EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création d'un nouvel établissement public local

L'article 1er prévoit la création, en lieu et place de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse, d'un nouvel établissement public du commerce et de l'industrie, placé sous la tutelle de la collectivité de Corse.

À cet effet, il tend à déterminer le statut, les missions, les ressources financières, la gouvernance ainsi que les règles régissant l'emploi et la représentation du personnel de l'établissement. Le dispositif s'inspire, sous réserve de certaines adaptations, du régime de droit commun applicable aux CCI régionales, le nouvel établissement ayant vocation à intégrer le réseau CCI France.

La commission a relevé que la création de cet établissement visait essentiellement à maintenir gestion publique des ports et aéroports de l'île, les contrats en concédant la gestion à la CCI de Corse arrivant à leur terme au 31 décembre 2025. Ce nouveau schéma institutionnel permettrait à la collectivité de Corse de confier au nouvel établissement la gestion des équipements portuaires et aéroportuaires sans mise en concurrence préalable, dans le cadre d'une relation de « quasi-régie ».

La commission a approuvé dans son principe cette réforme qui, réclamée de longue date par les représentants de la collectivité de Corse, fait l'objet d'un large consensus parmi les différents acteurs insulaires.

Elle a donc adopté l'article 1er, en y apportant plusieurs modifications visant pour l'essentiel à améliorer l'efficacité de la gouvernance et des mécanismes de représentation du personnel de l'établissement.

1. L'évolution institutionnelle et statutaire du réseau consulaire de Corse : un projet porté par les élus Corses afin d'internaliser la gestion des ports et aéroports insulaires

1.1. Une réflexion sur l'évolution du réseau consulaire corse actée par la loi « PACTE » de 2019 et poursuivie lors du « processus de Beauvau » de 2022

a) L'architecture actuelle du réseau consulaire en Corse

(i) L'organisation du réseau national des chambres de commerce et d'industrie

· Le réseau CCI France et le statut des CCI régionales

Les chambres de commerce et d'industrie (CCI) sont des établissements publics administratifs (EPA) de l'État3(*) investis d'une fonction de représentation des intérêts de l'industrie, du commerce et des services auprès des pouvoirs publics4(*).

Chaque région compte une CCI régionale (CCIR) dont le périmètre recouvre celui de la région. Dans le ressort de chaque CCIR peuvent être créées des CCI territoriales5(*) (détentrices de la personnalité juridique) ou des CCI locales6(*) (dépourvues de personnalité juridique).

L'établissement CCI France, sur lequel le ministre chargé de l'économie exerce sa tutelle, est placé à la tête du réseau des CCI régionales7(*).

Les CCIR8(*) sont, quant à elles, placées sous la tutelle du préfet de région9(*), qui bénéficie dans cette mission de l'assistance du directeur régional des finances publiques.

Les missions des chambres de commerce et d'industrie (article L. 710-1 du code de commerce)

Les établissements du réseau CCI France peuvent assurer les missions suivantes :

« 1° Les missions d'intérêt général qui lui sont confiées par les lois et les règlements ;

« 2° Les missions d'appui, d'accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises, dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur en matière de droit de la concurrence ;

« 3° Une mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production, en partenariat avec l'agence mentionnée à l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 ;

« 4° Une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'il ou elle crée, gère ou finance ;

« 5° Une mission de création et de gestion d'équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

« 6° Les missions de nature concurrentielle qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s'avèrent directement utiles pour l'accomplissement de ses autres missions ;

« 7° Toute mission d'expertise, de consultation ou toute étude demandée par les pouvoirs publics sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il ou elle pourrait prendre l'initiative. »

· Le statut des personnels employés par les CCI

Depuis les réformes issues de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite « PACTE », et de la loi n° 2022-172 du 14 février 2022 en faveur de l'activité professionnelle indépendante, les CCI recrutent exclusivement du personnel de droit privé.

Auparavant, elles employaient essentiellement des agents soumis à un statut spécifique fixé par la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l'établissement obligatoire d'un statut du personnel administratif des chambres d'agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, qui a désormais vocation à disparaître progressivement.

En application du IV de l'article 40 de la loi « PACTE » précitée, les personnels sont représentés, au niveau de CCI France et de chaque CCI de région, par des comités sociaux et économiques (CSE), dont le fonctionnement est régi par les dispositions de droit commun prévues par le code du travail10(*), sous réserve de certaines adaptations rendues nécessaires par les spécificités liées au statut d'établissement public11(*).

· Les spécificités du réseau consulaire régional et de la CCI de Corse

La CCI de Corse (CCIC), dont la circonscription correspond au ressort de la collectivité de Corse, est de création récente puisqu'elle a été instituée au 1er janvier 2011, en application d'un décret de 201012(*).

Elle constitue l'établissement unique à l'échelle régionale depuis que le décret n° 2019-885 du 22 août 201913(*) a procédé à la transformation de la CCI d'Ajaccio et de la Corse-du-Sud et de la CCI de Bastia et de Haute Corse en CCI locales sans personnalité morale rattachées à la CCI de Corse.

Il s'agit d'une particularité du réseau corse, puisqu'à l'échelle nationale, seules les régions des Hauts-de-France et d'Île-de-France ont fait le choix d'un modèle comparable.

Parallèlement, les chambres de métiers et de l'artisanat (CMA) départementales ont été fusionnées au sein d'une chambre régionale (CRMA) au 1er janvier 202114(*).

b) De la loi « PACTE » de 2019 au « processus de Beauvau » de 2022 : une réflexion sur l'évolution du réseau consulaire de l'île

Au 1er janvier 2018, en application de la loi « NOTRe » de 201515(*), la collectivité de Corse est devenue « une collectivité à statut particulier au sens de l'article 72 de la Constitution, en lieu et place de la collectivité territoriale de Corse et des départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse »16(*).

À la suite de cette fusion, l'exécutif de la collectivité de Corse a exprimé le souhait que soit menée une réflexion sur le devenir institutionnel et statutaire du réseau consulaire de l'île, afin de prendre en compte la création de la collectivité unique.

S'était en effet posée la question de savoir si le réseau des CCI, le réseau des CMA et le réseau des chambres d'agriculture de Corse, comportant alors plusieurs établissements, ne devaient pas évoluer pour suivre l'évolution des institutions publiques locales. Un premier ajustement de la carte consulaire régionale a eu lieu entre 2019 et 2021 (voir supra).

Dans ce contexte, l'article 4617(*) de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite « PACTE », a prescrit la conduite d'une étude conjointe entre la collectivité, l'État et les chambres consulaires, « afin de proposer un diagnostic, un audit, une assistance et un conseil en vue de l'évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l'île ».

Article 46 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE »

« En Corse, en raison de la mise en place de la collectivité unique depuis le 1er janvier 2018, une étude est conduite conjointement par la collectivité de Corse, l'État et les chambres consulaires afin de proposer un diagnostic, un audit, une assistance et un conseil en vue de l'évolution institutionnelle et statutaire des chambres consulaires de l'île. Cette évolution doit s'inscrire dans un processus global de transfert de compétences de l'État vers la collectivité de Corse. Cette étude est remise au Parlement ainsi qu'au conseil exécutif de Corse au plus tard un an après la promulgation de la présente loi. »

Il s'agissait alors pour le législateur d'acter le principe d'une réflexion sur l'avenir des réseaux consulaires, sans pour autant valider dès cette époque le principe d'une évolution vers un schéma prédéterminé.

Approuvée par l'Assemblée de Corse en janvier 2022, cette étude, réalisée avec le concours du cabinet de conseil « EY », explore trois scénarios d'évolution du modèle consulaire. L'un d'entre eux, qualifié par le président du conseil exécutif18(*) de « scénario cible », consiste en une absorption de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) et de la chambre régionale de métiers et de l'artisanat (CRMA) par un nouvel établissement public19(*) placé sous la tutelle de la collectivité de Corse.

Or, la création d'un tel établissement public nécessite l'intervention du législateur puisque :

- d'une part, l'organisation et les missions des CCI sont fixées par la partie législative du code de commerce ;

- d'autre part, il s'agit d'une nouvelle catégorie d'établissement public local, dont la création relève de la compétence du législateur en application de l'article 34 de la Constitution.

D'après les informations communiquées par la collectivité de Corse à la rapporteure, cette réforme a fait l'objet de discussions dans le cadre du « processus de Beauvau » initié par le Gouvernement en 2022 dans la perspective d'une évolution du statut de la Corse vers une plus grande autonomie. En effet, les représentants de la collectivité affirment que, « eu égard à sa portée stratégique, aux plans institutionnel, économique et social, [la question du rattachement à la collectivité de Corse de la CCI] a été régulièrement évoquée, aussi bien dans le cadre du processus de Beauvau, que dans les rencontres et réunions de travail conduites entre le Gouvernement et le conseil exécutif en relation avec celui-ci. »

Interrogée sur ce point, la direction générale des collectivités locales (DGCL) a également indiqué que l'évolution institutionnelle prévue par le projet de loi « résulte [...] du processus de Beauvau » amorcé en 2022.

1.2. La volonté d'un nouveau schéma institutionnel permettant le maintien, sous la tutelle de la collectivité, d'une gestion publique des infrastructures portuaires et aéroportuaires

a) Une gestion des infrastructures auparavant concédée à la CCI de Corse par la collectivité

(i) La collectivité de Corse est propriétaire de ces infrastructures et compétente pour leur gestion

De manière générale, la collectivité de Corse est compétente et cheffe de file en matière de développement économique20(*) ; à ce titre, elle est notamment chargée de l'octroi des aides aux entreprises et de l'élaboration du schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII).

En 2004, l'État a transféré à la collectivité de Corse la propriété des quatre aéroports de l'île21(*) ainsi que des ports d'Ajaccio et de Bastia22(*), dont la gestion avait déjà été, s'agissant en particulier des aéroports, concédée depuis plusieurs décennies à la CCI de Corse. La chambre est en effet « l'opérateur historique de la gestion des concessions portuaires et aéroportuaires de Corse » en ce qu'elle a « exercé cette mission pour le compte de l'État depuis la fin des années 1950 pour les aéroports, et depuis le début du XXe siècle pour les ports »23(*).

Parallèlement, depuis la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, les articles L. 4424-22 et L. 4424-23 du CGCT confient à la collectivité de Corse la compétence pour créer, aménager, entretenir et gérer les ports maritimes de commerce et de pêche ainsi que les aérodromes.

(ii) La collectivité a concédé à la CCI de Corse la gestion des équipements portuaires et aéroportuaires

· Les contrats de concession initiaux

En 2005 et 2006, la collectivité de Corse a concédé à la CCI de Corse la gestion de ces infrastructures, pour une durée de 15 ans.

En application de ces contrats de concession, la CCI de Corse assure l'exploitation :

- des aéroports d'Ajaccio, Figari, Bastia et Calvi ;

- des ports de commerce de Bastia, l'Île-Rousse, Ajaccio, Bonifacio, Porto-Vecchio et Propriano ainsi que du port de pêche et de plaisance Tino-Rossi d'Ajaccio.

Cette activité d'exploitation des ports et aéroports constitue la majeure partie de l'activité de la CCI de Corse. En effet, d'après les informations fournies par la chambre régionale des comptes (CRC) de Corse à la rapporteure, les activités de gestion des infrastructures de transport ont généré, en 2023, plus de 92 % des ressources de la CCI de Corse.

Plus largement, la CCI de Corse a indiqué « [opérer] à plus de 96,98 % ses missions pour le compte de la collectivité de Corse », alors même qu'elle est placée sous la tutelle de l'État.

· Les prolongations successives des contrats de concession

Ces concessions, qui devaient initialement prendre fin au 31 décembre 2020, ont été prolongées de quatre ans en raison de la situation imprévisible provoquée par la crise sanitaire.

Pour assurer la continuité de la gestion et du service public entre la fin des contrats de concession prévue le 31 décembre 2024 et l'entrée en vigueur d'une loi permettant le rattachement de la CCI de Corse à la collectivité de Corse, a été envisagée la création, à titre transitoire, d'un syndicat mixte ouvert (SMO). Réunissant la collectivité de Corse et la CCI de Corse, ce syndicat aurait eu pour objet la gestion et l'exploitation des infrastructures aéroportuaires.

En octobre 2024, les services de l'État ont estimé que ce dispositif soulevait « un risque juridique important », au regard notamment des obligations de publicité et de mise en concurrence, induisant la nécessité d'une évolution législative rapide.

En décembre 2024, l'Assemblée de Corse a voté une nouvelle prolongation d'un an (jusqu'au 31 décembre 2025) des contrats de concession, dans l'attente de l'adoption d'une loi permettant la création de l'établissement public escompté.

b) Les représentants de la collectivité de Corse souhaitent la mise en place d'une gestion internalisée dite en « quasi-régie »

Par une délibération adoptée le 28 mars 2025, l'Assemblée de Corse a demandé, par un vote à l'unanimité, le rattachement de la CCI de Corse à la collectivité en se prononçant favorablement sur l'avant-projet de loi qui lui a été soumis pour avis par le Gouvernement.

Elle a ainsi réitéré sa volonté d'être mise en mesure de caractériser une relation de « quasi régie » avec l'établissement public nouvellement créé afin de pouvoir lui confier la gestion des ports et aéroports sans obligation de mise en concurrence préalable.

Y est également réaffirmée la nécessité que le nouvel établissement public soit institué à compter du 1er janvier 2026, afin de sécuriser la gestion publique des ports et des aéroports.

(i) Les conditions et avantages associés à la caractérisation d'une relation de « quasi-régie »

· Les conditions pour caractériser une situation de « quasi-régie »

En application de l'article L. 3211-1 du code de la commande publique, la conclusion d'un contrat de concession dans le cadre d'une relation de quasi-régie suppose la réunion de trois conditions :

- le pouvoir adjudicateur doit exercer sur la personne morale concernée un « contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services ». Ce contrôle analogue suppose l'exercice d'une « influence décisive à la fois sur les objectifs stratégiques et sur les décisions importantes de la personne morale contrôlée »24(*) ;

- la personne morale contrôlée doit réaliser plus de 80 % de son activité dans le cadre des tâches qui lui sont confiées par le pouvoir adjudicateur qui la contrôle ;

- l'absence de participation directe de capitaux privés au capital de la personne morale contrôlée.

· Les avantages attendus de la relation de quasi-régie entre la collectivité et son établissement

L'existence d'une relation de quasi-régie permettrait la poursuite de la gestion par l'établissement public des ports et aéroports, sans qu'il soit nécessaire d'organiser une publicité et une mise en concurrence avant l'arrivée à échéance des concessions en cours, qui expirent au 31 décembre 2025.

En l'espèce, le nouvel établissement public consulaire serait considéré comme le prolongement administratif de la collectivité de Corse, et la relation entre ces deux entités publiques serait exclue du champ d'application de la commande publique.

(ii) Le maintien d'une gestion publique d'équipements stratégiques justifié par les spécificités liées à l'insularité

En raison des spécificités liées à l'insularité, la gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires revêt, en Corse, une dimension stratégique particulièrement marquée.

D'après les représentants de la CCI de Corse, « l'importance pour l'économie insulaire, et d'ailleurs pour la société Corse en général, des enjeux portuaires et aéroportuaires n'est plus à souligner. La différence majeure entre une gestion publique et une gestion privée de ces infrastructures se situe naturellement au niveau des buts et objectifs poursuivis par le gestionnaire dans tous ses actes et programmes d'actions, que ce soit au niveau des investissements, de la gestion du réseau des lignes aériennes ou maritimes, ou encore en matière de politique de développement, du service aux usagers et naturellement en matière politique sociale. »

La collectivité de Corse est d'ailleurs compétente, en application de l'article L. 4424-18 du CGCT, en matière de continuité territoriale, compétence qui concentre de nombreux enjeux eu égard à la structure du tissu économique de l'île, marquée par les contraintes liées à l'insularité.

En effet, le tissu économique de l'île se caractérise par une prédominance des petites et moyennes entreprises (PME) et du secteur du tourisme (près de 40 % du PIB régional) ainsi qu'une forte dépendance à l'égard de l'extérieur : s'agissant par exemple du secteur agricole et alimentaire, 95 % des produits consommés sur l'île sont issus d'importations.

D'après l'étude d'impact accompagnant le projet de loi, « les caractéristiques particulières de la Corse, tant du point de vue géographique que socio-économique, justifient » une reprise de la CCI de Corse par la collectivité, qui dispose déjà des compétences nécessaires en matière de développement économique pour exercer de telles missions. Parallèlement, sur le plan juridique, ces spécificités justifient de déroger au principe de mise en concurrence pour la gestion de ces infrastructures.

In fine, comme le souligne la CRC de Corse, « une telle évolution institutionnelle [permettrait alors à la collectivité de Corse] d'exercer le contrôle sur une structure unique chargée de faire l'interface avec les autres acteurs économiques du territoire, tout en conservant la puissance publique au coeur de la gestion des ports et aéroports. »

c) Les enjeux organisationnels et financiers de l'internalisation par la collectivité des activités de la CCI de Corse

· Les enjeux organisationnels pour la collectivité de Corse

D'une part, la collectivité devra assurer l'intégration des 1 026 agents que compte aujourd'hui la CCI de Corse.

Nombre et statut des agents employés par la CCI de Corse au 1er janvier 2025

Source : CCI de Corse

Or, la collectivité et ses agences et offices emploient d'ores-et-déjà près de 6 000 agents en équivalent temps plein (ETP), un effectif conséquent. L'intégration du personnel de la CCI constituera ainsi un défi majeur pour la collectivité de Corse, qui devra en outre veiller à la bonne articulation entre les compétences du nouvel établissement et l'action des agences et offices compétents en matière de développement économique25(*).

· Les enjeux financiers liés à la reprise de la CCI par la collectivité de Corse

Au cours des travaux conduits par la rapporteure, a été soulevée la question de la situation financière de la CCI. Il s'agit d'un enjeu d'autant plus crucial que, le nouvel établissement ayant vocation à être placé sous la tutelle de la collectivité de Corse, cette dernière sera appelée à en assumer, en dernier ressort, la responsabilité au plan financier.

D'après les données communiquées à la rapporteure par la CCI de Corse et la CRC de Corse, la situation financière de la CCI de Corse, en dépit d'un résultat comptable déficitaire de 10 millions d'euros en 2023, apparaît stable.

Ce résultat comptable négatif serait essentiellement lié à la particularité de la comptabilité des concessions, qui induit l'obligation « d'amortir les biens immobilisés (les investissements réalisés) non pas sur leur durée de vie mais en fonction de la date d'échéance des contrats de concession, conduit à des écritures comptables (charges calculées et principalement amortissements de caducité) »26(*). Or, en dépit de l'approche de l'échéance du terme des contrats de concession, la CCI de Corse a poursuivi, voire accru, le niveau des investissements réalisés chaque année.

2. La création d'un établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse conservant la gestion des équipements portuaires et aéroportuaires

L'article 1er du projet de loi prévoit la création du nouvel établissement du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse et en précise le statut, la gouvernance, les ressources financières ainsi que les conditions d'emploi et de représentation de son personnel.

À cet effet, il tend à créer, au sein du chapitre du CGCT consacré aux compétences de la collectivité de Corse27(*), une nouvelle section 6 intitulée « Commerce, industrie, services ».

2.1. Le statut et les missions de l'établissement

a) La question du caractère de l'établissement public

Si l'article 1er (I du nouvel article L. 4424-42 du CGCT) ne précise pas si l'établissement public sera à caractère industriel et commercial (EPIC) ou administratif (EPA), les représentants de la collectivité et de la CCI de Corse ont fait part de leur volonté de se voir reconnaître la nature d'EPIC, faisant valoir que plus de 90 % de son activité sera de nature industrielle et commerciale.

Dans l'avis qu'il a rendu sur le projet de loi, le Conseil d'État a souligné que, si les CCI « exercent à la fois des missions de service public administratif et des missions à caractère industriel et commercial, ces établissements publics sont regardés, en vertu d'une jurisprudence ancienne et constante, comme des établissements publics à caractère administratif » 28(*). L'établissement ayant vocation à intégrer le réseau CCI France, il a considéré que le qualifier d'EPIC créerait « une discordance, source de confusion » sans être, de surcroît, « de nature à apporter une souplesse de gestion particulière ».

Comme l'a rappelé, en tout état de cause, le Conseil d'État, l'indication du caractère d'un établissement public ne relève pas, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel29(*), de la compétence du législateur mais de celle du pouvoir réglementaire.

b) Les missions de l'établissement 

L'article 1er (par la rédaction du II du nouvel article L. 4424-42 du CGCT) détaille les missions attribuées à l'établissement, en reprenant pour l'essentiel, en l'adaptant, la liste des missions dévolues aux CCI par le code de commerce.

Le nouvel établissement a ainsi vocation à exercer les missions suivantes :

- 1° les missions d'intérêt général qui sont confiées aux établissements du réseau des CCI par les lois et les règlements ;

- 2° les missions d'appui, d'accompagnement, de mise en relation et de conseil auprès des créateurs et repreneurs d'entreprises et des entreprises ;

- 3° une mission d'appui et de conseil pour le développement international des entreprises et l'exportation de leur production, en partenariat avec l'agence mentionnée à l'article 50 de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l'initiative économique ;

- 4° une mission en faveur de la formation professionnelle initiale ou continue grâce, notamment, aux établissements publics et privés d'enseignement qu'il crée, gère ou finance ;

- 5° une mission de création et de gestion d'équipements, en particulier portuaires et aéroportuaires ;

- 6° les missions de nature concurrentielle qui lui ont été confiées par une personne publique ou qui s'avèrent directement utiles pour l'accomplissement de ses autres missions ;

- 7° toute mission d'expertise, de consultation ou toute étude demandée par la collectivité de Corse et les communes de Corse, ainsi que par leurs groupements et établissements publics, sur une question relevant de l'industrie, du commerce, des services, du développement économique, de la formation professionnelle ou de l'aménagement du territoire, sans préjudice des travaux dont il pourrait prendre l'initiative ;

- 8° La délivrance de la carte de commerçant ou artisan ambulant mentionnée à l'article L. 123-29 du code de commerce ;

- 9° La délivrance de la carte professionnelle pour la transaction et la gestion immobilière mentionnée à l'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce30(*).

2.2. La gouvernance de l'établissement : la nécessité d'un contrôle de la collectivité de Corse

Le III du nouvel article L. 4424-42 du CGCT détermine les règles de gouvernance du nouvel établissement public, qui répond à un double objectif :

assurer à la collectivité de Corse un contrôle effectif sur l'établissement, condition pour caractériser la relation de « quasi-régie » escomptée ;

garantir une présence et une représentation suffisantes des représentants professionnels élus.

À cet effet, l'article prévoit que le conseil d'administration est présidé par un membre du conseil exécutif de Corse, désigné par le président du conseil exécutif de Corse, ce dernier étant également chargé de proposer un directeur dont la désignation est ensuite arrêtée par une délibération du conseil exécutif.

Sont appelés à siéger au conseil d'administration :

- des élus de l'assemblée de Corse, qui devront y être majoritaires ;

- des représentants des professionnels, élus pour cinq ans dans les conditions de droit commun fixées par le code de commerce.

Un décret en Conseil d'État devra déterminer la part respective, au sein du conseil d'administration, des conseillers à l'assemblée de Corse et des représentants des professionnels. En effet, comme l'a relevé le Conseil d'État dans son avis, la « règle de majorité ne devrait pas conduire, eu égard à la vocation des chambres de commerce et d'industrie, à s'écarter plus que nécessaire d'une quasi parité entre ces deux collèges. »

Il reviendra, parallèlement, à l'assemblée de Corse de fixer, par délibération, le nombre total de membres du conseil d'administration31(*).

Par référence aux articles L. 713-4 et L. 713-5 du code de commerce, l'article 1er du projet de loi confère au président du conseil exécutif de Corse les prérogatives attribuées au préfet en ce qui concerne l'élection et le mandat des représentants des professionnels.

2.3. Les ressources financières de l'établissement

Le nouvel article L. 4424-43 du CGCT détermine les ressources financières dont bénéficiera le nouvel établissement, qui sont de nature identique à celles dont disposent les CCI régionales.

Reprenant les dispositions de l'article L. 710-1 du code de commerce, il prévoit que les ressources financières de l'établissements sont assurées par :

- 1° Les produits des impositions de toute nature qui lui sont affectés par la loi et toute autre ressource légale entrant dans sa spécialité ;

- 2° La vente ou la rémunération de ses activités ou des services qu'il gère ;

- 3° Les dividendes et autres produits des participations qu'il détient ;

- 4° Les subventions, dons et legs qui lui sont consentis.

En l'état actuel du droit, en application des articles 1600 du code général des impôts et L. 711-16 (10°) du code de commerce, les CCI bénéficient d'une affectation de la taxe pour frais de chambre, dont le produit est réparti par CCI France entre les CCI régionales. Afin de permettre au nouvel établissement de percevoir cette affectation dans les mêmes conditions que la CCI de Corse, ces dispositions devront être modifiées par la loi de finances initiale pour 2026.

2.4. Le statut et l'instance de représentation du personnel de l'établissement

Le nouvel article L. 4424-43 du CGCT précise que l'établissement recrutera son personnel dans les conditions prévues par le code du travail.

Fixée par analogie avec le régime applicable aux CCI, qui ne peuvent recruter que du personnel de droit privé depuis l'entrée en vigueur de la loi « PACTE » de 2019, cette règle répond également à la nature essentiellement industrielle et commerciale de l'activité du futur établissement.

En outre, le dispositif prévoit la constitution d'un comité social territoriale (CST) compétent pour l'ensemble du personnel, exerçant à la fois les attributions des CST prévues par le code général de la fonction publique et celles des comités sociaux et économiques (CSE) prévues par le code du travail.

L'article précise que des « comités sociaux peuvent également être mis en place par décision du conseil d'administration au niveau de tout service ou groupe de service dont la nature ou l'importance le justifie. »

Le CST serait composé de plusieurs formations, en fonction du statut des personnels dont il a à connaître :

- une commission des droits des salariés, compétente pour le collège des salariés de droit privé ;

- une commission des agents publics, compétente pour les agents de droit public ;

- une formation plénière pour les situations intéressant l'ensemble du personnel ;

- une formation spécialisée en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail.

L'article précise que les représentants siégeant au CST sont « élus par collège » : l'un pour les agents relevant du statut issu de la loi n° 5213-11 du 10 décembre 1952, et l'autre pour les salariés régis par le code du travail.

3. Largement consensuelle et réclamée de longue date par les représentants de la collectivité de Corse, cette évolution a été approuvée dans son principe par la commission

Fruit d'un long processus de concertation entre la CCI et la collectivité de Corse, d'une part, et les services de l'État, d'autre part, la création de cet établissement public sui generis a été approuvée dans son principe par la commission.

Celle-ci a en effet considéré, au regard de la dimension stratégique que revêt la question de la gestion des équipements portuaires et aéroportuaires pour le territoire insulaire, que le dispositif était de nature à maintenir une gestion publique de ces infrastructures grâce à l'exception de la quasi-régie.

Il appartiendra dès lors à la collectivité de Corse, qui disposera de l'ensemble des leviers opérationnels en matière de développement économique, d'exploiter les potentialités offertes par ce nouveau schéma institutionnel.

Parallèlement, à l'initiative de sa rapporteure, la commission a apporté au dispositif diverses précisions et procédé à certains ajustements, afin notamment de garantir l'efficacité de la gouvernance du nouvel établissement.

En premier lieu, la commission a inscrit explicitement, par l'adoption d'un amendement de la rapporteure (COM-1), au sein de la liste des missions de l'établissement public, son rôle en matière de maintien de la sûreté et de la sécurité des équipements portuaires et aéroportuaires.

En deuxième lieu, par l'adoption d'un amendement COM-4 présenté par la rapporteure, la commission a remplacé le CST initialement envisagé par un CSE.

En effet, le modèle du CST, inspiré du schéma retenu lors de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) et composé de différentes formations compétentes en fonction du statut du personnel, n'a pas paru adapté à la situation du futur établissement du commerce et de l'industrie de Corse, en dépit du caractère « mixte » de son personnel. En outre, les agents régis par le statut issu de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 sont aujourd'hui exclus du champ d'application du code général de la fonction publique (7° de l'article L. 6 du CGFP).

Comme l'ont souligné les autorités de la CCI de Corse et les représentants du personnel de l'établissement, le CSE central actuel est élu par un collège électoral unique et exerce ses attributions à l'égard de l'ensemble du personnel, indépendamment du statut.

Le dispositif adopté par la commission tend à préserver ce schéma, à l'égard duquel les acteurs concernés ont exprimé leur attachement. Le CSE institué fonctionnerait pour l'essentiel dans les conditions de droit commun, sous réserve de certaines adaptations liées aux particularités du nouvel établissement.

Par ailleurs, l'amendement prévoit que seront obligatoirement mis en place par le conseil d'administration de l'établissement public des CSE d'établissement, afin de garantir le maintien d'antennes locales du CSE central au sein de certains services ou groupes de services.

En dernier lieu, à l'initiative de sa rapporteure, la commission a adopté un amendement COM-2 visant à permettre à des représentants du personnel d'assister au conseil d'administration avec voix consultative.

Elle a, enfin, adopté un amendement rédactionnel COM-3 de sa rapporteure.

La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.

Article 2
Intégration de l'établissement public dans le réseau CCI France et participation des représentants des professionnels à l'élection des juges des tribunaux de commerce

L'article 2 vise à intégrer l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse au réseau national des chambres de commerce et d'industrie, pour lui permettre, notamment de continuer à percevoir la taxe pour frais de chambre. Il tend par ailleurs à intégrer les représentants élus des professionnels au collège électoral des juges des tribunaux de commerce.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. L'intégration de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse au réseau national des chambres de commerce et d'industrie

1.1. Les chambres de commerce et d'industrie sont intégrées à un réseau national, chapeauté par CCI France

· CCI France

Aux termes de l'article L. 711-15 du code de commerce, l'établissement public « CCI France » est placé à la tête du réseau des CCI32(*), qui rassemble, outre CCI France :

- les chambres de commerce et d'industrie de région ;

- les chambres de commerce et d'industrie territoriales ;

- les chambres de commerce et d'industrie locales ;

- les chambres de commerce et d'industrie départementales d'Île-de-France ;

- les groupements interconsulaires que peuvent former plusieurs chambres de région ou territoriales entre elles.

· Missions exercées par CCI France

L'article L. 711-16 du code de commerce précise que CCI France assure l'animation de l'ensemble du réseau des CCI.

À ce titre, elle est chargée :

- d'élaborer la stratégie nationale du réseau des CCI ;

- d'adopter les normes d'intervention pour les établissements membres du réseau et de s'assurer du respect de ces normes ;

- de développer une offre nationale de services mise en oeuvre par chaque CCI de région ;

- de gérer les projets de portée nationale intéressant le réseau ;

- de proposer aux CCI territoriales, départementales d'Île-de-France et de région des fonctions de soutien dans les domaines technique, juridique et financier ainsi que dans celui de la communication institutionnelle ;

- de passer, pour son compte ou pour celui de tout ou partie des chambres du réseau, des marchés ou des accords-cadres ;

- d'assurer la fonction de centrale d'achat au sens du code de la commande publique, pour le compte de tout ou partie des CCI de région, territoriales et départementales d'Île-de-France ;

- de définir et de suivre la mise en oeuvre de la politique générale du réseau en matière de gestion des personnels des chambres, de mettre en place une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences au niveau national, d'animer et de présider l'instance nationale représentative du personnel et de négocier et signer les conventions et accords collectifs applicables aux personnels des CCI ;

- de déterminer les conditions de recrutement et de rémunération des directeurs généraux sous contrat de droit privé, ainsi que la procédure et les conditions de cessation de leurs fonctions et les modalités de leur indemnisation en cas de rupture de la relation de travail ;

- de rendre un avis sur les nominations de directeur général des CCI régionales et territoriales et sur toute décision de rupture de la relation de travail d'un directeur général à l'initiative de l'employeur ;

- de diligenter ou mener des audits relatifs au fonctionnement ou à la situation financière de chambres du réseau ;

- de coordonner les actions du réseau avec celles des CCI françaises à l'étranger ;

- de constituer, à la demande des chambres du réseau, une instance de conciliation pour les différends opposant plusieurs chambres entre elles avant un recours en justice ;

- de répartir entre les CCI de région le produit de la taxe pour frais de chambre33(*) ;

- d'établir un inventaire et une définition de la stratégie immobilière du réseau des CCI.

La taxe pour frais de chambre

Prévue par l'article 1600 du code général des impôts, la taxe pour frais de chambres est constituée de deux contributions : une taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises et une taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Son produit, qui s'élève à 525 millions d'euros en 2025, est perçu par CCI France et réparti ensuite entre les CCI de région, après déduction d'une quote-part par CCI France, nécessaire au financement de son fonctionnement, de ses missions et des projets de portée nationale.

La répartition du produit entre les CCI de région tient compte des objectifs fixés dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens, des résultats de leur performance, des besoins des chambres pour assurer leurs missions, de leur poids économique et de la péréquation nécessaire entre les CCI pour prendre en compte les particularités locales.

1.2. L'intégration du nouvel établissement public du commerce et de l'industrie de Corse au réseau national des CCI, prévue par l'article 2

L'article 2 modifie en premier lieu l'article L. 711-15 du code de commerce, de façon à intégrer le nouvel établissement public du commerce et de l'industrie de Corse au réseau national des CCI.

À cet effet, l'article 2 prévoit que l'organe délibérant de CCI France intégrera le président en exercice de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse.

Comme indiqué à la rapporteure par la DGCL, le maintien du nouvel établissement public au sein du réseau national des CCI lui permettra :

- d'une part, de bénéficier de la fraction de la taxe pour frais de chambre versée par CCI France34(*). Le projet de loi de finances pour 2026 devra à cet effet intégrer une disposition prévoyant que le nouvel établissement public bénéficiera de cette fraction ;

- d'autre part, de participer à des actions de mutualisation avec les autres établissements du réseau des CCI.

Les mutualisations entre les établissements du réseau des CCI

En premier lieu, les établissements du réseau des CCI peuvent être à l'initiative d'actions de mutualisation et conclure des conventions entre eux, à l'effet notamment de partager des compétences ou de créer ou conserver à frais communs des services ou des ouvrages35(*).

En second lieu, les établissements du réseau des CCI peuvent, sous réserve de l'approbation de l'autorité de tutelle, se concerter en vue de créer, subventionner et faire fonctionner des établissements, services ou travaux d'intérêt commun. Ils peuvent, à cet effet, contracter des emprunts collectifs dont la charge est répartie entre les établissements participants36(*).

En sus, la commission a relevé que l'intégration du nouvel établissement public au réseau des CCI lui permettrait de bénéficier de l'ensemble des prestations proposées par CCI France - telles que l'offre de soutien dans les domaines technique, juridique et financier.

Par conséquent, la commission s'est montrée favorable à cette mesure.

2. L'intégration des représentants élus des professionnels de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse au collège électoral des juges consulaires

2.1. Le collège électoral des juges consulaires

Les tribunaux de commerce sont compétents pour les contestations relatives aux engagements entre commerçants, artisans, établissements de crédit ou sociétés de financement, ainsi que celles relatives aux sociétés commerciales et aux actes de commerce entre toute personne37(*).

Ils sont composés de juges consulaires, élus dans le ressort de la juridiction par un collège38(*) composé :

- des membres élus des CCI et des chambres de métiers et de l'artisanat dans le ressort de la juridiction ;

- des juges du tribunal de commerce ainsi que des anciens membres du tribunal, à la condition, pour ces derniers, qu'ils y aient exercé leurs fonctions pendant au moins six années.

2.2. L'intégration des représentants élus des professionnels du nouvel établissement public au collège électoral des juges consulaires

L'article 2 tend à modifier la composition du collège électoral des juges consulaires, fixé par l'article L. 723-1 du code de commerce, afin d'y intégrer les représentants élus des professionnels de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse.

La commission a accueilli favorablement cette mesure, qui permettra aux représentants des professionnels du nouvel établissement public de participer à l'élection des juges consulaires des tribunaux de commerce de Corse.

La commission a adopté l'article 2 sans modification.

Article 3
Délivrance de cartes professionnelles par le président du conseil d'administration de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse

L'article 3 vise à permettre au président du conseil d'administration de l'établissement du commerce et de l'industrie de Corse de délivrer des cartes professionnelles aux personnes souhaitant exercer une activité immobilière, telles que les agents immobiliers.

La commission a relevé que les chambres de commerce et d'industrie sont compétentes pour délivrer de telles cartes aux professionnels de l'immobilier et a considéré qu'il était nécessaire de permettre au nouvel établissement public de poursuivre cette mission, actuellement exercée par la chambre de commerce et d'industrie de Corse. Elle a par conséquent adopté cet article sans modification.

1. Les chambres de commerce et d'industrie sont compétentes pour délivrer des cartes professionnelles pour les activités immobilières

L'article 3 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce prévoit, depuis 2015, que les présidents des CCI territoriales (ou, dans les circonscriptions où il n'existe pas de CCI territoriales, les présidents des CCI de région) sont compétents pour délivrer les cartes professionnelles aux personnes physiques ou morales qui souhaitent exercer une activité immobilière, telles que les agents immobiliers, les administrateurs de biens, les syndics de copropriété ou encore les marchands de listes.

Cela concerne plus précisément l'ensemble des personnes physiques ou morales qui se livrent ou prêtent leurs concours, même à titre accessoire, aux opérations portant sur les biens d'autrui et relatives à :

- l'achat, la vente, la recherche, l'échange, la location ou sous-location d'immeubles bâtis ou non bâtis ;

- l'achat, la vente ou la location-gérance de fonds de commerce ;

- la cession d'un cheptel mort ou vif ;

- la souscription, l'achat, la vente d'actions ou de parts de sociétés immobilières ou de sociétés d'habitat participatif donnant vocation à une attribution de locaux ;

- l'achat, la vente de parts sociales non négociables, lorsque l'actif social comprend un immeuble ou un fonds de commerce ;

- la gestion immobilière ;

- à l'exclusion des publications par voie de presse, la vente de listes ou de fichiers relatifs à l'achat, la vente, la location ou sous-location ou à la vente de fonds de commerce ;

- la conclusion de tout contrat de jouissance d'immeuble à temps partagé ;

- l'exercice des fonctions de syndic de copropriété.

La carte professionnelle délivrée par le président de la CCI est valable trois ans et présente un caractère obligatoire pour exercer. Son renouvellement est soumis à une obligation de formation continue39(*).

En Corse, cette mission est actuellement dévolue à la CCI de Corse, qui a délivré 550 cartes professionnelles en 2024, dont 354 cartes d'agents immobiliers.

2. L'article 3 tend à permettre au président du conseil d'administration de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse de délivrer les cartes professionnelles pour les activités immobilières

L'article 3 du projet de loi tend à modifier l'article 3 de la loi du 2 janvier 1970 précité et précise qu'en Corse, la carte professionnelle pour les activités immobilières est délivrée par le président du conseil d'administration de l'établissement public du commerce et de l'industrie de Corse.

Ces dispositions tirent ainsi les conséquences du remplacement de la CCI de Corse par un nouvel établissement public rattaché à la collectivité de Corse.

La commission a considéré qu'il était cohérent de permettre à l'établissement public se substituant à la CCI de Corse de reprendre cette mission et a par conséquent accueilli favorablement cette mesure.

La commission a adopté l'article 3 sans modification.

Article 4
Dispositions transitoires et entrée en vigueur

L'article 4 prévoit l'ensemble des mesures transitoires nécessaires à la mise en place, à compter du 1er janvier 2026, du nouvel établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse.

Dans cette optique, il opère notamment le transfert à l'établissement de l'ensemble du personnel, des biens, droits et obligations de la chambre de commerce et d'industrie (CCI) de Corse.

Il organise, en outre, une période transitoire au cours de laquelle, d'une part, les représentants du personnel poursuivent leur mandat jusqu'à la constitution du nouveau comité social territorial (CST) et, d'autre part, les représentants des professionnels élus à la CCI de Corse siègent au conseil d'administration de l'établissement jusqu'à l'expiration de leur mandat en novembre 2026.

Jugeant nécessaires les mesures transitoires prévues par l'article 4, la commission l'a adopté, modifié par plusieurs amendements visant à garantir une gouvernance efficace de l'établissement et à faciliter le dialogue social au cours de cette période.

1. Des dispositions transitoires rendues nécessaires par la mise en place du nouvel établissement public à compter du 1er janvier 2026

1.1. Le transfert à l'établissement du personnel ainsi que des biens, droits et obligations de la CCI de Corse

En premier lieu, le I de l'article 4 prévoit que les biens, droit et obligations de la CCI de Corse sont transférés à l'établissement public du commerce et de l'industrie de la Corse à compter du 1er janvier 2026, en précisant que ce transfert « est réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, droit ou taxe, ni d'aucune contribution ou frais perçus au profit du Trésor ».

En second lieu, le III de l'article 4 précise que le transfert du personnel de la CCI de Corse à l'établissement a lieu à la date de création de ce dernier. Dans ce cadre :

- les salariés de droit privé conservent le bénéfice de leur contrat ;

- les agents relevant du statut des chambres de commerce et d'industrie issu de la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 bénéficient d'un droit d'option : ils peuvent, aux choix, conserver le bénéfice de leur statut ou opter pour un contrat de droit privé40(*).

1.2. Les dispositions transitoires visant à assurer la continuité de la représentation du personnel

Le IV de l'article 4 prévoit que le comité social territorial (CST) mentionné à l'article 1er du projet de loi est constitué dans un délai maximal de six mois suivant sa publication.

Au cours de cette période, le comité social et économique (CSE) central et les quatre CSE d'établissement de la CCI de Corse seraient maintenus en fonction. Jusqu'aux élections des représentants du personnel permettant la constitution du CST, les représentants actuels poursuivraient leur mandat.

1.3. Une composition transitoire du conseil d'administration de l'établissement public

Le président de l'établissement ainsi que les conseillers à l'assemblée de Corse appelés à siéger au sein du conseil d'administration devront être désignés, en application du II de l'article 4, au plus tard le 1er janvier 2026.

Est toutefois prévue une période transitoire au cours de laquelle tous les membres élus de la CCI de Corse (représentants des professionnels élus lors du dernier renouvellement) siégeront au conseil d'administration.

À l'expiration de leur mandat, l'assemblée de Corse pourra fixer le nombre de représentants des professionnels qui, à l'avenir, siégeront au conseil d'administration.

Or, ces derniers étant actuellement au nombre de 40, compte tenu de l'exigence d'une composition du conseil d'administration permettant aux élus de la collectivité de Corse de bénéficier d'une majorité, le conseil devra comporter au moins 81 membres.

1.4. La prolongation des effets des conventions, accords et engagements unilatéraux jusqu'au 30 juin 2027

Le V de l'article 5 organise la prolongation des effets des conventions, accords et engagements unilatéraux conclus au sein de la CCI de Corse jusqu'à ce que leur soient substitués de nouveaux conventions, accords et engagements unilatéraux.

En tout état de cause, une date butoir est fixée au 30 juin 2027, octroyant aux acteurs intéressés un délai de 18 mois pour faire aboutir les négociations afférentes.

2. La commission a approuvé ces mesures transitoires, en procédant à des ajustements destinés à garantir l'efficacité de la gouvernance de l'établissement

Jugeant la plupart de ces dispositions transitoires nécessaires, la commission les a approuvées dans leur ensemble.

Elle a toutefois apporté des modifications à certaines mesures dans l'objectif de garantir une gouvernance efficace de l'établissement public au cours de la période transitoire.

D'une part, la commission a adopté, à l'initiative de sa rapporteure, un amendement COM-5 visant à réduire le nombre d'élus consulaires de la CCI de Corse qui seront appelés à siéger au conseil d'administration de l'établissement entre les mois de janvier et de novembre 2026 (date du prochain renouvellement des membres des CCI régionales).

Le texte permettait initialement aux 40 membres élus de la CCI de Corse de siéger au conseil d'administration au cours de cette période. Or, l'article 1er du projet impose une présence majoritaire des conseillers à l'assemblée de Corse au sein dudit conseil d'administration. Alors que l'assemblée de Corse compte 63 membres41(*), le dispositif aurait obligé à la collectivité à désigner au moins 41 membres pour siéger au conseil d'administration au cours de la première année suivant la création de l'établissement.

Conduisant à porter l'effectif du conseil d'administration, sur cette période, à au moins 81 membres, cette situation aurait généré des difficultés pratiques potentiellement attentatoires à la bonne gouvernance de l'établissement, au cours d'une période de transition déterminante pour son installation.

L'amendement adopté par la commission a donc prévu qu'avant la date de création de l'établissement, fixée au 1er janvier 2026, l'assemblée générale de la CCI de Corse désigne en son sein les 20 membres qui seront appelés à siéger, jusqu'au renouvellement électoral consulaire de novembre 2026, au sein du conseil d'administration du nouvel établissement.

Les 20 autres représentants élus des professionnels de la CCI de Corse deviendront suppléants et siégeront au conseil d'administration du nouvel établissement avec voix délibérative en cas d'absence du membre titulaire.

D'autre part, afin de faciliter le dialogue social au sein de l'établissement, la commission a adopté un amendement (COM-7) de sa rapporteure afin de supprimer la date butoir à compter de laquelle les conventions, accords et engagements unilatéraux cesseront de produire effet. Concrètement, ces accords seront repris par le nouvel établissement, et demeureront en vigueur tant que de nouveaux accords ne leur sont pas substitués.

Enfin, toujours à l'initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement rédactionnel et de coordination (COM-6) afin de tenir compte du remplacement, à l'article 1er du projet de loi, du CST initialement envisagé par un CSE.

La commission a adopté l'article 4 ainsi modifié.


* 3 Conformément à une jurisprudence constante (TC, 23 janvier 1978, Marchand et Syndicat CFT du Languedoc-Roussillon, n° 02063 ; CC, décision n° 87-239 DC du 30 décembre 1987 ; CE, 29 janvier 2003, Ministre de l'emploi et de la solidarité c. CCI de Tarbes, n° 242658).

* 4 Leurs missions sont détaillées au livre VII du code de commerce.

* 5 Article L. 711-8 du code de commerce.

* 6 Article L. 711-22 du code de commerce.

* 7 Article L. 711-15 du code de commerce.

* 8 Il en va de même, le cas échéant, pour les CCI territoriales.

* 9 Article R. 712-2 du code de commerce.

* 10 Le IV de l'article 40 de la loi « PACTE » renvoie au livre III (« Les institutions représentatives du personnel ») de la deuxième partie du code du travail.

* 11 Article L. 2311-1 du code de travail.

* 12 Décret n° 2010-1184 du 8 octobre 2010 portant modification de la circonscription et changement de dénomination de la chambre de commerce et d'industrie de région de Provence-Alpes-Côte d'Azur - Corse et création de la chambre de commerce et d'industrie de Corse.

* 13 Décret n° 2019-885 du 22 août 2019 portant création de la chambre de commerce et d'industrie locale d'Ajaccio et de la Corse-du-Sud et de la chambre de commerce et d'industrie locale de Bastia et de la Haute-Corse.

* 14 En application de l'article 42 de la loi n° 2019 486 du 22 mai 2019, dite « PACTE », qui a généralisé la régionalisation des chambres des métiers et de l'artisanat.

* 15 Article 30 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République.

* 16 Article L. 4421-1 du code général des collectivités territoriales.

* 17 Cet article est issu de l'adoption, en première lecture à l'Assemblée nationale, d'un amendement (n° 2810), déposé par le député Paul-André Colombani.

* 18 Assemblée de Corse, délibération n° 22/015 AC du 28 janvier 2022 prenant acte du rapport d'information relatif à l'étude du transfert de la tutelle de la Chambre de Commerce et d'Industrie de Corse et de la Chambre Régionale des Métiers et de l'Artisanat de Corse vers la Collectivité de Corse.

* 19 Une telle évolution nécessiterait, conformément à l'article 34 de la Constitution, une intervention du législateur afin de confier les compétences et les ressources des chambres consulaires à un établissement public sui generis.

* 20 Articles L. 4424-27 et suivants du code général des collectivités territoriales.

* 21 En application de la loi n° 2002-92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et de la convention signée le 13 février 2004 entre l'État et la collectivité de Corse.

* 22 Les ports secondaires ont, quant à eux, été transférés à la collectivité de Corse par la loi « NOTRe » de 2015.

* 23 D'après les informations fournies par les représentants de la CCI de Corse à la rapporteure.

* 24 L'existence d'un contrôle analogue implique un lien institutionnel fort, que la seule existence d'une tutelle ne suffit pas à caractériser (CE, 27 juillet 2001, CAMIF, n° 218067).

* 25 Notamment l'Office des transports de la Corse (OTC), l'Agence du tourisme de la Corse (ATC) et l'Agence de développement économique de la Corse (ADEC).

* 26 D'après les informations transmises à la rapporteure par la CCI de Corse.

* 27 Le chapitre IV du titre II du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales.

* 28 CE, Avis n° 409440 sur le projet de loi portant création de l'établissement public du commerce et de l'industrie de la collectivité de Corse, 8 avril 2025.

* 29 CC, décisions n° 87-150 L du 17 mars 1987 et n° 89-162 L du 5 décembre 1989.

* 30 Voir commentaire de l'article 3.

* 31 Elle pourra dès lors déterminer combien de représentants des professionnels seront appelés à siéger au conseil d'administration. Actuellement, la CCI de Corse compte 40 représentants des professionnels.

* 32 Article L. 710-1 du code de commerce.

* 33 Article 1600 du code général des impôts.

* 34 En 2025, 3,5 millions d'euros ont été versés à ce titre par CCI France à la chambre de commerce et d'industrie de Corse.

* 35 Article D. 711-67-5 du code de commerce.

* 36 Article R. 712-28 du code de commerce.

* 37 Article L. 721-1 du code de commerce.

* 38 Article L. 723-1 du code de commerce.

* 39 Article 3-1 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce.

* 40 Dans cette hypothèse, l'article précise que le contrat proposé doit reprendre les éléments essentiels du statut dont bénéficie l'agent, en particulier s'agissant de la rémunération.

* 41 Article L. 364 du code électoral.

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