EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 21 mai 2025, la commission des affaires économiques a examiné le rapport de M. Sebastien Pla sur la proposition de loi n° 414 (2024-2025) instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Mes chers collègues, nous examinons ce matin le rapport de Sebastien Pla sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale et examinée en procédure accélérée, instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées.

M. Sebastien Pla, rapporteur. - Mes chers collègues, la proposition de loi instaurant des réponses adaptées et proportionnées pour prévenir notamment le développement des vignes non cultivées, déposée par le député Hubert Ott, est un texte aussi consensuel que nécessaire. Voté à l'Assemblée nationale par tous les groupes, à l'exception d'un, qui s'est abstenu, il n'a fait l'objet d'aucun amendement au stade de la commission au Sénat.

À l'origine de ce texte, on trouve une demande exprimée par la profession depuis plusieurs mois afin que les sanctions soient rendues plus faciles contre les détenteurs de vignes laissées en friches ne se conformant pas aux obligations d'arrachage édictées par le préfet dans le cadre de la lutte contre la maladie réglementée de la flavescence dorée.

En effet, en raison de l'accentuation de la crise viticole dans notre pays, conjuguée à la problématique du renouvellement des générations, nous assistons assez tristement à l'augmentation généralisée des surfaces de vignes laissées à l'abandon. Selon les estimations fournies par le ministère de l'agriculture, ces dernières varient de quelques ares en régions Bourgogne-Franche-Comté, Grand Est et Centre-Val de Loire, à plusieurs centaines d'hectares en Auvergne-Rhône-Alpes, voire plusieurs milliers d'hectares en Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d'Azur (PACA). En Gironde, la profession évoque le chiffre de 2 000 hectares de vignes laissées à l'abandon - c'est colossal. Dans le Beaujolais, la profession a identifié environ 700 parcelles, quand ce chiffre se monte à plus de 1 900 en Languedoc-Roussillon, territoire qui m'est cher. La surface moyenne d'une friche se situerait, selon les services du ministère de l'agriculture, autour de 50 à 60 ares, avec parfois des îlots localisés allant jusqu'à 15 hectares en région PACA.

Les raisons de ces abandons sont diverses et globalement assez connues : exploitants en grande difficulté économique n'ayant pas les ressources pour traiter ces vignes, propriétaires non exploitants qui ne trouvent personne pour reprendre leur exploitation malgré l'intervention des organismes de défense et de gestion, problématiques d'indivisions successorales.

Outre leur coût social, ces abandons engendrent un surcoût économique pour les voisins vignerons. Les friches sont aussi un accélérateur du risque incendie en milieu méditerranéen. L'impact visuel est, quant à lui, fortement préjudiciable au développement de l'oenotourisme. Au-delà, l'augmentation des vignes abandonnées amplifient les risques sanitaires, et c'est le coeur du problème : ces parcelles sont un réservoir pour les maladies classiques comme le mildiou et l'oïdium, et singulièrement pour la flavescence dorée.

Cette maladie incurable, qui provoque le dépérissement de la vigne et l'effondrement de son rendement, est classée comme organisme de quarantaine au niveau européen. Elle a progressivement envahi la plupart des vignobles français depuis son apparition dans les années 1950. Certains vignobles sont touchés de longue date, comme ceux du sud de la France, quand d'autres l'ont été plus récemment, comme la Bourgogne et la Champagne. L'expansion de la maladie a, en réalité, suivi le front de colonisation de son insecte vecteur, la cicadelle, introduit à l'époque de l'importation d'Amérique des plants résistant au phylloxéra. Elle est aujourd'hui largement présente en France et en Europe.

Les études scientifiques ont démontré de manière irréfutable que les vignes en friches constituent un foyer de contamination à la flavescence dorée pour les vignes aux alentours et, plus encore, un foyer de recontamination quelques jours seulement après le passage de traitements insecticides.

Il s'agit d'une problématique majeure au regard des efforts considérables mis en oeuvre par les organisations viticoles, en partenariat avec l'État, pour contenir l'avancée de la maladie. En effet, la transmission de vigne à vigne est rapide : on estime le coefficient multiplicateur d'une année sur l'autre à 18. En audition, il nous a été indiqué que ce coefficient pouvait être plus élevé en présence de variants plus agressifs, comme ceux qui sont présents en Bourgogne et en Champagne. Quelques années - trois à quatre - suffisent donc à contaminer puis à détruire totalement toute une parcelle.

À la différence du mildiou ou du black-rot, la flavescence dorée fait l'objet de prescriptions de lutte obligatoire, au titre de son statut d'organisme de quarantaine. Les préfets de région délimitent des périmètres à l'intérieur desquels des mesures de prospection, d'arrachage et d'application d'insecticides sont obligatoires. Ces mesures sont lourdes, coûteuses en temps pour les viticulteurs, coûteuses financièrement, induisant des externalités négatives pour l'environnement, à rebours de la dynamique de sobriété engagée par toute la filière.

Selon les chiffres transmis par le ministère de l'agriculture, 75 % du vignoble français est situé en zone délimitée. Passé le seuil de 20 % de souches contaminées, une parcelle doit être totalement arrachée. En Languedoc-Roussillon, par exemple, selon les éléments qui m'ont été transmis, ce ne sont pas moins de 800 hectares de vignes qui ont été arrachés entre 1997 et 2014, sachant que, depuis 2018, 90 % du vignoble occitan est en périmètre de lutte obligatoire.

En tant que vigneron, je peux très bien imaginer la difficulté que représente l'arrachage de ces vignes, particulièrement dans les situations où les contaminations sont favorisées par des vignes voisines laissées en friches à proximité d'une exploitation bien conduite et entretenue. Cette situation n'est pas tenable.

En outre, s'il est prouvé scientifiquement que les vignes en friches favorisent l'expansion de la flavescence dorée. La recherche scientifique commence à parvenir à des résultats convergents qui ne surprendront guère les viticulteurs attentifs à leurs vignes, à savoir que les friches favorisent vraisemblablement la diffusion d'autres maladies, comme le mildiou, l'oïdium ou le black-rot.

C'est à cet égard que la présente proposition de loi est importante. S'il existe bel et bien une procédure pour sanctionner un propriétaire de vignes laissées en friches ne respectant pas une obligation d'arrachage, cette procédure est lourde en raison du caractère délictuel de l'infraction. En effet, le propriétaire contrevenant encourt actuellement jusqu'à six mois d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, soit une peine totalement disproportionnée à l'infraction, avec une procédure si lourde et complexe qu'elle est finalement peu appliquée, donc peu dissuasive.

En lieu et place, l'article unique de ce texte propose un dispositif à deux étages : la mise en place d'une infraction contraventionnelle, beaucoup plus simple à mettre en oeuvre et plus proportionnée à la nature de la faute - l'infraction précédemment décrite serait alors sanctionnée d'une amende de 1 500 euros et de 3 000 euros en cas de récidive ; et un pouvoir d'injonction pour obliger le propriétaire à se conformer à ses obligations dans un délai imparti. Le non-respect de cette injonction demeure, en revanche, un délit, ce qui permet de maintenir une gradation des peines.

La création de l'amende de 1 500 euros est fortement soutenue par la profession viticole depuis longtemps. Le Parlement a ici l'opportunité d'y répondre favorablement.

La visée de cette amende est essentiellement dissuasive, même si, au besoin, son prononcé sera possible et plus aisé qu'en matière délictuelle.

Fait suffisamment rare pour être souligné, nous sommes devant une proposition concrète de simplification des procédures, simplification tant attendue par le monde agricole.

À l'issue de mes échanges avec les services de l'État et les représentants de la profession, il m'apparaît que le texte qui nous est présenté, entièrement réécrit par rapport à la version initialement déposée, propose un dispositif opérationnel ne nécessitant pas d'ajustements tels qu'ils justifieraient une poursuite de la navette parlementaire. Au reste, une adoption conforme répondrait au souhait de l'ensemble des professionnels que j'ai entendus et permettrait une mise en oeuvre rapide sur le terrain, la publication d'un décret d'application n'étant pas nécessaire.

Aussi, à la suite du très large consensus qui s'est exprimé en séance publique à l'Assemblée nationale, je nous invite collectivement, mes chers collègues, à adopter cette proposition de loi sans modification, pour qu'elle puisse devenir loi au plus vite, afin de soutenir les viticulteurs dans leur lutte contre les maladies de la vigne, en ce moment difficile pour la profession.

Pour ce qui concerne le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives : à la répression des infractions à la réglementation en matière de lutte contre les organismes nuisibles réglementés ; aux prérogatives des agents habilités en matière de protection des végétaux.

Il en est ainsi décidé.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous remercie, monsieur le rapporteur.

Je rappelle que trois de nos collègues mènent actuellement une mission d'information sur l'avenir de la filière viticole, sujet ô combien d'actualité.

M. Franck Menonville. - Je félicite le rapporteur pour son travail. Nous soutenons totalement le texte et les conclusions du rapport.

La viticulture connaît aujourd'hui des difficultés dans un certain nombre de territoires de notre pays. Je pense notamment à des foyers de contamination et de dépérissement liés à certaines maladies, comme la flavescence dorée. Il faut une politique de veille sanitaire constante pour éviter la prolifération de cette maladie, contre laquelle aucune solution curative n'a été trouvée à ce jour.

Le texte est, à cet égard, essentiel, et les travaux menés par le rapporteur sont complètement à la hauteur des enjeux. Nous lui apportons tout notre soutien, et le voterons unanimement.

Mme Marie-Lise Housseau. - Je soutiens totalement cette proposition de loi.

Je suis sénatrice du Tarn. Chaque année, pour lutter contre la flavescence dorée dans le vignoble de Gaillac, nous organisons des réunions à la préfecture, des campagnes de presse, des réunions sur le terrain, sans aucune efficacité.

Merci au rapporteur ! Le dispositif du texte est simple et sera efficace. J'y suis tout à fait favorable.

M. Daniel Salmon. - Merci au rapporteur. C'est un vrai sujet, qui devient plus prégnant chaque année. Il faut trouver une réponse. Je pense que la proposition de loi apportera une vraie solution, en donnant un outil plus efficient.

Le niveau de la sanction doit être adapté. De fait, quand les sanctions dépassent tout entendement, elles ne sont jamais appliquées.

Au-delà, la crise du secteur viticole est aujourd'hui lourde de conséquences et explique qu'il y ait de plus en plus de friches.

Il faut continuer de promouvoir la déspécialisation. Des régions entières se sont hyperspécialisées, devenant plus fragiles. Si cette crise perdure encore, nous nous retrouverons, demain, avec davantage de friches. Il faut aussi s'interroger sur la reprise et la transmission - vers quelles cultures ? - pour pouvoir lutter de manière durable contre cette déprise.

Nous voterons bien entendu cette proposition de loi, avec laquelle nous sommes en totale adéquation.

M. Henri Cabanel. - Le RDSE votera lui aussi cette proposition de loi. Néanmoins, celle-ci m'apparaît comme un pansement sur une jambe de bois.

Cette proposition de loi traite du problème spécifique d'un petit insecte, la cicadelle, vecteur de la flavescence dorée, qui est un fléau pour notre vignoble. Cependant, elle ne traite pas du fond, à savoir la crise viticole.

Au début de ce mois, un viticulteur bordelais, président d'une cave coopérative, s'est suicidé - pour avoir fait une mission sur le sujet avec Françoise Férat, je sais quel désespoir peut susciter un tel acte autour de lui. Comme beaucoup, son exploitation viticole était en difficulté, et il a choisi d'arracher une partie de son exploitation pour renforcer sa trésorerie et essayer de repartir d'un bon pied. Une célèbre banque agricole a refusé de lui verser l'avance pour effectuer les travaux d'arrachage.

Le problème de fond n'est pas réglé.

À cet égard, je remercie la commission d'avoir créé une mission, dont Daniel Laurent, Sebastien Pla et moi-même sommes les rapporteurs. Je vous prie de croire que je compte bien donner un coup de pied dans la fourmilière !

La filière viticole souffre d'un manque de stratégie à moyen et long terme, pourtant nécessaire pour des cultures pérennes - on n'est pas sur des cultures à l'année ! Une telle stratégie n'a jamais existé dans ce pays. De fait, la situation est très hétérogène suivant les régions : cela marche bien dans certaines, et moins bien, voire pas du tout, dans d'autres, qui enregistrent une baisse de consommation.

En tant que viticulteur passionné, je me permets de faire remarquer que cette proposition de loi institue une double peine : on va punir d'une amende un propriétaire ou un exploitant qui ne s'en sort pas et qui n'a pas les moyens de travailler sa vigne pour vendre son vin.

Bien sûr, tous ceux qui sont autour subissent les problèmes sanitaires apportés par la friche viticole, mais, comme l'a souligné le rapporteur, que je remercie pour son travail - j'ai assisté à nombre de ses auditions -, des organismes régionaux, les fédérations régionales de défense contre les organismes nuisibles (Fredon), sont déjà à l'oeuvre. Il est vrai que les procédures existantes sont longues à mettre en place et n'aboutissent jamais, mais je regrette que nous créions là une couche supplémentaire. Nous complexifions encore, à rebours de notre volonté partagée de simplification.

Sans traiter le fond, on va imposer une amende à des propriétaires qui sont déjà en difficulté et n'ont pas forcément les moyens d'arracher.

Au vu des problèmes sanitaires en jeu, le RDSE votera cette proposition de loi, mais je tenais à vous faire part de mes réflexions.

M. Lucien Stanzione. - Je remercie et félicite le rapporteur pour son travail.

Je souscris sans réserve aux propos d'Henri Cabanel. Nous avons d'ailleurs pu échanger sur ce sujet lors de notre déplacement à Bruxelles.

Nous voterons le texte.

M. Bernard Buis. - Je remercie le rapporteur, qui nous propose un vote conforme pour aller vite. Effectivement, il faut aller vite. Tous les secteurs viticoles sont aujourd'hui concernés par le problème de l'absence d'entretien des vignes laissées à l'abandon.

Dans la Drôme, et particulièrement dans le Diois, avec la crise de la clairette, le problème saute aux yeux : on trouve des paysages qui ne sont pas beaux à voir...

L'adaptation des sanctions est une vraie solution. Notre groupe votera bien évidemment cette proposition de loi, sans déposer d'amendements.

M. Daniel Gremillet. - Je veux moi aussi féliciter et remercier le rapporteur.

Nous voterons évidemment la proposition de loi. Il est urgent qu'elle puisse être mise en oeuvre. À cet égard, le vote conforme est une solution très efficace.

On ne peut que souscrire à ce qu'a dit Henri Cabanel, mais voter ce texte permettra peut-être de ne pas laisser en souffrance celles et ceux qui, en région, n'ont pas forcément les moyens de procéder à l'arrachage, dans le cadre d'une protection collective. De fait, l'enjeu est collectif : tout le monde a intérêt à ce que cela se passe bien pour ceux qui n'ont actuellement pas la capacité d'arracher leurs vignes.

Comme l'a très bien dit Henri Cabanel, il y a urgence, parce que la vigne, c'est du temps très long. Je connais la question viticole moins bien que vous, mais, pour exercer différentes responsabilités agricoles depuis très longtemps, je sais que les crises sont récurrentes et qu'elles ont pu frapper des territoires qui marchent très bien aujourd'hui.

Le secteur a parfois beaucoup souffert, mais ce texte peut être un moyen de changer les choses. Il y a urgence à ne pas laisser orphelins ceux qui sont en souffrance, dans un souci d'efficacité et dans l'intérêt général.

M. Pierre Médevielle. - Bien évidemment, l'arrachage n'est jamais un bon signe pour la santé de la viticulture française.

Nous n'avons pas fini de parler du sujet ! Pour l'heure, ce texte va dans le bon sens, et nous le voterons. Merci à notre rapporteur, qui connaît parfaitement le problème.

M. Sebastien Pla, rapporteur. - L'analyse d'Henri Cabanel est limpide et sans concessions. Il a raison. J'espère que les travaux de la mission d'information nous amèneront, in fine, à formuler des propositions concrètes et, surtout, courageuses. Je pense que nous ne sommes pas collectivement conscients de l'ampleur de la crise que subit le secteur viticole en France aujourd'hui.

Des crises, il y en a eu tout au long de l'histoire. Celle-ci est très certainement la plus terrible, car elle est multifactorielle. Elle touche à tout : au réchauffement climatique, aux problèmes d'inflation, aux relations géopolitiques avec des pays comme les États-Unis et la Chine, qui développent énormément leur filière viticole. Dans ce contexte très concurrentiel, la profession a du mal à conquérir de nouveaux marchés aujourd'hui. Nos outils ne sont peut-être pas à la hauteur de la crise.

La mission d'information devra rendre sa copie au bout de quatre mois de travaux.

Pour en revenir à ce texte, j'estime que, pour une fois que l'on simplifie les choses, il faut le souligner ! J'y ai insisté dans le rapport. Voilà deux ans que nous travaillons avec le monde agricole, qui attend des simplifications.

En l'espèce, les procédures étaient complètement inadaptées, tant et si bien que l'on est en train de traiter des vignes en friches abandonnées il y a dix, quinze ou vingt ans et jamais arrachées, justement parce que la procédure était trop complexe et trop lourde à mettre en oeuvre.

Essayons déjà de régler le problème de ces vignes, qui sont des foyers infectieux relativement importants, non seulement de flavescence dorée, mais aussi de mildiou et d'oïdium, et qui oblige aujourd'hui les vignerons voisins à traiter beaucoup plus, ce qui ne va pas du tout dans le bon sens, ni sur le plan économique ni sur le plan environnemental.

Au-delà, l'abandon de toujours plus de vignes doit être mis en lien avec la crise actuelle. À cet égard, le dispositif d'arrachage de la fin d'année dernière a constitué une réponse moyennement adaptée : il était prévu d'arracher 30 000 hectares, avec 4 000 euros de prime, en complément d'une première campagne d'arrachage menée dans le vignoble bordelais voilà deux ans. Au cours de nos auditions, le Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) nous a dit qu'une troisième campagne d'arrachage était demandée... C'est dire l'ampleur de la catastrophe dans ces zones !

Malheureusement, les vignerons actuels n'arrivent pas à se séparer de leurs vignobles pour des raisons économiques ou du fait de leurs relations avec leur propriétaire foncier - le propriétaire ne veut pas arracher, mais le fermier veut arrêter... Il faut s'interroger sur la manière d'accompagner financièrement la sortie de ces vignes.

Nous reviendrons sur ces différents éléments en séance, mais je répète que nous avons tous intérêt à un vote conforme, de manière à avancer, dès le mois de juillet, avec les services de l'État et la profession. Nous avons auditionné les représentants de nombreuses appellations : les syndicats viticoles entendus sont unanimes dans leur volonté d'avancer sur ce texte, de communiquer auprès de leurs adhérents et de mettre la pression pour faire disparaître ces vignes en friches.

Certains territoires ont mené de très belles expérimentations. Je pense au Beaujolais, pour rebondir sur ce que disait Daniel Gremillet. Des procédures collectives existent déjà dans certaines appellations qui ne fonctionnent pas trop mal. À chacun de prendre le problème à bras-le-corps sur son territoire !

Dans le Tarn, les filières ont été en pointe ces dernières années en finançant les groupements de défense contre les organismes nuisibles (GDON), organismes de défense du vignoble et d'identification des zones à traiter. Ces stratégies ont permis de faire reculer d'environ un tiers le nombre d'hectares de vignes soumis à l'aléa de la flavescence dorée, passé de quelque 80 000 à 50 000 en Occitanie grâce à ce travail de veille des GDON, en partenariat avec les caves coopératives et les organisations locales. Nous avançons !

Profitons du fait qu'il s'agisse d'une maladie réglementée pour mettre en place des mesures qui permettent l'arrachage et pour sortir les derniers vignerons qui croient aujourd'hui en leur métier des autres maladies comme le mildiou et l'oïdium !

Mes chers collègues, je vous remercie tous de votre accompagnement sur ce texte. Soyons efficaces et pragmatiques en ce moment difficile ! Avançons.

M. Laurent Duplomb. - J'invite à la prudence ceux qui affirment que la crise actuelle est sûrement la pire qu'a connue le vignoble français. C'est peut-être vrai sur les deux dernières générations, mais je rappelle qu'à partir de 1863, le phylloxéra a fait disparaître la moitié du vignoble français - dans mon département, le vignoble a disparu de la vallée de l'Allier entre 1910 et 1920. L'évolution du territoire a été accentuée par le fait que tous les hommes étaient morts pendant la guerre de 1914-1918. D'ailleurs, en Haute-Loire, il n'y a plus de vigne depuis le phylloxéra ! Il y a donc malheureusement toujours eu des périodes, dans l'histoire, où les crises agricoles peuvent connaître une puissance folle.

Oui, il faut voter cette proposition de loi aujourd'hui, parce qu'il faut responsabiliser. Mais, d'un autre côté, il ne faut jamais oublier que le phylloxéra, en 1863, a été à l'origine des coopératives que les agriculteurs ont organisées à la fin du XIXe siècle pour être plus forts, dans le sens de l'intérêt général. C'est d'ailleurs aussi à ce moment qu'ils ont créé le Crédit Agricole. Ils ont trouvé des solutions d'indemnisation permettant de faire face collectivement aux problèmes. Aujourd'hui, l'individualisme est si puissant que plus personne ne se dit que l'on est plus fort quand on est ensemble.

Responsabiliser ceux qui doivent arracher est une chose, mais trouver les solutions collectives pour accompagner les viticulteurs et faire en sorte qu'ils souffrent le moins possible, ce n'est ni plus ni moins que le sens de l'histoire agricole française.

M. Vincent Louault. -Je remercie M. le rapporteur.

Je suis tout à fait d'accord avec Laurent Duplomb.

Je ne suis pas un adepte des amendes. Cependant, dans le cas d'espèce, les sanctions peuvent être nécessaires, mais, pour les biens sans maître, par exemple, les amendes ne peuvent rien, puisque le propriétaire est perdu, ce qui entraîne déjà une perte d'impôts fonciers. Je vous invite, mes chers collègues, à promouvoir auprès des maires la récupération pour réserve foncière des biens sans maître. Pour l'avoir fait dans ma commune, je puis dire que cela marche vraiment bien !

Restera la question du financement de l'arrachage, qui coûte un peu d'argent. Au moins les collectivités peuvent-elles déjà récupérer les biens sans maître, et ce n'est pas anodin : en Touraine, le maire de Saint-Nicolas-de-Bourgueil, par exemple, s'est aperçu que leur nombre n'était pas négligeable.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je remercie notre rapporteur. Je vous rappelle que la proposition de loi sera examinée en séance publique le jeudi 5 juin au matin.

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