II. Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l'amendement COM-14 du rapporteur, qui confie à la fédération la responsabilité de créer l'organisme de contrôle, en supprimant l'obligation que celui-ci soit constitué « en son sein ». Cette formulation tient compte de la diversité des organisations existantes, selon les disciplines, avec généralement une première instance au niveau de la ligue, un appel au niveau de la fédération et un recours possible au Comité national olympique et sportif français (CNOSF). Ce schéma pourra être conservé.

L'amendement du rapporteur précise, par ailleurs, que les membres de l'organisme de contrôle sont des professionnels qualifiés dans les domaines de la comptabilité, de l'audit ou de la finance, afin de garantir un certain niveau d'expertise. Il énonce la finalité du contrôle réalisé, qui vise à préserver la viabilité économique des clubs. C'est pourquoi ce contrôle doit reposer sur des dispositifs tels que la limitation des effectifs et le plafonnement de la masse salariale. Il doit se fonder, en outre, sur l'analyse des comptes d'exploitation des clubs, indépendamment des apports en capital ou en compte courant d'associés.

En cas d'écarts significatifs entre les comptes prévisionnels et réalisés, l'organisme prend des sanctions financières et sportives.

La commission a adopté l'amendement COM-22 rect. bis de

M. Claude Kern et plusieurs de ses collègues, précisant que les conditions de fonctionnement de l'organisme de contrôle sont fixées, le cas échéant, par la convention de subdélégation conclue entre la fédération et la ligue professionnelle.

La commission a adopté l'article 9 ainsi modifié.

CHAPITRE III

RENFORCER LA LUTTE CONTRE LE PIRATAGE DES CONTENUS SPORTIFS

Article 10

Lutte contre le piratage des programmes sportifs

Cet article permet à l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de lutter en temps réel contre le piratage des programmes sportifs audiovisuels.

À l'initiative du rapporteur, la commission a adopté un amendement précisant le rôle de chaque intervenant dans le dispositif, afin de l'améliorer et de le sécuriser.

I. Le dispositif proposé

A. Des acteurs confrontés à la banalisation du piratage

En novembre 2024, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a présenté un bilan 1 de son action dans le domaine de la lutte contre le piratage. Le régulateur estime à 1,5 milliard d'euros le manque à gagner lié à la consommation illicite de contenus audiovisuels et sportifs en 2023 (sur un marché total évalué à 11,8 milliards d'euros).

S'agissant plus particulièrement des contenus sportifs, qui représentent 16 % de ce marché (1,9 Md€), le manque à gagner est évalué à 290 M€. D'après l'Arcom, « les clubs professionnels sont les plus directement touchés (130 M), compte tenu de leur dépendance aux droits de diffusion (en moyenne plus d'un tiers de leurs revenus). La consommation de contenus illicites impacte donc fortement les clubs et leur capacité à être performants. Le sport amateur est également touché par l'intermédiaire de la taxe Buffet (5 % sur les droits de retransmissions) non perçue, pour laquelle le manque à gagner est évalué à 15 millions d'euros. »

L'étude de l'Arcom met en évidence « une demande pour des modèles et offres alternatives en matière de sport » susceptibles de favoriser un report vers l'offre légale.

À l'initiative du Sénat, la loi n° 2021-1382 du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique a introduit aux articles L. 333-10 et L. 333-11 du code du sport un dispositif de protection des droits sportifs dont la mise en oeuvre est confiée à l'Arcom, en collaboration avec les fournisseurs d'accès à internet (FAI). La

1 Bilan de trois études de l'Arcom, L'essentiel, Novembre 2024, #18.

loi donne à l'Arcom la possibilité de bloquer les sites retransmettant illégalement des événements sportifs, sur le fondement d'une ordonnance du président du tribunal judiciaire.

L'Arcom est, toutefois, confrontée au développement de nouveaux modes de diffusion tels que la télévision par internet (IPTV), la diffusion de contenus via les réseaux sociaux et, plus généralement, la pratique du

« live-streaming ». Par ailleurs, ces pratiques ont pris une dimension massive, industrielle, s'appuyant sur des moyens techniques sophistiqués et sur des réseaux internationaux dégageant des profits considérables. Elles constituent un danger existentiel pour le sport professionnel tel que nous le connaissons aujourd'hui.

B. Un cadre juridique aujourd'hui insuffisant

Le cadre juridique mis en place en 2021, inscrit à l'article L. 333-10 du code du sport, comprend plusieurs étapes. Il prévoit l'intervention du juge judiciaire afin de garantir la protection de la liberté de communication, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.

En premier lieu, lorsqu'ont été constatées « des atteintes graves et répétées au droit d'exploitation audiovisuelle », « le titulaire de ce droit peut saisir le président du tribunal judiciaire, statuant selon la procédure accélérée au fond ou en référé, aux fins d'obtenir toutes mesures proportionnées propres à prévenir ou à faire cesser cette atteinte, à l'encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier ».

En deuxième lieu, les titulaires de droits peuvent saisir l'Arcom afin qu'elle bloque l'accès aux services non encore identifiés à la date de l'ordonnance. Après un constat effectué par des agents habilités et assermentés, l'Arcom notifie aux personnes désignées par l'ordonnance les données d'identification du service à bloquer.

Enfin, l'Arcom adopte des modèles d'accords volontaires entre les titulaires de droits et toute personne susceptible de contribuer à remédier aux atteintes.

Grâce à ce dispositif, l'audience illicite a diminué d'environ un tiers entre 2021 et 2023. Depuis son entrée en vigueur, ce sont près de 8 000 sites sportifs illicites qui ont été bloqués à l'initiative du régulateur.

Ce dispositif a permis une avancée significative, qu'il convient désormais de prolonger par la mise en oeuvre de mécanismes de blocage en temps réel, afin de répondre efficacement à l'industrialisation du phénomène. Depuis 2023, en effet, le piratage s'est amplifié, banalisé. Il touche un public de plus en plus large. Une étude commandée par la LFP à l'institut Ipsos indique, par exemple, que 55 % des téléspectateurs du match opposant l'Olympique de Marseille (OM) au Paris Saint-Germain (PSG), le 27 octobre 2024, auraient visionné la rencontre de façon illicite.

C. La mise en place d'un dispositif de lutte contre le piratage en temps réel

Le présent article 10 répond, par ailleurs, à la recommandation de la Commission européenne du 4 mai 2023 sur la manière de lutter contre le piratage en ligne des manifestations sportives et autres événements en direct. S'appuyant sur le règlement sur les services numériques, en date du 19 octobre 2022, cette recommandation souligne l'importance d'une action urgente de la part des fournisseurs de services d'hébergement pour réduire au minimum le préjudice causé par la diffusion en continu illégale.

Aux termes de la proposition de loi :

- les titulaires de droits communiquent à l'Arcom les données d'identification des services illicites, au moyen d'un système automatisé qui transmet immédiatement ces données aux personnes visées par l'ordonnance du président du tribunal judiciaire (notamment, mais pas seulement, les fournisseurs d'accès à internet) ;

- l'Arcom assure le contrôle du système automatisé et peut à tout moment suspendre toute mesure de blocage irrégulière demandée par le titulaire de droits ;

- les services de communication visés par la mesure de blocage peuvent introduire très rapidement un recours devant l'Arcom ;

- l'Arcom tient à jour une liste des données d'identification des services visés par les mesures de blocage. Elle communique cette liste aux signataires des accords volontaires.

Par ailleurs, le tribunal judiciaire de Paris a récemment précisé la portée du dispositif de lutte contre le piratage, jugeant que les VPN étaient bien des intermédiaires techniques chargés d'y contribuer. Le 16 mai 2025, le tribunal a fait injonction à cinq fournisseurs de VPN de mettre en oeuvre une mesure de blocage pour un total de 203 noms de domaines. L'article L. 333-10 du code du sport est rédigé de façon à impliquer « toute personne susceptible de contribuer à remédier » au phénomène de piratage, ce qui signifie que tous les intermédiaires techniques actuels et futurs sont potentiellement concernés.

Partager cette page