II. Les modifications apportées par la commission
La commission a adopté l'amendement COM-8 qui poursuit plusieurs objectifs.
Il précise l'objet de la société commerciale ainsi créée, en y incluant les aspects de l'organisation des compétitions en lien avec l'activité de commercialisation et de gestion des droits. Il s'agit de répondre à une demande des clubs de football de ne pas séparer les aspects organisationnels des aspects commerciaux. Ce volet des activités de la société devra faire l'objet d'une convention de subdélégation avec la fédération.
Il précise que seuls les clubs participant à une même compétition ou manifestation disposent d'un droit de vote égal. Cela implique l'existence au sein de la société de plusieurs classes d'actionnaires disposant de droits différents.
Il dispose que le droit de veto de la fédération s'exercera notamment grâce à un droit de vote préférentiel. Il est proposé de renvoyer à un décret pour préciser le champ exact de ce droit d'opposition, afin de laisser aux acteurs le temps nécessaire à la concertation et d'assurer une certaine souplesse au cas où ce champ devrait évoluer.
Ce décret définira aussi des standards de bonne gouvernance en matière de gestion des conflits d'intérêts et d'indépendance des dirigeants et des membres de l'organe délibérant.
La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié.
Article 7
Fixation d'un écart maximal de distribution des revenus entre sociétés sportives
Cet article dispose que la fédération sportive fixe un écart maximal de distribution des revenus entre les sociétés sportives.
À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement étendant le dispositif et fixant un écart maximal entre clubs jouant au sein d'une même division ou compétition.
I. Le dispositif proposé
L'adoption d'un schéma de gouvernance associant les clubs au sein d'une société commerciale, tel que proposé à l'article 6, doit aller de pair avec une consolidation des prérogatives régaliennes et des principes de solidarité et de mutualisation qui sont la pierre angulaire de l'organisation du sport professionnel français.
On rappellera tout d'abord que les droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sont la propriété des fédérations délégataires qui peuvent les céder, depuis 2003, aux sociétés sportives, en application de l'article L. 333-1 du code du sport. Ce mécanisme avait alors été demandé par les clubs. Il leur permet d'inscrire ces droits à l'actif de leur bilan. Seule la Fédération française de football a, à ce jour, et depuis 2004, procédé à une telle cession de ses droits d'exploitation audiovisuelle aux clubs professionnels.
Des garde-fous ont été mis en place, dans cette hypothèse, pour éviter une commercialisation non coordonnée des droits audiovisuels, qui serait globalement contre-productive (comme ce fut le cas pendant longtemps en Espagne) :
- d'une part, en application de l'article L. 333-2 du code du sport, la négociation de ces droits est confiée à la ligue professionnelle, ce qui impose une commercialisation commune par les clubs de leurs droits ;
- d'autre part, les décisions se rattachant à la gestion de ces droits, y compris leur répartition, doivent remplir certains critères d'intérêt général (quand bien même ils relèvent, en cas de contestation, de la juridiction judiciaire 1).
1 Conseil d`État, 28 octobre 2021, Société En avant Guingamp.
Ces critères figurent à l'article L. 333-3 du code du sport : il s'agit des principes d'unité et de solidarité entre les activités à caractère professionnel et les activités à caractère amateur et du principe de mutualisation des revenus entre les clubs professionnels.
En application du principe d'unité et de solidarité, une partie des produits doit revenir à la fédération. Le protocole d'accord financier existant entre la FFF et la LFP fixe la contribution de celle-ci à 2,5 % du montant des droits d'exploitation audiovisuelle (nets de la taxe dite « Buffet ») et des recettes sur les paris sportifs. Un minimum garanti est fixé à 14 260 000 euros.
En vertu du principe de mutualisation, l'article précité du code du sport dispose que les produits sont redistribués entre les sociétés en tenant compte de la nécessaire solidarité entre celles-ci, mais aussi de leur performance et de leur notoriété. Le curseur entre ces objectifs contradictoires est fixé librement par la ligue et donc par les clubs. En 2022, la répartition des droits audiovisuels du football a été modifiée afin de favoriser les
« locomotives » du championnat et d'encourager, ainsi, la réalisation de performances au niveau européen. Comme l'a montré le rapport précité de la mission d'information :
« En 2023-2024, les droits audiovisuels de la Ligue 1 s'échelonnent de 60 M€ pour le Paris Saint-Germain à 14,5 M€ pour Le Havre AC, soit un rapport de 1 à 4. À titre de comparaison, les revenus audiovisuels de la Premier League anglaise s'échelonnaient de 167 M£ (Manchester city) à 95 M£ (Southampton) en 2022-2023, soit un rapport de 1 à 1,8. » 1
Les écarts sont plutôt de 1 à 2 dans le Top 14.
Une nouvelle répartition des revenus récurrents
« Le partenariat avec CVC est le pilier central d'un projet plus vaste, assumé par la Ligue, visant à renforcer les « locomotives » du championnat pour redynamiser les droits, notamment internationaux, grâce à de bonnes performances européennes.
Cette stratégie a été approuvée par le conseil d'administration de la Ligue le 25 mars 2022, sur la base d'une proposition du collège de Ligue 1. Les principaux changements sont les suivants :
- pour les droits médias et commerciaux domestiques : une nouvelle répartition, ne comportant pas de part fixe, a été adoptée pour les droits compris entre 700 M€ et 1 Md€. Cette nouvelle répartition dépend uniquement de critères sportifs et de notoriété ;
1 Rapport précité de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français.
- les droits médias et commerciaux internationaux seront répartis en fonction des résultats obtenus dans les compétitions de l'UEFA, sur quatre saisons (jusqu'en 2023-2024) puis sur trois saisons seulement. Seuls les clubs jouant ces compétitions bénéficieront de ces droits (qui s'ajoutent à ceux versés par l'UEFA elle-même). La part de chaque club dépend de son coefficient UEFA, c'est-à-dire de ses résultats dans les trois compétitions européennes sur cinq saisons ;
- les droits digitaux collectifs seront désormais répartis au prorata de la répartition individuelle des droits domestiques. »
Source : « Football-business : stop ou encore ? » Rapport de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français,
n° 87 du 29 octobre 2024 (M. Laurent Lafon, président, et M. Michel Savin, rapporteur).
Au sein de la LFP :
L'assemblée générale est compétente pour procéder à la répartition des droits audiovisuels entre la Ligue 1 et la Ligue 2, avec des règles de votation particulière. D'une part, seuls les représentants des clubs participent au vote. D'autre part, « par exception, et jusqu'à la saison 2031-2032 incluse, les décisions de modification de la répartition des droits audiovisuels entre la Ligue 1 et la Ligue 2 sont votées uniquement par les clubs membres de la LFP et sont prises à l'unanimité des suffrages valablement exprimés » 1.
Le conseil d'administration est compétent pour adopter la répartition des droits audiovisuels au sein de chaque championnat sur proposition de leurs collèges respectifs.
L'article 7 de la proposition de loi propose de renforcer le principe de mutualisation en obligeant la fédération à fixer un écart maximal de distribution des produits, sous la forme d'un ratio : revenu du club le mieux loti / revenu du club le moins bien loti.
Sans aller jusqu'au modèle de la NBA, consistant à « donner plus » aux clubs qui « ont moins » pour préserver l'équilibre de la compétition, par le biais de la draft, il s'agit de réduire les écarts entre les clubs afin de relancer une compétition de plus en plus déséquilibrée par l'absence d'équité sur le plan financier.
Cette démarche est dans l'intérêt de tous : aucun club n'a à gagner à voir des clubs historiques disparaître, ni à affaiblir l'attrait global de la compétition, au risque de compromettre un peu plus encore la valeur des droits audiovisuels.
1 Article 13 des statuts de la LFP.