N° 200

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 13 décembre 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires
(procédure accélérée),

Par Mme Lauriane JOSENDE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

111 et 201 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

Au cours des dernières années, le danger lié aux dérives sectaires a semblé moins pris en considération par les pouvoirs publics, à tel point qu'en 2020 a même pu être évoquée la disparition de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes). La prolifération de discours remettant en cause les connaissances scientifiques à l'occasion de l'épidémie de covid-19 a néanmoins suscité une nouvelle prise de conscience du danger lié aux dérives sectaires dans le domaine de la santé.

Annoncées début novembre 2022 par la secrétaire d'État chargée de la citoyenneté, alors Sonia Backès, les assises nationales de la lutte contre les dérives sectaires se sont tenues les 9 et 10 mars 2023. Leurs conclusions constituent la base du texte du Gouvernement.

Hélas, le texte proposé ne reprend aucune des recommandations des rapports parlementaires transpartisans conduits au cours des dernières années. Ce travail approfondi réalisé par le Parlement contraste avec la précipitation qui a caractérisé l'élaboration puis le dépôt de ce projet de loi, dénoncée par le Conseil d'État lui-même.

Au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal existant et de s'interroger sur les causes de l'émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que ces assises n'appelaient ni à un renforcement des moyens de la justice, ni à une meilleure formation des professionnels, ni à une véritable politique de prévention, d'éducation et de sensibilisation, mais à la création de nouvelles dispositions pénales.

S'il est indéniable qu'un projet de loi constitue l'occasion, trop rare, d'un débat sur les dérives sectaires, la commission regrette néanmoins cette focalisation de la réflexion et de l'action publiques sur la réponse pénale, qui a pour conséquence d'occulter la nécessité pour les pouvoirs publics de porter leurs efforts sur l'amplification des actions de prévention et sur le renforcement des moyens de la justice comme des services enquêteurs spécialisés.

Ainsi, tout en approuvant les objectifs du projet de loi, consciente que la lutte contre les dérives sectaires nécessite d'abord une impulsion politique soutenue dans le temps et des moyens matériels et humains à la hauteur des enjeux, davantage que de nouvelles mesures de droit pénal, la commission a abordé l'examen de ce texte avec pragmatisme. La commission a adopté un texte fortement modifié par rapport au projet initial, complétant les dispositifs proposés par des mesures plus opérationnelles pour lutter plus efficacement contre le fléau sectaire.

I. UN REGAIN D'INTÉRÊT POLITIQUE POUR LES DÉRIVES SECTAIRES DONT LE DANGER N'A JAMAIS DISPARU

A. LES NOUVEAUX VISAGES DES DÉRIVES SECTAIRES : DES ORGANISATIONS TOUJOURS ACTIVES DÉSORMAIS REJOINTES PAR UNE PLURALITÉ D' « AUTO-ENTREPRENEURS»

Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires marque un regain d'intérêt des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène connu de longue date, les dérives sectaires, et particulièrement celles observables dans le domaine de la santé.

Ce phénomène n'est pas nouveau ; il avait été identifié par les rapports parlementaires dès les années 1990. Il est cependant marqué par deux évolutions majeures : d'une part, le développement des moyens électroniques de communication et les réseaux sociaux ; d'autre part, les polémiques entourant l'épidémie de covid-19, qui ont vu une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies ainsi que l'efficacité et les risques des traitements.

Cette profusion de discours tendant soit à décourager le recours à la vaccination soit à promouvoir des traitements sans validation scientifique voire hors du champ de la pharmacie véhiculait - parmi des critiques et opinions parfaitement légitimes - des dérives sectaires, ce qui a pu légitimement inquiéter la population comme les pouvoirs publics.

Le doublement du nombre de signalements et de demandes d'avis relatives au domaine de la santé adressées à la Miviludes, de même que l'augmentation particulièrement importante des signalements liés aux phénomènes que la mission qualifie de psycho-spiritualité, entre 2020 et 2021, découle de ce climat d'incertitude et d'anxiété. Comme l'indique le dernier rapport annuel de la Miviludes, sur 3 118 saisines traitées par la mission en 2021, 391 ont donné lieu à transmission au service compétent, généralement les ARS, notamment pour exercer un contrôle, 5 informations préoccupantes ont été transmises au président du conseil départemental sur la situation d'un mineur, et 20 ont fait l'objet d'un signalement au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale.

Deux types de signalements ressortent des chiffres fournis par la Miviludes : ceux concernant des mouvements connus pour leurs dérives sectaires1(*) et ceux concernant des individus ou des groupes réduits intervenant dans tous les domaines de la santé et du bien-être. Si les seconds se sont développés au cours des dernières années, les premiers n'ont jamais disparu et continuent à conduire leurs activités que pointe régulièrement la presse.

B. UNE INSTITUTION CHEF DE FILE LONGTEMPS NÉGLIGÉE : LA MIVILUDES

Créée en 2002, la Miviludes a connu un déclin progressif du soutien accordé par les pouvoirs publics. Dans son référé du 11 mai 20172(*), la Cour des comptes notait que ses « ressources budgétaires au demeurant très modestes (moins de 0,5 M€ en tenant compte des coûts indirects supportés par les services du Premier ministre) ont été sensiblement réduites au cours des dix dernières années, signe d'un affaiblissement auprès des différents ministères ». Dans son rapport d'activité 2018-2020, la Miviludes présentait le tableau suivant de ses crédits de fonctionnement :

Évolution de l'enveloppe des crédits de fonctionnement

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

120 250 €

110 000 €

90 000 €

76 0000 €

93 000 €

84 000 €

85 500 €

Source : Miviludes, rapport d'activité 2018-2020

Dans son avis budgétaire pour 2020, le rapporteur de la commission des lois Pierre-Yves Collombat3(*) avait dénoncé l'assimilation trop rapide de la lutte contre les sectes au phénomène de radicalisation dont est chargé le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Intégrée à cette structure mais en fait menacée de disparition, la Miviludes n'a dû son maintien en tant qu'entité administrative qu'à l'ampleur des protestations contre sa disparition. Elles ont abouti au paradoxe d'une entité rattachée au ministère de l'intérieur mais avec des compétences interministérielles maintenues, compétences qu'elle peine nécessairement à exercer.

Le regain d'intérêt depuis 2022 pour la Miviludes entraîne une nouvelle affectation de moyens et notamment la création de postes destinés à accompagner le déploiement d'une stratégie nationale 2024-2027 de lutte contre les dérives sectaires.

II. UN PROJET DE LOI AUX OBJECTIFS LOUABLES MAIS À L'EFFICACITÉ DISCUTABLE

Le rapporteur salue la volonté du Gouvernement de lutter contre les dérives sectaires et les violences qui en découlent : incontestablement, il est nécessaire de sensibiliser davantage la société à cette problématique croissante.

L'examen au Parlement d'un tel projet de loi est l'occasion d'un débat sociétal afin de sensibiliser et d'éduquer les citoyens, les justiciables, les professionnels, et notamment les professionnels du droit aux problématiques des dérives sectaires.

Toutefois, la genèse de ce projet de loi ainsi que les mesures qu'il comporte ne sont pas sans interroger et contrastent avec les nombreux travaux parlementaires ayant fait date en la matière, que le Gouvernement n'a pas jugé utile de traduire utilement.

A. UNE RÉPONSE PÉNALE HÂTIVE À UN PROBLÈME COMPLEXE : L'UTILISATION DES RÉSEAUX SOCIAUX ET MOYENS NUMÉRIQUES POUR DÉMULTIPLIER LES INFRACTIONS À CARACTÈRE SECTAIRE

Les dispositions du projet de loi sont motivées par la volonté, d'une part, de tirer les conclusions des assises des dérives sectaires et d'autre part, de répondre à plusieurs affaires judiciaires médiatisées en lien avec l'utilisation des réseaux sociaux et de l'espace numérique par des « gourous 2.0 » selon l'expression retenue par les documents gouvernementaux.

Contrairement au Gouvernement, le Parlement, et singulièrement le Sénat, a inscrit son action en la matière dans le temps long et a, depuis plusieurs années, fait des propositions en la matière. Le rapporteur regrette que le Gouvernement ait choisi de ne pas s'appuyer sur des rapports parlementaires ayant pourtant fait date et dont certaines préconisations de nature législatives demeurent encore à mettre en oeuvre.

B. UN PROJET D'AFFICHAGE AU DÉTRIMENT DE LA QUALITÉ DE LA LOI

Soucieuse de ne pas considérer les projets de loi comme des outils de communication politique davantage que des textes à visée normative, la commission des lois a, de longue date, déploré les effets d'affichage présidant parfois au dépôt de projets de loi.

Sur ce point, le rapporteur regrette en particulier que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit d'un avis négatif du Conseil d'État soulevant selon le cas l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels pesant sur certaines dispositions.

C. DES ÉVOLUTIONS MAJEURES AUX EFFETS INCERTAINS

Plusieurs des mesures du projet de loi concernent le code pénal. L'article 1er tend ainsi à rompre avec la logique de la loi dite « About-Picard »4(*), qui a permis la répression de l'abus frauduleux d'ignorance et de faiblesse notamment par la sujétion physique ou psychologique, pour faire de la mise sous sujétion d'une personne et de l'abus frauduleux de cette sujétion une infraction autonome.

L'article2 en tire les conséquences, en créant à côté de la circonstance aggravante de l'abus de vulnérabilité une circonstance aggravante de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.

L'article 4 entend pour sa part réprimer les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement susceptible de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.

Ces évolutions sont fondées sur la difficulté dont témoignent certaines victimes à se voir comme étant en situation de faiblesse et visent à réprimer l'essor des discours déviants sur internet.

D. RENFORCER LE RÔLE DE LA MIVILUDES ET DE SES PARTENAIRES

Enfin, le projet de loi tend à prendre en compte le rôle joué par les partenaires de la Miviludes que sont les associations de défense des victimes et les ordres médicaux professionnels.

L'article 3 du projet de loi tend ainsi à faciliter la possibilité pour les associations de se porter partie civile en substituant à la nécessité d'une reconnaissance d'utilité publique, un nouveau mécanisme d'agrément, plus souple.

L'article 5 renforce pour sa part l'information des ordres professionnels, au premier rang desquels l'ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l'encontre de leurs membres pour des agissements en lien avec leur exercice professionnel.

L'article 6 prévoit quant à lui l'octroi à la Miviludes du statut nouveau d'amicus curiae pour faciliter son intervention en tant que service expert dans les procès.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : PRÉVENIR ET LUTTER EFFECTIVEMENT CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES, AUX VISAGES PROTÉIFORMES SANS PORTER ATTEINTE AUX LIBERTÉS PUBLIQUES

La commission souscrit sans ambiguïté aux objectifs poursuivis par le projet de loi : toutes les dérives sectaires, qu'elles concernent les mineurs ou les majeurs, qu'elles aient lieu ou non dans l'espace numérique, doivent être combattues. Soucieuse d'améliorer l'effectivité de certaines dispositions, la commission a adopté, à l'initiative du rapporteur, plusieurs amendements afin de compléter, de manière constructive, ce texte et d'en renforcer juridiquement les dispositifs.

A. APPROUVER L'ENSEMBLE DES MESURES PERMETTANT DE MIEUX LUTTER CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES ET DE RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT DES VICTIMES

La commission des lois a estimé que participaient d'une meilleure efficacité de l'action contre les dérives sectaires les dispositions visant à :

· réaffirmer la Miviludes comme acteur incontournable de la lutte contre les dérives sectaires en lui confiant le rôle d'amicus curiae, tout en précisant la nécessité de soumettre au contradictoire des informations ainsi obtenues ;

· affirmer le rôle indispensable des associations dans l'accompagnement des victimes en simplifiant la faculté de se constituer partie civile pour celles-ci, sans pour autant créer d'effets de bords le temps de l'obtention du nouvel agrément ; et

· renforcer le partage d'information aux ordres médicaux en cas de condamnations ou de placement sous contrôle judiciaire d'un de leurs membres à raison d'agissements dans le cadre de leur profession en lien avec des dérives sectaires.

Elle a donc complété juridiquement ces dispositions, en adoptant plusieurs amendements du rapporteur.

B. SUPPRIMER LES MESURES NON NÉCESSAIRES ET SOURCES DE DIFFICULTÉS CONSTITUTIONNELLES

La commission des lois est convaincue, comme l'ensemble des acteurs historiques de la lutte contre les sectes rencontrés par le rapporteur, que l'application efficace des dispositions existantes doit précéder toute évolution du droit. Elle constate que cette application repose sur l'existence d'une volonté politique soutenue et cohérente dans le temps, sur l'octroi de moyens matériels et humains, ainsi que sur la mise en place de mécanismes qui relèvent du pouvoir règlementaire.

Cette volonté rejoint celle de préserver les libertés publiques, d'autant que toute atteinte disproportionnée à celles-ci, quand bien même elle serait fondée sur la volonté de préserver la santé des personnes, ne peut qu'affaiblir la lutte contre les dérives sectaires et au contraire renforcer les arguments de ceux qui les soutiennent.

Tout en souhaitant donner aux acteurs publics les moyens de lutter efficacement contre les dérives sectaires, la commission des lois a jugé ces mesures insatisfaisantes. L'article 1er vient doubler des infractions existantes et risque d'entraîner des confusions dommageables dans l'application du droit pénal, notamment s'agissant de la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales. Pour sa part, l'article 4, bien que restreint dans sa portée depuis les critiques sévères adressées à sa rédaction par le Conseil d'État, demeure attentatoire aux libertés sans garantie d'une grande efficacité contre l'essor du discours en faveur des dérives sectaires. À l'initiative du rapporteur, la commission a donc supprimé ces articles.

C. RÉPARER LES OUBLIS DU PROJET DE LOI

Si elle a écarté les évolutions du droit pénal proposées par le projet de loi, la commission, à l'initiative du rapporteur, a souhaité que ce texte permette la mise en oeuvre des recommandations des rapports parlementaires et particulièrement du rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2013.

1. Affirmer la nécessité d'un véritable statut législatif pour la Miviludes

Elle a ainsi adopté l'amendement du rapporteur conférant un statut législatif à la Miviludes afin de l'inscrire dans la durée, de conforter sa vocation interministérielle, de reconnaître l'ensemble des missions qu'elle exerce et de la protéger, ainsi que les personnes qui lui font des signalements, contre les procédures abusives.

2. Lutter effectivement contre l'utilisation de moyens numériques et électroniques facilitant à une grande échelle les dérives sectaires

Prenant acte de l'évolution des modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, la rapporteure n'a pu que s'étonner de l'absence de dispositions sur ce point dans le texte gouvernemental malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne. En conséquence, la commission a adopté, à son initiative des amendements tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

3. Protéger efficacement les mineurs victimes de dérives sectaires

Soucieuse de prendre en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, la commission a également adopté les amendements du rapporteur et de Nathalie Delattre afin de mieux protéger les mineurs en prévoyant que le délai de prescription ne court qu'à partir de leur majorité. Poursuivant le même objectif, l'amendement du rapporteur renforce les sanctions applicables au fait de placer un enfant dans une situation d'isolement social.

*

* *

La commission a adopté le projet de loi ainsi modifié.

EXAMEN DES ARTICLES

CHAPITRE IER A : CONSACRER LES POUVOIRS ET LE RÔLE DE LA MIVILUDES DANS LA LUTTE CONTRE LES DÉRIVES SECTAIRES (NOUVEAU)

Article 1er A (nouveau)
Statut législatif de la mission interministérielle de vigilance
et de lutte contre les dérives sectaires

Introduit par la commission à l'initiative du rapporteur, l'article 1er A tend à conférer à la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) un statut législatif.

I. Une demande ancienne découlant de la nécessité de garantir la cohérence et la continuité de l'action publique contre les dérives sectaires

La volonté de doter la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), créée par décret en 2002, d'un statut déterminé par la loi est ancienne. Le rapport de Georges Fenech remis au Premier ministre en 20085(*) en faisait sa première préconisation6(*). Celui de Jacques Mézard, qui en 20137(*) traitait des dérives sectaires en matière de santé, en faisait sa quatrième.

Tirant les enseignements de cinq ans de fonctionnement de la mission, le rapport Fenech écartait la transformation de la Miviludes en autorité administrative indépendante, mais affirmait :

« En revanche si la Mission doit conserver son caractère interministériel, il y aurait de grands avantages à l'adosser à un texte législatif et non plus à un simple décret.

« La plus grande légitimité tirée de la loi serait saluée par tous, tant ce sujet fait consensus dans la classe politique.

« En outre, une loi pérenne aurait pour autre avantage de faire disparaître les craintes récurrentes d'une dissolution de la Mission ou de son rattachement au seul ministère de l'Intérieur ».

Outre le renforcement du statut de la Miviludes, le rapport de la commission d'enquête sénatoriale pointait pour sa part une autre justification d'un statut législatif : accorder « une immunité encadrée [au] président [de la Miviludes], dans le cadre du rapport qu'il remet chaque année au Premier ministre.» Cette protection paraît en effet la seule réponse adéquate à la volonté manifeste de la part des certains groupes souvent dénoncés pour leurs dérives sectaires de paralyser l'action de la Miviludes par la multiplication de procédures judiciaires.

L'octroi d'un statut législatif à la Miviludes apparaît d'autant plus nécessaire depuis 2020 et son rattachement au comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR)8(*), donc au ministère de l'intérieur. Ce rattachement ministériel, peut-être en raison des critiques nombreuses qu'il avait suscitées, dont celles de la commission des lois, s'était opéré tout en conservant à la mission son caractère interministériel. Or ces deux positionnements, comme le montrait le référé de la Cour des comptes de 20179(*), ont vocation à être alternatifs. Le statut législatif de la Miviludes permettra de surmonter ce paradoxe administratif en consacrant son rôle de coordination de l'action des services centraux dans la lutte contre les dérives sectaires et en facilitant son ancrage territorial.

L'article 1er A, issu d'un amendement de commission du rapporteur, tend donc dans un premier temps à élever au niveau législatif le contenu du décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires, tel que modifié par le décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020.

Missions confiées à la Miviludes par le décret du 28 novembre 2002

Article 1er

La mission est chargée :

« 1° D'observer et d'analyser le phénomène des mouvements à caractère sectaire dont les agissements sont attentatoires aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales ou constituent une menace à l'ordre public ou sont contraires aux lois et règlements ;

« 2° De favoriser, dans le respect des libertés publiques, la coordination de l'action préventive et répressive des pouvoirs publics à l'encontre de ces agissements ;

« 3° De développer l'échange des informations entre les services publics sur les pratiques administratives dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires ;

« 4° De contribuer à l'information et à la formation des agents publics dans ce domaine ;

« 5° D'informer le public sur les risques, et le cas échéant les dangers, auxquels les dérives sectaires l'exposent et de faciliter la mise en oeuvre d'actions d'aide aux victimes de ces dérives ;

« 6° De participer aux travaux relatifs aux questions relevant de sa compétence menés par le ministère des affaires étrangères dans le champ international. »

(L'article 2 du décret vient préciser les modalités d'action de la Miviludes avec les autres services de l'Etat pour la mise en oeuvre des missions définies à l'article 1)

Article 6

« Le président de la mission détermine chaque année, après consultation du conseil d'orientation, le programme d'action de la mission. Il établit un rapport annuel d'activité qui est remis au Premier ministre et est rendu public. »

L'article 1er A complète ces dispositions pour asseoir l'ensemble des missions déjà exercées par la Mivilude.

II. Un préalable nécessaire à la nouvelle impulsion politique donnée à l'action de la Miviludes

Au moment où la Miviludes apparaît à nouveau comme un acteur incontournable et indispensable de la lutte contre les dérives sectaires, toute évolution dans cette politique doit avoir pour préalable le renforcement de ses moyens, en particulier juridiques.

Le statut législatif sert de base à cette nouvelle impulsion. Il permet de reconnaître ce qui est depuis 2002 l'une des missions essentielles assumées par la Miviludes, son « rôle d'interface avec le public » affirmé par l'étude d'impact du projet de loi dans son double aspect d'information du public et de réception des signalements par les victimes et le public. Il constitue le fondement logique de l'article 6 du projet de loi, qui confie à la mission, parmi d'autres services du ministère de l'intérieur, un rôle d'amicus curiae.

Comme préconisé par la commission d'enquête sénatoriale, ce statut garantit une meilleure protection de la Miviludes, en la personne de son président, contre les procédures judiciaires abusives en matière de délits de presse sur le fondement du rapport annuel qu'il signe. Sur le modèle des dispositions prévues pour le Défenseur des droits, il est donc prévu d'interdire les poursuites à raison des opinions émises par le président de la mission dans le rapport annuel de la mission.

Enfin, le statut législatif permettra également de protéger toute victime ou tiers ayant signalé, informé ou communiqué à la mission des informations sur l'existence ou le risque d'une dérive sectaire. Cela n'aura bien sûr pas pour effet d'exonérer les auteurs d'éventuelles dénonciations calomnieuses de leur responsabilité.

La commission a adopté l'article 1er A ainsi rédigé.

CHAPITRE IER : FACILITER ET RENFORCER
LES POURSUITES PÉNALES

Article 1er B (nouveau)
Circonstance aggravante en cas d'abus de faiblesse au moyen
d'un support numérique ou électronique

Prenant acte de l'évolution des modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, le rapporteur n'a pu que s'étonner de l'absence de dispositions sur ce point dans le texte gouvernemental malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

En conséquence, la commission a introduit, à son initiative, l'article 1er bis tendant à renforcer la répression de l'abus de faiblesse dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques. Les peines seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende en pareil cas.

I. Une évolution préoccupante du mode opératoire des auteurs de dérives sectaires : l'utilisation des réseaux sociaux et des moyens électroniques de communication pour intensifier les violences

D'un constat partagé par l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les dérives sectaires, l'utilisation des fonctionnalités des réseaux sociaux et plus largement des supports numériques a induit un renouvellement du mode opératoire de l'abus de faiblesse en permettant aux auteurs de maintenir un contact quasi-permanent avec leurs victimes.

L'étude d'impact du projet de loi constate, en ce sens, que « dans le domaine de la santé, mais également au-delà, le développement des réseaux sociaux accroît considérablement la ``surface d'exposition des victimes des mouvements à caractère sectaire'', des gourous 2.0 développent dans le cyberespace et avec les codes des ``influenceurs'' ses méthodes propres à obtenir la sujétion des individus »10(*).

De façon analogue, auditionnée par le rapporteur, Delphine Guérard, psychanalyste experte près les tribunaux judiciaires et spécialisée en matière de dérives sectaire a indiqué que ces nouveaux moyens de communication « ne laissaient aucun répit aux victimes » et, de façon plus inquiétante encore, « permettaient aux gourous d'entrer dans l'intimité de leurs victimes ».

Ainsi, si ces violences commises dans l'espace virtuel peuvent prendre la même forme que celles commises dans le monde réel, l'intensification des violences et la multiplication des victimes permises par ces moyens sont susceptibles d'entraîner des conséquences encore davantage dommageables. Un tel phénomène appelle à des mesures fortes et doit trouver une réponse pénale adaptée.

Il convient dès lors d'actualiser le droit existant afin de mieux prendre en compte ces nouvelles réalités et d'adapter en conséquence l'arsenal répressif, ce que ne fait pas, en l'état, le projet de loi. En conséquence, le rapporteur n'a pu que s'étonner de l'absence de dispositions sur ce point dans le texte gouvernemental, malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

II. La position de la commission : adapter l'arsenal législatif existant en aggravant les peines encourues en cas de commission du délit d'abus de faiblesse « en ligne »

Le rapporteur estime que, s'il n'est pas nécessaire de revenir sur les éléments constitutifs de l'abus de faiblesse, les quantums de peines prévus pour le sanctionner doivent impérativement être adaptées aux moyens technologiques existants - qui n'offraient pas de pareilles fonctionnalités en 2001 lors de la création de cette infraction par la loi dite « About-Picard ».

L'abus de faiblesse : un délit sévèrement puni depuis la loi dite « About-Picard »
mais inadapté aux nouveaux modes opératoires des mouvements sectaires

Depuis la loi dite « About-Picard » de 2001, est sanctionné ce qui est appelé, par un abus de langage commun, « l'abus de faiblesse ».

Selon les termes de l'article 223-15-2 du code pénal, cette infraction est caractérisée par deux éléments :

- d'une part, l'abus frauduleux doit avoir été commis sur une personne vulnérable à raison soit de sa minorité, soit d'une particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, qui est apparente ou connue de son auteur, ou sur une personne en état de sujétion psychologique ou physique résultant de l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ;

- d'autre part, pour être caractérisée, cette infraction doit comporter un élément matériel - nécessitant la survenue d'un dommage - ou un élément moral - pour les cas où aucun dommage ne serait survenu - pour conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables.

L'infraction ainsi constituée est punie de trois ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende. Ces peines sont portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque peut être relevée la circonstance aggravante de sa commission par « le dirigeant de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités », autrement dit un mouvement sectaire, peut être appliquée.

De façon analogue, a été introduite par la loi du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d'allègement des procédures, une nouvelle circonstance aggravante lorsque cette infraction est commise par ce même type de groupement en bande organisée. Les peines sont alors portées à sept ans d'emprisonnement et à un million d'euros d'amende.

La caractérisation du délit d'abus de faiblesse n'a connu aucune évolution depuis la loi dite « About-Picard » qui visait ainsi à réprimer les effets négatifs sur les victimes des mouvements sectaires.

Réparant ainsi une omission du texte initial, le rapporteur a souhaité, par l'adoption d'un amendement COM-16 portant création d'un article additionnel 1er B, introduire une nouvelle circonstance aggravante au délit d'abus de faiblesse à raison des moyens utilisés.

Plus précisément, sur le modèle des circonstances aggravantes en matière de harcèlement moral ou scolaire11(*), les peines seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende dès lors qu'un abus de faiblesse serait commis par l'utilisation d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support numérique ou électronique.

La commission a adopté l'article 1er B ainsi rédigé.

Article 1er (supprimé)
Singulariser le délit d'abus frauduleux de l'état d'ignorance
ou de faiblesse résultant d'un état de sujétion et créer un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de créer cet état

Cet article entend distinguer l'infraction d'abus frauduleux de l'état d'ignorance ou de faiblesse résultant de l'état de sujétion d'une personne de l'abus de faiblesse déjà réprimé par l'article 223-15-2 du code pénal.

Il crée par ailleurs une nouvelle infraction liée au « fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique ».

Considérant que cette évolution n'était pas nécessaire en droit, mais source de confusions susceptibles de porter atteinte à la répression d'autres infractions, la commission a supprimé cet article.

I. La volonté de faire évoluer la loi « About-Picard »

a) Un dispositif juridiquement précis et efficace

La loi n° 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales est issue d'une initiative du sénateur Nicolas About, alors membre de la commission des lois. Cette loi dite « About-Picard », qui associe au nom de notre ancien collègue celui de Catherine Picard, rapporteure du texte à l'Assemblée nationale, a créé l'article 223-15-2 du code pénal tendant à réprimer l'abus frauduleux d'ignorance ou de faiblesse, généralement connu sous le nom d'abus de faiblesse.

L'article 223-15-2 identifie les populations particulièrement fragiles face aux phénomènes sectaires : mineurs, personnes en situation de « particulière vulnérabilité, due à [leur] âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse », et identifie une situation de faiblesse caractéristique, la « sujétion psychologique ou physique ». L'article caractérise les moyens utilisés pour obtenir la sujétion de la victime : « l'exercice de pressions graves ou réitérées ou de techniques propres à altérer son jugement ».

Il caractérise enfin l'abus frauduleux comme étant le fait de « conduire ce mineur ou cette personne à un acte ou à une abstention qui lui sont gravement préjudiciables ».

Cet article permet d'appréhender l'ensemble des dérives sectaires et des abus d'ignorance ou de faiblesse. Il réprime particulièrement les « gourous », qui sont les « dirigeant(s) de fait ou de droit d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, maintenir ou exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités », pour lesquels les peines s'élèvent de trois à cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 à 750 000 euros d'amende.

Au début de cette année, la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur a complété cet article en portant les peines à sept ans de prison et 1 million d'euros d'amende lorsque « l'infraction est commise en bande organisée par les membres d'un groupement qui poursuit des activités ayant pour but ou pour effet de créer, de maintenir ou d'exploiter la sujétion psychologique ou physique des personnes qui participent à ces activités ». Cette mention fait entrer certaines dérives sectaires dans le champ de la criminalité organisée, ce qui permet notamment le recours aux techniques spéciales d'enquête et la prolongation de la garde à vue.

La qualification des agissements, la possibilité d'engager la responsabilité pénale des dirigeants et de leurs complices et le niveau des peines encourues font apparaître les dispositions applicables à la répression des dérives sectaires comme particulièrement complètes.

b) Une volonté d'affichage

L'article 1er du projet de loi traduit la volonté du Gouvernement de distinguer les abus d'ignorance et de faiblesse des personnes fragiles, qui resteraient réprimés par l'article 223-15-2, et ceux des personnes en état de sujétion, qui relèveraient d'un nouvel article 223-15-3.

Deux justifications sont données à cette évolution. La première est la volonté de rendre plus « visibles » les sanctions contre les dérives sectaires dans le cadre de la nouvelle stratégie de lutte contre ces phénomènes. Il a ainsi été indiqué au rapporteur qu'une infraction autonome faciliterait la remontée de données statistiques sur le traitement judiciaire des dérives sectaires. Cette plus grande visibilité repose également sur un renforcement du niveau des peines proposées.

La seconde serait la nécessité de compléter la loi About-Picard par la création d'un délit autonome permettant de réprimer les agissements qui ont pour effet de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique. Cette nécessité découlerait de la difficulté pour les victimes d'admettre qu'elles sont en situation de faiblesse et de reconnaître le préjudice causé par la sujétion elle-même, indépendamment de tout acte que la victime accomplirait ou s'abstiendrait d'accomplir. Pourrait ainsi également être sanctionnée la mise sous sujétion « ayant pour effet de causer une altération grave de [la] santé physique ou mentale ».

L'économie proposée pour le nouvel article 223-15-3 reposant sur une gradation des peines serait la suivante :

- Seraient punissables de trois ans de prison et 375 000 euros d'amende :

- le fait de placer ou maintenir une personne dans un état de sujétion psychologique ;

- l'abus frauduleux de l'état de sujétion psychologique tel qu'il figure actuellement à l'article 223-15-2.

- Seraient punissables de cinq ans de prison et 700 000 euros d'amende les infractions commises à l'encontre de mineurs, des personnes vulnérables mentionnées à l'article 223-15-2 et des dirigeants des groupements.

- Seraient punissables de sept ans de prison et d'1 million d'euros d'amende :

- les infractions commises dans deux au moins des circonstances encourant une peine de prison de cinq ans ;

- les infractions commises en bande organisée.

L'article 1er procède par ailleurs à des coordinations.

II. La position de la commission : une évolution ni souhaitable ni justifiée

La commission estime que l'apport des modifications proposées par l'article 1er est au mieux discutable, voire source de confusions.

La volonté de rendre plus visible la politique contre les dérives sectaires en créant une nouvelle infraction aux côtés de celle déjà créée en 2001 correspond à une facilité malheureusement courante des politiques pénales et de sécurité, ayant pour objectif d'afficher une action qui ne produit néanmoins généralement aucun effet pratique sur la répression des infractions.

C'est à l'aune des deux modifications de fond qu'il entend apporter que l'article 1er doit être jugé.

La première est le renforcement du quantum de peines. Ceci est encore une habitude courante du droit pénal, qui ne repose en général sur aucune évaluation d'un besoin en la matière. La répression des dérives sectaires, que celles-ci soient le fait d'individus, de groupuscules ou de groupements identifiés, le cas échéant structurés et financièrement puissants, souffre d'abord du manque de moyens humains et matériels des enquêteurs pour mener les enquêtes et poursuivre leurs auteurs.

La seconde est la répression de la mise sous sujétion physique ou psychologique. Celle-ci est présentée comme un moyen de mieux prendre en compte la situation des victimes et d'améliorer leur indemnisation. On peut noter que le texte proposé prévoit le même quantum de peine pour la mise sous sujétion et pour l'abus frauduleux de cette situation. Cette absence de distinction découle de l'analyse selon laquelle les deux infractions sont successives et que la sujétion ne fait que précéder le fait de conduire à l'abstention ou à la commission d'un acte gravement préjudiciable.

Or, l'article 222-33-2-2 du code pénal relatif au harcèlement, dans sa rédaction issue de la loi du 2 mars 2022, réprime déjà de manière particulièrement complète les comportements que la nouvelle infraction entend viser. Les peines aggravées en matière de harcèlement donnent lieu à une sanction pouvant aller jusqu'à trois ans de prison et 45 000 euros d'amende.

De plus, cette évolution, contrairement à ce qu'annonce le Gouvernement dans sa présentation du texte, outrepasserait largement les cas pour lesquels cet état de sujétion résulterait d'organisations ou de personnes individuelles liés aux dérives sectaires. Cela reviendrait dès lors à sanctionner tout type « d'emprise » de manière générique, quelle qu'en soit l'origine - religieuse, idéologique, conjugale, familiale etc. - et parfois de manière moins sévère que pour des incriminations existantes.

Ceci pose en particulier une question de cohérence entre la nouvelle infraction et la répression des violences contre les femmes et des violences intrafamiliales. Outre le fait que le harcèlement au sein du couple est déjà poursuivi sur la base de l'article 222-33-2-1 du code pénal, les violences physiques ou psychologiques au sein des couples ou au niveau intrafamililal et l'emprise exercée par les auteurs de violences font l'objet de dispositions spécifiques au sein du droit pénal qui risqueraient de se voir concurrencer par le nouvel article 223-15-3.

A minima, renforcer la lutte contre la sujétion physique ou psychologique supposerait une remise à plat et un examen commun de l'ensemble de ces dispositions.

Pour ces raisons d'absence de nécessité et de cohérence du droit pénal, la commission a adopté l'amendement COM-14 du rapporteur de suppression de l'article 1er.

La commission a supprimé l'article 1er.

Article 2 (supprimé)
Introduire une circonstance aggravante
de sujétion psychologique ou physique pour le meurtre,
les actes de torture et de barbarie, les violences et les escroqueries

Cet article tend à introduire la sujétion psychologique ou physique comme circonstance aggravante pour plusieurs infractions.

Par cohérence avec la suppression de l'article 1er, la commission a supprimé cet article.

L'article 2 tend à tirer les conséquences de la création d'une infraction spécifique à l'article 1er de sujétion physique ou psychologique distincte de l'abus d'ignorance ou de faiblesse en créant une nouvelle circonstance aggravante à la suite de celle de vulnérabilité, pour les infractions jugées les plus graves : meurtre (article 221-4 du code pénal), tortures et actes de barbarie (article 222-3), tortures et actes de barbarie en bande organisée (article 222-4), violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8), violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10), violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours (article 222-12), violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure à huit jours ou n'ayant entraîné aucune incapacité totale de travail (article 222-13), violences habituelles sur mineur ou personne vulnérable (article 222-14) et escroquerie (article 313-2 du code pénal).

Par cohérence avec la suppression de l'article 1er, la commission a adopté l'amendement COM-16 du rapporteur de suppression de cet article.

La commission a supprimé l'article 2.

CHAPITRE IER BIS : RENFORCER LA PROTECTION
DES MINEURS VICTIMES DE DÉRIVES SECTAIRES (NOUVEAU)

Article 2 bis (nouveau)
Allongement des délais de prescription applicables
en cas d'abus de faiblesse d'un mineur

Soucieuse de prendre en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, la commission a souhaité, par l'adoption des amendements du rapporteur et de Nathalie Delattre créant un nouvel article 2 bis, prévoir que le délai de prescription des infractions d'abus de faiblesse sur les mineurs ne court qu'à partir de leur majorité.

I. Les enfants victimes de dérives sectaires : des victimes nombreuses dont l'action en justice est souvent reculée dans le temps

Comme l'avait révélé la commission d'enquête conduite par le député Georges Fenech, s'il est particulièrement malaisé de dénombrer le nombre d'enfants victimes de phénomènes et mouvements sectaires ceux-ci en sont « les victimes idéales et absolues de tels mouvements »12(*).

Dans son récent rapport annuel pour 2021, la Miviludes rappelle « la place centrale occupée par les mineurs en tant que cible privilégiée des organisations sectaires » et chiffre à 396 les saisies reçues pour la seule année 2021 impliquant directement ou indirectement des mineurs, soit 10 % du total des saisies. Sur cette même période, la gendarmerie nationale recensé 47 mineurs âgés de moins de 15 ans et 7 âgés de plus de 15 ans victimes déclarées d'infractions en lien avec les dérives sectaires. Plus inquiétant encore, selon ces mêmes sources, près d'un viol sur deux relevés dans des dossiers impliquant des mouvements sectaires a concerné des mineurs.

Force est pourtant de constater qu'aucune disposition proposée par le Gouvernement dans le texte initial ne vise à traiter, par des mesures spécifiques et adaptées, la situation des mineurs victimes de mouvements ou dérives sectaires.

Néanmoins, comme l'ont déjà souligné les rapports parlementaires précités établis par Georges Fenech et Jacques Mézard, la répression du phénomène sectaire, en particulier s'agissant de mineurs, se heurte fréquemment à la difficulté des victimes de se considérer comme telles et au temps nécessaire à celles-ci pour parvenir à déposer plainte pour de tels faits, alors qu'en l'état du droit ceux-ci sont soumis au régime de droit commun de la prescription.

Les délais de prescriptions applicables aux mineurs
victimes de dérives sectaires : une préoccupation ancienne du Parlement

« La commission d'enquête constate qu'en l'état actuel de notre droit, les délais de prescription des actions pénales sont tels qu'ils ne garantissent pas aux jeunes adultes sortis de mouvements à caractère sectaire la possibilité de se retourner contre ceux qui, dans le cadre de ces mouvements, pourraient se voir accuser d'abus d'ignorance ou de faiblesse, tel que défini par l'article 223-15-2 du code pénal.

« Compte tenu, d'une part, de la nécessité d'un temps de « reconstruction » psychologique après la sortie de secte, compte tenu, d'autre part, de la quasi-impossibilité pour un mineur sous emprise sectaire de dénoncer des faits dont il est victime, ce délai peut sembler très court.

« Le problème du délai de prescription a été soulevé à diverses reprises, au cours des auditions, par les membres de la commission d'enquête, qui ont interrogé plusieurs de leurs interlocuteurs sur la possibilité de le rouvrir, pour les mineurs victimes, à compter de leur majorité. »

Source : rapport fait au nom de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs par Georges Fenech, déposé le 12 décembre 2006, pp. 106-107.

Lors de leur audition par le rapporteur, les services enquêteurs spécialisés de l'office central pour la répression des violences faites aux personnes (OCRVP) de la police nationale ont confirmé se heurter à la prescription de l'action publique, en particulier s'agissant de mineurs échappant des sectes à leur majorité, soit parfois plusieurs années après la commission d'infractions, épuisant ainsi le délai de prescription de l'action publique.

II. La position de la commission : allonger les délais de prescription applicable au délit d'abus de faiblesse commis sur un mineur

Soucieux de trouver un juste équilibre entre la prise en compte de la situation traumatique dans laquelle se trouvent ces mineurs et la nécessité de se prémunir des risques quant à la préservation des preuves, la commission a souhaité, à l'instar des délais de prescription dérogatoires existant en matière de violences sexuelles commises sur les mineurs, qu'en cas d'abus de faiblesse sur un mineur, le délai de prescription de six ans - le délai de prescription de droit commun - commence à courir à compter de la majorité du mineur se déclarant victime.

Elle a ainsi, à l'initiative du rapporteur et de Nathalie Delattre (amendements identiques COM-18 et COM-5), traduit les recommandations des travaux parlementaires conduits, notamment par Jacques Mézard et Georges Fenech, qui ont, dès 2008, appelé à une évolution des délais de prescription applicables aux infractions commises sur un mineur du fait des dérives sectaires.

La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.

Article 2 ter (nouveau)
Circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soins
et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité
sur mineur en cas de manquement à l'obligation de déclaration
à l'état civil d'un enfant

Afin de mieux protéger les mineurs victimes de mouvements ou organisations sectaires, la commission a introduit, à l'initiative du rapporteur, un nouvel article 2 ter renforçant les sanctions applicables aux situations d'isolement social volontaire des enfants.

Pour ce faire, elle a érigé en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soin et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur au point de compromettre sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son éducation, le fait de ne pas avoir déclaré l'enfant concerné à l'état civil. Les peines seraient alors portées, respectivement, à dix ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende et quatre ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende.

I. Les enfants victimes de dérives sectaires : des victimes souffrant d'un isolement social, parfois depuis leur naissance, jusqu'à leur découverte par les pouvoirs publics

Identifiée de longue date par les travaux parlementaires, la difficulté essentielle dans la prise en charge des enfants victimes de dérives sectaire réside dans la non-détection de leur situation, allant même jusqu'à la totale méconnaissance, par les pouvoirs publics de leur existence.

De telles pratiques s'appuient sur des comportements de soustraction volontaire des enfants à tout contrôle et visant à les placer dans des situations d'isolement social au détriment de leur santé, de leur sécurité, de leur moralité ou de leur éducation.

Cet enfermement social des enfants par les titulaires de l'autorité parentale est, en l'état du droit, susceptible d'être pénalement réprimé par deux autres infractions spécifiques :

- d'une part, l'article 227-15 du code pénal sanctionne la privation d'aliments ou de soins par une personne ayant autorité sur un mineur de 15 ans au point de compromettre sa santé d'une peine de 7 ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende. La jurisprudence interprète largement la notion de privation d'aliments ou de soins, qui peut résulter par exemple d'un défaut d'hygiène ou de l'absence de suivi médical approprié ;

- d'autre part, l'article 227-17 du code pénal sanctionne le fait, pour le parent d'un enfant mineur, de se soustraire sans motif légitime à ses obligations légales au point de compromettre sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son éducation d'une peine de 2 ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende. Sur ce fondement, le tribunal correctionnel de Pau a par exemple condamné les membres d'une secte vivant à l'écart du monde avec des règles de vie austères et génératrices de carences graves pour les enfants liées notamment à l'absence d'ouverture culturelle et de stimulation sociale13(*).

En pratique, cet isolement peut également se réaliser par l'absence de déclaration de la naissance des enfants, prévue à l'article 56 du code civil. Comme l'avait ainsi mis en lumière la commission d'enquête conduite par le député Georges Fenech, « la difficulté de repérage des situations à risque était accrue par l'ignorance de l'existence même des enfants, certains pouvant ne pas avoir été déclarés à l'état civil »14(*).

Face à ce constat, le législateur a progressivement renforcé l'arsenal répressif à l'encontre des parents manquant à leur obligation de déclarer la naissance de leur enfant, prévue à l'article 56 du code civil depuis la loi du 21 mars 1803.

Les articles 55 et 56 du code civil : une obligation ancienne
de déclaration d'une naissance

En application d'un principe inchangé depuis 1803 et codifié aux articles 55 et 56 du code civil, la naissance d'un enfant doit être déclarée dans les cinq jours suivant l'accouchement à l'officier d'état civil du lieu de naissance. Une telle obligation est sanctionnée par la délivrance immédiate d'un acte de naissance.

Seule la liste des personnes sur lesquelles cette obligation pèse a connu des évolutions. Elle peut aujourd'hui être accomplie « par le père, ou, à défaut du père, par les docteurs en médecine ou en chirurgie, sages-femmes, officiers de santé ou autres personnes qui auront assisté à l'accouchement ; et lorsque la mère sera accouchée hors de son domicile, par la personne chez qui elle sera accouchée ».

Le non-respect de cette obligation était jusqu'à la loi 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance sanctionnée d'une simple contravention de 5ème classe. En réponse aux recommandations de la commission d'enquête conduite par Georges Fenech, le défaut de déclaration d'un enfant à l'état civil constitue désormais un délit et est, à ce titre et aux termes de l'article 433-18-1 du code pénal, puni de 6 mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende.

Si cet article sert de fondement à moins de deux condamnations par an depuis 201715(*), cela peut s'expliquer par le délai de prescription de droit commun fixé à six ans pour un tel délit. Ainsi, s'il était révélé qu'à la majorité de l'enfant ou plus tardivement, celui-ci ne pourrait être sanctionné.

Au surplus, les auditions menées par le rapporteur ont révélé que cette pratique de non-déclaration d'un enfant participait très directement des actions de certains mouvements ou organisations sectaires organisant la soustraction volontaire d'enfants de tout contrôle par les pouvoirs publics. Toutefois, aucun lien entre l'ensemble de ces pratiques n'est aujourd'hui établi par le code pénal.

II. La position de la commission : ériger la non-déclaration à l'état civil en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soins et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur au

Si le défaut de déclaration d'un enfant à l'état civil constitue aujourd'hui un délit sanctionné de six mois d'emprisonnement de 3 750 euros d'amende, il apparait nécessaire de mieux réprimer les phénomènes de soustraction volontaire des enfants victimes de dérives sectaires à tout contrôle, particulièrement néfastes pour le mineur.

Consciente que la situation spécifique des mineurs victimes de mouvements à caractère sectaire appelle des mesures fortes et que le Gouvernement n'en a pas, à ce stade, pris toute la mesure, la commission a souhaité, à l'initiative du rapporteur et par l'adoption d'un amendement COM-19, ériger en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soin et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur au point de compromettre sa santé, sa sécurité, sa moralité ou son éducation, mentionnés ci-avant, le fait de ne pas avoir déclaré l'enfant concerné à l'état civil.

Plus précisément, les peines seraient alors portées à dix ans d'emprisonnement et 300 000 euros d'amende pour le premier délit mentionné à l'article 227-15 du code pénal et à quatre ans d'emprisonnement et 60 000 euros d'amende, pour le second, inscrit à l'article 227-17 du même code.

La commission a adopté l'article 2 ter ainsi rédigé.

CHAPITRE II : RENFORCER L'ACCOMPAGNEMENT
DES VICTIMES

Article 3
Étendre les catégories d'associations pouvant se constituer partie civile
en matière d'emprise sectaire

Cet article tend à prévoir un mécanisme d'agrément permettant aux associations investies dans la lutte contre les dérives sectaires de se constituer partie civile.

À l'initiative du rapporteur, la commission a allongé le délai transitoire reconnu aux associations pour maintenir leur capacité d'action dans les procédures en cours.

L'article 3 propose de modifier l'article 2-17 du code de procédure pénale pour ouvrir la constitution de partie civile dans les contentieux mettant en jeu des dérives sectaires aux associations agréées par le ministère de la justice. Cet agrément pourra être accordé aux associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et se proposant par leur statut de défendre et d'assister l'individu ou de défendre les droits et libertés individuels et collectifs.

Cette mesure est un assouplissement des conditions actuelles dans lesquelles seules les associations reconnues d'utilité publique disposent de cette capacité. En pratique, seule l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (UNADFI), fondée en 1982 et reconnue d'utilité publique en 1996, en dispose.

Comme le relève l'étude d'impact, la difficulté à obtenir la reconnaissance d'utilité publique est réelle pour les associations qui doivent prouver leur rayonnement, avoir un nombre d'adhérents supérieur à 200 et répondre à des conditions financières exigeantes : un montant minimum de ressources annuelles de 46 000 euros, un montant de subventions publiques inférieur à la moitié du budget et des résultats positifs au cours des trois derniers exercices.

Or, le rôle des associations dans la lutte contre les dérives sectaires est historiquement déterminant et justifie que leur action en justice soit facilitée.

Par ailleurs, l'article 3 prévoit une période de neuf mois pendant laquelle, en raison du délai qui pourrait être nécessaire à l'obtention de l'agrément, l'UNADFI pourra continuer à exercer les droits reconnus à la partie civile. Au regard des difficultés susceptibles de survenir dans la mise en oeuvre de la nouvelle procédure administrative, la commission a adopté l'amendement COM-20 du rapporteur allongeant ce délai à un an.

La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié

CHAPITRE III : PROTÉGER LA SANTÉ

Article 4 A (nouveau)
Peine complémentaire de « bannissement » numérique pour les auteurs des délits d'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses au moyen de supports numériques

Prenant acte de l'évolution des modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, le rapporteur a regretté l'absence de dispositions sur ce point dans le texte gouvernemental malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne.

En conséquence, la commission a introduit, à l'initiative du rapporteur, un article additionnel, tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques. Pour ce faire elle a, d'une part, institué une nouvelle circonstance aggravante en cas de commission de ces délits au moyen d'un support électronique ou numérique, et d'autre part, introduit une peine complémentaire de « bannissement numérique » des personnes physiques s'en étant rendues coupables de pareils agissements au moyen de supports électroniques.

I. Les dérives sectaires en matière de santé sur internet et les réseaux sociaux : un phénomène en forte croissance, peinant à être appréhendé spécifiquement par le droit pénal

D'un constat partagé par l'ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les dérives sectaires, l'utilisation des fonctionnalités des réseaux sociaux et plus largement des supports numériques a induit un renouvellement du mode opératoire de l'abus de faiblesse en permettant aux auteurs de maintenir un contact quasi-permanent avec leurs victimes.

L'étude d'impact du projet de loi constate, en ce sens, que « dans le domaine de la santé, mais également au-delà, le développement des réseaux sociaux accroît considérablement la ``surface d'exposition des victimes des mouvements à caractère sectaire'', des gourous 2.0 développent dans le cyberespace et avec les codes des ``influenceurs'' ses méthodes propres à obtenir la sujétion des individus »16(*).

S'agissant plus précisément du domaine de la santé, elle rappelle que « certains contenus relatifs à la santé, diffusés principalement en ligne, permettent à des personnes non qualifiées médicalement de bénéficier d'une large audience et de convaincre certains d'adopter telle pratique, ou de consommer tel produit, qui peuvent s'avérer dangereux pour la santé, notamment lorsqu'ils les détournent de traitements qui sont nécessaires à leur santé »17(*).

II. La position de la commission : renforcer et actualiser la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu'ils seraient commis en ligne

Poursuivant un raisonnement analogue à celui exposé s'agissant de l'article 2 A relatif à l'abus de faiblesse, la commission a souhaité renforcer et actualiser la répression des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses dès lors qu'elles seraient commises en ligne.

Elle a, pour ce faire, adopté un amendement COM-21 du rapporteur qui introduit un nouvel article poursuivant un double objet.

En premier lieu, il institue une nouvelle circonstance aggravante en cas de commission des infractions d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses au moyen d'un support électronique ou numérique18(*), qui doublerait les peines encourues pour chacune de ces infractions dès lors qu'elles seraient commises en ligne. Pour ces deux infractions, elles seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et de 750 000 euros d'amende.

En second lieu, il introduit une peine complémentaire en cas de commission de ces mêmes infractions par ces moyens électroniques de « bannissement numérique » des personnes physiques s'en étant rendues coupables - reprenant la rédaction adoptée par le Sénat en la matière lors de l'examen du projet de loi dit « espace numérique »19(*).

Convaincue que cette peine complémentaire de blocage en ligne du compte permettrait de sécuriser utilement l'espace numérique et éviter qu'il serve de support à la commission, à grande échelle, d'infractions graves, la commission a souhaité se saisir pleinement des nouveaux dispositifs de l'arsenal pénal proposés par le Gouvernement dans d'autres textes afin de lutter plus efficacement contre les dérives sectaires dès lors qu'elles ont pour support l'espace numérique.

Sollicitée sur l'opportunité d'une telle évolution par le rapporteur, la direction juridique des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ) du ministère de l'intérieur a exprimé son accord à cette modification.

De surcroît, un tel amendement préserverait la caractérisation existante et éprouvée des délits d'exercice illégal de la médecine et de pratiques commerciales trompeuses tout en l'actualisant pour prendre en considération le renforcement des effets négatifs induits, notamment sur la santé des personnes, par la commission dans l'espace numérique - donc à grande échelle - de telles infractions.

Ainsi, davantage que d'instituer de nouveaux délits dont la pertinence juridique comme l'utilité pratique restent à démontrer, la commission s'est attachée à adapter l'arsenal pénal existant aux nouveaux moyens de communication utilisés par les promoteurs des dérives sectaires et à confier au juge une palette d'outils répressifs et dissuasifs mieux adaptée aux réalités de l'espace numérique.

La commission a adopté l'article 4 A ainsi rédigé.

Article 4 (supprimé)
Réprimer la provocation à l'abandon ou l'abstention de soins
ou à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent
la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé

S'il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l'abandon de soins pourtant nécessaires à la santé ou l'adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle à une réponse ferme des pouvoirs publics, la commission n'a pu que relever, à l'instar du Conseil d'État, la fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles comme pratiques qu'emportent les dispositions visant à réprimer la provocation à l'abandon de soins ou à l'adoption de pratiques « non conventionnelles » susceptibles de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.

La commission a supprimé cet article, soucieuse de préserver les libertés publiques, d'autant que toute atteinte disproportionnée à celles-ci, quand bien même elle serait fondée sur la volonté de préserver la santé des personnes, ne peut qu'affaiblir la lutte contre les dérives sectaires et au contraire renforcer les arguments de ceux qui les soutiennent.

I. La croissance des signalements à la Miviludes dans le domaine de la santé : une évolution inquiétante des dérives sectaires

L'étude d'impact du projet de loi signale que les signalements reçus par la Miviludes en lien avec la santé ont connu une augmentation significative depuis 2020 et représentent un quart des saisines reçues en 2021. Près de 70 % de ces saisines concernent des pratiques de soins dites « non conventionnelles ». En volume, comme le détaille le tableau ci-après, ce nombre de signalements s'est établi, pour la seule année 2021, à 520 s'agissant des pratiques de soins non conventionnelles.

Tableau référençant les principaux thèmes des saisines traitées
par la Miviludes en 2021

Thèmes

Nombre de saisines
traitées en 2021

Ventes multi-niveaux

86

Formation professionnelle

87

Développement personnel

173

Dont coaching

94

Complotisme et antivax

148

Santé

744

Dont pratiques de soins non conventionnelles

520

Pseudo-sciences

35

Méditation et yoga

116

Écologie

27

New Age

65

Spiritualité, chamanisme et psycho-spiritualités

159

Mouvance chrétienne

293

Mouvance bouddhiste

26

Mouvance hindouiste

16

Mouvance musulmane

10

Mouvance juive

3

Témoins de Jéhovah

99

Anthroposophie

31

Église de scientologie

33

Source : rapport annuel 2021 de la Miviludes, p. 39.

Ces évolutions, dans un contexte de discours anti-scientifiques amplifié notamment par l'usage des réseaux sociaux depuis l'épidémie de Covid-19, sont de nature à constituer un risque pour la santé publique compte tenu de l'état de vulnérabilité ou de faiblesse de personnes qui peuvent se laisser convaincre de suivre des pratiques non conventionnelles de soins susceptibles d'être dangereuses pour leur santé. 

Ainsi, dans son rapport sur les pratiques de soins non-conventionnelles et leurs dérives, le Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) alerte sur le risque de dérives sectaires, d'endoctrinement, de dérives thérapeutiques et d'emprise mentale qui peuvent découler de telles pratiques. Comme le précise l'étude d'impact du projet de loi, ce rapport « cible particulièrement certaines pratiques « alternatives » qui prétendent dépasser le cadre scientifique de la médecine pour utiliser des approches « holistiques » ou spirituelles. La liste de ces pratiques, reprise par le rapport du CNOM, montre la diversité et l'ambivalence des termes qui peuvent servir de point d'entrée à des dérives sectaires ou des pratiques dangereuses pour la santé »20(*).

II. La volonté gouvernementale de faire évoluer l'arsenal pénal afin de lutter spécifiquement contre les dérives sectaires en matière de santé

En réponse à des affaires judiciaires largement médiatisées21(*), qui ont parfois particulièrement ému l'opinion publique, le Gouvernement a annoncé son intention de renforcer l'arsenal pénal existant par la création d'une nouvelle infraction visant à réprimer la provocation, d'une part, à l'abstention ou à l'abandon de traitement et, d'autre part, à l'adoption de pratiques dont il est manifeste qu'elles exposent la victime à un risque grave ou immédiat pour sa santé. L'article 4 du projet de loi vise, pour ce faire, à créer un nouvel article 223-1-2 du code pénal.

Plus précisément, ces deux infractions, pour être caractérisées, doivent comporter deux éléments :

- en premier lieu, cette provocation doit être présentée, selon les cas, soit comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique, soit comme bénéfique pour la santé des personnes visées ;

- en second lieu, l'abandon de soin doit être, « en l'état des connaissances médicales, manifestement susceptible d'entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique » tandis que pour l'adoption des pratiques, il doit être « manifeste que [celles-ci] les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

La provocation, non suivie d'effets, seraient punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, en application de l'alinéa 3. Serait considérée comme circonstance aggravante le fait que la provocation soit suivie d'effets, les peines seraient alors portées à trois ans d'emprisonnement et à 45 000 euros d'amende.

Enfin, le dernier alinéa de l'article 4 précise que lorsque les faits sont commis par voie de presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières seraient applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. Cette précision permettrait, comme le rappelle le Gouvernement dans l'étude d'impact « d'utiliser la responsabilité ``en cascade'' du droit de la presse, qui va du directeur de la publication jusqu'à l'auteur des propos ».

De telles modifications ont néanmoins été jugées contraires aux exigences constitutionnelles par le Conseil d'État. Lors de son examen de l'avant-projet de loi, celui-ci a estimé que « ni la nécessité, ni la proportionnalité de ces nouvelles incriminations ne sont avérées » et, a en conséquence, invité le Gouvernement à ne pas retenir ces dispositions dans le texte déposé au Parlement.

Le Gouvernement a cependant maintenu l'article 4. Dans l'étude d'impact, il justifie son choix en ce qu'il « permet de s'écarter des difficultés que posaient les autres options : plutôt que de partir de la pratique non-conventionnelle, difficile à cerner et à définir, l'infraction a pour point de départ le besoin médicalement constaté, pour le patient, de suivre un traitement médical ».

III. La position de la commission : écarter des dispositions juridiquement fragiles au profit de dispositions robustes et adaptées aux nouveaux visages des dérives sectaires

S'il est incontestable que la multiplication des pratiques consistant à promouvoir l'abandon de soins nécessaires à la santé ou l'adoption de certaines pratiques présentées abusivement comme bénéfiques à la santé appelle à une réponse ferme des pouvoirs publics, le rapporteur a été frappé par la fragilité juridique et les difficultés constitutionnelles comme pratiques qu'emporte la disposition proposée par le Gouvernement.

En premier lieu, de nombreuses incriminations existantes, telles que l'exercice illégal de la médecine, l'homicide involontaire ou les pratiques commerciales trompeuses, sont déjà réprimées - et plus sévèrement - que ce que propose l'article 4 : la nécessité de légiférer sur ce point n'est donc pas établie.

De surcroit, ces dispositions nouvelles ne sanctionneraient que d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende un tel comportement alors que des incriminations existantes, approuvées par le juge constitutionnel et éprouvées dans la pratique, permettent de sanctionner plus sévèrement de telles pratiques commises sur le fondement de l'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses. Si ces incriminations doivent être actualisées, notamment eu égard au développement des moyens numériques, elles n'imposent pas pour autant la création de nouvelles infractions. En revanche, il est important de prendre en compte davantage les moyens susceptibles d'être employés pour commettre de telles infractions. C'est pourquoi, plusieurs amendements du rapporteur après l'article 2 et avant l'article 4 répondent à cette préoccupation.

En second lieu, en l'état de la rédaction de cet article, un discours général et impersonnel, sans condition de pressions ou de contacts directs ou répétés entre l'auteur et la victime, qui assurerait la promotion de pratiques dites « non conventionnelles » ou contestant l'état actuel des pratiques thérapeutiques pourrait être réprimé. La commission estime qu'une telle rédaction n'atteint manifestement pas un équilibre satisfaisant dans la conciliation entre l'exercice de la liberté d'expression et la liberté de choisir et de refuser des soins, et l'objectif de protection de la santé publique ainsi poursuivi. Il en va ainsi, a fortiori, lorsque d'autres incriminations, moins attentatoires aux droits et libertés constitutionnellement garantis sont suffisantes pour atteindre cet objectif.

Paradoxalement les tentatives du Gouvernement pour répondre aux critiques du Conseil d'État aboutissent, aux yeux du rapporteur, à un dispositif à la fois trop large et inefficace. Il apparait particulièrement difficile de réunir des preuves permettant de caractériser et d'établir une provocation à l'abandon ou à l'abstention de soins dans les conditions définies par cet article dans sa rédaction initiales. Il est, dès lors, évident que de simples précautions dans la formulation de leur discours pourront prémunir les promoteurs de dérives sectaires, en général particulièrement bien informés de l'état du droit, contre cette infraction. À l'inverse, une provocation dans un cadre privé ou familial et ce indépendamment du niveau de connaissance médicale de l'auteur du propos, qu'elle soit suivie d'effets ou non, pourrait être sanctionnée.

Au regard des demandes légitimes formulées avec constance par les services enquêteurs et les associations de défense des victimes des dérives sectaires, l'article tel qu'il résulte des arbitrages du Gouvernement est donc particulièrement insatisfaisant. Pour l'ensemble de ces raisons, la commission a adopté les amendements identiques COM-22 et COM-1 du rapporteur et d'Alain Houppert visant à supprimer de l'article 4 d'une fragilité juridique et opérationnelle manifestes, au profit d'autres dispositions juridiques robustes et adaptées aux évolutions numériques de notre temps.

La commission a supprimé l'article 4.

Article 5
Obligation d'information des ordres professionnels de santé
par les parquets en cas de condamnation ou placement sous contrôle judiciaire à raison de certaines infractions

Constatant que les ordres professionnels de santé ne bénéficiaient que rarement d'information - eu égard au caractère facultatif de leur transmission - du ministère public quant à d'éventuelles condamnations ou décisions de placement judiciaire de leurs membres, le rapporteur a considéré qu'une procédure d'information obligatoire était une voie juridique pertinente pour renforcer l'effectivité de la lutte contre les dérives sectaires en matière de santé.

Soucieuse de faciliter le prononcé rapide de sanctions disciplinaires ordinales dans un objectif de protection de la santé publique et de limitation de la propagation de dérives sectaires dans le domaine de la santé, la commission a, en conséquence, adopté l'article 5 sans modification.

I. Des dérogations au principe du secret de l'enquête et de l'instruction strictement limitées et encadrées

Poursuivant les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, et à garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence des personnes concernées par une enquête ou une instruction22(*), le secret de l'enquête et de l'instruction a pour objectif premier le bon déroulement de celles-ci.

Codifié à l'article 11 du code de procédure pénale, le secret de l'enquête et de l'instruction peut toutefois, en application de ce même article 11, connaitre certaines dérogations. Plus précisément, il peut y être dérogé « dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense ».

Outre celles accordées au procureur afin d'éviter la propagation de rumeurs ou de troubles, deux types de dérogations au secret de l'instruction existent aujourd'hui en matière pénale :

- d'une part, une procédure de transmission facultative par l'autorité judiciaire d'information sur les décisions pénales prises contre un agent employé ou sous le contrôle d'une administration,

En vertu de l'article 11-2 du code de procédure pénale, cette dérogation bénéficie à l'ensemble des personnes publiques, des personnes morales de droit privé chargées d'une mission de service public et des ordres professionnels. Elle n'est ouverte au ministère public que pour les seules décisions judiciaires prises en matière criminelle ou délictuelle pour lesquelles le mis en cause encourt une peine d'emprisonnement ; excluant ainsi l'ensemble des procédures délictuelles réprimées par une simple peine d'amende ou les procédures contraventionnelles.

Les informations de même que les décisions susceptibles d'être transmises dans ce cadre ont été précisées par une circulaire du garde des sceaux du 4 aout 2016 : « aucune information ne peut intervenir avant la mise en mouvement de l'action publique, notamment au cours de l'enquête. Il n'est donc plus possible d'informer une administration au stade de la garde à vue, contrairement aux pratiques antérieures, que consacrait notamment la circulaire du 16 septembre 2015, qui doit donc être considérée comme abrogée sur ce point précis ».

Enfin, depuis la loi n° 2016-457 du 14 avril 2016 relative à l'information de l'administration par l'autorité judiciaire et à la protection des mineurs, les informations ainsi transmises revêtent le caractère d'un « secret partagé ». Elles ne peuvent, dès lors, être communiquées aux personnes compétentes qu'aux seules fins de faire cesser ou suspendre l'exercice de la personne mise en cause23(*) ;

Les informations transmises sur le fondement de l'article 11-2

L'article D. 1-13 du code de procédure pénale encadre la transmission des informations par le ministère public réalisée en application de l'article 11-2 du code de procédure pénale, au bénéfice des administrations ou ordres professionnels médicaux.

Cette information consiste en la transmission d'une fiche qui comporte les informations suivantes :

- l'identité et l'adresse de la personne ;

- la nature de la décision judiciaire la concernant ;

- la qualification juridique détaillée des faits reprochés, leur date et lieu de commission, et leur description sommaire ;

- la nature et le lieu d'exercice de l'activité professionnelle ou sociale ayant justifié la transmission de l'information à l'administration ou à l'autorité compétente ;

- le nom de l'employeur. 

Lorsque l'information porte sur une condamnation, même non définitive, le ministère public adresse, outre les informations susmentionnées :

- soit la copie de la décision,

- soit un avis de condamnation comportant le dispositif de la décision ;

- le cas échéant, si le mis en cause a exercé son droit de recours contre la décision.

Lorsque l'administration ou l'autorité compétente le demande, la transmission d'une copie de la décision de condamnation est de droit.

Enfin, « en cas de condamnation, même non définitive, de saisine d'une juridiction par le parquet ou le juge d'instruction ou de mise en examen, peut également être adressée, d'office ou à la demande de l'administration ou de l'autorité compétente, copie de tout ou partie des pièces de la procédure utiles pour permettre à cette autorité de prendre les décisions relevant de sa compétence. »

- d'autre part, depuis la loi du 14 avril 2016 précitée, aux seules fins de protection des mineurs victimes d'infractions à caractère sexuel, une information obligatoire par le ministère public de l'administration lorsqu' « il a été établi au cours de l'enquête ou de l'instruction [que la personne mise en cause] exerce une activité professionnelle ou sociale impliquant un contact habituel avec des mineurs et dont l'exercice est contrôlé, directement ou indirectement, par l'administration ».

En application de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale, cette procédure d'information obligatoire s'applique en cas de condamnation, même non définitive24(*), mais également, lors du placement sous contrôle judiciaire d'un agent l'interdisant d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs25(*).

II. Le souhait bienvenu du Gouvernement de renforcer l'information des ordres professionnels médicaux en cas d'infractions en matière de dérives sectaires liées leur exercice professionnel

Comme l'indique le Gouvernement dans l'étude d'impact du projet de loi, l'article 5 du projet de loi « a pour objectif de faciliter pour les ordres la prise de mesures conservatoires et de sanctions disciplinaires par l'instauration, dans le code de procédure pénale, d'une obligation d'information (et non d'une simple faculté, par dérogation au dernier alinéa de l'article 11-2 du même code), par écrit, des ordres professionnels de santé, par les parquets, lorsque des professionnels de santé sont condamnés ou placés sous contrôle judiciaire pour une infraction liée à une dérive sectaire »26(*).

Instituant un nouvel article 11-2-1 du code de procédure pénale, la rédaction proposée s'inspire de l'article 706-47-4 précité et l'adapte à la situation des professionnels de santé condamnés ou placés sous contrôle judiciaire à raison d'une infraction en lien avec une dérive sectaire et dans l'exercice de leur profession.

Les sept ordres professionnels de santé

Institutions de droit privé chargées d'une mission de service public, les ordres professionnels de santé sont, en application du code de la santé publique (CSP), au nombre de sept :

- le conseil national de l'ordre des médecins (articles L. 4121-1 et suivants) ;

- l'ordre national des pharmaciens (articles L. 4231-1 et suivants) ;

- le conseil national de l'ordre des sages-femmes (articles L. 4152-1 et suivants) ;

- l'ordre national des chirurgiens-dentistes (articles L. 4142-1 et suivants) ;

- l'ordre national des infirmiers (articles L. 4312-1 et suivant) ;

- l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes (articles L. 4321-13 et suivants) ;

- l'ordre national des pédicures-podologues (articles L. 4322-6 et suivants).

Prenant acte des critiques formulées par le Conseil d'État dans son avis, suggérant de limiter son périmètre « aux seuls cas de condamnation ou de placement sous contrôle judiciaire pour une infraction liée à une dérive sectaire dans leur domaine d'activité »27(*), le Gouvernement propose d'introduire une procédure obligatoire d'information aux ordres professionnels de santé dans deux hypothèses précises et limitées :

- soit, en cas de condamnation non définitive pour une infraction en lien avec une dérive sectaire d'un de leurs membres ;

Listées à l'article 2-17 du code de procédure pénale, ces infractions regroupent les infractions contre l'espèce humaine, d'atteintes volontaires ou involontaires à la vie ou à l'intégrité physique ou psychique de la personne, de mise en danger de la personne, d'atteinte aux libertés de la personne, d'atteinte à la dignité de la personne, d'atteinte à la personnalité, de mise en péril des mineurs ou d'atteintes aux biens28(*), les infractions d'exercice illégal de la médecine ou de la pharmacie29(*), et les infractions de publicité mensongère, de fraudes ou de falsifications30(*) ;

en cas de placement sous contrôle judiciaire d'un de leurs membres avec obligation de « ne pas se livrer à certaines activités de nature professionnelle ou sociale » ou de « ne pas exercer une activité impliquant un contact habituel avec des mineurs », en application des 12° et 12° bis l'article 138 du code de procédure pénale.

La commission a accueilli favorablement cette évolution dans son principe comme dans sa rédaction proposée par le Gouvernement. Constatant que les ordres professionnels médicaux ne bénéficiaient que rarement d'informations - eu égard au caractère facultatif de leur transmission - du ministère public quant à d'éventuelles condamnations ou décisions de placement judiciaire de leurs membres, le rapporteur a considéré qu'une procédure d'information obligatoire constituait une mesure opérationnelle et adaptée permettant de renforcer effectivement l'action des ordres en matière de la lutte contre les dérives sectaires dans le domaine de la santé.

Soucieuse de faciliter le prononcé rapide de sanctions disciplinaires ordinales dans un objectif de protection de la santé publique et de limitation de la propagation de dérives sectaires dans le domaine de la santé, la commission a ainsi adopté l'article 5 sans modification.

La commission a adopté l'article 5 sans modification.

CHAPITRE VI : ASSURER L'INFORMATION
DES ACTEURS JUDICIAIRES SUR LES DÉRIVES SECTAIRES

Article 6
Confier un rôle d'amicus curiae à certains services de l'État
dans les affaires judiciaires en lien avec des mouvements
ou organisations sectaires

Soucieuse de renforcer les prérogatives de la Miviludes, y compris au bénéfice des acteurs judiciaires afin de mieux réprimer et lutter contre les mouvements et organisations sectaires, la commission accueilli favorablement les dispositions de l'article 6 visant à confier à certains services de l'État un rôle d'amicus curiae.

Elle s'est toutefois attachée à renforcer la solidité juridique de ces dispositions en prévoyant explicitement que l'ensemble des informations communiquées à l'autorité judiciaire en application de ce mécanisme soit versées au contradictoire, garantie essentielle du droit constitutionnellement protégé à un procès équitable.

I. Le souhait de doter la Miviludes d'un statut d'amicus curiae

En instituant un nouvel article 157-3 dans le code de procédure pénale, l'article 6 du projet de loi vise à « permettre à certains services de l'État de mettre leur compétence à contribution pour éclairer les débats judiciaires et favoriser la manifestation de la vérité en cas de poursuites judiciaires » impliquant des mouvements ou organisations à caractère sectaire31(*).

Comme l'indique le Gouvernement dans l'étude d'impact, « il a d'abord été envisagé de créer au profit de la Miviludes un droit d'observation devant les juridictions, notamment pénales, y compris au stade de la mise en examen »32(*).

Une telle proposition a toutefois fait l'objet d'un avis réservé du Conseil d'État qui a considéré, à juste titre, qu'« un service de l'État, non spécialement habilité en tant qu'expert devant les tribunaux, ne saurait intervenir de sa propre initiative dans des procédures judiciaires sans porter atteinte au droit à un procès équitable garanti par les articles 16 de la Déclaration de 1789 et 6 de la Convention européenne des droits de l'Homme »33(*).

Afin de remédier à cette difficulté, le Gouvernement a, dans une saisine rectificative, proposé une disposition se bornant à permettre aux parquets ou aux juridictions de solliciter l'expertise de tout service de l'État, figurant sur une liste fixée par arrêté interministériel, dont la compétence serait de nature à l'éclairer utilement sur les phénomènes sectaires.

Une telle disposition ouvre ainsi le bénéfice du rôle d'amicus curiae, institué d'abord par voie prétorienne puis reconnu législativement - notamment au bénéfice d'autorités administratives indépendantes34(*) - et plus largement devant les seuls Cour de cassation en matière civile35(*) et juridictions administratives36(*), à des services de l'Etat en matière pénale pour les affaires impliquant des mouvements ou organisations sectaires, et ce, y compris en première instance.

Ainsi, si ce mécanisme aurait un nombre de bénéficiaires plus large que la seule Miviludes, cette procédure ne serait, dans la rédaction initiale du texte, ouverte qu'en cas de poursuites exercées sur le fondement de l'article 223-15-3 du code pénal ou comportant une circonstance aggravante relative à l'état de sujétion psychologique ou physique de la victime - incriminations introduites par les articles 1er et 2 du texte.

Comme l'a précisé le Conseil d'État dans sa jurisprudence, les conditions d'application de ce mécanisme « d'ami de la cour » en matière administrative lui permettrait de ne produire que de simples « observations d'ordre général sur les points (...) lesquels peuvent être des questions de droit, à l'exclusion de toute analyse ou appréciation de pièces du dossier ». Il a toutefois admis que « lorsque l'avis a été demandé ou rendu en méconnaissance de ces principes, le juge n'entache pas sa décision d'irrégularité s'il se borne à prendre en compte les observations d'ordre général, juridiques ou factuelles, qu'il contient »37(*).

Soucieuse de préserver ce dispositif novateur et utile à la prise en compte par les magistrats des effets des dérives sectaires, la commission a admis, dans son principe, les modifications proposées par l'article 6. Elle a toutefois procédé à deux modifications :

- d'une part, par cohérence avec la position exprimée sur les articles 1er et 2 du projet de loi, elle a restreint le champ d'application de cette procédure aux seules poursuites exercées sur le fondement de l'article 222-15-2 du code pénal, qui réprime l'abus de faiblesse (amendement COM-23 du rapporteur) ;

- d'autre part, afin de lever toute incertitude quant à l'atteinte au droit à un procès équitable que peut constituer la détention par le ministère public ou la juridiction d'une information écrite non communiquée à l'ensemble des parties, elle a adopté un amendement précisant que toute information transmise par écrit à l'autorité judiciaire par un service de l'État dans le cadre de cette nouvelle procédure doit être soumise au contradictoire (amendement COM-24 du rapporteur).

Après avoir sécurisé cette procédure au caractère écrit inédit en matière pénale, la commission a adopté l'article 6, considérant qu'il apporterait un renforcement bienvenu des facultés ouvertes à la Miviludes pour éclairer des décisions judiciaires impliquant des mouvements ou organisations sectaires.

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.

CHAPITRE V : DISPOSITIONS DIVERSES

Article 7 (supprimé)
Coordinations outre-mer

Par cohérence avec la suppression des articles 1er, 2 et 4 introduisant de nouvelles incriminations pénales, la commission a, par l'adoption d'un amendement COM-25 du rapporteur, supprimé cet article qui procédait à des coordinations outre-mer.

La commission a supprimé l'article 7.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 13 DÉCEMBRE 2023

- Présidence de M. Philippe Bonnecarrère, président -

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires est issu des premières assises des dérives sectaires organisées en mars dernier. S'inscrivant dans une stratégie gouvernementale globale pour les années 2024-2027, ce texte poursuit une intention louable qui doit tous nous mobiliser : lutter efficacement contre les dérives sectaires, dont la multiplication et la diversité doivent nous conduire à nous interroger collectivement.

Ce projet de loi marque un regain d'intérêt bienvenu sur la question des dérives sectaires, après des années de désengagement des pouvoirs publics en la matière. Le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur les dérives sectaires en matière de santé rapporté par Jacques Mézard date de 2013 et n'a été suivi d'aucun effet. Plus inquiétant encore, le maintien même de la mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes) a été remis en cause à plusieurs reprises. Le Sénat a dénoncé les atteintes qui lui ont été portées, notamment dans le cadre de l'avis budgétaire pour 2020 de notre ancien collègue M. Pierre-Yves Collombat.

La gravité de ce sujet, ainsi que les difficultés à lutter contre des acteurs parfois très organisés et disposant de moyens importants, appelle une plus grande responsabilité et une vigilance particulière. Il n'est ni envisageable de proposer de fausses solutions aux victimes ni souhaitable de légiférer sans que la nécessité en soit avérée, au risque de fragiliser tout l'arsenal pénal existant. Comme me l'ont rappelé Nicolas About et Jacques Mézard, nos anciens collègues, ainsi que Georges Fenech et Serge Blisko, anciens présidents de la Miviludes, il faut d'abord appliquer les lois existantes et donner les moyens opérationnels pour agir concrètement et pratiquement contre les dérives sectaires.

Or, au lieu de procéder à une évaluation approfondie de l'arsenal pénal existant et de s'interroger sur les causes de l'émergence de nouvelles formes de dérives sectaires, le Gouvernement a considéré que les assises organisées en mars dernier appelaient une réponse législative centrée non pas sur un renforcement des moyens de la justice, ou sur une meilleure formation des professionnels, ni même sur une véritable politique de prévention, d'éducation et de sensibilisation, mais sur la création de nouvelles dispositions répressives.

On ne peut que regretter cette focalisation de la réflexion et de l'action publique sur la réponse pénale, qui a pour conséquence d'occulter la nécessité pour les pouvoirs publics de porter leurs efforts sur l'amplification des actions de prévention et sur le renforcement des moyens de la justice comme des services enquêteurs spécialisés.

Il convient également de veiller aux effets de bord des règles présentées comme destinées à lutter contre les dérives sectaires, mais qui auront en fait une portée générale ; nous y reviendrons.

En conséquence, si nous ne pouvons qu'approuver les objectifs poursuivis avec ce projet de loi, je vous propose d'en aborder l'examen de manière pragmatique, avec le souci de faciliter des solutions opérationnelles inscrites dans la durée, plutôt que de nous contenter d'effets d'annonce et de solutions de façade.

Ce projet de loi marque un regain d'intérêt des pouvoirs publics pour la lutte contre un phénomène connu de longue date, particulièrement les dérives observables dans le domaine de la santé. Ce phénomène avait été identifié dans les rapports parlementaires dès les années 1990. Il est cependant marqué depuis lors par deux évolutions majeures : d'une part, le développement des moyens électroniques de communication et les réseaux sociaux ; d'autre part, les polémiques entourant l'épidémie de covid-19, qui ont vu une remise en cause du discours des autorités publiques en matière de santé publique, mais également des données scientifiques concernant les caractéristiques des pathologies ainsi que l'efficacité et les risques des traitements conventionnels.

Cette profusion de discours tendant soit à décourager le recours à la vaccination, soit à promouvoir des traitements sans validation scientifique, voire hors du champ de la pharmacie, véhiculait, parmi des critiques et des opinions parfaitement légitimes, des dérives sectaires qui ont pu inquiéter la population comme les pouvoirs publics.

Le doublement entre 2020 et 2021 du nombre de signalements et de demandes d'avis relatifs au domaine de la santé adressés à la Miviludes, de même que l'augmentation particulièrement importante des signalements liés aux phénomènes que la mission qualifie de « psycho-spiritualité », découlent de ce climat d'incertitude et d'anxiété.

Deux types de signalements ressortent des chiffres fournis par la Miviludes : ceux qui concernent des mouvements connus pour leurs dérives sectaires, et ceux qui concernent des individus ou des groupes réduits intervenant dans tous les domaines, de la santé à la formation en passant par le bien-être. Si les seconds se sont développés au cours des dernières années, les premiers n'ont jamais disparu et continuent leurs activités, que dénonce régulièrement la presse. Il est donc nécessaire de sensibiliser davantage la société à cette problématique croissante.

Force est de constater que le contenu du projet de loi n'est pas à la hauteur des enjeux. Je déplore, en particulier, que le Gouvernement ait tenu à maintenir certaines dispositions en dépit d'un avis négatif du Conseil d'État soulevant, selon le cas, l'absence de nécessité de légiférer ou les risques constitutionnels pesant sur certaines dispositions ; ce ne sont pas là des critiques que l'on peut écarter sans examen sérieux.

Plusieurs des mesures du projet de loi concernent le code pénal. L'article 1er rompt avec la logique de la loi dite « About-Picard » de 2001 qui a permis la répression de l'abus frauduleux d'ignorance et de faiblesse, notamment par la sujétion physique ou psychologique, pour faire de la mise sous sujétion d'une personne et de l'abus frauduleux de cette sujétion une infraction autonome.

L'article 2 en tire les conséquences en créant, en miroir de la circonstance aggravante de l'abus de vulnérabilité, une circonstance de mise sous sujétion pour les infractions les plus graves.

L'article 4 entend, quant à lui, réprimer les provocations à l'abstention ou à l'arrêt d'un traitement susceptible de porter gravement atteinte à la santé d'une personne, que cette provocation ait été ou non suivie d'effet.

Le Gouvernement justifie ces évolutions par la difficulté dont témoignent certaines victimes à se voir comme étant en situation de faiblesse, et elles visent à réprimer l'essor des discours déviants sur internet, par ceux qu'on décrit comme des « gourous 2.0 ».

Ce projet de loi tient également compte du rôle joué par les partenaires de la Miviludes que sont les associations de défense des victimes et les ordres professionnels médicaux. L'article 3 du projet de loi entend ainsi faciliter la possibilité pour les associations de se porter partie civile, en substituant à la nécessité d'une reconnaissance d'utilité publique un nouveau mécanisme d'agrément, plus souple.

L'article 5 renforce l'information des ordres professionnels, au premier rang desquels l'ordre des médecins, sur les décisions judiciaires prises à l'encontre de leurs membres pour des agissements impliquant des dérives sectaires en lien avec leur exercice professionnel.

L'article 6 octroie à la Miviludes un rôle nouveau d'amicus curiae, afin de faciliter son intervention en tant que service « expert » dans les procès.

Je vous propose de compléter et de renforcer la solidité juridique des dispositions des articles 3, 5 et 6, qui me paraissent aller dans le sens d'une plus grande efficacité de la lutte contre les dérives sectaires. En revanche, je vous propose la suppression des dispositions créant de nouvelles infractions pénales. En effet, l'article 1er vient doubler des infractions existantes et risque d'entraîner des confusions dommageables dans l'application du droit pénal, notamment pour ce qui concerne la lutte contre les violences faites aux femmes et contre les violences intrafamiliales.

L'article 4, bien que restreint dans sa portée depuis les critiques sévères adressées par le Conseil d'État, demeure attentatoire aux libertés, sans garantie d'efficacité contre l'essor de discours en faveur des dérives sectaires. Si nous laissons les tenants des dérives sectaires se draper dans le manteau des libertés, nous aboutirions à desservir la cause que nous prétendons défendre.

Outre ces modifications, l'occasion nous est donnée de nous saisir de ce texte afin de permettre la mise en oeuvre des recommandations de rapports parlementaires ayant fait date, particulièrement le rapport de la commission d'enquête sénatoriale de 2013.

Aussi, je propose de doter la Miviludes d'un statut législatif. Cela permettra enfin d'inscrire cette mission dans la durée et de conforter sa vocation interministérielle, très paradoxale pour un organisme rattaché à un service du ministère de l'intérieur. Ce statut permettra de reconnaître l'ensemble des missions qu'elle exerce et de la protéger en la personne de son président, ainsi que les personnes réalisant des signalements, contre les procédures abusives.

Je ne peux également que m'étonner de l'absence de dispositions dans le projet de loi visant à réprimer les nouveaux modes opératoires des auteurs d'infractions en lien avec les dérives sectaires, et ce malgré les récentes évolutions du droit pénal en matière de répression des infractions commises en ligne. En conséquence, je vous soumets des amendements tendant à renforcer la répression des délits d'exercice illégal de la médecine, de pratiques commerciales trompeuses et d'abus de faiblesse, dès lors qu'ils seraient commis en ligne ou au moyen de supports numériques ou électroniques.

Enfin, je vous propose de prendre en compte la situation spécifique des mineurs victimes de dérives sectaires, en prévoyant que le délai de prescription ne coure qu'à partir de leur majorité, et en renforçant les sanctions applicables au fait de placer un enfant dans une situation d'isolement social.

Nous pouvons faire oeuvre utile sans donner dans l'illusion de créer des mesures qui existent déjà, évitant ainsi le risque de faire moins bien et d'ajouter à la confusion des normes, tout en portant à leur terme le fruit de travaux parlementaires réfléchis et transpartisans. Je vous propose donc d'adopter ce texte, sous réserve de l'adoption des amendements que j'ai déposés.

M. Philippe Bonnecarrère, président. - Nous avons tous été fortement sollicités par divers acteurs, essentiellement par courriels, et c'est me semble-t-il un bon indice de l'intérêt porté à cette thématique des dérives sectaires.

Par ailleurs, j'observe que trois textes que nous examinons aujourd'hui évoquent les violences familiales ; et chaque fois, se pose la question de la réponse législative à ces violences.

Mme Dominique Vérien. - Dans le cas présent, il ne s'agit pas de violences familiales, même si la manière d'endoctriner peut s'y référer. Tous ceux qui s'intéressent aux dérives sectaires attendaient le renforcement de la Miviludes, ainsi que la prise en compte du fait que beaucoup de ces endoctrinements s'effectuent aujourd'hui en ligne.

Je comprends la suppression des articles 1er et 4 ; mais je sais également que les policiers et les gendarmes poursuivant ces dérives sectaires ont besoin d'outils. En resserrant davantage le texte, en évoquant la spécificité de l'endoctrinement propre aux dérives sectaires, différent du système d'emprise que l'on connaît dans les violences intrafamiliales, nous pouvons peut-être résoudre la quadrature du cercle d'ici à la semaine prochaine.

Mme Nathalie Delattre. - Dès 1990, le sujet a fait l'objet d'un rapport parlementaire. Au Sénat, un rapport comportant plus de 500 pages d'auditions, a été publié sur le sujet en 2013, résultant des travaux conduits par notre ancien collègue Jacques Mézard. Même s'il date de 2013, le constat reste, aujourd'hui encore, édifiant qu'il dressait reste pleinement d'actualité.

Il s'agit ici d'un texte sur un sujet majeur, et je déplore qu'il soit inscrit à l'ordre du jour de nos travaux un 19 décembre. Je déplore également que le Conseil d'État n'ait pas été saisi suffisamment en amont, comme il l'indique lui-même dans son avis. Madame le rapporteur, vous supprimez l'article 4, mais, à mon sens, il faudrait trouver une autre solution juridique.

En revanche, je salue votre proposition concernant la Miviludes. Avec Jacqueline Eustache-Brinio, dans notre rapport sur la radicalisation islamiste, nous avions proposé un « rétablissement de la Miviludes » car celle-ci était alors menacée de disparaître.

J'ai déposé plusieurs amendements, notamment pour modifier l'article 4. Nous avons reçu beaucoup de messages souhaitant la suppression de cet article, parmi lesquels un certain nombre proviennent de militants antivax. Des médecins pratiquant l'hypnose ou l'homéopathie se sentent également menacés. Hélas, nous n'avons pas le temps de trouver un compromis.

Enfin, un de mes amendements plaide pour un report de prescription s'agissant des mineurs victimes. Après avoir suivi certaines préconisations sur internet, de nombreux jeunes sombrent dans l'anorexie mentale et vont parfois jusqu'au suicide. Le report de prescription existe pour les viols ou pour d'autres infractions sexuelles ; quand l'intégrité d'une jeune personne est ainsi atteinte, cela me semble aussi grave.

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

M. Christophe Chaillou. - Ce texte important, qui nous parvient dans des délais contraints, soulève plus de questions qu'il n'apporte de réponses concrètes. Les interrogations portent sur l'approche elle-même, sur les solutions privilégiées et les moyens accordés ; le Conseil d'État a d'ailleurs émis un avis réservé sur une disposition essentielle du texte.

Je partage le point de vue du rapporteur concernant l'absence d'approche préventive et la volonté d'éviter les effets d'annonce. Pour ce texte comme pour d'autres, il s'agit de privilégier des solutions efficaces. Une approche purement pénale ne permet pas de répondre au problème dans sa globalité et sa complexité.

Le renforcement de la Miviludes doit pouvoir faire consensus. Au-delà de la question du statut, celle des moyens accordés, aujourd'hui trop faibles par rapport à l'explosion du nombre de cas, semble essentielle.

Par ailleurs, la prise en compte de la dimension technologique dans les sanctions semble aller dans le bon sens, de même que l'allongement du délai de prescription pour les mineurs.

Concernant l'article 4, on peut entendre les arguments exprimés à l'instant par notre collègue Nathalie Delattre. La mesure est très controversée, on touche là à des aspects essentiels des libertés publiques et individuelles. La proposition de supprimer l'article, compte tenu des délais, semble la plus raisonnable.

Le texte ne répond pas à la globalité des situations. Une partie de l'arsenal existe déjà, il s'agit de l'appliquer en renforçant les moyens.

M. Dany Wattebled. - Je m'oppose à la suppression des articles 1er et 4. La sujétion est, à mes yeux, aussi importante que les effets négatifs qui peuvent en découler. Le maintien de ces articles est donc fondamental. On se rend compte de l'influence des réseaux sociaux sur certaines personnes ; je pense notamment à ce qui a pu se passer pour Samuel Paty.

M. Olivier Bitz. - Les dérives sectaires concernent, chaque année, plusieurs dizaines de milliers de victimes. L'appareil législatif ne correspond plus aux enjeux actuels. Vingt ans après la loi About-Picard, une nouvelle étape dans la lutte contre les dérives sectaires est nécessaire. Nous connaissons les moyens technologiques employés par ces mouvements, et nous savons également qu'ils sont très actifs dans le milieu de la santé.

Nous sommes défavorables à la suppression des articles 1er et 4, qui correspondent précisément aux besoins exprimés par les policiers spécialisés, ainsi qu'aux demandes des milieux associatifs ; ainsi, à la fois l'Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (Unadfi) et le Centre contre les manipulations mentales (CCMM) se sont prononcés en faveur du texte. Les principaux acteurs de la lutte contre les dérives sectaires demandent des outils législatifs supplémentaires, y compris concernant la répression pénale. Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la nécessité d'adapter l'appareil répressif aux nouvelles pratiques.

Depuis 2010, nous observons deux fois plus de signalements à la Miviludes ; en comparaison, le nombre de poursuites engagées est très faible, en raison de la difficulté à caractériser les infractions. Les dispositions pénales en vigueur ne sont pas suffisantes pour protéger nos concitoyens.

L'article 1er marque une avancée décisive dans la lutte contre les dérives sectaires. Il permet de mieux prendre en compte les spécificités de l'emprise sectaire, et d'agir en amont de l'abus de faiblesse. Peut-être des éléments sont-ils à retravailler, mais nous ne pouvons pas supprimer cet article.

De même, concernant l'article 4, je perçois tous les messages reçus comme un encouragement à poursuivre ; cela veut dire que, pour toutes ces personnes, notamment dans le domaine de santé, les dispositions de ce texte représentent une menace pour leurs pratiques.

J'entends les réserves exprimées concernant la rédaction. Mettons-nous autour de la table et essayons d'avancer, en tenant compte de l'avis du Conseil d'État. Il faut ouvrir la porte à une modification de l'article 4 et travailler à une nouvelle rédaction. Nous enverrions un mauvais message en proposant un amendement de suppression, alors que ces pratiques entraînent des morts.

M. André Reichardt. - Je soutiens ce rapport dans son intégralité. Il est pour le moins maladroit de traiter un texte aussi important la veille de Noël ; ce n'est pas la bonne période, nous aurions dû avoir davantage de temps.

Je déplore que l'on fasse si peu cas de l'avis du Conseil d'État sur la question des libertés et de l'aspect discriminatoire de certains articles.

Je suis favorable à la suppression des articles 1er et 4. Concernant l'article 5, je trouve également que nous allons très loin.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous partageons tous ce constat : la lutte contre les dérives sectaires mérite un traitement plus approfondi, notamment concernant la définition des infractions permettant de les sanctionner. Nous avons besoin de légiférer, mais cela ne doit se faire ni à cette période ni de cette manière.

Nous avons étudié le code pénal et les dispositions existantes ; le problème est qu'il s'avère impossible de caractériser les dérives sectaires dans la loi, et qu'en tout état de cause, cela n'est pas souhaitable. Le rapport de 2013, bien avant l'épidémie de covid-19 et la crise sanitaire, portait déjà sur des problématiques des soins, notamment sur les thérapies « non conventionnelles » ou « alternatives » ; depuis, le phénomène n'a fait que croître, et s'est cristallisé avec les réseaux sociaux et la communication numérique.

L'absence de mesures concernant la communication numérique est révélatrice des faiblesses de ce texte insuffisamment préparé. Il aurait fallu a minima prévoir une sanction pour les infractions commises par le biais de moyens numériques ; nous le proposons au travers d'un amendement considérant, sur la base d'infractions pénales existantes, l'utilisation de moyens numériques comme une circonstance aggravante.

Concernant l'article 4, on ne peut pas faire abstraction des risques d'inconstitutionnalité pointés par le Conseil d'État. Devant les réactions suscitées, vous évoquez le fait de toucher un point sensible ; mais en appuyant de la sorte sur ce point, nous risquons d'aggraver les problèmes : les mouvements sectaires ne manqueront pas de se draper dans une posture de défense des libertés, dans un pays déjà fracturé sur ces questions, si nous adoptons un dispositif fragile juridiquement.

L'état de sujétion, tel qu'il est présenté à l'article 1er, s'avère une notion trop large. Qu'est-ce qu'un état de sujétion et doit-il être réprimé de façon autonome ? L'autorité parentale, selon la manière dont elle est exercée, ne conduit-elle pas à une forme de sujétion ? Dans nos propositions, nous cherchons à défendre les mineurs, notamment par le bais de l'amendement prévoyant d'allonger le délai de prescription, afin qu'une victime puisse avoir le temps de se concevoir comme telle et entamer des poursuites.

Le code pénal prévoit un arsenal suffisant. Les services enquêteurs et les magistrats instructeurs le disent : il ne s'agit pas d'un problème de définition des infractions, mais d'établissement de la matérialité des faits et de collecte de preuves. Pour cela, il convient d'abord d'assurer un statut interministériel à la Miviludes, de manière à pouvoir engager une véritable politique de lutte contre les infractions, avec davantage de moyens. Nous devons également permettre que les signalements et les avis soient confidentiels et protégés par la loi ; actuellement, les victimes n'osent pas toujours se signaler, de peur que ce signalement ne soit divulgué.

M. François-Noël Buffet, président. - Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que celui-ci comprend les dispositions relatives aux infractions pénales permettant de réprimer et sanctionner les effets négatifs des dérives sectaires, aux prérogatives et moyens de la Miviludes, aux modalités de constitution de partie civile pour les associations de défense des victimes de dérives sectaires, ainsi qu'aux modalités d'information des ordres médicaux en cas de sanction pénale ou de mesure de sûreté prononcée à l'encontre d'un de leurs membres en lien avec une dérive sectaire.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Division additionnelle avant le chapitre 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-12 propose d'insérer l'article 1er A dans un nouveau chapitre consacrant les pouvoirs et le rôle de la Miviludes dans la lutte contre les dérives sectaires.

L'amendement COM-12 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Avant le chapitre 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-13 consacre dans la loi la Miviludes, acteur incontournable et indispensable à la lutte contre les dérives sectaires. Il permet d'ancrer cette mission dont l'utilité n'est plus à démontrer, avec un statut interministériel et la possibilité de présenter un rapport annuel dont les éléments sont protégés contre les recours abusifs.

L'amendement COM-13 est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-14 permet d'actualiser le droit existant afin de mieux prendre en compte l'utilisation des réseaux sociaux et des supports numériques, et d'adapter en conséquence l'arsenal répressif. Sur le modèle des circonstances aggravantes en matière de harcèlement moral ou scolaire, l'amendement introduit une nouvelle circonstance aggravante au délit d'abus de faiblesse à raison des moyens utilisés. Plus précisément, les peines seront portées à cinq ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende dès lors qu'un abus de faiblesse sera commis par l'utilisation des moyens de communication en ligne.

L'amendement COM-14 est adopté et devient article additionnel.

Article 1er

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-15 vise à supprimer l'article 1er.

L'amendement COM-15 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-8 devient sans objet.

L'article 1er est supprimé.

Article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-16 vise à supprimer l'article 2, qui perd toute cohérence du fait de la suppression de l'article 1er.

L'amendement COM-16 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-9 devient sans objet.

L'article 2 est supprimé.

Division additionnelle après l'article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-17 prévoit d'insérer un chapitre comportant l'ensemble des nouvelles dispositions que je propose d'introduire et qui visent à renforcer spécifiquement la protection des mineurs.

L'amendement COM-17 est adopté.

Une division additionnelle est ainsi insérée.

Après l'article 2

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié prévoient d'allonger le délai de prescription : il sera désormais de six années, à compter de la majorité de la victime.

Les amendements identiques COM-18 et COM-5 rectifié sont adoptés et deviennent article additionnel.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-19 tend à renforcer la répression des phénomènes visant à soustraire volontairement les enfants à tout contrôle et à les placer dans des situations d'isolement social. Lors des différentes enquêtes menées au sein des mouvements sectaires, on découvre des enfants isolés, qui ne sont même pas déclarés à l'état civil. Il est proposé d'ériger cette non déclaration en circonstance aggravante des délits de privation d'aliments ou de soin et de manquement à ses obligations par une personne ayant autorité sur mineur.

L'amendement COM-19 est adopté et devient article additionnel.

Article 3

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-20 concerne la procédure d'agrément. Il est utile que les associations puissent se constituer partie civile dans le cadre des procédures d'instruction. Les associations, notamment l'Unadfi, souhaitaient disposer d'un délai plus long afin de poursuivre ces procédures ; nous étendons ce délai de neuf mois à un an.

L'amendement COM-20 est adopté.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Avant l'article 4

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-21 a pour objet de sanctionner plus fortement les délits commis avec les moyens numériques. Il propose d'instituer une nouvelle circonstance aggravante dans le cas d'une utilisation de ces moyens, et d'introduire une peine complémentaire, en cas de commission de ces mêmes infractions par ces moyens, de bannissement numérique.

L'amendement COM-21 est adopté et devient article additionnel.

Article 4

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis visent à supprimer l'article 4.

M. Christophe Chaillou. - La rédaction n'est pas satisfaisante, mais la suppression de l'article ne veut pas dire que nous approuvons celle-ci sur le fond.

Les amendements identiques COM-22 et COM-1 rectifié bis sont adoptés. En conséquence, l'amendement COM-3 devient sans objet.

L'article 4 est supprimé.

Article 5

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 visent à supprimer l'article 5, alors que nous souhaitons le maintenir.

En effet, lorsqu'un professionnel de santé est condamné ou placé sous contrôle judiciaire, il nous semble logique d'en informer l'ordre duquel il est membre, de manière à faciliter le prononcé rapide de sanctions ordinales. Avis défavorable.

Les amendements identiques COM-2 rectifié bis et COM-11 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté sans modification.

Après l'article 5

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-6 aborde une vraie difficulté dans la lutte contre les dérives thérapeutiques, mais se heurte à plusieurs obstacles, celle de l'information des individus bénéficiant de thérapies « non conventionnelles ».

Tout d'abord, le ministère de la santé nous a indiqué qu'il n'existait pas de liste établie de ces thérapies. Par ailleurs, la Miviludes ne dispose sans doute pas des moyens d'établir les fiches demandées. Enfin, l'infraction pénale, telle qu'elle est rédigée, ne permet pas de déterminer avec certitude sur qui pèsera la sanction, notamment s'il s'agira d'une personne physique ou morale.

Lors de son audition, le ministère de la santé a indiqué qu'il réactivait son groupe d'étude pour améliorer le dispositif existant. Sans doute sera-t-il à même d'apporter une réponse partielle au problème soulevé. En l'état, il nous semble impossible d'adopter cet amendement. J'en demande de retrait ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Mme Nathalie Delattre. - Je le retire et le présenterai de nouveau en séance, comme amendement d'appel.

L'amendement COM-6 est retiré.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Suivant la jurisprudence de la commission en matière de rapports, avis défavorable à l'amendement COM-7.

Mme Nathalie Delattre. - Je le présenterai de nouveau, comme amendement d'appel. Nous n'avons pas l'habitude de demander des rapports, mais le sujet est grave. Cela permettra d'avoir un débat en séance, notamment sur la question de l'absence de liste concernant les pratiques non conventionnelles.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Article 6

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-23 tire les conséquences de la suppression des articles 1er et 2 du projet de loi, tout en conservant la procédure d'amicus curiae, au bénéfice notamment de la Miviludes.

L'amendement COM-23 est adopté.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-10 vise à ouvrir la procédure d'expertise, ce que prévoit déjà la procédure d'instruction pénale, mais pas sous le statut d'amicus curiae. Avis défavorable.

Pour rappel, la procédure d'amicus curiae permettra à la Miviludes d'intervenir dans le cadre de l'instruction pénale indépendamment de ce qui existe déjà, à savoir l'expertise judiciaire ou le témoignage. Le magistrat instructeur pourra interroger la Miviludes sur des éléments généraux et objectifs.

M. François-Noël Buffet, président. - En droit, un amicus curiae est une personnalité ou un organisme non directement liés aux protagonistes d'une affaire judiciaire, qui propose au tribunal de lui présenter des informations ou des opinions pouvant l'aider à trancher l'affaire sous la forme d'un mémoire, d'un témoignage non sollicité par une des parties ou d'un document traitant d'un sujet en rapport avec le cas. La décision sur l'opportunité d'admettre le dépôt de ces informations ou de ces opinions est à la discrétion du tribunal.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Nous sommes favorables à cette nouvelle mesure.

L'amendement COM-10 n'est pas adopté.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-24 précise que les éléments produits par un service de l'État, dans le cadre de cette nouvelle procédure, sont soumis au débat contradictoire.

L'amendement COM-24 est adopté.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 7

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Par coordination, l'amendement COM-25 vise à supprimer l'article 7.

L'amendement COM-25 est adopté.

L'article 7 est supprimé.

Intitulé du projet de loi

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - L'amendement COM-4 prévoit de changer l'intitulé de la proposition de loi, comme le suggérait le Conseil d'État. Ce projet visait à réprimer, au-delà des dérives sectaires, tous les phénomènes d'emprise mentale. Cela ne nous apparaissait pas souhaitable, et nous avons, en conséquence, décidé de supprimer l'article 1er. Demande de retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Division(s) additionnelle(s) avant le Chapitre Ier : Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Mme JOSENDE, rapporteure

12

Création d'une division additionnelle

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant le Chapitre Ier : Faciliter et renforcer les poursuites pénales

Mme JOSENDE, rapporteure

13

Conférer un statut législatif à la Miviludes

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant l'Article 1er

Mme JOSENDE, rapporteure

14

Institution d'une circonstance aggravante en cas d'utilisation de moyens électroniques ou numériques pour commettre un abus de faiblesse

Adopté

Article 1er

Mme JOSENDE, rapporteure

15

Suppression de l'article 1er

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

8

Introduction de notion d'assujettissement, sanction des pressions indirectes et aggravation des peines en cas de pluralité de victimes 

Rejeté

Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

16

Suppression de l'article 2

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

9

Ajout de la notion d'assujettissement 

Rejeté

Division(s) additionnel(s) après l'Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

17

Création d'une division additionnelle

Adopté

Article(s) additionnel(s) après l'Article 2

Mme JOSENDE, rapporteure

18

Allongement du délai de prescription applicable aux mineurs victimes d'abus de faiblesse

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

5 rect. bis

Allongement du délai de prescription applicable aux mineurs victimes d'abus de faiblesse

Adopté

Mme JOSENDE, rapporteure

19

Renforcement des sanctions en cas de manquements aux obligations parentales en cas de non déclaration à l'état civil d'un mineur

Adopté

Article 3

Mme JOSENDE, rapporteure

20

Allongement de la période transitoire permettant aux associations reconnues d'utilité publique de se constituer partie civile

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant l'Article 4

Mme JOSENDE, rapporteure

21

Institution d'une circonstance aggravante en cas d'utilisation de moyens électroniques ou numériques pour commettre des délits d'exercice illégal de la médecine ou de pratiques commerciales trompeuses

Adopté

Article 4

Mme JOSENDE, rapporteure

22

Suppression de l'article 4

Adopté

M. HOUPERT

1 rect. bis

Suppression de l'article 4

Adopté

Mme Nathalie DELATTRE

3 rect.

Caractérisation de la provocation à l'abandon de soins ou à l'adoption de pratiques thérapeutiques non conventionnelles comme résultant d'une recommandation, d'une consultation ou d'une injonction individuellement adressée

Rejeté

Article 5

M. HOUPERT

2 rect. bis

Suppression de l'article 5 

Rejeté

M. BENARROCHE

11

Suppression de l'article 5 

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'Article 5

Mme Nathalie DELATTRE

6 rect.

Obligation de renvoi vers une notice élaborée par la Miviludes en cas de promotion ou de vente de biens et de services liés à des pratiques thérapeutiques non conventionnelles 

Retiré

Mme Nathalie DELATTRE

7 rect.

Remise d'un rapport annuel au Parlement dressant  un suivi statistique du recours de la population aux pratiques thérapeutiques non conventionnelles. 

Rejeté

Article 6

Mme JOSENDE, rapporteure

23

Restriction du champ d'application de la procédure d'amicus curiae au délit d'abus de faiblesse

Adopté

M. Jean-Baptiste BLANC

10

Précisions quant à la complémentarité de la procédure d'amicus curiae avec les procédures existantes en matière d'expertise

Rejeté

Mme JOSENDE, rapporteure

24

Obligation de verser au contradictoire l'ensemble des éléments obtenus par la procédure d'amicus curiae

Adopté

Article 7

Mme JOSENDE, rapporteure

25

Suppression de l'article 7

Adopté

Intitulé du projet de loi

Mme Nathalie DELATTRE

4 rect.

Changement de l'intitulé de la proposition de loi

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 38(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie39(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte40(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial41(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 13 décembre 2023, le périmètre indicatif du projet de loi n° 111 (2023-2024) visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives aux :

- infractions pénales permettant de réprimer et sanctionner les effets négatifs des dérives sectaires ;

- prérogatives et moyens de la Miviludes ;

- modalités de constitution de partie civile pour les associations de défense des victimes de dérives sectaires ;

- modalités d'information des ordres médicaux en cas de sanction pénale ou de mesure de sûreté prononcée à l'encontre d'un de leur membre en lien avec une dérive sectaire.

LISTES DES PERSONNES ENTENDUES
ET DE LA CONTRIBUTION ÉCRITE

Personnalités qualifiées

M. Nicolas About, ancien sénateur des Yvelines, auteur de la proposition de loi tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales

M. Jacques Mézard, ancien sénateur du Cantal, auteur du rapport sénatorial Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger, fait au nom de la Commission d'enquête Mouvements à caractère sectaire, déposé le 3 avril 2013

M. Georges Fenech, ancien président de la Miviludes

Mme Delphine Guérard, psychologue et psychanalyste, experte près la Cour d'appel de Paris

Ministère de la Justice

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

M. Olivier Christen, directeur

M. Thibault Cayssials, chef du bureau de la législation pénale spécialisée

Mme Mathilde Barrachat, cheffe adjointe du bureau de la législation pénale spécialisée

Ministère de la santé et de la prévention

Direction générale de la Santé (DGS)

Mme Line Legrand, cheffe du bureau Qualité des pratiques et recherches impliquant la personne humaine

Mme Hélène Wulfman, sous-directrice des affaires juridiques des ministères sociaux

Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes)

M. Etienne Apaire, président

M. Donatien Le Vaillant, chef de la Miviludes

Mme Audrey Keysers, adjointe au chef de la Miviludes

Office central pour la répression des violences aux personnes (OCRVP)

M. Franck Dannerolle, commissaire divisionnaire, chef de l'OCRVP

Cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (CAIMADES)

Mme Claire Lebas, commandant, cheffe de la CAIMADES

Table-ronde des associations impliquées dans la lutte contre les dérives sectaires

Groupe d'étude des mouvements de pensée en vue de la protection de l'individu (GEMPPI)

M. Didier Pachoud, président

Me Emmanuel Gautier, Nguyen, juriste

Centre National d'Accompagnement Familial Face à l'Emprise Sectaire (CAFFES)

Mme Audrey Foulon, directrice

Mme Marion Delcourt, élève avocate

Centre contre les manipulations mentales, ou Centre Roger-Ikor (CCMM)

M. Francis Auzeville, président

Mme Annie Guibert, trésorière, ancienne présidente

Mme Francine Caumel Dauphin, vice-présidente

Union nationale des associations de défense des familles et de l'individu victimes de sectes (UNADFI)

Mme Catherine Katz, présidente

Mme Pascale Duval, directrice

CONTRIBUTION ÉCRITE

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-111.html


* 1 Il convient de rappeler que la qualification de « sectaire » appliquée à un mouvement a été jugée à plusieurs reprises contraire à la convention européenne des droits de l'Homme par les juges de Strasbourg, dont trois arrêts du 31 janvier 2013.

* 2 Référé n° S2017-16.

* 3 Avis n° 146 (2019-2020) « Administration générale et territoriale de l'État »

* 4 Loi no 2001-504 du 12 juin 2001 tendant à renforcer la prévention et la répression des mouvements sectaires portant atteinte aux droits de l'homme et aux libertés fondamentales.

* 5 La justice face aux dérives sectaires, remis le 11 juillet 2008.

* 6 « Doter la MIVILUDES d'une dimension décisionnelle et opérationnelle dans un nouveau cadre législatif. »

* 7 Rapport n° 480 (2012-2013) de la commission d'enquête relative aux « Dérives thérapeutiques et dérives sectaires : la santé en danger », déposé le 3 avril 2013.

* 8 Décret n° 2020-867 du 15 juillet 2020 modifiant le décret n° 2002-1392 du 28 novembre 2002 instituant une mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires

* 9 Cour des comptes - Référé n° S2017-1611 du 27 mai 2017.

* 10 Étude d'impact du projet de loi, p. 55.

* 11 La peine encourue en cas de harcèlement au moyen d'un service de communication au public en ligne ou par le biais d'un support électronique ou numérique est portée à deux ans d'emprisonnement et à 30 000 d'amende, en application de l'article 222-33-2 du code pénal, soit un doublement de la peine encourue pour les mêmes faits commis en dehors de l'espace numérique. De façon analogue, en matière de harcèlement scolaire, les peines encourues sont doublées en vertu de l'article 222-33-2-3 du même code.

* 12 Rapport fait au nom de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs par Georges Fenech, déposé le 12 décembre 2006, p. 106.

* 13 Tribunal correctionnel de Pau, 19 mars 2002 : JCP 2002. IV. 2923.

* 14 Rapport fait au nom de la commission d'enquête relative à l'influence des mouvements à caractère sectaire et aux conséquences de leurs pratiques sur la santé physique et mentale des mineurs par Georges Fenech, déposé le 12 décembre 2006, p. 96.

* 15 Sources statistiques de la direction des affaires criminelles et des grâces dans sa contribution écrite envoyée au rapporteur.

* 16 Étude d'impact du projet de loi, p. 55.

* 17 Ibidem.

* 18 Voir les articles L. 4161-1 à L. 4161-5 du code de la santé publique s'agissant de l'exercice illégal de la médecine et les articles L. 132-1 à L. 132-5 relatifs aux pratiques commerciales trompeuses.

* 19 Pour plus de précisions, voir l'article 5 du projet de loi n° 175 visant à sécuriser et réguler l'espace numérique dans sa rédaction résultant des travaux du Sénat.

* 20 Étude d'impact du projet de loi, p. 96.

* 21 L'étude d'impact sur l'article 4 du projet de loi mentionne ainsi à sa page 94 qu'"à titre d'exemple, la chaîne Youtube du « crudivoriste » Thierry Casanovas a réuni plus de 500 000 « followers », pour la promotion de « thérapies alternatives » (stages de jeûnes, jus de légumes etc.) même pour des pathologies lourdes (ex. cancers), l'intéressé, ayant fait l'objet de plus de 700 demandes d'assistance ou d'informations auprès de la Miviludes".

* 22 Le Conseil constitutionnel a indiqué, dans sa décision QPC n° 2017-693 du 2 mars 2018, « qu'en instaurant le secret de l'enquête et de l'instruction, le législateur a entendu d'une part, garantir le bon déroulement de l'enquête et de l'instruction poursuivant ainsi les objectifs de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public et de recherche des auteurs d'infractions, tous deux nécessaires à la sauvegarde de droits et de principes de valeur constitutionnelle. Il a entendu, d'autre part, protéger les personnes concernées par une enquête ou une instruction, afin de garantir le droit au respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, qui découle des articles 2 et 9 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789. »

* 23 Alinéa 3 de l'article 11-2 du code de procédure pénale.

* 24 Voir le 1er alinéa de l'article 706-47-4 du code de procédure pénale.

* 25 Pour plus de précisions, voir le 12° bis de l'article 138 du code de procédure pénale.

* 26 Étude d'impact du projet de loi, p. 67.

* 27 Avis du Conseil d'Etat sur le projet de loi, p. 5.

* 28 Elles sont prévues par les articles 214-1 à 214-4, 221-1 à 221-6, 222-1 à 222-40, 223-1 à 223-15, 223-15-2, 224-1 à 224-4, 225-5 à 225-15, 225-17, 226-1 à 226-23, 227-1 à 227-27, 311-1 à 311-13, 312-1 à 312-12, 313-1 à 313-3, 314-1 à 314-3, 324-1 à 324-6 et 511-1-2 du code pénal.

* 29 Elles sont prévues par les articles L. 4161-5 et L. 4223-1 du code de la santé publique.

* 30 Elles sont prévues par les articles L. 121-6 et L. 213-1 à L. 213-4 du code de la consommation.

* 31 Étude d'impact du projet de loi, p. 98.

* 32 Ibidem.

* 33 Avis du Conseil d'État, p. 6.

* 34 R. Godet, La participation des autorités administratives indépendantes aux règlements des litiges juridictionnels : l'exemple des autorités de marché, RFDA 2002.957

* 35 En matière civile, l'article L. 431-3-1 du code de l'organisation judiciaire dispose que « lors de l'examen du pourvoi, la Cour de cassation peut inviter toute personne dont la compétence ou les connaissances sont de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ».

* 36 En matière administrative, l'article R. 625-3 du code de justice administrative prévoit que « la formation chargée de l'instruction peut inviter toute personne, dont la compétence ou les connaissances seraient de nature à l'éclairer utilement sur la solution à donner à un litige, à produire des observations d'ordre général sur les points qu'elle détermine ».

* 37 Conseil d'État, 6 mai 2015, Caous, req., n° 375036.

* 38 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 39 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 40 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 41 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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