Article 4 A (nouveau)
Peine complémentaire de « bannissement » numérique pour les auteurs des délits d'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses au moyen de supports numériques

Prenant acte de l'évolution des modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, le rapporteur a regretté l'absence de dispositions sur ce point dans le texte gouvernemental malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

En conséquence, la commission a introduit, à l'initiative du rapporteur, un article additionnel, tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques. Pour ce faire elle a, d'une part, institué une nouvelle circonstance aggravante en cas de commission de ces délits au moyen d'un support électronique ou numérique, et d'autre part, introduit une peine complémentaire de « bannissement numérique » des personnes physiques s'en étant rendues coupables de pareils agissements au moyen de supports électroniques.

I. Les dérives sectaires en matière de santé sur internet et les réseaux sociaux : un phénomène en forte croissance, peinant à être appréhendé spécifiquement par le droit pénal

D'un constat partagé par l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les dérives sectaires, l'utilisation des fonctionnalités des réseaux sociaux et plus largement des supports numériques a induit un renouvellement du mode opératoire de l'abus de faiblesse en permettant aux auteurs de maintenir un contact quasi-permanent avec leurs victimes.

L'étude d'impact du projet de loi constate, en ce sens, que « dans le domaine de la santé, mais également au-delà, le développement des réseaux sociaux accroît considérablement la ``surface d'exposition des victimes des mouvements à caractère sectaire'', des gourous 2.0 développent dans le cyberespace et avec les codes des ``influenceurs'' ses méthodes propres à obtenir la sujétion des individus »16(*).

S'agissant plus précisément du domaine de la santé, elle rappelle que « certains contenus relatifs à la santé, diffusés principalement en ligne, permettent à des personnes non qualifiées médicalement de bénéficier d'une large audience et de convaincre certains d'adopter telle pratique, ou de consommer tel produit, qui peuvent s'avérer dangereux pour la santé, notamment lorsqu'ils les détournent de traitements qui sont nécessaires à leur santé »17(*).

II. La position de la commission : renforcer et actualiser la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu'ils seraient commis en ligne

Poursuivant un raisonnement analogue à celui exposé s'agissant de l'article 2 A relatif à l'abus de faiblesse, la commission a souhaité renforcer et actualiser la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu'elles seraient commises en ligne.

Elle a, pour ce faire, adopté un amendement COM-21 du rapporteur qui introduit un nouvel article poursuivant un double objet.

En premier lieu, il institue une nouvelle circonstance aggravante en cas de commission des infractions d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses au moyen d'un support électronique ou numérique18(*), qui doublerait les peines encourues pour chacune de ces infractions dès lors qu'elles seraient commises en ligne. Pour ces deux infractions, elles seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende.

En second lieu, il introduit une peine complémentaire en cas de commission de ces mêmes infractions par ces moyens électroniques de « bannissement numérique » des personnes physiques s'en étant rendues coupables - reprenant la rédaction adoptée par le Sénat en la matière lors de l'examen du projet de loi dit « espace numérique »19(*).

Convaincue que cette peine complémentaire de blocage en ligne du compte permettrait de sécuriser utilement l'espace numérique et éviter qu'il serve de support à la commission, à grande échelle, d'infractions graves, la commission a souhaité se saisir pleinement des nouveaux dispositifs de l'arsenal pénal proposés par le Gouvernement dans d'autres textes afin de lutter plus efficacement contre les dérives sectaires dès lors qu'elles ont pour support l'espace numérique.

Sollicitée sur l'opportunité d'une telle évolution par le rapporteur, la direction juridique des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur a exprimé son accord à cette modification.

De surcroît, un tel amendement préserverait la caractérisation existante et éprouvée des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses tout en l'actualisant pour prendre en considération le renforcement des effets négatifs induits, notamment sur la santé des personnes, par la commission dans l'espace numérique - donc à grande échelle - de telles infractions.

Ainsi, davantage que d'instituer de nouveaux délits dont la pertinence juridique comme l'utilité pratique restent à démontrer, la commission s'est attachée à adapter l'arsenal pénal existant aux nouveaux moyens de communication utilisés par les promoteurs des dérives sectaires et à confier au juge une palette d'outils répressifs et dissuasifs mieux adaptée aux réalités de l'espace numérique.

La commission a adopté l'article 4 A ainsi rédigé.

Article 4 (supprimé)
Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins
ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent
la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé

S'il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l'abandon de soins pourtant nécessaires à la santé ou l'adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle à une réponse ferme des pouvoirs publics, la commission n'a pu que relever, à l'instar du Conseil d'État, la fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles comme pratiques qu'emportent les dispositions visant à réprimer la provocation à l'abandon de soins ou à l'adoption de pratiques « non conventionnelles » susceptibles de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.

La commission a supprimé cet article, soucieuse de préserver les libertés publiques, d'autant que toute atteinte disproportionnée à celles-ci, quand bien même elle serait fondée sur la volonté de préserver la santé des personnes, ne peut qu'affaiblir la lutte contre les dérives sectaires et au contraire renforcer les arguments de ceux qui les soutiennent.

I. La croissance des signalements à la Miviludes dans le domaine de la santé : une évolution inquiétante des dérives sectaires

L'étude d'impact du projet de loi signale que les signalements reçus par la Miviludes en lien avec la santé ont connu une augmentation significative depuis 2020 et représentent un quart des saisines reçues en 2021. Près de 70 % de ces saisines concernent des pratiques de soins dites « non conventionnelles ». En volume, comme le détaille le tableau ci-après, ce nombre de signalements s'est établi, pour la seule année 2021, à 520 s'agissant des pratiques de soins non conventionnelles.

Tableau référençant les principaux thèmes des saisines traitées
par la Miviludes en 2021

Thèmes

Nombre de saisines
traitées en 2021

Ventes multi-niveaux

86

Formation professionnelle

87

Développement personnel

173

Dont coaching

94

Complotisme et antivax

148

Santé

744

Dont pratiques de soins non conventionnelles

520

Pseudo-sciences

35

Méditation et yoga

116

Écologie

27

New Age

65

Spiritualité, chamanisme et psycho-spiritualités

159

Mouvance chrétienne

293

Mouvance bouddhiste

26

Mouvance hindouiste

16

Mouvance musulmane

10

Mouvance juive

3

Témoins de Jéhovah

99

Anthroposophie

31

Église de scientologie

33

Source : rapport annuel 2021 de la Miviludes, p. 39.

Ces évolutions, dans un contexte de discours anti-scientifiques amplifié notamment par l'usage des réseaux sociaux depuis l'épidémie de Covid-19, sont de nature à constituer un risque pour la santé publique compte tenu de l'état de vulnérabilité ou de faiblesse de personnes qui peuvent se laisser convaincre de suivre des pratiques non conventionnelles de soins susceptibles d'être dangereuses pour leur santé. 

Ainsi, dans son rapport sur les pratiques de soins non-conventionnelles et leurs dérives, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) alerte sur le risque de dérives sectaires, d'endoctrinement, de dérives thérapeutiques et d'emprise mentale qui peuvent découler de telles pratiques. Comme le précise l'étude d'impact du projet de loi, ce rapport « cible particulièrement certaines pratiques « alternatives » qui prétendent dépasser le cadre scientifique de la médecine pour utiliser des approches « holistiques » ou spirituelles. La liste de ces pratiques, reprise par le rapport du CNOM, montre la diversité et l'ambivalence des termes qui peuvent servir de point d'entrée à des dérives sectaires ou des pratiques dangereuses pour la santé »20(*).

II. La volonté gouvernementale de faire évoluer l'arsenal pénal afin de lutter spécifiquement contre les dérives sectaires en matière de santé

En réponse à des affaires judiciaires largement médiatisées21(*), qui ont parfois particulièrement ému l'opinion publique, le Gouvernement a annoncé son intention de renforcer l'arsenal pénal existant par la création d'une nouvelle infraction visant à réprimer la provocation, d'une part, à l'abstention ou à l'abandon de traitement et, d'autre part, à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé. L'article 4 du projet de loi vise, pour ce faire, à créer un nouvel article 223-1-2 du code pénal.

Plus précisément, ces deux infractions, pour être caractérisées, doivent comporter deux éléments :

- en premier lieu, cette provocation doit être présentée, selon les cas, soit comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, soit comme bénéfique pour la santé des personnes visées ;

- en second lieu, l'abandon de soin doit être, « en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique » tandis que pour l'adoption des pratiques, il doit être « manifeste que [celles-ci] les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

La provocation, non suivie d'effets, seraient punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, en application de l'alinéa 3. Serait considérée comme circonstance aggravante le fait que la provocation soit suivie d'effets, les peines seraient alors portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 4 précise que lorsque les faits sont commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières seraient applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. Cette précision permettrait, comme le rappelle le Gouvernement dans l'étude d'impact « d'utiliser la responsabilité ``en cascade'' du droit de la presse, qui va du directeur de la publication jusqu'à l'auteur des propos ».

De telles modifications ont néanmoins été jugées contraires aux exigences constitutionnelles par le Conseil d'État. Lors de son examen de l'avant-projet de loi, celui-ci a estimé que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées » et, a en conséquence, invité le Gouvernement à ne pas retenir ces dispositions dans le texte déposé au Parlement.

Le Gouvernement a cependant maintenu l'article 4. Dans l'étude d'impact, il justifie son choix en ce qu'il « permet de s'écarter des difficultés que posaient les autres options : plutôt que de partir de la pratique non-conventionnelle, difficile à cerner et à définir, l'infraction a pour point de départ le besoin médicalement constaté, pour le patient, de suivre un traitement médical ».

III. La position de la commission : écarter des dispositions juridiquement fragiles au profit de dispositions robustes et adaptées aux nouveaux visages des dérives sectaires

S'il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l'abandon de soins nécessaires à la santé ou l'adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle à une réponse ferme des pouvoirs publics, le rapporteur a été frappé par la fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles comme pratiques qu'emporte la disposition proposée par le Gouvernement.

En premier lieu, de nombreuses incriminations existantes, telles que l'exercice illégal de la médecine, l'homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses, sont déjà réprimées - et plus sévèrement - que ce que propose l'article 4 : la nécessité de légiférer sur ce point n'est donc pas établie.

De surcroit, ces dispositions nouvelles ne sanctionneraient que d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende un tel comportement alors que des incriminations existantes, approuvées par le juge constitutionnel et éprouvées dans la pratique, permettent de sanctionner plus sévèrement de telles pratiques commises sur le fondement de l'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses. Si ces incriminations doivent être actualisées, notamment eu égard au développement des moyens numériques, elles n'imposent pas pour autant la création de nouvelles infractions. En revanche, il est important de prendre en compte davantage les moyens susceptibles d'être employés pour commettre de telles infractions. C'est pourquoi, plusieurs amendements du rapporteur après l'article 2 et avant l'article 4 répondent à cette préoccupation.

En second lieu, en l'état de la rédaction de cet article, un discours général et impersonnel, sans condition de pressions ou de contacts directs ou répétés entre l'auteur et la victime, qui assurerait la promotion de pratiques dites « non conventionnelles » ou contestant l'état actuel des pratiques thérapeutiques pourrait être réprimé. La commission estime qu'une telle rédaction n'atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l'exercice de la liberté d'expression et la liberté de choisir et de refuser des soins, et l'objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d'autres incriminations, moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre cet objectif.

Paradoxalement les tentatives du Gouvernement pour répondre aux critiques du Conseil d'État aboutissent, aux yeux du rapporteur, à un dispositif à la fois trop large et inefficace. Il apparait particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d'établir une provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins dans les conditions définies par cet article dans sa rédaction initiales. Il est, dès lors, évident que de simples précautions dans la formulation de leur discours pourront prémunir les promoteurs de dérives sectaires, en général particulièrement bien informés de l'état du droit, contre cette infraction. À l'inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l'auteur du propos, qu'elle soit suivie d'effets ou non, pourrait être sanctionnée.

Au regard des demandes légitimes formulées avec constance par les services enquêteurs et les associations de défense des victimes des dérives sectaires, l'article tel qu'il résulte des arbitrages du Gouvernement est donc particulièrement insatisfaisant. Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a adopté les amendements identiques COM-22 et COM-1 du rapporteur et d'Alain Houppert visant à supprimer de l'article 4 d'une fragilité juridique et opérationnelle manifestes, au profit d'autres dispositions juridiques robustes et adaptées aux évolutions numériques de notre temps.

La commission a supprimé l'article 4.

Article 5
Obligation d'information des ordres professionnels de santé
par les parquets en cas de condamnation ou placement sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions

Constatant que les ordres professionnels de santé ne bénéficiaient que rarement d'information - eu égard au caractère facultatif de leur transmission - du ministère public quant à d'éventuelles condamnations ou décisions de placement judiciaire de leurs membres, le rapporteur a considéré qu'une procédure d'information obligatoire était une voie juridique pertinente pour renforcer l'effectivité de la lutte contre les dérives sectaires en matière de santé.

Soucieuse de faciliter le prononcé rapide de sanctions disciplinaires ordinales dans un objectif de protection de la santé publique et de limitation de la propagation de dérives sectaires dans le domaine de la santé, la commission a, en conséquence, adopté l'article 5 sans modification.

I. Des dérogations au principe du secret de l'enquête et de l'instruction strictement limitées et encadrées

Poursuivant les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, et à garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence des personnes concernées par une enquête ou une instruction22(*), le secret de l'enquête et de l'instruction a pour objectif premier le bon déroulement de celles-ci.

Codifié à l'article 11 du code de procédure pénale, le secret de l'enquête et de l'instruction peut toutefois, en application de ce même article 11, connaitre certaines dérogations. Plus précisément, il peut y être dérogé « dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense ».

Outre celles accordées au procureur afin d'éviter la propagation de rumeurs ou de troubles, deux types de dérogations au secret de l'instruction existent aujourd'hui en matière pénale :

- d'une part, une procédure de transmission facultative par l'autorité judiciaire d'information sur les décisions pénales prises contre un agent employé ou sous le contrôle d'une administration,

En vertu de l'article 11-2 du code de procédure pénale, cette dérogation bénéficie à l'ensemble des personnes publiques, des personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public et des ordres professionnels. Elle n'est ouverte au ministère public que pour les seules décisions judiciaires prises en matière criminelle ou délictuelle pour lesquelles le mis en cause encourt une peine d'emprisonnement ; excluant ainsi l'ensemble des procédures délictuelles réprimées par une simple peine d'amende ou les procédures contraventionnelles.

Les informations de même que les décisions susceptibles d'être transmises dans ce cadre ont été précisées par une circulaire du garde des sceaux du 4 aout 2016 : « aucune information ne peut intervenir avant la mise en mouvement de l'action publique, notamment au cours de l'enquête. Il n'est donc plus possible d'informer une administration au stade de la garde à vue, contrairement aux pratiques antérieures, que consacrait notamment la circulaire du 16 septembre 2015, qui doit donc être considérée comme abrogée sur ce point précis ».

Enfin, depuis la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs, les informations ainsi transmises revêtent le caractère d'un « secret partagé ». Elles ne peuvent, dès lors, être communiquées aux personnes compétentes qu'aux seules fins de faire cesser ou suspendre l'exercice de la personne mise en cause23(*) ;

Les informations transmises sur le fondement de l'article 11-2

L'article D. 1-13 du code de procédure pénale encadre la transmission des informations par le ministère public réalisée en application de l'article 11-2 du code de procédure pénale, au bénéfice des administrations ou ordres professionnels médicaux.

Cette information consiste en la transmission d'une fiche qui comporte les informations suivantes :

- l'identité et l'adresse de la personne ;

- la nature de la décision judiciaire la concernant ;

- la qualification juridique détaillée des faits reprochés, leur date et lieu de commission, et leur description sommaire ;

- la nature et le lieu d'exercice de l'activité professionnelle ou sociale ayant justifié la transmission de l'information à l'administration ou à l'autorité compétente ;

- le nom de l'employeur. 

Lorsque l'information porte sur une condamnation, même non définitive, le ministère public adresse, outre les informations susmentionnées :

- soit la copie de la décision,

- soit un avis de condamnation comportant le dispositif de la décision ;

- le cas échéant, si le mis en cause a exercé son droit de recours contre la décision.

Lorsque l'administration ou l'autorité compétente le demande, la transmission d'une copie de la décision de condamnation est de droit.

Enfin, « en cas de condamnation, même non définitive, de saisine d'une juridiction par le parquet ou le juge d'instruction ou de mise en examen, peut également être adressée, d'office ou à la demande de l'administration ou de l'autorité compétente, copie de tout ou partie des pièces de la procédure utiles pour permettre à cette autorité de prendre les décisions relevant de sa compétence. »

- d'autre part, depuis la loi du 14 avril 2016 précitée, aux seules fins de protection des mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel, une information obligatoire par le ministère public de l'administration lorsqu' « il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction [que la personne mise en cause] exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l'administration ».

En application de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale, cette procédure d'information obligatoire s'applique en cas de condamnation, même non définitive24(*), mais également, lors du placement sous contrôle judiciaire d'un agent l'interdisant d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs25(*).

II. Le souhait bienvenu du Gouvernement de renforcer l'information des ordres professionnels médicaux en cas d'infractions en matière de dérives sectaires liées leur exercice professionnel

Comme l'indique le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi, l'article 5 du projet de loi « a pour objectif de faciliter pour les ordres la prise de mesures conservatoires et de sanctions disciplinaires par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation d'information (et non d'une simple faculté, par dérogation au dernier alinéa de l'article 11-2 du même code), par écrit, des ordres professionnels de santé, par les parquets, lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire pour une infraction liée à une dérive sectaire »26(*).

Instituant un nouvel article 11-2-1 du code de procédure pénale, la rédaction proposée s'inspire de l'article 706-47-4 précité et l'adapte à la situation des professionnels de santé condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison d'une infraction en lien avec une dérive sectaire et dans l'exercice de leur profession.

Les sept ordres professionnels de santé

Institutions de droit privé chargées d'une mission de service public, les ordres professionnels de santé sont, en application du code de la santé publique (CSP), au nombre de sept :

- le conseil national de l'ordre des médecins (articles L. 4121-1 et suivants) ;

- l'ordre national des pharmaciens (articles L. 4231-1 et suivants) ;

- le conseil national de l'ordre des sages-femmes (articles L. 4152-1 et suivants) ;

- l'ordre national des chirurgiens-dentistes (articles L. 4142-1 et suivants) ;

- l'ordre national des infirmiers (articles L. 4312-1 et suivant) ;

- l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (articles L. 4321-13 et suivants) ;

- l'ordre national des pédicures-podologues (articles L. 4322-6 et suivants).

Prenant acte des critiques formulées par le Conseil d'État dans son avis, suggérant de limiter son périmètre « aux seuls cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire pour une infraction liée à une dérive sectaire dans leur domaine d'activité »27(*), le Gouvernement propose d'introduire une procédure obligatoire d'information aux ordres professionnels de santé dans deux hypothèses précises et limitées :

- soit, en cas de condamnation non définitive pour une infraction en lien avec une dérive sectaire d'un de leurs membres ;

Listées à l'article 2-17 du code de procédure pénale, ces infractions regroupent les infractions contre l'espèce humaine, d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens28(*), les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie29(*), et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications30(*) ;

en cas de placement sous contrôle judiciaire d'un de leurs membres avec obligation de « ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale » ou de « ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs », en application des 12° et 12° bis l'article 138 du code de procédure pénale.

La commission a accueilli favorablement cette évolution dans son principe comme dans sa rédaction proposée par le Gouvernement. Constatant que les ordres professionnels médicaux ne bénéficiaient que rarement d'informations - eu égard au caractère facultatif de leur transmission - du ministère public quant à d'éventuelles condamnations ou décisions de placement judiciaire de leurs membres, le rapporteur a considéré qu'une procédure d'information obligatoire constituait une mesure opérationnelle et adaptée permettant de renforcer effectivement l'action des ordres en matière de la lutte contre les dérives sectaires dans le domaine de la santé.

Soucieuse de faciliter le prononcé rapide de sanctions disciplinaires ordinales dans un objectif de protection de la santé publique et de limitation de la propagation de dérives sectaires dans le domaine de la santé, la commission a ainsi adopté l'article 5 sans modification.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.


* 16 Étude d'impact du projet de loi, p. 55.

* 17 Ibidem.

* 18 Voir les articles L. 4161-1 à L. 4161-5 du code de la santé publique s'agissant de l'exercice illégal de la médecine et les articles L. 132-1 à L. 132-5 relatifs aux pratiques commerciales trompeuses.

* 19 Pour plus de précisions, voir l'article 5 du projet de loi n° 175 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

* 20 Étude d'impact du projet de loi, p. 96.

* 21 L'étude d'impact sur l'article 4 du projet de loi mentionne ainsi à sa page 94 qu'"à titre d'exemple, la chaîne Youtube du « crudivoriste » Thierry Casanovas a réuni plus de 500 000 « followers », pour la promotion de « thérapies alternatives » (stages de jeûnes, jus de légumes etc.) même pour des pathologies lourdes (ex. cancers), l'intéressé, ayant fait l'objet de plus de 700 demandes d'assistance ou d'informations auprès de la Miviludes".

* 22 Le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision QPC n° 2017-693 du 2 mars 2018, « qu'en instaurant le secret de l'enquête et de l'instruction, le législateur a entendu d'une part, garantir le bon déroulement de l'enquête et de l'instruction poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Il a entendu, d'autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui découle des articles 2 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. »

* 23 Alinéa 3 de l'article 11-2 du code de procédure pénale.

* 24 Voir le 1er alinéa de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale.

* 25 Pour plus de précisions, voir le 12° bis de l'article 138 du code de procédure pénale.

* 26 Étude d'impact du projet de loi, p. 67.

* 27 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi, p. 5.

* 28 Elles sont prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal.

* 29 Elles sont prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique.

* 30 Elles sont prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation.

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