B. UNE CLARIFICATION À APPORTER CONCERNANT LE SORT DE L'ACCUSÉ QUI COMPARAÎT DÉTENU ET EST CONDAMNÉ À UNE PEINE D'EMPRISONNEMENT

Lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de son rapporteur un amendement qui est à l'origine de la difficulté à laquelle la proposition de loi entend remédier. Présenté comme ayant un objectif de précision rédactionnelle, cet amendement n'avait à l'époque guère retenu l'attention.

L'amendement a modifié la rédaction de l'article 367 pour préciser que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention « si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle ». Cette restriction pose un problème dans l'hypothèse où l'accusé comparaît détenu et est condamné à une peine d'emprisonnement correctionnelle.

En effet, si l'on interprète le code de procédure pénale à la lettre, dans cette hypothèse l'arrêt ne vaut pas titre de détention et il n'est pas non plus prévu que la cour puisse décerner mandat de dépôt, cette faculté étant envisagée seulement dans le cas où l'accusé était libre au moment où l'arrêt a été rendu... On pourrait donc soutenir que l'accusé qui était placé en détention provisoire avant l'audience devrait être remis en liberté le jour de sa condamnation à une peine d'emprisonnement ferme !

Une telle interprétation serait évidemment contraire à l'intention du législateur et créerait une incohérence puisqu'un accusé condamné à une peine d'emprisonnement ferme se trouverait dans une position plus favorable s'il comparaît détenu que s'il comparaît libre.

Pour clarifier les règles applicables, le Gouvernement a pris, le 25 février 2022, un décret n°2022-246 portant application de l'article 367 du code de procédure pénale, qui a inséré dans ledit code un nouvel article D. 45-2-1 bis . Cet article détaille les différents cas de figure pouvant être rencontrés. Il précise d'abord que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention, jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice du droit pour l'accusé de son droit à demander sa mise en liberté, lorsque :

- l'accusé est détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime ou délit, à une peine de réclusion criminelle ou à une peine d'emprisonnement ferme ;

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné pour crime à une peine de réclusion criminelle.

Le décret réaffirme ainsi le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention lorsque l'accusé comparaît détenu et qu'il est condamné à une peine privative de liberté de nature correctionnelle.

Ensuite, le décret indique que l'arrêt de la cour d'assises ne vaut pas titre de détention mais que la cour peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner un mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé 3 ( * ) , si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté, lorsque :

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime à une peine d'emprisonnement ferme ;

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour délit, à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure ou égale à un an. Dans ce cas, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être délivré que si la peine d'emprisonnement est d'au moins six mois.

En dépit des clarifications ainsi apportées, une retouche de l'article 367 du code de procédure pénale demeure souhaitable.


* 3 Créé par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mandat de dépôt à effet différé permet à la personne condamnée de ne pas être incarcérée immédiatement à l'issue de l'audience ; elle est convoquée par le procureur de la République qui fixe la date de l'incarcération.

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