- L'ESSENTIEL
- I. DES VIOLENCES EN SANTÉ
PRÉOCCUPANTES MALGRÉ L'ABSENCE DE DONNÉES
EXHAUSTIVES
- II. UN TEXTE MISANT SUR LA JUSTICE PÉNALE
POUR RÉPONDRE AU SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DES
PROFESSIONNELS DE SANTÉ
- III. DES MESURES PRINCIPALEMENT SYMBOLIQUES MAIS
QUI PARTICIPENT D'UNE « TOLÉRANCE ZÉRO »
À L'ÉGARD DES VIOLENCES EN SANTÉ
- I. DES VIOLENCES EN SANTÉ
PRÉOCCUPANTES MALGRÉ L'ABSENCE DE DONNÉES
EXHAUSTIVES
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Aggravation des peines encourues pour des faits de vol et de violences commis dans les locaux des établissements de santé ou à l'encontre des personnels de ces établissements
- Article 2
Extension du délit d'outrage aux professionnels de santé et des circonstances aggravantes lorsque le délit est commis dans un établissement de santé
- Article 2 bis
(Supprimé)
Possibilité, pour les professionnels de santé, de déclarer comme domicile l'adresse de leur ordre professionnel ou leur adresse professionnelle lorsqu'ils portent plainte
- Article 3
Possibilité pour l'employeur de porter plainte en lieu et place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé
- Article 3 bis
(supprimé)
Présentation annuelle, dans chaque établissement de santé ou médico-social, d'un bilan des actes de violences commis à l'égard du personnel et des moyens mis en oeuvre pour y remédier
- Article 4
Coordinations outre-mer
- Article 5 (supprimé)
Rapport sur les conditions de travail et de sécurité dans les services de nuit, notamment les services d'urgence
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU
SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 562
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 30 avril 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel, du Règlement et
d'administration générale (1) sur la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la
procédure accélérée,
visant à
renforcer la
sécurité des
professionnels de
santé,
Par Mme Anne-Sophie PATRU,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de :
Mme Muriel Jourda, présidente ;
M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La
Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain,
Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman,
MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset,
vice-présidents ; M. André Reichardt,
Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier
Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine
Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie
Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer,
MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco,
Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende,
MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier,
Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte,
Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul
Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia,
M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva
Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis
Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel,
Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
2093, 2296 et T.A. 259 |
|
Sénat : |
430 (2023-2024) et 563 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Mettant en oeuvre les mesures de nature législative du « plan pour la sécurité des professionnels de santé », présenté en septembre 2023 par Aurélien Rousseau et Agnès Firmin Le Bodo, alors respectivement ministre de la santé et de la prévention et ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé a été adoptée par l'Assemblée nationale en mars 2024 pour répondre au sentiment, largement partagé par les professionnels de santé, d'une recrudescence des violences à leur encontre.
Malgré l'absence de données exhaustives, les chiffres récoltés sur la base des signalements volontaires démontrent indubitablement que les professionnels de santé sont exposés à des actes de violences dans des proportions qui ne peuvent être tolérées.
Pour prévenir ces violences, le texte transmis au Sénat comporte trois catégories de mesures. Les articles 1er et 2 renforcent ou étendent les sanctions encourues pour des faits de violence, de vol ou d'outrage commis dans les locaux des établissements de santé ou à l'encontre des personnels de ces établissements. Les articles 2 bis et 3 visent à faciliter le dépôt de plainte en cas de violence à l'encontre d'un professionnel de santé, en autorisant ce dernier à déclarer l'adresse de son ordre professionnel et en permettant à son employeur de déposer plainte pour lui. Enfin, dans le but d'améliorer la connaissance des violences commises dans les divers établissements de santé, l'article 3 bis prévoit la présentation annuelle au conseil d'administration ou de surveillance d'un bilan de ces actes de violence et des moyens mis en oeuvre pour y remédier.
Souscrivant pleinement aux objectifs poursuivis par la proposition de loi et constatant l'attente forte qu'elle suscite parmi les professionnels, la commission a, sur proposition de sa rapporteure, Anne-Sophie Patru, adopté la proposition de loi en veillant toutefois à sa bonne articulation avec le droit en vigueur et à assurer son opérationnalité. Pour ce faire, elle a adopté 6 amendements de sa rapporteure, portant des modifications de nature juridique ou rédactionnelle et supprimant les articles redondants avec l'état du droit.
I. DES VIOLENCES EN SANTÉ PRÉOCCUPANTES MALGRÉ L'ABSENCE DE DONNÉES EXHAUSTIVES
Le principal outil national de recueil statistique des violences en santé est l'observatoire national des violences en santé (ONVS). Dépendant du ministère de la santé, l'ONVS a été créé en 2005 dans le but - notamment - d'acquérir une « connaissance exhaustive »1(*) des actes de violence dans le milieu de la santé. Pour ce faire, il est censé être informé « de chaque fait grave qui viendrait à se produire », cette information lui permettant de publier un rapport annuel sur l'évolution des violences en santé.
L'objectif d'une connaissance exhaustive des actes de violences relève toutefois, comme le reconnaît lui-même l'ONVS dans son dernier rapport public, en date de 2022, d'un voeu pieux, dans la mesure où les signalements recueillis sur la plateforme de signalement de l'ONVS ne relèvent que du volontariat des établissements et des professionnels de santé : ils n'ont donc pas vocation à l'exhaustivité, malgré les directives ministérielles initiales. Un observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM), au fonctionnement similaire, a été en outre créé en 2003 par le conseil national de l'ordre des médecins, pour recueillir, toujours sur la base du volontariat, des statistiques relatives aux violences commises à l'encontre des médecins.
Les données ainsi récoltées, même parcellaires, permettent cependant d'appréhender l'ampleur des violences en santé et de constater qu'elles constituent un phénomène qui n'est pas circonscrit à des faits isolés. Ainsi, sur la période 2019 - 2023, environ 20 000 signalements d'actes de violence ont été effectués par les professionnels de santé ou les établissements concernés sur la plateforme de l'ONVS. Avec 20 961 signalements, l'année 2024 apparaît en hausse de 6,6 % par rapport à 2023, ce qui peut traduire à la fois une hausse des violences et des progrès dans la systématisation de leur signalement. Pour ce qui concerne les médecins, la dernière année pour laquelle des données sont disponibles, l'année 2023, démontre, sous les mêmes réserves, une hausse de 27 % des signalements, avec 1 581 actes de violence signalés.
Ces signalements concernent majoritairement - environ 80 % - des atteintes aux personnes, le reste relevant des atteintes aux biens. Parmi les atteintes aux personnes, il s'agit principalement de violences physiques et de menaces avec arme (environ 50 %), puis d'insultes et d'injures (environ 30 %), de menaces d'atteintes à l'intégrité physique (17 %) et enfin de violences avec arme (3 %).
Source : commission des lois, d'après les données transmises par le ministère de la santé et le dernier rapport de l'observatoire national de la sécurité des médecins
Si la hausse des violences est difficile à étayer en l'absence de statistiques exhaustives, d'autant plus que les signalements auprès de l'ONVS demeurent inférieurs à la période antérieure à la crise du Covid-19, la rapporteure a pu toutefois constater l'unanimité des professionnels de santé quant au sentiment, fort compréhensible compte tenu du caractère inadmissible de ces violences, que les lieux de soins n'étaient plus préservés des accès de violences et d'incivilités et que la situation s'était dégradée.
Ces violences ont donné lieu à un taux de réponse pénale élevé, situé, selon les années, entre 89 % et 94 %. Il résulte d'une volonté affirmée en dernier lieu par la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, qui enjoint les procureurs généraux et les procureurs de la République à une mobilisation particulière s'agissant de la lutte contre les violences commises envers les personnels de santé.
Les condamnations prononcées en première instance pour les faits de menace ou de violence contre les professionnels de santé comportent dans trois quarts des cas (de 72 % à 80 % selon les années) des peines d'emprisonnement. Elles sont cependant loin des quanta fixés par la loi pour les différentes infractions de menaces ou de violences, soit de trois à dix ans de prison. La durée moyenne de peines fermes prononcées n'atteint pas sept mois.
II. UN TEXTE MISANT SUR LA JUSTICE PÉNALE POUR RÉPONDRE AU SENTIMENT D'INSÉCURITÉ DES PROFESSIONNELS DE SANTÉ
Le texte transmis au Sénat par l'Assemblée nationale comporte sept articles qui, outre les deux derniers qui procèdent à l'application en outre-mer du texte et à une demande de rapport, poursuivent trois objectifs principaux.
A. RENFORCER LES SANCTIONS CONTRE LES ATTEINTES AUX PERSONNELS DES STRUCTURES DE SOINS
Les articles 1er et 2 tendent à mieux protéger les lieux de soins en augmentant les sanctions contre les violences physiques ou verbales à l'encontre de l'ensemble des personnels qui y travaillent. L'article 1er étend à l'ensemble des personnels des structures hospitalières, médicales, paramédicales et médico-sociales, quel que soit leur mode d'exercice, l'aggravation des sanctions prévues depuis plus de vingt ans pour les violences commises à l'encontre des professionnels de santé. Il étend par ailleurs le champ d'application des circonstances aggravantes retenues en cas de vol de matériel médical. L'article 2 procède à une extension parallèle pour les outrages.
B. SYSTÉMATISER LES DÉPÔTS DE PLAINTE APRÈS CHAQUE INCIDENT
Parallèlement au renforcement des sanctions pénales, la proposition de loi entend rendre plus systématique le dépôt d'une plainte lorsqu'un professionnel de santé ou un membre d'un établissement de santé ou médico-social est victime de violences. En effet, d'après les données de l'ONVS et de l'ONSM, moins d'un tiers des signalements de violences donnent lieu à l'engagement d'une procédure judiciaire par la victime.
Pour ce faire, l'article 2 bis octroie aux professionnels de santé la possibilité de déclarer comme domicile l'adresse de leur ordre professionnel ou leur adresse professionnelle lorsqu'ils portent plainte, sous réserve de l'accord du procureur de la République ou du juge d'instruction. Dans une logique similaire à l'extension de la plainte pour autrui effectuée récemment par le législateur pour les agents d'un service public de transport, l'article 3 permet à l'employeur de porter plainte à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé ou médico-social.
C. AMÉLIORER LA CONNAISSANCE ET LE SUIVI DES VIOLENCES EN SANTÉ
Enfin, l'article 3 bis prévoit que soit annuellement présenté au conseil de surveillance ou au conseil d'administration des divers établissements publics ou privés de santé ou médico-sociaux un « bilan des actes de violences commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels ». Le conseil de surveillance devrait ensuite émettre un avis sur ce bilan.
III. DES MESURES PRINCIPALEMENT SYMBOLIQUES MAIS QUI PARTICIPENT D'UNE « TOLÉRANCE ZÉRO » À L'ÉGARD DES VIOLENCES EN SANTÉ
À l'instar de l'Assemblée nationale, la commission considère comme inacceptables les violences commises à l'encontre des soignants et du personnel qui les entoure et a réitéré son soutien aux victimes de ces violences. Hors du cas spécifique des violences s'expliquant par des troubles cognitifs ou des pathologies, toute banalisation de la violence dans les lieux de soins doit ainsi être jugulée.
Bien que consciente de la portée avant tout symbolique des mesures proposées par le texte et de la nécessité de les coupler avec des moyens financiers pour rehausser la sécurité des établissements de santé, d'une part, et une mobilisation judiciaire à la hauteur du sentiment de vulnérabilité des soignants, d'autre part, la commission a accueilli favorablement le texte. Elle estime en effet qu'il participe de l'objectif « d'une tolérance zéro » à l'égard de ces violences.
Par l'adoption de 6 amendements présentés par sa rapporteure, elle a toutefois veillé à sécuriser juridiquement les mesures qui lui sont apparues utiles et à ne conserver que celles dont la plus-value législative était démontrée.
Sur le premier point, la commission a précisé à l'article 1er que le renforcement des sanctions vise les atteintes à toutes les personnes employées au sein des structures de soin et non seulement directement employées par ces structures. Considérant que l'infraction d'outrage était inadaptée à la protection des professionnels libéraux, elle a décidé de réécrire le dispositif de l'article 2 et de compléter l'infraction d'injure, sanctionnée par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881. Cette modification entraine un délai de prescription plus court, d'une durée d'un an, que la commission a jugé raisonnable. À l'article 3, la commission a précisé que le dépôt de plainte par l'employeur ne sera pas possible lorsque les violences alléguées sont commises entre membres du service. Elle a en outre confié aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels libéraux organisés par ordre et a aligné les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions libérales.
Sur le second point, la commission a supprimé les articles 2 bis, 3 bis et 5. L'article 2 bis est en effet satisfait par l'article 10-2 du code de procédure pénale, qui permet déjà à tout plaignant de déclarer, avec son accord, l'adresse d'un tiers. De même, l'article 3 bis est en grande partie satisfait par des dispositions de nature règlementaire, notamment le 9° de l'article R. 231-1 du code général de la fonction publique et l'arrêté du 28 avril 2022 du ministre des solidarités et de la santé fixant pour la fonction publique hospitalière la liste des indicateurs contenus dans la base de données sociales, qui prévoient que les données du rapport social unique relatives à la santé et à la sécurité doivent comporter des éléments sur les « violences sur agent », et notamment « le nombre d'actes de violence » et « le nombre de victimes d'actes de violence ».
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Aggravation des peines encourues pour des faits de vol et
de violences commis dans les locaux des établissements de santé
ou à l'encontre des personnels de ces établissements
L'article 1er étend à l'ensemble des personnels des structures hospitalières, médicales, paramédicales et médico-sociales, quel que soit leur mode d'exercice, l'aggravation des sanctions prévues pour les violences commises à l'encontre des professionnels de santé. Il étend par ailleurs le champ d'application des circonstances aggravantes retenues en cas de vol de matériel médical.
La commission a adopté cet article en précisant qu'il vise toutes les personnes employées au sein des structures et non seulement celles employées directement par elles.
1. Une protection renforcée des professionnels de santé prévue de longue date par les textes
L'article 60 de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure2(*) a introduit dans le droit pénal des sanctions renforcées pour les violences à l'encontre des professionnels de santé. Celles-ci prennent la forme de circonstances aggravantes identiques à celles prévues pour les personnes dépositaires de l'autorité publique ou d'une mission de service public ou de sécurité dans l'exercice ou du fait de leurs fonctions, lorsque la qualité de la victime est apparente ou connue de l'auteur.
Cette protection des professionnels de santé est indépendante de leurs modalités d'exercice et s'étend donc tant aux professionnels agissant dans le cadre du service public que ceux exerçant à titre libéral.
Les éléments statistiques fournis à la rapporteure par le ministère de la justice montrent une croissance continue du nombre d'affaires de violences concernant les professionnels de santé orientées vers les parquets (691 en 2019, 1017 en 2023), avec un taux de réponse pénale élevé, situé, selon les années, entre 89 % et 94 %. Cette évolution suit celle, documentée notamment par les ordres professionnels, d'une augmentation des violences contre les professionnels de santé. Elle marque une volonté de prise en compte de ce phénomène par la justice, affirmée en dernier lieu par la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, qui enjoint les procureurs généraux et les procureurs de la République à une mobilisation particulière s'agissant de la lutte contre les violences commises envers les personnels de santé.
Les condamnations prononcées en première instance pour les faits de menace ou de violence contre les professionnels de santé comportent dans trois quarts des cas (de 72 % à 80 % selon les années) des peines de prison. Elles sont cependant loin des quanta fixés par la loi pour les différentes infractions de menaces ou de violences, soit de trois à dix ans d'emprisonnement. La durée moyenne de peines fermes prononcées n'atteint pas sept mois en moyenne. Cette situation, qui n'est pas propre aux mesures destinées à une répression plus forte des violences contre les soignants, marque les limites de l'impact d'une augmentation du quantum de peines.
2. Une extension de la protection à tous les professionnels travaillant dans les secteurs des soins et aux lieux où ceux-ci sont prodigués
L'article 1er propose de répondre aux phénomènes d'agressions des soignants et personnels exerçant dans des établissements de santé par la transcription dans la loi de plusieurs mesures figurant dans le « plan pour la sécurité des soignants » du 29 septembre 2023. Il se compose de deux parties. Les 1° A et 1° de l'article sont relatifs aux violences ; le 2° aux vols.
Le 1° A et 1° de l'article étendent le champ des catégories de personnes et des lieux relevant des sanctions aggravées sans agir sur le quantum de peines. Cette extension correspond à celle établie pour les membres des personnels « travaillant dans les établissements d'enseignement scolaire » par l'article 11 de la loi du 2 mars 2010 renforçant la lutte contre les violences de groupes et la protection des personnes chargées d'une mission de service public3(*).
Initialement limitée aux professionnels des établissements de santé, l'article 1er a été étendu par la commission des lois de l'Assemblée nationale aux membres du personnel travaillant dans :
- un établissement de santé ;
- un centre de santé ;
- une maison de santé ;
- une maison de naissance ;
- un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé ;
- une officine de pharmacie ;
- un laboratoire de biologie médicale ;
- un établissement ou un service social ou médico-social.
Le nombre d'infractions a également été étendu. Initialement restreint aux violences ayant entrainé une interruption temporaire de travail de plus (article 222-12 du code pénal) ou de moins (article 222-13) de huit jours, l'article 1er vise désormais également les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (article 222-8) et celles ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente (article 222-10).
Le 2° étend les sanctions actuellement prévues par l'article 311-4, soit cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende, pour le vol de « matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours » à tout matériel « médical ou paramédical ou lorsqu'il est commis dans un établissement de santé ».
2. La position de la commission : une extension justifiée mais dont l'impact pourrait être limité
La commission estime nécessaire de protéger tous les personnels, soignants ou administratifs, en contact direct avec le public et, à ce titre, les plus susceptibles d'être soumis à des violences, quelles que soient les modalités d'exercice de la structure où ils exercent. La sanctuarisation des espaces de soins, à l'instar des établissements scolaires, participe d'une volonté de lutte contre la brutalisation des relations sociales.
La commission est donc favorable à l'extension prévue par l'Assemblée nationale afin de couvrir les personnels de toutes les structures liées aux soins. À l'initiative de la rapporteure, la commission a donc adopté un amendement COM-9 précisant que les sanctions renforcées visent les actes de violence commis à l'encontre de tous les professionnels « exerçant au sein » d'une structure, et non pas seulement ceux qui sont ses employés directs.
La commission note cependant que l'extension votée par l'Assemblée nationale dépasse largement le périmètre initial de la proposition par l'inclusion des services sociaux, qui, s'ils peuvent avoir une dimension de prise en charge liée aux soins, n'en ont pas dans leur majorité.
S'agissant de l'élargissement du champ des sanctions aggravées en matière de vol, la commission des lois considère que l'imprécision de la notion de « matériel destiné à prodiguer des soins de premiers secours » a nui à la mise en oeuvre de cette disposition. Elle considère cependant qu'il conviendra d'examiner l'impact de la nouvelle notion de « matériel médical et paramédical » volé au sein d'un établissement de santé, qui est particulièrement large et pourrait s'avérer d'application complexe. Elle n'a donc pas souhaité étendre encore cette infraction, notamment aux produits de santé. Elle souhaite enfin que cette infraction ne soit pas détournée de son objet et instrumentalisée dans les conflits sociaux avec les personnels, risque qu'ont souligné plusieurs syndicats.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
Extension
du délit d'outrage aux professionnels de santé et
des circonstances aggravantes lorsque le délit est commis dans un
établissement de santé
L'article 2 prévoit que le délit d'outrage est caractérisé lorsqu'il est commis à l'encontre d'un professionnel de santé ou d'une personne chargée d'une mission de service public et que les faits ont été commis à l'intérieur d'un établissement de santé des structures hospitalières, médicales, paramédicales et médico-sociales, quel que soit leur mode d'exercice.
La commission a considéré que, du fait de l'élargissement du champ de l'article 2, le délit d'insulte est plus adapté à l'objectif visé que celui d'outrage et a adopté en conséquence adopté cet article avec une nouvelle rédaction.
1. Le dispositif proposé
Aux termes de l'article 433-5 du code pénal, l'outrage est réprimé lorsqu'il est commis à l'encontre d'une « personne chargée d'une mission de service public, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de sa mission ».
La répression est aggravée lorsque l'outrage est adressé à une personne dépositaire de l'autorité publique, à un sapeur-pompier ou à un marin-pompier (alinéa 2 de ce même article) ; à une personne chargée d'une mission de service public lorsque les faits ont été commis à l'intérieur d'un établissement scolaire ou éducatif ou à l'occasion des entrées ou sorties des élèves aux abords d'un tel établissement (alinéa 3) ; et lorsqu'il est commis en réunion (alinéa 4).
L'article 2 propose d'intégrer les professionnels de santé à la liste des personnes pour lesquelles l'outrage fait l'objet d'une répression aggravée à l'alinéa 2 et les établissements de santé, centres de santé, maisons de santé, maisons de naissance, cabinets d'exercice libéral d'une profession de santé, d'une officine de pharmacie, d'un laboratoire de biologie médicale ainsi que les établissements d'un service social ou médico-social à l'alinéa 3.
2. La position de la commission : renforcer les sanctions en matière d'injure plutôt que celles liées à l'outrage
L'extension du champ de l'article 433-5 par l'article 2 pose deux types de difficultés : l'une sur la nature de l'infraction, l'autre de cohérence interne.
Le délit d'outrage est lié à l'exercice d'une mission de service public et couvre déjà toutes les personnes agissant à ce titre. L'ajout des professionnels de santé est dès lors partiellement redondant avec le champ actuel de l'article. Mais surtout, l'ajout des professions libérales change la nature de l'infraction et la rapproche de l'injure, réprimée, pour l'ensemble des particuliers, par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Afin de préserver la spécificité des infractions, il semble préférable de maintenir le lien entre le délit d'outrage et le service public.
Ceci d'autant plus que l'article 2 aboutit à un paradoxe du fait de la modification proposée pour l'alinéa 3. En effet, cet alinéa vise les outrages adressés « à une personne chargée d'une mission de service public » dans et aux alentours des établissements scolaires. En étendant la liste des lieux au sein desquels l'infraction peut être constituée, y compris aux cabinets d'exercice libéral, l'article 2 aboutit à la situation peu satisfaisante selon laquelle l'outrage pourrait être caractérisé contre une personne chargée d'une mission de service public présente dans le cabinet mais pas contre le praticien lui-même.
Sur proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté l'amendement COM-10 visant à compléter l'infraction d'injure, sanctionnée par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881, par des dispositions prévoyant des sanctions renforcées pour les personnels visés par l'article 2 et à maintenir l'infraction d'outrage pour les personnes chargées d'un service public. Cette modification entraine un délai de prescription plus court, d'une durée d'un an, que la commission a jugé raisonnable.
La commission a adopté l'article 2 ainsi modifié.
Article 2 bis
(Supprimé)
Possibilité, pour les professionnels de
santé, de déclarer comme domicile l'adresse de leur ordre
professionnel ou leur adresse professionnelle lorsqu'ils portent plainte
L'article 2 bis permet aux professionnels de santé, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, de déclarer comme domicile l'adresse de leur ordre professionnel lorsqu'ils portent plainte ou leur adresse professionnelle lorsqu'ils sont convoqués par la police judiciaire au titre de leur profession.
La commission a supprimé cet article, qui est en grande partie satisfait par les articles 10-2 et 89 du code de procédure pénale.
1. Le code de procédure pénale permet à toutes les victimes et à tous les témoins de déclarer l'adresse d'un tiers plutôt que leur adresse personnelle
Le principe du procès équitable, « garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 »4(*), a pour corolaire le droit, pour toute personne mise en cause, d'être confrontée à son plaignant ou à son dénonciateur. Néanmoins, la nécessité de protéger ces derniers exige qu'une conciliation soit opérée entre ces deux impératifs.
C'est pourquoi le droit pénal et, plus marginalement, le droit civil5(*) prévoient des dérogations au principe général selon lequel l'adresse personnelle doit être déclarée lors des procédures judiciaires.
a) La dissimulation de l'adresse personnelle de la victime
En premier lieu, au stade de l'enquête de police, le 9° de l'article 10-2 du code de procédure pénale impose aux officiers ou agents de police judiciaire, ainsi qu'aux assistants d'enquête, « d'informer par tout moyen les victimes de leur droit [...] de déclarer comme domicile l'adresse d'un tiers, sous réserve de l'accord exprès de celui-ci ». Il s'agit alors, généralement, de l'adresse de leur avocat, mais cela peut aussi être leur employeur, a fortiori si le fait infractionnel a eu lieu dans un cadre professionnel.
Lorsque la victime est une personne dépositaire de l'autorité publique ou qu'elle est chargée d'une mission de service public - ce qui est le cas du personnel des établissements publics de santé - et que l'infraction a été commise en raison de ses fonctions ou de sa mission, le même 9° autorise la victime à déclarer son adresse professionnelle, même sans l'accord de son employeur. Ainsi, comme l'a indiqué à la rapporteure la Fédération hospitalière de France (FHF), « l'utilisation de l'adresse de l'employeur dans le cas d'un dépôt de plainte direct par un professionnel est une pratique déjà largement répandue dans les faits ».
Devant le juge d'instruction, la même procédure est applicable à toute personne qui s'est constituée partie civile, conformément à l'article 89 du code de procédure pénale.
b) La dissimulation de l'adresse personnelle d'un témoin
Dans l'objectif de « protection des témoins »6(*), l'article 706-57 du code de procédure pénale permet également à ces derniers, sous certaines conditions, de dissimuler leur adresse personnelle.
Cette faculté est ouverte à toutes « personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction et qui sont susceptibles d'apporter des éléments de preuve intéressant la procédure ». Celles-ci peuvent alors, sur autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, déclarer comme domicile l'adresse du commissariat ou de la brigade de gendarmerie.
Outre ces dispositions générales, lorsque la personne a été convoquée en raison de sa profession - ce qui inclut naturellement les professionnels de santé -, celle-ci peut déclarer son adresse professionnelle. Lorsque le témoin est une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public pour des faits dont elle a eu connaissance en raison de ses fonctions ou de sa mission, l'autorisation du procureur de la République n'est pas nécessaire pour que soit déclarée l'adresse professionnelle.
Si l'adresse personnelle du témoin est dissimulée à la personne mise en cause, elle est toutefois transmise à l'autorité judiciaire qui « [l']inscrit sur un registre, ouvert à cet effet et tenu sous format papier ou numérique ».
2. L'article 2 bis vise à créer un dispositif spécifique aux professionnels de santé, leur permettant de déclarer leur adresse professionnelle ou l'adresse de leur ordre professionnel
L'article 2 bis a été ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement présenté par Astrid Panosyan-Bouvet (Renaissance, Paris)7(*) et sous-amendé marginalement par le rapporteur, Didier Martin (Renaissance, Côte d'Or)8(*).
Cet article additionnel insère un nouvel article 15-3-4 au sein du chapitre Ier du titre Ier du livre Ier du code de procédure pénale relatif à la police judiciaire. Dans une rédaction proche de celle de l'article 706-57 du même code, autorisant la dissimulation de l'adresse des témoins, ce nouvel article 15-3-4 permettrait spécifiquement aux « professionnels de santé », c'est-à-dire les professions définies à la quatrième partie du code de la santé publique, de déclarer aux officiers et agents de police judiciaire l'adresse de l'ordre professionnel auquel ils appartiennent, sans même solliciter l'accord de l'ordre pour ce faire. Cette possibilité ouverte au professionnel de santé serait toutefois subordonnée à l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ce qui constituerait donc, pour le cas du personnel des établissements publics de santé, un alourdissement des conditions procédurales en comparaison du droit à la déclaration de l'adresse d'un tiers prévu au 9° de l'article 10-2 du code de procédure pénale. En outre, le professionnel de santé pourrait déclarer son adresse professionnelle, « s'il a été convoqué en raison de sa profession ».
Ce nouvel article 15-3-4 ne précise pas à quelles étapes de la procédure judiciaire ces facultés seraient ouvertes ; toutefois, aussi bien son emplacement à la suite des articles traitant du dépôt de plainte que les motifs cités au soutien de l'amendement qui en est à l'origine laissent entendre que la déclaration de l'adresse de l'ordre professionnel interviendrait principalement au stade du dépôt de plainte.
Ces mesures, qui ont reçu un avis favorable de la commission des lois de l'Assemblée nationale comme du Gouvernement, sont en effet justifiées par l'assertion selon laquelle « certains professionnels de santé n'osent pas porter plainte lorsqu'ils sont victimes de violences par peur que soit révélée leur adresse personnelle, et des représailles qui pourraient s'ensuivre »9(*).
En revanche, la déclaration de l'adresse professionnelle en cas de « convocation » du personnel soignant en raison de sa profession ne pourrait, par définition, pas concerner le plaignant. Il n'est par ailleurs pas précisé, en l'état du texte, si l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction vaut également pour la déclaration de l'adresse professionnelle.
3. Un article moins-disant que l'état du droit, supprimé par la commission
Les auditions menées par la rapporteure ont démontré que la déclaration de l'adresse de l'ordre ou de l'adresse professionnelle lors du dépôt de plainte était une demande forte des professionnels de santé, à laquelle souscrivent pleinement les ordres médicaux et paramédicaux.
Sans remettre en cause l'objectif poursuivi par l'article 2 bis, à savoir éviter que les professionnels de santé renoncent au dépôt de plainte, de crainte que leur adresse personnelle ne soit connue de leur agresseur présumé, la commission a, par l'adoption de l'amendement COM-11 présenté par sa rapporteure, supprimé cet article, pour quatre raisons principales.
En premier lieu, et il s'agit de la raison principale, cet article est satisfait par les articles 10-2 et 89 du code de procédure pénale : comme évoqué supra, ces deux articles permettent respectivement aux plaignants et aux parties civiles de déclarer, avec son accord, l'adresse d'un tiers - qui peut donc être un ordre. Si le professionnel de santé exerce dans un établissement public de santé, il peut en outre, puisqu'il est « chargé d'une mission de service public », déclarer son adresse professionnelle. L'insertion d'un nouvel article au sein du code de procédure pénale aurait donc pour effet de contribuer inutilement à l'inflation législative.
En deuxième lieu, le droit en vigueur est plus favorable aux professionnels de santé que le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, dans la mesure où, actuellement, il n'est pas nécessaire, pour le professionnel de santé comme pour tout plaignant, de solliciter l'accord du procureur de la République ou du juge d'instruction pour déclarer l'adresse d'un tiers lors du dépôt de plainte.
En troisième lieu, il paraît préférable, conformément à ce que prévoit l'état du droit, de s'assurer de l'accord de l'ordre, ce qui est une procédure moins lourde que le recueil de l'accord des autorités judiciaires, avant que le professionnel de santé ne déclare son adresse. L'accord de l'ordre, qui n'est pas exigé dans le dispositif adopté par l'Assemblée nationale, permet en effet de veiller à ce qu'il soit bien informé de l'engagement de la procédure judiciaire, afin notamment qu'il soit alerté de la nécessité pour lui de transmettre les documents, tels que les convocations judiciaires, au plaignant.
Enfin, le dispositif de l'Assemblée nationale, inspiré de la rédaction de l'article 706-57 du code de procédure pénale qui concerne l'adresse des personnes appelées à témoigner, est ambigüe puisqu'il n'ouvre la possibilité, pour le professionnel de santé, de déclarer son adresse professionnelle que « si la personne a été convoquée en raison de sa profession ». Outre que cela est pleinement satisfait pour ce qui concerne les témoins, le dispositif prévu par l'Assemblée nationale ne peut donc pas concerner les plaignants, qui ne sont pas « convoqués » pour déposer plainte.
In fine, un effort de communication auprès des professionnels de santé et des ordres sur les possibilités que leur offrent déjà les articles 10-2 et 89 du code de procédure pénale a semblé plus opportun à la commission qu'un alourdissement superflu de la législation pénale.
La commission a supprimé l'article 2 bis.
Article 3
Possibilité pour l'employeur de porter plainte en lieu
et place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel
d'un établissement de santé
Dérogeant au principe général selon lequel seule la victime majeure de l'infraction, son représentant légal (lorsque la victime est mineure ou fait l'objet d'une mesure de protection) ou ses ayants droit peuvent déposer plainte, l'article 3 permet à l'employeur d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé, qu'il soit public ou privé, de déposer plainte en ses lieu et place, lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles de constituer certaines infractions et que ces faits sont commis dans un cadre professionnel ou en raison des fonctions professionnelles de la victime. Le dépôt de la plainte serait toutefois soumis au consentement écrit de la victime.
La commission a adopté cet article, modifié par un amendement de sa rapporteure, visant à préciser que le dépôt de plainte par l'employeur ne sera pas possible lorsque les violences alléguées concernent les membres du service, à confier aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels libéraux organisés par ordre et à aligner, en matière de constitution de partie civile, les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions.
1. Le droit pénal distingue la dénonciation, largement ouverte et même obligatoire pour tout officier public ou fonctionnaire, et le dépôt de plainte, presque exclusivement réservé à la victime de l'infraction mais peu souvent effectué
Si, pour certaines infractions spécifiques, la plainte de la victime est nécessaire pour la mise en mouvement de l'action publique, notamment en cas de diffamation ou d'atteinte à des intérêts privés, elle n'est toutefois pas, dans la majorité des cas, un préalable indispensable à l'engagement de poursuites par le ministère public. Dans les deux cas de figure, la plainte ou la dénonciation demeurent les procédures les plus directes pour que ce dernier et, plus largement, les autorités policières et judiciaires soient informées de la commission d'une infraction.
En effet, conformément aux articles 17 et 40 du code de procédure pénale, les officiers de police judiciaire et le procureur de la République reçoivent « les plaintes et dénonciations ». Il revient ensuite au procureur de la République « d'apprécier les suites à leur donner », notamment l'engagement éventuel de poursuites.
La distinction entre la plainte et la dénonciation ne résulte pas de conditions formelles, puisque le code de procédure pénale ne prévoit aucun formalisme particulier, ni pour la plainte, ni pour la dénonciation, qui peuvent toutes deux être effectuées par écrit ou oralement. La distinction entre les deux procédures repose en revanche sur la qualité pour agir, plus restreinte en ce qui concerne le dépôt de plainte.
a) La dénonciation, qui peut être spontanée ou contrainte, est ouverte à toute personne ayant connaissance d'un fait infractionnel
La dénonciation s'entend d'une déclaration écrite ou orale par laquelle une personne physique ou morale, en principe qui n'a pas été elle-même victime de l'infraction ni lésée d'aucune façon, informe les autorités policières ou judiciaires de la commission d'un acte infractionnel.
Cette dénonciation peut être spontanée, sur le fondement des articles 17 et 40 du code de procédure pénale précités. Cette faculté d'information des pouvoirs publics n'est encadrée par aucune restriction autre que le délit de diffamation. Par conséquent, aucune condition particulière, par exemple d'âge, de nationalité ou d'exercice des droits civiques, n'est exigée.
En parallèle, le code de procédure pénale et diverses dispositions spécifiques imposent à certaines personnes de dénoncer - ou, selon la terminologie, de « signaler » ou de « révéler » - des faits criminels ou délictueux dont elles auraient connaissance.
Il en va ainsi, en vertu de l'article 40 précité, de « toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire qui, dans l'exercice de ses fonctions, acquiert la connaissance d'un crime ou d'un délit ». Cette personne est alors tenue « d'en donner avis sans délai au procureur de la République et de transmettre à ce magistrat tous les renseignements, procès-verbaux et actes qui y sont relatifs ». L'article L. 132-2 du code de la sécurité intérieure, précise, si besoin était, que cette obligation de signalement s'applique au maire qui acquerrait connaissance, dans l'exercice de ses fonctions, d'un crime ou d'un délit.
Sans prétendre à l'exhaustivité, de nombreuses dispositions analogues étendant la dénonciation contrainte à diverses entités spécifiques peuvent être mentionnées. Ainsi, l'Autorité de la concurrence est tenue de porter à la connaissance du procureur de la République les pratiques tombant sous le coup de sanctions en raison de leur caractère anticoncurrentiel, conformément à l'article L. 462-6 du code de commerce. Cette obligation pèse également sur les commissaires aux comptes, lesquels, sur le fondement de l'article L. 821-10 du même code, doivent dénoncer au procureur de la République les faits délictueux dont ils ont connaissance dans la gestion des sociétés qu'ils contrôlent.
b) La plainte, normalement ouverte seulement à la victime, peut, dans le cadre de menaces ou de violences commises lors de l'exécution d'un service public, être déposée par l'employeur de la victime
Contrairement aux dénonciations, spontanées ou contraintes, qui ne reposent pas sur la victime présumée de l'acte infractionnel, le dépôt d'une plainte ne peut être effectué que par « la victime d'une infraction pénale »10(*) ou, lorsque celle-ci est mineure ou placée sous curatelle ou sous tutelle, par son représentant légal. Il s'agit d'un principe ancien de la justice française selon lequel « nul ne plaide par procureur ».
Dans certains cas, les ayants droit de la victime présumée peuvent également porter plainte, y compris alors que la victime est décédée, lorsque le préjudice subi par la victime les a également lésés, par exemple en cas de détournement d'héritage lié à un abus de faiblesse.
S'agissant des personnes morales, elles peuvent déposer plainte en complément de leur salarié ou agent si l'infraction leur a également porté préjudice.
Dans tous les cas de figure, la plainte peut alors être déposée sur internet, dans un commissariat de police, une brigade de gendarmerie, ou directement auprès du procureur de la République.
Lors du vote de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, le législateur a, pour la première fois, dérogé au principe général selon lequel il appartient à la victime d'une infraction de porter plainte, en créant un nouvel article 433-3-1 au sein du code pénal qui impose à certaines personnes morales de porter plainte lorsque leur agent ou leur salarié est victime de menaces ou de violences aux fins d'obtention d'une dérogation aux règles de fonctionnement d'un service public.
Plus précisément, lorsqu'une personne « participant à l'exécution d'une mission de service public » fait l'objet de menaces, de violences ou d'actes d'intimidation, afin que l'agresseur obtienne pour lui-même ou pour autrui une exemption totale ou partielle ou une application différenciée des règles qui régissent le fonctionnement dudit service, le représentant de l'administration ou de la personne de droit public ou de droit privé à laquelle a été confiée la mission de service public doit déposer plainte dès qu'elle a connaissance de faits susceptibles de constituer cette infraction. Il ne s'agit donc pas d'une faculté ouverte à l'employeur, mais bien d'une obligation de dépôt de plainte, applicable même sans l'accord de la victime. En effet, lors de l'examen du texte en 2021, le Sénat a estimé que l'accord de la victime n'était pas nécessaire, considérant que « le service public lui-même est également mis en cause par l'infraction »11(*). L'administration ou le délégataire ne peut toutefois pas se constituer partie civile devant le juge d'instruction ni citer directement les auteurs du délit devant le tribunal correctionnel.
Interrogé par la rapporteure sur le nombre de plaintes déposées par un employeur public sur le fondement du deuxième alinéa de l'article 433-3-1 du code pénal, le ministère de la justice n'a été en mesure de préciser l'origine des plaintes mais a indiqué que 32 affaires avaient donné lieu à une réponse pénale en 2023 au titre de cet article, soit 68 % de plus qu'en 2022. La proportion de ces affaires qui concerne spécifiquement les établissements de santé n'est toutefois pas connue.
Bien que l'application de l'article 433-3-1 précité soit, au vu des auditions menées par la rapporteure, très loin d'être systématique, l'obligation de dépôt de plainte concerne bien, en théorie, tous les établissements publics de santé, ceux-ci « participant à l'exécution d'une mission de service public ».
c) Un frein au dépôt de plainte attesté par les statistiques nationales et confirmé par les auditions menées par la rapporteure
Bien que l'ensemble des professionnels de santé interrogés par la rapporteure s'accordent sur la « tolérance zéro » dont doivent faire l'objet les actes de violence à leur encontre, le dépôt de plainte apparaît loin d'être systématique.
Selon les derniers chiffres publiés par l'observatoire national des violences en santé (ONVS), géré par le ministère de la santé12(*), seuls 20 % des signalements de violences effectués en 2021 sur la plateforme dédiée ont été suivis d'un dépôt de plainte, et 2 % ont donné lieu au dépôt d'une main courante. Ainsi, pour 78 % des signalements d'actes de violence, aucune procédure judiciaire n'est engagée par la victime.
Répartition des signalements effectués sur la plateforme de l'ONVS selon l'engagement ou non d'une procédure judiciaire par la victime
Un constat similaire a été dressé par le conseil national de l'ordre des médecins, qui dispose de son propre observatoire pour mesurer les violences commises à l'encontre des médecins. D'après les données publiées dans le dernier rapport de cet observatoire13(*), 62 % des médecins ayant signalé en 2023 au conseil national de l'ordre un acte de violence n'ont engagé aucune procédure judiciaire, un chiffre suivant une tendance haussière depuis le début des années 2000. À l'inverse, seuls 31 % des médecins concernés ont déposé plainte et 7 % une main courante.
Part des signalements effectués à l'observatoire de la sécurité des médecins ayant donné lieu à l'engagement ou non d'une procédure judiciaire par la victime
Source : observatoire de la sécurité des médecins, édition 2024 (données de l'année 2023), conseil national de l'ordre des médecins
Les auditions menées par la rapporteure ont confirmé l'existence d'un frein au dépôt de plainte de la part des professionnels de santé. Ce frein serait multifactoriel mais résulterait principalement d'une mauvaise connaissance des démarches à effectuer, du sentiment que la démarche judiciaire n'aboutira pas, de la peur de représailles de la part de l'agresseur ou de ses proches, de la minimisation de la gravité de l'incident par la victime, en particulier lorsque l'agresseur souffre de pathologies ou de troubles cognitifs pouvant expliquer partiellement son comportement violent ou encore, plus prosaïquement, de l'absence de temps pour procéder aux démarches judiciaires.
Les professionnels victimes de violence peuvent toutefois bénéficier du soutien indirect de l'ordre auquel ils appartiennent, le code de la santé publique14(*) autorisant les conseils nationaux et régionaux des ordres et, pour certains ordres, les conseils départementaux15(*), à se constituer partie civile en parallèle de la plainte de la victime pour tous les « faits portant un préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession [qu'ils représentent], y compris en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à [cette] profession ».
2. L'article 3 de la proposition de loi créerait une nouvelle dérogation au principe selon lequel « nul ne plaide par procureur » en étendant les cas dans lesquels l'employeur d'un professionnel de santé pourrait porter plainte pour ce dernier
L'article 3, assez largement amendé à l'Assemblée nationale par le rapporteur, Philippe Pradal, et plusieurs autres députés, sans pour autant en modifier le principe général, insère un nouvel article 15-3-3 au sein du code de procédure pénale pour permettre à l'employeur d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé, qu'il soit public ou privé, de déposer plainte à la place du professionnel, lorsqu'il a connaissance de faits susceptibles de constituer certaines infractions et que ces faits sont commis dans un cadre professionnel ou en raison des fonctions professionnelles de la victime.
Il s'agit de la mise en oeuvre de la mesure n° 36 du « plan pour la sécurité des professionnels de santé », présenté en septembre 2023 par la ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé, alors Agnès Firmin-Le Bodo.
Source : plan pour la sécurité des professionnels de santé, ministère de la santé, septembre 2023
Contrairement à ce que prévoit l'article 433-3-1 du code pénal pour le délit d'obstruction au fonctionnement d'un service public, le dépôt de la plainte serait toutefois soumis au consentement écrit de la victime. Par ailleurs, le dépôt d'une plainte ne serait qu'une faculté ouverte à l'employeur, et non une obligation. L'employeur ne serait toutefois exempté ni de faire application de l'article 433-3-1 du code pénal, si le service public lui-même a été mis en cause par l'infraction, ni de signaler au procureur de la République les faits infractionnels en vertu de l'article 40 du code de procédure pénale.
Le nouvel article 15-3-3 précisant que le dépôt de plaine par l'employeur ne lui donnerait pas la qualité de victime, l'employeur ne pourra pas se constituer partie civile, sauf s'il estime avoir été lui-même lésé par les violences en question : il s'agit bien de permettre à l'employeur d'initier les démarches judiciaires et non de se substituer entièrement à la victime, qui demeurera convoquée par la justice pour témoigner et présenter sa version des faits. C'est en outre au bénéfice de la victime et non de l'employeur que les dommages et intérêts seraient versés.
Les infractions dont la commission pourrait donner lieu au dépôt d'une plainte de l'employeur à la place de la victime sont énumérées dans le tableau ci-après.
Infractions commises à l'égard d'un professionnel de santé ou un membre du personnel pouvant donner lieu à une plainte par l'employeur
Référence |
Infraction |
Article 222-1 |
Actes de torture ou de barbarie |
Articles 222-9 à 222-13 |
Violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente |
Article 222-15 |
Administration de substances nuisibles ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique d'autrui |
Article 222-16 |
Appels téléphoniques malveillants réitérés, envois réitérés de messages malveillants émis par la voie des communications électroniques ou agressions sonores en vue de troubler la tranquillité d'autrui |
222-17 |
Menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes dont la tentative est punissable |
222-18 |
Menace, par quelque moyen que ce soit, de commettre un crime ou un délit contre les personnes, lorsqu'elle est faite avec l'ordre de remplir une condition |
322-1 et 322-3 |
Destruction, dégradation ou détérioration d'un bien appartenant à autrui |
433-3 |
Menace de commettre un crime ou un délit contre les personnes ou les biens proférée à l'encontre de toute personne chargée d'une mission de service public ainsi que d'un professionnel de santé |
Alors que le texte initial ne s'appliquait qu'aux violences commises à l'égard « d'un professionnel de santé ou d'un personnel d'un établissement de santé », l'Assemblée nationale a, suivant une logique similaire à celle opérée aux articles 1er et 2, élargi le champ de l'article, qui s'applique désormais aux « établissements de santé, aux centres de santé, aux maisons de santé, aux maisons de naissance, aux cabinets d'exercice libéral d'une profession de santé, aux officines de pharmacie, aux laboratoires de biologie médicale ou aux établissements ou services sociaux ou médico-sociaux ». Il concerne donc le personnel soignant comme le personnel administratif, exerçant dans des établissements publics ou privés de santé, ou en libéral. Ainsi, il n'est pas limité aux seuls professionnels chargés d'une mission de service public, ce qui constitue une nouveauté par rapport aux principes généraux du droit pénal.
Extension du périmètre de l'article 3 lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale
Étape de l'examen du texte |
Périmètre de l'article 3 |
Texte initial |
- Professionnel de santé - Membre du personnel d'un établissement de santé |
Ajouts dans le texte lors de l'examen en commission |
- Membre du personnel d'un centre de santé - Membre du personnel d'une maison de santé - Membre du personnel d'un cabinet médical ou paramédical - Membre du personnel d'un établissement ou d'un service social ou médico-social |
Ajouts dans le texte lors de la séance publique |
- Membre du personnel d'un cabinet d'exercice libéral d'une profession de santé cabinet médical ou paramédical - Membre du personnel d'une maison de naissance - Membre du personnel d'une officine de pharmacie - Membre du personnel d'un laboratoire de biologie médicale |
Pour ce qui concerne les professions libérales, le dernier alinéa du nouvel article 15-3-3 du code de procédure pénale renvoie à un décret la détermination de l'organisme représentatif autorisé à porter plainte pour le professionnel libéral qui en ferait la demande. Interrogé par la rapporteure, le ministère de la santé a indiqué ne pas avoir arrêté sa position mais avoir identifié trois types d'organismes auxquels cette compétence pourrait potentiellement être confiée : les ordres professionnels, les syndicats ou les unions régionales des professionnels de santé (URPS).
3. Un article à la portée juridique limitée mais de nature à faciliter l'engagement des procédures judiciaires par les victimes
En cohérence avec la position exprimée par le Sénat à l'occasion de l'examen de la proposition de loi n° 235 (2023 - 2024) de Philippe Tabarot, alors sénateur, relative au renforcement de la sûreté dans les transports16(*), et de la proposition de loi n° 234 (2023 - 2024) de Laurent Lafon visant à protéger l'école de la République et les personnels qui y travaillent17(*), qui prévoient respectivement d'autoriser le dépôt de plainte par l'employeur « d'une personne participant à l'exécution d'un service public de transport de voyageurs » ou « d'un agent public de l'éducation nationale » victimes de violences dans l'exercice ou en raison de leur profession, la commission a pris acte du mouvement général d'extension du mécanisme de dépôt de plainte pour autrui et a approuvé le principe d'un dépôt de plainte par l'employeur d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel.
Considérant que le dépôt de plainte par l'employeur est effectivement un moyen de faciliter l'engagement des démarches judiciaires par les victimes, la commission a jugé que la mesure prévue par l'article 3 était non seulement de nature à répondre au souhait des professionnels d'un meilleur accompagnement face aux violences auxquelles ils sont soumis mais participerait en outre à l'objectif d'une « tolérance zéro » face à ces actes.
La commission note toutefois, au regard des attentes parfois disproportionnées dont ont pu faire preuve les représentants des professions concernées lors de leur audition, que la plainte pour autrui n'est qu'un moyen d'initier les démarches judiciaires et qu'elle ne modifie pas, en tant que telle et prise isolément, le droit positif dans le sens d'un renforcement des sanctions applicables, a fortiori alors que de nombreux établissements aident déjà les victimes à déposer plainte sur leur lieu de travail en ayant recours à la plainte dématérialisée. Comme évoqué supra, la plainte pour autrui ne permettra par ailleurs pas à l'employeur de se substituer au professionnel victime de violences. Autrement dit, si l'objectif du dispositif est d'éviter que la victime ne soit pas confrontée aux contraintes, voire aux épreuves que peuvent représenter les différentes étapes procédurales du dépôt de plainte et de son instruction, il ne permettra notamment pas à la victime de se dispenser de se présenter au commissariat ou à la gendarmerie pour témoigner, ou le cas échéant de se faire examiner au plan médical ou psychologique, etc.
Cette précision étant faite, la commission a estimé que l'article 3 demeurait utile et l'a donc amendé pour en améliorer le dispositif.
Pour ce faire, elle a adopté l'amendement COM-12, présenté par sa rapporteure, qui procède à trois modifications principales.
En premier lieu, le I de l'amendement COM-12 met fin à une ambiguïté issue du texte adopté par l'Assemblée nationale, s'agissant des violences commises entre membres du personnel, entre professionnels de santé ou entre membres du personnel et professionnels de santé. Le dépôt d'une plainte par l'employeur pourrait être assimilé à une prise de position de sa part. Inversement, l'employeur pourrait faire l'objet d'une instrumentalisation ou de pression, au risque de devoir déposer des plaintes réciproques et contradictoires. Pour ces raisons, la commission a précisé que la faculté ouverte par l'article 3 ne sera pas applicable lorsque les violences concernent des membres du personnel - soignants ou non - de l'établissement.
Le II du même amendement COM-12 confie aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels libéraux organisés par ordre, c'est-à-dire les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes ou pédicures-podologues. La rapporteure a pu constater, lors de ses auditions, que les ordres étaient particulièrement volontaires pour exercer cette fonction, ce qui devrait faciliter l'application de l'article 3, a fortiori alors que les ordres peuvent déjà se constituer partie civile lorsque leurs membres font l'objet de menaces ou violences. L'organisme représentatif pouvant déposer plainte pour les autres professionnels libéraux resterait déterminé par décret.
Enfin, le III dudit amendement COM-12 aligne les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions libérales. En effet, les conseils départementaux des ordres autres que ceux des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes peuvent, comme les ordres nationaux et les ordres régionaux, se constituer partie civile en cas de préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif de la profession, qui s'apprécie notamment en cas de menaces ou de violences commises en raison de l'appartenance à la profession qu'ils représentent. Aucune raison n'expliquant ce décalage par rapport aux autres ordres (à l'exception des pédicures-podologues dont les ordres ne disposent pas d'échelon départemental), la commission a donc ouvert cette faculté aux conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes.
La commission a adopté l'article 3 ainsi modifié.
Article 3 bis
(supprimé)
Présentation annuelle, dans chaque
établissement de santé ou médico-social, d'un bilan
des actes de violences commis à l'égard du personnel et
des moyens mis en oeuvre pour y remédier
L'article 3 bis modifie le code de l'action sociale et des familles et le code de la santé publique afin que soit annuellement présenté au conseil de surveillance ou au conseil d'administration des divers établissements publics ou privés de santé ou médico-sociaux un « bilan des actes de violences commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels travaillant au sein de l'établissement ou du service ». Le conseil de surveillance devrait ensuite émettre un avis sur ce bilan.
Constatant que cet article est en grande partie satisfait en pratique et considérant que le levier législatif n'est pas idoine, la commission a supprimé cet article.
1. Plusieurs dispositifs de niveau infra-législatif permettent de recenser les violences à l'encontre des membres du personnel des établissements de santé ou médico-sociaux
Si les pratiques diffèrent selon les établissements, qu'ils soient publics ou privés, cinq dispositifs principaux permettent, en théorie, d'assurer un suivi relatif des violences dans le domaine de la santé.
a) Un outil national loin de l'objectif d'exhaustivité ayant justifié sa création : l'observatoire national des violences en santé
Le principal outil national de recueil statistique des violences commises dans les établissements de santé et les établissements sociaux ou médico-sociaux est l'observatoire national des violences en santé, l'ONVS. Cet observatoire dépendant de l'actuelle direction générale de l'offre de soins (DGOS) du ministère de la santé, initialement consacré uniquement aux violences hospitalières, a été créé par voie règlementaire en 2005 dans le but « de coordonner et d'évaluer les politiques mises en oeuvre par les différents acteurs sur l'ensemble du territoire afin de garantir la sécurité des personnes et des biens à l'intérieur des établissements concernés »18(*), d'une part, et d'acquérir une « connaissance exhaustive » des actes de violence dans le milieu de la santé, d'autre part. Pour ce faire, l'ONVS est censé être informé « de chaque fait grave qui viendrait à se produire », cette information lui permettant de publier un rapport annuel sur l'évolution des violences en santé.
Si les modalités de transmission des informations ont évolué depuis 2005 - les actes de violence sont désormais signalés sur une plateforme numérique dédiée19(*) - et quoique l'observatoire a été étendu aux professions libérales, force est toutefois de constater que l'objectif d'une connaissance exhaustive des actes de violences relève actuellement, comme le reconnaît lui-même l'ONVS dans son dernier rapport public, d'un voeu pieux.
En effet, malgré les directives claires issues de la circulaire du 11 juillet 2005 précitée, les signalements recueillis sur la plateforme de signalement de l'ONVS ne relèvent que du volontariat des établissements et des professionnels de santé. Ainsi, comme l'écrit l'ONVS dans un message d'avertissement en page de garde de son dernier rapport public, ces signalements « n'ont pas vocation à l'exhaustivité », ce qui contredit manifestement le souhait initial du ministère de la santé.
La rapporteure a pu constater, lors de ses auditions, que si l'ONVS est, dans l'ensemble, connu des professionnels de santé et des établissements publics comme privés - du moins par les directions des établissements, les ordres professionnels et les syndicats représentatifs - le signalement des violences demeure loin d'être systématique. Les raisons invoquées sont multiples : le manque de temps des services administratifs ou de la victime elle-même pour procéder au signalement ; la minimisation de l'acte de violence par la victime, notamment lorsque l'agresseur souffre de pathologies ou de troubles cognitifs pouvant expliquer partiellement son comportement violent ; le sentiment d'inutilité du signalement ; la méconnaissance du dispositif, en particulier pour les jeunes recrues ; ou encore le silence de la victime, qui n'en réfère pas toujours à ses supérieurs hiérarchiques ou à ses collègues.
Bien que l'ensemble des autres ordres professionnels incite, depuis le début de l'année 2023, les professionnels libéraux à signaler sur la plateforme de l'ONVS les violences dont ils font l'objet20(*), l'exhaustivité des données de l'ONVS est réduite par l'existence parallèle d'un observatoire national de la sécurité des médecins, mis en place et géré par le conseil national de l'ordre des médecins depuis 2003. Tout comme l'ONVS, cet observatoire repose sur des signalements spontanés : aussi, comme l'a indiqué à la rapporteure le conseil national de l'ordre des médecins, les données qu'il agrège « ne reflètent pas la réalité de la situation ».
En outre, l'ONVS a rencontré des difficultés d'effectifs ces dernières années, ayant eu pour conséquence l'absence de publication du rapport annuel ces trois dernières années, le dernier rapport ayant été publié en 2022 et présentant les données des années 2020 et 2021, fortement affectées par la crise du Covid-19. D'après les informations transmises à la rapporteure par le ministère de la santé, ce retard devrait être enfin comblé à l'été 2025. Le rapport devrait alors présenter les données des années 2022 à 2024.
b) Au sein de chaque établissement de santé ou médico-social, le recensement des violences repose sur des pratiques variées
Outre l'ONVS et l'observatoire national de la sécurité des médecins, dont le périmètre est national, plusieurs outils permettent, au sein des établissements de santé ou des établissements médico-sociaux, d'assurer un suivi des violences commises à l'encontre du personnel.
En premier lieu, pour tous les établissements publics, le rapport social unique, qui est présenté au comité social d'établissement, doit comporter, conformément au 9° de l'article R. 231-1 du code général de la fonction publique, « des éléments et des données [...] relatifs [...] à la santé et à la sécurité au travail ». L'arrêté du 28 avril 2022 du ministre des solidarités et de la santé fixant pour la fonction publique hospitalière la liste des indicateurs contenus dans la base de données sociales précise par ailleurs que les données du rapport social unique relatives à la santé et à la sécurité doivent comporter des éléments sur les « violences sur agent », et notamment « le nombre d'actes de violence » et « le nombre de victimes d'actes de violence ».
En sus de sa présentation au comité social d'établissement, le rapport social unique est également transmis à la commission médicale d'établissement, conformément au 9° du II de l'article R. 6144-1 du code de la santé publique21(*).
Ainsi, dans les établissements publics, personnels médicaux et non-médicaux sont déjà destinataires d'informations détaillées sur la sécurité au travail, qui incluent des éléments chiffrés sur les violences à l'encontre du personnel.
Dans les établissements privés de santé, des informations relatives à la sécurité au travail, et donc aux actes de violence dont peuvent faire l'objet les salariés, sont recensées dans le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP)22(*), qui est obligatoire dans toutes les entreprises dès l'embauche du premier salarié.
Enfin, la plupart des établissements de santé, qu'ils soient publics ou privés, ont mis en place des « outils de déclaration des évènements indésirables » ou des « déclarations d'accident de service », qui permettent à la victime de signaler - notamment - la commission de violences à son encontre. Pour ce qui concerne les établissements publics, la mise en place de ces outils de signalement est une obligation légale résultant de l'article L. 135-6 du code général de la fonction publique, qui impose aux employeurs publics d'instaurer « un dispositif ayant pour objet de recueillir les signalements des agents qui s'estiment victimes d'atteintes volontaires à leur intégrité physique, d'un acte de violence, de discrimination, de harcèlement moral ou sexuel, d'agissements sexistes, de menaces ou de tout autre acte d'intimidation et de les orienter vers les autorités compétentes en matière d'accompagnement, de soutien et de protection des victimes et de traitement des faits signalés ». La procédure de recueil de ces signalements est précisée par voie règlementaire23(*) mais laisse une marge d'adaptation à chaque établissement.
2. L'article 3 bis impose la présentation annuelle du bilan des actes de violence devant le conseil de surveillance ou d'administration des établissements de santé ou médico-sociaux
L'article 3 bis a été ajouté en séance publique à l'Assemblée nationale, par l'adoption d'un amendement présenté par Aude Luquet (Renaissance - Seine-et-Marne)24(*), avec un avis favorable de la commission des lois et de sagesse du Gouvernement.
Il modifie le code de l'action sociale et des familles et le code de la santé publique afin que soit annuellement présenté au conseil de surveillance ou au conseil d'administration des divers établissements publics ou privés de santé un « bilan des actes de violences commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels travaillant au sein de l'établissement ou du service ». Le conseil de surveillance ou d'administration devrait ensuite émettre un avis sur ce bilan.
Plus précisément, cette obligation s'appliquerait :
- aux établissements et services sociaux et médico-sociaux, conformément au I ;
- aux établissements publics de santé, conformément au 1° du II ;
- aux établissements de santé privés, conformément au 2° du même II.
Les objectifs sont ainsi, selon les motifs de l'amendement, d'améliorer la connaissance des actes de violences commis au sein des établissements de santé, d'une part, et d'inciter le conseil de surveillance ou d'administration à se prononcer, au regard de cette connaissance, « de manière éclairée » sur le fonctionnement de l'établissement, d'autre part.
La composition des conseils d'administration ou de surveillance des établissements précités, destinataires de ce bilan, varie selon la catégorie d'établissement mais comporte systématiquement, y compris pour les établissements privés, des représentants du personnel et des représentants des usagers25(*).
En l'état du droit, aucune obligation spécifique aux établissements de santé privés n'est exigée quant au déroulé de leurs conseils de surveillance ou d'administration26(*). Le présent article 3 bis constituerait à ce titre une importante nouveauté.
En revanche, de nombreuses dispositions législatives imposent déjà aux conseils de surveillance des établissements publics de santé et aux conseils d'administration des établissements sociaux et médico-sociaux de délibérer ou de donner leur avis sur certains points, tels que le « rapport annuel d'activité », « le compte financier », « le règlement intérieur de fonctionnement » ou encore « le projet d'établissement »27(*), ce dernier devant notamment comporter un « volet spécifique consacré à la qualité de vie au travail des personnels médicaux et non médicaux »28(*). Le conseil de surveillance des établissements publics de santé se voit en outre présenter annuellement certains documents et observations, notamment un « bilan » des actions mises en oeuvre par l'établissement pour améliorer l'accès aux soins et la gradation des soins. Le « bilan » proposé au présent article 3 bis s'ajouterait donc à celui-ci.
3. Des objectifs pouvant être plus efficacement atteints par l'actualisation de la circulaire du 11 juillet 2005
Tout en souscrivant aux objectifs de l'article 3 bis, en particulier la nécessité d'acquérir une connaissance la plus complète possible de l'ampleur des violences commises à l'encontre des professionnels de santé, la commission a estimé que le dispositif proposé n'était pas idoine.
En premier lieu, ce dernier est en grande partie satisfait par des dispositions qui relèvent majoritairement du domaine règlementaire, aussi bien pour les établissements privés que publics. Or, l'article 3 bis n'aurait pas vocation à remplacer ces dispositifs existants mais se superposerait à ces derniers.
En second lieu, dans un contexte préoccupant de tension budgétaire et au regard des dispositifs précités, il est apparu plus utile à la commission que la charge administrative que l'article 3 bis ferait porter sur les établissements soit consacrée à la déclaration plus systématique des actes de violence sur le site de l'observatoire national des violences en santé (ONVS), d'une part, et à l'accompagnement des victimes, notamment par le biais du dépôt de plainte autorisé par l'article 3 du présent texte, d'autre part.
Ainsi, plutôt que de contribuer à l'inflation législative, l'objectif recherché pourrait être plus efficacement atteint par voie réglementaire, notamment par la mise à jour de la circulaire DHOS/P1/2005/327 du 11 juillet 2005 précitée, qui fixe pour cible une « connaissance exhaustive » des actes de violence dans le milieu de la santé et du médico-social à travers le signalement systématique de ces actes à l'ONVS.
Par conséquent, la commission a adopté l'amendement COM-13 présenté par sa rapporteure, qui supprime l'article 3 bis.
La commission a supprimé l'article 3 bis.
Article 4
Coordinations outre-mer
L'article 4 vise à étendre l'application des dispositions de la proposition de loi aux collectivités d'outre-mer régies par l'article 74 de la Constitution et à la Nouvelle-Calédonie.
La commission a adopté cet article sans modification.
La commission a adopté l'article 4 sans modification.
Article 5
(supprimé)
Rapport sur les conditions de travail et de
sécurité dans les services de nuit, notamment les services
d'urgence
L'article 5, introduit en séance publique à l'Assemblée nationale, prévoit la remise par le Gouvernement d'un rapport sur les conditions de travail et de sécurité dans les services de nuit, notamment les services d'urgence.
La commission, conformément à sa position constante sur les demandes de rapport, a supprimé cet article.
La commission des lois est consciente de la nécessité d'actions concrètes et de la mise en oeuvre de moyens adéquats de prise en charge dans les structures en charge d'assurer, de fait, une permanence de soins sur l'ensemble du territoire. La remise d'un rapport sur cette question ne paraît malheureusement pas de nature à changer un état de fait connu.
Sur la proposition de la rapporteure, la commission a donc adopté l'amendement COM-14 de suppression de cet article.
La commission a supprimé l'article 5.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous examinons le rapport de notre collègue Anne-Sophie Patru sur la proposition de loi visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Au-delà des faits divers qui émaillent malheureusement, à échéance régulière, notre actualité, chacun d'entre nous a pu relever, dans son département d'élection, le sentiment largement partagé par les professionnels de santé d'une hausse des violences à leur encontre. En ma qualité de rapporteure, j'ai pu l'observer lors de la visite d'établissements de santé à Rennes et en Ille-et-Vilaine.
Malgré l'absence de données exhaustives, les chiffres récoltés sur la base des signalements volontaires démontrent indubitablement que les lieux de soins ne sont pas ou plus préservés des accès de violences et d'incivilités, les professionnels de santé étant exposés à des actes de violence qui, sans forcément suivre une hausse incontestable, atteignent toutefois des proportions qui ne peuvent être tolérées.
Les données de l'Observatoire national des violences en milieu de santé (ONVS) et de l'Observatoire national de la sécurité des médecins (ONSM), qui ne sont que partielles puisqu'elles agrègent des signalements reposant sur le volontariat, permettent en effet de constater que les violences en santé constituent un phénomène qui n'est pas circonscrit à des faits isolés.
Ainsi, sur la période 2019-2023, environ 20 000 signalements d'actes de violence ont été effectués par les professionnels de santé ou les établissements concernés sur la plateforme de l'ONVS. L'année 2024 apparaît en hausse de 6,6 % par rapport à 2023, ce qui peut traduire à la fois une hausse des violences et des progrès dans la systématisation de leur signalement. Pour ce qui concerne les médecins, l'année 2023 se caractérise, sous les mêmes réserves, par une hausse de 27 % des signalements, avec 1 581 actes de violence signalés.
Ces signalements concernent majoritairement - environ 80 % - des atteintes aux personnes. Il s'agit principalement de violences physiques et de menaces avec arme, puis d'insultes et d'injures, et de menaces d'atteintes à l'intégrité physique.
Bien que la situation puisse, bien évidemment, être améliorée, nous pouvons toutefois nous satisfaire d'un taux de réponse pénale élevé, lorsque ces violences donnent lieu à un dépôt de plainte, puisqu'il se situe, selon les années, entre 89 % et 94 %. Il résulte d'une volonté affirmée en dernier lieu par la circulaire de politique pénale générale du 27 janvier 2025, qui enjoint aux procureurs généraux et aux procureurs de la République de se mobiliser en faveur de la lutte contre les violences commises envers les personnels de santé.
Les condamnations prononcées en première instance pour les faits de menace ou de violence contre les professionnels de santé comportent dans les trois quarts des cas des peines d'emprisonnement. Elles sont cependant loin des quanta fixés par la loi pour les différentes infractions de menaces ou de violences, soit de trois à dix ans de prison, puisque la durée moyenne de peines fermes prononcées n'atteint pas sept mois.
C'est dans ce contexte de forte et légitime préoccupation des professionnels de santé que l'Assemblée nationale a adopté, en mars 2024, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui. Les trois articles initiaux du texte visaient à mettre en oeuvre les mesures de nature législative du plan pour la sécurité des professionnels de santé, présenté en septembre 2023 par Aurélien Rousseau et Agnès Firmin-Le Bodo, alors respectivement ministre de la santé et de la prévention et ministre déléguée chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Tel que le texte nous a été transmis, il comporte désormais sept articles qui, outre les deux derniers qui procèdent à l'application outre-mer du texte et à une demande de rapport, ont trois objectifs principaux.
Le premier objectif, porté par les articles 1er et 2, consiste à renforcer les sanctions contre les atteintes, qu'elles soient physiques ou verbales, aux personnels des structures de soins. Pour ce faire, l'article 1er étend à l'ensemble des personnels des structures hospitalières, médicales, paramédicales et médico-sociales, quel que soit leur mode d'exercice, l'aggravation des sanctions prévues depuis plus de vingt ans pour les violences commises à l'encontre des professionnels de santé. Il étend par ailleurs le champ d'application des circonstances aggravantes retenues en cas de vol de matériel médical. L'article 2 procède à une extension parallèle pour les outrages.
Le deuxième objectif, porté par les articles 2 bis et 3, consiste à systématiser les dépôts de plainte après chaque incident. Il résulte du constat selon lequel il existerait un « frein » au dépôt de plainte. En effet, moins d'un tiers des signalements de violences donne lieu à l'engagement d'une procédure judiciaire par la victime. Pour lever ce frein, certes multifactoriel, l'article 2 bis vise à octroyer aux professionnels de santé la possibilité de déclarer comme domicile l'adresse de leur ordre professionnel ou leur adresse professionnelle lorsqu'ils portent plainte, sous réserve de l'accord du procureur de la République ou du juge d'instruction.
Dans une logique similaire à l'extension de la plainte pour autrui que les législateurs que nous sommes avons décidée pour les agents d'un service public de transport, l'article 3 permet à l'employeur de porter plainte à la place d'un professionnel de santé ou d'un membre du personnel d'un établissement de santé ou médico-social.
Enfin, le troisième objectif du texte, porté par l'article 3 bis, vise à améliorer la connaissance et le suivi des violences en santé. Il est ainsi prévu que soit annuellement présenté au conseil de surveillance ou au conseil d'administration des divers établissements publics ou privés de santé ou médico-sociaux un « bilan des actes de violence commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels ».
Inutile de nous leurrer : ces mesures ont une portée avant tout symbolique. Elles me semblent toutefois nécessaires, sous réserve de leur bonne insertion dans notre arsenal législatif, au vu de la détresse des professionnels de santé face à des actes inacceptables. Ce texte permet donc de réitérer le soutien des pouvoirs publics, dont le législateur, aux victimes de ces violences. Il va sans dire que, hors du cas spécifique des violences s'expliquant par des troubles cognitifs ou des pathologies, toute banalisation de la violence dans les lieux de soins doit ainsi être jugulée.
Bien sûr, la réponse doit aussi être financière. Ce débat relève toutefois du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), que nous examinerons à l'automne.
La réponse à ces violences relève également d'une mobilisation judiciaire à la hauteur du sentiment de vulnérabilité des soignants. C'est pourquoi je vous propose d'émettre un avis globalement favorable sur ce texte, qui participe de l'objectif d'une « tolérance zéro » à l'égard de ces violences.
Nonobstant cet avis favorable sur les principales mesures du texte, je vous propose six amendements pour sécuriser juridiquement les mesures qui apparaissent utiles et pour ne conserver que celles dont la plus-value législative est démontrée.
Sur le premier point, je vous propose de préciser, à l'article 1er, que le renforcement des sanctions vise les atteintes à toutes les personnes employées au sein des structures de soins et non seulement directement employées par ces structures.
À l'article 2, l'infraction d'outrage paraissant inadaptée à la protection des professionnels libéraux, je suggère de réécrire l'article en visant l'infraction d'injure, sanctionnée par l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881. Cette modification entraînera un délai de prescription plus court, d'une durée d'un an, mais qui me paraît raisonnable.
À l'article 3, je vous invite notamment à préciser que le dépôt de plainte par l'employeur ne sera pas possible lorsque les violences alléguées sont commises entre membres du service et à confier aux ordres professionnels, qui m'ont fait part de leur volontarisme en la matière, la faculté de déposer plainte pour les professionnels libéraux organisés par ordre.
Enfin, je vous soumettrai des amendements de suppression des articles 2 bis, 3 bis et 5. Il ne s'agit aucunement d'un désaccord sur les objectifs sous-tendus par ces articles, mais du constat qu'ils sont majoritairement redondants avec l'état du droit.
L'article 2 bis est en effet satisfait par l'article 10-2 du code de procédure pénale, qui permet déjà à tout plaignant de déclarer, avec son accord, l'adresse d'un tiers. De même, l'article 3 bis est en grande partie satisfait par des dispositions de nature réglementaire, notamment celles qui prévoient que les données du rapport social unique relatives à la santé et à la sécurité doivent comporter des éléments sur les « violences sur agent », notamment « le nombre d'actes de violence » et « le nombre de victimes d'actes de violence ».
Vous l'aurez compris, je vous propose d'adopter une position de soutien sans faille aux professionnels de santé et aux personnes qui les entourent, car ils attendent ces mesures. Nous les comprenons : une société qui ne respecte plus ceux qui donnent de leur temps et de leur énergie à aider les autres est une société qui dysfonctionne. Ce soutien ne doit cependant pas se faire au prix d'un « bavardage législatif » : nos soignants méritent des mesures dont l'utilité et la qualité juridique sont avérées.
M. Francis Szpiner. - Il vaudrait mieux conserver la notion d'outrage que celle d'injure. L'outrage étant une infraction de droit commun qui échappe au droit de la presse et la loi de 1881 sur la liberté de la presse étant pour le moins complexe, il apparaît plus aisé d'assurer la répression avec la notion d'outrage, qui sera plus efficace.
Mme Marie Mercier. - Merci à la rapporteure pour la qualité de son travail. L'état de notre société ne manque pas de nous inquiéter : les gardiens de prison et les magistrats ont peur, tandis que les enfants de policiers n'osent pas indiquer la profession de leurs parents. Après les pompiers, ce sont désormais les soignants qui ouvrent leur cabinet avec la peur au ventre. Quand ceux qui s'occupent des autres se font passer à tabac, on voit à quel point la situation est dégradée.
Aussi, et alors que les déserts médicaux sont au coeur de l'actualité, je tiens à souligner que ce n'est pas en ne prenant pas soin des médecins qu'on favorisera leur installation. Il s'agit désormais d'une profession à risque, et nous devrons tout mettre en oeuvre pour les aider, notamment en élaborant une loi qui permette de punir leurs agresseurs.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain partage l'essentiel des propos de la rapporteure, ainsi que les observations de Marie Mercier. Il faut cependant veiller à ne pas tomber dans une forme de bavardage législatif, qui ne servirait qu'à communiquer en direction des professionnels de santé.
Selon nous, la répression ne suffit pas et les violences qui surviennent sont également liées au fait que les personnes qui arrivent dans les lieux où sont dispensés les soins se trouvent souvent dans un grand état de tension ou d'inquiétude par rapport aux délais qu'on leur impose, ce qui ne permet guère de garantir un fonctionnement serein.
On ne pourra pas répondre à ces violences grâce à la seule répression. Ne nous racontons pas d'histoires quant à la portée de ce texte, sur lequel nous avons cependant un avis globalement positif.
Mme Dominique Vérien. - Je salue le travail de la rapporteure et souligne la nécessité de ce texte, utile y compris pour les médecins exerçant en ruralité et dans les départements les moins exposés. Dans l'Yonne, un médecin a ainsi été molesté et a porté plainte, mais l'agresseur n'a été condamné qu'à une amende de 1 000 euros avec sursis.
Dans d'autres zones bien moins calmes, certains professionnels exerçant dans des centres de santé sont contraints d'obéir à certains patients qui leur demandent un arrêt de travail, par peur d'être passés à tabac en cas de refus. J'ai connaissance du cas d'un médecin qui a été agressé deux fois avant que son employeur ne lui ordonne d'obtempérer : aucune plainte n'a été déposée. Ce type de situations montre la nécessité d'un travail conjoint avec les forces de l'ordre et la justice, les centres de santé étant très exposés : il conviendrait de mieux les accompagner et surtout de réprimer davantage ces comportements. Cette proposition de loi est donc la bienvenue.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Monsieur Szpiner, la notion d'outrage est réservée aux personnes chargées d'une mission de service public, d'où notre souhait de retenir la notion d'injure afin de protéger le plus grand nombre de personnes possible.
Pour ce qui est des inquiétudes exprimées par Marie Mercier au sujet de ces violences, je ne peux que les partager, les auditions ayant été l'occasion de recueillir des témoignages poignants de certaines associations de médecins mais pas toujours très rassurants : avec cette proposition de loi, nous essayons de répondre en partie à ces problématiques.
S'agissant du caractère bavard de la loi, je vous propose justement plusieurs amendements de suppression afin de ne conserver que les dispositions essentielles et de ne pas nous limiter à des symboles, grâce à l'élargissement à tout l'écosystème du personnel soignant. L'augmentation du quantum des peines peut ainsi apparaître comme symbolique, mais cette dimension est également importante pour les personnes touchées.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient, mes chers collègues, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi.
Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions visant, en matière pénale, à prévenir et sanctionner les violences commises à l'encontre des soignants et du personnel exerçant à titre libéral et/ou au sein des établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux ; facilitant le dépôt de plainte lorsque de telles violences sont commises ; et visant à améliorer le suivi et la connaissance de ces violences.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
L'amendement de précision rédactionnelle COM-9 est adopté.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-6 est satisfait par le texte, et la disposition qu'il entend modifier à l'alinéa 8 ne concerne en fait que le vol. Avis défavorable.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-3 vise à créer une circonstance aggravante quand une agression sexuelle est commise sur un soignant, ainsi qu'une circonstance aggravante lorsque le soignant est l'auteur de l'agression. Cela pose plusieurs questions en droit, dont l'articulation avec l'article 222-28 du code pénal qui réprime les agressions sexuelles commises « par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ».
Je propose donc que nous revoyions ce sujet en séance. Je demande le retrait de l'amendement, et, à défaut, émettrai un avis défavorable.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'article 2 concerne l'infraction d'outrage, mais celle-ci est en fait prévue pour les personnes chargées d'une mission de service public, comme je l'indiquais à Francis Szpiner. Dès lors qu'il s'agit de protéger tous les professionnels, qu'ils soient ou non chargés d'une mission de service public, il convient plutôt de viser l'infraction d'injure : tel est l'objet de l'amendement COM-10.
M. Francis Szpiner. - J'avais cru comprendre qu'un article précédent assimilait toute personne travaillant à l'hôpital à un agent chargé d'une mission de service public. Le débat est simple : si un libéral bénéficie de la protection dès lors qu'il travaille à l'hôpital, la notion d'outrage est la plus adaptée ; s'il reste considéré comme un libéral, la notion d'injure est alors plus pertinente.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Nous sommes bien d'accord. Il s'agit de protéger également les professionnels libéraux qui travaillent dans leur cabinet.
L'amendement COM-10 est adopté.
L'article 2 est ainsi rédigé.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-4 est en pratique satisfait par l'article 433-3 du code pénal, qui punit de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende le fait d'user de menaces, de violences ou de commettre tout autre acte d'intimidation pour obtenir d'un professionnel de santé qu'elle accomplisse ou s'abstienne d'accomplir un acte de sa fonction ou de sa mission.
L'amendement COM-4 n'est pas adopté.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - La faculté pour tout plaignant de déclarer l'adresse d'un tiers lors du dépôt de plainte étant déjà prévue par l'article 10-2 du code de procédure pénale, l'article 2 bis est superfétatoire dans son objet, et moins-disant par rapport à l'état du droit si l'on tient compte de la procédure proposée, puisqu'il prévoit l'accord préalable du procureur de la République ou du juge d'instruction. Aussi, l'amendement COM-11 vise à supprimer cet article.
L'amendement COM-11 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-7 devient sans objet.
L'article 2 bis est supprimé.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - Le dépôt d'une plainte par l'employeur que prévoit l'amendement COM-12 est une mesure très attendue par les professionnels de santé. Il s'inscrit dans un mouvement plus général d'extension du dépôt de plainte pour autrui que nous avons soutenu dans d'autres textes récents, par exemple pour les agents des services publics de transport.
En premier lieu, l'amendement précise que lorsque les violences ont lieu entre membres du personnel, qu'ils soient soignants ou non, le dépôt de plainte au nom de la victime présumée par l'employeur ne sera pas possible, afin d'éviter toute instrumentalisation de cette plainte en l'assimilant à une prise de position. Cela évitera à l'employeur de prendre parti pour l'un ou l'autre des membres du personnel.
En deuxième lieu, cet amendement confie aux ordres professionnels la faculté de déposer plainte pour les professionnels libéraux organisés par ordre, c'est-à-dire les médecins, chirurgiens-dentistes, sages-femmes, pharmaciens, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes ou pédicures-podologues. J'ai en effet pu constater, lors de mes auditions, que les ordres étaient particulièrement volontaires pour exercer cette fonction, ce qui devrait faciliter l'application de l'article 3, a fortiori alors que les ordres peuvent déjà se constituer partie civile lorsque leurs membres font l'objet de menaces ou violences.
En troisième lieu, enfin, cet amendement vise à aligner les compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions libérales en matière de constitution de partie civile.
L'amendement COM-12 est adopté. En conséquence, les amendements COM-1 rectifié et COM-5 deviennent sans objet.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'article 3 bis prévoit la présentation annuelle d'un « bilan des actes de violences commis au sein de l'établissement ou du service et les moyens mis en oeuvre pour assurer la sécurité des personnels travaillant au sein de l'établissement ou du service ».
Je vous soumets l'amendement de suppression COM-13 dans la mesure où ces dispositions sont déjà en grande partie satisfaites, en particulier par le rapport social unique (RSU), pour les établissements publics, et par le document unique d'évaluation des risques professionnels (Duerp), pour les établissements privés.
Il me semble plus utile que la charge administrative que l'article 3 bis ferait porter sur les établissements soit consacrée à la déclaration plus systématique des actes de violence sur le site de l'ONVS.
L'amendement COM-13 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-8 devient sans objet.
L'article 3 bis est supprimé.
Article 4 (nouveau)
L'article 4 est adopté sans modification.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - L'amendement COM-2 concerne une demande de rapport sur la corrélation entre le manque de moyens et les violences. Comme pour toute demande de rapport, l'avis est défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - C'est la seule façon de débattre d'un sujet s'il n'est pas déjà traité. Une fois encore, ne nous racontons pas d'histoires : ce texte ne saurait suffire à résoudre les difficultés. C'est pourquoi nous évoquons la corrélation entre le manque de moyens et les violences, notamment dans les unités de soins psychiatriques. Sans action complémentaire ni annonces du ministre, nous constaterons dans quelque temps que rien n'a été réglé.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - La commission des affaires sociales a vocation à s'emparer du sujet.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Cette commission travaille en effet de manière assidue sur l'accès aux soins, dont l'accès aux soins psychiatriques.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Anne-Sophie Patru, rapporteure. - La remise d'un rapport ne paraît pas de nature à apporter de nouveaux éléments d'information sur une situation malheureusement connue et documentée. Je vous propose donc d'adopter l'amendement de suppression COM-14.
L'amendement COM-14 est adopté.
L'article 5 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
9 |
Amendement de précision afin de protéger tous les personnels travaillant au sein des structures de soin |
Adopté |
M. KHALIFÉ |
6 |
Remplacement de la notion d'établissement de santé par celle de lieu dédié aux soins |
Rejeté |
M. BOURGI |
3 |
Circonstance aggravante en cas d'agression sexuelle par ou sur un professionnel de santé durant son exercice |
Rejeté |
Article 2 |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
10 |
Nouvelle rédaction tendant à prévoir la répression de l'insulte |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. BOURGI |
4 |
Sanction aggravée des actions contraire à la déontologie des professionnels |
Rejeté |
Article 2 bis (nouveau) |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
11 |
Suppression de l'article |
Adopté |
M. KHALIFÉ |
7 |
Suppression de l'accord préalable du juge d'instruction pour déclarer l'adresse d'un ordre professionnel lors du dépôt de plainte |
Rejeté |
Article 3 |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
12 |
Précisions sur le champ d'application de l'article, compétence des ordres professionnels pour porter plainte pour leurs membres et alignement, en matière de constitution de partie civile, des compétences des conseils départementaux des ordres des infirmiers et des masseurs-kinésithérapeutes sur celles dont disposent les conseils départementaux des ordres des autres professions |
Adopté |
M. LEFÈVRE |
1 rect. |
Compétence des unions régionales de professionnels de santé (URPS) pour porter plainte pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral |
Rejeté |
Mme GUILLOTIN |
5 rect. bis |
Compétence des unions régionales de professionnels de santé (URPS) pour porter plainte pour les professionnels de santé exerçant à titre libéral |
Rejeté |
Article 3 bis (nouveau) |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
13 |
Suppression de l'article |
Adopté |
M. KHALIFÉ |
8 |
Précision selon laquelle l'article 3 bis s'applique aussi aux professionnels exerçant à titre libéral |
Rejeté |
Article(s) additionnel(s) après Article 4 (nouveau) |
|||
M. BOURGI |
2 |
Rapport sur la corrélation entre le manque de moyens et les violences |
Rejeté |
Article 5 (nouveau) |
|||
Mme PATRU, rapporteure |
14 |
Suppression de l'article |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 29(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la
mention du texte « transmis » dans la Constitution, le
Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport
au contenu précis des dispositions du texte initial,
déposé sur le bureau de la première assemblée
saisie30(*).
Pour
les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien
matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de
l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur
la présence de « cavaliers » dans le
texte31(*).
Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second
critère : il considère comme un
« cavalier » toute disposition organique prise sur
un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a
été pris le texte initial32(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 30 avril 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 430 (2023-2024), visant à renforcer la sécurité des professionnels de santé.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions :
- visant, en matière pénale, à prévenir et sanctionner les violences commises à l'encontre des soignants et du personnel exerçant à titre libéral et/ou au sein des établissements de santé, sociaux ou médico-sociaux ;
- facilitant le dépôt de plainte lorsque de telles violences sont commises ;
- visant à améliorer le suivi et la connaissance de ces violences.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
M. Philippe Pradal, ancien député, auteur du texte et ancien rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur ce texte
Direction générale de l'offre de soins (DGOS)
Mme Clotilde Durand, cheffe de service
Mme Aurélie Avondo-Ray, conseillère crises sanitaires et violences en santé
Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)
M. Julien Morino-Ros, sous-directeur de la négociation et de la législation pénales
Mme Ariane Dulcire, rédactrice
Table ronde des fédérations d'établissements de santé
Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés solidaires (FEHAP) :
Mme Maryse de Wever, directrice de la communication et des relations institutionnelles
Fédération de l'hospitalisation privée (FHP) :
Mme Béatrice Noëllec, directrice des relations institutionnelles et de la veille sociétale
Fédération hospitalière de la France (FHF) :
M. Rodolphe Soulié, responsable du pôle RHH
Fédération nationale des centres de lutte contre le cancer (Unicancer) :
Mme Nicole Bouwyn, directrice des ressources humaines
Mme Sophélia Picaud, directrice de cabinet adjointe
Table ronde des représentants syndicaux du secteur hospitalier
Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière :
M. Didier Birig, secrétaire général
Fédération CFCT santé sociaux :
Mme Marion Miled, membre du conseil fédéral
Mme Carine Chaignet, représentante
Union nationale des syndicats autonomes santé et sociaux public et privé :
M. Yann Le Baron, secrétaire national
Mme Aurore Dufour, permanente nationale
Mme Karine Halgrain-Roger, secrétaire nationale adjointe
Table ronde des ordres médicaux et pharmaceutiques
Conseil national de l'ordre des médecins :
M. Jean-Jacques Avrane, conseiller national et coordonnateur de l'Observatoire pour la sécurité des médecins
Mme Coralie Rimmellspacher, conseillère juridique de la section exercice professionnel
Conseil national de l'ordre des sage-femmes :
Mme Catherine Llinares Trapé, vice-présidente adjointe
M. David Meyer, chef de cabinet
Conseil national de l'ordre des chirurgiens-dentistes :
M. Alain Durand, Président
Conseil national de l'ordre des pharmaciens :
M. Alain Delgutte, membre
Table ronde des ordres paramédicaux
Conseil national de l'ordre des pédicures-podologues :
M. Éric Prou, président
Conseil national de l'ordre des masseurs-kinésithérapeutes :
Mme Pascale Mathieu, présidente
Conseil national de l'ordre des infirmiers :
Mme Sylvaine Mazière-Tauran, présidente
Association Médecins pour demain
M. Ephrem Menager, vice-président
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Union nationale des professionnels de santé (UNPS)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-430.html
* 1 Circulaire DHOS/P1/2005/327 du 11 juillet 2005 du directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, alors Jean Castex.
* 2 Loi n° 2003-239.
* 3 Loi n° 2010-201.
* 4 Conseil constitutionnel, décision n° 2004-510 DC du 20 janvier 2005.
* 5 Voir notamment le 6° de l'article 511-15 du code civil, qui permet à un bénéficiaire d'une ordonnance de protection de dissimuler son adresse personnelle.
* 6 Intitulé du titre XXI du livre IV du code de procédure pénale.
* 7 Amendement n° 51 rect. d'Astrid Panosyan-Bouvet.
* 8 Sous-amendement n° 80 de Didier Martin.
* 9 Astrid Panosyan-Bouvet, compte-rendu de la deuxième séance du jeudi 14 mars 2024 de l'Assemblée nationale.
* 10 Article 15-3 du code de procédure pénale.
* 11 Rapport n° 454 (2020-2021) de Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien, fait au nom de la commission des lois, sur le projet de loi de loi confortant le respect des principes de la République, déposé le 18 mars 2021.
* 12 Rapport annuel de l'observatoire national des violences en santé, édition 2022 (données des années 2020 et 2021), ministère de la santé.
* 13 Observatoire de la sécurité des médecins, édition 2024 (données de l'année 2023), conseil national de l'ordre des médecins.
* 14 Articles L. 4122-1, L. 4123-1, L. 4124-11, L. 4233-1, L. 4312-5, L. 4312-5, L. 4321-16, L. 4321-17-1, L. 4322-9 et L. 4322-10-1 du code de la santé publique.
* 15 Voir infra l'analyse des divergences de compétences en matière de constitution de partie civile entre les conseils nationaux, régionaux et départementaux.
* 16 Ce texte a été définitivement adopté par l'Assemblée nationale le 18 mars 2025 mais n'a pas encore été promulgué en raison d'une saisine du Conseil constitutionnel sur le fondement de l'article 61 de la Constitution
* 17 Ce texte a été adopté par le Sénat le 6 mars 2025 et est en attente d'une inscription à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.
* 18 Circulaire DHOS/P1/2005/327 du 11 juillet 2005 du directeur de l'hospitalisation et de l'organisation des soins, alors Jean Castex.
* 19 https://dgos-onvs.sante.gouv.fr/
* 20 D'autant plus que les ordres peuvent, depuis 2023, avoir accès aux statistiques concernant leurs professions et aux déclarations de leurs membres.
* 21 Le 9° du II de l'article R. 6144-1 du code de la santé publique dispose que la commission médicale d'établissement est consultée sur « le bilan social » de l'établissement ; d'après les informations transmises à la rapporteure, ce bilan social est apprécié par le biais du rapport social unique.
* 22 Le document unique d'évaluation des risques professionnels est régi par les articles R. 4121-1 à R. 4121-4 du code du travail.
* 23 Articles R. 135-1 à R. 135-10 du code général de la fonction publique.
* 24 Amendement n° 53, présenté par Aude Luquet et adopté le 14 mars 2024.
* 25 Voir notamment l'article L. 315-10 du code de l'action sociale et des familles et les articles L. 6143-5, L. 6161-1 et L. 6161-1-1 du code de la santé publique.
* 26 Les seules dispositions du code de la santé publique régissant les conseils d'administration ou de surveillance des établissements de santé privés sont, comme évoqué supra, relatives à la composition de ces conseils.
* 27 Articles L. 6143-1 du code de la santé publique et L. 315-12 du code de l'action sociale et des familles.
* 28 Article L. 6243-2-1 du code de la santé publique.
* 29 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 30 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 31 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 32 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.