EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 28 MAI 2025
M. Laurent Lafon, président. - Nous examinons le rapport de notre collègue Michel Savin sur la proposition de loi relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel.
Je vous rappelle que l'examen de ce texte en séance publique est programmé le mardi 10 juin prochain à 14 h 30 et que nous nous réunirons en début d'après-midi, ce même jour, afin d'examiner les amendements de séance déposés sur ce texte.
M. Michel Savin, rapporteur. - La proposition de loi déposée par le président Lafon relative à l'organisation, à la gestion et au financement du sport professionnel que nous examinons aujourd'hui est issue des travaux de la mission d'information sur l'intervention des fonds d'investissement dans le football professionnel français.
Adopté à l'unanimité en octobre dernier, le rapport de cette mission d'information a formulé 35 recommandations en vue de clarifier la gouvernance collective du sport professionnel, mais aussi de renforcer le contrôle des budgets des clubs et des ligues professionnelles, de partager plus équitablement les ressources issues des droits audiovisuels, de renforcer les exigences en matière d'éthique, de bonne gestion et de démocratie, et de réinventer l'économie du sport professionnel confrontée à la progression du piratage.
Les constats établis dans le rapport se sont confirmés au cours des derniers mois. Ainsi, le principal diffuseur du championnat de France de football a souhaité mettre fin de façon anticipée à son contrat, le piratage des contenus sportifs est en progression et se banalise, et le déficit cumulé prévisionnel dépasse 1 milliard d'euros pour l'ensemble des clubs professionnels de football. La survie de plusieurs clubs dépend désormais de la solidité financière et de la bonne volonté de leurs actionnaires.
Pour identifier les solutions possibles, le président de la Fédération française de football (FFF) et la ministre des sports ont lancé en mars dernier des états généraux qui ont abouti à des propositions de réforme en profondeur allant dans le sens de nos travaux, s'agissant de la gouvernance, du développement économique et de la discipline. Parallèlement, un certain nombre de blocages dans l'organisation et la gestion du sport professionnel appellent des ajustements législatifs.
Lors des nombreuses auditions que nous avons organisées, nous avons pu entendre l'ensemble des acteurs concernés, notamment les fédérations, les ligues, les organisations professionnelles, les organismes de contrôle, les titulaires de droits sportifs, les diffuseurs, le ministère et la ministre. Ces travaux ont permis d'aboutir à 16 amendements que je vous proposerai : ils visent à préciser et sécuriser les dispositifs, à accroître la solidarité dans la gestion du sport professionnel et à renforcer les contrôles.
Le football est confronté à des problématiques de gouvernance qui lui sont spécifiques, mais qui correspondent aussi à l'amplification de défis partagés avec les autres sports professionnels, également confrontés à des évolutions.
Les effets du piratage sur l'économie du sport professionnel sont majeurs. Ainsi, plus de la moitié des téléspectateurs du match du 27 octobre 2024 entre l'Olympique de Marseille et le Paris Saint-Germain (PSG) auraient visionné cette rencontre de façon illicite. Le manque à gagner est évalué à près de 300 millions d'euros pour l'année 2023.
Sur l'initiative du Sénat, la lutte contre le piratage a été renforcée par la loi
du 25 octobre 2021 relative à la régulation et à la protection de l'accès aux oeuvres culturelles à l'ère numérique. Depuis 2022, l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) a procédé à environ 8 000 blocages. Le rythme de ces blocages s'est accéléré jusqu'à environ 600 par mois.
À titre de comparaison, toutefois, pendant la saison 2023-2024, ce sont environ 650 000 retransmissions illégales de matchs qui ont été bloquées par la Première Ligue anglaise, soit plus de 50 000 retransmissions par mois, à comparer aux 600 par mois en France. Les moyens juridiques et humains mis en oeuvre en France demeurent donc insuffisants pour endiguer un phénomène sociétal qui produit des effets en chaîne dans tous les secteurs de la télévision payante.
En matière de gouvernance, le schéma pyramidal prévu par le code du sport a permis un développement équilibré du sport professionnel. Des ajustements sont néanmoins nécessaires. En particulier, le sport professionnel féminin ne dispose ni de moyens financiers ni des outils juridiques nécessaires pour se développer au même niveau que le sport professionnel masculin.
Par ailleurs, comme l'a souligné un rapport remis à la ministre des sports en juillet 2023 par M. Rémy Schwartz, conseiller d'État, le code du sport ne permet pas d'encadrer de façon suffisante la mise en oeuvre de la subdélégation dont bénéficient les ligues professionnelles. En particulier, si le retrait de la délégation octroyée à une fédération est encadré, ce n'est pas le cas pour un retrait éventuel de la subdélégation. En cas de désaccord entre la fédération et la ligue dans le domaine de la compétence partagée, la situation serait bloquée, ce qui entraînerait des recours de l'une ou l'autre partie auprès du ministre des sports, voire de la juridiction administrative. Nous avons
auditionné les six ligues professionnelles existantes. La plupart d'entre elles ont ainsi expérimenté des situations de blocage du fait d'un désaccord avec leur fédération.
Cette proposition de loi a donc pour objet d'améliorer la gouvernance, la transparence et la viabilité économique du sport professionnel.
L'article 1er renforce les obligations des ligues professionnelles au titre de leur subdélégation. Il plafonne notamment les rémunérations des dirigeants des ligues.
L'article 2 encadre le retrait ou le non-renouvellement de la subdélégation. Il en explicite les conséquences. Ces dispositions ne constituent pas un facteur de fragilisation, mais au contraire, de sécurisation, dans la mesure où la possibilité de retrait existe déjà, mais sans encadrement juridique clair. Son objectif est surtout dissuasif.
L'article 3 associe les associations de supporters à la gouvernance du sport professionnel à titre consultatif.
L'article 4 précise les dispositions de la loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, s'agissant de la création par une ligue d'une société commerciale.
L'article 5 modifie les conditions de commercialisation des droits audiovisuels en supprimant l'obligation d'allotissement.
L'article 6 prévoit la possibilité pour une fédération de créer une société commerciale, l'associant aux sociétés sportives auxquelles elle a cédé la propriété de ses droits audiovisuels. Cette possibilité ne concerne, en l'état, que le football, puisque la Fédération française de football est la seule à avoir ainsi cédé ses droits. Dans ce schéma, la fédération jouera un rôle central. Il s'agit de dépasser le triptyque associant fédération, ligue et société commerciale, qui conduit à une gouvernance peu lisible et déresponsabilisante.
L'article 7 impose un écart maximal de distribution des revenus entre les clubs.
L'article 8 renforce les obligations de déclaration auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).
L'article 9 réforme le contrôle de gestion des ligues et des sociétés sportives en introduisant un contrôle de la Cour des comptes sur les premières et en réformant le contrôle administratif et financier des clubs.
L'article 10 renforce le dispositif de lutte contre le piratage issu de la loi de 2021 afin de rendre possibles des blocages en temps réel pendant la durée de la diffusion en direct d'un événement sportif. L'ampleur prise par le phénomène nécessite en effet la mise en place d'un système automatisé sous le contrôle de l'autorité de régulation semblable au dispositif existant en Italie, où il a permis une réduction significative du piratage. De nouveaux défis sont
également institués, ne visant pas l'utilisateur final, mais les services illicites eux-mêmes et ceux qui les commercialisent.
Des modifications en profondeur sont nécessaires, qui passent par une organisation clarifiée, une solidarité accrue et des contrôles renforcés. Les 16 amendements que je vous proposerai visent à préciser et à renforcer la portée de la proposition de loi du président Lafon. Une transformation en profondeur s'impose dans le football. En revanche, les autres disciplines nécessitent des ajustements sans remise en cause des grands équilibres actuels.
Je vous proposerai donc de modifier le texte, premièrement, pour appliquer le plafond de rémunération introduit par la proposition de loi au cumul éventuel de rémunération versé par la ligue et par la société commerciale. Il convient également de faire en sorte que les délégués des clubs à statut professionnel ne puissent détenir plus de 25 % des voix au sein de l'assemblée générale.
Deuxièmement, il est proposé de donner la possibilité aux fédérations sportives de créer une seconde ligue professionnelle pour la gestion du sport professionnel féminin.
Troisièmement, il est suggéré de restreindre les motifs susceptibles de justifier le retrait d'une subdélégation et de soumettre ce retrait à un avis préalable du ministre des sports.
Quatrièmement, il est proposé de limiter le nombre de modèles possibles. Soit la société commerciale appartient à la ligue, comme le prévoit la loi du 2 mars 2022, soit elle appartient à la fédération et aux clubs, dès lors que ceux-ci sont propriétaires de leurs droits audiovisuels.
Cinquièmement, il est essentiel de mieux encadrer la profession d'agent sportif. En effet, cette profession joue un rôle central dans l'économie de certains sports professionnels, notamment le football. Un encadrement insuffisant peut entraîner des conflits d'intérêts, des pratiques opaques et des abus. Il est donc nécessaire de lutter contre l'implication d'intermédiaires ne disposant pas de la licence d'agent sportif et de renforcer les obligations de formation dans l'accès et l'exercice de cette profession.
Sixièmement, il convient d'organiser une consultation des associations de supporters dans le cadre d'un dialogue régulier avec les instances de chaque discipline, sans toutefois permettre leur participation à ces instances, dans la mesure où le mouvement supportériste est insuffisamment structuré à ce jour.
Septièmement, il convient de préciser l'objet de la société de clubs, prévue par l'article 6, ainsi que sa gouvernance, en mettant l'accent sur le rôle clé que devra jouer la fédération.
Huitièmement, il faut prévoir une transition vers le nouveau modèle de la société de clubs dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la loi.
Neuvièmement, il convient de préciser que l'écart maximal de distribution des revenus est compris entre 1 et 3 à l'intérieur d'un même championnat.
Dixièmement, il est nécessaire de limiter l'obligation de produire des déclarations d'intérêt et de situation patrimoniale aux dirigeants des fédérations, ligues et sociétés commerciales.
Onzièmement, je vous proposerai de préciser la finalité du contrôle de gestion qui vise à préserver la viabilité économique des clubs. Cela implique des dispositifs de limitation des effectifs et de plafonnement de la masse salariale, ainsi qu'une analyse des comptes d'exploitation des clubs indépendamment des apports de leurs actionnaires.
Enfin, nous pourrons préciser le rôle de chacun des acteurs de la lutte contre le piratage afin de sécuriser le dispositif de la proposition de loi et d'en assurer l'efficacité et la proportionnalité. Les titulaires de droit devront justifier auprès de l'Arcom leur demande de blocage et informer par tous moyens les services bloqués de cette démarche. L'Arcom assurera le contrôle du système automatisé qui transmettra sans délai des demandes de blocage aux fournisseurs d'accès. Des recours pourront être portés devant l'Arcom afin de garantir que l'automaticité du système ne porte pas atteinte à la diffusion de contenus licites. Le complément ainsi apporté à la loi de 2021 est indispensable pour assurer l'effectivité de la lutte contre un phénomène désormais massif et protéiforme.
Vous le voyez, chers collègues, ce texte est une refondation inédite du sport professionnel français. Il vise à construire un sport plus solide, plus juste et plus moderne, à la hauteur de ses responsabilités économiques, sociales et morales. Je vous propose de le faire avec exigence, cohérence et détermination.
Concernant le périmètre de ce projet de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose d'inclure dans le périmètre de la proposition de loi les dispositions relatives à l'organisation, à la gouvernance et au contrôle de la gestion du sport professionnel par l'État, les fédérations sportives, les ligues professionnelles et les sociétés commerciales créées par les fédérations et par les ligues ; à l'organisation et au contrôle des sociétés sportives et des autres acteurs du sport professionnel ; à la gestion et à la commercialisation des droits d'exploitation des compétitions et manifestations sportives ; à la lutte contre la retransmission illicite de ces compétitions et manifestations.
Il en est ainsi décidé.
M. Stéphane Piednoir. - Je tiens d'abord à remercier le rapporteur pour la clarté de sa présentation ainsi que pour la qualité du travail de fond qu'il a mené au travers de ses auditions. Il convient également de saluer la continuité de nos travaux parlementaires : on reproche trop souvent au Parlement de produire des rapports d'information sans suites concrètes. Or,
en l'espèce, les 35 propositions formulées dans le cadre du rapport d'information trouvent ici une traduction législative tangible.
S'agissant du fond de cette proposition de loi, son titre laisse à penser que l'on ambitionnerait de réformer l'ensemble du sport professionnel, en le réglementant davantage et en assainissant ses pratiques. En réalité, comme cela est clairement indiqué dans l'exposé des motifs, le texte vise principalement des problématiques de gouvernance propres au football professionnel français. Il importe donc de garder à l'esprit cet objectif. C'est d'ailleurs l'une des premières réserves que suscite ce texte : on prend prétexte des dysfonctionnements spécifiques au football professionnel pour étendre les mesures à d'autres fédérations et ligues, qui ne rencontrent pas forcément les mêmes difficultés.
Nous pourrions disserter longuement sur l'ultra-domination du Paris Saint-Germain, mais ce que je déplore surtout, c'est qu'il n'y ait que le Paris Saint-Germain. Dans d'autres pays européens, il existe également des dominations fortes, mais elles alternent entre deux ou trois clubs. Il suffit de se pencher sur les palmarès des dix à quinze dernières saisons pour le constater. En Allemagne, toutefois, un seul club a remporté la quasi-totalité des championnats sur la période.
Le secteur du football demeure particulièrement exposé aux dérives : inflation des prix, mais aussi inflation des effectifs au sein des clubs. C'est un point qui m'a particulièrement interpellé à la lecture du rapport. Les effectifs des clubs français sont souvent plus importants que ceux de leurs homologues européens, sans que cela ne se traduise dans les performances. Cet écart mérite une attention approfondie. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, d'y insister en conclusion de votre intervention.
Mais le dysfonctionnement majeur, qui touche plutôt les petits clubs, concerne les dérives liées aux droits de retransmission télévisée.
Je redirai ici ce que j'ai eu l'occasion de dire à plusieurs reprises en commission, l'origine du problème réside dans l'abandon de nos alliés les plus proches et les plus fidèles. L'épisode Mediapro a marqué le début d'une dérégulation du secteur audiovisuel appliqué au football français. L'acteur historique a été totalement délaissé et c'est à lui que l'on a finalement demandé de sauver la fin de saison, dans l'urgence, à des conditions tarifaires discutables. Ensuite, de nouveaux entrants comme Amazon et DAZN ont investi le marché, en proposant des abonnements coûteux, rendus encore plus onéreux par leur multiplication. Ce morcellement détourne le public potentiel des offres officielles et alimente inévitablement le recours au piratage.
Cette dérive répond à une certaine logique, nourrie par le mirage du milliard d'euros par saison, évoqué par le président de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG). On a voulu croire que notre championnat valait cette somme. Depuis, la réalité nous a rattrapés. On a cédé à la folie des
grandeurs, sans considérer que le football reste un spectacle qui mérite simplement un prix d'abonnement raisonnable.
La baisse des droits télévisés, car c'est bien là que nous en sommes, touche très peu les grands clubs, en particulier le Paris Saint-Germain. À titre d'exemple, le PSG percevra 50 millions d'euros pour sa seule participation à la Coupe du monde des clubs cet été, qui est une compétition supplémentaire imposée à des footballeurs professionnels qui réclament déjà un temps de repos. Ce sont donc les petits clubs qui pâtissent de cette situation. Je ne parle pas uniquement d'Angers, mais de nombreux autres clubs confrontés aux mêmes difficultés.
Dès lors, pourquoi ne pas envisager de réduire l'écart de répartition des droits TV, comme le prévoit le texte, en le limitant dans une fourchette de 1 à 3 ? L'idée mérite d'être examinée. Réduire cet écart serait une manière de rétablir un peu d'équité.
Un point essentiel du texte, que le rapporteur, à mon sens, a trop peu souligné, concerne la lutte contre les conflits d'intérêts. Que le football français ait un club dominant n'a rien d'anormal. Le Paris Saint-Germain disputera samedi la finale de la Ligue des champions, ce qui n'est pas un événement courant. En revanche, avoir un président de club qui cumule également des fonctions de dirigeant dans l'audiovisuel constitue une source manifeste de conflit d'intérêts. Il s'agit là de l'un des marqueurs les plus importants du texte : la lutte contre ces conflits d'intérêts qui noyautent l'ensemble du système.
La lutte contre le piratage constitue un autre axe positif. L'Arcom doit assumer son rôle de gendarme de l'audiovisuel, en procédant à des blocages systématiques et en temps réel des flux illicites, à l'instar de ce qui se pratique déjà dans d'autres pays. Rien ne justifie que cela ne soit pas possible en France.
Permettez-moi, pour conclure, de formuler deux réserves et de poser trois questions.
Ma première réserve porte sur la question du plafonnement des rémunérations au sein des ligues. En effet, il existe des conseils d'administration compétents pour juger si la rémunération du président de la ligue est cohérente ou non.
Ma deuxième réserve concerne la création d'une obligation de déclaration d'intérêts auprès de la HATVP. On ajoute ici une contrainte supplémentaire, dont chacun sait combien elle peut se révéler fastidieuse.
J'en viens à mes trois questions. Premièrement, peut-on envisager qu'il y ait un jour un arbitrage du ministère en cas de désaccords entre fédération et ligue ? Deuxièmement, pourquoi introduire un contrôle par la Cour des comptes à l'article 9, alors que rien, à ce jour, n'empêche juridiquement cette institution de mener des contrôles ? Troisièmement, concernant la limitation des effectifs dans les clubs, peut-on espérer une
application à l'échelle européenne, afin d'éviter que la France n'adopte des règles plus strictes que ses voisins, au risque de compromettre la compétitivité de ses clubs ?
M. Jean-Jacques Lozach. - Je salue le travail réalisé par l'auteur de cette proposition de loi et par son rapporteur. À ce stade, le groupe socialiste n'a pas déposé d'amendements, mais il semble qu'il y ait eu une erreur d'interprétation sur la notion de gentlemen's agreement...
L'écueil à éviter dans le cadre de ce texte était de légiférer uniquement sur le football professionnel, et il l'a été. Les lois sur le sport professionnel en général sont rares. La dernière est la loi du 1er mars 2017 visant à préserver l'éthique du sport, à renforcer la régulation et la transparence du sport professionnel et à améliorer la compétitivité des clubs, dite Braillard 2. Mais il est vrai que la loi de 2022 que vous avez citée concernait aussi dans une certaine mesure le sport professionnel. C'est dans le continuum de ces textes que nous devons nous inscrire. Il ne s'agit pas simplement de mettre de l'huile dans les rouages des relations entre une fédération et une ligue professionnelle.
L'occasion s'offre à nous de revenir sur des sujets qui sont souvent évoqués, depuis des années, sans jamais qu'ils fassent l'objet de textes législatifs. C'est le cas notamment du problème des agents sportifs et des intermédiaires, qui donne matière à débat. Nous plaçons donc nos espoirs dans un usage pas trop restrictif de l'article 45 de la Constitution, d'autant que l'intitulé de la proposition de loi est large et ambitieux.
De plus, ce texte n'est pas seulement de circonstance. Ce qui se passe dans le monde du football prend une tournure très médiatique, mais on ne peut le réduire à une crise financière. D'ailleurs, les crises financières se succèdent depuis des décennies dans le football : il suffit de reprendre les titres de la presse d'il y a vingt ans pour le prouver. La crise est également de gouvernance et c'est aussi une crise éthique. Il ne faut surtout pas sous-estimer ces aspects, même si le football français semble se porter très bien par ailleurs.
Ce texte nous donne aussi l'occasion d'anticiper d'éventuels dysfonctionnements ou difficultés qui se rencontrent dans d'autres pratiques sportives, celles-ci se rapprochant du modèle du football, au fil des années, de manière insidieuse.
Je ne reviendrai pas sur ce qui fait consensus, notamment la promotion du sport féminin, la nécessité de renforcer les contrôles et la transparence ou bien encore la lutte contre le piratage.
Je me félicite que ce texte aboutisse à fixer un cadre qui ouvre le champ des possibles sur l'architecture globale de l'écosystème concerné, à partir de ses différentes instances : la fédération, une ou plusieurs ligues professionnelles, une ou plusieurs sociétés commerciales, éventuellement une société des clubs, tout cela en relation avec les partenaires habituels que sont
l'État, les collectivités et les entreprises. Derrière cette architecture s'affirme la volonté clairement justifiée de responsabiliser davantage les acteurs.
Les élus du groupe socialiste sont globalement favorables à ce texte.
M. Pierre-Antoine Levi. - Je prends la parole également au nom de
M. Claude Kern, qui n'a malheureusement pas pu assister à cette réunion.
Je tiens à vous féliciter, monsieur le rapporteur, pour les amendements que vous avez déposés, et à saluer le président Lafon pour cette proposition de loi qui va dans le bon sens. Tous deux, vous avez conduit un travail approfondi, à la hauteur de l'urgence de la situation. Le texte s'attaque à des dysfonctionnements clairement identifiés par la mission d'information.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la question du piratage : 55 % des téléspectateurs ont regardé illégalement le match opposant Marseille au Paris Saint-Germain en octobre dernier. Pour l'année 2023, le manque à gagner s'élève à 290 millions d'euros. Ce sont des sommes considérables. Face à une telle situation, il devenait impératif d'agir. Votre rapport d'information intitulé Football-business : stop ou encore a posé un diagnostic lucide, et cette proposition de loi y apporte des réponses concrètes et structurantes.
J'aimerais également dire quelques mots sur l'émoi que certains articles du texte ont suscité. Nous avons tous reçu des messages de l'Association nationale des ligues de sport professionnel, soulignant que, dans leurs disciplines respectives, les relations entre fédérations et ligues se déroulaient de manière satisfaisante. Vous avez eu raison de clarifier que la situation visée par le texte concernait principalement les relations entre la Fédération française de football et la Ligue de football professionnelle, lesquelles sont, en quelque sorte, le vaisseau amiral du dispositif. Les amendements que vous avez présentés permettent, à cet égard, de rassurer les autres ligues.
Certains de ces amendements vont, à mon sens, dans le bon sens.
C'est le cas de l'amendement COM-11, qui vise à limiter à 25 % la représentation des clubs professionnels dans les assemblées générales des fédérations, contribuant ainsi à préserver l'équilibre démocratique et à garantir le rôle des fédérations en tant que dépositaires de la délégation de service public.
De même, les amendements COM-4 et COM-5 à l'article 2 visent à introduire des garanties procédurales essentielles, notamment un délai de six mois et l'avis du ministre. Ils instaurent ainsi un équilibre satisfaisant entre exigence de régulation et sécurité juridique.
Le dispositif est également amélioré à l'article 3, par l'amendement COM-6 qui vise à privilégier la consultation régulière des supporters plutôt qu'une représentation formelle, qui serait lourde à organiser.
Enfin, l'amendement COM-9 vise à fixer dans la loi un écart maximal de 1 à 3 dans la répartition des droits audiovisuels, répondant ainsi à un objectif fondamental de solidarité et d'équilibre concurrentiel entre les clubs.
Les amendements que vous allez présenter illustrent la qualité du travail accompli, en particulier la prise en compte rigoureuse de ce que nous avons entendu lors des auditions. Ils visent à modifier de manière significative un texte qui, dans son orientation générale, va plutôt dans le bon sens pour l'avenir du sport professionnel.
Je me permets de transmettre quelques mots de la part de Claude Kern, qui a déposé un certain nombre d'amendements. Je sais, monsieur le rapporteur, que vous avez émis un avis favorable sur l'un d'entre eux. S'agissant des autres amendements, ils permettront d'ouvrir un débat utile en séance, susceptible de rassurer les différentes ligues qui nous suivent avec attention et qui écouteront nos échanges.
M. Pierre Ouzoulias. - Je dois excuser mon collègue Jérémy Bacchi, qui n'a pas pu être présent, ce qui m'oblige à parler de football. Rien ne m'aura été épargné... (Sourires.)
Avant tout, permettez-moi, monsieur le rapporteur, de vous adresser nos remerciements sincères. Nous savons dans quelles conditions de pression extérieure vous avez mené votre mission. Vous y avez résisté, et il faut le souligner : ceux qui ont flanché ne sont pas ceux que l'on aurait soupçonnés au départ. Ce sont bien les propositions du Sénat qui, finalement, l'ont emporté et qui ont suscité l'adhésion de la Fédération française de football, preuve qu'il y avait derrière ces propositions une réelle logique et une forme de bon sens.
C'est une issue satisfaisante, d'autant plus précieuse en cette période où les missions d'information parlementaires font parfois l'objet de critiques fortes. Or, il me semble au contraire que la mission de contrôle du Parlement prend toute sa dimension et gagne en légitimité. C'est un développement tout à fait intéressant.
Autre remarque de fond, il est essentiel que cette commission ne se limite pas à une lecture strictement culturelle ou sportive des enjeux, mais prenne systématiquement en compte leur dimension économique. Il ne faut pas dissocier les deux. Nos travaux sur l'intelligence artificielle l'attestent : derrière chaque avancée technologique se cachent des enjeux économiques majeurs. Il en va de même pour le sport. Adopter une vision globale, qui intègre à la fois les enjeux liés à la pratique individuelle et ceux liés à l'économie du sport, constitue un impératif.
Ce constat vaut également dans le domaine de la culture. L'évolution rapide des moyens de communication et des nouveaux médias exige que nous réfléchissions à d'autres modèles d'organisation. Comme l'a souligné à juste titre notre collègue Stéphane Piednoir à plusieurs reprises, il est nécessaire de conforter l'Arcom dans un certain nombre de ses missions, notamment en
matière de lutte contre le piratage, car il est évident que l'Arcom française ne dispose pas des mêmes moyens que ses homologues européens. Si nous échouons à traquer le piratage, c'est aussi parce que nous n'avons pas doté notre autorité de régulation des outils nécessaires.
La même logique prévaudra dans nos travaux futurs sur l'intelligence artificielle.
Enfin, je souscris à ce qu'ont dit mes collègues : il est très important d'avoir réussi à identifier, dans votre rapport puis dans la proposition de loi, le caractère non opérant des subdélégations. Elles relevaient de la fiction. Il n'existait plus, en réalité, de subdélégations, mais les ligues s'organisaient de manière complètement indépendante, oubliant ce qui constitue pourtant le fondement de la loi du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, à savoir l'attribution de missions de service public aux fédérations. Vous y revenez avec force dans ce texte, et c'est fondamental.
Au cours de la discussion, nous vous ferons des propositions visant à faire mieux reconnaître la mission éducative des fédérations. Ces derniers mois, les débats ont souvent mis en lumière l'importance du sport dans notre société, en particulier concernant les mineurs dans les clubs. Il devient absolument indispensable de compléter la loi de 1984 pour y inscrire explicitement cette mission éducative, essentielle. Les fédérations accueillent de jeunes mineurs, qu'elles accompagnent non seulement dans leur formation sportive, mais aussi dans leur instruction et dans leur éducation. Ce rôle doit désormais être inscrit dans la loi, car les fédérations en ont besoin. Vous comprenez certainement le sujet auquel je fais allusion, à savoir le port du voile.
Nous sommes pleinement favorables à cette proposition de loi. Nous continuerons de travailler avec vous en séance publique, sur un certain nombre d'amendements.
Mme Mathilde Ollivier. - Monsieur le rapporteur, vous avez mené un très grand nombre d'auditions, qui se sont révélées particulièrement fructueuses. Surtout, vous avez eu le mérite de réentendre l'ensemble des acteurs déjà auditionnés lors de la mission d'information. Ce travail se traduit de manière concrète par les nombreux amendements que vous avez déposés.
Ces derniers mois, plusieurs alertes ont été lancées sur le fonctionnement des fédérations sportives. Je pense notamment à la commission d'enquête de l'Assemblée nationale relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif en tant qu'ils ont délégation de service public, dont la rapporteure était Mme Sabrina Sebaihi. Ces travaux, comme le vôtre, ont mis en évidence des dysfonctionnements persistants, tant dans les relations entre fédérations et ligues que dans la manière d'aborder certaines questions de société
fondamentales. La manière dont les plus jeunes, en particulier les jeunes femmes, sont accueillis dans le sport exige des adaptations. Les fédérations doivent intégrer pleinement la problématique des violences sexistes et sexuelles dans leurs politiques.
Ce texte va dans ce sens : il constitue un pas important vers une gouvernance du sport plus vertueuse, plus éthique, mais aussi mieux préparée à prévenir les conflits potentiels que vous avez identifiés, tant dans l'historique que dans la situation actuelle des relations entre fédérations et ligues.
Je souhaite revenir sur trois points.
Premièrement, l'article visant à réduire l'écart de répartition des droits audiovisuels entre les clubs, en le plafonnant à un rapport de 1 à 3, me paraît important, y compris pour l'attractivité de notre championnat de football. Je me souviens de l'une des auditions, au cours de laquelle des analystes spécialisés dans le modèle économique du football français soulignaient que l'intérêt du championnat dépendait de l'intensité de la compétition entre les clubs. Une trop grande concentration des ressources au sommet, autour d'un seul club, en l'occurrence le Paris Saint-Germain, nuit à la visibilité des autres clubs. Or, c'est bien la densité de la compétition qui alimente l'intérêt du championnat et, par ricochet, la valeur des droits de retransmission télévisuelle.
Deuxièmement, le plafonnement des revenus des présidents de ligue est aussi un sujet important. Pierre Ouzoulias vient de rappeler la délégation de service public qui a été confiée aux fédérations. Les ligues doivent rapporter des revenus aux fédérations. D'où la nécessité de cadrer le dispositif. Dans cette perspective, le plafonnement des revenus est une mesure importante.
Troisièmement, les déclarations auprès de la HATVP sont, à mon sens, indispensables pour garantir l'éthique et la probité dans le sport. Il est devenu crucial d'y réintroduire un minimum de transparence, et cette mesure constitue, de ce point de vue, un pas important.
Un mot encore sur la question de la subdélégation : nous avons tous été destinataires de messages d'alerte de la part de plusieurs ligues. Les amendements que vous avez proposés, nourris par les nombreuses auditions menées, apportent une réponse équilibrée à ces inquiétudes. La réécriture de l'article, notamment avec l'introduction de l'avis du ministre et la redéfinition de la notion d'intérêt général, permet de dégager un compromis solide.
Le groupe écologiste soutiendra cette proposition de loi. Nous avons déposé un amendement visant à ouvrir le débat sur la question de l'homophobie dans les clubs, car il est important de pouvoir la traiter.
M. Ahmed Laouedj. - Cette proposition de loi aborde une réalité que nul ne peut plus ignorer : le sport professionnel traverse une crise de son
modèle, marquée par des dérives financières, un déficit de transparence et une concentration inquiétante du pouvoir entre les mains de quelques acteurs privés.
Je salue la volonté affichée dans ce texte de mieux encadrer la gouvernance, de moraliser les rémunérations, de réaffirmer le rôle des fédérations délégataires et, surtout, de restaurer un équilibre plus juste dans la gestion des droits commerciaux et audiovisuels. Ce sont des sujets sur lesquels j'ai eu l'occasion de m'exprimer à plusieurs reprises, en commission comme lors des auditions menées l'année dernière.
Si cette loi apporte des réponses utiles, elle néglige cependant un pilier fondamental du sport français, à savoir les clubs amateurs. Or ce sont eux qui assurent la formation des jeunes, accueillent les familles et entretiennent le lien social dans nos territoires. En Seine-Saint-Denis, comme dans bien d'autres départements, ce sont les bénévoles, les éducateurs de terrain et les petits clubs souvent sans moyens qui tiennent le football debout semaine après semaine.
Je regrette que le texte ne prévoie aucune mesure forte en matière de redistribution vers le monde amateur. On évoque des milliards d'euros issus des droits de diffusion télévisée, mais aucun fléchage obligatoire ne vient soutenir ceux qui forment les futurs professionnels. Certes, il faut légiférer pour mieux organiser le sport professionnel, mais cela ne peut se faire sans mieux soutenir aussi la base.
Avec les élus du groupe RDSE, nous proposerons donc plusieurs amendements allant en ce sens : la création d'un fonds de solidarité obligatoire entre ligues, clubs professionnels et clubs amateurs, ainsi qu'une représentation accrue des clubs formateurs dans la gouvernance des instances. Une réforme du sport ne saurait ignorer ceux qui en sont les fondations.
Mme Catherine Belrhiti. - Cette proposition de loi encadre davantage les relations entre les ligues et les fédérations. Comment garantir que cela ne se traduira pas par une recentralisation étatique au détriment de l'autonomie du secteur professionnel ?
Le principe de solidarité sera-t-il contraignant pour les ligues bénéficiaires et quels critères objectifs guideront la redistribution ?
Enfin, quelles garanties concrètes seront mises en place pour éviter des prises de contrôle spéculatives, notamment par des investisseurs étrangers ?
M. Jacques Grosperrin. - Monsieur le président, monsieur le rapporteur, je tiens à vous féliciter pour le courage et la sincérité qui ont présidé à vos travaux et qui aboutissent aujourd'hui à une proposition de loi essentielle.
Si le texte s'applique au sport professionnel dans son ensemble, il vise en réalité, comme l'a rappelé Stéphane Piednoir, la situation spécifique du football français.
Le rapport d'information issu de la mission d'information a mis en lumière un modèle économique à bout de souffle, gangrené par une forme d'omerta au sein de la Ligue de football professionnel (LFP) et par la perte d'attractivité persistante de notre championnat.
En tant qu'élu du Doubs, je suis particulièrement sensible à ce sujet. Le FC Sochaux, fondé en 1928, fut le premier club professionnel du pays et la Coupe Sochaux a porté en quelque sorte les prémices du premier championnat de France professionnel. Le Stade de Reims, certes, a vu le jour en 1931, mais le football professionnel français était déjà représenté dans le Doubs en 1928.
Le rapport d'information intitulé Football-business : stop ou encore a établi un diagnostic sans appel. Vous avez eu raison, monsieur le rapporteur, de vous saisir de cette occasion pour interroger non seulement le modèle économique du football, mais aussi la gouvernance de la LFP et son manque de transparence.
J'aurai trois questions à vous poser.
Premièrement, étant donné la place de la Fédération française de football dans le système que vous proposez, quelles seraient les conséquences du retrait de la subdélégation prévu à l'article 2 pour la LFP ?
Deuxièmement, concernant le piratage, il était impératif d'intervenir. Ce phénomène représente une perte estimée à plus de 290 millions d'euros, mais également un manque à gagner pour les finances publiques, notamment via la taxe Buffet créée en 2000.
Troisièmement, plusieurs pays, comme l'Italie, ont tenté de restreindre l'accès aux sites illicites. Dans ce contexte, quels moyens techniques l'Arcom pourrait-elle mobiliser pour agir efficacement contre le piratage ?
M. Aymeric Durox. - Un point n'a pas encore été abordé, qui pourrait mettre à mal les fondements mêmes de cette proposition de loi : la désaffection croissante des plus jeunes générations pour le football.
Cette tendance s'explique notamment par la durée des retransmissions, de moins en moins compatible avec les habitudes de consommation des plus jeunes, qui zappent aisément d'un écran à l'autre. L'offre de loisirs s'est également considérablement élargie depuis vingt, trente ou quarante ans. Et toutes les études le confirment, les jeunes regardent de moins en moins les matchs de football. Ce désintérêt progressif pourrait, à moyen terme, compromettre la viabilité du modèle économique sur lequel repose le football professionnel en France.
Ce phénomène n'est pas propre à notre pays. Il touche également des nations où la culture footballistique est plus profondément enracinée, comme l'Espagne, l'Italie, la Grande-Bretagne ou même l'Allemagne. En France, le football reste moins ancré dans la culture populaire. Si cette dynamique se poursuit, il est probable que, d'ici à dix ou quinze ans, nous devions rouvrir ce débat, dans un contexte encore plus critique.
En tant que supporter du Paris Saint-Germain, je souhaite le meilleur à ce club pour la finale à venir. Que le PSG l'emporte ne serait pas seulement une victoire pour lui, mais aussi pour la France toute entière. Une deuxième victoire en Ligue des champions serait la bienvenue.
M. Michel Savin, rapporteur. - Stéphane Piednoir a en quelque sorte
« soviétisé » cette proposition de loi. Même si elle semble, à première vue, fléchée sur le football, elle concerne en réalité l'ensemble des sports. Je souhaite, à cet égard, évoquer quatre grands sujets transversaux.
Le premier concerne la subdélégation. Toutes les fédérations disposant d'une ligue ont été ou peuvent être confrontées à ce type de tensions. Cela a été le cas dans le rugby et le basket, avec des périodes marquées par de forts conflits entre les fédérations et les ligues. Comme l'a rappelé notre collègue Pierre Ouzoulias, il est devenu nécessaire de clarifier juridiquement le régime des subdélégations, car jusqu'à présent, rien n'était précisément encadré.
Le deuxième sujet d'importance, commun à toutes les ligues, est celui de l'encadrement des revenus. Certes, la Ligue nationale de volley-ball ou de handball n'atteint pas les niveaux financiers du football, mais mieux vaut prévenir les dérives en instaurant un cadre dès aujourd'hui.
La lutte contre le piratage est un troisième enjeu transversal, qui concerne aussi le rugby via son diffuseur Canal+. On peut espérer que, demain, d'autres disciplines auront des droits de diffusion dignes de ce nom. Pour garantir la viabilité économique de l'ensemble du sport professionnel, il est impératif d'encadrer strictement cette question du piratage.
Enfin, l'encadrement de la masse salariale des joueurs, et son plafonnement sont un quatrième enjeu qui concerne l'ensemble des sports. Cela peut prendre la forme d'un pourcentage de la masse budgétaire dans certains sports, ou d'un plafond salarial fixé club par club, comme c'est le cas dans le rugby. L'essentiel est de garantir que les budgets qui sont arrêtés seront respectés.
Sur ce point, lors des auditions, les représentants de la DNCG nous ont dit que, dans le cadre d'un contrôle budgétaire, la question posée au club était de savoir si l'actionnaire principal était en capacité d'absorber le déficit. Certains clubs n'ont aucune inquiétude à ce sujet. Ainsi, lorsqu'un club appartient à un État ou à un actionnaire doté de ressources quasiment illimitées, il peut aisément répondre aux exigences de la DNCG : si le budget prévisionnel est dépassé de 100 millions, ou même 200 millions d'euros,
l'actionnaire principal peut déclarer qu'il est en mesure d'absorber le déficit. Ce n'est évidemment pas le cas des trois quarts des clubs français.
Il ne s'agit pas ici de diminuer les budgets, mais d'introduire un principe fondamental : lorsqu'un budget important est annoncé en début de saison, il doit être respecté et réalisé. S'il ne l'est pas, des conséquences doivent suivre. C'est précisément ce que prévoient certains des amendements que nous proposerons : des pénalités, à la fois financières et sportives, pourraient être appliquées.
S'agissant du dérapage des droits télévisés, je souscris aux propos de Stéphane Piednoir. La dérive a commencé avec Mediapro. Ce qui nous a étonnés, pour ne pas dire choqués, c'est le fait qu'aucune leçon n'ait été tirée, de sorte que la Ligue de football professionnel a enchaîné les mauvaises décisions avec Amazon, puis DAZN, courant toujours après le mirage du milliard d'euros. Aujourd'hui, nous en sommes très loin. Il nous a donc paru important de recadrer les choses.
Sur la question de la redistribution, plusieurs d'entre vous y ont fait référence. Le plafonnement que nous proposons, soit un rapport de 1 à 3 dans la répartition des droits, ne s'applique qu'aux recettes issues des droits audiovisuels français, c'est-à-dire les droits domestiques et européens. Cela ne concerne pas les revenus perçus au titre des compétitions européennes ni ceux provenant de la Coupe du monde des clubs. Ces ressources, majoritairement versées par l'Union européenne des associations de football (UEFA) ou dans le cadre de cette nouvelle compétition mondiale, restent en dehors du périmètre de cette mesure.
L'objectif est clair : il s'agit d'instaurer une forme de solidarité entre les clubs de première division. Le rapport de 1 à 3 que nous proposons reste dans la norme des comparaisons internationales. Toutes les ligues professionnelles françaises dans les autres disciplines sportives sont en dessous de ce seuil. À l'étranger, on retrouve des rapports similaires, parfois plus faibles encore. Le championnat anglais, par exemple, est en dessous, tandis que l'Italie et l'Espagne tournent autour de 3,2. Nous sommes donc dans une moyenne raisonnable, équilibrée et conforme aux standards européens.
Nous reviendrons en arrière sur la liste des personnes soumises à déclaration d'intérêts. Dans certaines ligues, les dirigeants sont bénévoles. Pour ne pas les décourager, nous devons réduire le périmètre des personnes concernées par une telle déclaration.
Il y aura bien un arbitrage ministériel en cas de demande de suppression d'une délégation, en plus d'une procédure contradictoire.
Le problème des effectifs pèse de façon très importante au sein des clubs. Les ligues sont tentées de définir des règles sur le nombre de contrats. Nous souhaitons que ce nombre n'intègre pas les jeunes formés par les centres de formation des clubs, afin de ne pas pénaliser la formation française.
Certains clubs ont un nombre important de joueurs professionnels qui pèsent sur la masse salariale, alors qu'une partie d'entre eux ne jouent même pas une minute dans le championnat...
Il faudra préciser lors de la séance publique que la Cour des comptes peut contrôler les exercices antérieurs à la promulgation de la loi. Nous travaillons encore avec la Cour, qui actuellement ne peut pas contrôler les ligues, contrairement aux fédérations. Nous souhaitons qu'elle puisse le faire.
Monsieur Lozach, les agents publics défraient souvent la chronique. Il y a des situations ahurissantes : agressions, prises d'otage... La mère du joueur nantais Emiliano Sala, décédé lors d'un transfert, m'a demandé de la recevoir : il y a un conflit en cours. Des personnes qui n'ont pas de contrat donnaient leur licence à quelqu'un d'autre... Tout cela doit être réglementé. Les agents sportifs perçoivent 10 % pour chaque contrat. Nous voulons établir un cadre pour la formation de ces agents, avec un suivi et un contrôle beaucoup plus rigoureux de cette profession.
Il faut fixer un cap et responsabiliser les différents responsables, aussi bien dans les fédérations que dans les ligues. On nous accuse de lancer une bombe atomique avec notre proposition de possibilité de retrait de subdélégation, qui est en réalité très encadrée. Elle permettra à la fédération de réagir : c'est elle qui détient la délégation de service public. On ne peut laisser faire les ligues et attendre la fin de la délégation pour rediscuter la convention. Cette possibilité existe, mais ce n'est pas une obligation.
Monsieur Levi, le manque à gagner dû au piratage atteint 300 millions d'euros. Pire, le phénomène s'est banalisé : on voit des publicités expliquant comment il faut pirater !
Le président Lafon propose de prendre en compte le nombre d'abonnements nécessaires pour regarder un championnat de France, et de donner la possibilité, dans la consultation, d'avoir un lot unique pour l'audiovisuel. Cela permettrait d'avoir un seul diffuseur avec un seul abonnement et d'éviter la multiplication des abonnements.
Des amendements seront déposés pour la séance publique afin de rassurer les ligues. Nous avons lu les courriers et entendu les prises de parole de certains présidents, évoquant des lignes rouges. Nous pourrons, en séance publique, expliquer le rôle et le parcours de chacun, ainsi que l'objectif de cette loi. Il faut remettre l'église au milieu du village.
Monsieur Ouzoulias, merci d'avoir rappelé que les propositions du Sénat font suite à une mission d'information. Cela envoie un message positif sur la qualité et la pertinence de nos travaux. Bien sûr, il ne faut pas distinguer les enjeux sportifs et les enjeux économiques. L'économie du sport professionnel doit avoir un impact sur le sport amateur. Même si cela ne relève pas de cette proposition de loi, nous devons travailler sur la redistribution des ressources. Les conventions entre les ligues et les fédérations doivent être révisées. Lorsqu'une convention est signée, quel est le pourcentage des
ressources professionnelles pouvant revenir à la fédération pour le sport amateur ? Nous proposons de ramener à 25 % la part de la ligue dans les décisions du conseil d'administration et l'élection du président. Actuellement, la ligue a plus de 33 %. Comment un président de fédération peut-il décider lorsque les clubs professionnels pèsent 33 % au moment de son élection ? Nous avons choisi de réduire le poids des clubs professionnels. C'est la seule fédération où les clubs professionnels ont autant de poids pendant l'élection. Si demain, une société de clubs réunit les clubs professionnels et la fédération, le président ne doit pas être fragilisé par rapport aux clubs professionnels. Je sais que ni la fédération ni la ligue ne sont favorables à cette proposition, mais je la maintiens.
Vous avez raison de rappeler les obligations de la subdélégation. Madame Ollivier, merci de rappeler que ce texte permet d'avancer.
Les droits domestiques ne vont pas changer l'écart entre les budgets des clubs. Les riches le resteront, les autres le seront moins. Mais limiter la répartition des droits de télévision de 1 à 3 rééquilibrera la situation. Cela ne provoquera pas une baisse financière trop importante pour les gros clubs, mais donnera des ressources complémentaires aux plus petits, et évitera que l'écart ne se creuse de plus en plus.
Le président Lafon propose que les présidents de ligue touchent l'équivalent de ce que touchent les présidents de la SNCF et d'EDF, qui manient des budgets de plusieurs milliards d'euros et gèrent des milliers d'agents. Je veux bien qu'on m'explique que c'est difficile, mais soyons cohérents, dans le contexte actuel.
Le retrait de la subdélégation sera encadré par une phase contradictoire et par un avis de la ministre.
Monsieur Laouedj, ce texte n'aborde pas le volet amateur, mais aussi bien les redistributions que les conventions peuvent évoquer ce sujet par fédération.
Madame Belrhiti, nous prévoyons que la DNCG donne un avis public sur les investissements étrangers. Lorsqu'elle étudie certains dossiers sans avis public, on peut s'interroger sur son rôle, quelques années plus tard, en cas de défaillances de clubs. Or cette direction avait donné des avis négatifs ou fait des remarques sur certaines reprises de clubs qui n'avaient pas été pris en compte par la ligue. Même s'il n'est pas détaillé, l'avis doit être public. Nous travaillerons également à améliorer et renforcer ce dispositif d'ici à la séance publique.
Monsieur Lozach, merci pour vos remarques et d'avoir reconnu notre
travail.
Monsieur Durox, certaines applications essaient d'être développées
auprès des diffuseurs, pour les jeunes. Les jeunes sont très axés sur le piratage. Si l'on prend des mesures fortes contre le piratage, les acteurs doivent aussi
développer d'autres applications qui répondent à une demande nouvelle. Les jeunes ne veulent parfois pas regarder l'intégralité d'un match, mais certains extraits, ou regarder uniquement les matchs de leur club. La société commerciale devra y travailler avec l'ensemble des acteurs - CVC, les clubs et aussi l'ensemble des diffuseurs - pour améliorer la qualité des produits proposés.
EXAMEN DES ARTICLES
Avant l'article 1er
M. Michel Savin, rapporteur. - L'amendement COM-11 rectifié précise la gouvernance des fédérations sportives délégataires, en cohérence avec le reste de la proposition de loi. D'une part, il encadre la rémunération des dirigeants des fédérations, en instaurant un plafond, conformément à une norme qui est déjà mise en oeuvre par les fédérations sportives. L'amendement inscrirait dans la loi le plafond existant pour les associations dont les revenus sont supérieurs à 200 000 euros, soit 11 800 euros par mois, revalorisés annuellement.
D'autre part, afin de garantir la portée effective du rôle conféré à la fédération dans la société commerciale issue de la proposition de loi, l'amendement limite la part des représentants des clubs à statut professionnel au sein de l'assemblée générale de la fédération à 25 %.
L'amendement COM-11 rectifié est adopté et devient article additionnel.