N° 648

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 mai 2025

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille,

Par Mme Lauriane JOSENDE,

Sénatrice

(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) :

451, 1247 rect. et T.A. 98

Sénat :

532 et 649 (2024-2025)

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES VILLES DE PARIS, LYON ET MARSEILLE SONT DOTÉES D'UNE ORGANISATION PARTICULIÈRE ET D'UN RÉGIME ÉLECTORAL SPÉCIFIQUE, QUE LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI ENTEND RÉFORMER

A. PARIS, LYON ET MARSEILLE : UN STATUT PARTICULIER DU POINT DE VUE DE LEUR ORGANISATION ET DU MODE D'ÉLECTION DES CONSEILLERS MUNICIPAUX, LIÉ À L'IMPORTANCE DE LEUR POPULATION

Les villes de Paris, Lyon et Marseille sont régies, depuis 1982, par un statut particulier, qui prévoit une organisation administration ainsi qu'un régime électoral spécifiques.

1. Une organisation administrative particulière
a) Les arrondissements : une division administrative propre à Paris, Lyon et Marseille

La loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, aujourd'hui codifiée dans le code général des collectivités territoriales, a instauré une organisation administrative particulière dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, à travers la création d'une nouvelle division administrative : les arrondissements, qui peuvent être réunis pour former des groupes d'arrondissements (appelés « secteurs »).

L'organisation en arrondissements et secteurs à Paris, Lyon et Marseille1(*)

- La commune de Paris est divisée en 20 arrondissements municipaux. Depuis 20172(*), les 1er, 2e, 3e et 4e arrondissements ont été réunis en un unique secteur dénommé « secteur Paris centre ».

- La commune de Marseille est divisée en 16 arrondissements municipaux, formant 8 secteurs.

- La commune de Lyon est divisée en 9 arrondissements municipaux.

b) Les conseils d'arrondissement

Aux termes de l'article L. 2511-4 du code général des collectivités territoriales, chaque arrondissement ou groupe d'arrondissements est doté d'un conseil d'arrondissement, qui se réunit à la mairie d'arrondissement ou à la mairie de secteur. Ces conseils d'arrondissement et se superposent au conseil municipal (ou « conseil de Paris »).

Chaque conseil d'arrondissement est composé des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris) et des conseillers d'arrondissement élus dans l'arrondissement ou le secteur3(*) et est présidé par un maire d'arrondissement4(*).

c) La répartition des compétences entre les conseils municipaux et les conseils d'arrondissement

Comme le prévoit l'article L. 2511-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil de Paris et les conseils municipaux de Marseille et Lyon détiennent la clause de compétence générale et règlent respectivement « les affaires de la Ville de Paris (...) et celles des communes de Lyon et Marseille ».

Le même article précise cependant que, pour certaines attributions limitativement définies par la loi, les affaires de ces trois collectivités territoriales sont réglées par les conseils d'arrondissement.

Les conseils d'arrondissement disposent en premier lieu d'une compétence consultative. Ainsi, le conseil d'arrondissement est :

- saisi pour avis des rapports de présentation et des projets de délibération concernant les affaires dont l'exécution est prévue, en tout ou partie, dans les limites de l'arrondissement, avant leur examen par le conseil municipal ou par le conseil de Paris5(*) ;

- consulté sur le montant des subventions que le conseil municipal ou le conseil de Paris se propose d'attribuer aux associations dont l'activité s'exerce dans le seul arrondissement, ou au profit des seuls habitants de l'arrondissement6(*) ;

- consulté par le maire de la commune, avant toute délibération du conseil municipal ou du conseil de Paris portant sur l'établissement, la révision ou la modification du plan local d'urbanisme, lorsque le périmètre du projet de plan ou le projet de modification ou de révision concerne, en tout ou partie, le ressort territorial de l'arrondissement7(*) ;

- consulté dans les mêmes conditions avant toute délibération du conseil municipal ou du conseil de Paris portant sur un projet d'opération d'aménagement ou sur la suppression ou le rétablissement du droit de préemption urbain, lorsqu'ils concernent le ressort territorial de l'arrondissement8(*) ;

- donne son avis sur la liste des relogements prioritaires fixée par le conseil municipal ou le conseil de Paris en cas, par exemple, de péril, de sinistre ou de catastrophe9(*).

Les conseils d'arrondissement disposent également, dans certaines matières, d'une compétence décisionnaire. Comme le prévoit l'article L. 2511-16 du code général des collectivités territoriales, il revient ainsi au conseil d'arrondissement de :

- délibérer sur l'implantation et le programme d'aménagement des équipements de proximité, dont la réalisation est néanmoins subordonnée à une décision du conseil municipal ou du conseil de Paris ;

- gérer les équipements de proximité ;

Le conseil municipal ou le conseil de Paris peuvent également déléguer au conseil d'arrondissement la gestion de tout équipement ou de tout service de la commune ou de la Ville de Paris10(*).

Le pacte parisien de la proximité

À Paris, des compétences supplémentaires ont été confiées aux conseils d'arrondissement et à leurs maires, à travers l'adoption du « pacte parisien de la proximité », dont l'acte I a été adoptée en 2021, et l'acte II en 2025.

À titre d'exemple, les maires d'arrondissement de Paris :

- disposent d'une compétence en matière de propreté, et sont dotés à cet effet d'une enveloppe budgétaire pour conduire des actions de propreté (nettoyage de graffitis, par exemple) ;

- se prononcent sur les demandes de création de terrasse ;

- délivrent les « permis de végétaliser », dans le cadre de la démarche « Embellir votre quartier » ;

- définissent, avec la police municipale, des priorités et des parcours de tranquillité publique effectués par les agents de la police municipale sur leur territoire.

S'ajoutent à cela les compétences des maires d'arrondissement et, le cas échéant de leurs adjoints.

Ainsi, l'article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales précise que la moitié des logements dont l'attribution relève de la commune ou de la Ville de Paris sont attribués par les maires d'arrondissement.

En outre, les maires d'arrondissement et leurs adjoints sont également chargés, dans l'arrondissement, des attributions relevant du maire de la commune ou du maire de Paris en matière d'état civil et d'affaires scolaires liées au respect de l'obligation scolaire11(*).

Enfin, les maires d'arrondissement émettent des avis12(*), par exemple sur toute autorisation d'étalage et de terrasse dans l'arrondissement13(*).

d) Une organisation administrative jugée conforme à la Constitution

Cette organisation administrative spécifique a été jugée conforme à la Constitution par le Conseil constitutionnel14(*), qui a considéré :

- d'une part, que le principe de libre administration des collectivités territoriales ne faisait pas « obstacle à la création de conseils d'arrondissement élus et de maires d'arrondissement élus par ces conseils », ni à « l'attribution à ces organes de certaines compétences de décision et de gestion » ;

- d'autre part, « qu'aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n'interdit au législateur d'instituer des divisions administratives au sein des communes ni d'instituer des organes élus autres que le conseil municipal et le maire ».

2. Un mode de scrutin spécifique

Paris, Lyon et Marseille sont dotés d'un régime électoral spécifique, fixé par la loi n° 82-1170 du 31 décembre 1982 portant modification de certaines dispositions du code électoral relatives à l'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille, qui découle de leur organisation administrative.

a) L'élection des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris) et des conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille

Ainsi, dans ces trois villes, les élections municipales sont organisées sur la base des arrondissements ou des groupes d'arrondissements - et non pas à l'échelle de la commune - et permettent d'élire en même temps les conseillers municipaux et les conseillers d'arrondissement.

(1) L'élection des conseillers municipaux et des conseillers de Paris

Par dérogation à l'article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales, le nombre de conseillers municipaux et de conseillers de Paris est fixé directement par la loi15(*) et s'établit à :

- 163 membres à Paris ;

- 73 membres à Lyon ;

- 101 membres à Marseille.

Les conseillers municipaux et conseillers de Paris sont élus selon les règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants16(*), à une différence près : l'élection se fait sur la base des arrondissements ou des groupes d'arrondissements, alors que dans les autres communes, les élections se font sur le territoire unique de la commune17(*).

Les élections municipales dans les communes de plus de 1 000 habitants

Dans les communes de 1 000 habitants et plus, les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste à deux tours, avec dépôt de listes qui doivent comporter au moins autant de candidats que de sièges à pourvoir - et au plus deux candidats supplémentaires -, sans adjonction ni suppression de noms et sans modification de l'ordre de présentation18(*).

Aux termes de l'article L. 264 du code électoral, la liste « est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe ».

Il s'agit d'un scrutin proportionnel empreint d'une logique majoritaire :

- si une liste obtient la majorité absolue au premier tour19(*), elle obtient un nombre de sièges égal à la moitié des sièges à pourvoir (prime majoritaire de 50 %). Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes - y compris la liste majoritaire - ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés, suivant la règle de la plus forte moyenne ;

- en cas de second tour20(*), seules peuvent se présenter les listes qui ont obtenu 10 % des suffrages exprimés et les listes peuvent être « fusionnées » à condition d'avoir obtenu 5 % des suffrages exprimés au premier tour. La liste qui obtient la majorité relative à l'issue du second tour se voit attribuer un nombre de sièges égal à la moitié du nombre des sièges à pourvoir. Les autres sièges sont répartis entre toutes les listes ayant obtenu 5 % des suffrages exprimés à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

Chaque arrondissement élit donc un nombre de conseillers municipaux ou de conseillers de Paris fixé par la loi21(*) sur des bases démographiques. À titre d'exemple, à Paris, 8 conseillers de Paris sont élus dans le secteur « Paris centre » et 4 conseillers de Paris sont élus dans le 5e arrondissement.

Les conseillers de Paris et conseillers municipaux siègent également au conseil de l'arrondissement ou du secteur dans lequel ils ont été élus22(*).

(2) L'élection des conseillers d'arrondissement

Les conseillers d'arrondissement sont élus en même temps que les conseillers municipaux ou conseillers de Paris23(*), sur les mêmes listes d'arrondissement ou de secteur.

Le nombre de conseillers d'arrondissement dans chaque arrondissement ou secteur est le double du nombre de conseillers municipaux ou de conseillers de Paris dans l'arrondissement ou le secteur, sans toutefois pouvoir être inférieur à dix ni supérieur à quarante24(*).

Ainsi, lors des élections municipales, des listes comprenant à la fois les candidats au conseil central et au conseil d'arrondissement sont établies dans chaque arrondissement ou secteur de Paris, Lyon et Marseille. Chaque liste comprend autant de candidats qu'il y a à pourvoir dans le secteur de sièges de conseiller municipal (ou de conseiller de Paris) et de sièges de conseiller d'arrondissement.

(3) L'attribution des sièges

Comme le précise l'article L. 272-5 du code électoral, lors des élections municipales à Paris, Lyon et Marseille, il est d'abord procédé à l'attribution des sièges de conseiller municipal ou de conseiller de Paris, en suivant l'ordre de présentation des listes, selon les règles exposées supra.

Les sièges de conseiller d'arrondissement sont ensuite répartis dans les mêmes conditions entre les listes, dans l'ordre de présentation de la liste, en commençant par le premier des candidats non proclamé élu membre du conseil de Paris ou du conseil municipal.

Il en résulte que le conseil municipal (ou conseil de Paris) est composé d'une partie des élus de chaque arrondissement ou groupe d'arrondissements.

b) L'élection des maires d'arrondissement et du maire de la commune

Les maires de Paris, Lyon et Marseille ainsi que leurs adjoints sont élus parmi les membres du conseil municipal ou du conseil de Paris25(*), selon les règles de droit commun26(*).

Le maire d'arrondissement est ensuite élu au sein du conseil d'arrondissement, huit jours après l'élection du maire de la commune ou du maire de Paris27(*).

B. UN RÉGIME ÉLECTORAL SPÉCIFIQUE QUI FAIT L'OBJET DE CRITIQUES ET QUE LES AUTEURS DE LA PROPOSITION DE LOI SE PROPOSENT DE RÉFORMER POUR FAIRE ENTRER PARIS, LYON ET MARSEILLE DANS LE DROIT COMMUN

1. Le mode de scrutin en vigueur à Paris, Lyon et Marseille fait l'objet de vives critiques tenant principalement à son supposé déficit démocratique

Le mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille fait l'objet de plusieurs critiques, mises en avant dans l'exposé des motifs de la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, déposée par les députés Sylvain Maillard, David Amiel, Olivia Grégoire et Jean Laussucq.

a) Une « anomalie démocratique », qui peut conduire à l'élection d'un maire avec une minorité de secteurs ou avec une minorité de voix à l'échelle de la ville

En premier lieu, ce mode de scrutin spécifique constituerait « une anomalie démocratique », en ce qu'il permet théoriquement à un maire d'être élu avec une minorité de voix à l'échelle de la commune.

Ce cas s'est par exemple produit lors des élections municipales à Marseille en 1983, lors desquelles Gaston Defferre a été élu maire de Marseille, avec une minorité de voix à l'échelle de Marseille. Comme précisé par la direction des missions de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), « lors des élections municipales de 1983, la gauche menée par Gaston Defferre obtient la majorité au conseil municipal de Marseille alors même qu'à l'échelle de la commune, son opposant Jean-Claude Gaudin a obtenu davantage de suffrages en cumulant les résultats du premier et second tours (179 098 voix contre 176 601 voix). »

En effet, dans chacune des trois villes, les arrondissements n'envoient pas tous le même nombre de membres au conseil municipal.

En raison de cette situation, un maire peut théoriquement être élu avec une minorité de secteurs ou avec une minorité de voix. À titre d'exemple, à Paris - où il faut obtenir 82 des 163 sièges du conseil de Paris pour pouvoir être élu maire - un maire peut théoriquement être élu en ne remportant que les six secteurs disposant du plus grand nombre de sièges au conseil de Paris28(*). Comme l'a résumé Rachida Dati, maire du 7e arrondissement de Paris, « faire basculer un ou deux arrondissements permet de gagner Paris et le maire de Paris peut être élu tout en étant minoritaire en nombre de voix ».

Selon l'ancien député Éric Diard, auteur d'une proposition de loi permettant l'élection au suffrage universel direct des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, déposée le 15 septembre 2020, cette possibilité favoriserait « les campagnes électorales fondées sur la stratégie géographique plutôt qu'essayer de convaincre les électeurs ».

b) Un mode de scrutin qui conduirait à discriminer certains arrondissements au cours du mandat

En deuxième lieu, ce régime électoral particulier conduirait à discriminer certains arrondissements à travers les politiques conduites par la mairie centrale.

Selon Sylvain Maillard, entendu par la rapporteure, « on privilégie les arrondissements dans lesquels on est élu à travers les politiques mises en oeuvre ». Autrement dit, les arrondissements dirigés par un maire d'arrondissement appartenant à l'opposition au niveau municipal seraient discriminés par le maire de la ville et par le conseil municipal.

Ainsi, à Paris, « la mairie réserve la construction de logements intermédiaires, destinés à accueillir des familles, pour les arrondissements dont le maire soutient la majorité au conseil de Paris », selon Rachida Dati.

Ce constat est partagé par Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement de Lyon et par Christian Termoz-Mazan, premier adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon, pour qui « l'élection uniquement par secteur peut conduire à avoir des exécutifs de secteur en opposition à l'exécutif municipal et à

la mise en oeuvre d'une pratique de l'exercice du pouvoir différenciée selon la couleur politique du secteur, ne respectant alors guère le choix des électeurs du secteur
 ».

De même, Jeanne d'Hauteserre, maire du 8e arrondissement de Paris, estime que « le fait que les arrondissements de la majorité soient mieux traités que ceux de l'opposition est un fait aisément démontrable, il suffit pour cela de regarder les arbitrages budgétaires. Pour autant, est-ce que la pratique serait différente dans une autre configuration politique ? Il paraît logique que les arrondissements dont le maire partage les orientations politiques bénéficient d'une meilleure écoute de la part du maire de Paris ».

c) Un système électoral qui conduirait à faire varier le poids du vote de chaque électeur en fonction de son lieu de résidence

En troisième lieu, les règles électorales spécifiques en vigueur à Paris, Lyon et Marseille conduiraient à ce que le vote d'un électeur n'ait pas le même poids selon son lieu de résidence.

Autrement dit, selon l'exposé des motifs, « l'importance électorale de sa voix dépend du lieu où l'on réside ». Comme indiqué par les auteurs de la proposition de loi, aller voter aurait par exemple peu d'intérêt pour un électeur de droite résidant dans un arrondissement dirigé par une majorité de gauche. En effet, il ne parviendrait pas à être représenté au conseil municipal, qui constitue l'instance décisionnaire, puisque la liste de droite n'obtiendrait pas un score lui permettant d'obtenir un siège au conseil municipal.

d) Des règles électorales complexes et peu lisibles pour les citoyens

En quatrième lieu, le régime électoral en vigueur serait « complexe et peu compris », selon l'exposé des motifs de la proposition de loi.

À cette complexité du mode de scrutin, s'applique également la complexité de l'organisation institutionnelle des trois villes, avec une répartition des compétences difficile à comprendre pour les électeurs. Comme souligné par Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement de Paris, « la complexité du système peut nuire à la lisibilité pour les électeurs, chose renforcée par l'émergence des métropoles ».

e) Les autres critiques du fonctionnement de Paris, Lyon et Marseille

D'autres critiques ont été mises en lumière au cours des auditions conduites par la rapporteure.

Premièrement, le régime électoral en vigueur dans ces trois villes repose des bases démographiques qui n'ont pas été révisées depuis plus de quarante ans, hormis à Paris. Ainsi, le nombre de sièges de conseillers municipaux dans chaque arrondissement ou secteur de Lyon et Marseille n'a pas été actualisé depuis les lois « PLM » de 1982, en dépit des évolutions démographiques intervenues depuis lors.

Ainsi, à Lyon par exemple, le 7e arrondissement est passé de 54 000 habitants en 1983 à 87 500 en 2024, ce qui représente 16,8 % de la population lyonnaise. Or, le 7e arrondissement ne dispose que de 9 sièges de conseiller municipal, ce qui représente seulement 12,3 % des sièges.

Deuxièmement, le système en vigueur dans ces trois villes ne laisse que peu de pouvoirs aux maires d'arrondissement, qui sont pourtant en première ligne et qui ne disposent, pour l'essentiel, que d'une compétence consultative.

Ce phénomène est particulièrement exacerbé à Lyon. Comme le soulignaient Mathieu Darnaud et Françoise Gatel dans leur rapport d'information du 7 décembre 2022 sur la Métropole de Lyon29(*), « dans le cas lyonnais, les maires d'arrondissement semblent avoir d'autant moins de capacités d'action que la commune de Lyon est elle-même mise en concurrence, sur son territoire, avec une autre collectivité territoriale disposant d'une clause générale de compétence, d'une force de frappe financière importante, de compétences étendues et de la légitimité du suffrage universel direct. Leur positionnement vis-à-vis des politiques conduites par la métropole sur le territoire de leur arrondissement est donc particulièrement malaisé ».

2. Face à ces critiques, la proposition de loi prévoit l'élection des conseillers municipaux à l'échelle de la commune, afin de faire rentrer Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun

Face aux critiques formulées à l'encontre du mode de scrutin, la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille, déposée par Sylvain Maillard, David Amiel, Olivia Grégoire et Jean Laussucq vise à :

- simplifier le mode de scrutin en faisant entrer Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun ;

- rendre le scrutin plus démocratique, selon le principe « un électeur égal une voix ».

À cet effet, le dispositif proposé, tel que transmis au Sénat par l'Assemblée nationale, prévoit l'organisation de deux scrutins distincts et simultanés :

- un premier scrutin pour désigner les conseillers municipaux et les conseillers de Paris, au sein de la circonscription unique de la commune, selon les règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, mais avec une prime majoritaire de 25 % ;

- un second scrutin pour désigner les conseillers d'arrondissement dans chaque arrondissement ou secteur30(*), selon les règles applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, avec une prime majoritaire de 50 %.

Lors des élections municipales, chaque électeur disposerait donc de deux bulletins : le premier avec une liste pour le conseil municipal ou le conseil de Paris, et le second avec une liste pour le conseil d'arrondissement.

Le texte prévoit par ailleurs une dissociation des conseillers d'arrondissement et des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris). S'il serait possible d'être à la fois candidat au conseil central et au conseil d'arrondissement, cela ne serait pas systématique.

II. UNE « RÉFORME CONTESTABLE »31(*), QUI POSE DE NOMBREUSES DIFFICULTÉS MISES EN LUMIÈRE PAR LES TRAVAUX PRÉPARATOIRES

Adoptée le 9 avril 2025 par l'Assemblée nationale, la proposition de loi a été, dans la foulée, inscrite à l'ordre du jour du Sénat, avec un examen en commission prévu le 21 mai 2025 et en séance le 3 juin 2025.

En dépit de ces délais contraints, la rapporteure a souhaité entendre l'intégralité des acteurs concernés par cette réforme, ce qui n'avait jusqu'alors jamais été fait. Ont ainsi été entendus, au cours des travaux préparatoires :

- les maires de Paris, Lyon et Marseille ;

- l'ensemble des maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille ;

- les présidents de la métropole du Grand Paris, de la métropole de Lyon et de la métropole Aix-Marseille-Provence.

Des demandes de contributions écrites ont également été adressées à tous ses groupes politiques siégeant au sein des conseils municipaux de Lyon et Marseille et du conseil de Paris.

Ces auditions et les contributions écrites reçues ont permis de mettre en lumière leur opposition quasi-unanime à la réforme envisagée.

Ainsi, parmi les maires, seul Benoît Payan, maire de Marseille, a accueilli favorablement cette proposition de loi, qu'il a toutefois jugée insatisfaisante sur plusieurs points. Anne Hidalgo, maire de Paris et Grégory Doucet, maire de Lyon, se sont en revanche montrés opposés à cette réforme.

Les présidents des métropoles32(*), quant à eux, ont tous indiqué qu'ils n'étaient pas favorables à cette réforme.

De même, parmi les maires d'arrondissement de Paris :

- seuls Rachida Dati, maire du 7e arrondissement, Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement et Delphine Bürkli, maire du 9e arrondissement se sont prononcés en faveur de cette réforme ;

- a contrario, Ariel Weil, maire du secteur « Paris centre », Jeanne d'Hauteserre, Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement, François Vauglin, maire du 11e arrondissement, Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement, Jérôme Coumet, maire du 13e arrondissement, Carine Petit, maire du 14e arrondissement, Philippe Goujon, maire du 15e arrondissement, Jérémy Redler, maire du 16e arrondissement, Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement, Eric Lejoindre, maire du 18e arrondissement, François Dagnaud, maire du 19e arrondissement et Eric Pliez, maire du 20e arrondissement, ont exprimé leur opposition.

Similairement, l'intégralité des maires d'arrondissement de Lyon entendus par la rapporteure33(*) se sont montrés opposés à la réforme envisagée.

Enfin, à Marseille, seule Olivia Fortin, maire des 6e et 8e arrondissement a fait part de son accord avec le dispositif proposé. En revanche, Sylvain Souvestre, maire des 11e et 12e arrondissements, Sophie Camard, maire des 1er et 7e arrondissements et Marion Bareille, maire des 13e et 14e arrondissements, ont exprimé leur désaccord.

Les auditions conduites montrent donc une large opposition à cette réforme et ont également permis d'identifier les multiples difficultés que pose la réforme envisagée. Comme résumé par Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement de Lyon, et par Christian Termoz-Mazan, premier adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon, « de prime abord, nous sommes favorables à une élection du conseil municipal sur une circonscription électorale unique (...), toutefois, cette proposition de loi appelle de notre part un certain nombre d'observations qui font qu'en l'état, elle ne recueille pas notre assentiment ».

A. UNE RÉFORME FRAGILE DU POINT DE VUE JURIDIQUE

Le dispositif proposé apparaît premièrement fragile juridiquement, et de nature à entraîner la censure du texte par le Conseil constitutionnel. La rapporteure regrette à cet égard l'absence d'avis du Conseil d'État, lequel aurait pu éclairer utilement les débats.

1. La prime majoritaire de 25 % retenue pour l'élection des conseillers municipaux entraînerait une rupture d'égalité entre les communes et générerait une distorsion de représentation au sein des conseils communautaires
a) Le risque d'une rupture d'égalité entre les collectivités territoriales

En premier lieu, le dispositif proposé apparaît fragile juridiquement en raison de la prime majoritaire retenue pour l'élection des conseillers municipaux et des conseillers de Paris.

Par dérogation à la prime majoritaire de 50 % prévue dans le droit commun34(*), l'article 1er de la proposition de loi prévoit en effet que la liste arrivée en tête pour l'élection au conseil de Paris ou aux conseils municipaux de Lyon et Marseille obtiendrait 25 % des sièges, avant de répartir le reste des sièges entre toutes les listes, à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne.

Le choix d'une prime majoritaire à 25 % semble toutefois contraire au principe d'égalité entre les collectivités territoriales, consacré par le Conseil constitutionnel35(*), et qui impose de traiter de la même manière les collectivités territoriales placées dans une même situation.

Cette interprétation est partagée par Christophe Chabrot, maître de conférences de droit public, lequel estime que cette prime majoritaire dérogatoire au droit commun pourrait être jugée inconstitutionnelle, en ce qu'elle « n'est absolument pas justifiée dans les explications de la proposition de loi et qu'elle ne s'appuie sur aucun élément objectif pouvant fonder cette dérogation », entraînant de facto une rupture d'égalité entre les collectivités territoriales.

De même, aucune raison objective ne justifie le maintien d'une prime majoritaire à 50 % pour l'élection des conseillers d'arrondissement, tandis qu'une prime majoritaire de 25 % s'appliquerait à l'élection des conseillers municipaux et conseillers de Paris.

b) La création d'une distorsion de représentation au sein des conseils communautaires

De plus, le texte proposé conduirait à créer une distorsion de représentation au sein de l'organe délibérant de la métropole du Grand Paris et de la métropole d'Aix-Marseille-Provence36(*).

En effet, les conseillers municipaux et les conseillers de Paris seraient élus avec l'application d'une prime majoritaire de 25 %, et la proposition de loi prévoit par ailleurs que les conseillers communautaires seraient désormais fléchés uniquement depuis les listes constituées pour les élections au conseil municipal ou au conseil de Paris.

En revanche, la proposition de loi ne modifie pas, parallèlement, les dispositions relatives à l'élection des conseillers communautaires. Par conséquent, une prime majoritaire de 50 % serait appliquée à l'élection des conseillers communautaires des deux métropoles37(*).

L'élection des conseillers communautaires

Les conseillers communautaires représentant les communes de plus de 1 000 habitants sont élus au suffrage universel direct en même temps que les conseillers municipaux38(*).

Les candidats au conseil communautaire figurent sur la liste des candidats au conseil municipal (système de fléchage). La liste des candidats au conseil communautaire figure de manière distincte sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil municipal dont elle est issue39(*).

Aux termes de l'article L. 273-8 du code électoral, les sièges de conseillers communautaires sont attribués dans l'ordre de présentation des candidats, et répartis entre les listes selon les règles d'élection au conseil municipal des communes de plus de 1 000 habitants, c'est-à-dire avec une prime majoritaire de 50 %.

Selon la DMATES, l'application d'une prime majoritaire de 50 % à l'élection des conseillers communautaires, tandis que les conseillers municipaux et conseillers de Paris seraient élus avec une prime majoritaire de 25 % générerait, « outre une difficulté de cohérence, (...) une distorsion de représentation et des impossibilités pour pourvoir les sièges faute d'un nombre suffisant d'élus sur la liste arrivée en tête à l'élection municipale ».

2. Le risque d'une atteinte à l'intelligibilité du scrutin, lié à l'organisation concomitante de plusieurs élections

Le dispositif proposé conduirait en outre à l'organisation de deux élections le même jour à Paris et Marseille - et même de trois élections le même jour à Lyon (conseils d'arrondissement, conseil municipal et Métropole de Lyon), en contradiction avec les objectifs de clarté et d'intelligibilité du scrutin.

Le cas particulier de la Métropole de Lyon

La Métropole de Lyon, créée au 1er janvier 2015 par la loi dite « MAPTAM40(*) », est une collectivité à statut particulier, qui s'est substituée au département du Rhône et à la communauté urbaine de Lyon. Elle est composée de 59 communes réparties au sein de 14 circonscriptions métropolitaines.

Elle exerce, sur le territoire de l'intercommunalité du Grand Lyon, l'ensemble des compétences auparavant exercées par le département du Rhône et la communauté urbaine de Lyon, auxquelles s'ajoutent des compétences définies par l'article 26 de la loi « MAPTAM » en matière par exemple de logement ou de création et de gestion d'équipements culturels.

Les conseillers métropolitains sont élus au scrutin universel direct, dans chacune des circonscriptions métropolitaines, au scrutin de liste à deux tours41(*). Les élections ont lieu en même temps que le renouvellement général des conseils municipaux42(*).

Déjà, à Lyon, l'organisation concomitante des élections municipales et des élections métropolitaines a conduit « à d'énormes confusions, inédites et mettant en péril l'exigence de clarté et d'intelligibilité voire d'honnêteté et de sincérité des scrutins », comme indiqué à la rapporteure par Christophe Chabrot.

La réforme envisagée, qui conduirait à organiser trois élections le même jour à Lyon, aggraverait donc cette situation et créerait une forte confusion parmi les électeurs, en violation du principe d'intelligibilité du scrutin.

Cet avis était d'ailleurs partagé par le rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, Jean-Paul Mattei, qui avait indiqué souhaiter exclure Lyon de la réforme, car « la concomitance de trois scrutins distincts le même jour, situation inédite dans l'histoire électorale, emporte un fort risque de censure constitutionnelle pour atteinte à l'intelligibilité de chaque scrutin et au sens du vote, du fait de campagnes multiples aux enjeux différents ».

De même, selon la DMATES, la concomitance de trois scrutins le même jour à Lyon, avec des enjeux, des périmètres et des compétences très différents, serait « vraisemblablement inconstitutionnelle ».

B. UNE RÉFORME IMPOSSIBLE À METTRE EN oeUVRE SUR LE PLAN PRATIQUE

1. Des difficultés pratiques d'organisation liées à la proximité des prochaines échéances électorales

La proximité des prochaines échéances électorales rendrait extrêmement difficile la mise en oeuvre d'une réforme d'une telle ampleur. La présente proposition de loi, si elle venait à être adoptée, entrerait en effet en vigueur moins de dix mois avant le déroulement des opérations électorales.

a) La possibilité, pour le législateur, de modifier le régime électoral dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin, a été admise par le Conseil constitutionnel

Sur un plan juridique, en principe, « il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin43(*) ».

Il est toutefois loisible au législateur de déroger au cas par cas à cette règle. Ainsi, la loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité a étendu aux communes de moins de 1 000 habitants, à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux, le scrutin de liste paritaire, actuellement seulement applicable aux communes de plus de 1 000 habitants.

Dans sa décision sur la loi précitée, le Conseil constitutionnel a ainsi précisé que « ni les exigences découlant de l'article 16 de la Déclaration de 1789 ni aucune autre exigence constitutionnelle n'interdisent au législateur de procéder à une modification du régime électoral des membres des conseils municipaux dans l'année qui précède la date de leur renouvellement général ».

b) L'ampleur de la réforme envisagée rendrait toutefois son entrée en vigueur très complexe, moins d'un an avant le renouvellement général des conseils municipaux

S'il est donc constitutionnellement admis que le régime électoral peut être modifié dans l'année qui précède une élection, l'ampleur de la réforme envisagée rend impossible sa mise en oeuvre avant les prochaines élections municipales, dans des conditions permettant aux scrutins de se dérouler valablement.

Ainsi, selon la direction des moyens de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES), l'entrée en vigueur de la réforme contraindrait le ministère de l'intérieur à procéder à « la réécriture de l'ensemble des circulaires afférentes aux élections municipales, des guides adressés aux maires et aux candidats » ainsi qu'à « la révision des procès-verbaux de décompte des suffrages, ainsi que des dispositions réglementaire du code électoral nécessitant une adaptation à la loi » et aux « développements informatiques au sein des applications électorales (EIREL et SIE2) » très rapidement après la parution du texte, avant le début de la période pré-électorale au 1er septembre 2025, ce qui paraît difficile, compte tenu de la complexité et de l'ampleur des modifications à effectuer.

Ainsi, « l'ensemble des évolutions à conduire dans des délais particulièrement contraints est de nature à fragiliser la capacité des pouvoirs publics à organiser ces scrutins dans des conditions matérielles satisfaisantes ».

Au-delà des seuls aspects matériels, l'adoption de cette proposition de loi laisserait « peu de temps à la fois aux institutions, aux candidats et aux électeurs pour s'adapter à un changement aussi structurant, avec un risque réel de confusion démocratique », selon Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement de Paris.

Cela contraindrait également les candidats à préparer un programme sans connaître les règles applicables à compter de septembre 2025, et « sans connaître les niveaux de responsabilité de chacun », selon Emmanuelle Pierre-Marie.

2. L'impossibilité d'organiser simultanément plusieurs scrutins, en particulier à Lyon, sur le plan logistique

La réforme envisagée conduirait de plus à l'organisation de deux scrutins concomitants à Paris et Marseille et de trois scrutins simultanés à Lyon, en raison de la tenue des élections métropolitaines, le même jour que les élections municipales44(*).

L'organisation de plusieurs scrutins concomitants apparaît impossible à mettre en oeuvre, tant sur le plan des moyens matériels que sur celui des moyens humains.

a) Une réforme complexe à mettre en oeuvre sur un plan matériel

La réforme envisagée apparaît en premier lieu impossible à mettre en oeuvre sur le plan des moyens matériels.

Concernant d'abord les bureaux de vote, à Lyon par exemple, « la dimension des salles de vote » ne permet pas, selon Rémi Zinck, maire du 4e arrondissement, d'organiser trois élections en même temps. Il faudrait par conséquent trouver de nouvelles salles susceptibles d'accueillir des bureaux de vote et respectant les normes, notamment en termes d'accessibilité pour les personnes en situation de handicap45(*).

En plus des salles de vote supplémentaires à trouver, il faudrait également mettre à disposition, à Lyon, « 1 900 tables, 1 300 chaises, 1 000 isoloirs et 305 urnes supplémentaires » et également mettre en place un troisième jeu de panneaux d'affichage sur la voie publique.

S'agissant ensuite de la propagande électorale, les électeurs devraient être destinataires de deux plis de propagande (une circulaire et un bulletin de vote pour chaque liste de candidats) et les communes de deux livraisons de colis de bulletins de vote. Il en résulterait, dans ces communes, un doublement du besoin en enveloppes de propagande, des opérations d'adressage et de mise sous pli des plis de propagande, ainsi que des opérations de colisage et d'acheminement des plis. Selon la DMATES, « ce dédoublement obligerait à un séquençage et à un suivi très étroit des opérations, d'autant plus complexe pour l'organisation du second tour qui intervient seulement une semaine après le premier tour46(*) ».

En sus, des difficultés relatives à l'acheminement de la propagande électorale pourraient survenir en raison de l'organisation concomitante de plusieurs scrutins. Ainsi, l'organisation des élections départementales et régionales des 20 et 27 juin 2021 avait été marquée par d'importants dysfonctionnements lors de l'envoi de la propagande électorale47(*). Il existe donc un risque important que les marchés publics en cours ne soient pas adaptés pour assurer, dans des délais aussi contraints, l'envoi de la propagande électorale.

b) Une réforme qui nécessiterait la mobilisation de moyens humains supplémentaires conséquents, dans un contexte déjà difficile

D'autre part, la tenue simultanée de deux voire trois élections apparaît également complexe à mettre en oeuvre du point de vue des moyens humains.

Les communes sont en effet déjà confrontées, à l'heure actuelle, à des difficultés pour mobiliser suffisamment de présidents de bureaux de vote, d'assesseurs et de scrutateurs. Par exemple, à Marseille, les difficultés pour mobiliser suffisamment de personnes dans les bureaux de vote a conduit la ville de Marseille à procéder au « paiement de la journée pour les fonctionnaires, afin d'attirer les personnes dans les bureaux de vote, en payant 300 € par agent. Et malgré cela, il était difficile d'avoir des bureaux complets », selon Sylvain Souvestre, maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille. De même, lors des élections législatives de 2022 à Lyon, la ville de Lyon avait « été amenée à

proposer à ses agents d'être assesseur, moyennant rémunération
 », comme précisé par Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement de Lyon, et par Christian Termoz-Mazan, premier adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon.

La tenue concomitante de plusieurs élections ne ferait qu'amplifier les difficultés préexistantes, puisqu'elle rendrait nécessaire la mobilisation de moyens humains supplémentaires. Ainsi, à Lyon, la mobilisation supplémentaire de 310 présidents de bureaux de vote, 610 assesseurs et 300 agents de la ville serait nécessaire.

3. Le dédoublement des comptes de campagne générerait d'importantes difficultés pour retracer les dépenses des candidats

L'organisation de deux scrutins distincts imposerait par ailleurs la tenue de plusieurs comptes de campagne distincts pour les candidats.

Ainsi, ceux qui seraient candidats tête de liste au conseil d'arrondissement et au conseil municipal ou au conseil de Paris auraient l'obligation d'ouvrir deux comptes de campagne distincts, pour retracer les dépenses de chacune des deux campagnes. Ils devraient par conséquent désigner deux mandataires financiers ou deux associations de financement électoral48(*), pour chacun des deux scrutins.

Là aussi, la situation se révèlerait encore plus complexe dans le cas lyonnais, en raison de l'organisation concomitante de trois élections. Un candidat aux élections métropolitaines ainsi qu'au conseil municipal et dans un conseil d'arrondissement aurait ainsi l'obligation de tenir trois comptes de campagne distincts.

Or, il sera sans doute impossible de différencier les dépenses effectuées au titre de la campagne pour la mairie, de celles effectuées au titre de la campagne pour la mairie d'arrondissement, tant les enjeux sont liés.

Interrogé sur ce sujet par Guy Benarroche, Christian Charpy, candidat aux fonctions de président de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), a indiqué lors de son audition devant la commission des lois que, selon lui, « il est clair que le guide du mandataire relatif aux élections à Paris, Lyon et Marseille promet d'être extrêmement compliqué ».

C. UNE RÉFORME AU COÛT FINANCIER PARTICULIÈREMENT ÉLEVÉ, DANS UN CONTEXTE BUDGÉTAIRE INQUIÉTANT

Alors que la situation des finances publiques apparaît pour le moins préoccupante et rend nécessaire un effort significatif de redressement des comptes publics, la réforme envisagée générerait d'importantes dépenses supplémentaires.

En premier lieu, le dédoublement de l'élection des conseillers municipaux et des conseillers d'arrondissement imposerait l'achat de matériels supplémentaires par les communes (panneaux d'affichage, tables pour les bulletins de vote, urnes, isoloirs, etc.), entraînant le doublement des frais d'assemblée électorale49(*). Pour la seule ville de Lyon, l'organisation de trois scrutins le même jour générerait un coût supplémentaire de 500 000 €, selon Grégory Doucet, maire de Lyon.

En second lieu, la dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement entraînerait une hausse du nombre d'élus. Il y aurait ainsi potentiellement 347 élus supplémentaires, ce qui conduira par exemple à l'augmentation :

- des frais de campagne ;

- des dépenses de formation ;

- des dépenses liées à la prise en charge des frais de représentation des élus dans l'exercice de leur mandat (frais de transport, frais de séjour...) ;

- des dépenses liées à la prise en charge des frais de garde d'enfant ou d'assistance aux personnes âgées, handicapées ou ayant besoin d'une aide personnelle à leur domicile ;

- des indemnités de mandat versées aux élus, etc.

Au total, selon la DMATES, le coût de la réforme s'élèverait à 15 millions d'euros, sans compter les indemnités de mandat supplémentaires.

D. UNE RÉFORME QUI GÉNÉRERAIT UNE FORTE INSTABILITÉ POLITIQUE

En outre, le dispositif proposé conduirait à une importante instabilité politique.

Celle-ci serait d'abord liée à la modification profonde des équilibres politiques au sein des conseils municipaux qu'elle pourrait induire.

Ensuite, la fixation d'une prime majoritaire à 25 % pour l'élection des conseillers municipaux risque d'aboutir à une absence de majorité au sein des conseils municipaux et du conseil de Paris.

À titre d'exemple, à Paris, une liste qui obtient 30 % des voix avec le mode de scrutin obtient 82 sièges au conseil de Paris, grâce à la prime majoritaire de 50 %, auxquels s'ajoutent 24 sièges supplémentaires, correspondant à la répartition à la proportionnelle des sièges restant à attribuer. Au total, la liste obtient ainsi 106 sièges, sur les 163 sièges du conseil de Paris, ce qui lui assure une majorité stable.

Si la réforme entrait en vigueur, une liste avec un score de 30 % n'obtiendrait plus que 78 sièges, dont 41 au titre de la prime majoritaire et 37 au titre de la répartition proportionnelle des sièges restants et ne serait donc pas majoritaire au conseil de Paris.

Au final, comme l'a indiqué Benoît Payan, maire de Marseille, à la rapporteure, « avec une prime de 25 %, les hémicycles de ces villes risquent de se retrouver fractionnés et fracturés, et là encore de favoriser, au lieu d'un projet municipal concret, des accords au texte par texte tout au long de la mandature ».

Enfin, la difficulté évoquée précédemment pour retracer les dépenses de campagne pourrait entraîner une forte hausse des contentieux liés aux comptes de campagne et, in fine, entraîner le prononcé de peines d'inéligibilité par le juge de l'élection, assorties de l'annulation des élections en cause - ce qui, là aussi, participerait de l'augmentation de l'instabilité politique.

E. UNE RÉFORME QUI METTRAIT À MAL LA DÉMOCRATIE DE PROXIMITÉ, À REBOURS DU SOUHAIT EXPRIMÉ PAR LES ÉLECTEURS

1. Le système actuellement en vigueur à Paris, Lyon et Marseille garantit la représentation des arrondissements au conseil central

En l'état actuel du droit, les conseillers municipaux et conseillers de Paris siègent nécessairement au sein d'un conseil d'arrondissement, ce qui garantit, selon Sophie Camard, maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille, « la prise en compte des intérêts de tous les territoires ».

Ainsi, les élus d'arrondissement, qui sont en contact direct avec les administrés au quotidien, sont représentés au conseil central, ce qui permet de « défendre au mieux les intérêts de son arrondissement », comme souligné par Jérémy Redler, maire du 16e arrondissement de Paris.

Les préoccupations des habitants d'un arrondissement peuvent en effet être directement relayées au conseil central, qui constitue l'instance décisionnaire, par les conseillers municipaux ou par les conseillers de Paris élus dans ce même arrondissement.

2. La réforme envisagée, en déconnectant la mairie centrale des arrondissements, irait à l'encontre du souhait des électeurs, attachés à la démocratie de proximité
a) La dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement prévue par la proposition de loi

La proposition de loi prévoit une dissociation des mandats de conseiller municipal (ou de conseiller de Paris) et de conseiller d'arrondissement. Les conseillers municipaux ne siégeraient donc plus nécessairement au sein d'un conseil d'arrondissement.

Cette dissociation des mandats emporterait deux principaux risques :

- certains arrondissements pourraient être sur-représentés au conseil municipal ou au conseil de Paris ;

- a contrario, il existe un risque que certains arrondissements ne soient pas du tout représentés au conseil municipal ou au conseil de Paris, faisant obstacle à la prise en compte de leurs besoins, puisque les préoccupations des habitants de ces arrondissements ne pourraient plus être relayées au conseil central et ne seraient, par conséquent, plus prises en compte dans les décisions de la mairie centrale.

b) La conséquence de cette évolution : la suppression de l'échelon de proximité, pourtant plébiscité par les électeurs

Cette évolution aurait plusieurs conséquences concrètes.

D'abord, « la réforme éloignerait les élus municipaux de la population », selon Grégory Doucet, maire de Lyon, puisqu'ils ne seraient désormais plus en relation directe avec les habitants de la ville. Selon lui, cet éloignement « déconnecterait en outre la mairie centrale des arrondissements, alors que la présence actuelle des élus d'arrondissement au conseil central lui permet d'avoir une connaissance fine des quartiers et des problématiques rencontrées, ce qui garantit la bonne prise en compte des préoccupations des habitants ».

En effet, comme l'a souligné Jeanne d'Hauteserre, maire du 8e arrondissement de Paris, « les maires d'arrondissement constituent l'échelon de proximité à Paris. Pour répondre à leurs difficultés, les Parisiens ne sollicitent pas la maire de Paris, mais leurs élus d'arrondissement, que ce soit en matière de logement ou d'entretien de l'espace public ». Ces difficultés sont ensuite relayées directement auprès de la mairie centrale par les maires d'arrondissement.

Ce constat est partagé par Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement de Paris, pour qui « la réforme risque de priver certains quartiers d'une voix directe au sein de l'organe décisionnel central », ne permettant plus d'y relayer leurs problématiques.

De plus, la réforme conduit à transformer les élus d'arrondissement en simples « super délégués de quartiers », comme affirmé par Grégory Doucet à la rapporteure, en mettant « fin à la capacité des arrondissements à devenir un échelon de décision », pour reprendre les mots d'Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris.

Ces élus d'arrondissement, même s'ils garderont les mêmes prérogatives, n'auront en effet plus le même poids politique. Aussi, « leur rapport de force avec le maire sera en leur défaveur, ce dernier rassemblant plus d'électeurs que tout maire d'arrondissement », selon Jeanne d'Hauteserre.

Cette opinion est partagée par Philippe Goujon, maire du 15e arrondissement de Paris. Avec la réforme, « le maire d'arrondissement perdrait tout poids politique et donc administratif vis-à-vis de la mairie centrale, sans conseillers de Paris au conseil d'arrondissement. La plupart des décisions importantes se prennent en conseil de Paris. Quel pouvoir de négociation - actuellement important - reste-t-il au maire d'arrondissement, présidant un conseil d'arrondissement, qui pourrait même ne compter aucun conseiller de Paris en ses rangs ? Ce projet instaure un système où la mairie centrale disposerait de pouvoirs exorbitants face à des conseils d'arrondissement marginalisés, hors sol, et à des maires d'arrondissement quasi exclus du conseil de Paris ».

Les conséquences induites par la réforme iraient à l'encontre « des attentes des habitants, qui réclament davantage de proximité et de lisibilité dans l'action publique », comme indiqué à la rapporteure par Geoffroy Boulard, et conduiraient à effacer l'échelon de proximité auxquels ils sont attachés.

Ainsi, comme l'a résumé Jérémy Redler, « alors que les habitants souhaitent avoir des élus plus proches d'eux, cette réforme va affaiblir le lien avec les arrondissements. Les élus au conseil [central] seront déconnectés et sans ancrage local. Les compétences des mairies d'arrondissement vont se retrouver très affaiblies ». 

F. UNE RÉFORME ÉLABORÉE DANS LA PRÉCIPITATION ET SANS CONCERTATION DE L'ENSEMBLE DES PARTIES PRENANTES

Au-delà des problèmes de fond posés par la proposition de loi, la méthode ayant présidé à son élaboration apparaît également problématique, témoignant d'un texte préparé dans la précipitation.

1. Une réforme préparée sans concertation de l'ensemble des acteurs concernés

En premier lieu, la réforme a été élaborée sans que toutes les parties prenantes aient été consultées par ses auteurs.

C'est le cas par exemple des maires d'arrondissement qui, jusqu'alors, n'avaient jamais été consultés au sujet d'une réforme du mode de scrutin applicable à Paris, Lyon et Marseille.

Ainsi, Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris, a indiqué que « cette proposition de loi a été élaborée dans la précipitation, sans concertation, sans même auditionner les maires que nous sommes ».

Cette absence de consultation préalable des acteurs concernés par la réforme envisagée est également regrettée par Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement de Lyon et par Christian Termoz-Mazan, premier adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon : « Nous regrettons qu'en amont de son dépôt, cette proposition de loi n'ait pas fait l'objet d'une discussion plus complète avec l'ensemble des parties prenantes (majorité et opposition) sur ces trois villes ».

Si certains acteurs ont néanmoins été entendus par les auteurs de la proposition de loi, leurs remarques n'ont pour autant pas été prises en compte, à l'instar de Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon, qui a indiqué : « Depuis deux ans, j'échange avec les auteurs du texte et je les ai alertés sur les obstacles concernant l'application à Lyon. Or, je constate qu'aucune solution n'a été recherchée ou trouvée ».

2. Une réforme reposant sur un diagnostic initial inexact
a) Un diagnostic initial inexact

En deuxième lieu, cette proposition de loi repose sur un diagnostic initial inexact, faute d'évaluation préalable et de consultation approfondie des acteurs concernés, ce qui témoigne là aussi de la précipitation avec laquelle cette proposition de loi a été élaborée.

Selon les auteurs de ce texte, le régime électoral spécifique de ces trois villes constituerait ainsi une « anomalie démocratique », en raison de l'élection « indirecte » du maire, de la discrimination de certains arrondissements, et de la possibilité, pour un maire, d'être élu avec une minorité de voix à l'échelle de la commune.

Or, force est de constater qu'aucune de ces affirmations ne repose sur des faits tangibles.

D'abord, les maires sont élus par le conseil municipal, au scrutin universel indirect, dans l'ensemble des 34 875 communes françaises. L'article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales dispose ainsi que « le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres ».

Ensuite, la discrimination de certains arrondissements ne repose sur aucun élément objectif. Interrogé sur cette question lors de son audition par la rapporteure, Sylvain Maillard a lui-même avoué « ne pas avoir d'élément objectif pour caractériser la discrimination dont sont victimes les mairies d'arrondissement de l'opposition. Il s'agit seulement d'un ressenti ».

Si les travaux préparatoires ont montré que certains maires d'arrondissement souscrivaient à cette affirmation, il ne s'agit pour autant pas d'un sentiment unanimement partagé. Ainsi, pour Olivier Berzane, maire du 5e arrondissement de Lyon, les arrondissements d'opposition ne seraient pas discriminés puisque « plus de 95% des délibérations sont votées à l'unanimité, traduisant bien un accord allant au-delà des étiquettes politiques ».

De plus, même les maires d'arrondissement indiquant partager ce sentiment d'une discrimination de certains arrondissements admettent que cette problématique n'est pas forcément liée au mode de scrutin actuellement en vigueur, à l'instar de Jeanne d'Hauteserre, pour qui la pratique ne serait pas nécessairement différente avec un changement de régime électoral.

Enfin, la possibilité, largement théorique, pour le maire de Paris, Lyon ou Marseille, d'être élu avec une minorité de voix, ne s'est vérifiée qu'une unique fois depuis 1982, avec l'élection de Gaston Defferre comme maire de Marseille en 1983 - bien loin d'une anomalie démocratique récurrente.

En effet, comme l'a indiqué la DMATES, « il s'agit de la seule élection d'un maire minoritaire en voix. À l'ensemble des autres élections, le maire élu avait obtenu la majorité absolue ou relative des voix à l'échelle de la commune à l'issue du 2e tour de scrutin. Ainsi, à titre d'exemple, en 2001, Bertrand Delanoë a été élu maire de Paris après que ses listes d'union de la gauche avaient obtenu 49,63 % des voix à l'échelle de la commune. De la même façon, Gérard Collomb a été élu maire de Lyon en 2001, ses listes obtenant 48,5 % des voix contre la droite et le centre divisés. Enfin, Anne Hidalgo a été réélue maire de Paris en 2020, ses listes obtenant au 2e tour 48,5% des voix ».

b) Une réforme qui n'aborde pas les véritables problématiques posées par le système applicable à Paris, Lyon et Marseille

Le diagnostic sur lequel repose la réforme envisagée apparaît également inexact et n'aborde pas les véritables problématiques rencontrées à Paris, Lyon et Marseille.

Ainsi, la réforme envisagée est limitée à la seule question du régime électoral, sans que soit abordée la question des compétences des mairies centrales et des mairies d'arrondissement.

Or, lors des auditions conduites par la rapporteure, cette question a pourtant été mentionnée par l'ensemble des acteurs entendus.

Comme indiqué par Sylvain Souvestre, maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille, il est indispensable de traiter ces deux questions en même temps et, « quelles que soient nos appartenances politiques, tout le monde se rejoint sur la nécessité de traiter les compétences ». Faute d'aborder simultanément ces deux sujets, la réforme est selon lui perçue comme « un tripatouillage électoral ».

Au final, en raison de ce diagnostic inexact et de l'absence de consultation de l'ensemble des parties prenantes, il en résulte une proposition de loi qui apparaît comme « une réforme bâclée et de circonstance », pour reprendre les mots d'Olivier Berzane, maire du 8e arrondissement de Lyon.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : REJETER UNE RÉFORME PROBLÉMATIQUE À TOUS ÉGARDS

A. UNE RÉFORME CONTESTABLE À TOUS POINTS DE VUE ET QUI N'ATTEINT PAS SES OBJECTIFS, CE QUI DOIT CONDUIRE À SON REJET

La commission des lois a pris acte de l'ensemble des difficultés soulevées par la réforme envisagée, tant sur un plan juridique que sur un plan pratique, ainsi que de l'opposition quasi-unanime des acteurs concernés à cette évolution du mode de scrutin.

Cette réforme irait, de surcroît, à l'encontre des souhaits exprimés par les électeurs en faveur d'un renforcement de l'échelon de proximité, dans un contexte d'abstention croissante et alors que la confiance des citoyens envers les élus ne cesse de diminuer.

La commission a en outre relevé le caractère précipité de l'élaboration de la proposition de loi et considéré que le coût financier de la réforme, de 15 millions d'euros au moins, n'était pas acceptable dans le contexte actuel, alors même que le Sénat conduit en ce moment même des travaux visant à identifier les pistes d'économie à réaliser pour réduire le déficit et que le président du Sénat a évoqué récemment la piste d'un gel budgétaire pour l'année 2026. 

Elle a également noté que la proposition de loi n'atteignait pas les objectifs assignés par ses auteurs.

Premièrement, elle ne conduit pas à faire entrer les villes de Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun, puisqu'elle prévoit l'introduction d'une prime majoritaire dérogatoire au droit commun pour l'élection des conseillers municipaux et des conseillers de Paris.

Deuxièmement, elle ne rendrait pas le régime électoral plus lisible et plus simple :

- d'abord, l'organisation des scrutins serait rendue plus complexe pour les mairies, qui devraient mobiliser des moyens matériels, humains et financiers supplémentaires considérables ;

- de même, la situation serait rendue plus complexe pour les candidats, qui devraient par exemple organiser plusieurs campagnes et tenir des comptes de campagne séparés ;

- enfin, l'organisation simultanée de plusieurs élections serait source de confusion pour les électeurs, comme en témoigne déjà l'organisation concomitante des élections municipales et des élections métropolitaines à Lyon.

Troisièmement, la réforme envisagée ne répond pas aux réelles problématiques rencontrées dans les villes de Paris, Lyon et Marseille, en ce qu'elle ne s'intéresse pas à la question des compétences et de leur répartition entre les arrondissements, les communes et les métropoles.

Compte tenu des difficultés juridiques et opérationnelles que pose cette réforme, sans que la pertinence d'un changement des règles électorales pour les trois communes ait pu être démontrée, ne serait-ce que du point de vue de l'expression démocratique, la commission des lois a par conséquent rejeté cette proposition de loi, insuffisamment préparée et excessivement tardive.

B. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉFLEXION DE FOND GLOBALE SUR LE STATUT DE PARIS, LYON ET MARSEILLE FAIT EN REVANCHE L'OBJET D'UN CONSENSUS PARMI LES PARTIES PRENANTES

Si les parties prenantes entendues par la rapporteure ont fait état d'une opposition quasi-unanime à la réforme envisagée, les auditions ont néanmoins mis en lumière la nécessité d'une réforme plus globale et réfléchie du statut de ces trois villes, abordant la question du mode de scrutin mais également des compétences, et intégrant également la dimension métropolitaine.

Ainsi, pour Sylvain Souvestre, maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille, la question des compétences est inséparable de celle du mode de scrutin.

De même, pour Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris, « la réforme de ce mode de scrutin justifie un temps d'évaluation du fonctionnement actuel, une étude d'impact réelle et la prise en compte de la dimension métropolitaine. Il est tout à fait singulier d'envisager une réforme d'un mode de scrutin sans poser en amont la question des compétences que chaque échelon à exercer. »

Pour toutes ces raisons, la rapporteure a donc souhaité insister sur l'importance de la mise en place d'un travail de long terme, qui pourrait prendre la forme d'une mission d'information, afin d'évaluer précisément le fonctionnement actuel de ces trois villes, en concertation avec l'ensemble des acteurs concernés.

Ce travail préalable permettrait d'envisager une refonte du statut de ces trois villes, qui pourrait d'ailleurs conduire à envisager des solutions différentes selon la ville concernée, compte tenu des profondes différences qui existent aujourd'hui entre ces trois collectivités, en termes de population, de répartition des compétences ou encore de structure institutionnelle.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Instauration de deux scrutins distincts pour l'élection des conseillers d'arrondissement et des conseillers municipaux à Paris, Lyon et Marseille

L'article 1er tend à réformer le mode de scrutin applicable aux élections municipales à Paris, Lyon et Marseille.

Il prévoit de dissocier l'élection des conseillers municipaux (ou de Paris) et des conseillers d'arrondissement, qui seraient élus selon deux scrutins distincts organisés le même jour. Serait instaurée une prime majoritaire dérogatoire de 25 % (contre 50 % en droit commun) pour l'élection des membres du conseil central qui, par ailleurs, ne seraient plus nécessairement conseillers d'arrondissement.

La commission a estimé que cette réforme, qui soulève d'innombrables difficultés juridiques et pratiques, avait été élaborée dans la précipitation, sans consultation des acteurs et sans l'inscrire dans une réflexion globale sur le rôle et les compétences des échelons de proximité que constituent les arrondissements.

Pour l'ensemble des raisons exposées ci-avant, la commission n'a pas adopté cet article.

1. Les villes de Paris, Lyon et Marseille sont dotées, depuis 1982, d'une organisation administrative et d'un mode de scrutin particuliers

La loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982 relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale, aujourd'hui codifiée dans le code général des collectivités territoriales (CGCT), a doté les villes de Paris, Lyon et Marseille d'une organisation administrative particulière, reposant sur des arrondissements et des secteurs.

En application de l'article L. 261 du code électoral, les élections ont lieu à l'échelle de l'arrondissement : les électeurs votent pour des listes de candidats à la mairie d'arrondissement ou de secteur. Chaque arrondissement envoie à son tour des membres au conseil municipal ou de Paris, dont le nombre varie en fonction de son poids démographique50(*).

Les conseillers d'arrondissement sont, en application de l'article L. 271 du code électoral, élus en même temps que les conseillers municipaux, par un scrutin unique.

Aux termes de l'article L. 272 du code électoral, « [l]'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et de Marseille et celle des conseillers d'arrondissement ont lieu dans les conditions » de droit commun applicables aux communes de plus de 1 000 habitants (avec application d'une prime majoritaire de 50 %), sous réserve de certaines dispositions particulières.

L'article L. 272-5 code électoral, qui précise les règles relatives à l'attribution des sièges, dispose « [qu'une] fois effectuée l'attribution des sièges de membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal en application des dispositions de l'article L. 262, les sièges de conseiller d'arrondissement sont répartis dans les mêmes conditions entre les listes. Pour chacune d'elles, ils sont attribués dans l'ordre de présentation en commençant par le premier des candidats non proclamé élu membre du Conseil de Paris ou du conseil municipal ».

Ce sont les conseillers municipaux (ou de Paris) qui désignent ensuite, parmi eux, le maire de la commune.

Par un bulletin de vote unique, sont ainsi élus les membres du conseil municipal, des conseils d'arrondissement et des conseillers communautaires.

2. Le dispositif proposé : instaurer deux scrutins distincts pour les élections au conseil d'arrondissement et au conseil municipal

L'article 1er prévoit, en modifiant plusieurs dispositions du code électoral, une dissociation des élections au conseil d'arrondissement et des élections au conseil municipal.

Il entend, à cet effet, supprimer le principe, inscrit à l'article L. 261 du code électoral, selon lequel l'élection des membres du conseil municipal dans ces trois villes a lieu par secteur. Il compléterait, parallèlement, l'article L. 271 du code électoral pour préciser que ces deux « scrutins distincts » ont lieu en même temps.

Les conseillers municipaux de ces trois villes, ainsi que leur maire, seraient donc élus dans les mêmes conditions que l'ensemble des communes de plus de 1 000 habitants.

Toutefois, un nouvel article L. 272-4-1 du code électoral serait introduit, pour prévoir l'application d'une prime majoritaire de 25 % dérogatoire par rapport au droit commun (qui la fixe à 50 %, en application de l'article L. 262 du code électoral).

Les conseillers d'arrondissement seraient également élus dans les conditions de droit commun, mais avec application d'une prime majoritaire de 50 %.

Les candidats pourraient, sans en avoir l'obligation, se présenter à la fois aux élections à l'échelle de l'arrondissement et aux élections à l'échelle municipale (nouvelle rédaction de l'article L. 272-3). Toutefois, un candidat ne pourrait pas à la fois se présenter au conseil municipal de Lyon ou Marseille ou au conseil de Paris et au conseil d'arrondissement d'une autre de ces trois communes.

3. La position de la commission : une réforme qui, préparée dans la précipitation et sans concertation, soulève de nombreuses difficultés juridiques et pratiques

Comme l'ont fait apparaître les travaux et les consultations menés par la rapporteure, la réforme prévue par la proposition de loi soulève de très nombreuses difficultés, tant sur le plan juridique que pratique et matériel.

En premier lieu, la commission estime que, à rebours du rapprochement avec le droit commun annoncé, le dispositif introduit une rupture d'égalité entre les communes en prévoyant l'application d'une prime majoritaire dérogatoire de 25 % pour l'élections des conseillers municipaux. Ce choix est d'autant plus problématique que la proposition de loi ne modifie pas, parallèlement, la prime majoritaire de 50 % applicable à l'élection des conseillers de la métropole du Grand Paris et de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, conduisant à l'application d'une prime différente pour l'attribution des sièges au conseil municipal et au conseil communautaire.

En deuxième lieu, la réforme risque de porter atteinte aux principes d'intelligibilité et de sincérité du scrutin, puisqu'elle conduirait à l'organisation de deux - voire, à Lyon, de trois - scrutins le même jour. Cette situation, a fortiori si la réforme a vocation à s'appliquer aux élections municipales de mars 2026, semble incompatible avec l'objectif d'intelligibilité du scrutin et risque de créer de la confusion préjudiciable aux candidats comme aux électeurs.

Parallèlement, la direction des moyens de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) a indiqué à la rapporteure combien l'entrée en vigueur de cette réforme dans quelques mois est susceptible de fragiliser la capacité des pouvoirs public à garantir le déroulement du scrutin dans de bonnes conditions.

En troisième lieu, la dissociation des scrutins aurait des conséquences significatives sur la tenue des comptes de compagne (qui devront être séparés en cas de candidatures parallèles), avec d'importantes difficultés pour les candidats, qui devront différencier les dépenses effectuées au titre de la campagne pour la mairie et celle pour l'arrondissement, dont les enjeux sont pourtant intimement liés.

Outre le coût organisationnel, la réforme aurait un coût financier non négligeable, principalement en raison de l'accroissement du nombre d'élus qui pourrait résulter de l'absence d'automaticité entre les mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement.

En quatrième lieu, la commission a regretté qu'une telle modification du mode du scrutin, puisqu'elle a été préparée dans la précipitation, n'ait pas pris en considération le rôle essentiel des conseillers d'arrondissement, en tant qu'échelon de proximité auquel sont attachés les électeurs. Avec le modèle retenu par la proposition de loi, les arrondissements ne seraient plus nécessairement représentés au conseil central, portant atteinte à la prise en compte de leurs besoins et spécificités. La réforme, en se concentrant sur le régime électoral, élude totalement l'enjeu, pourtant crucial, de la répartition des compétences entre mairie centrale et mairies d'arrondissement.

Prenant acte de l'ensemble de ces difficultés, et constatant que la proposition de loi ne permettait pas d'atteindre les objectifs assignés par ses auteurs, la commission n'a pas adopté l'article 1er.

La commission n'a pas adopté l'article 1er.

Article 1er bis
Élection des conseillers métropolitains à l'échelle du conseil municipal de Marseille et du conseil de Paris

Tirant les conséquences de la dissociation des élections au conseil d'arrondissement et au conseil municipal, l'article 1er bis prévoit que les conseillers métropolitains de Paris et Marseille sont élus, dans les conditions de droit commun applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, en même temps et sur la même liste que les candidats au conseil municipal (ou conseil de Paris).

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

1. Le droit existant : le « fléchage » des conseillers communautaires lors des élections à l'échelle des arrondissements

1.1. L'élection des conseillers communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants : le principe « un bulletin, deux listes »

Le mode de désignation des conseillers communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants, tel qu'il est actuellement prévu par le code électoral51(*), résulte de la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral.

Dans ces communes, depuis le renouvellement général de 2014, les conseillers communautaires sont élus au suffrage universel direct, en même temps que les conseillers municipaux, via un système de « fléchage »52(*). L'électeur choisit ainsi, le même jour et sur un même bulletin de vote, les élus de la commune et ceux de l'intercommunalité.

La liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire (dite « liste intercommunale ») doit figurer « de manière distincte sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil municipal dont elle est issue »53(*).

Cette liste doit en outre, en application de l'article L. 273-9 du code électoral, répondre à plusieurs règles :

- elle doit respecter la règle de la parité ;

- elle doit comporter un nombre de candidats égal au nombre de sièges à pourvoir, augmenté d'un candidat si ce nombre est inférieur à cinq et de deux si ce nombre est supérieur à cinq54(*) ;

l'ordre de présentation des candidats figurant sur la liste doit respecter l'ordre de présentation de la liste municipale, et le premier quart (en tête de liste) des candidats doit figurer de façon identique, de la même manière et dans le même ordre sur les deux listes ;

- les candidats au conseil communautaire doivent figurer dans les trois premiers cinquièmes de la liste des candidats au conseil municipal.

1.2. L'application de ce principe à l'élection des conseillers métropolitains de Paris et Marseille

À Paris et Marseille, conformément à l'article L. 273-7 du code électoral, le représentant de l'État répartit les sièges de conseillers communautaires entre les secteurs, en fonction de leur population respective, à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.

Dans chaque arrondissement, l'électeur dispose ainsi d'un unique bulletin de vote sur lequel figure, d'une part, la liste des candidats au conseil d'arrondissement et au conseil municipal et, d'autre part, la liste des candidats au conseil communautaire. Les voix permettant d'élire les conseillers métropolitains sont donc décomptées au sein de chaque arrondissement.

En conséquence, selon l'ordre de présentation des candidats au conseil métropolitain retenu, un conseiller communautaire peut n'être que conseiller d'arrondissement et non conseiller municipal55(*). Toutefois, lors de l'élection, les conseillers métropolitains sont bien fléchés à partir de la liste des candidats au conseil municipal.

Les conseillers métropolitains de Lyon sont, quant à eux, élus dans le cadre d'un scrutin de liste à la proportionnelle avec prime majoritaire, qui a lieu en même temps que le renouvellement général des conseils municipaux (articles L. 224-1 et L. 224-2 du code électoral).

2. Le dispositif proposé : prévoir l'élection des conseillers métropolitains de Paris et Marseille à l'échelle du conseil central

L'article 1er bis, en modifiant plusieurs articles du titre V (« Dispositions spéciales à l'élection des conseillers communautaires ») du livre Ier du code électoral, aligne le mode de désignation des conseillers métropolitains de Paris et Marseille sur le droit commun.

Il procède, à cet effet, à la suppression des références, au sein des articles concernés, aux conseillers d'arrondissement, afin de tenir compte de la disparition de l'hypothèse dans laquelle un conseiller d'arrondissement pourrait être élu au conseil communautaire sans être membre du conseil municipal (ou du conseil de Paris).

3. Soulevant d'importantes difficultés, ce dispositif n'a pas été adopté par la commission, conformément à sa position globale sur la proposition de loi

En l'état, la commission a relevé que la proposition de loi introduirait une distorsion de représentation problématique entre conseil municipal et conseil communautaire, soulevant d'importantes difficultés d'application.

En effet, l'article 1er prévoit, pour l'élection des conseillers municipaux de Marseille et Lyon et des conseillers de Paris, l'application d'une prime majoritaire dérogation fixée à 25 % (contre 50 % en droit commun, en application de l'article L. 262 du code électoral).

Toutefois, la proposition de loi ne procède à aucune modification de l'article L. 273-8 du code électoral, qui prévoit que les sièges de conseiller communautaire sont répartis entre les listes selon les règles prévues par l'article L. 262 du même code. Dès lors, la liste gagnante continuerait de se voir octroyer la moitié des sièges au conseil communautaire (prime majoritaire de 50 %).

Il en résulterait l'application d'une prime majoritaire différente pour l'attribution des sièges au conseil municipal et au conseil communautaire, situation que la commission a jugée incohérente et de nature à créer une distorsion de représentation ainsi que des difficultés pratiques, puisqu'il serait potentiellement impossible de pourvoir les sièges au conseil communautaire, faute d'un nombre suffisant d'élus sur la liste arrivée en tête à l'élection municipale (étant donné que les conseillers communautaires devraient obligatoirement être conseillers municipaux comme le prévoit l'article L. 273-4 du code électoral).

Ainsi, en cohérence par sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté l'article 1er bis.

La commission n'a pas adopté l'article 1er bis.

Article 1er ter
Augmentation du nombre de conseillers municipaux à Marseille

L'article 1er ter prévoit de porter de 101 à 111 le nombre de conseillers municipaux à Marseille.

En effet, l'application du « fléchage » de droit commun pour l'élection des conseillers métropolitains à Marseille rendrait le nombre de sièges attribués à la commune au conseil métropolitain (102) supérieur au nombre de conseillers municipaux (101).

Afin de pallier cette difficulté, tout en prévoyant une « marge » de sécurité - en cas d'augmentation future du nombre de sièges attribués à la commune ou de vacance en cours de mandat -, cet article augmente de dix sièges l'effectif du conseil municipal de Marseille.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

L'élection des conseillers métropolitains de Paris, Lyon et Marseille selon le mécanisme du « fléchage » de droit commun applicable aux communes de plus de 1 000 habitants, prévue par l'article 1er bis, conduirait à élire ces conseillers communautaires directement parmi les membres du conseil municipal (ou de Paris).

Ce faisant, le nombre de conseillers municipaux de Marseille (101) serait inférieur au nombre de sièges dont dispose la commune au conseil de la métropole Aix-Marseille-Provence (102).

En effet, la répartition des sièges entre les communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre s'opère dans les conditions prévues à l'article L. 5211-6-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT) et résulte essentiellement d'un critère démographique.

L'article 1er ter propose ainsi, en modifiant l'article L. 2513-1 du CGCT, d'augmenter de dix sièges l'effectif du conseil municipal de Marseille, le portant à 111.

Le dispositif permettrait ainsi à Marseille de pourvoir la totalité des sièges dont elle dispose au conseil métropolitain, tout en garantissant à la commune non seulement la faculté de remplacer des vacances qui pourraient éventuellement survenir en cours de mandat, mais aussi de faire face à d'éventuelles évolutions démographiques futures qui augmenteraient encore le nombre de ses sièges au conseil métropolitain.

Toutefois, en cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 1er ter.

Article 2
Fixation du nombre de sièges attribués à chaque conseil d'arrondissement

Afin de tirer les conséquences de la dissociation entre les élections aux conseils d'arrondissement et les élections aux conseils centraux de Paris, Lyon et Marseille, l'article 2 tend à fixer le nombre de sièges que compte chaque conseil d'arrondissement ou de secteur de ces trois villes.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

1. Le droit existant : la répartition des sièges au conseil central entre les différents arrondissements

En application de l'article L. 2511-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT), issu de l'article 2 de la loi n° 82-1169 du 31 décembre 1982, les communes de Paris, Marseille et Lyon sont respectivement divisées en 20, 16 et neuf arrondissements municipaux.

Aujourd'hui, la composition des secteurs varie sensiblement dans chacune de ces trois villes :

- à Paris, en principe, chaque secteur correspond à un arrondissement. Toutefois, depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2017-257 du 28 février 201756(*), les quatre premiers arrondissements sont regroupés au sein d'un même secteur, doté d'un conseil d'arrondissement unique ;

à Lyon, chacun des neufs arrondissements correspond à un secteur ;

à Marseille, chacun des seize secteurs comprend deux arrondissements.

Annexés au code électoral, les tableaux n° 2, 3 et 4 fixent, pour les trois villes, le nombre de sièges de conseillers de Paris ou de conseillers municipaux dont dispose chaque secteur.

Le nombre de sièges dont dispose chaque conseil d'arrondissement ou de secteur est ensuite déterminé dans les conditions prévues au second alinéa l'article L. 2511-8 du CGCT : il est égal au « double de celui des conseillers municipaux ou conseillers de Paris, sans toutefois pouvoir être inférieur à dix ni supérieur à quarante ».

2. La prise en compte de la dissociation des scrutins : la fixation du nombre de sièges dans chaque conseil d'arrondissement

L'article 2 modifie les tableaux n° 2, 3 et 4 annexés au code électoral, afin de fixer le nombre de sièges que comporte chaque conseil d'arrondissement ou de secteur de chacune des trois villes.

Il tend également à supprimer le second alinéa de l'article L. 2511-8 du CGCT, puisqu'il n'y a plus lieu, en raison de la dissociation des élections, de déterminer le nombre de conseillers d'arrondissement à partir du nombre de conseillers municipaux dont dispose le conseil d'arrondissement ou de secteur.

3. La position de la commission

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 2.

Article 3
Participation des maires d'arrondissement au conseil central

L'article 3 tend, à titre principal, à ouvrir la faculté aux maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille d'assister au conseil municipal (ou conseil de Paris), même s'ils n'en sont pas membres.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

1. Les compétences des maires et des conseils d'arrondissement

1.1. La répartition des compétences entre le conseil central et les conseils d'arrondissement

Tandis que les conseils municipaux disposent de la clause de compétence générale, les conseils d'arrondissement - qui ne sont pas dotés d'un budget et d'une personnalité morale propres - ne bénéficient que de compétences d'attribution.

Aux termes de l'article L. 2511-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT), en effet, « [l]es affaires de la Ville de Paris sont réglées par le conseil de Paris et celles des communes de Marseille et Lyon par un conseil municipal. Pour certaines attributions limitativement définies au présent chapitre, les affaires de ces trois collectivités territoriales sont réglées par des conseils d'arrondissement. »

D'après la direction générale des collectivités locales (DGCL), l'organisation de la répartition des compétences en vigueur « vise à concilier la gestion de proximité avec la cohérence des politiques municipales globales ».

Ainsi, les conseils et maires d'arrondissement exercent des compétences consultatives, délibératives et de gestion. Les mairies d'arrondissement interviennent sur des sujets locaux comme la gestion des équipements de proximité (écoles, équipements sportifs, espaces verts), l'attribution de subventions aux associations de quartier ou encore l'affectation d'une partie des logements sociaux. Elles émettent également des avis sur les projets d'urbanisme ou d'aménagement avant leur adoption par le conseil municipal ou le conseil de Paris.

Par ailleurs, les maires d'arrondissement disposent de certaines compétences déléguées par le maire central, notamment pour la présidence de la caisse des écoles ou la gestion de marchés publics de faible montant.

Parallèlement, les conseils municipaux conservent des compétences essentielles pour assurer la cohésion et l'homogénéité des politiques publiques sur l'ensemble de la ville. Ils décident des grandes orientations budgétaires, votent les dépenses d'investissement et gèrent les services qui dépassent le cadre local d'un arrondissement, comme la propreté, les transports ou la sécurité (notamment à Paris, avec le rôle particulier du préfet de police). Le conseil municipal coordonne également les travaux d'infrastructures majeurs, assure la planification urbaine globale et joue un rôle clé dans les relations avec les institutions régionales et nationales.

1.2. Les prérogatives des maires d'arrondissement

Le maire d'arrondissement dispose des compétences d'attribution suivantes :

- il dispose de compétences en matière d'état civil, à l'exception de l'inscription et la radiation des listes électorales57(*) ;

- il préside la caisse des écoles58(*) ;

- il dispose de compétences en matière budgétaire dans les conditions définies par les articles L. 2511-41 et suivants du CGCT ;

- il dispose d'une compétence d'attribution de logements sociaux : il peut, dans les conditions prévues à l'article L. 2511-20 du CGCT, décider de l'attribution de 50 % du parc immobilier locatif relevant de la commune (ou la Ville de Paris) et qui est situé dans le ressort de l'arrondissement.

2. Garantir la présence des maires d'arrondissement au conseil municipal pour préserver la cohérence des politiques municipales

En ce qu'elle tend à dissocier les mandats de conseiller municipal (ou de Paris) et de conseiller d'arrondissement, la proposition de loi (article 1er) rend envisageable l'hypothèse dans laquelle le maire d'arrondissement ne siégerait pas au conseil central.

Afin de pallier les difficultés qui pourraient résulter d'une telle situation, l'article 3 entend créer, au sein du code général des collectivités territoriales (CGCT), un nouvel article L. 2511-26-1 octroyant la possibilité au maire d'arrondissement « d'assister au conseil de Paris ou au conseil municipal, même s'il n'en est pas membre ».

Le dispositif prévoit que le maire d'arrondissement peut être entendu à sa demande - ou représenté par l'un de ses adjoints ou tout autre membre du conseil municipal - sur les affaires relatives à son arrondissement.

3. Conformément à sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article

La commission juge regrettable l'affaiblissement de la représentation des arrondissements qu'entraînerait la dissociation des élections au conseil d'arrondissement et au conseil central. Cette configuration vient en effet affaiblir un échelon de proximité essentiel et auquel sont attachés les citoyens de ces trois villes.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, elle n'a donc pas adopté l'article 3.

La commission n'a pas adopté l'article 3.

Article 4
Entrée en vigueur de la réforme à compter des prochaines élections municipales

L'article 4 précise que la réforme du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille s'applique à compter du prochain renouvellement des conseils municipaux, prévu en mars 2026.

Jugeant irréaliste, au regard de l'ensemble des enjeux et des difficultés qu'elle soulève, la mise en oeuvre d'une réforme d'une telle ampleur à quelques mois du scrutin, la commission n'a pas adopté cet article, en cohérence avec sa position globale sur la proposition.

Si elle n'est pas impossible juridiquement, l'entrée en vigueur, à quelques mois du scrutin, d'une telle réforme électorale, apparaît à la fois irréaliste sur le plan pratique et irresponsable sur le plan démocratique.

En effet, si l'article L. 567-1 A du code électoral59(*) impose un délai d'un an entre la modification du régime électoral et le premier tour du scrutin, il s'agit d'une norme de valeur législative à laquelle il est loisible au législateur de déroger.

Il n'en demeure pas moins, en l'espèce, que l'entrée en vigueur de la présente proposition de loi à compter du prochain scrutin - prévu en mars 2026 - conduirait à une modification substantielle du régime électoral à seulement quelques mois du début de la période pré-électorale, laquelle commencera à courir à compter du mois de septembre 2025.

Sur les plans pratique et matériel, en effet, l'organisation simultanée de plusieurs scrutins et l'ensemble des adaptations qu'elle implique risquent d'entraver la capacité des pouvoirs publics (administrations centrales, services déconcentrés, mairies, etc.) à garantir la bonne tenue des opérations électorales. Interrogée par la rapporteure, la direction des moyens de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur (DMATES) a précisément estimé, à cet égard, que la réforme à mettre oeuvre dans « des délais particulièrement contraints est de nature à fragiliser la capacité des pouvoirs publics à organiser ces scrutins dans des conditions matérielles satisfaisantes ».

Sur le plan démocratique, l'entrée en vigueur de cette réforme dès 2026 n'est pas de nature à laisser suffisamment de temps aux candidats et aux électeurs pour s'approprier les nouvelles règles et s'y adapter. De ce point de vue, l'application de la réforme à compter des prochaines élections municipales pourrait être regardée comme portant atteinte à l'intelligibilité et la sincérité du scrutin.

La commission a ainsi jugé qu'une réforme revêtant une telle importance pour les territoires concernés et leurs habitants ne peut entrer en vigueur à une date aussi rapprochée des prochaines élections.

Pour l'ensemble de ces raisons et par cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté l'article 4.

La commission n'a pas adopté l'article 4.

Article 5
Demande de rapport relatif à la répartition des compétences entre la mairie centre et les mairies d'arrondissement à Paris, Lyon et Marseille

L'article 5 tend à prévoir la remise par le Gouvernement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, d'un rapport au Parlement évaluant la possibilité de transférer des compétences de la mairie centre aux mairies d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille.

Conformément à sa position traditionnelle s'agissant des demandes de rapport et par cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

La demande de remise au Parlement d'un rapport relatif à la répartition des compétences entre les mairies centrales et les mairies d'arrondissement témoigne de l'impréparation et des lacunes de la méthode suivie pour l'élaboration de la réforme du mode de scrutin prévue par la proposition de loi.

La commission a en effet souligné, en s'appuyant sur le travail de consultation d'ampleur conduit par sa rapporteure, combien cette réforme avait été conçue dans la précipitation, sans même associer les élus concernés.

Or, de l'avis quasi-unanime des maires et des maires d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille entendus par la rapporteure, une réforme du mode de scrutin dans ces communes n'aurait de sens qu'à condition de l'inscrire dans un travail de réflexion globale sur le statut, le rôle et les compétences des mairies d'arrondissement.

Partageant pleinement ce constat, la commission a considéré que l'enjeu de la répartition des compétences entre les mairies centrales, d'une part, et les mairies d'arrondissement et les métropoles, d'autre part, méritait de faire l'objet d'une réflexion spécifique et de long terme, en étroite relation avec les élus des territoires concernés. Dans cette perspective, la commission estime d'ailleurs qu'un tel travail pourrait conduire à envisager des pistes d'évolution et de réforme différentes pour ces trois villes, eu égard aux différences profondes qui existent aujourd'hui entre elles.

Au surplus, la commission considère de façon constante que des demandes de rapports n'ont pas à figurer au sein d'une loi.

La commission n'a pas adopté l'article 5.

Article 6
Création d'une conférence des maires à Paris, Lyon et Marseille

Issu d'un amendement adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale, l'article 6 tend à créer, à Paris, Lyon et Marseille, une conférence des maires.

Réunissant l'ensemble des maires d'arrondissements ou de secteurs et présidée par le maire de la commune, elle aurait vocation à devenir une instance de coordination des politiques publiques locales à l'échelle communale.

En cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté l'article 6.

1. L'introduction d'une instance de coordination destinée à pallier l'absence de représentativité des arrondissements au conseil central

L'article 1er tend, en réformant le mode de scrutin applicable à la Ville de Paris et aux communes de Lyon et Marseille, à dissocier les élections des conseillers municipaux (ou conseillers de Paris) de celle des conseillers d'arrondissement.

En rompant l'automaticité du lien entre le mandat de membre du conseil central et celui de conseiller d'arrondissement60(*), l'évolution proposée affaiblirait la représentation des arrondissements ou secteurs au conseil municipal.

Les députés ont donc estimé que l'introduction de mécanismes destinés à assurer la coordination et garantir la cohérence entre les décisions prises à l'échelle municipale et l'action des maires d'arrondissement ou de secteur était de nature à pallier ces difficultés.

Dans cette perspective, a été introduit, lors de l'examen de la proposition de loi en commission61(*), un article 6 visant à instaurer une « conférence des maires » à Paris. Le dispositif a été étendu aux communes de Lyon et de Marseille par l'adoption de plusieurs amendements en séance publique62(*).

Cette instance63(*), au sein de laquelle il pourrait être débattu de « tout sujet d'intérêt municipal », comprendrait tous les maires d'arrondissement et serait présidée de droit par le maire central. Elle se réunirait au moins une fois par an, « à l'initiative du maire de la ville ou de la moitié des maires d'arrondissement, sur un ordre du jour déterminé ».

2. En cohérence avec sa position sur l'ensemble de la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article

La création de cette instance est justifiée par la dissociation entre les mandats de conseiller municipal (ou de Paris) et de conseiller d'arrondissement, qui ne garantit pas, a fortiori, la présence du maire d'arrondissement au conseil municipal.

D'une part, la commission a relevé que la création d'une « conférence des maires » vise à compenser l'affaiblissement de la représentation des arrondissements au conseil central, jugée susceptible de porter atteinte à l'équilibre et l'équité des politiques municipales en raison de l'effacement de cet échelon de proximité.

L'instance dont la création est proposée semble inspirée de la conférence métropolitaine des maires de la Métropole de Lyon, sans pour autant être dotée d'un rôle et de compétences - y compris consultatives - véritables.

La conférence métropolitaine des maires de la Métropole de Lyon (article L. 3633-2 et L. 3633-3 du code général des collectivités territoriales)

La conférence métropolitaine des maires est l'instance de coordination entre la Métropole de Lyon et les communes situées sur son territoire, rassemblant l'ensemble des maires. Il peut y être débattu de tous sujets d'intérêt métropolitain ou relatifs à l'harmonisation de l'action de ces collectivités.

Préalablement à leur adoption par le conseil de la métropole, la conférence métropolitaine des maires est saisie, pour avis, des actes suivants :

- le plan local d'urbanisme et de l'habitat ;

- le plan climat-air-énergie territorial ;

- le programme local d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées ;

- le programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés ;

- le schéma métropolitain des enseignements artistiques ;

- les schémas d'organisation sociale et médico-sociale.

La conférence métropolitaine des maires est également amenée à rendre un avis, préalablement à celui rendu par le conseil de la métropole, sur le projet de schéma de cohérence territoriale et sur le projet de plan de déplacements urbains.

Les projets de délibération du budget primitif de la Métropole de Lyon et ceux ayant trait aux dotations financières aux communes situées sur son territoire sont présentés pour information à la conférence métropolitaine des maires préalablement à leur adoption par le conseil de la métropole.

En outre, la conférence élabore, dans les neuf mois qui suivent chaque renouvellement général des conseils municipaux, un projet de pacte de cohérence métropolitain entre la métropole et les communes situées sur son territoire. Ce projet propose une stratégie de délégation de compétences de la Métropole de Lyon aux communes situées sur son territoire. Dans les mêmes conditions, celui-ci propose une stratégie de délégation de certaines compétences des communes à la Métropole de Lyon.

D'autre part, la commission a souligné l'absence d'opérationnalité du dispositif qui, alors qu'il concerne à la fois Paris, Lyon et Marseille, a été placé dans une partie du code général des collectivités territoriales spécifiquement consacrée à la Ville de Paris64(*). L'article prévoit, au surplus, que les modalités de fonctionnement de la conférence des maires instituée au sein de chacune des trois communes « sont déterminées par le règlement intérieur du conseil de Paris ».

En tout état de cause, et par cohérence avec sa position globale sur la proposition de loi, la commission n'a pas adopté cet article.

La commission n'a pas adopté l'article 6.

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 21 MAI 2025

Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous passons à l'examen du rapport de notre collègue Lauriane Josende sur la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - Mes chers collègues, permettez-moi, à titre liminaire, de revenir sur l'organisation administrative spécifique des villes de Paris, Lyon et Marseille. Ces trois villes sont en effet divisées, depuis l'adoption des lois dites « PLM » de 1982, en plusieurs arrondissements et secteurs, qui disposent chacun d'une mairie d'arrondissement ou de secteur.

Paris est par exemple divisée en vingt arrondissements formant dix-sept secteurs. Les Ier, IIe, IIIe et IVe arrondissements ont en effet été regroupés en 2017 en un unique secteur nommé « Paris centre ».

À Paris, Lyon et Marseille, se superposent donc, d'une part, une mairie centrale, dirigée par le conseil municipal - ou conseil de Paris -, qui procède à l'élection du maire de la commune et dispose de la clause de compétence générale, à l'instar des autres communes de France ; et, d'autre part, des mairies d'arrondissement ou de secteur, administrées par un conseil d'arrondissement, qui élit lui-même un maire d'arrondissement.

Ces conseils d'arrondissement bénéficient essentiellement d'une compétence consultative, mais disposent également d'une compétence décisionnaire, par exemple en matière d'équipements de proximité.

De cette organisation administrative particulière découle un régime électoral spécifique. Ainsi, à Paris, Lyon et Marseille, les élections municipales sont organisées sur la base des arrondissements ou des secteurs, et non pas à l'échelle de la commune.

Lors des élections municipales, les électeurs élisent ainsi dans chaque secteur, en même temps et sur une même liste, d'une part, des conseillers d'arrondissement ; et, d'autre part, des conseillers municipaux, dont le nombre, dans chaque arrondissement, est fixé par la loi en fonction de leur population, et qui siègent également au conseil d'arrondissement.

Le conseil municipal regroupe donc les conseillers municipaux élus dans chaque arrondissement ou secteur et, une fois constitué, procède à l'élection du maire de la commune.

Le mode de scrutin spécifique en vigueur à Paris, Lyon et Marseille fait aujourd'hui l'objet de vives critiques, ce qui nous amène à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui.

Selon Sylvain Maillard, l'un des auteurs du texte, le régime électoral applicable à Paris, Lyon et Marseille constituerait en effet « une anomalie démocratique » pour plusieurs raisons. En premier lieu, le maire n'y serait pas élu directement, contrairement aux autres communes de France ; en deuxième lieu, il serait possible d'être élu maire de ces trois communes avec une minorité de voix à l'échelle de la commune ; en troisième lieu, le vote d'un électeur n'aurait pas le même poids selon les arrondissements.

Face à ce constat, les auteurs de la proposition de loi nous invitent à faire rentrer ces trois villes dans le droit commun, en prévoyant l'élection des conseillers municipaux à l'échelle de la commune et non plus sur la base des secteurs.

À première vue, l'objectif de cette proposition de loi est donc louable : il s'agirait de modifier le mode de scrutin pour le rendre plus démocratique, selon le principe « un électeur, une voix ».

Les nombreuses auditions que j'ai conduites, en des délais très contraints, depuis la transmission de la proposition de loi par l'Assemblée nationale le 9 avril 2025, ont toutefois montré que cette réforme soulevait d'innombrables difficultés.

Avant d'aborder les difficultés posées par ce texte, je tiens à dire quelques mots de la méthode de travail que j'ai appliquée. En dépit du peu de temps à ma disposition, j'ai souhaité entendre l'intégralité des acteurs concernés par cette réforme, ce qui n'avait jusqu'alors jamais été fait.

Au cours de ces travaux préparatoires, j'ai ainsi entendu les maires de Paris, Lyon et Marseille ; l'ensemble des maires d'arrondissement des trois villes ; les présidents de la métropole du Grand Paris (MGP), de la métropole de Lyon et de la métropole Aix-Marseille-Provence.

Des demandes de contribution écrites ont également été adressées à chaque groupe politique siégeant au sein des conseils municipaux de Lyon et Marseille et du conseil de Paris, ainsi qu'à l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF).

Ces nombreuses auditions m'ont permis d'identifier, au fur et à mesure, les nombreuses difficultés que pose la réforme qui nous est aujourd'hui présentée. Elles ont également mis en lumière une forte opposition à ce texte, partagée par la quasi-totalité des personnes entendues.

Même les élus qui se sont prononcés en faveur du texte ont unanimement admis, malgré tout, que celui-ci était imparfait et soulevait des problèmes multiples.

J'en viens plus précisément à la présentation de ces nombreuses difficultés. En premier lieu, le dispositif qui nous est proposé apparaît fragile d'un point de vue juridique, et ce pour deux raisons essentielles.

D'une part, et bien qu'il prétende faire entrer Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun, le texte retient une prime majoritaire de 25 % pour l'élection des conseillers municipaux. En revanche, une prime majoritaire de 50 % serait maintenue pour l'élection des conseillers d'arrondissement et des conseillers communautaires.

Cette prime majoritaire dérogatoire est critiquable à plusieurs égards. Tout d'abord, de l'avis unanime des professeurs de droit public que j'ai consultés au cours des travaux préparatoires, une prime majoritaire de 25 % crée une rupture d'égalité avec les autres communes, puisqu'elle n'est justifiée par aucune raison objective.

Par ailleurs, le maintien d'une prime majoritaire à 50 % pour l'élection des conseillers communautaires, tandis que les conseillers municipaux seraient élus avec une prime majoritaire de 25 %, créerait une distorsion de représentation difficilement justifiable au sein des métropoles, et créerait des difficultés d'application, puisqu'il serait impossible de pourvoir l'ensemble des sièges au sein des conseils métropolitains.

D'autre part, la réforme conduirait à l'organisation de deux scrutins le même jour à Paris et Marseille, et même à l'organisation de trois scrutins simultanés à Lyon - élections aux conseils d'arrondissement, élections aux conseils municipaux et élections métropolitaines -, ce qui risquerait de porter atteinte à la clarté et l'intelligibilité du scrutin.

L'organisation simultanée de plusieurs élections est en effet source de confusion et risque d'induire en erreur les électeurs, qui ne sont pas nécessairement au fait des compétences exercées par chacun.

L'expérience lyonnaise le montre d'ailleurs déjà : en l'état du droit, deux élections sont en effet déjà organisées simultanément à Lyon, pour la mairie et pour la métropole. Comme l'ont mis en lumière les auditions, la situation actuelle et la coexistence de deux campagnes électorales distinctes - mais imbriquées - génère déjà une importante confusion. Les candidats eux-mêmes mélangent dans leurs discours les programmes des deux campagnes.

La réforme envisagée conduirait donc à aggraver cette situation, au détriment des électeurs et de la démocratie locale.

Outre les difficultés juridiques, la réforme proposée paraît, en deuxième lieu, problématique d'un point de vue pratique, à commencer par le fait que l'adoption de cette proposition de loi conduirait à modifier le régime électoral moins d'un an avant les prochaines élections.

S'il est constitutionnellement possible de modifier les règles électorales l'année précédant une élection, l'ampleur de la réforme envisagée rend impossible son application avant les prochaines élections municipales de mars 2026. Ainsi, de l'aveu même de l'administration centrale chargée de l'organisation des opérations électorales, la mise en oeuvre d'une telle réforme dans des délais particulièrement contraints est de nature à fragiliser la capacité des pouvoirs publics à organiser ces scrutins dans des conditions matérielles satisfaisantes, ce qui est pour le moins inquiétant.

Au-delà de l'organisation matérielle des élections, l'adoption de cette proposition de loi laisserait trop peu de temps aux institutions, aux candidats et aux électeurs pour s'adapter à un tel changement.

Par ailleurs, l'organisation concrète des élections par les communes paraît également impossible en l'état, en raison de la nécessité d'organiser simultanément plusieurs scrutins.

Nous le savons tous, même avec une seule élection, il est de plus en plus difficile d'organiser les scrutins. Il est déjà délicat de mobiliser suffisamment de personnes pour s'occuper des bureaux de vote ou encore pour procéder aux dépouillements.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que lors des élections départementales et régionales de 2021, d'importants dysfonctionnements dans l'acheminement de la propagande électorale ont eu lieu, précisément en raison de la concomitance de ces deux scrutins. Imaginez ce que représenterait alors l'organisation de deux, voire trois élections simultanées le même jour !

À titre d'exemple, si cette réforme entrait en vigueur et que trois élections étaient organisées le même jour à Lyon, il faudrait trouver au moins 300 bureaux de vote supplémentaires, puisque la dimension des bureaux actuels ne permet pas d'installer une nouvelle table pour les bulletins, de nouveaux isoloirs, etc. ; en termes de moyens matériels, trouver 1 900 tables, 1 300 chaises, 1 000 isoloirs et 300 urnes supplémentaires ; en termes de moyens humains, mobiliser a minima 300 présidents de bureaux de vote, 610 assesseurs et 300 agents de la ville supplémentaires.

La modification proposée du mode de scrutin ne ferait ainsi qu'aggraver les difficultés déjà existantes.

Enfin, la réforme proposée poserait également des difficultés du point de vue des comptes de campagne. Le dédoublement des élections au conseil d'arrondissement et au conseil municipal imposerait en effet la tenue de deux comptes de campagne séparés, voire de trois à Lyon.

Pour citer notre collègue Guy Benarroche lors de l'audition, la semaine dernière, de Christian Charpy, candidat à la présidence de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), comment différencier les dépenses effectuées au titre de la campagne pour la mairie centrale, de celles effectuées pour la campagne pour les mairies d'arrondissement ?

Aucune réponse n'a pu nous être donnée à ce sujet. Christian Charpy a néanmoins admis que le guide du mandataire relatif aux élections à Paris, Lyon et Marseille promettait d'être extrêmement compliqué.

Je rappellerai à cet égard que si la réforme était adoptée, ce guide « extrêmement compliqué » devrait impérativement être publié avant le mois de septembre prochain, date de début de la période pré-électorale. Il faudrait, en outre, que les candidats puissent en prendre connaissance et s'acclimater aux nouvelles règles...

J'en viens à présent, en troisième lieu, au coût financier de la réforme envisagée. Celle-ci entraînerait d'importantes dépenses supplémentaires, liées, d'une part, à l'organisation de deux - voire trois scrutins - le même jour, ce qui générerait, par exemple, un coût supplémentaire de 500 000 euros à Lyon ; et, d'autre part, à la hausse du nombre de candidats et d'élus découlant de la dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement. Il y aurait ainsi, potentiellement, 347 élus supplémentaires. Cela entraînerait une hausse des dépenses de campagne, des dépenses de formation, des dépenses liées à la prise en charge des frais de représentation des élus, des indemnités versées aux élus, etc.

Au total, selon le ministère de l'intérieur, le coût de la réforme s'élèverait à 15 millions d'euros, sans compter les indemnités de mandat et prises en charge de frais supplémentaires.

Comment pourrions-nous accepter une réforme avec un coût financier si élevé, dans le contexte budgétaire préoccupant que nous connaissons tous, et alors que le Sénat conduit en ce moment même des travaux visant à identifier les pistes d'économies à réaliser pour réduire le déficit, et que le président du Sénat vient d'évoquer la piste d'un gel budgétaire pour l'année 2026 ?

En quatrième lieu, la proposition de loi provoquerait une forte instabilité politique liée d'une part, à la modification potentielle profonde des équilibres politiques qu'elle induirait ; et, d'autre part, au risque d'une absence de majorité au sein des conseils municipaux des trois villes, en raison de l'introduction d'une prime majoritaire de 25 % qui conduirait à des hémicycles fracturés, inaptes à définir un projet municipal commun.

À titre d'exemple, à Paris, une liste recueillant 30 % des voix obtient à l'heure actuelle 106 sièges, sur un total de 163 sièges à pourvoir. Elle n'obtiendrait plus que 78 sièges dans le dispositif proposé. Autrement dit, une liste arrivant en tête ne serait plus nécessairement majoritaire au conseil municipal.

En cinquième lieu, la réforme envisagée mettrait à mal l'échelon de proximité auquel les électeurs sont pourtant attachés, à savoir les conseillers d'arrondissement ou de secteur.

En l'état du droit, en effet, les conseillers municipaux sont nécessairement élus au sein d'un conseil d'arrondissement. Lorsque les citoyens s'adressent aux élus qui leur sont le plus proches, c'est-à-dire à leurs élus d'arrondissement, ils ont ainsi la certitude que leurs préoccupations seront relayées au conseil municipal, qui constitue l'échelon décisionnaire. Ainsi, les intérêts de l'ensemble des territoires sont pris en compte.

Le dispositif qui nous est proposé mettrait à mal la démocratie de proximité, en prévoyant une dissociation des mandats de conseiller municipal et de conseiller d'arrondissement. Il existe en effet un risque que certains arrondissements ne soient plus du tout représentés au conseil central, tandis que d'autres y seraient surreprésentés. Ainsi, les besoins et préoccupations de certains arrondissements ne pourraient plus être relayés au niveau central et donc ne seraient plus pris en compte dans les décisions prises par le conseil municipal.

Cette réforme va donc à l'encontre des souhaits exprimés par les électeurs. Dans un contexte de hausse de l'abstention et alors que la confiance des citoyens envers les élus ne cesse de diminuer, le Sénat doit-il prendre la responsabilité de supprimer l'échelon de proximité dans les trois plus grandes villes françaises ?

Enfin, la réforme qui nous est proposée apparaît précipitée et a été élaborée sans concertation de l'ensemble des parties prenantes.

Ainsi, au-delà des problèmes de fond que pose la réforme envisagée, la méthode ayant présidé à son élaboration paraît problématique et témoigne d'une proposition de loi écrite dans la précipitation.

J'en veux pour preuve, premièrement, l'absence de consultation de l'ensemble des parties prenantes. De nombreux maires d'arrondissement nous ont ainsi indiqué, lors des auditions que j'ai conduites, ne pas avoir été consultés par les auteurs du texte. Ils sont d'ailleurs, comme je l'ai rappelé précédemment, majoritairement opposés à cette réforme du mode de scrutin.

Deuxièmement, le diagnostic initial inexact sur lequel repose la proposition de loi témoigne également d'un travail conduit trop rapidement, faute d'évaluation préalable et de consultation approfondie des acteurs concernés.

Comme je l'évoquais, les auteurs de la proposition de loi prétendent que le mode de scrutin actuel constitue une anomalie démocratique en ce qu'il permet à un maire d'être élu avec une minorité de voix à l'échelle de la commune. Or, ce cas est largement théorique et ne s'est vérifié qu'une unique fois depuis 1982, lors des élections municipales ayant conduit à l'élection de Gaston Defferre comme maire de Marseille. On ne peut donc pas parler d'une anomalie démocratique récurrente !

De même, les auteurs de la proposition de loi affirment vouloir faire rentrer Paris, Lyon et Marseille dans le droit commun en faisant élire le maire directement par les citoyens, comme c'est le cas dans les autres communes. Or, je n'ai pas besoin de vous rappeler le mode d'élection du maire dans les près de 35 000 communes françaises...

Enfin, la limitation de la réforme à la seule question du mode de scrutin illustre également son impréparation. L'enjeu des compétences et de leur répartition entre conseils d'arrondissement, conseils municipaux et métropole aurait impérativement dû être abordé. Cette demande a d'ailleurs été expressément formulée par une large majorité des maires et maires d'arrondissement que j'ai consultés durant les travaux préparatoires...

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi qui nous est soumise apparaît comme « une réforme bâclée et de circonstance », pour reprendre les mots d'Olivier Berzane, maire du VIIIe arrondissement de Lyon.

Mes chers collègues, vous l'aurez compris, je suis entièrement opposée à la proposition de loi que nous examinons ce jour.

La réforme proposée paraît contestable à tous égards. Mal préparée, sans aucune concertation, elle pose des difficultés multiples, tant sur le plan juridique que d'un point de vue pratique, financier et politique.

Outre ces difficultés, les auteurs de cette proposition de loi n'atteignent pas les objectifs qu'ils poursuivent. Premièrement, celle-ci ne conduit pas à l'application du droit commun à Paris, Lyon et Marseille, puisque serait appliquée une prime majoritaire dérogatoire au droit commun ; deuxièmement, elle ne simplifierait pas le mode de scrutin applicable dans ces trois villes, car l'organisation des élections serait rendue plus complexe, tant pour les mairies que pour les candidats et les électeurs. Ainsi, la proposition de loi ne conduirait pas à renforcer la démocratie locale, bien au contraire.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de ne pas adopter le texte.

Pour autant, ce n'est pas parce que je vous invite à le rejeter que je suis opposée à toute réforme du statut de Paris, Lyon et Marseille. Les auditions menées ont en effet mis en exergue qu'une réforme plus globale et réfléchie du statut de ces trois villes, abordant la question du mode de scrutin, mais également des compétences et intégrant la dimension métropolitaine, est nécessaire, et même réclamée par les acteurs concernés.

Je forme donc le voeu que soit mené un travail de long terme, sous la forme, par exemple d'une mission d'information, pour évaluer le fonctionnement actuel de ces trois villes, en concertation avec l'ensemble des acteurs intéressés. Une fois ce travail préalable mené, une refonte du statut de ces trois villes pourra être envisagée valablement.

Je précise d'ailleurs que, compte tenu des différences profondes qui existent désormais entre les trois villes, en termes de population, de répartition des compétences ou encore de structure institutionnelle, des solutions différentes pourraient être envisagées selon la ville concernée.

Mme Catherine Di Folco. - Je tiens à féliciter la rapporteure pour cette analyse fine et approfondie, menée dans des délais très contraints. Pour être quelque peu impertinente, je me demande quelle mouche a bien pu piquer le parti Renaissance et le Premier ministre pour nous imposer cette proposition de loi maintenant. En outre, je m'interroge sur la méthode de travail de nos homologues de l'Assemblée nationale, tant le sujet semble avoir été survolé.

M. Ian Brossat. - Je souscris totalement aux observations de la rapporteure : les arguments dont se prévalent les auteurs du texte sont fallacieux, qu'il s'agisse du prétendu rapprochement avec le droit commun ou de la possibilité que soient élus des maires qui n'auraient obtenu qu'une minorité de voix.

Si le groupe Communiste, Républicain, Citoyen et Écologiste - Kanaky (CRCE-K) rejette cette réforme, la question du statut de Paris, de Lyon et de Marseille devra être discutée de manière plus large. Par exemple, est-il normal que la municipalité parisienne ne dispose pas de certaines compétences dont dispose n'importe quelle autre commune, notamment en matière de circulation ? Une série de voies relève en effet des attributions du préfet de police : si l'on souhaite véritablement que Paris rentre dans le droit commun, il faudra débattre de ces sujets.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Merci pour cet excellent rapport sur un sujet aussi sensible que difficile. Je tiens à dire à mes collègues parisiens, lyonnais et marseillais, que la question posée initialement est à l'évidence pertinente, car les élus des autres métropoles sont parfois assez agacés par des statuts spécifiques et par un enchevêtrement de compétences peu lisibles par la population.

Pour autant, répondre à ces enjeux en se limitant à la problématique du mode de scrutin - avec un choix à l'évidence subjectif - ne saurait constituer une réponse satisfaisante. Les véritables questions qui sont soulevées méritent une mission d'information et non pas une réforme moins d'un an avant le prochain scrutin.

Je voterai, sans aucun d'état d'âme, contre cette proposition de loi.

M. Alain Marc. - Les statuts spéciaux de Paris, Lyon et Marseille ont été décidés en raison de l'importance de leur population, mais je souligne que Toulouse, qui, selon les projections réalisées à partir des derniers chiffre de l'Insee disponibles, compte désormais 10 000 habitants de plus que Lyon, relève du droit commun.

Ces évolutions doivent nous inciter à la réflexion et à l'action, mais sans précipitation, d'où mon abstention sur ce texte. Pour autant, il nous faudra apporter des changements dans la perspective du scrutin de 2032, la population de Toulouse étant appelée à s'accroître. Nous avons le temps de nous y consacrer, ce texte ayant peu de chance d'être adopté.

M. Guy Benarroche. - Je souligne à mon tour la qualité du travail de la rapporteure, dont je partage totalement l'analyse.

La « mouche » évoquée par Catherine Di Folco a piqué l'Assemblée nationale il y a déjà longtemps, ce texte ayant été alternativement déposé et retiré avant d'être à nouveau soumis à l'examen du Parlement par le Gouvernement dans des délais qu'il estime « raisonnables », c'est-à-dire huit ou neuf mois avant les élections, ce qui nous paraît bien trop court.

Marc-Philippe Daubresse l'a exprimé avec des mots plus mesurés, mais tout le monde considère que ce texte s'apparente davantage à un « tripatouillage » politique visant à faciliter une élection en particulier.

Mon groupe partage l'objectif d'un retour à la règle commune, autour du mode d'élection du maire et de la prime majoritaire. Aussi, il importe que le maire soit bien élu, dans le cadre d'un scrutin de liste, par la totalité des électeurs de la ville, ce qui n'est actuellement pas le cas à Marseille. Nous demandons également que la prime majoritaire soit la même que dans les autres communes, c'est-à-dire de 50 %. Sans ces deux éléments essentiels à nos yeux, le groupe Écologiste - Solidarité et Territoires (GEST) ne votera pas le texte présenté.

Au-delà de cette prise de position, nous devons nous interroger sur les intentions du Gouvernement : en cas de vote négatif de notre commission, persistera-t-il à vouloir faire voter ce texte avant la fin de la session parlementaire ? Cette interrogation mérite notre attention, car il n'y aurait pire résultat que de laisser cette proposition de loi entrer en vigueur dans sa rédaction actuelle.

Ne devrions-nous donc pas envisager de modifier ce texte afin de peser dans le choix futur du Gouvernement ? Il est possible qu'il décide d'aller jusqu'au bout de sa démarche, pour des raisons tenant à de petits arrangements politiques.

M. Francis Szpiner. - Lorsque j'ai été élu maire d'arrondissement, j'ai rapidement compris qu'il s'agissait d'une fonction « Canada Dry », car cet élu a la légitimité et l'apparence du maire, sans en avoir les pouvoirs. Le changement de statut de Paris est donc justifié.

Je rappelle que Paris, Lyon et Marseille n'ont plus rien en commun : si les métropoles de Lyon et de Marseille sont bien dotées de véritables pouvoirs, tel n'est pas le cas de la Métropole du Grand Paris (MGP) dont je souhaite ardemment la disparition, car elle ne regroupe pas, en réalité, la région parisienne.

À la fois ville et département, Paris est dotée d'un statut spécifique et est plus proche d'une agglomération de communes, le XVe arrondissement comptant par exemple plus de 220 000 habitants. Il fallait donc la doter d'un statut très original qui pourrait certes être modifié, mais pas en faisant n'importe quoi, ce qui est le cas avec ce texte.

Concernant la proposition de notre collègue Guy Benarroche, je ne pense pas utile d'amender un texte à ce point médiocre qu'il ne résistera jamais à l'examen du Conseil constitutionnel. Par exemple, je peine à identifier le corps électoral susceptible d'élire les conseillers métropolitains à Paris, car il faudra trancher des questions de liste et se confronter à des problèmes de cumul de mandats : je suis, à l'instar de Ian Brossat, sénateur, conseiller de Paris et conseiller d'arrondissement, et nous pourrions être contraints de choisir l'un de nos mandats s'il existait deux scrutins distincts pour l'arrondissement et pour le conseil de Paris.

Guy Benarroche a aussi soulevé, à juste titre, le risque d'une inégalité entre les candidats, car certains ne se présenteront qu'à une mairie d'arrondissement et bénéficieront d'une souplesse dans leur budget, tandis que ceux qui se porteront candidats à la mairie d'arrondissement et à la mairie centrale devront se doter d'un double budget : comment distinguer les deux enveloppes ?

En l'état, ce texte n'a donc aucune chance d'être validé par le Conseil constitutionnel, sans oublier les délais restreints qui devraient être respectés par rapport à la prochaine campagne.

Enfin, si vous me pardonnez ma naïveté, j'ai entendu le Premier ministre dire qu'il ne s'obstinerait pas en l'absence de consensus, et je l'imagine mal renier sa parole.

Mme Cécile Cukierman. - Je salue également le travail de la rapporteure, qui ne s'en tient pas à un simple rejet du texte, mais nous invite à nous pencher sur la nécessaire refonte du statut dit « PLM ».

Pardonnez-moi si je me répète, mais je reste attachée à certains principes, à commencer par celui qui consiste à ne modifier le code électoral qu'avec parcimonie et sans précipitation. Ce n'est en effet pas en urgence que l'on réforme de tels statuts, fussent-ils anciens, mais en s'attachant à anticiper toutes les conséquences de tels changements, y compris sur des aspects pratiques tels que la tenue de multiples bureaux de vote le même jour.

J'ajoute que des réformes de ce type n'ont pas vocation à être mises en oeuvre dans un temps qui précède de peu le scrutin.

De manière générale, l'argument des partisans de la proposition de loi relatif à l'application du droit commun est fallacieux, car le texte ne prévoit pas un retour complet audit droit commun : aller au bout de cette logique devrait conduire à supprimer les arrondissements.

Le Sénat doit poser la question politique de l'avenir de ce texte, avec l'élégance et le langage qui est le nôtre : y aurait-il une légitimité démocratique à poursuivre le processus législatif si notre assemblée venait à rejeter le texte ? Bien sûr, tout est possible sur le plan constitutionnel, qu'il s'agisse de réunir une commission mixte paritaire (CMP), de demander à l'Assemblée nationale de statuer définitivement ou même de recourir à l'article 49 alinéa 3 de la Constitution. Néanmoins, il me semble qu'une telle démarche ne ferait que renforcer la crise politique que nous connaissons.

Enfin, il me paraît très surprenant d'appeler à la recherche du consensus et à la mise à l'écart des extrêmes et de soutenir, dans le même temps, un texte susceptible de faire entrer les clivages et les excès dans les conseils municipaux des trois villes concernées.

M. Stéphane Le Rudulier. - Les auditions ont révélé que cette proposition de loi, au-delà de son caractère hâtif et improvisé, recèle quelques incohérences juridiques. Son auteur ne s'est manifestement pas interrogé sur la structure démocratique de base de ces trois communes : s'agit-il de l'arrondissement ou d'éléments démographiques qui semblent sous-tendre ce texte ?

Si les seconds préfigurent l'évolution du mode de scrutin, il faudrait alors envisager, comme l'a relevé Cécile Cukierman, la suppression de l'arrondissement, mais cela poserait immédiatement d'autres problèmes de gestion administrative.

Un aspect très agaçant de ce texte tient à son idéalisation d'un scrutin direct qui n'existe nulle part dans les 35 000 communes de France, puisque les citoyens élisent des conseils municipaux et non pas un maire seul.

Enfin, une tradition démocratique consiste à ne pas modifier les règles d'un scrutin à moins d'un an de l'élection. La question de l'opportunité de ce texte est réellement posée, car il sera sans doute perçu par les électeurs comme une manigance électorale.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - La rapporteure a accompli un travail considérable et je salue - une fois n'est pas coutume - la décision de la présidente de choisir une collègue qui n'est pas directement concernée par le sujet, car cela permet d'apaiser la discussion. Les auditions conduites se sont révélées très intéressantes, car la grande majorité des personnes auditionnées ont exprimé un avis défavorable sur le texte et se sont interrogées sur la méthode : pourquoi ne pas avoir commencé par un texte dédié aux compétences, avant d'en faire découler une éventuelle réforme du mode de scrutin ?

En 1982, la loi du 2 mars relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions avait ainsi été suivie d'une réforme du mode de scrutin intervenue en décembre, et non pas l'inverse. Cette inversion pose problème en l'espèce, car on ignore les compétences qui seront respectivement, à l'avenir, dévolues aux arrondissements et aux conseils municipaux.

J'estime que le critère de la population n'est pas opérant et que le véritable sujet réside dans le critère institutionnel des arrondissements : tout conseiller de Paris est aujourd'hui nécessairement conseiller d'arrondissement. J'ajoute que la municipalité de Paris gère un budget de 11 milliards d'euros, tâche qui ne peut être menée à bien qu'en s'appuyant fortement sur les mairies d'arrondissement.

En outre, les trois villes dont nous débattons ont évolué de manière distincte : là où les compétences ont été décentralisées dans la capitale, Lyon a vu la mise en place de la métropole ; à Marseille, enfin, une série de compétences sont captées par le département. Il est donc curieux de traiter ces trois cas particuliers dans un seul texte, et j'ai tendance à penser que seule la capitale est véritablement concernée, les deux autres métropoles n'ayant été intégrées au dossier que pour habiller la transformation du mode de scrutin parisien.

En termes de calendrier, si le texte est voté vers la fin du mois de juin 2025, un recours devant le Conseil constitutionnel nous amènera rapidement à la fin juillet, alors que les comptes de campagne de ceux qui se sont d'ores et déjà déclarés candidats doivent être opérationnels au 1er septembre : je souhaite donc bonne chance aux fonctionnaires du ministère de l'intérieur qui devront adresser une circulaire explicative aux préfectures.

Au cours des auditions conduites par Lauriane Josende, de nombreux problèmes ont été soulevés, dont certains concernent les comptes de campagne - sujet que je connais bien pour avoir traité de nombreuses affaires de contentieux électoral financier. Lorsque le futur maire ne dispose pas de compte de campagne propre, le processus est plutôt aisé puisqu'il est procédé à une répartition des dépenses sur l'ensemble des arrondissements dans lesquels il présente une liste ; avec ce texte en revanche, nous aurions une liste centrale et des listes d'arrondissements - avec autant de comptes de campagne -, tandis que d'autres personnes ne seraient pas nécessairement candidats aux deux échelons.

En ce qui concerne l'élection des conseillers communautaires, actuellement désignés à Paris sur la liste des conseillers d'arrondissement, l'application du texte aboutirait à des disparités dans les primes majoritaires qui seraient retenues pour l'élection des membres du conseil municipal et celle des conseillers communautaires, sans aucune justification.

À ce stade, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER) est défavorable à ce texte, même si nous déposerons peut-être des amendements en séance. La proposition de loi paraît cependant difficilement amendable, notamment en raison de la décorrélation entre les arrondissements et le conseil de Paris. La démarche qui sous-tend le texte va à l'encontre de ce qui a été entrepris en matière de déconcentration et de décentralisation.

M. Hervé Marseille. - Quand on veut tuer son chien, on dit qu'il a la rage. Si la modification d'un mode de scrutin intervient rarement au moment opportun, je note que nous avons procédé ainsi il y a quelques semaines pour les communes de moins de 1 000 habitants, ce qui n'a guère suscité l'émoi alors que de nombreux élus ruraux ont été perturbés par le fait de devoir mettre en place des listes paritaires, à moins d'un an des élections.

Les trois villes concernées par ce texte disposent d'un statut sur mesure, l'un ayant été construit par Jean-Claude Gaudin à Marseille, un autre par Gérard Collomb à Lyon et un troisième par Jacques Chirac et Bertrand Delanoë, dans la capitale. Nous constatons quelques conséquences dommageables de cette réforme, notamment avec les trois scrutins qui devraient être organisés à Lyon.

Le véritable enjeu de cette discussion est politique, ce qui explique que le maire de Marseille soit favorable au mode de scrutin proposé, tandis que la municipalité de Paris y est hostile et que les positions varient selon les jours à Lyon. Au-delà des habillages juridiques de positionnements qui sont liés au souhait de conserver tel arrondissement ou de s'attaquer à la mairie centrale, il faudra apporter des solutions à terme, notamment pour répondre aux besoins des 22 métropoles que nous avons créées.

Nous devons pouvoir évoluer sur ces sujets et je m'associe à la prudence et au pragmatisme que défendait notre collègue Guy Benarroche, car nous ignorons de quoi les lendemains seront faits. Certains sujets pourraient évoluer dès à présent : je pense notamment à l'intégration des élus d'arrondissement au collège des grands électeurs du Sénat. Nous pourrions ensuite suivre la trajectoire du texte et prendre acte de l'éventuelle fin de son parcours législatif, mais je pense que le sujet reviendra sur le tapis, quoi qu'il arrive.

Mme Lauriane Josende, rapporteure. - J'ai abordé les auditions et l'analyse de cette proposition de loi en estimant qu'il faudrait parvenir à faire avancer ce texte, mais les propos des élus des villes concernées, pourtant de sensibilités différentes et vivant des réalités distinctes, ont convergé pour critiquer une réforme électorale jugée fort bancale.

Sans partager la même analyse au départ, les collègues qui ont participé aux travaux préparatoires à mes côtés et moi-même, avions un problème supplémentaire chaque fois que nous abordions plus précisément l'un des aspects de la proposition de loi, tombant de Charybde en Scylla. Face à l'opposition quasi-unanime des élus des communes concernées, nous en avons déduit que le Sénat, en tant que chambre des territoires, ne pouvait pas cautionner cette réforme.

N'oublions pas que nous sommes en effet non seulement garants de l'orthodoxie juridique, mais également d'un certain cadre budgétaire, cette dépense additionnelle de 15 millions d'euros n'ayant pas été prévue et risquant de mettre les communes en difficulté.

Garant des principes et de la stabilité de notre démocratie, le Sénat doit pleinement jouer son rôle en assurant une forme de sérieux : compte tenu de l'étendue des problèmes qui ont été recensés au cours desdites auditions, il semble impossible de choisir une autre solution que l'opposition à ce texte.

Le Gouvernement, quant à lui, a affiché sa détermination, même si nous ignorons quelles voies - la convocation ou non d'une CMP, par exemple - il pourrait choisir d'emprunter par la suite. En tout état de cause, je pense qu'il y va de la crédibilité et de la pérennité du Gouvernement que d'empêcher que ce texte parvienne à son terme.

Mme Muriel Jourda, présidente. - Comme c'est l'usage, il me revient, mes chers collègues, et même si aucun amendement n'a été déposé à ce stade, de vous indiquer quel est le périmètre indicatif de la proposition de loi en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents.

Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut les dispositions relatives à la modification du mode de scrutin applicable à l'élection des conseillers de Paris et des conseillers municipaux de Lyon et Marseille ; à la modification du mode de scrutin applicable à l'élection des conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille ; aux adaptations et coordinations rendues nécessaires par la modification du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille ; aux modalités de participation des conseillers d'arrondissement aux réunions du conseil municipal ou du conseil de Paris ; à la création d'une conférence des maires à Paris, Lyon et Marseille et à la détermination de ses attributions, de sa composition et de ses modalités de fonctionnement.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

L'article 1er n'est pas adopté.

Article 1er bis (nouveau)

L'article 1er bis n'est pas adopté.

Article 1er ter (nouveau)

L'article 1er ter n'est pas adopté.

Articles 2, 3, 4 et 5

Les articles 2, 3, 4 et 5 ne sont pas adoptés.

Article 6 (nouveau)

L'article 6 n'est pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Conformément au premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion en séance portera en conséquence sur le texte initial de la proposition de loi adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture.

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 65(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie66(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte67(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial68(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 20 mai 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 532 (2024-2025) visant à réformer le mode d'élection des membres du Conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives :

- à la modification du mode de scrutin applicable à l'élection des conseillers de Paris et des conseillers municipaux de Lyon et Marseille ;

- à la modification du mode de scrutin applicable à l'élection des conseillers d'arrondissement de Paris, Lyon et Marseille ;

- aux adaptations et coordinations rendues nécessaires par la modification du mode de scrutin à Paris, Lyon et Marseille ;

- aux modalités de participation des conseillers d'arrondissement aux réunions du conseil municipal ou du conseil de Paris ;

- à la création d'une conférence des maires à Paris, Lyon et Marseille et à la détermination de ses attributions, de sa composition et de ses modalités de fonctionnement.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

ASSEMBLÉE NATIONALE

M. Sylvain Maillard, auteur de la proposition de loi et député de Paris

M. Jean Laussucq, auteur de la proposition de loi et député de Paris

Mme Joséphine Missoffe, députée de Paris

MÉTROPOLE DU GRAND PARIS

M. Patrick Ollier, président

M. Philippe Castanet, directeur général des services

M. Matthieu Beigbeder, directeur de cabinet

MÉTROPOLE D'AIX-MARSEILLE-PROVENCE

Mme Martine Vassal, présidente

MÉTROPOLE DE LYON

M. Bruno Bernard, président

Mme Charlotte Pauron, conseillère parlementaire, relations institutionnelles et politiques sportives

MAIRIE DE PARIS

Mme Anne Hidalgo, maire de Paris

M. Patrick Bloche, premier adjoint à la maire de Paris

MAIRIE DE MARSEILLE

M. Benoît Payan, maire de Marseille

MAIRIE DE LYON

M. Grégory Doucet, maire de Lyon

MAIRES D'ARRONDISSEMENT DE PARIS

M. Ariel Weil, maire de Paris Centre

M. Jean-Pierre Lecoq, maire du 6e arrondissement de Paris

Mme Jeanne d'Hauteserre, maire du 8e arrondissement de Paris

Mme Delphine Bürkli, maire du 9e arrondissement de Paris

Mme Alexandra Cordebard, maire du 10e arrondissement de Paris

M. François Vauglin, maire du 11e arrondissement de Paris

Mme Emmanuelle Pierre-Marie, maire du 12e arrondissement de Paris

M. Jérôme Coumet, maire du 13e arrondissement de Paris

Mme Carine Petit, maire du 14e arrondissement de Paris

M. Philippe Goujon, maire du 15e arrondissement de Paris

M. Jérémy Redler, maire du 16e arrondissement de Paris

M.Geoffroy Boulard, maire du 17e arrondissement de Paris

M. Éric Lejoindre, maire du 18e arrondissement de Paris

M. François Dagnaud, maire du 19e arrondissement de Paris

M. Éric Pliez, maire du 20e arrondissement de Paris

MAIRES D'ARRONDISSEMENT DE MARSEILLE

Mme Sophie Camard, maire des 1er et 7e arrondissements de Marseille

Mme Olivia Fortin, maire des 6e et 8e arrondissements de Marseille

M. Sylvain Souvestre, maire des 11e et 12e arrondissements de Marseille

Mme Marion Bareille, maire des 13e et 14e arrondissements de Marseille

MAIRES D'ARRONDISSEMENT DE LYON

Mme Yasmine Bouagga, maire du 1er arrondissement de Lyon

M. Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement de Lyon

Mme Nadine Georgel, maire du 5e arrondissement de Lyon

M. Christian Termon-Mazan, adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon

Mme Fanny Dubot, maire du 7e arrondissement de Lyon

M. Olivier Berzane, maire du 8e arrondissement de Lyon

Mme Anne Braibant, maire du 9e arrondissement de Lyon

DIRECTION DES MISSIONS DE L'ADMINISTRATION TERRITORIALE ET DE L'ENCADREMENT SUPÉRIEUR

Mme Sylvie Calvès, adjointe à la directrice et cheffe du service des élections, lutte contre la fraude et innovation numérique

M. Alex Gadré, chef du bureau des élections politiques

M. Alexandre Schulz, adjoint au chef du bureau des élections politiques

DIRECTION GÉNÉRALE DES COLLECTIVITÉS LOCALES

Mme Isabelle Dorliat-Pouzet, sous-directrice des compétences et des institutions locales

M. Lionel Lagarde, adjoint à la sous-directrice des compétences et des institutions locales

M. Adrien Brunel, chef du bureau des structures territoriales

M. Benoît Chapuis, adjoint au chef du bureau des structures territoriales

PROFESSEURS DE DROIT PUBLIC

M. Christophe Chabrot, maître de conférences de droit public à l'Université Lumière Lyon 2

M. Bruno Daugeron, professeur des universités de droit public à l'Université Paris Cité

M. Jean-Philippe Derosier, professeur des universités de droit public à l'Université de Lille

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Maires d'arrondissement de Paris

- Mme Rachida Dati, maire du 7e arrondissement de Paris

Maires d'arrondissement de Lyon

- Mme Marion Sessiecq, maire du 3e arrondissement de Lyon

- M. Remi Zinck, maire du 4e arrondissement de Lyon

Associations d'élus

- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité (AMF)

Groupes politiques du conseil municipal de Marseille

- Printemps Marseillais

Groupes politiques du conseil municipal de Lyon

- Lyon en commun

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-532.html


* 1 Article L. 2511-3 du code général des collectivités territoriales.

* 2 Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

* 3 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.

* 4 Article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales.

* 5 Article L. 2511-13 du code général des collectivités territoriales.

* 6 Article L. 2511-14 du code général des collectivités territoriales.

* 7 Article L. 2511-15 du code général des collectivités territoriales.

* 8 Ibid.

* 9 Article L. 2511-20 du code général des collectivités territoriales.

* 10 Article L. 2511-17 du code général des collectivités territoriales.

* 11 Article L. 2511-26 du code général des collectivités territoriales.

* 12 Article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales.

* 13 Article L. 2511-30 du code général des collectivités territoriales.

* 14 Décision n° 82-149 DC du 28 décembre 1982 sur la loi relative à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale.

* 15 Articles L. 2512-3 et L. 2513-1 du code général des collectivités territoriales.

* 16 La loi n° 2025-444 du 21 mai 2025 visant à harmoniser le mode de scrutin aux élections municipales afin de garantir la vitalité démocratique, la cohésion municipale et la parité, qui étend aux communes de moins de 1 000 habitants les règles actuellement applicables aux communes de plus de 1 000 habitants, entrera en vigueur à compter du prochain renouvellement général des conseils municipaux.

* 17 Article L. 254 du code électoral.

* 18 Article L. 260 du code électoral.

* 19 Article L. 262, alinéa 1er du code électoral.

* 20 Article L. 262, alinéa 3 du code électoral.

* 21 Tableaux n° 2, 3 et 4 annexés au code électoral.

* 22 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.

* 23 Article L. 271 du code électoral.

* 24 Article L. 2511-8 du code général des collectivités territoriales.

* 25 Articles L. 2122-1 et L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales.

* 26 Articles L. 2122-7 à L. 2122-17 du code général des collectivités territoriales.

* 27 Article L. 2511-25 du code général des collectivités territoriales.

* 28 Les 15e, 18e, 19e, 20e, 13e et 16e arrondissements envoient respectivement 18, 15, 14, 14, 13 et 13 conseillers au Conseil de Paris, ce qui donne un total de 87 conseillers, suffisant pour être élu maire de Paris.

* 29 Rapport d'information n° 190 (2022-2023) du 7 décembre 2022 de Mathieu Darnaud et Françoise Gatel, « Métropole de Lyon - Communes : le pari d'un destin commun ».

* 30 Le nombre de conseillers d'arrondissement dans chaque arrondissement ou secteur serait désormais fixé directement par la loi.

* 31 Rapport n° 90 (1982-1983) du 10 novembre 1982 de Roger Romani sur le projet de loi relatif à l'organisation administrative de Paris, Marseille, Lyon et des établissements publics de coopération intercommunale.

* 32 Ont été entendus Patrick Ollier, président de la métropole du Grand-Paris, Bruno Bernard, président de la métropole de Lyon et Martine Vassal, présidente de la métropole Aix-Marseille-Provence.

* 33 Ont été entendus Yasmine Bouagga, maire du 1er arrondissement, Pierre Oliver, maire du 2e arrondissement, Marion Sessiecq, maire du 3e arrondissement, Rémi Zinck, maire du 4e arrondissement, Christian Termoz-Mazan, premier adjoint au maire du 6e arrondissement de Lyon, Fanny Dubot, maire du 8e arrondissement et Olivier Berzane, maire du 8e arrondissement.

* 34 Article L. 262 du code électoral.

* 35 Décision n° 86-209 DC du 3 juillet 1986 sur la loi de finances rectificative pour 1986.

* 36 La métropole de Lyon est régie par des dispositions particulières. L'élection des conseillers métropolitains donne lieu à l'organisation d'une élection distincte de celle des conseillers municipaux.

* 37 Articles L. 273-8 et L. 262 du code électoral.

* 38 Article L. 273-6 du code électoral.

* 39 Article L. 273-9 du code électoral.

* 40 Loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.

* 41 Article L. 224-3 du code électoral.

* 42 Article L. 224-1 du code électoral.

* 43 Article L. 567-1 A du code électoral.

* 44 Article L. 224-1 du code électoral.

* 45 Article D. 56-1 du code électoral.

* 46 Article L. 56 du code électoral.

* 47  Rapport n° 785 (2020-2021) du 21 juillet 2021 de François-Noël Buffet sur les dysfonctionnements constatés lors des élections départementales et régionales de juin 2021.

* 48 Articles L. 52-4 et L. 52-5 du code électoral.

* 49 Article L. 70 du code électoral.

* 50 Aux articles L. 2512-13 (pour Paris) et L. 2513-1 (pour Lyon et Marseille) figurent des tableaux qui fixent le nombre de sièges attribués à chaque arrondissement.

* 51 Au chapitre II du titre V du livre Ier du code électoral.

* 52 Article L. 273-6 du code électoral.

* 53 Article L. 273-8 du code électoral.

* 54 Dans le cas, par exemple, d'une commune qui ne dispose que d'un siège au conseil communautaire, la liste devra comporter deux candidats.

* 55 Ce cas peut en particulier se présenter dans l'hypothèse où il figure en bas de la liste de candidats au conseil municipal, mais en haut de la liste de candidats au conseil métropolitain

* 56 Loi n° 2017-257 du 28 février 2017 relative au statut de Paris et à l'aménagement métropolitain.

* 57 Article L. 2511-26 du code général des collectivités territoriales.

* 58 Article L. 2511-29 du code général des collectivités territoriales.

* 59 Introduit par l'article 13 de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral, cet article dispose que : « Il ne peut être procédé à une modification du régime électoral ou du périmètre des circonscriptions dans l'année qui précède le premier tour d'un scrutin ».

* 60 La réforme proposée rend donc possible une situation dans laquelle un maire d'arrondissement ne siégerait pas au conseil municipal (ou conseil de Paris).

* 61 Par l'adoption d'un amendement CL32 du député Jean Lassucq.

* 62 Amendements n° 47 d'Emmanuel Maurel et n° 51 d'Emmanuel Grégoire.

* 63 Qui serait régie par un nouvel article L. 2512-5-1 du code général des collectivités territoriales.

* 64 Au sein du chapitre II (« Dispositions spécifiques à la Ville de Paris » du titre Ier du livre V de la deuxième partie du code général des collectivités territoriales.

* 65 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 66 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 67 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 68 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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