TITRE
II
PRÉPARER LA DEUXIÈME PARTIE DE CARRIÈRE
Article 3
Instauration de rendez-vous professionnels de
mi-carrière
et de préparation de la fin de carrière
Cet article propose d'instituer deux rendez-vous professionnels consacrés respectivement à l'anticipation de la seconde partie de carrière, à l'âge de quarante-cinq ans, et à la préparation de la fin de carrière, à compter de cinquante-huit ans. À cette fin, il vise à mieux articuler les visites médicales et les propositions du médecin du travail qui en ressort avec les entretiens professionnels.
La commission a adopté cet article modifié par deux amendements de précision rédactionnelle des rapporteures.
I°- Le dispositif proposé : créer des rendez-vous clés en s'appuyant sur les visites médicales et les entretiens professionnels déjà prévus
A. Un suivi médical des travailleurs étoffé par le législateur
1. La création d'une visite médicale de mi-carrière
La loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail27(*) a institué des visites médicales de mi-carrière par la médecine du travail au bénéfice de tous les travailleurs. Cette visite doit se tenir à une échéance déterminée par accord de branche ou, à défaut, durant l'année civile du 45 ème anniversaire du salarié28(*).
En vertu de l'article L. 4624-2-2 du code du travail, cette visite médicale vise à :
- établir un état des lieux de l'adéquation entre le poste de travail et l'état de santé du travailleur, en tenant compte des expositions à des facteurs de risques professionnels auxquelles il a été soumis ;
- évaluer les risques de désinsertion professionnelle, en prenant en compte l'évolution des capacités du travailleur en fonction de son parcours professionnel, de son âge et de son état de santé ;
- sensibiliser le travailleur aux enjeux du vieillissement au travail et sur la prévention des risques professionnels.
Cette visite médicale peut être anticipé et organisé conjointement avec un autre examen (voir encadré), comme la visite d'information et de prévention, obligatoire après chaque embauche.
Les différents examens médicaux prévus par la loi
Cette visite médicale de mi-carrière s'est insérée dans un suivi de l'état de santé du travail qui comportait déjà plusieurs examens médicaux possibles, parmi lesquelles :
- la visite d'information et de prévention29(*) (VIP) effectuée après l'embauche du salarié ;
- l'examen médical d'aptitude30(*) qui se substitue à la VIP pour les travailleurs affectés à un poste présentant des risques particuliers pour sa santé ou sa sécurité ou celles d'autres personnes ;
- un examen médical de reprise31(*) après un congé de maternité ou une absence au travail justifiée par une incapacité résultant de maladie ou d'accident.
Ce suivi médical a également été complété par la même loi du 2 août 2021 qui a prévu une visite médicale de fin de carrière32(*), avant le départ en retraite, pour les travailleurs bénéficiant du dispositif de suivi individuel renforcé, ainsi qu'un examen de préreprise33(*) en cas d'absence du salarié supérieure à 30 jours.
Elle est réalisée par un médecin du travail mais peut, par dérogation, être menée par un infirmier de santé au travail exerçant en pratique avancée. Ce dossier ne pouvant toutefois pas proposer les mesures individuelles décrites ci-dessous, elle doit, le cas échéant, réorienter le salarié vers un médecin du travail.
2. Des mesures individuelles pouvant être proposées par le médecin du travail au regard de l'âge ou de l'état de santé du travailleur
En application de l'article L. 4624-3 du code du travail, le médecin du travail peut proposer des mesures individuelles d'aménagement, d'adaptation ou de transformation du poste de travail ou des mesures d'aménagement du temps de travail justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge ou à l'état de santé physique et mental du travailleur.
Le législateur a précisé que ces mesures pouvaient notamment être préconisées dans le cadre de la visite médicale de mi-carrière34(*).
Ces mesures sont proposées par écrit et après échange avec le travailleur et l'employeur. Il est notamment fait obligation au médecin du travail de recevoir le salarié, afin d'échanger sur l'avis et les indications ou les propositions qu'il pourrait adresser à l'employeur35(*). Le médecin peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien en emploi pour mettre en oeuvre son avis et ses indications ou ses propositions.
En application de l'article L. 4624-6 du code du travail, l'employeur est tenu de prendre en considération les propositions émises par le médecin du travail. En cas de refus, l'employeur fait connaître par écrit au travailleur et au médecin du travail les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. Le salarié ou l'employeur peut dès lors saisir le conseil de prud'hommes36(*).
B. Le droit proposé : mieux préparer la seconde partie et la fin de la carrière pour favoriser le maintien dans l'emploi
L'article 2 de l'accord national interprofessionnel du 14 novembre 2024 en faveur de l'emploi des salariés expérimentés appelle à mieux préparer la deuxième partie de carrière.
Pour cela, le présent article propose de mieux articuler les visites médicales organisées à compter de 45 ans et les entretiens professionnels.
Les entretiens professionnels
Issu de l'ANI du 14 décembre 2013 et codifié par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale37(*), l'article L. 6315-1 du code du travail prévoit que tous les salariés bénéficient tous les deux ans d'un entretien professionnel consacré aux « perspectives d'évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d'emploi ».
Le contenu de cet entretien a été complété à deux reprises, en 201638(*) et en 2019. Il doit désormais comporter des « informations relatives à la validation des acquis de l'expérience, à l'activation par le salarié de son compte personnel de formation, aux abondements de ce compte que l'employeur est susceptible de financer et au conseil en évolution professionnelle ».
Ainsi le 1° du présent article complète l'article L. 4624-3 du code du travail afin de prévoir que les mesures formulées par le médecin du travail à l'issue d'une visite d'information et de prévention, de l'examen médical d'aptitude ou de l'examen médical de reprise sont abordées lors de l'entretien professionnel.
Le 2° du présent article complète l'article L. 6315-1 du code du travail afin de créer des rendez-vous de mi-carrière en articulant davantage la visite médicale de mi-carrière et l'entretien professionnel. Celui-ci pourra être préparé avec un conseiller en évolution professionnelle et devra :
- se tenir dans un délai de deux mois suivant la visite médicale ;
- aborder les mesures individuelles suggérées par le médecin du travail ;
- aborder, s'il y a lieu, d'autres thèmes comme l'adaptation ou l'aménagement des missions et du poste de travail, la prévention de situations d'usure professionnelle, les besoins en formation et les éventuels souhaits de mobilité ou de reconversion professionnelle du salarié.
À l'issue de l'entretien, un document écrit doit récapituler, sous de bilan, l'ensemble des éléments abordés.
L'article 2.1 de l'ANI précise l'objectif assigné à ce nouveau rendez-vous : « le salarié bénéficie ainsi d'un bilan complet à mi-carrière, incluant les aspects relatifs à la santé, aux compétences, aux qualifications, à la formation, aux souhaits de mobilité, aux actions de prévention de la désinsertion et de l'usure professionnelles ».
Enfin, le V de l'article L. 6315-1, que le dernier alinéa du 2°, propose de créer que l'entretien professionnel organisé dans les deux ans précédant le soixantième anniversaire du salarié doit aborder les conditions de maintien dans l'emploi et les aménagements possible de fin de carrière comme la retraite progressive ou le temps partiel. Il s'agit ainsi d'instituer « un second rendez-vous deux ans avant le soixantième anniversaire avec un entretien professionnel dédié à la fin de carrière »39(*).
II - La position de la commission : un article bienvenu transcrivant l'ambition des partenaires sociaux
Les rapporteures constatent que la bonne mise en oeuvre de cet article dans les entreprises demandera du temps. Il ressort de leurs travaux que les craintes exprimées par la commission des affaires sociales lors de l'examen de la loi au Sénat de la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, n'étaient pas infondées40(*) : les services de prévention et de santé au travail (SPST) peinent à assurer l'ensemble des visites médicales de mi-carrière41(*) en raison de la pénurie de médecin du travail.
Il n'en demeure pas moins que cet article porte une ambition à laquelle souscrivent entièrement les rapporteures : créer des rendez-vous clés pour aborder les évolutions possibles dans l'organisation du travail permettant un maintien dans l'emploi du salarié. Il s'agit ainsi d'anticiper et de prévenir l'usure professionnelle. De même, les entretiens professionnels conduits vers le soixantième anniversaire doivent être l'occasion de diffuser la culture des organisations du travail qui permettent de maintenir le salarié en emploi. Tout l'enjeu sera désormais de faire en sorte que cette ambition soit appliquée.
Interrogée à ce sujet, Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi a ainsi indiqué avoir tout à fait conscience des « difficultés auxquelles sont confrontées les entreprises » quant aux visites médicales de mi-carrière et avoir « demandé à l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de réfléchir à des méthodes innovantes pour la médecine du travail, en lien avec les services de prévention et de santé au travail »42(*).
Le présent article assure une transposition fidèle de l'ANI précité. Les rapporteures ont proposé deux amendements rédactionnels COM-14 et COM-15 à la commission qui les a adoptés. Le second amendement vise à clarifier que le document écrit dressant le bilan des mesures abordées lors de l'entretien professionnel de mi-carrière ne sera pas un document supplémentaire à celui déjà exigé par le code du travail43(*).
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
* 27 Article 22 de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail
* 28 Article L. 4624-2-2 du code du travail.
* 29 Articles L. 4624-1 et article R. 4624-10 du code du travail.
* 30 Article L. 4624-2 du même code.
* 31 Article L. 4624-2-3 dudit code.
* 32 Article L4624-2-1 du même code.
* 33 Article L. 4624-2-4 du même code.
* 34 En vertu du dernier alinéa du I de l'article L. 4624-2-3 du même code.
* 35 Article L. 4624-5 du même code.
* 36 Article L. 4624-7 du code du travail.
* 37 Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.
* 38 Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
* 39 Étude d'impact, p. 30.
* 40 La commission des affaires sociales avait proposé de ne pas retenir la création d'une visite médicale de mi-carrière et d'intégrer le suivi des travailleurs en seconde partie de carrière dans le cadre de la visite d'information et de prévention.
* 41 En 2023, 66 425 visites de mi-carrière ont été organisées par les SPST selon la DGT.
* 42 Compte rendu de l'audition de Mme Astrid Panosyan-Bouvet, ministre chargée du travail et de l'emploi, devant la commission des affaires sociales le 21 mai 2025.
* 43 Visé par le second alinéa du I de l'article L. 6315-1 du code du travail.