIGUEUR DE L'ALIGNEMENT DU TARIF DE L'ACCISE DU GAZOLE NON ROUTIER SUR CELUI DU GAZOLE ROUTIER

En raison du contexte de hausse du prix des énergies qui n'épargne pas celui du gazole non routier (GNR) et fragilise les secteurs qui seraient impactés par une hausse de sa fiscalité, le présent article propose que la suppression du tarif réduit de l'accise sur ce carburant, prévue au 1 er janvier 2023 en vertu de l'article 7 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021, soit reportée au 1 er janvier 2024. Le dispositif proposé sera présenté en détail dans le commentaire de l'article 9 A, compte tenu de son déplacement, en première lecture à l'Assemblée nationale, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf III du présent commentaire).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale a adopté, avec un avis favorable du Gouvernement, un amendement n° 171 de suppression présenté par la commission des finances. La proposition de suppression de l'article ne doit pas être lue comme une opposition de fond mais de forme : cet article ne relève pas de la première partie de la loi de finances mais de la seconde, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022. L'Assemblée nationale a d'ailleurs adopté un amendement n° 176, déposé par la commission des finances, portant article additionnel, devenu article 9 A, reprenant en seconde partie les dispositions de l'article 2.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : CONFIRMER LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, le déplacement en seconde partie est nécessaire, cet article ne pouvant relever de la première partie d'un projet de loi de finances.

La commission des finances ne peut que confirmer la suppression de l'article. Le dispositif initialement prévu faisant désormais l'objet de l'article 9 A, l'avis de la commission est développé dans le commentaire de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article.

ARTICLE 3 (supprimé)

Généralisation de la facturation électronique dans les transactions
entre assujettis à la TVA et transmission des données de transaction

. Le présent article reprend les dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et à la transmission des données de transaction. L'article 93 de la loi de finances pour 2022 ratifiant cette ordonnance a en effet été censuré par le Conseil constitutionnel, rendant de fait ses dispositions caduques. Le Conseil avait estimé qu'il ne relevait pas du domaine des lois de finances tel que défini par l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF).

L'Assemblée nationale a supprimé cet article. Ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022, il doit en effet être présenté dans la seconde partie du présent projet de loi de finances rectificative, et non dans la première (article 34 de la LOLF). La commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article et présentera sa position sur ce dispositif lors de son examen en seconde partie (article 10 bis ).

I. LE DROIT EXISTANT : LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE GÉNÉRALISANT LA FACTURATION ÉLECTRONIQUE ET LA TRANSMISSION DES DONNÉES DE TRANSACTION A ÉTÉ CENSURÉE PAR LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL

L'état actuel du droit concernant la facturation en matière de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ainsi que les dispositions adoptées en lois de finances et ayant conduit à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la TVA et à la transmission des données de transaction seront présentés de manière plus détaillée dans le cadre du commentaire de l'article 10 bis , compte tenu de son déplacement en première lecture à l'Assemblée nationale en deuxième partie du présent projet de loi, en raison de la bipartition de la loi de finances (cf. III du présent commentaire).

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA REPRISE DES DISPOSITIONS CONTENUES DANS L'ORDONNANCE DU 15 SEPTEMBRE 2021

Le présent article reprend les dispositions de l'ordonnance du 15 septembre 2021 132 ( * ) relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction, dont la ratification par l'article 93 de la loi de finances pour 2022 133 ( * ) a été censurée par le Conseil constitutionnel, rendant ses dispositions caduques d'après le Gouvernement.

Le dispositif proposé sera également présenté plus en détail dans le commentaire de l'article 10 bis , compte tenu de son déplacement en première lecture à l'Assemblée nationale en deuxième partie du présent projet de loi (cf. III du présent commentaire).

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

L'Assemblée nationale a adopté avec un avis favorable du Gouvernement un amendement de suppression présenté par la commission des finances. La proposition de suppression de l'article ne doit pas être lue comme une opposition de fond mais de forme : cet article ne relève pas de la première partie de la loi de finances mais de la seconde, ses dispositions n'affectant pas l'équilibre budgétaire de l'année 2022. La commission des finances a d'ailleurs présenté un amendement portant article additionnel, devenu article 10 bis , reprenant en seconde partie les dispositions de l'article 3.

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : CONFIRMER LA SUPPRESSION DE L'ARTICLE

Conformément à l'article 34 de la loi organique relative aux lois de finances, le déplacement en seconde partie est nécessaire, cet article ne pouvant relever de la première partie d'un projet de loi de finances.

La commission des finances ne peut que confirmer la suppression du dispositif initialement prévu et faisant désormais l'objet de l'article 10 bis , l'avis de la commission étant développé dans le commentaire de cet article.

Décision de la commission : la commission des finances propose de confirmer la suppression de cet article.

ARTICLE 3 bis (nouveau)

Corrections matérielles de dispositions du code des impositions sur les biens et services et ratification de l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services

. Le présent article apporte des corrections matérielles aux dispositions désormais insérées au sein du code des impositions sur les biens et les services, en en tirant les conséquences sur les dispositions contenues dans les autres codes.

Surtout, il ratifie l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne. Pour rappel, lors de l'examen de l'article 184 de la loi de finances pour 2020, la commission des finances avait sévèrement critiqué la demande d'habilitation du Gouvernement, dont le champ était extrêmement large. Sous couvert de mesures destinées à transférer le recouvrement de certaines taxes et impositions de la Douane à la Direction générale des finances publiques, le Gouvernement s'est en effet engagé dans un important travail de recodification, pas forcément à droit constant.

Dès lors, il apparaît peu satisfaisant de procéder à la ratification de cette ordonnance par le biais de cet article additionnel, issu d'un amendement parlementaire. Il est donc concrètement demandé au Parlement de ratifier « à l'aveugle » une ordonnance de près de 300 pages modifiant des centaines de dispositions.

Par conséquent, la commission des finances propose de supprimer cet article (amendement FINC.5 ( 186 )).

I. LE DROIT EXISTANT : LA CONSTRUCTION, PAR VOIE D'ORDONNANCE, D'UN NOUVEAU CODE DES IMPOSITIONS SUR LES BIENS ET SERVICES, EN PARALLÈLE DE L'UNIFICATION DU RECOUVREMENT

Le Gouvernement a amorcé en 2018, à la suite de plusieurs recommandations en ce sens de la Cour des comptes et après une mission confiée à Alexandre Gardette 134 ( * ) pour la préparer, une réforme du recouvrement des impositions et des amendes . Elle s'articule autour d'un axe principal : le transfert à la direction générale des finances publiques (DGFiP) du recouvrement et souvent de la gestion de la quasi-totalité des impositions jusqu'ici recouvrées et gérées par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI).

Des premiers transferts ont eu lieu par la voie législative ordinaire , dans le cadre de dispositions adoptées en loi de finances pour 2019 135 ( * ) (taxe générale sur les activités polluantes, boissons non alcooliques). L'article 184 de la loi de finances pour 2020 les a poursuivis, en prévoyant le transfert :

- de taxes sur les véhicules (1 er janvier 2021) ;

- des taxes intérieures de consommation sur le gaz naturel et ses équivalents lorsqu'ils sont utilisés comme combustible, sur les houilles, les lignites et les cokes destinées à être utilisés comme combustible ainsi que sur la consommation finale d'électricité. Sont également concernés le droit de francisation et de navigation et le droit attaché à la délivrance d'un nouvel acte de francisation (1 er janvier 2022) ;

- des amendes autres que celles de nature fiscale prévues par le code des douanes ou le code général des impôts (1 er janvier 2023) ;

- des accises sur les alcools, les boissons alcooliques et les tabacs manufacturés (1 er janvier 2024).

L'article 161 de la loi de finances initiale pour 2021 136 ( * ) a complété l'article 184 de la loi de finances initiale pour 2020 en ajoutant aux impositions transférées à compter du 1 er janvier 2024 :

- la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) utilisés comme carburant ou combustible :

- la taxe spéciale de consommation sur les produits énergétiques (TSC) dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de Mayotte et de la Réunion ;

- la taxe incitative relative à l'incorporation de biocarburants (TIRIB).

Toutefois, et contrairement aux dispositions adoptées dans le cadre de la loi de finances pour 2019, les transferts précités n'ont pas été inscrits « en dur » dans la loi. Le Parlement a en effet habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi et nécessaires à la refonte de l'ensemble des impositions, taxes et amendes transférées de la Douane à la DGFiP . Ces mesures devaient assurer le transfert du recouvrement de l'ensemble de ces droits à la DGFiP ; éventuellement en harmonisant les conditions dans lesquelles ces impositions sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées.

L'ordonnance devait initialement être prise dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi de finances pour 2020, soit avant le 28 juin 2021 . Un projet de loi de ratification devait quant à lui être déposé au Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance.

L'article 14 de la loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19 137 ( * ) a toutefois prolongé de quatre mois les durées d'habilitation non expirées à sa date de publication , ce qui a donc reporté l'échéance de l'habilitation prévue à l'article 184 de la loi de finances pour 2020 du 28 juin 2021 au 28 octobre 2021 . La durée d'habilitation a enfin été une nouvelle fois prolongée au 31 décembre 2021 par l'article 10 de la deuxième loi de finances rectificative pour 2021 138 ( * ) .

L 'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne a finalement été prise le 22 décembre 2021 139 ( * ) , et son projet de loi de ratification déposé sur le bureau du Sénat le 2 mars 2022.

Les dispositions du nouveau code sont donc entrées en vigueur le 1 er janvier 2022 - le code des impositions sur les biens et services regroupant désormais le régime général des accises sur les énergies, les alcools et les tabacs ainsi que les impositions liées à la mobilité (déplacements routiers, navigation) et aux activités industrielles et artisanales.

L'article 128 de la loi de finances pour 2022 140 ( * ) a de nouveau modifié l'article 184 de la loi de finances pour 2020 afin d' octroyer une nouvelle habilitation au Gouvernement pour continuer à procéder à l'organisation du transfert de la gestion de certaines taxes et impositions à la DGFiP ainsi qu'à la construction du code des impositions sur les biens et services . Le travail de codification concernerait désormais les impositions générales sur les biens et services (TVA, octroi de mer), les taxes annexes sur les produits soumis à accises, les taxes sur les autres secteurs d'activité (alimentation-agriculture-pêche, environnement, numérique-communication-culture, paris et jeux de hasard, santé, finance).

Le délai laissé au Gouvernement pour publier cette ordonnance est extrêmement long , puisqu'il s'établit à deux ans à compter de la promulgation de la loi de finances, le projet de loi de ratification devant ensuite être déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l'ordonnance, soit au plus tard le 30 mars 2024.

II. LE DISPOSITIF ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE : AU-DELÀ DE CORRECTIONS MATÉRIELLES, LA RATIFICATION DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 2021

Le présent article est issu d'un amendement du rapporteur général de la commission des finances, M. Jean-René Cazeneuve, adopté avec un avis favorable du Gouvernement.

Les I à XI du présent article procèdent à la correction de plusieurs erreurs matérielles de codification dans le cadre de la publication de l'ordonnance portant partie législative du code des impositions sur les biens et services. Ils tirent également les conséquences, en modifiant ce nouveau code, des évolutions apportées dans le cadre de la loi de finances pour 2022 aux dispositions trouvant désormais leur place au sein du code des impositions sur les biens et services . Ces coordinations n'avaient pas pu être effectuées auparavant, la publication de l'ordonnance étant intervenue avant la promulgation de la loi de finances.

Il en va de même pour les modifications induites par l'adoption de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France 141 ( * ) et la publication de l'ordonnance du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif 142 ( * ) .

Les XIII à XIV du présent article précisent les conditions d'application des modifications opérées par le présent article dans les collectivités d'outre-mer ainsi que les dates d'entrée en vigueur de l'ensemble des dispositions ne prenant pas effet à la date de la promulgation de la loi.

Enfin, et surtout, le XII du présent article ratifie l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UN ARTICLE PRÉSENTÉ DANS DES CONDITIONS PEU SATISFAISANTES ET PROPOSANT UNE RATIFICATION « À L'AVEUGLE » DE L'ORDONNANCE DU 22 DÉCEMBRE 2021

Le présent article apporte de multiples corrections aux dispositions codifiées dans le nouveau code des impositions sur les biens et les services, en en tirant également les conséquences sur les dispositions contenues dans les autres codes. S'il peut être admis, au regard de l'ampleur du travail de codification entamé, qu'il puisse être nécessaire de procéder, a posteriori et par voie législative, à des corrections d'erreurs matérielles , les conditions d'examen de cet article additionnel sont peu satisfaisantes.

Surtout, au-delà de simples corrections, il est proposé au Parlement de ratifier l'ordonnance du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services. Or, le présent article ayant été introduit par voie d'amendement parlementaire et l'examen de ce texte étant réalisé dans des délais contraints, il parait difficile de ratifier cette ordonnance , d'autant plus au regard des critiques précédemment énoncées par la commission des finances à l'encontre même de la demande d'habilitation dont elle est issue.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2020 143 ( * ) , la commission des finances avait en effet relevé que le champ de l'habilitation demandée par le Gouvernement était extrêmement large , ce qui l'avait d'ailleurs conduit à proposer au Sénat de supprimer l'article 184, ce qu'il avait fait, avant que l'Assemblée nationale ne le rétablisse en nouvelle lecture.

Les alertes de la commission des finances sur l'abandon de compétences très large concédé par le Parlement au Gouvernement se sont avérées fondées puisque le Gouvernement s'est appuyé sur cette habilitation pour procéder à la recodification des dispositions ayant trait aux impositions « sectorielles » au sein d'un nouveau code, dédié aux impositions sur les biens et les services . Si cette démarche peut se justifier, eu égard à la complexité du code général des impôts pour les agents économiques, la démarche interroge : le Gouvernement n'a jamais clarifié ses intentions en séance et n'a pas fait preuve de toute la sincérité qui pouvait être attendue sur un tel sujet , alors même qu'il savait très bien quels étaient les buts poursuivis par cette habilitation. En témoigne la rapidité avec laquelle les travaux ont débuté et ont été programmés à l'ordre du jour de la commission supérieure de codification, dès le mois de mars 2020.

Le transfert à la DGFiP du recouvrement de certaines impositions jusqu'ici recouvrées par la DGDDI a donc finalement davantage servi de prétexte au lancement de cet important chantier de codification des impositions sectorielles , à rebours des intentions exprimées par le Gouvernement devant le Parlement.

Or, contrairement à la lettre de l'habilitation, et au-delà des mesures propres à assurer le transfert des impositions à la DGFiP 144 ( * ) , cette codification ne s'est pas faite exactement à droit constant : c'est le Gouvernement qui arbitre sur la codification de certaines interprétations de la doctrine fiscale ou sur les corrections à apporter ou non aux dispositions pouvant méconnaître le droit de l'Union européenne. Il en sera probablement de même dans le cadre de la future ordonnance, qui poursuit le travail de construction du code des impositions sur les biens et les services.

Au regard de ces critiques, la commission des finances propose de supprimer cet article (amendement FINC.5 ( 186 )) .

Décision de la commission : la commission des finances propose de supprimer cet article.


* 68 Loi organique n° 2012-1403 du 17 décembre 2012 relative à la gouvernance et à la programmation des finances publiques.

* 69 Pour la borne supérieure, la part du salarié est égale à celle du patron, qui est de 5,69 euros pour obtenir l'exonération maximale. On obtient donc 5,69 + 5,69 = 11,38 euros.

Pour la borne inférieure, la contribution du patron est de 60 %, tandis que celle du salarié est de 40 %. La contribution du salarié est donc égale à deux tiers de celle du patron. On obtient alors en arrondissant 5,69 + (5,69 x 2/3) = 9,48 euros.

* 70 L'amendement n° 1044

* 71 Article L3261-2 du code du travail.

* 72 Article L3261-3 du code du travail.

* 73 L'amendement n° 910.

* 74 Le sous-amendement n° 1047.

* 75 Du fait de l'adoption du sous-amendement n° 1047.

* 76 Du fait de l'adoption du sous-amendement n° 1047.

* 77 L'amendement n° 913.

* 78 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales. Cette loi visait à répondre au mouvement des « gilets jaunes ».

* 79 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 80 Article 1 de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 81 Pour une liste exhaustive des rémunérations visées, se reporter au commentaire de l'article 7 du Rapport n° 111 (2018-2019) de M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Catherine Deroche, MM. Bernard Bonne, Gérard Dériot, René-Paul Savary et Mme Élisabeth Doineau, fait au nom de la commission des affaires sociales, déposé le 7 novembre 2018 sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 82 Évaluations des voies et moyens, tome II « Dépenses fiscales » , annexe au projet de loi de finances pour 2022.

* 83 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 84 Article 7 de la loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

* 85 Article 2 de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d'urgence économiques et sociales.

* 86 Article 1 er de la loi n° 2007-1223 du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat.

* 87 Article 3 de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012.

* 88 Article 4 de la loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020.

* 89 Dares, La structure des rémunérations , 30 avril 2021.

* 90 Étude d'impact de l'article 2 du projet de loi portant mesures d'urgence économiques et sociales.

* 91 Voir le rapport n° 827 (2021-2022) de Mme Frédérique PUISSAT, déposé le 25 juillet 2022, sur le projet de loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

* 92 La précédente dérogation au plafonnement des heures supplémentaires et introduite dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire ne s'applique plus depuis la fin du premier état d'urgence sanitaire (11 juillet 2020).

* 93 L'amendement n° 914.

* 94 Voir le commentaire de l'article 1 er D du présent projet de loi de finances rectificative.

* 95 600 euros en cas de cumul avec la participation de l'employeur aux frais d'abonnement à un service de transport collectif ou de location de vélos.

* 96 https://www.ecologie.gouv.fr/covoiturage-en-france-avantages-et-reglementation-en-vigueur.

* 97 L'amendement n° 803.

* 98 Sont également inclus les frais de déménagement ainsi que les frais de double résidence lorsque ceux-ci relèvent d'un motif professionnel.

* 99 La puissance administrative, aussi appelée puissance fiscale, est déterminée à partir de la puissance maximale du moteur en termes de kilowatt/heure. La puissance administrative est notamment utilisée pour le calcul du certificat d'immatriculation et de la prime d'assurance pour certains assureurs. Elle est peut être trouvée sur le certificat d'immatriculation du véhicule.

* 100 L'amendement n° 919

* 101 Le nombre de foyers assujettis intègre les foyers dégrevés.

* 102 7 e et 8 e alinéas du VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 103 XI de l'article 1647 du code général des impôts.

* 104 3° du III de l'article 257 du code général des impôts.

* 105 Cour des Comptes, Compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, Note d'analyse de l'exécution budgétaire 2021.

* 106 Article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.

* 107 CREDOC, Baromètre du numérique édition 2021, étude réalisée pour le compte de l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), du Conseil général de l'Économie (CGE) et de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

* 108 Syndicat national de la publicité télévisée, Précis de la télévision, 17ème édition, 2021.

* 109 L'application associera les propriétaires (particuliers et personnes morales) à la détermination de la situation d'occupation des biens d'habitation qu'ils possèdent (résidence secondaire, locaux vacants).

* 110 Article 279 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 111 Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020. Rapport d'information n° 709 (2014-2015) de MM. André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finances, déposé le 29 septembre 2015.

* 112 Article 33 de la loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 113 Loi n° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.

* 114 Loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 115 Une réponse au risque de régulation infra-annuelle pouvait être l'inscription de l'obligation d'un montant des dotations versée équivalent à celui défini en loi de finances initiale, écartant ainsi toute mesure de gel des crédits en ouverture de gestion. Cette solution était notamment préconisée par le rapporteur général de la commission des finances et avait donné lieu à l'adoption d'un amendement au stade de la commission.

* 116 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Cons 18 et 19, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 117 Décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, Cons 24, Loi relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

* 118 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.

* 119 Cour des comptes, note d'analyse de l'exécution budgétaire 2015 du compte de concours financiers Avances à l'audiovisuel public, mai 2016.

* 120 Sauf s'il s'agit de comptes ouverts au profit des États étrangers et des banques centrales liées à la France par un accord monétaire international, qui sont dotés de crédits évaluatifs

* 121 « Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public », Rapport d'information n° 651 (2021-2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication - 8 juin 2022.

* 122 Le montant initialement retenu pour 2021 s'établissait à 80 millions d'euros avant d'être revu à la baisse afin de tenir compte du maintien de France 4, dont la suppression était prévue en août 2020. Le succès des émissions éducatives de la chaine durant le confinement a, en effet, conduit à ajourner cette perspective.

* 123 La loi de finances pour 2019 prévoit par ailleurs la suppression de l'affectation à France Télévisions d'une part de la taxe sur les communications électroniques (TOCE). Le montant de cette fraction s'élevait à 85,5 millions d'euros en loi de finances pour 2018.

* 124 Les liens de dépendance sont réputés exister entre deux entreprises a) lorsque l'une détient directement ou par personne interposée la majorité du capital social de l'autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision b) lorsqu'elles sont placées l'une et l'autre sous le contrôle d'une même entreprise tierce.

* 125 Tome II de l'évaluation des voies et moyens, annexe au projet de loi de finances pour 2022.

* 126 À noter qu'il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires peuvent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 127 Selon les deux critères rappelés par le Conseil d'État dans sa décision n° 395495 du 13 juin 2018, et repris ensuite par la Cour de cassation. Ce sont également les critères précisés à l'article 966 du code général des impôts pour la définition de l'assiette de l'impôt sur la fortune immobilière.

* 128 Bulletin officiel des finances publiques, « Exonération partielle en raison de la nature du bien transmis : transmission des parts ou actions de sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale », avril 2021.

* 129 Cour de cassation, pourvoi n° 19-25-513 , 25 mai 2022.

* 130 Il demeure possible, lorsque les parts ou actions transmises par décès n'ont pas fait l'objet d'un engagement de conservation collectif avant le décès du détenteur, que les héritiers ou légataires puissent, entre eux ou avec d'autres associés, conclure dans les six mois qui suivent la transmission par décès un engagement collectif de conservation (engagement « post-mortem).

* 131 Auquel cas, et au regard des principes de sécurité juridique et de non-rétroactivité de la loi fiscale (sauf motif d'intérêt général impérieux), c'est l'interprétation de la Cour de cassation qui prévaut, avec l'impossibilité pour l'administration fiscale de remettre en cause le bénéfice de l'exonération partielle de droits de mutation à titre gratuit si toutes les autres conditions définies dans le cadre d'un pacte « Dutreil » ont été respectées.

* 132 Ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 relative à la généralisation de la facturation électronique dans les transactions entre assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée et à la transmission des données de transaction.

* 133 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 .

* 134 Alexandre Gardette a remis un rapport sur la « Réforme du recouvrement fiscal et social » le 1 juillet 2019 aux ministres des solidarités et de la santé, Agnès Buzyn, et de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin.

* 135 Articles 193 et 199 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

* 136 Loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 .

* 137 Loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 .

* 138 Loi n° 2021-1549 du 1 er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

* 139 Ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 portant partie législative du code des impositions sur les biens et services et transposant diverses normes du droit de l'Union européenne.

* 140 Loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

* 141 Loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l'empreinte environnementale du numérique en France.

* 142 Ordonnance n° 2021-1735 du 22 décembre 2021 modernisant le cadre relatif au financement participatif.

* 143 Se reporter au commentaire de l'article 61 dans le tome III du Rapport général n° 140 (2019-2020) de M. Albéric de Montgolfier sur le projet de loi de finances pour 2020, fait au nom de la commission des finances, déposé le 21 novembre 2019.

* 144 Le champ de l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance comprend en effet la possibilité d'harmoniser les conditions dans lesquelles les impositions et les amendes faisant l'objet du transfert sont liquidées, recouvrées, remboursées et contrôlées, et ce afin de s'assurer que le transfert de ces missions à la direction générale des finances publiques se fassent dans le contexte juridique le plus sécurisé possible, tout en garantissant son efficacité.

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