Rapport n° 109 (2022-2023) de Mme Maryse CARRÈRE , fait au nom de la commission des lois, déposé le 9 novembre 2022

Disponible au format PDF (459 Koctets)


N° 109

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 novembre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d' incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d' assises ,

Par Mme Maryse CARRÈRE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Thani Mohamed Soilihi, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

647 (2021-2022) et 110 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

La commission des lois, réunie le mercredi 9 novembre 2022 sous la présidence de M. François-Noël Buffet , a adopté avec modifications , sur le rapport de Mme Maryse Carrère , la proposition de loi n° 647 (2021-2022) visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises , déposée par le président Jean-Claude Réquier et plusieurs de ses collègues membres du groupe du Rassemblement démocratique, social et européen (RDSE).

Comportant un article unique, cette proposition de loi a un objet très précis puisqu'elle vise à corriger une malfaçon législative, qui s'est glissée à l'article 367 du code de procédure pénale lors de sa dernière réforme, afin de préciser quel est le sort de l'accusé lorsqu'il est condamné par la cour d'assises non à une peine de réclusion criminelle mais à une peine d'emprisonnement ferme 1 ( * ) .

La commission a adopté deux amendements présentés par la rapporteure afin notamment de retenir une rédaction plus concise tout en restant fidèle à l'objectif des auteurs de la proposition de loi.

I. UNE MALFAÇON FIGURE À L'ARTICLE 367 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE DEPUIS SA DERNIÈRE MODIFICATION

A. DES RÈGLES PLUSIEURS FOIS RÉVISÉES DANS UN BUT DE SIMPLIFICATION

L'article 367 du code de procédure pénale a été dernièrement modifié par l'article 6 de la loi n°2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire. C'est à l'occasion de ce récent changement qu'une malfaçon est survenue.

L'objet de l'article 367 est de préciser quel est le sort de l'accusé une fois que la cour d'assises a rendu son arrêt.

S'il est acquitté, s'il est condamné à une peine autre qu'une peine privative de liberté ou si la peine privative de liberté est couverte par la durée de la détention provisoire, l'accusé doit être mis en liberté (à moins bien sûr qu'il ne doive être retenu pour une autre cause).

En dehors de ces hypothèses, plusieurs solutions ont été successivement retenues par le code de procédure pénale afin de régler le sort de l'accusé tant que l'arrêt n'est pas encore définitif, dans l'attente d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.

Avant 2011, l'article 367 imposait à la cour d'assises de décerner mandat de dépôt contre l'accusé pour qu'il soit incarcéré à l'issue de l'audience. On rappelle que le mandat de dépôt est l'ordre donné au chef de l'établissement pénitentiaire de recevoir et de détenir la personne à l'encontre de laquelle il est décerné.

Dans son rapport annuel pour 2008, la Cour de cassation a suggéré une mesure de simplification : elle a proposé de préciser que, dans le cas où la cour d'assises prononce une peine privative de liberté supérieure à la durée de la détention provisoire subie, cette condamnation vaut, sauf décision contraire, titre de détention de l'accusé. Dans la mesure où la cour d'assises juge les infractions les plus graves, il paraît logique que l'accusé condamné à une peine privative de liberté, non couverte par la détention provisoire, soit incarcéré à l'issue de l'audience, même si l'arrêt n'est pas encore définitif.

Le législateur s'est inspiré de cette recommandation en adoptant la loi n°2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit, qui a posé le principe selon lequel l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention. Un mandat de dépôt reste cependant nécessaire lorsque la personne est renvoyée devant la cour d'assises pour un délit connexe 2 ( * ) , si elle n'est pas détenue au moment où l'arrêt est rendu, si la peine prononcée est supérieure ou égale à un an d'emprisonnement et si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire a voulu nuancer le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention en partant d'un constat très simple : il arrive régulièrement que la cour d'assises prononce non pas une peine criminelle mais une peine correctionnelle. Dans la mesure où les peines prévues par le code pénal sont des peines maximales, elle peut décider, à la lumière des circonstances de l'affaire et de la personnalité de l'auteur, de condamner ce dernier à une peine d'emprisonnement ; elle peut aussi, à la faveur d'une question subsidiaire, requalifier un crime en délit, un viol en agression sexuelle par exemple. Or, devant le tribunal correctionnel, l'incarcération à l'issue de l'audience n'a rien d'automatique : il revient au tribunal d'en décider en décernant mandat de dépôt. Pour rapprocher les règles applicables à la cour d'assises de celles applicables au tribunal correctionnel, le projet de loi avait envisagé la solution suivante :

- si l'accusé comparaît détenu, l'arrêt de la cour d'assises le condamnant à une peine d'emprisonnement ferme vaut titre de détention ; en effet, si des mesures de sûreté ont été jugées nécessaires avant l'audience, il paraît raisonnable que l'accusé reste en détention après sa condamnation ;

- en revanche, si l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu, il revient à la cour de décerner mandat de dépôt, par décision spéciale et motivée, si elle estime que les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Le projet de loi visait ainsi à introduire une exception au principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention dans l'hypothèse où l'accusé comparait libre et est condamné à une peine correctionnelle. Sur le fond, cette mesure avait été acceptée par l'Assemblée nationale et par le Sénat et elle n'avait donné lieu qu'à peu de débats. Une erreur rédactionnelle survenue au cours de la navette impose cependant d'y revenir.

B. UNE CLARIFICATION À APPORTER CONCERNANT LE SORT DE L'ACCUSÉ QUI COMPARAÎT DÉTENU ET EST CONDAMNÉ À UNE PEINE D'EMPRISONNEMENT

Lors de l'examen du projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté à l'initiative de son rapporteur un amendement qui est à l'origine de la difficulté à laquelle la proposition de loi entend remédier. Présenté comme ayant un objectif de précision rédactionnelle, cet amendement n'avait à l'époque guère retenu l'attention.

L'amendement a modifié la rédaction de l'article 367 pour préciser que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention « si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle ». Cette restriction pose un problème dans l'hypothèse où l'accusé comparaît détenu et est condamné à une peine d'emprisonnement correctionnelle.

En effet, si l'on interprète le code de procédure pénale à la lettre, dans cette hypothèse l'arrêt ne vaut pas titre de détention et il n'est pas non plus prévu que la cour puisse décerner mandat de dépôt, cette faculté étant envisagée seulement dans le cas où l'accusé était libre au moment où l'arrêt a été rendu... On pourrait donc soutenir que l'accusé qui était placé en détention provisoire avant l'audience devrait être remis en liberté le jour de sa condamnation à une peine d'emprisonnement ferme !

Une telle interprétation serait évidemment contraire à l'intention du législateur et créerait une incohérence puisqu'un accusé condamné à une peine d'emprisonnement ferme se trouverait dans une position plus favorable s'il comparaît détenu que s'il comparaît libre.

Pour clarifier les règles applicables, le Gouvernement a pris, le 25 février 2022, un décret n°2022-246 portant application de l'article 367 du code de procédure pénale, qui a inséré dans ledit code un nouvel article D. 45-2-1 bis . Cet article détaille les différents cas de figure pouvant être rencontrés. Il précise d'abord que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention, jusqu'à ce que la durée de détention ait atteint celle de la peine prononcée, sans préjudice du droit pour l'accusé de son droit à demander sa mise en liberté, lorsque :

- l'accusé est détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime ou délit, à une peine de réclusion criminelle ou à une peine d'emprisonnement ferme ;

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné pour crime à une peine de réclusion criminelle.

Le décret réaffirme ainsi le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention lorsque l'accusé comparaît détenu et qu'il est condamné à une peine privative de liberté de nature correctionnelle.

Ensuite, le décret indique que l'arrêt de la cour d'assises ne vaut pas titre de détention mais que la cour peut, par décision spéciale et motivée, décider de décerner un mandat de dépôt, à effet immédiat ou différé 3 ( * ) , si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté, lorsque :

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime à une peine d'emprisonnement ferme ;

- l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour délit, à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure ou égale à un an. Dans ce cas, le mandat de dépôt à effet différé ne peut être délivré que si la peine d'emprisonnement est d'au moins six mois.

En dépit des clarifications ainsi apportées, une retouche de l'article 367 du code de procédure pénale demeure souhaitable.

II. LA NÉCESSAIRE RETOUCHE DE L'ARTICLE 367 DU CODE DE PROCÉDURE PÉNALE PEUT ÊTRE ENVISAGÉE DANS UNE RÉDACTION PLUS CONCISE

A. DONNER UNE BASE LÉGISLATIVE À CETTE DISPOSITION

La base juridique que constitue le décret paraît en effet fragile, l'article 34 de la Constitution prévoyant que la procédure pénale relève du domaine de la loi. D'après les personnes entendues par la rapporteure, la malfaçon figurant à l'article 367 du code de procédure pénale n'a pas eu, à ce jour, de conséquences fâcheuses. La Chancellerie n'a été informée d'aucune libération inopportune, ni d'aucun recours pour contester une incarcération au motif que son fondement aurait été règlementaire. Le représentant de l'association nationale des praticiens de la cour d'assises (Anapca) n'a pas non plus eu connaissance d'une contestation, tout au moins dans le ressort de la cour d'appel de Paris.

On ne peut cependant exclure que des difficultés surgissent à l'avenir, ce qui plaide en faveur d'une adoption rapide de la proposition de loi.

B. UNE RETOUCHE PLUS PONCTUELLE PARAIT PRÉFÉRABLE

Le texte de la proposition de loi comporte quatre alinéas, qui reprennent, de façon très pédagogique, les différentes hypothèses envisagées successivement à l'article D. 45-2-1 bis du code de procédure pénale :

- lorsque l'accusé est détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime ou pour délit, à une peine de réclusion criminelle ou à une peine d'emprisonnement ferme, alors l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention ;

- il en va de même lorsque l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et qu'il est condamné, pour crime, à une peine de réclusion criminelle ;

- en revanche, l'arrêt ne vaut pas titre de détention mais la cour d'assises peut décerner mandat de dépôt, par décision spéciale et motivée, si les éléments de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté, lorsque l'accusé n'est pas détenu au moment où l'arrêt est rendu et est condamné, pour crime, à une peine d'emprisonnement ferme ;

- il en va de même lorsque l'accusé n'est pas détenu au moment où l`arrêt est rendu et est condamné, pour délit, à une peine d'emprisonnement ferme d'une durée supérieure ou égale à un an.

Si elle permet de corriger la malfaçon figurant dans le code de procédure pénale, cette rédaction présente l'inconvénient d'être un peu redondante avec le contenu de l'article  D. 45-2-1 bis figurant déjà dans la partie règlementaire du code. Elle allongerait sensiblement l'article 367 et pourrait donner l'impression au lecteur non averti que le législateur a voulu modifier en profondeur les dispositions applicables, alors qu'il s'agit seulement d'apporter une clarification ponctuelle.

C'est pourquoi la commission a adopté l'amendement COM-1 présenté par la rapporteure qui retient une rédaction beaucoup plus brève, pour préciser, au deuxième alinéa de l'article 367, que l'arrêt vaut titre de détention non seulement lorsque l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle mais aussi s'il comparaît détenu devant la cour d'assises .

Toujours sur proposition de la rapporteure, la commission a également adopté l'amendement COM-2 qui actualise le « compteur » figurant à l'article 804 du code de procédure pénale pour l`application de ses dispositions dans les collectivités de Nouvelle-Calédonie, Polynésie française et de Wallis-et-Futuna, concernées par le principe de spécialité législative.

*

* *

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 9 NOVEMBRE 2022

M. François-Noël Buffet , président . - Nous examinons maintenant le rapport de Mme Maryse Carrère sur la proposition de loi visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises.

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Il me revient de vous présenter la deuxième proposition de loi inscrite, la semaine prochaine, dans la « niche » du groupe du RDSE. Son objet est assez technique puisqu'elle porte sur les règles d'incarcération d'un accusé condamné par la cour d'assises tant que l'arrêt n'est pas définitif, dans l'attente d'un appel ou d'un pourvoi en cassation.

Cette proposition de loi vise en réalité à corriger une malfaçon législative figurant à l'article 367 du code de procédure pénale, dans un souci de sécurité juridique.

L'article 367 du code précité envisage d'abord l'hypothèse où l'accusé est acquitté, condamné à une peine autre qu'une peine privative de liberté ou condamné à une peine privative de liberté couverte par la durée de la détention provisoire. Dans ce cas, l'accusé doit naturellement être remis en liberté.

En-dehors de ces hypothèses, l'article 367 prévoit que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention. L'accusé sera donc incarcéré à l'issue de l'audience, sans que la cour ait besoin de décerner mandat de dépôt. Je rappelle qu'un mandat de dépôt est un ordre donné par le juge à l'administration pénitentiaire de recevoir et de détenir une personne. Il reste nécessaire si la personne renvoyée devant la cour d'assises est condamnée, non pas pour un crime, mais pour un délit connexe.

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l'institution judiciaire a cependant apporté une nuance au principe selon lequel l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention, dans le but de rapprocher les règles applicables devant la cour d'assises de celles qui sont applicables devant le tribunal correctionnel. Lorsqu'un tribunal correctionnel prononce une peine d'emprisonnement, la condamnation n'entraîne pas automatiquement l'incarcération du prévenu ; le tribunal apprécie, au cas par cas, si les circonstances justifient ou non un mandat de dépôt.

Or il arrive régulièrement que les cours d'assises prononcent des peines d'emprisonnement de nature correctionnelle, c'est-à-dire d'une durée inférieure à dix ans, comme le ferait un tribunal correctionnel.

Le projet de loi pour la confiance dans l'institution judiciaire distinguait deux hypothèses.

Première hypothèse, si la personne condamnée à une peine d'emprisonnement était déjà détenue avant l'audience, le principe selon lequel l'arrêt vaut titre de détention est maintenu. Cette solution est logique : si la personne comparaît détenue, c'est parce qu'un juge d'instruction a estimé que des considérations de sécurité imposaient de la placer en détention provisoire. Il serait absurde de la libérer le jour où elle est condamnée à une peine d'emprisonnement ferme.

Deuxième hypothèse, l'accusé n'était pas détenu au moment de l'audience. Dans cette hypothèse, il revient à la cour d'assises de décerner mandat de dépôt si les circonstances de l'espèce justifient une mesure particulière de sûreté.

Le dispositif retenu par le projet de loi était donc cohérent et il n'avait donné lieu qu'à peu de débats, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Il est vrai que ce projet de loi comportait des dizaines d'articles, dont certains procédaient à des réformes plus substantielles qui avaient davantage retenu notre attention. C'est lors de l'examen du texte par l'Assemblée nationale que le problème est survenu : la commission des lois a adopté un amendement, présenté comme rédactionnel, prévoyant que l'arrêt vaut titre de détention seulement si l'accusé est condamné à une peine de réclusion criminelle. En conséquence, l'arrêt ne vaut pas titre de détention quand l'accusé est condamné à une peine d'emprisonnement. Le texte prévoit que la cour peut décerner mandat de dépôt si l'accusé comparaît libre, mais plus rien n'est prévu si l'accusé comparaît détenu.

Une lecture littérale de l'article 367 pourrait donc conduire à libérer la personne condamnée à une peine d'emprisonnement, alors qu'elle était détenue avant l'audience. Telle n'était évidemment pas l'intention du législateur.

La Chancellerie a été alertée sur cette difficulté après l'adoption définitive de la loi. Pour tenter d'y remédier, le Gouvernement a pris, le 25 février dernier, un décret, qui indique expressément que l'arrêt de la cour d'assises vaut titre de détention lorsque l'accusé comparaît détenu et qu'il est condamné à une peine d'emprisonnement ferme.

Cependant, la procédure pénale relevant du domaine de la loi, cette précision règlementaire paraît fragile. À ce jour, d'après les personnes que nous avons auditionnées, aucune contestation n'a été relevée et aucune libération inopportune n'a été recensée. Il est cependant souhaitable de sécuriser juridiquement les règles applicables, afin d'éviter tout problème à l'avenir.

C'est la raison pour laquelle je vous invite à adopter cette proposition de loi, en espérant qu'elle sera inscrite rapidement à l'ordre du jour des travaux de l'Assemblée nationale.

Je vous présenterai deux amendements, dont l'un prévoit une nouvelle rédaction de l'article unique de la proposition de loi. Il me semble en effet qu'une rédaction plus concise serait préférable. Les auteurs de la proposition de loi se sont inspirés de la rédaction du décret, qui énumère de manière très pédagogique toutes les hypothèses pouvant être rencontrées. En l'état, elle serait donc quelque peu redondante avec le décret. De plus, nous ne voulons pas donner l'impression de procéder à une réécriture complète de l'article 367 du code de procédure pénale, alors que l'objectif est de procéder à une clarification ponctuelle.

Comme c'est l'usage, je me suis entretenue avec l'auteur de la proposition de loi, notre collègue M. Jean-Claude Requier, qui m'a donné son accord pour cette nouvelle rédaction.

En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives aux modalités d'incarcération, de placement en détention ou de libération des personnes poursuivies devant les juridictions pénales.

Il en est ainsi décidé .

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - Comme je vous l'indiquais il y a un instant, l'amendement COM-1 propose une rédaction plus concise.

L'amendement COM-1 est adopté.

L'article est ainsi rédigé.

Après l'article unique

Mme Maryse Carrère , rapporteure . - L'amendement COM-2 vise à actualiser le « compteur » qui figure à l'article 804 du code de procédure pénale, relatif à l'application du code en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté et devient article additionnel.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure

1

Simplification rédactionnelle du dispositif

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'article unique

Mme Maryse CARRÈRE, rapporteure

2

Mise à jour de l'application outre-mer

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 4 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 5 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 6 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 7 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 9 novembre 2022, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 647 (2021-2022) visant à compléter les dispositions relatives aux modalités d'incarcération ou de libération à la suite d'une décision de cour d'assises.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux modalités d'incarcération, de placement en détention ou de libération des personnes poursuivies devant les juridictions pénales.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

M. Francis LE GUNEHEC, chef du bureau de la législation pénale générale

Association nationale des praticiens de la cour d'assises (ANAPCA)

M. Rémi Crosson du Cormier, p remier avocat général près la cour d'appel de Paris, chef du département de la cour d'assises

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Consulté, le Conseil national des barreaux (CNB) a indiqué n'avoir pas d'observation à formuler.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl21-647.html


* 1 On parle de peine de réclusion criminelle lorsque l'accusé est condamné à une peine privative de liberté d'une durée d'au moins dix ans. En-dessous de dix ans, on parle de peine d'emprisonnement.

* 2 Un délit peut être jugé par la cour d'assises s'il entretient avec une affaire criminelle un lien tel qu'il est d'une bonne administration de la justice de juger ensemble les deux affaires.

* 3 Créé par la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, le mandat de dépôt à effet différé permet à la personne condamnée de ne pas être incarcérée immédiatement à l'issue de l'audience ; elle est convoquée par le procureur de la République qui fixe la date de l'incarcération.

* 4 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 5 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 6 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 7 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page