EXAMEN DES ARTICLES
ARTICLE 1er
Formalisation d'une mission de suivi
spécifique du marché de l'assurance des collectivités
territoriales confiée à l'ACPR
Le présent article vise à confier à l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) une mission de suivi spécifique du marché de l'assurance des collectivités territoriales. Il précise également que les prérogatives de mise en garde dont dispose l'ACPR peut s'appliquer à des pratiques commerciales s'exerçant à l'égard des collectivités territoriales.
Si l'ACPR assure d'ores et déjà la supervision du secteur de l'assurance, les travaux de la mission d'information de la commission des finances sur les problèmes assurantiels rencontrés par les collectivités territoriales, ont établi que l'autorité avait une interprétation excessivement restrictive de ses prérogatives de police administrative et de sanction. Cette situation peut s'expliquer par le fait que l'ACPR, comme les compagnies d'assurance, assimile les collectivités à des entreprises dans leur compréhension du marché.
Dès lors, la commission des finances estime opportun de préciser, dans le code monétaire et financier, que l'ACPR doit tenir compte des spécificités qui s'attachent aux collectivités dans sa supervision du secteur de l'assurance. Elle a donc adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : L'ACPR, SUPERVISEUR DU SECTEUR DE L'ASSURANCE, INTERPRÈTE DE MANIÈRE RESTRICTIVE SES PRÉROGATIVES S'AGISSANT DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS
A. L'ACPR, AUTORITÉ DE SUPERVISION DES ENTITÉS DU SECTEUR DE L'ASSURANCE
1. Une mission de supervision des entreprises d'assurance
Issue de la fusion, par l'ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 20102(*), des autorités préexistantes de supervision des entités du secteur bancaire et du secteur assurantiel3(*), l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) est chargée de veiller « à la préservation de la stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle »4(*). Concernant le secteur de l'assurance, l'ACPR assure la protection de la clientèle et veille au respect, par les assureurs, de leurs obligations prudentielles.
L'article L. 612-2 du code monétaire et financier (CMF) établit une liste exhaustive des entités qui relèvent de la compétence de l'ACPR, dans le secteur de la banque, des services de paiement et des services d'investissement comme dans le secteur de l'assurance.
2. Des prérogatives de contrôle, de police administrative et de sanction des entités supervisées
Dans l'exercice de sa mission de supervision du secteur de l'assurance, l'ACPR dispose de larges prérogatives.
Il s'agit, tout d'abord, de prérogatives de contrôle sur pièces et sur place des entités supervisées, exercées par le secrétaire général de l'ACPR, en application de l'article L. 612-23 du CMF. Le contrôle sur place peut faire l'objet d'une extension à d'autres organismes liés5(*).
Dans le cadre de ses prérogatives de contrôle sur pièces et sur place, l'autorité peut obtenir tout renseignement ou information de l'entité visée6(*) et, dans certains cas, prononcer une injonction assortie d'une astreinte7(*). En cas de contrôle sur place, elle établit un rapport, porté à la connaissance des dirigeants de l'entité8(*).
L'autorité est dotée, ensuite, de pouvoirs de police administrative, qui comprennent notamment :
- la mise en garde, qui peut être décidée à l'encontre de la poursuite, par une entité supervisée, de pratiques commerciales susceptibles de mettre en danger les intérêts de ses clients, assurés, adhérents ou bénéficiaires9(*) ;
- la mise en demeure de toute « personne soumise à son contrôle de prendre, dans un délai déterminé, toutes mesures destinées à sa mise en conformité » à ses obligations10(*) ;
- la possibilité de demander à toute personne soumise à son contrôle de lui soumettre pour approbation un programme de rétablissement11(*) ;
- des mesures conservatoires, qui peuvent être engagées dès lors que la solvabilité ou la liquidité de l'entreprise ou que les intérêts des assurés sont compromis ou susceptibles de l'être12(*). Ces mesures vont du placement de l'entreprise sous surveillance à l'interdiction de certaines de ses activités, en passant par l'interdiction de distribution d'un dividende aux actionnaires ;
- la désignation d'un administrateur provisoire auprès de la personne contrôlée, auquel sont transférés tous les pouvoirs d'administration, de direction et de représentation de la personne morale, ou un ou plusieurs administrateurs temporaires13(*).
Elle peut, enfin, exercer un pouvoir de sanction à l'encontre des entités supervisées. Aux termes de l'article L. 612-39 du code monétaire et financier, ces prérogatives peuvent notamment être exercées lorsque l'entreprise supervisée a enfreint une disposition au respect de laquelle l'ACPR a pour mission de veiller, qu'elle n'a pas remis le programme de rétablissement demandé par l'ACPR, n'a pas tenu compte d'une mise en garde ou n'a pas déféré à une mise en demeure. Ce même article L. 612-39 établit une gradation des sanctions disciplinaires, allant de l'avertissement au retrait total d'agrément. À noter que les sanctions disciplinaires peuvent s'accompagner de sanctions pécuniaires.
B. S'AGISSANT DU SEGMENT DU MARCHÉ DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES, L'ACPR NE S'EST PAS SAISIE DE L'ENSEMBLE DE SES PRÉROGATIVES
Les travaux de la mission d'information sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales de la commission des finances ont permis de disposer d'une évaluation précise de l'exercice, par l'ACPR, de sa mission de supervision du secteur de l'assurance, sur le segment spécifique des collectivités territoriales.
En particulier, l'ACPR est intervenue pour prévenir la défaillance d'un acteur historique du marché de l'assurance des collectivités : la Smacl. Pour rappel, cette compagnie d'assurance s'est engagée dans les années 2010 dans une stratégie de domination du marché caractérisée par des pratiques tarifaires décorrélées de la sinistralité. Sans revenir sur le détail des difficultés de cet opérateur14(*), qui ont contribué à la forte concentration actuelle du marché, à la fin de la décennie 2010, la Smacl s'est retrouvé en très grande difficulté. Cette situation résultait d'une politique de souscription et de tarification sans rapport avec sa tolérance aux risques, d'une gestion douteuse et d'une réorientation inadaptée vers l'assurance des flottes de véhicules d'entreprises. Les résultats inquiétants ont suscité l'intervention du superviseur. L'ACPR a demandé en septembre 2020 à la Smacl la mise en oeuvre d'un programme de rétablissement, en application de l'article L. 612-32 du code monétaire et financier.
À cet égard, le rapport de la mission d'information sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales a souligné que l'intervention de l'ACPR a permis d'éviter la défaillance de la Smacl, laquelle défaillance aurait conduit quelque 16 000 collectivités à se retrouver en défaut d'assurance.
Pour autant, le rapport souligne également la tardiveté de l'intervention du superviseur et sa réticence à se saisir de l'ensemble de ses prérogatives.
En premier lieu, l'intervention tardive du superviseur peut s'expliquer par le fait que l'ACPR, comme les compagnies d'assurance, assimile les collectivités à des entreprises dans leur compréhension du marché. Elle n'assure aucun suivi spécifique de cette catégorie de clientèle, pourtant soumises à des règles distinctes de passation des marchés d'assurance et assurant des missions de service public.
En second lieu, les auditions menées par la mission d'information et les documents qui lui ont été transmis ont permis d'établir que l'autorité a très peu sollicité les prérogatives dont elle dispose en application du code monétaire et financier. En particulier, l'autorité n'a pas eu recours à des mesures de police intermédiaires comme la mise en garde, prévue à l'article L. 612-30 du CMF, qu'elle estime réservée « aux pratiques commerciales vis-à-vis des particuliers »15(*).
Le seul usage documenté de ces pouvoirs de sanction a été la menace orale adressée à la Smacl d'un retrait d'agrément qui constitue la sanction la plus forte si celle-ci ne rétablissait pas un niveau de fonds propres satisfaisant. Ce n'est que plus tard, en septembre 2020, que l'ACPR a exigé de la Smacl la mise en place d'un programme de rétablissement.
L'ensemble de ces éléments a conduit le rapporteur général, Jean-François Husson, à conclure dans le rapport de la mission d'information dont il était rapporteur : « le superviseur interprète de façon trop restrictive l'étendue des prérogatives qui lui sont reconnues par la loi »16(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE EXPLICITATION DU SUIVI PAR L'ACPR DU SECTEUR DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
Le 1° du présent article insère un nouveau III bis à l'article L. 612-1 du code monétaire et financier, qui définit les missions de l'ACPR. Ce nouvel alinéa précise que dans l'accomplissement de ses missions, l'autorité prend en compte l'objectif d'assurabilité des collectivités territoriales.
Le 2° du présent article modifie l'article L. 612-30 du même code, relatif à la prérogative de mise en garde de l'ACPR, pour préciser le champ des personnes visées par les pratiques commerciales d'une personne, soumise au contrôle de l'autorité, qui justifient l'usage de cette prérogative. Il peut s'agir tant de personnes physiques que de personnes morales, y compris les collectivités territoriales.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : DES PRÉCISIONS À MÊME DE CONFORTER LE RÔLE DE SUPERVISION DE L'ACPR SUR LE MARCHÉ DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS
Dès lors que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution conserve une interprétation restrictive de sa mission de supervision du marché de l'assurance sur le segment spécifique de l'assurance des collectivités, et des prérogatives qui y sont attachées, le dispositif du présent article vient opportunément expliciter la conduite de cette mission.
D'une part, la prise en compte par l'ACPR, dans l'exercice de ses compétences de supervision du secteur de l'assurance, de l'objectif d'assurabilité des collectivités territoriales devrait inciter l'autorité à opérer un suivi spécifique de cette catégorie de clientèle. Plusieurs facteurs distinguent, en effet, les collectivités territoriales des entreprises pour les contrats d'assurance auxquels elles souscrivent.
Saisie le 28 mars 2024, par le Président de la commission des finances sur le fondement de l'article L. 462-1 du code de commerce, d'une demande d'avis concernant la situation concurrentielle dans le secteur de l'assurance des dommages aux biens des collectivités territoriales en France, l'Autorité de la concurrence (ADLC) a recensé cinq arguments plaidant en faveur d'une segmentation entre les collectivités territoriales et les autres catégories de professionnel17(*) :
- premièrement, les collectivités territoriales sont soumises aux règles de passation des marchés établies par le code de la commande publique, à l'inverse des entreprises et des associations ;
- deuxièmement, le prix constitue généralement le critère d'attribution déterminant dans les procédures d'appels d'offres menées par les collectivités ;
- troisièmement, la diversité des missions de service public assurées par les collectivités territoriales résulte sur une hétérogénéité de leur patrimoine supérieure à celui des entreprises et des associations ;
- quatrièmement, les collectivités, en raison de la diversité de leur patrimoine, de l'accessibilité de leurs biens au public et de leur défaut de prévention sont davantage exposés aux risques climatiques et sociaux ;
- cinquièmement, cette spécificité est partiellement reconnue par les assureurs qui disposent d'équipes dédiées à l'assurance « dommages aux biens » des collectivités ou ont recours à des intermédiaires d'assurance.
Si l'ADLC, saisie dans un cadre consultatif, a laissé ouverte la question de la segmentation du marché de l'assurance des collectivités, l'ensemble de ces éléments vient au soutien d'un suivi spécifique.
D'autre part, la modification de l'article L. 612-30 du CMF ouvre la possibilité d'un recours accru par l'ACPR à la procédure de mise en garde. Sous réserve que l'usage de cette prérogative soit suffisamment et correctement motivé, la mise en garde constitue un puissant levier pour inciter les assureurs à cesser des pratiques commerciales susceptibles de nuire à leurs assurés. Le fait, pour une entité supervisée, d'ignorer la mise en garde ouvre en effet au superviseur un champ plus large de sanctions, aux termes de l'article L. 612-39.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 2
Création d'un observatoire des tarifs
assurantiels appliqués au secteur public
Le présent article vise à introduire un observatoire des tarifs assurantiels appliqués au secteur public, sur le modèle de l'observatoire des tarifs bancaires, adossé au Comité consultatif du secteur financier (CCSF), afin d'assurer un suivi de l'évolution des tarifs des contrats d'assurance pratiqués dans le secteur public.
Relevant qu'il s'agit d'une recommandation du rapport « Chrétien-Dagès » répondant aux constats également formulés par le rapport de la mission d'information de la commission des finances, cette dernière a estimé que le rapport public que ce nouvel observatoire serait amené à produire chaque année compléterait utilement le suivi spécifique et le pouvoir de sanction confiés à l'ACPR. Elle a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN SUIVI DES TARIFS ASSURANTIELS AURAIT PERMIS DE PRÉVENIR LES DÉFAILLANCES ACTUELLES DU MARCHÉ DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS LOCALES
A. LES DYSFONCTIONNEMENT ACTUELS DU MARCHÉ DE L'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS ONT POUR ORIGINE UNE « GUERRE DES PRIX » TROP LONGTEMPS IGNORÉE
Les difficultés assurantielles des collectivités ne sont plus à démontrer. Le rapport de la mission d'information de la commission des finances du Sénat18(*) faisait ainsi état, une consultation des élus locaux à l'appui, que, parmi les collectivités répondantes, « 60 % des collectivités déclarent faire face à au moins un problème important dans leur relation avec leur assureur, ce taux s'élevant même à 90 % pour les collectivités de plus de 10 000 habitants. »
Selon ce rapport, ces difficultés ont pour principale cause les dysfonctionnements structurels du marché de l'assurance : en effet, entre 2017 et 2022, le montant des primes appliquées aux collectivités territoriales a connu une forte diminution, passant de 470 millions d'euros à 385 millions d'euros, soit une baisse de 18 %.
Cette basse résulte « de l'effet conjugué de la politique tarifaire très agressive de la SMACL, engagée dans une « course au volume » pour devenir « numéro 1 » sans pour autant disposer d'une gestion suffisamment saine pour le lui permettre, et d'une guerre des prix sous l'influence notable d'assureurs européens qui ont pénétré intempestivement ce marché avant de s'en désengager. »
Il en résulte un marché duopolistique, dominé par Groupama pour les collectivités de moins de 10 000 habitants et par SMACL Assurances SA pour les autres, que les autres assureurs ont progressivement déserté.
Une observation de l'évolution des tarifs aurait permis de détecter et de prévenir plus précocement ces dysfonctionnements du marché.
B. MALGRÉ DES PRÉCÉDENTS EN MATIÈRE BANCAIRE, L'ABSENCE DE DISPOSITIF DE SUIVI ET DE TRANSPARENCE DES TARIFS ASSURANTIELS
La loi de régulation bancaire et financière19(*), adoptée en France à la suite de la crise des subprimes de 2008 a confié une nouvelle compétence au comité consultatif du secteur financier (CCSF) : depuis 2010, cette institution rattachée à la Banque de France et composée paritairement de représentants des établissements financiers et de leurs clientèles, ainsi que de parlementaires, de personnalités qualifiées et de représentants des salariés du secteur financier, assure un suivi des pratiques tarifaires des établissements bancaires afin que le public dispose d'évaluations périodiques des tendances sur des bases solides et aussi consensuelles que possible.
Toutefois, alors qu'un rapport est remis chaque année sur les tarifs bancaires20(*), aucun équivalent n'existe s'agissant des tarifs assurantiels, a fortiori s'agissant du segment particulier de l'assurance des collectivités territoriales.
Ainsi, le rapport d'Alain Chrétien et de Jean-Yves Dagès a constaté que « le marché de l'assurance des collectivités locales, dont l'assurance dommage aux biens, n'est ni documenté ni objectivé par aucun des acteurs. Ainsi, ni l'État, ni les collectivités locales, ni les assureurs, ni les associations qui les représentent, ou même les réassureurs, ne sont en mesure d'établir une photographie du marché et de son évolution. »21(*)
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION D'UN OBSERVATOIRE DES TARIFS ASSURANTIELS APPLIQUÉS AU SECTEUR PUBLIC
Conformément aux recommandations du rapport « Chrétien-Dagès »22(*), le présent article insère un nouvel alinéa à l'article L. 614-1 du code monétaire et financier, qui définit les missions du comité consultatif du secteur financier (CCSF) afin d'y prévoir, en sus du suivi des tarifs bancaires, une mission de suivi de l'évolution des tarifs d'assurance appliqués aux personnes morales de droit public, y compris les collectivités territoriales.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : UNE TRANSPARENCE ACCRUE SANS CRÉATION D'UN « COMITÉ THÉODULE »
La commission relève que la création de cet « observatoire » ne constituera pas un « comité théodule » supplémentaire dans la mesure où il revient à s'adosser à une structure existante - le comité consultatif du secteur financier - tout en confiant ainsi à cette dernière la mission de produire un rapport annuel sur l'évolution des tarifs assurantiels applicables au secteur public.
Cet observatoire devrait ainsi faciliter la prévention de nouveaux dysfonctionnements dans le marché de l'assurance des collectivités territoriales en identifiant rapidement les tendances d'évolution des tarifs. Il permettra également de documenter une potentielle hausse des tarifs liée à l'évolution de la sinistralité, du fait du changement climatique ou de l'intensification des aléas sociaux, tels que les émeutes par exemple.
Si plusieurs personnes entendues ont objecté que le suivi des tarifs assurantiels pouvait être malaisé en raison des paramètres très divers à prendre en compte - niveau des primes, niveau des franchises, extension de la couverture, hétérogénéité du patrimoine des collectivités - la commission s'est rangée à l'avis du Médiateur de l'assurance qui, lors de son audition par le rapporteur, a jugé ce suivi à la fois pertinent et réalisable.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 3
Mesures en faveur de la
médiation en assurance
Conformément aux recommandations du rapport sénatorial sur l'assurabilité des collectivités, le présent article confirme tout d'abord la possibilité pour les collectivités de recourir à la médiation en assurance et confie au Médiateur de l'assurance une compétence d'accompagnement des collectivités qui ne trouvent pas d'assureur. La commission a adopté un amendement COM-2 du rapporteur visant à tenir compte de la mise en place prochaine du dispositif « CollectivAssur », annoncée par le Gouvernement.
Le présent article procède également à la confirmation législative du principe selon lequel les actions de médiation en assurance suspendent le délai de prescription des actions en justice menées sur la base de la relation contractuelle. Jugeant cette précision finalement redondante, la commission a adopté un amendement COM-1 du rapporteur supprimant cette disposition.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : LES VERTUS DU DISPOSITIF DE MÉDIATION EN ASSURANCE NE SONT PAS ASSEZ MOBILISÉES
A. LA MÉDIATION EN ASSURANCE : UNE DÉMARCHE VERTUEUSE EN PLEIN ESSOR
Aux termes de l'article 21 de la loi du 8 février 199523(*), la médiation « s'entend de tout processus structuré, quelle qu'en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. »
La médiation des litiges de la consommation, prévue par le titre V du livre Ier code de la consommation et défini à l'article L. 151-1 de ce code, constitue un « processus de médiation conventionnel » applicable « à un litige national ou transfrontalier entre un consommateur et un professionnel »24(*). Le recours à un dispositif de médiation est un droit du consommateur. Ainsi, l'article L. 612-1 du code de la consommation dispose que « tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l'oppose à un professionnel. »
La médiation en assurances, domaine caractérisé par une forte prégnance du contentieux, a connu un essor important, particulièrement depuis que l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a adopté une recommandation visant à garantir le respect des obligations légales et réglementaires qui s'imposent aux professionnels en matière de traitement des réclamations de leur clientèle. Ces recommandations, prises sur le fondement des pouvoirs de régulation particulier de l'ACPR, sont obligatoires pour les professionnels25(*).
La première de ces recommandations de l'ACPR, adoptée en 202226(*), vise à « assurer l'efficacité du dispositif de traitement des réclamations et faciliter l'accès aux dispositifs de médiation proposés », en enjoignant aux professionnels de se doter « d'une organisation simple et efficace permettant d'apporter aux réclamants une réponse qualitative et motivée le plus rapidement possible ». Cette recommandation a constitué une véritable réforme de la médiation dans le domaine de l'assurance, notamment en ce qui concerne l'information des assurés sur leurs droits27(*).
Ainsi, le rapport d'activité du Médiateur de l'assurance, évoque un « choc de saisines » pour décrire son intense activité en 202328(*). Il souligne la forte augmentation des demandes : 34 000 au printemps 2024, contre 10 000 quatre ans auparavant. Certes, toutes ces demandes ne sont pas recevables, ni fondées. Mais durant l'année 2023, 7 000 recommandations de médiation ont été rendues, témoignant d'un essor très important de « l'amiable en assurances ».
La Médiation de l'assurance, qui constitue le principal dispositif de médiation dans ce domaine, apporte en outre satisfaction sur le fond. Selon ses propres statistiques, le Médiateur de l'assurance est caractérisé par une célérité grandissante, l'assuré obtenant sa réponse après sept mois en moyenne en 2023, contre treize mois fin 2019. Une fois sur deux (48 %), il reçoit sa réponse dans les trois mois.
Les avis de la Médiation de l'assurance (des « propositions de solution ») satisfont la demande de l'assuré une fois sur trois (32 % des dossiers). Lorsque ces propositions confirment la décision de l'assureur, c'est-à-dire dans deux cas sur trois (68 % des cas), il la réévalue parfois dans un sens favorable à l'assuré, de telle sorte que le résultat reflète une sorte de compromis.29(*)
Ainsi, la seconde recommandation de l'ACPR sur les réclamations, adoptée en 202430(*), qui n'a que marginalement modifié les recommandations déjà en vigueur31(*), témoigne du fonctionnement satisfaisant des dispositifs de médiation.
B. L'ESSOR DE LA MÉDIATION EN ASSURANCE FAIT AUJOURD'HUI FACE À PLUSIEURS LIMITES
1. Face à la crise de l'assurance des collectivités, la démarche de médiation, pourtant prometteuse, est limitée
Face aux difficultés de collectivités dans leurs relations avec leur assureur, documentées par le rapport de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur l'assurabilité des collectivités territoriales32(*), les compétences du Médiateur de l'assurance ont, depuis le 1er octobre 2023, été élargies aux différends entre assureurs et collectivités.
Cet élargissement est cependant à la fois fragile, inadapté et insuffisant.
Il est d'abord fragile, dans la mesure où son fondement repose sur l'annonce du ministre de l'économie d'alors dans une interview au journal Midi Libre.
Cet élargissement est également inadapté et insuffisant car il était limité, selon les termes du ministre de l'économie d'alors, « aux différends entre un assureur et une collectivité après un sinistre », ce qui ne correspond pas à l'immense majorité des besoins des collectivités qui, même en l'absence de sinistre, peuvent être confrontées à des difficultés liées à l'augmentation prohibitive de leurs tarifs d'assurance, voire à la résiliation unilatérale de leur contrat et à l'impossibilité de retrouver un assureur.
Preuve de cette inadaptation, l'élargissement de 2023 n'a que peu suscité l'enthousiasme des collectivités, puisque seules 22 saisines sont parvenues au Médiateur. Parmi celles-ci, 21 demandes ne correspondaient ni au champ de compétences antérieur du Médiateur (13), ni à son champ de compétences « élargi » (9)33(*).
2. L'absence de suspension de la prescription : un défi posé à l'essor de la médiation en assurance ?
Depuis 201934(*), et malgré une première annulation par le Conseil d'État35(*) ayant conduit à la prise d'un nouveau décret36(*), la saisine d'un juge est subordonnée à la tentative préalable de résolution amiable du litige par un mécanisme de médiation, pour tous les litiges n'excédant pas 5 000 euros37(*).
Si l'article 2238 du code civil prévoit bien que le recours à un dispositif de médiation suspend le délai de prescription, une partie de la doctrine a voulu voir dans l'absence de mention d'une telle suspension dans le code des assurances38(*), une « posture rebelle » du législateur39(*) qui constituerait un défi pour l'essor de l'amiable en assurance40(*).
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : DEUX MESURES FAVORISANT L'ACCÈS AU MÉDIATEUR DE L'ASSURANCE
Le I du présent article propose deux mesures tendant à favoriser l'accès au Médiateur de l'assurance pour les collectivités territoriales. Son II précise qu'elles seront applicables aux litiges survenus à compter du lendemain de la publication de la présente loi.
A. LE RÔLE DU MÉDIATEUR DE L'ASSURANCE COMME INTERLOCUTEUR DES COLLECTIVITÉS PRIVÉES D'ASSUREUR
Le 2° du I du présent article prévoit l'insertion dans le code des assurances d'un nouvel article L. 121-18 aux fins :
- de préciser que les collectivités territoriales peuvent avoir recours à la médiation pour résoudre un litige qui l'oppose à son assureur, dans le but de sécuriser et légèrement élargir la nouvelle compétence du Médiateur ébauchée par le Gouvernement ;
- de confier au Médiateur de l'assurance une nouvelle compétence d'accompagnement des collectivités dans leur recherche d'assurance, à condition que ces collectivités demeurent privées d'assureur après plusieurs procédures infructueuses, dans des conditions définies par décret.
B. L'INSCRIPTION DANS LE CODE DES ASSURANCES DU CARACTÈRE SUSPENSIF DU RECOURS À LA MÉDIATION
Le 1° du I consacre dans la loi le principe inscrit dans la charte de la médiation en assurances, selon lequel le délai de prescription des actions en justice est suspendu par le recours à un dispositif de médiation.
Par parallélisme avec les dispositions du code civil, la prescription serait suspendue à compter du jour où les parties conviennent de recourir à la médiation ou, à défaut, à compter du jour de la première réunion de médiation. Le délai de prescription recommencerait à courir, pour au moins six mois, à compter du jour où le Médiateur ou au moins une des parties déclare que la médiation est terminée.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : APPORTER QUELQUES AJUSTEMENTS POUR COORDONNER LES TRAVAUX DU SÉNAT ET DU GOUVERNEMENT
A. TENIR COMPTE DE LA MISE EN PLACE DU DISPOSITIF D'ACCOMPAGNEMENT DÉNOMMÉ « COLLECTIV'ASSUR » ANNONCÉE RÉCEMMENT PAR LE GOUVERNEMENT
La volonté de conforter la compétence du Médiateur dans les différends qui opposent les collectivités et leurs assureurs, ainsi que le souhait de lui confier une mission plus large d'accompagnement des collectivités peinant à s'assurer résulte certainement de la reconnaissance de la Médiation de l'assurance dans son « travail de recherche objective de solutions aux litiges d'assurance, avec sa diffusion large et active. »41(*)
En particulier, l'appréciation des personnes auditionnées sur la consécration de la possibilité pour les collectivités d'avoir recours à la médiation dans les litiges les opposant à leurs assureurs a été plutôt positive, notamment de la part du Médiateur, qui a relevé que le terme de « litige » était plus englobant et plus pertinent que le terme de « sinistre » utilisé par le précédent Gouvernement.
Toutefois, le dispositif proposé souffre, selon le rapporteur, de deux limites.
Il s'agit d'abord d'éviter l'écueil qui constituerait à placer la Médiation de l'assurance dans un conflit d'intérêts, dans la mesure où ses agents pourraient être impliqués à la fois en phase précontractuelle et au moment de la survenance d'un litige. Ainsi, si elle se trouvait à jouer, en sus de son rôle traditionnel, celui d'accompagnateur des collectivités territoriales, la crédibilité et la neutralité de la Médiation pourrait être remises en cause. Cette limite, relevée au cours de plusieurs auditions, doit être prise au sérieux afin d'éviter une extension inopportune des compétences du Médiateur42(*).
Il s'agit également de tenir compte des travaux du Gouvernement, concomitants à ceux du Sénat, qui ont abouti avec le Roquelaure de l'assurabilité des territoires organisé le 14 avril 2025, à un « plan sur l'assurabilité des collectivités territoriales » dont l'une des principales avancées à très court terme concerne la création d'un dispositif d'accompagnement et d'orientation pour les collectivités, en collaboration avec les représentants des assureurs et le médiateur des assurances.
Nommé « Collectiv'Assur », ce dispositif permettrait dès fin juin, selon la direction générale du Trésor (DG Trésor), « d'apporter une aide opérationnelle et ciblée aux collectivités rencontrant des difficultés à trouver une offre d'assurance. » Cette cellule, financée par les assureurs à la suite d'un accord de Place, serait placée sous la direction de M. Arnaud Chneiweiss intuitu personae - et non en sa qualité de Médiateur.
En outre, le Médiateur de l'assurance, entendu par le rapporteur, a suggéré de préciser les conditions dans lesquelles la cellule CollectivAssur pourrait être saisie, jugeant le nombre de deux procédures infructueuses satisfaisant.
La commission a donc adopté l'amendement COM-2 du rapporteur aux fins, d'une part, de procéder à la précision suggérée par le Médiateur de l'assurance, et d'autre part, de tenir compte de la mise en place prochaine du dispositif CollectivAssur en retenant une rédaction plus ouverte que le recours à la médiation, ce qui laissera davantage de marges de manoeuvre au Gouvernement pour accompagner les collectivités.
B. UNE INSCRIPTION DANS LA LOI FINALEMENT REDONDANTE DU CARACTÈRE SUSPENSIF DU RECOURS À LA MÉDIATION
Si la consécration, au sein du code des assurances, du caractère suspensif du délai de prescription de la saisine d'un médiateur, a pu être recommandé43(*), elle est apparue peu opportune à la commission.
D'une part, la Charte du médiateur mentionne bien la suspension de la prescription, dans un langage qui n'est pas sans rappeler le code civil. Son article 4 dispose ainsi : « À compter de la notification de la recevabilité adressée au consommateur, la prescription est suspendue ; celle-ci court à nouveau à compter de la clôture de la procédure de Médiation, pour une durée qui ne saurait être inférieure à 6 mois ». Malgré sa faible portée normative, cette mention dans un document de « droit souple » peut faire beaucoup pour l'information des parties.
Surtout, il est ressorti des auditions menées par le rapporteur que l'article 2238 du code civil, contrairement à ce qu'en pensent certains juristes, est pleinement applicable en cas de recours à un dispositif de médiation en assurance.
En conséquence, la commission a adopté un amendement COM-1 du rapporteur supprimant cette disposition.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
ARTICLE 4
Systématisation des franchises
dans les contrats d'assurance « dommages aux biens » des
collectivités territoriales
Le présent article vise à systématiser les franchises dans les contrats d'assurance conclues par les collectivités territoriales et leurs groupements pour garantir les dommages à leurs biens.
Cette mesure vise, d'une part, à responsabiliser les collectivités territoriales qui souscrivent un contrat d'assurance, en encourageant une démarche de prévention, et, d'autre part, à recentrer les contrats d'assurance sur les risques les plus significatifs.
L'inscription systématique d'une franchise dans le contrat d'assurance, sans fixer son montant, est respectueuse de la liberté contractuelle et devrait susciter un cercle vertueux dans la négociation des contrats d'assurance des collectivités.
La commission a adopté cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : LA FRANCHISE, UN MÉCANISME FACULTATIF D'AUTO-ASSURANCE
Le code des assurances dispose, à son article L. 121-1, que « l'assurance relative aux biens est un contrat d'indemnité ; l'indemnité due par l'assureur à l'assuré ne peut pas dépasser le montant de la valeur de la chose assurée au moment du sinistre ». Le coût du sinistre représente donc la limite supérieure de l'obligation d'indemnisation de l'assureur.
Toutefois, cette indemnisation peut être inférieure au montant du sinistre, par l'application d'une franchise, comme le précise le même article L. 121-1 du code des assurances : « Il peut être stipulé que l'assuré reste obligatoirement son propre assureur pour une somme, ou une quotité déterminée, ou qu'il supporte une déduction fixée d'avance sur l'indemnité du sinistre ». La franchise consiste ainsi à laisser l'assuré prendre en charge une partie du dommage, dans une logique d'auto-assurance44(*).
Le droit des assurances reconnaît trois principaux types de franchises :
- la franchise absolue, systématiquement déduite de l'indemnisation du sinistre ;
- la franchise relative ou simple, dont le montant détermine l'indemnisation de l'assureur selon le montant du sinistre. Tant que le montant du sinistre n'excède pas celui de la franchise, l'assureur ne procède à aucune indemnisation. Mais lorsque le sinistre excède la franchise, l'indemnisation est totale, sans application de franchise ;
- la franchise proportionnelle, dont le montant est égal à un pourcentage du coût du sinistre.
Lorsque le contrat d'assurance prévoit simultanément une franchise et un plafond de garantie, le juge judiciaire estime que l'application de la franchise ne doit pas aboutir à absorber la totalité de la garantie et que l'assureur doit limiter la franchise à un niveau inférieur au plafond de garantie45(*).
Par exception, le régime de garantie des risques de catastrophes naturelles prévoit une systématisation des franchises. Ainsi, aux termes de l'article L. 125-2 du code des assurances, les indemnisations résultant de la garantie « CatNat » sont soumises à une franchise dont les caractéristiques sont définies par décret. L'assuré ne peut souscrire un contrat d'assurance pour couvrir la part de risque laissée à sa charge par la franchise46(*). Les caractéristiques des franchises et en premier lieu leur montant :
- doivent tenir compte, pour l'ensemble des contrats, de l'aléa ;
- doivent tenir compte, pour les professionnels et les personnes morales de droit privé ou de droit public, de l'importance des capitaux assurés, ainsi que de l'usage et de la taille des biens assurés ;
- peuvent tenir compte, pour les véhicules terrestres à moteur et les biens qui ne sont pas destinés à un usage professionnel, des franchises applicables aux autres garanties portant sur des aléas naturels prévues dans les contrats d'assurance relatifs aux catastrophes naturelles.
La loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles a interdit l'application d'une modulation de franchise à la charge des assurés dans les communes non dotées du plan de prévention des risques naturels prévisibles (PPRN) en fonction du nombre de constatations de l'état de catastrophe naturelle intervenues pour le même risque, autrement dit le même aléa climatique, au cours des cinq années précédant la date de la nouvelle constatation. Pour autant, la loi du 28 décembre 2021 a maintenu le principe d'une modulation à la hausse de la franchise pour les biens assurés par les collectivités territoriales et leurs groupements pour lesquels un plan de prévention des risques naturels prévisibles a été prescrit mais non approuvé dans les délais réglementaires47(*).
Dès lors que l'introduction, dans les contrats d'assurance « dommages aux biens », d'une clause fixant une franchise n'est pas obligatoire, il est fréquent que les contrats d'assurance des collectivités n'en prévoient pas.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UNE SYSTÉMATISATION DES FRANCHISES DANS LES CONTRATS D'ASSURANCE DES COLLECTIVITÉS
Le I du présent article crée un article L. 121-1-1 du code des assurances qui dispose que les contrats « dommages aux biens » conclus par les collectivités territoriales et leurs groupements prévoient une franchise. Les caractéristiques de cette franchise sont renvoyées au pouvoir règlementaire, sur le modèle des franchises applicables à la garantie des risques de catastrophes naturelles, exposé supra.
S'agissant de son entrée en vigueur, le II du présent article prévoit une application du dispositif six mois après la publication de la loi pour les contrats souscrits à partir de ce délai. Pour les contrats antérieurs, le premier avenant est réputé intégrer cette nouvelle clause.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SYSTÉMATISATION DES FRANCHISES, UNE MESURE INCITATIVE DE PRÉVENTION ET DE RESPONSABILISATION
Le rapport de la mission d'information relative aux difficultés assurantielles des collectivités territoriales soulignait que « la systématisation de franchises peut, à bien des égards, être à l'origine d'un cercle vertueux et d'une incitation plus grande à la mise en oeuvre d'actions de prévention des risques »48(*). Le dispositif repris dans le présent article figurait ainsi parmi les recommandations des travaux de la commission des finances.
L'application d'une franchise constitue, de fait, une pratique vertueuse, qui présente différents avantages en permettant :
- de responsabiliser l'assuré et de l'inciter à adopter des mesures de prévention et de sécurité ;
- de limiter l'application de petits sinistres49(*), dont les frais de gestion sont supérieurs aux coûts d'indemnisation pour l'assureur. Ce dernier peut ainsi concentrer son intervention sur les sinistres les plus importants, justifiant son rôle d'assureur extérieur ;
- de réduire, à terme, le montant de la prime d'assurance, en contrepartie d'une prise en charge par l'assuré des sinistres dont le montant est inférieur à la limite constituée par le montant de la franchise. À cet égard, la fixation du montant de la franchise peut être regardée comme un paramètre de modulation du montant de la prime d'assurance.
La commission estime que la généralisation des franchises dans les contrats liant les collectivités territoriales et leurs assureurs constituerait un levier à même d'engager un cercle vertueux et une forte incitation au développement d'une culture du risque. Du côté des compagnies d'assurance, la meilleure connaissance des risques pesant sur leur patrimoine par les collectivités devrait permettre de fluidifier les négociations contractuelles et d'encourager de nouveaux acteurs à s'engager sur le marché de l'assurance des collectivités.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article sans modification.
ARTICLE 5
Création d'une nouvelle dotation
d'équipement des collectivités territoriales et de leurs
groupements face aux risques majeurs
Le présent article vise à élargir le champ de la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC) au risque émeute, dans une nouvelle dotation d'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs.
Alors que les émeutes et mouvements populaires se multiplient sur le territoire, touchant des communes de plus en plus nombreuses et de plus en plus diverses, y compris rurales, que le coût des dommages occasionnés peut être prohibitif et porter sur des biens peu ou pas assurables, l'élargissement proposé du champ de la DSEC peut contribuer à atténuer les effets de ce risque pour les collectivités territoriales.
Il permet d'anticiper et de sécuriser les collectivités et de ne pas dépendre de la constitution d'instruments financiers ad hoc pour se protéger d'éventuels émeutes ou mouvements populaires de grande ampleur à l'avenir. L'élargissement du périmètre de la DSEC apparaît préférable à la création d'une nouvelle dotation dédiée à l'indemnisation des violences urbaines, qui présenterait un aléa moral.
La commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
I. LE DROIT EXISTANT : UN ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE LA DSEC AU RISQUE ÉMEUTE QUI PERMETTRAIT DE COUVRIR AU MIEUX LES RISQUES MAJEURS DES COLLECTIVITÉS
A. L'EXTENSION PROGRESSIVE DE LA COUVERTURE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX RISQUES CLIMATIQUES ET GÉOLOGIQUES
1. Un fonds de solidarité en faveur des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des catastrophes naturelles institué dès 2008
La loi de finances pour 200850(*) a institué un « fonds de solidarité » pour les collectivités territoriales « afin de contribuer à la réparation des dégâts causés à leurs biens par des événements climatiques ou géologiques graves51(*) ».
À partir de 2011, ce fonds était « abondé chaque année par un prélèvement sur recettes dont le montant est fixé en loi de finances52(*) ».
Il était prévu qu'un décret en Conseil d'État « fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la nature des biens pris en compte, les règles relatives à la nature et au montant des dégâts éligibles aux aides du fonds et aux critères d'attribution de ces aides ainsi que les différents taux de subvention applicables ».
L'article R. 1613-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT) définit notamment un événement climatique ou géologique (ouvrant droit au bénéfice du fonds) comme « tout événement localisé survenu en métropole qui cause aux (...) collectivités territoriales (...) des dégâts d'un montant total supérieur à 150 000 euros hors taxes ».
2. Un dispositif complété en 2014 pour mieux réparer les dommages causés par des calamités publiques
La loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (dite « MAPTAM »)53(*) a créé, à l'initiative de collègues sénateurs du groupe RDSE, un fonds pour la réparation des dommages causés aux biens des collectivités territoriales et de leurs groupements par les calamités publiques. Il « vise à la réparation des dommages causés à certains biens de ces collectivités et de leurs groupements par des événements climatiques ou géologiques de très grande intensité affectant un grand nombre de communes ou d'une intensité très élevée lorsque le montant de ces dommages est supérieur à six millions d'euros hors taxes54(*) ».
Le montant des autorisations d'engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) relatifs à ce fonds est voté chaque année en loi de finances.
L'ancien article L. 1613-7 du CGCT prévoyait également qu' « un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. Il précise notamment la nature des biens pris en compte, les règles relatives à la nature et aux montants des dégâts éligibles ainsi que les différents taux d'indemnisation applicables ».
L'articulation entre les deux fonds était la suivante : lorsque le coût des dégâts est compris entre 150 000 euros et six millions d'euros (hors taxes), l'État intervenait par le biais du fonds de solidarité relatif aux catastrophes naturelles ; au-delà de six millions d'euros en revanche, le fonds pour la réparation des dommages causés par les calamités publiques était activé.
3. La loi de finances initiale pour 2016 crée la dotation de solidarité aux collectivités victimes d'évènements climatiques ou géologiques (DSEC) en fusionnant ces deux fonds
La loi de finances initiale pour 201655(*) remplace ces deux fonds par une « dotation de solidarité en faveur de l'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements touchés par des événements climatiques ou géologiques » (DSEC).
Il s'agit désormais d'une dotation budgétaire, qui contribue à « réparer les dégâts causés » aux biens des collectivités et de leurs groupements « par des événements climatiques ou géologiques graves » et qui est régie par l'article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales.
Comme précédemment, les collectivités territoriales d'outre-mer et leurs groupements ne peuvent pas bénéficier de cette dotation.
Le III de l'article L. 1613-6 précité renvoie au Conseil d'État le soin de fixer les modalités d'application de cet article et plus particulièrement de préciser « les conditions de détermination des événements climatiques ou géologiques graves en cause, la nature des biens pris en compte, les règles relatives à la nature et aux montants des dégâts éligibles ainsi que les règles de détermination de la dotation pour chaque collectivité territoriale et groupement en fonction du montant des dégâts éligibles ».
Héritage de cette fusion, les dispositions réglementaires encadrent l'usage de la DSEC en distinguant les dispositions communes (articles R. 1613-3 à R. 1613-11), les dispositions applicables lorsque les dégâts éligibles sont inférieurs à 6 millions d'euros (articles R. 1613-12 à R. 1613-14) et lorsqu'ils sont supérieurs à 6 millions d'euros (articles R. 1613-15 à R. 1613-18).
Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2016, la commission des finances a simplement pris acte de ce regroupement et adopté cet article sans modification, notant une reconduction des crédits prévus l'année précédente.
B. LA DSEC, UNE DOTATION IMPARFAITE MAIS QUI A FAIT SES PREUVES POUR LES ÉVÉNÉMENTS CLIMATIQUES OU GÉOLOGIQUES
La dotation de solidarité aux collectivités victimes d'événements climatiques ou géologiques (DSEC) contribue à réparer les dégâts causés à leurs biens (infrastructures routières, ouvrages d'art, digues...) par des événements climatiques ou géologiques graves.
Elle peut être allouée, en métropole, aux communes et à leurs groupements (intercommunalités et syndicats mixtes) ainsi qu'aux départements, qui sont alors bénéficiaires d'une dotation assimilée à une subvention de travaux. Elle finance la « reconstruction à l'identique »56(*) des biens endommagés.
Pour mobiliser la DSEC, les dégâts constatés doivent être supérieurs à 150 000 euros57(*) et la maîtrise d'ouvrage (MOA) du bien être doit être assurée par la collectivité.
Après avoir procédé à une première évaluation des dégâts, le représentant de l'État peut demander l'appui d'une mission de l'inspection générale de l'environnement et du développement durable (IGEDD)58(*).
Lorsque le montant total des subventions susceptibles d'être accordées a été déterminé, sa répartition entre collectivités et groupements d'un même département est établie sur la base de taux maximum de subvention applicables comme suit :
- à titre exceptionnel, jusqu'à 100 %59(*), sur décision du représentant de l'État ;
- un taux de 80 % lorsque le montant des dégâts subis est supérieur à 50 % de leur budget total ;
- un taux de 40 % lorsque le montant des dégâts subis est compris entre 10 % et 50 % de leur budget total ;
- un taux de 30 % lorsque le montant des dégâts subis est inférieur à 10 % du budget total.
Une avance peut également être versée lors du commencement d'exécution de l'opération. Son montant peut représenter jusqu'à 20 % du montant prévisionnel de la subvention et peut être porté jusqu'à 30 % pour des travaux urgents nécessaires à la mobilité ou à la sécurité des personnes.
La DSEC est alimentée par les crédits budgétaires inscrits en loi de finances sur le programme 122 « Concours particuliers et administrations » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Par nature, ses crédits peuvent varier fortement d'une année sur l'autre. L'année 2024 est notamment marquée par d'importantes intempéries (tempête Ciaran dans le nord de la France, intempéries dans les Alpes et dans le sud-est de la France).
Évolution des crédits de la DSEC exécutés entre 2014 et 2024
(en millions d'euros)
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
|
AE |
41,2 |
62,7 |
29,3 |
26,8 |
32,7 |
43,5 |
41,0 |
132,8 |
10,2 |
1,0 |
78,9 |
CP |
26,2 |
38,6 |
29,3 |
33,7 |
29,9 |
30,1 |
46,8 |
36,7 |
35,2 |
22,0 |
33,8 |
Source : rapport Chrétien Dagès sur l'assurabilité des biens des collectivités territoriales, rapports annuels de performance (RAP).
S'agissant d'événements exceptionnels, la prévision n'est pas aisée. La DSEC est par ailleurs caractérisée par la rigidité de sa procédure, avec un délai de versement de 11,21 mois en 2024 pour une cible de 6 mois. Ceci a pu conduire à créer, en fonction des circonstances, des lignes budgétaires complémentaires ad hoc (dernièrement pour la tempête Alex en 2021 ou Ciaran en 2023).
Malgré ces imperfections, le principe de budgétisation apparaît comme un moindre mal pour couvrir les risques majeurs encourus par les collectivités territoriales. Le rapport Chrétien-Dagès60(*) note en outre qu'il « paraît préférable à la création d'un fonds alimenté par des taxes affectées. Cela nécessite de réévaluer l'abondement initial de la dotation au regard de l'évolution des subventions accordées aux cours des dernières années et des perspectives, mais cela [garantit] la capacité d'adaptation du besoin de financement au besoin effectif de réparation annuelle. »
Si la survenance des évènements couverts par le DSEC et des montants à prendre en charge sont difficilement prévisibles, des redéploiements en gestion, des dégels de réserve et en dernier recours des décrets de virement, de transfert ou des ouvertures de crédits peuvent permettre d'ajuster en cours d'année les montants de cette dotation pour tenir compte des besoins effectifs.
C. UNE DOTATION QUI NE COUVRE PAS L'ENSEMBLE DES RISQUES MAJEURS
Dotation de référence pour les risques climatiques ou géologiques, la DSEC ne couvre toutefois pas l'ensemble des risques majeurs que les collectivités sont susceptibles de connaître.
Dans son rapport de 2024 sur les difficultés assurantielles des collectivités territoriales, Jean-François Husson, en sa qualité de rapporteur de la mission d'information sur ce thème, décidée par la commission des finances, a constaté qu'une part significative des difficultés assurantielles rencontrées par les collectivités territoriales étaient causés par des dégâts importants faisant suite à des émeutes ou mouvements populaires.
Il apparait aujourd'hui souhaitable de renforcer le rôle et l'intervention de l'État dans ces situations. La question se pose en particulier pour un certain nombre de biens non-assurables dont la dégradation est particulièrement préjudiciable pour les collectivités territoriales. Aujourd'hui, la DSEC couvre un certain nombre de ces biens pour les risques climatiques ou géologiques, suivant la liste prévue aux articles R. 1613-4 et R. 1613-5 du CGCT :
- les infrastructures routières et les ouvrages d'art ;
- les biens annexes à la voirie nécessaires à la sécurisation de la circulation ;
- les digues ;
- les réseaux de distribution et d'assainissement de l'eau ;
- les stations d'épuration et de relevage des eaux ;
- les pistes de défense des forêts contre l'incendie ;
- les parcs, jardins et espaces boisés appartenant au domaine public des collectivités territoriales ou de leurs groupements.
En adoptant un périmètre similaire, l'extension du périmètre de la DSEC aux émeutes et mouvements populaires permettrait de couvrir des dommages survenus sur un certain nombre de biens non-assurables.
Le rapport de la mission d'information du Sénat sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales a donc préconisé que la DSEC soit élargie afin de couvrir les biens des collectivités territoriales endommagés dans le cadre d'émeutes, dans les mêmes conditions que la DSEC actuelle (recommandation n°14).
La démarche n'est pas sans précédent : à la suite des émeutes de juin 2023, le gouvernement a en effet instauré un fonds « violences urbaines » de 100 millions d'euros. Le lien avec la DSEC était d'ailleurs déjà présent, ce fonds étant partiellement alimenté par des crédits de la DSEC non consommés.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : UN ÉLARGISSEMENT DU CHAMP DE LA DSEC POUR COUVRIR LE RISQUE LIÉS AUX ÉMEUTES ET MOUVEMENTS POPULAIRES
Le présent article met en oeuvre la recommandation du rapport de la mission d'information de la commission des finances du Sénat sur les problèmes assurantiels des collectivités territoriales (cf supra), en appelant à étendre le champ de la DSEC aux dommages causés à la suite de violences urbaines. L'appellation « émeutes ou mouvements populaires » est utilisée par cohérence avec l'article 6 de la proposition de loi et reprend la terminologie déjà employée à l'article L. 121-8 du code des assurances.
À cet effet, le 1° du I du présent article renomme la DSEC : « dotation d'équipement des collectivités territoriales et de leurs groupements face aux risques majeurs » qui, en plus des « événements climatiques ou géologiques graves », contribuerait aussi à réparer « les émeutes et mouvements populaires ».
Le 2° du I permet au décret en conseil d'État fixant les modalités d'application du présent article de bien porter sur l'ensemble du périmètre de l'article nouvellement élargi.
Le II fixe une entrée en vigueur de ces mesures au 1er janvier 2026.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : LA SOLUTION LA PLUS EFFICACE POUR SÉCURISER LE PATRIMOINE NON-ASSURABLE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
A. UN ÉLARGISSEMENT SOUHAITABLE DU CHAMP DE LA DSEC
Le dispositif proposé peut effectivement soulager tout un ensemble de collectivités confrontées à des difficultés assurantielles. La mission d'information de la commission des finances a observé un essor des actes de violence sur le territoire français. À titre de comparaison, là où les violences urbaines de 2005 concernaient 200 communes dont 97 en Île-de-France, les émeutes de 2023 ont touché plus de 550 communes, y compris dans des communes faiblement peuplées, parfois rurales.
Les effets de ces émeutes et mouvements populaires ont été disproportionnés en 2023 pour les communes : la mission d'observation a ainsi observé que les dommages aux biens des collectivités ont représenté seulement 4 % des déclarations mais 27 % du coût total, soit 624 déclarations et 200 millions d'euros d'indemnisation.
Si l'article 661(*) de cette proposition de loi prévoit une garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires dans les contrats d'assurance « dommages aux biens », ce dispositif ne permet pas l'indemnisation des dommages sur les biens non-assurables, carence comblée par le présent article.
Par conséquent, pour faire face à des événements coûteux, difficilement assurables, il apparaît indispensable de compléter le régime de garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires proposés à l'article 6 de cette proposition de loi par un élargissement du champ de la DSEC pour couvrir ce nouveau risque.
B. DES OBJECTIONS TECHNIQUES QUI NE SEMBLENT PAS INSURMONTABLES
Dans le cadre des auditions menées, des objections d'ordre technique et financier ont été avancées à cet élargissement.
Sur le plan technique, la direction générale des collectivités locales (DGCL), qui gère le programme 122 où figure la DSEC, a pointé un certain nombre de paramètres qui ne pourraient être étendus aux émeutes et mouvements populaires : la DGCL ne pourrait notamment pas s'appuyer sur l'IGEDD pour évaluer les dommages et le seuil de 150 000 euros aujourd'hui employé serait sans doute insuffisant pour couvrir des dégâts sur des bâtiments d'importance.
Sans méconnaître ni minimiser les difficultés avancées, l'existence d'un précédent sur le fonds « violences urbaines » laisse à penser qu'elles pourront être surmontées et qu'elles ne sauraient être opposées à la nécessité pour les collectivités de sécuriser leur patrimoine.
Sur le plan financier, la crainte d'une « cannibalisation » des fonds de la DSEC par ce nouveau risque a été avancée. Une fois de plus, le précédent du fonds « violences urbaines » peut être invoqué : en cas d'émeutes et de mouvements populaires suscitant des dommages de grande ampleur, il apparaît, en tout état de cause et quel que soit l'enveloppe retenue, indispensable pour l'État de débloquer des crédits pour indemniser les collectivités territoriales, ce qui a été fait à l'occasion des violences urbaines de 2023.
L'élargissement du champ de la DSEC apparaît dès lors comme la solution la plus à même de protéger les collectivités territoriales. Sur le plan budgétaire, en cas de survenance d'émeutes ou de mouvements populaires imprévisibles et de grande ampleur, elle impliquera certes une agilité budgétaire du gouvernement avec des redéploiements en gestion, des dégels de réserve et en dernier recours des décrets de virement, de transfert ou des ouvertures de crédits.
Elle permettra surtout au gouvernement de disposer, en cas de crise, d'un instrument financier réactif et dédié, sans nécessité d'improviser un instrument ad hoc comme le fonds « violence urbaines ».
La solution d'un élargissement du champ de la DSEC apparaît donc comme la plus à même de sécuriser le patrimoine des collectivités territoriales. Cette solution doit en outre être préférée à la création d'une nouvelle dotation dédiée à l'indemnisation des dégâts causés par les émeutes et mouvements populaires qui pourrait présenter un risque de déresponsabilisation. Il convient en effet d'éviter de donner l'impression qu'il importe peu que des violences urbaines aient lieu dès lors que l'État viendrait systématiquement tout réparer.
Décision de la commission : la commission des finances propose d'adopter cet article sans modification.
ARTICLE
6
Création d'un régime d'indemnisation du risque
d'émeutes et de mouvements populaires
Le présent article prévoit une garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires dans les contrats d'assurance « dommages aux biens ». Il introduit également un mécanisme de mutualisation du risque « émeutes et mouvements populaires ». Inspiré des modèles du régime « Cat Nat », ce mécanisme reposerait sur une garantie obligatoire des dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires dans les contrats d'assurance « dommages aux biens » ainsi que sur la création d'un fonds prudentiel abondé par une surprime et dont l'intervention serait limitée aux dommages dépassant certains seuils.
L'un des apports significatifs du présent article est d'avancer une première définition du risque d'émeutes et de mouvements populaires. Tenant compte des observations formulées au cours du cycle d'auditions mené par le rapporteur, la commission s'est attachée, par son amendement COM-4, à préciser et clarifier la définition de chacune des notions d'émeutes et de mouvements populaires.
De plus, pour rendre plus effective l'obligation d'extension de la garantie « émeutes et mouvements populaires » aux contrats d'assurance des dommages aux biens, la commission des finances a renforcé les prérogatives du Bureau central de tarification (BCT), par un amendement COM-6.
En outre, par les amendements COM-8 et COM-7, la commission a consolidé le fonctionnement du fonds de gestion du risque « émeutes et mouvements populaires », d'une part, en augmentant son volume pour atteindre 1,5 milliard d'euros et, d'autre part, en clarifiant les conditions d'abondement de ce fonds par une partie de la surprime « émeutes et mouvements populaires ».
La commission a également adopté trois amendements rédactionnels COM-3, COM-5 et COM-9 du rapporteur.
La commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
I. LE DROIT EXISTANT : MALGRÉ UNE AUGMENTATION DE LA SINISTRALITÉ, LA COUVERTURE ASSURANTIELLE DES RISQUES LIÉS AUX ÉMEUTES DEMEURE INSATISFAISANTE
A. LA COUVERTURE ASSURANTIELLE DES RISQUES LIÉS AUX ÉMEUTES ET AUX MOUVEMENTS POPULAIRES COMPORTE DES LACUNES
1. Les dommages résultant des « émeutes et mouvements populaires » sont, sauf stipulation contraire, exclus des garanties assurantielles
a) En matière d'émeutes : le règne de la liberté contractuelle
Mise en place à titre facultatif et par voie conventionnelle, la garantie des émeutes est soumise à la liberté contractuelle.
En effet, si l'article L. 121-8 du code des assurances dispose que les « émeutes » et les « mouvements populaires » sont, par principe, exclus de la garantie d'assurance, cette exclusion n'est pas d'ordre public, de telle sorte que les parties peuvent convenir de garantir le risque par le mécanisme dit du « rachat de l'exclusion »62(*).
Code des assurances
Article L. 121-8 : L'assureur ne répond pas, sauf convention contraire, des pertes et dommages occasionnés soit par la guerre étrangère, soit par la guerre civile, soit par des émeutes ou par des mouvements populaires. (...)
Source : Légifrance
En l'absence de stipulations contractuelles prévoyant la couverture du risque d'émeutes et de mouvements populaires, les assureurs peuvent se retrancher derrière les dispositions de l'article L. 121-8 du code des assurances pour opposer une exclusion de garantie.
Bien sûr, les parties peuvent également s'accorder pour appliquer cette garantie dans leur contrat, ce qui arrive, du reste, fréquemment pour les contrats « dommages aux biens » et les traités de réassurance. Cette intégration prend généralement la forme d'une extension de garantie « grèves, émeutes et mouvements populaires » (GEMP)63(*).
Ce faisant, les parties peuvent opter pour une couverture totale, ou partielle, des biens au contrats. Parfois, même lorsque la police d'assurance comprend le risque d'émeute, elle exclut certains dommages comme ceux sur les vitres et glaces, les mobiliers urbains ou ouvrages d'art, les vols, les pertes d'exploitation, voire tout ce qui n'est pas consécutif à un incendie ou une explosion.
De même, la plupart des contrats comprennent des franchises absolues, voire des clauses de limite de décaissement. Bref, en matière d'assurance des émeutes et des mouvements populaires, « la liberté contractuelle est d'une créativité infinie, et l'intérêt d'une assurance de plus en plus relatif »64(*).
Ajoutons que la prérogative contractuelle, c'est-à-dire la possibilité pour l'une des parties - le potentior - de modifier unilatéralement la situation contractuelle à laquelle elle participe65(*) permet aux assureurs de modifier le contrat afin de se protéger contre un risque qui suscite de plus en plus leur méfiance. Il peut ainsi en découler - comme cela a pu être observé après les émeutes de 2023 - un durcissement des conditions de garantie, voire le désengagement des assureurs sur le risque d'émeutes.
b) Troubles sociaux, émeute, mouvement populaire : des notions imprécisément définies
La notion même d'« émeute » ou de « mouvement populaire » n'est pas définie par le code des assurances.
La documentation66(*) transmise au rapporteur par l'Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), note que « assureurs et réassureurs ont eu tendance, ces dernières années, à utiliser d'autres vocables pour délimiter les contours de couverture des risques SRCC [Strike, Riot, Civil commotion], vocables sans doute inspirés de l'article L. 172-16 du code des assurances (disposition spécifique aux assurances transports) qui mentionne notamment les « émeutes, mouvements populaires, grèves lock-out, actes de sabotage ou de terrorisme ».
La commission juridique et conformité de l'Apref a ainsi lancé un travail de recensement, au sein des traités de réassurance du marché français, des vocables utilisés. Il ressort de cette étude une grande diversité des termes utilisés pour désigner les « risques SRCC », désigné en français plutôt sous l'acronyme de « GEMP » - pour « grèves, émeutes et mouvements populaires » et parfois regroupé sous le terme « chapeau » de « troubles sociaux ».
(1) L'émeute et le mouvement populaire proprement dits
Comme il a été dit, la loi ne définit pas les deux notions d'« émeute et de « mouvement populaire ». Ces deux notions sont en effet - et peut-être pour cette raison même, difficile à distinguer, de telle sorte que la jurisprudence a pu parfois les traiter comme une seule et même notion : ainsi d'une décision de la Cour d'appel de Paris, jugeant que le rétablissement d'un clan à la tête de la chefferie du village « est un mouvement populaire accompagné de violences en vue d'obtenir la satisfaction d'une revendication d'ordre politique [...] et présente toutes les caractéristiques d'une émeute. »67(*).
De même, Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès constataient-ils dans leur rapport que « la définition reconnue et juridiquement éprouvée de la qualification de « violences urbaines » n'est pas aujourd'hui certaine et partagée »68(*).
Les tentatives de définition par la jurisprudence sont anciennes, pour ne pas dire désuètes69(*) ; en outre, la Cour de cassation a pu à l'occasion rendre cette notion plus difficile à cerner en jugeant, à rebours d'une compréhension intuitive de l'émeute qui implique une certaine spontanéité, que l'absence de caractère spontané ne suffit pas à écarter la qualification d'émeute ou de mouvement populaire au sens de l'article L. 121-8 du code des assurances70(*). Elle a toutefois dégagé, dans la décision précitée, trois critères essentiels de qualification d'émeute ou de mouvement populaire71(*) :
- un critère de masse : l'émeute et le mouvement populaire supposent une action de masse, une manifestation d'envergure, ce que caractérise la référence au soulèvement populaire et à la foule. Le mouvement doit non seulement être collectif, mais aussi s'accompagner de troubles sociaux importants, occasionnant de nombreux dommages aux biens et aux personnes. Il doit s'agir d'un mouvement subversif et violent important ;
- un critère de contestation : l'émeute et le mouvement populaire s'inscrivent dans une démarche de contestation populaire d'une politique, comme le refus d'une mesure gouvernementale, ou d'une situation subie ou considérée comme injuste ;
- un critère de revendication : en refusant la décision prise ou la situation subie, les participants veulent obtenir de l'autorité la réalisation de leurs attentes économiques, sociales ou politiques.
La documentation fournie par l'Apref précise que « si l'un des critères précités fait défaut, le juge ne retiendra pas la qualification d'émeute ou de mouvement populaire. » Ces critères ne constituent donc pas, dans la jurisprudence, un faisceau d'indices, mais sont cumulatifs. À titre d'exemple, des incidents survenus entre des délinquants et la police n'ont pas été qualifiés d'émeutes72(*).
Enfin, la doctrine juridique française a plusieurs fois tenté de définir les émeutes et les mouvements populaire ; quelques résultats - classés par ordre chronologique - sont présentés ci-dessous :
Définitions de l'émeute ou du
mouvement populaire
dans la doctrine
- Une émeute se dit de « tout mouvement tumultueux dans lequel une foule anonyme, mécontente des mesures d'un gouvernement ou de la situation d'une partie de la population, s'insurge contre l'autorité pour obtenir, par la menace ou même la violence, la réalisation de revendications économiques, sociales ou politiques, mettant ainsi en péril l'ordre et la sécurité publics » (Maurice Picard et André Besson, Traité général des assurances en droit français, LGDJ, 1938) ;
- Les mouvements populaires sont des « manifestations de foule qui, sans qu'il y ait révolte contre l'ordre établi, révèlent cependant une agitation des esprits et se caractérisent par un désordre et des actes illégaux » (Maurice Picard et André Besson, Traité général des assurances en droit français, LGDJ, 1938) ;
- Un mouvement populaire est « une manifestation violente, concertée, ou non, de la foule, se caractérisant par le désordre, sans qu'il y ait forcément révolte contre l'ordre établi. Il suppose un rassemblement mettant en échec les agents de l'autorité » (Sicot L. et Margeat H., Assurance et mouvement populaire, Ass. franç. 1965, p. 631) ;
- Une émeute est un « mouvement séditieux accompagné de violences, et dirigé contre l'autorité en vue d'obtenir la satisfaction de certaines revendications d'ordre politique ou social » (Lambert-Faivre Y. et Leveneur L., Droit des assurances, précis Dalloz, 13e édition, 2011, n° 35) ;
- Le mouvement populaire « couvre tout mouvement spontané ou concerté d'une foule désordonnée causant des dommages » (Lambert-Faivre Y. et Leveneur L., Droit assurances, précis Dalloz, 13e édition, 2011, n° 35) ;
- « Trois critères majeurs semblent requis pour qualifier une situation d'émeute ou de mouvement populaire : un critère de masse, un critère contestataire et un critère revendicatif » (G. Hilger, « La qualification d'« émeute » ou de « mouvement populaire » au sens de l'article L. 121-8 du code des assurances », Gazette du Palais, 17 janvier 2017, n° 283 n° 6, p. 28).
Source : commission des finances du Sénat
Le droit européen et le droit comparé fournissent également des exemples de définition intéressants. Ainsi, le comité économique et social européen (CESE)73(*) retient une définition proche de celles identifiées par la doctrine, bien que plus sociologique que juridique, qui précise notamment, en substance, que « les émeutes avec effet de groupe s'inscrivent dans une dimension de protestation contre le système et contre des situations souvent tragiques et perçues comme injustes. Il se confirme que le critère de spontanéité est inopérant puisque l'effet de groupe impliquera probablement une structuration du mouvement. Enfin, il est également proposé de faire correspondre l'émeute ou les violences collectives à une concentration dans l'espace urbain de comportements violents et servant aussi de moyen d'expression pour certaines catégories de la population. »
En droit comparé, l'Apref note l'existence, en droit pénal britannique, d'une définition de l'émeute en présence de laquelle une partie des dommages peut être pris en charge directement par l'État74(*) : selon la loi britannique, une émeute (riot), est « quand douze personnes ou plus qui sont présentes ensemble utilisent ou menacent d'utiliser la violence illégale dans un but commun et que le comportement de ces personnes est tel qu'une personne présente raisonnable ferme, sur les lieux, craint pour sa sécurité personnelle. »75(*)
L'Espagne, où ce risque est compris dans les risques exceptionnels, assurés par le Consorcio de Compensación de Seguros (CCS), distingue, à l'instar de la France, les notions d'émeutes ou de mouvements populaires dans sa législation. Une émeute est définie comme « tout mouvement accompagné de violence dirigée contre l'autorité en vue d'obtenir satisfaction de certaines revendications politiques, économiques ou sociales, sous réserve que l'acte ne soit pas de nature terroriste ou ne soit pas considéré comme un mouvement populaire »76(*) et le mouvement populaire comme « toute action de groupe visant à attenter à la paix publique qui provoque un trouble à l'ordre, causant des blessures aux personnes ou des dommages aux biens, à condition que l'acte ne soit pas de nature terroriste ou ne soit pas considéré comme une émeute »77(*).
Dans tous les pays où le risque d'émeute ou de mouvement populaire est assuré et réassuré, les traités de réassurance font apparaître une limite géographique (la commune, ou, plus rarement, un rayon autour d'un point fixe) et comportent une « clause horaire », période fixe durant laquelle les sinistres liés sont considérés comme un seul événement, et au-delà de laquelle ils ne sont pas indemnisés : 216 heures aux Etats-Unis (ramenés à 72 heures en l'absence d'intervention des forces de l'ordre), 72 heures au Royaume-Uni (potentiellement étendu à 168 heures), en Italie, ou en Espagne78(*), entre 96 et 168 heures en Allemagne.
(2) Les « violences urbaines »
La notion de « violences urbaines », qui trouve son origine dans le langage des médias et de la politique, a pu être reprise, à l'occasion, dans la jurisprudence administrative79(*) et judiciaire80(*), et même par le législateur dans l'intitulé de la loi n° 2023-656 du 25 juillet 2023, « relative à l'accélération de la reconstruction et de la réfection des bâtiments dégradés ou détruits au cours des violences urbaines survenues du 27 juin au 5 juillet 2023. »
Cette notion, qui n'est pas incompatible avec la notion d'émeute ou de mouvement populaire, désignait surtout, à compter de 2005, les émeutes ayant eu lieu dans les espaces que les médias appellent communément les « banlieues ». Selon l'Apref, ce vocable semble moins approprié aux événements de 2023, dans la mesure où les violences « ne sont plus commises uniquement dans des environnements très urbanisés mais dans tous types de milieux », notamment grâce aux moyens modernes de communication.
(3) Les grèves
Si le droit de grève est mentionné à l'alinéa 7 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et aux articles L. 521-1 et suivants du code du travail, il n'y est pas défini. La jurisprudence en donne toutefois une définition claire, considérant que « l'exercice du droit de grève résulte objectivement d'un arrêt collectif et concerté du travail en vue d'appuyer des revendications professionnelles »81(*).
La jurisprudence a parfois estimé qu'un mouvement de grève avec installation de piquets de surveillance interdisant l'accès de l'usine aux ouvriers, pouvait constituer un mouvement populaire excluant la garantie de l'assureur82(*).
Le rapporteur relève que les violences urbaines, catégorie définie selon des critères plus médiatiques - ou, à la rigueur, sociologiques - que juridique, peut être intégrée dans la notion d'émeute ou de mouvement populaire lorsque les critères en sont remplis. De même, si les mouvements grévistes peuvent constituer des mouvements populaires lorsqu'ils en remplissent les critères, ces deux notions doivent être distinguées.
Il en va différemment pour d'autres notions qui, selon l'Apref, ne devraient pas être inclus dans la couverture des « troubles sociaux » et du risques SRCC, bien qu'elles soient parfois visées par la pratique des assureurs et des réassureurs.
(4) La frontière de la qualification de « troubles sociaux » : vandalisme, sabotage, terrorisme, guerres civiles et étrangères
L'Apref note que les clauses de réassurance relatives aux risques SRCC font parfois intervenir des notions de vandalisme ou de sabotage, qui visent des comportement illégaux et causant des dommages souvent commis à l'occasion de mouvement populaires.
D'une part, le vandalisme correspond à l'infraction de « destruction, dégradation ou détérioration d'un bien d'autrui »83(*). Quant au sabotage, il s'agit du fait « de détruire, détériorer ou détourner tout document, matériel, construction, équipement, installation, appareil, dispositif technique ou système de traitement automatisé d'informations ou d'y apporter des malfaçons, lorsque ce fait est de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation »84(*).
Plus éloignés du risques SRCC, figurent les notions de terrorisme85(*) ou d'attentat86(*), pour lesquelles l'article L. 126-1 du code des assurances impose la garantie des dommages matériels qui en résultent. De cela, ils se distinguent clairement des émeutes et des mouvements populaires dont la garantie est laissée à la liberté contractuelle et par principe exclue.
Enfin, les guerres, civiles et étrangères, sont clairement distinctes des risques SRCC, puisque mentionnées distinctement dans l'article L. 121-8 du code des assurances. Si la frontière entre les « troubles sociaux » et les guerres civiles peut être ténue87(*), des éléments de distinction relativement clairs existent.
Ainsi, par opposition aux troubles sociaux, la guerre civile se caractérise par 1) une situation prolongée dans le temps, 2), une intensité mesurée au nombre des victimes et aux dommages causés aux infrastructures, 3) son étendue géographique à une large partie du territoire nationale et 4) la présence de forces armées en opposition. Si la qualification de guerre civile a été admise pour les actes survenus sur le territoire algérien dans les années 196088(*), les événements de 2024 en Nouvelle-Calédonie n'en ressortissent pas89(*).
Le schéma présenté infra, fourni par l'Apref, présente l'articulation entre les notions qui ressortissent des « troubles sociaux » et les notions voisines.
Présentation synthétique des risques « SRCC » et des notions voisines
Source : Apref
2. Le régime de responsabilité civile de l'État : une fenêtre d'indemnisation peu à peu refermée
a) Un régime de responsabilité venu du fond des âges
Le régime de responsabilité sans faute de l'État pour des dommages dus à des attroupements et rassemblements tire ses origines de la « France avant la France »90(*) et d'un édit de Clotaire II de 614 instaurant un régime de responsabilité collective des habitants d'une ville ou d'un village en cas de dommages résultant d'un défaut de vigilance de leur part. Dans une remarquable continuité tocquevillienne91(*), sous la période révolutionnaire, la loi du 10 vendémiaire an IV a confirmé le principe selon lequel « tous les citoyens habitant la même commune sont garants civilement des attentats commis sur le territoire de la commune soit envers les personnes soit envers les propriétés ».
Sans détailler excessivement ses pérégrinations, dont le doyen George Vedel a synthétisé le fondement en indiquant que « le principe, si l'on envisage globalement le problème de la réparation du dommage, est que dans une société civilisée la collectivité doit répondre du préjudice subi du fait d'infractions commises par des individus attroupés »92(*), notons simplement :
- que la loi du 5 avril 1884 relative à l'organisation municipale a transféré la charge de ce régime vers la commune, doté de la personnalité morale, et confié au juge judiciaire le soin de connaitre des litiges sur l'application de ce régime ;
- que la loi du 16 avril 1914 portant modification des articles 106, 107, 108 et 109 de la loi municipale du 5 avril ýý1884ý a prévu une contribution de l'État à hauteur de la moitié de l'indemnisation ;
- que la loi n° 75-1278 du 30 décembre 1975 de finances pour 1976 a permis que la part contributive de l'État soit portée à 100 % ;
- et que l'article 92 loi n° 83-8 du 7 janvier 1983, dite « Defferre »93(*), a transféré la charge de ce régime de la commune à l'État tandis que la loi n° 86-29 du 9 janvier 1986 a transféré ce contentieux du juge judiciaire vers le juge administratif.
Depuis la loi n° 2019-290 du 10 avril 2019 visant à renforcer et garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, ce régime figure dans le code de la sécurité intérieure, à l'article L. 211-1094(*). Le professeur Leveneur, spécialiste du droit des assurances et président du bureau central de tarification (BCT), a interprété, au cours de son audition par le rapporteur, la permanence de ce régime comme la contrepartie du monopole de la violence physique légitime par l'État et de la limitation de l'autodéfense.
Code de la sécurité intérieure
Article L. 211-10 : L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. (...)
Source : Légifrance
Le régime de responsabilité du fait des attroupements, d'ordre public, peut être soulevé d'office par le juge administratif en cours d'instance95(*). Il est particulièrement attractif pour les victimes et leurs assureurs96(*) dès lors qu'il permet une indemnisation de tous les dommages, que les préjudices réparables sont entendus largement et, qu'à l'inverse d'autres régimes de responsabilité sans faute, il n'impose pas de conditions d'anormalité et de spécialité.
Pour le ministère de l'intérieur, la mise en oeuvre de ce régime représente un enjeu budgétaire non négligeable. Au sein des dépenses de contentieux, inscrites sur le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », la dépense relative aux attroupements s'élevait à 3,85 millions d'euros en exécution 2024, contre 3,5 millions d'euros en 202397(*).
b) Une application de plus en plus restrictive du régime de responsabilité du fait des attroupements
L'application de ce régime de responsabilité sans faute, dont les contours ont été précisés par la jurisprudence administrative, suppose le respect de quatre critères cumulatifs :
- un crime ou un délit, au sens du code pénal, doit avoir été commis ;
- par l'usage de la violence ou de la « force ouverte », c'est-à-dire réalisée sans rencontrer de résistance de la part de l'autorité ;
- à l'occasion d'un attroupement ou d'un rassemblement ;
- et avoir causé un préjudice direct et certain.
Les deux premières conditions d'application ne soulèvent pas de difficulté particulière. Il n'en va pas de même pour les deux autres. De fait, la qualification d'attroupement, défini par le code pénal comme « tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public »98(*) n'est pas aisée. Plusieurs configurations peuvent répondre à cette définition, qu'il s'agisse d'une manifestation déclarée et organisée ou d'un rassemblement spontané, même si la jurisprudence tend à écarter cette qualification pour les plus petites réunions99(*). Le juge administratif se fonde sur un faisceau d'indices pour identifier l'attroupement (selon les caractéristiques du groupe, le caractère organisé et prémédité de l'action et la finalité de cette dernière) qu'il apprécie de façon de plus en plus restrictive100(*).
Au total, les commentaires autorisés du centre de recherche et de diffusion juridiques (CRDJ) du Conseil d'État ont cependant permis d'identifier deux grands cas de figure de l'application de ce régime spécial de responsabilité101(*).
Le premier cas est celui d'une manifestation organisée à l'avance mais pacifique qui dégénère. Dans ce cas, les dégradations commises ouvrent droit à réparation.
La seconde hypothèse est celle de l'attroupement spontané qui se forme à la suite d'une catastrophe ou d'un accident et qui commet des violences. Les violences urbaines ont donné lieu à des illustrations particulièrement topiques de ce cas de figure. Le Conseil d'État a ainsi pu faire jouer l'indemnisation pour des dommages causés à l'occasion d'attroupements spontanés, formés en réaction à la mort accidentelle de deux adolescents à Clichy-sous-Bois, en 2005102(*), et de la mort, suite à la collision avec un véhicule de police, de deux autres jeunes garçons à Villiers-le-Bel en 2007103(*).
Le juge apprécie toutefois strictement le lien entre les violences et le rassemblement, en particulier sur le plan temporel. Il est nécessaire que les dommages soient en lien direct avec des violences spontanées et collectives intervenant dans le cadre d'une manifestation ou en marge de cette dernière. Ainsi, des violences se produisant en lien avec un rassemblement spontané mais intervenant à plusieurs jours d'intervalle de celui-ci ne sont pas considérées comme étant commises par un attroupement104(*).
Cette hypothèse correspond alors à un troisième cas de figure : celui du rassemblement pensé dès le départ comme un délit, qui conduit généralement à écarter l'application du régime de responsabilité du fait des attroupements. Elle rejoint la jurisprudence traditionnelle, du juge judiciaire comme du juge administratif, qui écarte l'indemnisation pour des actions terroristes ou menées par un commando105(*) et les opérations dites « coups de poing »106(*). Le Conseil d'État a ainsi refusé de faire jouer l'indemnisation dans les cas d'une occupation forcée de locaux107(*), de blocage d'une station d'approvisionnement de supermarchés par des agriculteurs108(*) ou le blocage d'une ligne SNCF109(*).
Le centre de recherche et de diffusion juridiques du Palais Royal justifie cette approche restrictive en soulignant qu'une interprétation large du régime de responsabilité du fait des émeutes pourrait « conduire à indemniser tout délit préparé et commis par un nombre de personnes suffisamment important pour qu'on puisse le qualifier de rassemblement, au moins lorsqu'il y a un arrière fond de revendication politique ou sociale, ce qui n'est pas l'objet de ce régime »110(*).
Pour autant, deux récentes décisions du Conseil d'État111(*) ont ouvert à un assouplissement de la jurisprudence en admettant la qualification d'attroupement pour un rassemblement, certes pensé comme délictueux, mais s'inscrivant dans le cadre d'un mouvement social. Le Conseil d'État, dans l'une des deux affaires, a estimé à propos d'un barrage routier s'inscrivant dans le cadre du mouvement des Gilets jaunes, que « ces actions, qui avaient pour motif l'expression d'un mécontentement, n'avaient pas pour principal objet la réalisation des dommages causés à la société requérante et aux autres personnes affectées par ces blocages »112(*). Les conclusions du rapporteur public sur ces deux affaires éclairent le raisonnement de la juridiction en identifiant trois critères à la qualification de l'attroupement : la dimension du groupe, la visibilité et la prévisibilité et la pondération des finalités (la finalité ne doit pas être majoritairement délictuelle)113(*).
c) Les autres voies d'engagement de la responsabilité de l'État
Outre ce régime, il existe deux autres voies permettant d'engager la responsabilité de l'État s'agissant d'évènements sociaux graves :
- d'une part, la responsabilité pour faute de l'État pour inaction des forces de l'ordre. De fait, il est nécessaire de démontrer la carence fautive de l'administration, qui n'aurait pas pris les mesures nécessaires dans la prévention des atteintes à l'ordre public ;
- d'autre part, la responsabilité sans faute de l'État du fait d'une rupture d'égalité devant les charges publiques. Ce régime recouvre, schématiquement, les cas où les forces de sécurité intérieure décident délibérément de s'abstenir d'intervenir, pour éviter la survenance de désordres supérieurs. La reconnaissance de la responsabilité de l'État dans ce cadre impose toutefois que le dommage indemnisable présente le caractère d'un préjudice anormal et spécial. Or, cette condition est difficile à remplir dans le cas d'émeutes urbaines.
B. AU LENDEMAIN DES ÉMEUTES DE L'ÉTÉ 2023, L'ATROPHIE DU MARCHÉ ET L'INÉGALE COUVERTURE DU TERRITOIRE SONT AUTANT DE SIGNAUX D'ALERTE POUR LES ASSURÉS, EN PARTICULIER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. Les récentes émeutes qu'a connues la France s'inscrivent dans une progression générale des risques sociaux
a) La montée des risques d'émeutes et de mouvements populaires est une tendance mondiale
Le développement des risques politiques et sociaux relève d'une tendance de fond observée dans toutes les régions du monde. Entre 2017 et 2024, plus de 800 manifestations massives ont été enregistrées partout dans le monde par l'assureur Allianz114(*), dont plus de 18 % sur une durée supérieure à trois mois.
De ce fait, cette catégorie de risques constitue, pour les entreprises d'assurance et de réassurance, une préoccupation croissante. Selon l'Apref, le coût des sinistres liés à des émeutes et ayant fait l'objet d'une réassurance a été multiplié par sept entre 2012 et 2023. Dans certaines régions, le coût du risque SRRC est supérieur aux dommages causés par les catastrophes naturelles.
À titre d'illustration, les émeutes intervenues d'octobre à novembre 2019 au Chili ont constitué l'évènement le plus coûteux des dernières années. Déclenchées par des protestations étudiantes à Santiago contre la hausse du coût des transports publics, les manifestations se sont progressivement étendues géographiquement à d'autres groupes sociaux, avec un total de plus de quatre milliards de dollars de dommages115(*). Au cours de cet épisode, la seule chaîne de supermarchés Walmart a connu près de 500 millions de dollars de pertes en raison des pillages intervenus en marge des manifestations. Ce mouvement d'ampleur ne s'est pas limité au Chili et a progressivement essaimé sur le reste du continent116(*).
Sinistres réassurés
d'émeutes, par période de quatre ans,
dans le monde sur la
période 2012-2023
(en milliards de dollars constants)
Source : Apref
D'autres épisodes d'émeutes et de mouvements populaires ont conduit à d'importants dommages matériels sur les cinq dernières années, dont :
- le mouvement « Black Lives Matter », à la suite de la mort de George Floyd en mai 2020. Avec 2,78 milliards de dollars de dommages assurés, il s'agit de la perte assurantielle la plus importante pour des événements de ce type aux États-Unis ;
- et les manifestations en réaction à l'arrestation de l'ancien président de la République Jacob Zuma en Afrique du Sud en juillet 2021. Les violences, concentrées dans les provinces du KwaZulu-Natal et du Gauteng, ont engendré la mort de 354 personnes et causé 1,9 milliard d'euros de dommages assurés, pour un coût économique largement supérieur.
Classement des dix premiers pays selon la
fréquence des manifestations
et émeutes sur
2023-2024
(en nombre d'évènements)
Note : le classement n'inclut pas les pays affectés par un conflit armé.
Source : commission des finances d'après les données d'Axa Research
De très nombreux facteurs peuvent contribuer à un climat favorable à l'émergence de mouvements sociaux accompagnés de violences, qu'ils soient de nature politiques, économiques ou sociaux. Les travaux et réflexions les plus récentes des professionnels de l'assurance et de la réassurance ont permis d'identifier des facteurs émergents dont l'impact sur les risques dits sociaux est significatif. Il est possible d'en citer trois principaux.
Premièrement, le changement climatique apparait désormais comme un facteur d'accélération et de multiplication des épisodes d'émeutes dans le monde. D'une manière générale, comme le relevait récemment une note du Fonds monétaire international117(*) élaborée à partir de données relevées dans 168 pays, des températures plus élevées exacerbent les conflits préexistants. La pression sur les ressources, l'insécurité alimentaire, les déplacements de population et les chocs économiques qui résultent d'évènements climatiques favorisent la violence politique. Dans les pays en développement, les conditions climatiques affectent très largement le prix des denrées alimentaires et peuvent favoriser l'apparition d'émeutes de la faim. Dans les pays développés, les manifestations pour le climat, généralement pacifiques, peuvent conduire à des perturbations économiques. L'Apref relevait ainsi qu'en 2023, année la plus chaude recensée depuis 1850, le monde avait connu 1 157 manifestations environnementales contre seulement 530 l'année précédente.
Deuxièmement, la montée des inégalités et des tensions sociales favorise la survenance d'émeutes et de mouvements populaires.
La fédération France Assureurs a, dans sa cartographie prospective des risques pour 2025, identifier le potentiel perturbateur d'une « augmentation de l'écart de revenus ou des conditions de travail entre les différentes professions et catégories sociales, accrue notamment par le recours croissant à l'intelligence artificielle (IA), avec une précarisation durable d'une partie de la population »118(*). Dans le même sens, la fragmentation croissante des groupes sociaux, pour des raisons culturelles, économiques ou urbanistiques, accroit les divisions et les potentielles oppositions au sein du corps social.
Troisièmement, les réseaux sociaux favorisent l'émergence d'émeutes et de mouvements populaires et contribuent à structurer et diffuser ces mouvements.
D'une part, les plateformes numériques jouent un rôle de catalyseur des tensions et stimulent l'apparition d'épisodes sociaux violents. En effet, les mécanismes d'organisation des contenus sur les plateformes numériques sont propices à une mésinformation du public119(*), voire à des opérations de désinformation120(*). Le Royaume-Uni a ainsi connu de violentes émeutes à l'été 2024, pour un coût de plusieurs millions de livres, suite à la diffusion sur les plateformes numériques de rumeurs liant, de manière erronée, une attaque au couteau de trois jeunes filles à un demandeur d'asile121(*).
En outre, de récents travaux du Sénat ont rappelé que ce type de biais endogènes aux réseaux sociaux pouvaient être exploités par des États étrangers compétiteurs de la France dans le but d'encourager des troubles sociaux et des manifestations violentes, au travers d'opérations d'influence malveillantes122(*). Sans déclencher ces manifestations, ce type d'opérations de manipulation vise essentiellement leur amplification. Le service de vigilance et protection contre les ingérences numériques étrangères (Viginum) a, par exemple, pu relever que des manoeuvres informationnelles d'origine azerbaidjanaise avaient ciblé la France dans le contexte des émeutes de 2024 en Nouvelle-Calédonie123(*).
La diffusion de fausses nouvelles sur les réseaux sociaux est, par conséquent, identifiée par les assureurs comme un élément préoccupant. Le baromètre annuel 2024 de l'assureur Axa « Future Risks Report » a ainsi relevé qu'une majorité d'experts et du grand public124(*) pense qu'il existe « un risque important que les prochaines élections dans votre pays soient suivies de violentes protestations de la part de personnes ayant cru à des fausses informations diffusées délibérément »125(*).
D'autre part, les réseaux sociaux permettent aux personnes participant aux émeutes et mouvements populaires de diffuser et de coordonner leurs actions. Particulièrement utilisée par les émeutiers en métropole à l'été 2023 comme un outil logistique, la plateforme TikTok a fait l'objet d'une suspension par le Gouvernement en mai 2024 pour limiter son usage par les manifestants en Nouvelle-Calédonie126(*).
Au total, assureurs et réassureurs soulignent unanimement la difficulté à anticiper le coût du risque social, ce qui rend délicate toute anticipation de la survenance de tels évènements dans les années à venir. Le secteur ne dispose pas de modélisation et les risques sociaux présentent un aléa moral important.
De cette absence de prévisibilité découle une frilosité croissante des assureurs et surtout des réassureurs à l'égard de ce type de risques. Par comparaison, le risque climatique fait l'objet de modélisations plus abouties et précises, ce qui soulève avec moins d'acuité une problématique d'assurabilité. Comme le soulignent les représentants du secteur réassurantiel « à la différence des aléas naturels ou des incendies, qui sont régis par des lois physiques, le comportement de l'humain et de la foule est difficile à prédire. Ainsi, la tournure que peuvent prendre les évènements reste aléatoire et souvent imprévisible. Les objectifs des émeutiers vont varier en fonction de la raison initiale de leur colère, mais aussi des sujets sociétaux aigus dans le pays où ces évènements se produisent »127(*).
L'assurance des émeutes et mouvements populaires dans les États étrangers
Dans un contexte international marqué par la progression des épisodes sociaux violents, deux grands modèles de prise en charge du risque « émeutes et mouvements populaires » coexistent.
D'une part, une minorité de pays ont mis en place un régime spécifique de prise en charge de ce risque, avec un monopole d'État.
En Afrique du Sud, le risque « émeutes et mouvements populaires », de même que le risque terrorisme, sont uniquement couverts par un assureur d'État organisé en pool, le South African Special Risk Insurance Association (SASRIA). Ce dernier propose aux assurés, pour chaque contrat souscrit une garantie couvrant ces deux risques. Cet opérateur se couvre ensuite auprès du marché privé de la réassurance.
En Espagne, la couverture du risque « émeutes et mouvements populaires » (EMP) est assurée par le Consorcio de Compensación de Seguros (CCS). Cet organisme public intervient pour indemniser l'ensemble des risques exceptionnelles, qu'il s'agisse du risque de catastrophes naturelles ou des risques politiques (terrorisme, émeutes et mouvements populaires, sédition) ainsi que les dommages causés par les forces armées et les forces de l'ordre en temps de paix. Le CCS est financé par une prime complémentaire sur la police dommages aux biens/dommages automobiles/construction. Il n'a pas recours à la réassurance privée.
D'autre part, dans une majorité d'États, le risque EMP est pris en charge par le marché privé de l'assurance, les assureurs se couvrant ensuite auprès de réassureurs privés, avec des conditions variant dans les traités de réassurance.
Source : commission des finances, d'après les données de l'Apref et les réponses de la Caisse centrale de réassurance au questionnaire du rapporteur
b) Comme l'ont montré les événements récents, la France est particulièrement exposée au risque d'émeutes et de mouvement populaires
Si les risques politiques et sociaux se manifestent dans toutes les régions du monde, la France se trouve particulièrement exposée aux mouvements sociaux accompagnés de violences. Parmi les dix mouvements populaires les plus coûteux en termes d'assurance depuis 2018 dans le monde, il importe de souligner que trois ont eu lieu en France, dont deux sur le territoire métropolitain. Selon Allianz128(*), si les troubles à l'ordre public constituent, au plan mondial, le principal risque pour plus de 50 % des entreprises interrogées par cet assureur, cette proportion monte à 80 % s'agissant de la France129(*).
Mouvements populaires les plus coûteux en
termes assurantiels
depuis 2018 dans le monde
(en millions d'euros constants)
Mouvement |
Année |
Pertes assurées |
Émeutes au Royaume-Uni |
2024 |
297 |
Émeutes en Nouvelle-Calédonie |
2024 |
1 000 |
Émeutes en France métropolitaine |
2023 |
700 |
Émeutes en Afrique du Sud |
2021 |
1 900 |
Émeutes en Colombie |
2021 |
138 |
Black Lives Matter aux Etats-Unis |
2020 |
2 560 |
Émeutes au Chili |
2019 |
3 200 |
Émeutes en Bolivie |
2019 |
154 |
Émeutes à Hong-Kong |
2019 |
92 |
Gilets Jaunes en France |
2018 |
256 |
Source : Apref
Deux caractéristiques communes peuvent être dégagées des derniers épisodes d'émeutes et de mouvements populaires selon les auditions menées par le rapporteur et les contributions écrites transmises par les assureurs interrogés :
- d'une part, la diffusion de ces mouvements sur le territoire métropolitain est plus large. Dans ses réponses au questionnaire du rapporteur, Smacl Assurance SA souligne l'étendue géographique et la diversité des cibles choisies par les émeutiers au cours des derniers épisodes. Cette extension participe de la difficile prévisibilité de ces mouvements ;
- d'autre part, les épisodes d'émeutes et de mouvements populaires s'inscrivent dans la durée. Les manifestations des Gilets jaunes se sont étalées sur plusieurs semaines tandis que les émeutes urbaines de 2023 ont duré plus d'une semaine.
Coûts des émeutes et mouvements populaires en France
(en millions d'euros constants)
Source : commission des finances d'après les données de France Assureurs
Du point de vue assurantiel, le mouvement des Gilets jaunes, à l'hiver 2018-2019 a représenté, selon France Assureurs, un coût total de 267 millions d'euros. L'indemnisation portait essentiellement sur des dégâts matériels et des pillages réalisés en marge des manifestions. La seule journée du 16 mars 2019 a conduit à des dégradations d'un montant de 30 millions d'euros, principalement concentrés sur des commerces parisiens. Les infrastructures routières ont également fait l'objet d'actes de vandalisme pour un montant de plusieurs dizaines de millions d'euros. Ainsi que le soulignait la mission d'information commune de l'Assemblée nationale sur les coûts du mouvement des Gilets jaunes130(*), ce coût assurantiel ne représentait pas la totalité du préjudice subi par l'économie française, notamment en raison des pertes indirectes pour l'activité des entreprises qui assurent peu ce type de risques. Au total, la mission d'information de l'Assemblée nationale évaluait à 0,1 point de PIB le coût économique de ce mouvement131(*).
Dans le même sens, les émeutes consécutives à la mort d'un jeune homme à l'été 2023132(*) ont représenté un coût économique significatif, avec des conséquences notables sur la couverture assurantielle de notre pays. Les données transmises par France Assureurs indiquent un total de 798 millions d'euros de dommages liés à ces épisodes de violences, dont 200 millions d'euro transférés à la réassurance privée selon l'Apref. Par rapport au coût des émeutes de 2005, ce montant équivaut à une multiplication par quatre. Près de 90 % de ce préjudice financier a concerné les biens des entreprises et des collectivités territoriales. Il s'agit d'une différence notable avec 2005, lorsque 82 % des sinistres concernait des véhicules.
Comme pour les dégradations causées par le mouvement des gilets jaunes, le coût des émeutes de 2023 évalué par le secteur assurantiel doit être compris comme une estimation a minima, étant entendu qu'une partie des dommages n'a pas été déclaré ou fait l'objet d'une indemnisation par les assurances. Le Gouvernement de l'époque, de même que le rapport de la commission des lois sur ces évènements133(*), chiffraient à un milliard d'euros le coût des dommages directs.
Répartition du coût des sinistres déclarés à l'occasion des émeutes de 2023
(en millions d'euros et en pourcentage)
Note : données à jour de septembre 2023, le total des dommages a été revu à la hausse, à hauteur de 798 millions d'euros.
Source : commission des finances d'après les données de France Assureurs
Plus étendues et diffuses, les actions des émeutiers ont présenté plusieurs caractéristiques nouvelles, signalées par la commission des lois du Sénat, à savoir :
- d'une part, une intensité des violences plus soutenues par rapport à 2005, caractérisée, sur le plan des méthodes utilisées, par l'usage coordonné de mortiers d'artifice et, sur le plan des cibles visées, par des attaques directes et délibérées contre les forces de l'ordre et les élus134(*) ;
- d'autre part, une nette extension géographique des actes de violence, 672 communes ayant été touchées contre environ 300 lors des émeutes de 2005. Si les troubles se concentraient en majorité en Île-de-France (42,5 % des dommages), d'autres régions ont été affectées, y compris dans des zones rurales.
Les mouvements de protestations qui ont traversé la Nouvelle-Calédonie en 2024 ont également conduit à une perturbation économique sans précédent pour ce territoire. L'adoption par l'Assemblée nationale et le Sénat d'un projet de loi constitutionnelle modifiant le corps électoral en des termes identiques, le 14 mai 2024, a été le déclencheur d'une période d'émeutes. Face à l'ampleur de ces violences, le Gouvernement a instauré l'état d'urgence sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie, entre le 16 et le 28 mai 2024. Avec plus de 3 300 sinistres déclarés, le coût de ces violences s'est élevé à 945 millions d'euros pour les assureurs, dont 500 millions d'euros transférés à la réassurance privée. Le montant total des dommages représenterait, selon la Collectivité de Nouvelle-Calédonie, près de 2,2 milliards d'euros, soit 20 % du PIB de l'archipel. Un an après cet épisode, l'économie calédonienne peine à se relever, en partie pour des raisons assurantielles135(*). L'intensité des violences fait peser le risque qu'une partie des réassureurs internationaux excluent la Nouvelle-Calédonie de leur portefeuille. Cette éventualité a poussé des assureurs, comme Allianz, Groupama et Generali, à cesser de couvrir le risque « émeutes et mouvements populaires » dans leurs contrats dommages aux biens sur ce territoire136(*).
Le fonctionnement du marché mondial de la réassurance
Les assureurs se protègent contre les risques en souscrivant une garantie auprès de réassureurs. L'Association des professionnels de la réassurance en France définit la réassurance comme « un contrat par lequel une société spécialisée (le réassureur ou le cessionnaire) prend en charge une partie des risques souscrits par un assureur (la cédante) auprès de ses assurés ». Le cessionnaire s'engage à prendre en charge une partie des sinistres en cas de réalisation du risque tandis que le cédant verse à son réassureur une partie des primes qu'il perçoit de la part des assurés. Le contrat de réassurance peut également comporter une prime et le processus de négociation est itératif afin de déterminer les conditions de couverture.
Deux principaux types de réassurance peuvent être relevés :
- la réassurance par traité ou obligatoire, dont l'objet est de réassurer une communauté de risques, par des couvertures de portefeuilles entiers cédés par branches principales sans distinction selon le risque ;
- et la réassurance facultative, qui vise à réassurer un risque précis et localisé, en particulier les grands risques.
S'agissant de la réassurance par traité, deux grands types de traités coexistent :
- d'une part, les traités non proportionnels, qui fonctionnent sur le principe de l'excédent de sinistre. Le réassureur intervient lorsqu'un seuil de sinistre prédéfini est franchi ;
- d'autre part, les traités proportionnels, dans lesquels le réassureur supporte une part du sinistre proportionnelle à la part de la prime qu'il perçoit.
L'activité de réassurance comme l'activité d'assurance, fait l'objet d'un agrément et d'une supervision par l'Autorité de contrôle prudentiel et de régulation (ACPR) dans le cadre du régime prévu par la directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009, dite « Solvabilité II »137(*).
Historiquement, les compagnies d'assurance avaient recours à la réassurance pour les risques les plus difficilement assurables, comme les risques d'incendie. Aujourd'hui, le transfert de risque via l'achat d'une réassurance permet à l'assureur de se protéger contre les variations de résultats dans l'espace et dans le temps et de limiter ses besoins en fonds propres.
Par leur fonction de régulateur du risque liés aux grands évènements internationaux, les entreprises de réassurance s'inscrivent dans un marché international. Le nombre limité de réassureurs internationaux, estimé à une centaine pour un chiffre d'affaires cumulé de 338 milliards de dollars, et leur taille leur permettent de diversifier leurs risques entre les différentes régions du monde. Leur solvabilité fait l'objet d'un suivi par les agences de notation.
Les conditions de réassurance ont une influence déterminante sur les conditions d'assurance : si, lors d'un exercice, un réassureur constate qu'il fait face à une sinistralité trop élevée pour lui, il exigera de l'assureur une vigilance plus grande avec ses assurés, des primes et des franchises plus élevées, ce qui se répercutera rapidement sur les assurés.
Source : commission des finances d'après le site internet de l'Apref et les réponses au questionnaire du rapporteur
2. Les événements récents ont prouvé que les collectivités territoriales sont inégalement, mais spécifiquement, exposées aux risques d'émeutes
a) En 2023, les collectivités territoriales fortement visées
Les collectivités territoriales ont été particulièrement touchées par les émeutes de l'été 2023. Le rapport de notre collègue Jean-François Husson note que, si les dommages aux biens des collectivités ont représenté seulement 4 % des sinistres déclarés (624 déclarations), ils ont représenté plus du quart (27 %) des 793 millions d'euros de dommages assurés résultant des violences urbaines, soit environ 200 millions d'euros. Ce coût a été largement supporté par Smacl Assurances SA (65 millions d'euros) et Groupama (30 millions d'euros)138(*).
Toutefois, au-delà des indemnisations versées par les assurances, « le reste à charge pour certaines collectivités a été considérable. »139(*) En effet, comme l'a relevé notre collègue François Noël Buffet, « le coût supporté par les assureurs ne correspond cependant qu'à une part des dommages aux biens résultant de ces émeutes, tous les sinistres n'étant pas nécessairement déclarés ou acceptés par les assureurs, lesquels n'ont pas toujours pris en charge la totalité du coût du sinistre. En outre, tous les biens publics ne sont pas assurés, l'auto-assurance étant fréquente dans le secteur public, notamment pour l'État. »140(*)
Le rapport d'Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès141(*) fait un constat similaire : alors qu'une tendance à la baisse des dégradation et destructions de biens publics était constatée depuis six ans, ces infractions se sont faites près de deux fois plus fréquentes durant les neuf jours qu'ont duré les émeutes de l'été 2023, avec 1 259 infractions enregistrées, soit + 80 % par rapport à l'année précédente.
b) Les services publics : cibles des émeutiers
Comme en 2005, les services publics ont été fortement touchés par les dommages résultant des violences urbaines, générant un fort sentiment d'incompréhension de la part des élus. Comme la littérature sociologique l'a régulièrement constaté, « à chaque épisode violent, les symboles de l'État et les équipements collectifs concentrent la colère des émeutiers »142(*).
Si le contentieux avec la police est le plus structurant143(*), il peut également s'agir de bâtiments scolaires, l'école étant régulièrement la cible de dégradations : en 2005, 255 établissements scolaires avaient été endommagés, dont 92 collèges et 49 lycées144(*). Mais il peut également s'agit de centres sociaux145(*), des transports publics146(*) ou d'équipements socio-culturels, comme les bibliothèques ou les médiathèques147(*).
L'épisode de 2023 ne fait pas exception : « parmi les 2 508 bâtiments incendiés ou dégradés figurent 273 bâtiments des forces de l'ordre, 105 mairies et 243 écoles. De nombreux véhicules de police ou de gendarmerie font en outre partie des 12 031 véhicules incendiés. »148(*)
c) Des violences « urbaines » qui touchent également de petites communes rurales
Comme le relevait le rapport de notre collègue Jean-François Husson, les violences dites « urbaines » de 2023 - contrairement à celles de 2005 - se sont propagées à l'ensemble du territoire, touchant des communes de toutes tailles. À cet égard, le ministre de la cohésion des territoires soulignait d'ailleurs qu'il s'agissait « d'une géographie nouvelle ».
Ainsi, en 2005, 25 départements et environ 200 communes avaient été touchés par les émeutes - concentrés sur des zones urbaines et notamment dans des quartiers dits sensibles. En 2023, ce sont 66 départements et plus de 550 communes qui ont été le théâtre d'émeutes ; cette fois, certaines communes présentent la particularité d'être faiblement peuplées, voire rurales - bien que les zones urbaines concentrent toujours 70 % des infractions.
Types de communes touchées par les
émeutes
entre le 27 juin et le 2 juillet 2023
(en nombre de communes)
Source : Article « Analyse comparée et socio-territoriale des émeutes de 2023 en France - Marco Oberti et Maela Guillaume Le Gall (Sciences Po / Polytechnique)
d) Des émeutes révélatrices des difficultés assurantielles des collectivités
Selon les divers rapports remis à l'époque par le Sénat, ces violences urbaines ont « mis en évidence les dysfonctionnements du marché assurantiel des collectivités » et ont-elles été autant « les révélateurs d'une atrophie de ce secteur allant jusqu'à un risque d'insoutenabilité du système financier de l'assurance »149(*) qu'un « cauchemar symptomatique des fragilités du modèle assurantiel des collectivités territoriales »150(*).
En effet, c'est autant au niveau des émeutes elles-mêmes que des mesures qui les ont suivi que se sont cristallisés l'incompréhension et le mécontentement des élus locaux : à la suite des émeutes, près de la moitié des communes ont vu leurs contrats résiliés (avec des délais de préavis inférieurs à la durée nécessaire pour un appel d'offres) ou modifiés au motif du contexte socio-économique de la commune et du risque de répétition151(*), traduisant un désengagement des assureurs sur ce risque ou entrainant une couverture lacunaire et coûteuse.
Les modifications des contrats concernent la hausse quasi systématique de la prime, constatée dans plus de 87 % de communes. Elles portent surtout sur la hausse des franchises, chiffrée entre 20 et 100 % et franchissant le seuil de 2 millions d'euros pour certaines communes152(*). Par ailleurs, les collectivités ne disposent pas, en réalité, de choix, dans la mesure où leurs appels d'offre demeurent trop souvent infructueux.
II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ : LA CRÉATION, SUR LE MODÈLE DU RÉGIME « CAT NAT », D'UN RÉGIME D'INDEMNISATION DU RISQUE D'ÉMEUTES ET DE MOUVEMENTS POPULAIRES
Le 2° du I du présent article insère un nouveau chapitre sur l'indemnisation du risque d'émeute et de mouvements populaires, composé des nouveaux articles L. 12-11-1 à L. 12-11-7, dans le code des assurances.
A. LA CRÉATION D'UNE NOUVELLE GARANTIE OBLIGATOIRE DANS LES CONTRATS « DOMMAGES AUX BIENS »
1. La définition d'une nouvelle garantie obligatoire
Le nouvel article L. 12-11-1 crée une nouvelle garantie « facultativement obligatoire »153(*). Cette garantie serait rattachée aux contrats « dommages aux biens » :
- souscrits par toute personne physique ou morale autre que l'État. Les collectivités territoriales ne seraient donc pas les seules bénéficiaires du nouveau régime, qui couvrirait également les personnes privées, professionnels et particuliers ;
- couvrant des biens situés en France ou des véhicules terrestres à moteur (VTM) ;
- contre les dommages résultant des émeutes et des mouvements populaires. L'article définit cette notion, considérant qu'« une émeute est un mouvement séditieux accompagné de violences et dirigé contre l'autorité en vue d'obtenir la satisfaction de certaines revendications d'ordre politique ou social » et que « constitue un mouvement populaire tout mouvement spontané ou concerté d'une foule désordonnée. »
Par coordination, le 1° du I modifie l'article L. 121-8 du code des assurances afin de supprimer le principe, qui prévaut aujourd'hui, de non-couverture du risque d'émeutes et de mouvements populaires sauf stipulation contraire dans le contrat.
Deux autres articles permettent de tirer les conséquences de la création cette nouvelle garantie obligatoire attachée aux contrats « dommages aux biens ».
Le nouvel article L. 12-11-2 régit le contenu des contrats incluant la nouvelle garantie. Il prévoit que les entreprises d'assurance insèrent une clause étendant leur garantie aux dommages résultant d'émeutes et de mouvements populaires, nonobstant toute clause contraire. Les clauses contraires sont réputées non-écrites.
L'article prévoit également, sur le modèle du régime « Cat Nat », que des clauses-types obligatoirement insérés dans les contrats dommages aux biens sont définie par arrêté du ministre chargé de l'économie.
Enfin, le nouvel article L. 12-11-5 prévoit la possibilité pour l'assuré auquel que l'assureur refuse de couvrir au titre des émeutes et des mouvements populaires, l'assuré peut saisir le bureau central de tarification (BCT), qui impose à l'assureur de le couvrir et fixe le tarif. Un assureur qui refuserait ces conditions pourrait se voir appliquer la plus sévère des sanctions du régulateur : le retrait de son agrément.
Enfin, l'article précise que serait nulle toute clause des traités de réassurance qui tendrait à exclure le risque d'émeutes et de mouvements populaires de la garantie de réassurance en raison des conditions fixées par le BCT.
2. La définition et les modalités de financement et d'indemnisation de cette nouvelle garantie
Le nouvel article L. 12-11-3 précise les caractéristiques de la garantie « émeutes et mouvements populaires ». Ainsi, la garantie ne peut excepter aucun des biens mentionnés au contrat ni opérer d'autre abattement que ceux fixés dans les clauses-types fixées par arrêté du ministre de l'économie (cf. supra). Si l'assuré est couvert contre les pertes d'exploitation, elles sont couvertes par la garantie « émeutes et mouvements populaires » dans les conditions prévues au contrat.
Il prévoit également les conditions de son financement et les modalités de versement de l'indemnisation.
La garantie est couverte, sur le modèle du régime « Cat Nat », par une surprime spécifique. Individualisée dans l'avis d'échéance, celle-ci est calculée à partir d'un taux unique défini par arrêté pour chaque catégorie de contrat. Ce taux unique, qui permet d'éviter une sélection par le risque et l'atrophie du marché, est appliqué au montant de la prime principal ou des capitaux assurés, selon la catégorie de contrat.
L'indemnisation serait également soumise à une franchise, dont l'application est encadrée par le texte : la franchise ne peut être appliquée qu'une seule fois lorsque plusieurs émeutes ou mouvements populaires se succèdent à brève échéance. Cette franchise figure également dans chaque document transmis à l'assuré et elle lui est rappelée chaque année.
Quant au nouvel article L. 12-11-4, il précise les modalités d'indemnisation au titre de la nouvelle garantie « émeutes et mouvements populaires ». Une provision sur l'indemnisation est versée à l'assuré au plus tard dans les deux mois qui suivent :
- soit la date de remise de l'état estimatif des biens endommagés ou des pertes subies ;
- soit, lorsqu'elle est postérieure, la date de publication de l'arrêté reconnaissant l'intensité exceptionnelle de l'évènement (cf. infra).
Si l'assureur manque à son obligation, la somme à verser est majorée du plein droit de l'intérêt légal jusqu'à son plein versement. L'assureur et l'assuré demeureraient libres de définir au contrat des conditions plus favorables à l'assuré.
B. LA CRÉATION D'UN MÉCANISME DE MUTUALISATION DU RISQUE D'ÉMEUTES ET DE MOUVEMENTS POPULAIRES
Le nouvel article L. 12-11-6 crée un mécanisme de mutualisation du risque d'émeutes et de mouvement populaire. Ce mécanisme repose sur un fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaires, auquel est affectée la surprime « émeutes » et qui intervient pour l'indemnisation des dommages résultant d'émeutes ou de mouvements populaires d'intensité exceptionnelle, dans la limite d'un milliard d'euros.
L'exposé des motifs de la proposition de loi indique que ce mécanisme est « inspiré des modèles du régime « Cat Nat » et du régime de gestion de l'assurance et de la réassurance des risques attentats et actes de terrorisme (Gareat) ». Les auteurs précisent que le choix de confier la gestion de ce fonds à une association à laquelle adhèreraient les assureurs résulte du souci de respecter l'article 40 de la Constitution, et qu'ils appellent de leurs voeux l'intervention de la Caisse centrale de réassurance (CCR).
Dans le dispositif proposé, l'émeute ou le mouvement populaire d'intensité exceptionnelle serait constaté par arrêté ministériel, notamment à l'aune du montant des dommages qui en résulte. Sur le modèle du régime « Cat Nat », l'arrêté définirait les zones et les périodes ainsi que la nature des dommages pouvant faire l'objet d'une indemnisation par le fonds - aucune demande de reconnaissance d'une commune n'étant recevable lorsqu'elle intervient douze mois après le début de l'événement.
C. L'APPLICATION DU DISPOSITIF
Le nouvel article L. 12-11-7 renvoie à un décret en Conseil d'État d'établir les modalités d'application du nouveau régime, il précise également la teneur minimale de ce décret, qui devra préciser les conditions de mise en oeuvre de la garantie et de l'indemnisation, le seuil minimal de dommages caractérisant l'intensité exceptionnelle d'une émeute ou d'un mouvement populaire et les dérogations applicables à l'indemnisation des « grands risques ».
Le II du présent article prévoit définit les modalités d'entrée en application des dispositions du I : celles-ci seront applicables aux contrats en cours au moment de son entrée en vigueur, c'est-à-dire à compter du premier jour du treizième mois suivant la promulgation de la présente loi, date de son entrée en vigueur.
III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES FINANCES : PROPOSER QUELQUES AMÉLIORATIONS À UN DISPOSITIF AUDACIEUX ET ATTENDU, TOUT EN ATTENDANT LA NÉCESSAIRE INTERVENTION DU GOUVERNEMENT
A) UNE DÉFINITION NÉCESSAIRE DU RISQUE D'ÉMEUTES ET DE MOUVEMENTS POPULAIRES
1. Une entreprise de définition nécessaire pour améliorer la couverture d'un risque particulièrement imprévisible
L'ensemble des personnes entendues a jugé souhaitable de définir plus précisément les émeutes et les mouvements populaires, qui serait même indispensable en cas de création d'un régime d'indemnisation reposant sur la solidarité nationale. Selon la documentation transmise au rapporteur par l'Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), « si la nature imprévisible des événements rend difficile l'évaluation et la tarification précises du risque, (...) une meilleure appréhension de la définition des évènement couverts serait de nature à ce que le marché comprenne mieux ce risque afin de pouvoir continuer à y apporter des solutions de couverture. »
L'enjeu d'une définition est important, car la multiplication des notions peut impacter le niveau de couverture accordé tant en assurance qu'en réassurance. Une définition consolidée de ces deux notions permettra :
- de mieux articuler ces deux notions avec d'autres notions voisines, voire concurrentes ;
- de proposer aux entreprises d'assurance et de réassurance un cadre clair d'intervention sur le marché ;
- d'objectiver, autant que faire se peut, les critères de définition des émeutes et mouvements populaires afin de limiter au maximum la marge d'appréciation de l'autorité chargée de reconnaitre l'existence d'un tel évènement, dans l'optique de réduire l'aléa moral.
Certes, les notions d'émeutes et de mouvements populaires sont moins objectivables que d'autres risques. Pour autant, les régimes d'assurance existants prévoient respectivement une définition des actes de terrorisme et des attentats154(*), des catastrophes naturelles155(*) et des catastrophes technologiques156(*).
2. Les définitions proposées doivent être précisées et exclure les cas de figure n'entrant pas dans leur champ
Si le présent article a pris l'initiative, saluée unanimement lors des auditions menées par le rapporteur, de proposer ces premières définitions, ces dernières n'apparaissent pas pleinement satisfaisantes. De fait, l'usage du terme « sédition » en parallèle de l'expression « dirigé contre l'autorité » pouvait paraître redondant. De même, la limitation de l'émeute à « certaines revendications d'ordre politique ou social » pouvait sembler limitatif comme l'a souligné la CCR dans ses observations écrites.
La commission a, par conséquent, adopté un amendement COM-4 visant à proposer une nouvelle définition aux deux catégories visées dans le présent article. Cette proposition définit :
- l'émeute, comme tout rassemblement de personnes, accompagné de violences et dirigé contre l'autorité en vue d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales ;
- le mouvement populaire, comme tout rassemblement de personnes accompagné de violences et visant à troubler l'ordre public.
Deux critères communs sont ainsi utilisés pour identifier l'émeute et le mouvement populaire. Il s'agit, en premier lieu, d'un critère de masse ; l'émeute ou le mouvement populaire est un rassemblement de personnes. Il n'est apparu opportun au rapporteur de fixer un nombre minimal de personnes participantes, à l'instar du droit britannique157(*). La référence à une rassemblement a en revanche pour effet, aux yeux de la commission, d'écarter de la garantie « émeute et mouvement populaire » les actions des commandos, qui sont les faits de groupements plutôt que de rassemblements.
En second lieu, ce rassemblement de personnes doit être accompagné de violences dont découleront les dommages assurés. Il n'est toutefois pas nécessaire, à la différence du régime de responsabilité sans faute prévu par le code de la sécurité intérieure, que les participants aient commis un crime ou un délit.
S'agissant de l'émeute, outre les conditions précitées, la position de la commission des finances propose de retenir :
- un critère contestataire, les participants à l'émeute s'inscrivent dans la remise en cause de l'ordre établi ou d'une décision publique identifiée ;
- un critère revendicatif, qui découle du précédent critère. En se plaçant dans la contestation d'une décision ou d'un ordre établi, l'émeute vise à défendre la réalisation des attentes et des demandes politiques, économiques ou sociales de ses participants. L'expression « revendications politiques, économiques ou sociales » est pleinement exhaustive158(*).
Concernant le mouvement populaire, la définition proposée repose sur un critère finaliste : le rassemblement violent vise à troubler l'ordre public. Ainsi définie, la notion permet de mieux appréhender les mouvements commettant des violences, sans afficher ouvertement une revendication, qui ont pu être observés au cours des dernières années, tout en excluant les comportements opportunistes de pillages - qui ont une autre finalité que de troubler l'ordre public.
En revanche, la commission n'a pas souhaité ajouter de critère relatif au caractère organisé de l'évènement. Ce faisant, les définitions proposées entendent se placer dans la droite ligne de la jurisprudence qui ne fait pas de la spontanéité un critère de qualification de l'émeute ou du mouvement populaire159(*). Elles permettent à la fois de couvrir un rassemblement organisé et concertée et un rassemblement plus spontané et mal coordonné.
Critères d'identification de
l'émeute et du mouvement populaire
proposés par la commission
des finances
Critère |
Émeute |
Mouvement populaire |
Critère de masse |
un rassemblement de personnes |
un rassemblement de personnes |
Critère de violence |
accompagné de violences |
accompagné de violences |
Critère contestataire |
dirigé contre l'autorité |
/ |
Critère revendicatif |
en vue d'obtenir la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales |
/ |
Critère finaliste |
/ |
visant à troubler l'ordre public |
Source : commission des finances
Le tableau ci-dessous propose une typologie d'événements selon qu'ils peuvent ou non faire l'objet d'une indemnisation au titre de la garantie « émeute et mouvement populaire » telle que définie par la commission des finances. Les notions d'émeute et de mouvement populaire devraient permettre de couvrir de nombreux événements qui le sont aujourd'hui difficilement par l'assurance privée.
On notera enfin l'absence d'indemnisation des actions de commando, de pillage ou des actes de terrorisme (cf. infra), ainsi que la possibilité pour les notions d'émeute et de mouvement populaire de recouper la notion d'attroupement ou de rassemblement au sens du code de la sécurité intérieure. Dans ce cas, les assureurs - ou le gestionnaire du fonds de mutualisation du risque prévu par le présent article - pourrait exercer directement contre l'État des actions récursoires.
Classification indicative
d'événements au regard de la garantie
« émeute et mouvement populaire »
Exemple |
Attroupement/ |
Émeute/ Mouvement populaire |
Manifestation organisée et pacifique qui dégénère |
X |
X |
Attroupement spontané qui commet des violences |
X |
X |
Rétablissement violent d'un clan à la chefferie d'un village |
X |
|
Violences urbaines prolongées en réponse aux excès perçus des forces de l'ordre |
X |
|
Organisation d'un piquet de grève interdisant par la violence l'accès d'une usine aux ouvriers |
X |
|
Dommages causés à des biens par un groupe de grévistes, sur fond de conflit social mais sans lien direct avec ce conflit |
X |
|
Destructions aveugles de biens à l'occasion de désordres |
X |
|
Destructions de biens par des hooligans à la suite d'une manifestation sportive |
X |
|
Pillage opportuniste d'un commerce à l'occasion d'un rassemblement |
||
Actions de commando |
||
Attentat ou acte de terrorisme |
Note : les exemples cités sont tirés de la jurisprudence.
Source : commission des finances du Sénat
De plus, l'amendement COM-4 exclut explicitement du champ des définitions choisies d'autres notions voisines, à savoir les actes relevant de la guerre civile et de la guerre étrangère et les actes de terrorisme au sens de l'article 421-1 du code pénal.
Inscrire cette exclusion de manière explicite dans le code des assurances permet de clarifier la distinction entre ces différentes notions qui peuvent, comme l'ont montré les développements supra, parfois se recouper. Ces actes ne relèveront pas de la couverture obligatoire introduite par le présent article.
Ainsi, les actes relevant de la guerre civile ou de la guerre étrangère continueront, en application de l'article L. 121-8 du code des assurances, d'être exclus du contrat d'assurance, sauf clause contraire.
S'agissant des actes de terrorisme, comme indiqué supra, l'article L. 126-2 du code des assurances prévoit une extension de garantie obligatoire de l'assuré pour les dommages matériels directs causés aux biens assurés par un attentat ou un acte de terrorisme dans les contrats garantissant les dommages d'incendie et les contrats garantissant les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur.
B) LE RÉGIME « CAT NAT », MODÈLE PERTINENT POUR ASSURER LA COUVERTURE DU RISQUE « ÉMEUTE » ?
1. Les vertus du modèle « Cat Nat » : garantir l'assurabilité du risque
Créé par la loi n° 82-600 du 13 juillet 1982 relative à l'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, le régime d'indemnisation des catastrophes naturelles160(*) permet un partage du risque public-privé. Il repose sur une garantie obligatoire, contre les dommages résultant de catastrophes naturelles, dans les contrats d'assurance de dommages aux biens et pertes d'exploitation161(*).
Cette garantie obligatoire permet une couverture optimale du risque de catastrophe naturelle et prévient tout comportement d'antisélection de la part des assureurs. En contrepartie de cette obligation, les assureurs peuvent souscrire une offre de réassurance auprès de la Caisse centrale de réassurance (CCR), société à capitaux publics, qui bénéficie dans ce cadre de la garantie de l'État162(*). La garantie obligatoire est financée par le paiement d'une surprime, dont le montant, identique sur l'ensemble du territoire, est fixé par arrêté163(*).
Le fonctionnement du régime repose sur trois niveaux d'indemnisation :
- un premier niveau d'indemnisation pris en charge par l'assurance privée, des dommages matériels résultant de catastrophes naturelles ;
- un deuxième niveau, reposant sur l'offre de réassurance de la Caisse centrale de réassurance ;
- un troisième niveau avec l'intervention de l'État, en cas d'épuisement des réserves de la CCR, au titre de sa garantie illimitée accordée à la CCR au titre de ses opérations de réassurance des risques résultant de catastrophes naturelles. La garantie de l'État s'active lorsque le coût des sinistres sur une année dépasse 90 % des réserves de la CCR ; la diminution du niveau des réserves faisant mécaniquement baisser le seuil d'intervention de la garantie.
Au total, le régime « CatNat » présente deux avantages principaux.
D'une part, le régime permet une couverture assurantielle de l'ensemble du territoire, grâce à une surprime dont le montant est identique, quel que soit le risque pesant sur l'assuré. Aucun territoire ne se trouve donc exposé à un risque d'antisélection et le prélèvement d'une surprime unique renforce la solidarité entre les assurés.
D'autre part, l'équilibre financier du système est assuré par l'intervention, en dernier ressort, de l'État, au travers de sa garantie aux activités de la CCR. Si l'État garantit, in fine, le financement du nouveau régime, ce système n'expose pas directement les finances publiques.
Ces éléments expliquent le choix de l'auteur de la proposition de loi d'inscrire le dispositif dans un schéma largement inspiré de ce régime, avec une garantie facultativement obligatoire et la création d'un mécanisme para-public de réassurance.
Pour autant, il importe de souligner que le régime « CatNat » laisse peu de place à la réassurance privée. De fait, dans ce cadre, près de 95 % des assureurs se réassurent auprès de la CCR.
La transposition du régime « CatNat » à la couverture du risque EMP rapprocherait la France du modèle espagnol où le Consorcio de Compensación de Seguros (CCS), qui assure à la fois le risque « CatNat » et le risque « émeutes et mouvements populaires », n'a pas recours à la réassurance. L'exclusion de facto de la réassurance privée de la couverture de ce risque ne devrait pas rencontrer d'opposition de la part des entreprises de ce secteur. L'Apref ayant confirmé, lors de son audition, le « peu d'appétit » des réassureurs pour le risque « émeutes et mouvements populaires ».
2. Transposé aux émeutes et aux mouvements populaires, le modèle du régime « Cat Nat » devrait permettre une meilleure prise en charge des risques liés aux troubles sociaux
Afin de préserver l'assurabilité du risque d'émeutes et de mouvements populaires, une nouvelle garantie serait obligatoirement incluse dans les contrats dommages aux biens, sur le modèle :
- de l'extension de garantie « Cat Nat » dans les contrats dommages aux biens (article L. 125-1 du code des assurances) ;
- de l'extension de garantie de l'assuré pour les dommages matériels directs causés aux biens assurés par un attentat ou un acte de terrorisme dans les contrats garantissant les dommages d'incendie et les contrats garantissant les dommages aux corps de véhicules terrestres à moteur (article L. 126-2 du code des assurances) ;
- de l'extension de garantie pour les dommages résultant des catastrophes technologiques causés aux biens assurés dans les contrats multirisques habitation, conclus par les personnes physiques en dehors de leur activité professionnelle (article L. 128-2 du code des assurances).
La nouvelle extension de garantie obligatoire s'appliquerait aux contrats de l'ensemble des personnes physiques et morales, soit ceux des particuliers, des entreprises et des collectivités territoriales. L'État demeurerait la seule personne morale exclue du champ de cette garantie, en raison de l'aléa moral. Ce large champ s'explique par la volonté de disposer :
- d'une part, de la meilleure couverture assurantielle possible ;
- d'autre part, d'une assiette étendue pour permettre l'équilibre financier du nouveau régime. Lors de son audition le 3 mars 2025 par la commission des finances, M. Edouard Vieillefond, directeur de la Caisse centrale de réassurance, avait en effet souligné que « si un tel régime était créé, il faudrait en outre une mutualisation maximale, du point de vue des territoires comme de celui des assurés, entreprises, collectivités locales et particuliers compris, pour que chacun puisse contribuer »164(*).
Le mécanisme d'une garantie obligatoire permet donc de disposer d'une assiette large de financement du nouveau régime de mutualisation du risque introduit par le présent article.
3. Des ajustements demeurent nécessaires pour assurer la pleine opérationnalité du dispositif
a) Nécessaire au respect de l'obligation de garantie, l'intervention du bureau central de tarification (BCT) doit être précisée
Pour prévenir le non-respect des obligations d'assurance, le législateur a créé en 1958165(*) le bureau central de tarification (BCT). Cet organe indépendant, composé paritairement d'assureurs et d'assujettis aux obligations d'assurance. En cas de refus par l'assureur d'accepter un risque visé par une obligation d'assurance, le BCT rend un avis de tarification qui s'impose à l'assureur. Il est compétent pour :
- l'obligation d'assurance de responsabilité civile automobile ;
- l'obligation d'assurance de responsabilité décennale et de dommages-ouvrage ;
- l'obligation d'assurance en matière de responsabilité civile des locataires (uniquement concernant les locaux à usage d'habitation ou à usage mixte professionnel et d'habitation), des copropriétaires et des syndicats de copropriétaires ;
- l'obligation d'assurance de responsabilité civile médicale ;
- l'obligation d'assurance en responsabilité civile pour les dommages causés par les remontées mécaniques ;
- la garantie contre les risques de catastrophes naturelles.
À titre d'illustration, le bureau central de tarification peut être saisi par tout assuré qui s'est vu refuser par une entreprise d'assurance, en raison de l'importance du risque de catastrophes naturelles auquel il est soumis, la souscription d'un des contrats qui ouvrent droit à la garantie « Cat Nat ». Le BCT peut imposer à l'entreprise d'assurance concernée la souscription du contrat demandé comprenant la garantie contre les effets des catastrophes naturelles.
Dans la même logique, le présent article introduit une nouvelle garantie facultativement obligatoire adossée à un contrat socle, la garantie émeutes et mouvements populaires, dont le BCT peut être saisi. Lors de son audition par le rapporteur, le bureau central de tarification a souligné que l'exercice de cette nouvelle compétence pourrait rencontrer les mêmes difficultés que celles observées dans sa mission relative à la garantie « CatNat ».
En premier lieu, la seule présence d'une garantie obligatoire « émeutes et mouvements populaires » dans un contrat de garantie de biens ne créerait pas d'obligation pour les entreprises d'assurance de conclure de tels contrats. En matière de catastrophes naturelles, le juge administratif a considéré que le BCT ne pouvait être saisi que du refus par une entreprise d'assurances d'insérer une clause étendant la garantie aux dommages liés aux risques de catastrophe naturelle166(*).
Or, en matière d'émeutes et de mouvements populaires, comme en matière de catastrophes naturelles, il existe un risque que les assureurs refusent la souscription du contrat socle pour des biens en raison de leur exposition au risque. Pour cette raison, s'agissant des « CatNat », la loi n° 2021-1837 du 28 décembre 2021 relative à l'indemnisation des catastrophes naturelles a précisé à l'article L. 125-6 du code des assurances qu'est susceptible de recours devant le BCT tout refus de souscription du contrat socle qui aurait pour origine l'importance du risque de catastrophe naturelle.
En second lieu, concernant les garanties facultativement obligatoires, l'avis de tarification du BCT ne peut porter que sur la seule tarification de la garantie, c'est-à-dire la surprime. Il existe pourtant un risque que les assureurs alourdissent la prime du contrat socle au regard de l'exposition au risque d'émeutes ou de mouvements populaires.
Pour anticiper ces difficultés, la commission a adopté un amendement COM-6, qui précise le rôle du BCT en indiquant :
- d'une part, que le bureau central de tarification peut être saisi du refus d'une entreprise d'assurance de souscrire un contrat dommages aux biens en raison de l'importance du risque d'émeutes et de mouvements populaires auquel il est soumis ;
- d'autre part, que, dans sa mission de tarification, le BCT apprécie les tarifs de contrats de manière englobante et non pas au regard de la seule prime attachée à la garantie « émeutes et mouvements populaires ».
b) La surprime devrait être affectée pour partie aux assureurs privés
Dans la rédaction proposée, l'intégralité de la surprime « émeutes » est affectée au fonds de gestion de ce risque, lequel n'interviendrait pour l'indemnisation que pour les événements d'intensité exceptionnelle reconnus par arrêté interministériels. Il y a là une difficulté.
En effet, le régime dont la création est proposée vise, par sa philosophie, à un partage des risques entre l'assurance privée et un mécanisme de mutualisation public-privé. Si le fonds de gestion du risque d'émeutes et de mouvements populaire est financé par abondement de la surprime perçue au titre de la garantie du même nom, obligatoirement souscrite dans les contrats dommages aux biens, il n'a pas vocation à en recevoir l'intégralité.
Dans ce schéma, il convient que les entreprises d'assurance puissent conserver une partie de la prime pour financer la part d'indemnisation qui leur échoie, à l'image de ce qui prévaut pour le régime d'assurance des catastrophes naturelles. En-deçà des seuils d'intervention du fonds de gestion, l'indemnisation des dommages serait en effet opérée par l'assurance privée.
Or, la rédaction actuelle du dispositif laisse entendre que l'ensemble de la surprime est reversé au fonds de gestion du risque « émeutes et mouvements populaires ». Pour cette raison, la commission des finances a adopté un amendement COM-7 qui clarifie cette intention en indiquant qu'une fraction, et non la totalité de la surprime, reviendrait au mécanisme de mutualisation.
c) Le seuil d'un milliard d'euros apparaît insuffisant et devrait être rehaussé
Dans la rédaction actuelle, le fonds de gestion des risques d'émeutes et de mouvements populaire prend en charge l'indemnisation des événements d'intensité exceptionnelle, dans la limite d'un plafond d'un milliard d'euros.
Interrogé à ce sujet par le rapporteur, l'administration comme les réassureurs - public et privés - ont jugé ce seuil insuffisant. Selon la CCR, ce seuil de 1 milliard d'euros correspond à une période de retour modélisée de 3 ans, ce qui paraît bas pour trois raisons :
- d'un point de vue financier, un seuil fixé trop bas expose les finances de l'État à une fréquence d'intervention trop importante ;
- d'un point de vue technique : le rôle d'un mécanisme de mutualisation publique est d'intervenir sur les événements de pointe avec une période de retour suffisamment élevée ; la période de retour d'intervention de l'État ne devrait pas être inférieure à 10 ans (l'objectif est qu'elle soit de 40 ans pour le régime « Cat Nat ») ;
- d'un point de vue de la carence de marché : les réassureurs privés pour le marché français interviennent à partir de 750 millions d'euros jusqu'à 2,5 milliards d'euros par an et par événement, soit 5 milliards d'euros par an au total en cas de reconstitution de la capacité pour couvrir un deuxième événement. En d'autres termes, le milliard d'euros est déjà partiellement couvert par la réassurance privée.
Pour ces raisons, il apparaît opportun de relever le seuil à 1,5 milliard d'euros, montant qui est revenu régulièrement dans les auditions des réassureurs et de la DG Trésor.
Cette dernière a en outre indiqué qu'il conviendrait de préciser si cette limite s'appliquera par événement ou par année - là encore en distinguant l'année civile de l'année « glissante » - et qu'il serait opportun d'indexer le plafond de manière à tenir compte de l'évolution des coûts.
Dès lors, la commission a adopté l'amendement COM-8 du rapporteur, qui procède :
- au rehaussement du plafond de 1 à 1,5 milliard d'euros ;
- à la précision que ce plafond s'applique par année civile ;
- à l'indexation de cette limite en fonction de l'indice des prix à la consommation.
C) UN MÉCANISME DE MUTUALISATION QUI DEVRA ÊTRE COMPLÉTÉ PAR LE GOUVERNEMENT
1. Une intervention de la CCR, écartée dans le texte pour respecter l'article 40 de la Constitution, est souhaitable
Comme l'indique l'exposé des motifs de la proposition de loi, « pour des raisons de compatibilité avec les règles de la recevabilité financière, la gestion de ce fonds serait confiée à une association à laquelle adhéreraient les entreprises d'assurance proposant des contrats incluant une garantie « émeutes et mouvements populaires ». »
En effet, il est probable que, si la caisse centrale de réassurance (CCR) avait été mentionnée dans le texte initial de la proposition de loi, celle-ci eût créé une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution. Comme l'indique le rapport du Président Raynal sur le sujet, « certaines entités, bien que de nature privée, entrent dans le périmètre de l'article 40 en raison de la garantie de l'État dont elles bénéficient. C'est le cas, notamment, de la caisse centrale de réassurance (CCR), société anonyme intégralement détenue par l'État. »167(*)
Si les auteurs de la proposition de loi ont souhaité éviter de contrevenir aux règles de recevabilité financière, ils n'en appellent pas moins de leurs voeux une intervention de la CCR dans leur exposé des motifs. Entendu par le rapporteur, le directeur général de la CCR a indiqué que la caisse serait tout à fait prête à intervenir, quel que soit le mécanisme envisagé (cf. infra).
Toutefois, à ce stade, l'intervention de la CCR nécessite l'intervention du Gouvernement, soit par une initiative de sa part, soit par le soutien qu'il apporterait à un amendement parlementaire.
2. Depuis la réforme de la LOLF de 2021, aucune garantie de l'État ne peut être octroyée en dehors d'une loi de finances
La Caisse centrale de réassurance est habilitée, pour une série de risques, à délivrer aux assureurs qui en font la demande une couverture de réassurance. Pour ces interventions, elle bénéficie d'une garantie illimitée de l'État.
Il est évident que, pour piloter efficacement le fonds introduit au présent article et proposer par ce biais des activités de réassurance, la CCR doit pouvoir bénéficier de la garantie de l'État. En effet, en l'état du droit, les articles L. 431-4 et suivants du code des assurances ne permettent pas à cette société de réassurer le risque d'émeutes et de mouvements populaires avec la garantie de l'État.
Toutefois, deux obstacles s'opposent à l'autorisation d'une telle garantie dans la présente proposition de loi :
- d'une part, les règles de la recevabilité financière prohibent la création ou l'aggravation d'une charge publique par les parlementaires. Or, en ouvrant la possibilité juridique d'une dépense publique, autoriser l'octroi d'une garantie de l'État est assimilé à une charge publique au sens de l'article 40 de la Constitution ;
- d'autre part, en application de l'article 34 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), l'autorisation de l'octroi des garanties de l'État et la fixation de leur régime relève du domaine exclusif des lois de finances. Plus précisément, une telle autorisation doit figurer en seconde partie de loi de finances.
Auditionnée par le rapporteur, la sous-direction des assurances et de l'économie sociale et solidaire de la direction générale du Trésor a confirmé l'avancement des travaux du Gouvernement et confirmé que le projet de loi de finances pour 2026 pourrait comprendre une disposition autorisant l'octroi de la garantie de l'État à la Caisse centrale de réassurance.
Une telle disposition, appelée de ses voeux par le rapporteur, permettrait de finaliser l'opérationnalité du régime d'assurance introduit par le présent article et confirme l'opportunité de la proposition de loi dans son ensemble.
3. Dans ce cadre, la commission des finances se montrera ouverte au dialogue quant au dispositif de mutualisation le plus pertinent du risque d'émeutes
a) Le fonctionnement du mécanisme de mutualisation pourra être ajusté
La commission des finances a également noté que le fonctionnement du dispositif de mutualisation du risque d'émeute ébauché par le présent article n'était qu'une possibilité parmi d'autres. En effet, une fois admise l'intervention de la CCR avec la garantie de l'État, plusieurs mécanismes de mutualisation pourraient être adoptés, qui suscitent inégalement l'enthousiasme des différents acteurs.
Le mécanisme de mutualisation du risque d'émeute pourrait s'inspirer, pour s'en tenir aux seuls dispositifs français :
- du modèle du régime « Cat Nat », qui repose sur la réassurance du risque par la CCR, celle-ci prenant en charge, au premier euro, une quote-part de 50 % de l'indemnisation des sinistres résultant des catastrophes naturelles - ce modèle a la faveur de France Assureurs qui y voit un facteur de responsabilisation de l'État, que sa participation au premier euro inciterait au maintien de l'ordre ;
- du modèle du régime de la gestion de l'assurance et de la réassurance des risques d'attentat et d'actes terrorisme (Gareat), fondé - pour ce qui concerne les grands risques par exemple - sur la prise en charge par l'assurance privée des dommages jusqu'à 500 millions d'euros, sur la réassurance de « Gareat Grand Risque » entre 500 millions d'euros et 2,1 milliards d'euros, et enfin sur la CCR qui délivre à Gareat une couverture illimitée avec la garantie de l'État - ce modèle aurait comme avantage d'être relativement protecteur des deniers publics ;
- des modèles reposant sur des fonds, tel que celui du fonds de garantie des opérateurs de voyages et de séjour (FGOVS) créé par la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, abondé par des dotations de l'État ou des primes.
Le dispositif proposé - notamment pour des raisons de compatibilité avec l'article 40 de la Constitution - se présente comme un mélange des deux derniers modèles, en prévoyant un fonds (qui à terme devrait être géré par la CCR) intervenant pour l'indemnisation des seuls dommages dépassant un certain seuil.
La commission des finances serait toutefois prête à envisager l'un ou l'autre de ces trois modèles, et invite le Gouvernement et les assureurs à se saisir de la proposition de loi comme le véhicule de leurs discussions devant la représentation nationale.
b) Le champ d'application du présent article et la question néo-calédonienne
Plusieurs auditions ont été l'occasion d'attirer l'attention du rapporteur sur la question du champ géographique d'application du présent article, et notamment sur son application à la Nouvelle-Calédonie. En effet, en l'état du texte, les émeutes et les mouvements populaires intervenant sur le Caillou ne bénéficieraient pas du mécanisme de mutualisation du risque qu'il prévoit.
Il semble cependant, comme l'a suggéré le directeur général de la CCR lors de son audition par le rapporteur, que l'applicabilité de ce régime en Nouvelle-Calédonie requière l'intervention du législateur organique, le droit des assurances étant régi par la loi du pays de Nouvelle-Calédonie168(*).
Sur ce sujet encore, la commission des finances se montrera ouverte à toutes les propositions qui apparaitraient au cours des débats.
Décision de la commission : la commission des finances a adopté cet article ainsi modifié.
* 2 Ordonnance n° 2010-76 du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d'agrément et de contrôle de la banque et de l'assurance, ratifiée par la loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.
* 3 Pour rappel, la Commission bancaire, l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (ACAM), le comité des entreprises d'assurance (CEA) et le comité des établissements de crédit et des entreprises d'investissement (CECEI).
* 4 Article L. 612-1 du code monétaire et financier.
* 5 Article L. 612-26 du code monétaire et financier.
* 6 Article L. 612-24 du même code.
* 7 Article L. 612-25 du même code.
* 8 Article L. 612-27 du même code.
* 9 Article L. 612-30 du même code.
* 10 Article L. 612-31 du même code.
* 11 Article L. 612-32 du même code.
* 12 Article L. 612-33 du même code.
* 13 Articles L. 612-34 et L. 612-34-1 du même code.
* 14 Pour un retour plus approfondi sur la politique commerciale menée par la Smacl : « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 15 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024, p. 62.
* 16 Idem, p. 48.
* 17 Autorité de la concurrence, avis 25-A-04 du 23 janvier 2025, relatif à la situation concurrentielle dans le secteur de l'assurance de dommages aux biens des collectivités territoriales.
* 18 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 19 Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 de régulation bancaire et financière.
* 20 Voir par exemple le rapport annuel de l'Observatoire des tarifs bancaires pour 2024.
* 21 Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, « L'assurabilité des biens des collectivités locales et de leurs groupements : état des lieux et perspectives », avril 2024.
* 22 Recommandation n° 2 : Créer un observatoire de l'assurance dans le secteur public, sur le modèle de l'observatoire des tarifs bancaires, chargé d'évaluer l'évolution des tarifs d'assurance du secteur ainsi que les dépenses et recettes publiques qui y sont consacrées.
* 23 Loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.
* 24 Article L. 151-2 du code de la consommation.
* 25 Articles L. 612-1, II, 3° et L. 612-29-1, alinéa 2, du code monétaire et financier.
* 26 ACPR, Recommandation 2022-R-01 du 9 mai 2022 sur le traitement des réclamations.
* 27 Le Médiateur de l'assurance, Rapport d'activité 2023, p. 10.
* 28 Ibid.
* 29 Laurent Denis, « La Médiation de l'assurance : une voie efficace dans une stratégie contentieuse », Dalloz actualité, 30 septembre 2024.
* 30 ACPR, Recommandation 2024-R-02 du 2 juill. 2024 sur le traitement des réclamations.
* 31 Jean-Samuel Bagendabanga, « L'essor progressif de l'amiable en assurance », Dalloz actualité, 16 septembre 2024.
* 32 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 33 Ibid.
* 34 Décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 réformant la procédure civile.
* 35 Conseil d'État, 22 septembre 2022, n° 436939.
* 36 Décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile.
* 37 Article 570-1 du code de procédure civile.
* 38 Article L. 114-2 du code des assurances.
* 39 Bagendabanga, art. cit.
* 40 Ibid.
* 41 Laurent Denis, art. cit.
* 42 Bagendabanga, art. cit.
* 43 Ibid.
* 44 Pour rappel, le droit des assurances distingue la franchise du découvert obligatoire. Si ces deux dispositifs ont pour conséquence de laisser à la charge de l'assurer une partie de l'indemnisation du sinistre, dans le cas de la franchise l'assuré peut souscrire un contrat d'assurance pour couvrir la part de risque laissée à sa charge.
* 45 Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 16 octobre 1990, 88-17.513, Publié au bulletin.
* 46 Article D. 125-5 du code des assurances. En ce sens, les franchises prévues dans le cadre de la garantie contre les catastrophes naturelles doivent être entendues comme un découvert obligatoire.
* 47 Article L. 125-2, alinéa 6, du code des assurances.
* 48 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 49 À titre d'exemple, peuvent être cités les dommages mineurs sur le parc automobile ou les bâtiments comme les bris de glace.
* 50 Article 110 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.
* 51 Article L. 1613-6 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
* 52 Article 48 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.
* 53 Article 58 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.
* 54 Article L. 1613-7 du CGCT.
* 55 Article 160 de la loi n ° 2015-1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016.
* 56 Article R. 1613-5 du CGCT. Des dérogations peuvent être accordées si le coût total de la réparation et de l'amélioration est inférieur au coût d'une reconstruction à l'identique.
* 57 Article R. 1613-3 du CGCT.
* 58 Cette mission est obligatoire lorsque le montant global estimé des dégâts est supérieur à un million d'euros hors taxes ou lorsque l'événement climatique ou géologique à l'origine des dégâts a touché plusieurs départements.
* 59 Au regard de la capacité financière de la collectivité territoriale ou du groupement et de l'importance des dégâts.
* 60 L'assurabilité des biens des collectivités locales et de leur groupement : état des lieux et perspectives, Alain Chrétien, maire de Vesoul, Jean-Yves Dagès, ancien président de Groupama, avril 2024.
* 61 Cf. commentaire de cet article pour une analyse détaillée du risque émeutes pour les collectivités territoriales.
* 62 J. Bigot, J. Kullmann et L. Mayaux, Traité de droit des assurances, préf. G. Durry, t. 5, Les assurances de dommages, 2014, LGDJ, n° 131, p. 70.
* 63 Il a également pu arriver que des assureurs, dans un contexte d'émeutes, proposent l'indemnisation de dommages causés par des émeutes sans que l'assuré ne soit couvert pour ce risque par son contrat.
* 64 Jean-Charles Jobart, Collectivités et assurances - Les réparations des émeutes urbaines, AJCT 2023, p. 602.
* 65 L. Molina, La prérogative contractuelle, préf. L. Aynès, LGDJ, 2022, p. 619.
* 66 Apref, « Le traitement des risques SRCC en assurance », commission juridique et conformité, mai 2025.
* 67 Cour d'appel de Paris, Pôle 4, chambre 8, 21 septembre 2022, n° 19/0875.
* 68 Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, « L'assurabilité des biens des collectivités locales et de leurs groupements : état des lieux et perspectives », avril 2024.
* 69 Une émeute a été définie comme « un tumulte, parfois séditieux ou insurrectionnel, caractérisé par des bagarres ou des scènes de violences, dirigé contre une classe de la population ou certains organismes représentant l'ordre établi et destiné à la satisfaction de revendications politiques, sociales ou économiques » par la Cour d'appel de Bordeaux en 1934 (Cour d'appel de Bordeaux, 12 février 1934, Gaz. Pal. 1934. I, p. 589).
* 70 Cour de cassation, 2e civ., 17 novembre 2016, n° 15-24116.
* 71 Cf. Apref, « Le traitement des risques SRCC en assurance », commission juridique et conformité, mai 2025.
* 72 CA Paris, 4 déc. 2003, Jurisdata n° 03-262.623.
* 73 Avis du Comité économique et social européen sur le thème « Espaces urbains et violence des jeunes » (2009/C317/06), JOUE C 317, 23 déc. 2009, p. 37, spéc. p. 38.
* 74 En vertu du Riot Compensation Act de 2016.
* 75 Public Order Act, 1986 : « Where twelve or more persons who are present together use or threaten unlawful violence for a common purpose and the conduct of them (taken together) is such as would cause a person of reasonable firmness present at the scene to fear for his personal safety, each of the persons using unlawful violence for the common purpose is guilty of riot. ».
* 76 Real Decreto 300/2004, de 20 de febrero de 2004, por el que se aprueba el Reglamento del seguro de riesgos extraordinarios : « Motín : todo movimiento acompañado de violencia dirigido contra la autoridad para obtener satisfacción de ciertas reivindicaciones de orden político, económico o social, siempre que el hecho no tuviese carácter terrorista o fuese considerado tumulto popular ».
* 77 Ibid : « Tumulto popular : toda actuación en grupo y con la finalidad de atentar contra la paz pública que produzca una alteración del orden, causando lesiones a las personas o daños a las propiedades, siempre que el hecho no tuviese carácter terrorista o fuese considerado motín ».
* 78 Pour les risques non couverts par le système d'assurance public des risques exceptionnels, soit les dommages causés par des évènements survenus à l'étranger.
* 79 CE, 5 et 4 sous-sections réunies, 11 juil. 2011, n° 331669.
* 80 Cass. Civ. 3, 2 oct. 2012, n° 11-21.589.
* 81 Quant à l'exigence d'une revendication : Soc., 13 nov. 1993, RJS 1994, n° 72 - Soc., 18 juin 1996, préc. - Soc., 17 déc. 1996, Bull. civ. V, n° 445 - Soc., 26 sept. 1990 n° 88-41.375.
* 82 Civ., 11 janv. 1943 : DC 1943. 136, note P. L.-P - Civ., 11 déc. 1942 : RGAT 1943. 161 ; DC 1943. 136, note P. L.-P.
* 83 Article 322-1 du code pénal.
* 84 Article 411-9 du code pénal.
* 85 Article 410 et suivants du code pénal. Les actes de terrorisme sont divers types d'infraction ayant en commun d'être commis « intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur ».
* 86 Article 412-1 du code pénal. L'attentat est défini comme « le fait de commettre un ou plusieurs actes de violence de nature à mettre en péril les institutions de la République ou à porter atteinte à l'intégrité du territoire national ».
* 87 Dans son rapport rendu en janvier 2022, le Haut Comité Juridique de la Place financière de Paris avait jugé nécessaire une clarification de ces notions compte-tenu de l'ampleur des dommages qui pourraient résulter d'actes de cyberguerre.
* 88 Civ. 1, 6 nov. 1962, JCP 1962. II. 12929, note A. B. - Civ. 1, 16 nov. 1964, JCP 1965. II. 14333 bis, note Bigot.
* 89 Cf. Apref, « Le traitement des risques SRCC en assurance », commission juridique et conformité, mai 2025.
* 90 Geneviève Bührer-Thierry, Charles Mériaux, La France avant la France (481-888), Belin, décembre 2010.
* 91 Alexis de Tocqueville, L'Ancien Régime et la Révolution, Edition de J.-P. Mayer, Folio, Gallimard, avril 1985.
* 92 D. 1951. I, n° 923, cité in Terry Olson, Répertoire de la responsabilité de la puissance publique, « Régime de responsabilité de l'État pour les dommages dus aux attroupements et rassemblements », Dalloz, février 2024.
* 93 Loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État.
* 94 La loi n° 96-142 du 21 février 1996 relative à la partie législative du code général des collectivités territoriales avait auparavant codifié ce régime à l'article L. 2216-3 du code général des collectivités territoriales (CGCT).
* 95 Conseil d'État, 30 juin 1999, n° 190038, Foucher.
* 96 La responsabilité de l'État peut en effet être engagée, sur le fondement de ce régime, au bénéfice de l'assureur subrogé aux droits de la victime (Cour administrative d'appel de Paris, 17 décembre 1991, n° 89PA02234, Société Drouot Assurances).
* 97 Rapport annuel de performance, Programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », Mission « Administration générale et territoriale de l'État », Annexe au projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l'année 2024, déposé le 24 avril 2025.
* 98 Article 431-1 du code pénal.
* 99 Conseil d'État, 3 mars 2003, n° 242720, Ministre de l'intérieur c/ Compagnie Generali France assurances.
* 100 Christine Paillard, « Responsabilité du fait des attroupements : appréciation rigoureuse », note sous Conseil d'État, 11 octobre 2023, n° 465591, JurisClasseur : Responsabilité civile et Assurances, fasc. 370-30.
* 101 Louis Dutheillet de Lamothe et Guillaume Odinet, « L'introuvable attroupement », AJDA 2017, p. 524.
* 102 Conseil d'État, 11 juillet 2011, n° 331669, Société mutuelle d'assurances des collectivités locales.
* 103 Conseil d'État, 30 décembre 2016, n° 386536, Société Covea risks.
* 104 Conseil d'État, 25 juin 2008, n°s 308856 et 308858, Mutuelle d'assurance des instituteurs de France.
* 105 Conseil d'État, 12 novembre 1997, n° 150224, Compagnie d'assurances générales de France et autres.
* 106 Conseil d'État, 26 mars 2004, n° 248623, Société BV EXPORTSLACHTERIJ APELDOORN ESA.
* 107 Conseil d'État, 22 février 2017, n° 392276, Société Allianz IARD.
* 108 Conseil d'État, 30 décembre 2016, n° 389835, Société Generali IARD.
* 109 Conseil d'État, 11 octobre 2023, n° 465591, Ministre de l'intérieur.
* 110 Louis Dutheillet de Lamothe et Guillaume Odinet, « L'introuvable attroupement », AJDA 2017, p. 524.
* 111 Conseil d'État, 28 février 2025, n° 471491, SANEF et n° 473904, Société Lib Industries.
* 112 Conseil d'État, 28 février 2025, n° 473904, Société Lib Industries.
* 113 Maxime Boutron, rapporteur public, conclusions sur les affaires précitées.
* 114 Allianz Commercial, Political violence and civil unrest trends 2025, 2025.
* 115 Ce qui pourrait faire de cet évènement le plus coûteux de l'histoire en termes assurantiels.
* 116 Vers la Colombie en 2021, le Panama et la Bolivie en 2022, le Pérou en 2022-2023, le Brésil en 2023 et l'Équateur en 2024.
* 117 Fonds monétaire international, « Adding Fuel to the Fire: How Weather Shocks Intensify Conflict », Sidra Rehman and Laura Jaramillo, juin 2024.
* 118 France Assureurs, Cartographie prospective 2025 de l'assurance, 8e édition, février 2025.
* 119 La mésinformation est définie par l'OCDE comme « la diffusion d'informations fausses ou inexactes sans le savoir et sans intention de tromper le public » (OCDE, Les faits sans le faux : Lutter contre la désinformation, renforcer l'intégrité de l'information, 2024).
* 120 La désinformation correspond, toujours selon l'OCDE, à la création, présentation et diffusion délibérée d'informations fausses inexactes ou trompeuses dans le but de porter préjudice.
* 121 Le Monde, « Au Royaume-Uni, des émeutiers d'extrême droite dans les rues de Southport après une attaque au couteau », Julie Zaug, 31 juillet 2024, consulté le 29 mai 2025.
* 122 Rapport n° 739 (Session de droit en application de l'article 12 de la Constitution) fait par M. Dominique de Legge et M. Rachid Temal au nom de la commission d'enquête sur les politiques publiques face aux opérations d'influences étrangères visant notre vie démocratique, notre économie et les intérêts de la France sur le territoire national et à l'étranger afin de doter notre législation et nos pratiques de moyens d'entraves efficients pour contrecarrer les actions hostiles à notre souveraineté, 23 juillet 2024.
* 123 Viginum/SGDSN, Sur X et Facebook, plusieurs manoeuvres informationnelles d'origine azerbaïdjanaise ciblent la France dans le contexte des émeutes en Nouvelle-Calédonie, fiche technique, 17 juin 2024.
* 124 Respectivement 62 % et 69 %.
* 125 Axa, « Future Risks Report », édition 2024.
* 126 La décision a toutefois été invalidée par le juge administratif (Conseil d'État, juge des référés, 23 mai 2024, n° 494320).
* 127 Apref, Note émeutes et mouvements populaires, Commission CAT, avril 2025.
* 128 Allianz Commercial, Political violence and civil unrest trends 2025, 2025.
* 129 Contre 62 % pour le Royaume-Uni, 58 % pour les États-Unis, 36 % pour l'Allemagne et 28 % pour l'Italie.
* 130 Rapport d'information n° 2167 (XVe législature) par la mission d'information commune sur les coûts économiques, sociaux et budgétaires des blocages, violences et dégradations commis en marge du mouvement des « gilets jaunes », 17 juillet 2019.
* 131 Avec notamment une perte de chiffre d'affaires de deux milliards d'euros pour le secteur de la grande distribution, de 850 millions d'euros pour le secteur de l'hôtellerie et de la restauration et de 600 à 800 millions d'euros pour le secteur des transports.
* 132 Les émeutes se sont déroulées entre le 27 juin et le 5 juillet 2023, avec un pic de violences entre les 29 et 30 juin.
* 133 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) fait par M. Jean-Noël Buffet au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023, 9 avril 2024.
* 134 684 faits de violence à l'encontre des élus et personnes chargées de mission de service public ont été recensés entre le 27 juin et le 7 juillet 2023 selon le rapport de la commission des lois cité supra.
* 135 Les Échos, « Un an après les émeutes, la Nouvelle-Calédonie toujours au bord du gouffre », Ulysse Legavre-Jérôme, 12 mai 2025.
* 136 L'Argus de l'assurance, « Sans intervention de l'État, des assureurs pourraient à terme se retirer de Nouvelle-Calédonie », Nathalie Tissot, 26 mai 2025.
* 137 Directive 2009/138/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2009 sur l'accès aux activités de l'assurance et de la réassurance et leur exercice.
* 138 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 139 Ibid.
* 140 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) fait par M. François Noël Buffet au nom de la commission des lois, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
* 141 Alain Chrétien et Jean-Yves Dagès, « L'assurabilité des biens des collectivités locales et de leurs groupements : état des lieux et perspectives », avril 2024.
* 142 Didier Chavannet et Xavier Weppe, « Pourquoi les émeutiers s'en prennent-ils aux services publics ? », Revue française d'administration publique, n° 163, 2017, p. 631-644.
* 143 Ibid.
* 144 Alain Bertho, « Événements de novembre 2005 dans les banlieues françaises », Dossier documentaire, 32 pages, 2005.
* 145 Chavannet, Weppe, art. cit.
* 146 Mathias Boquet, Les banlieues entre ouverture et fermeture : réalités et représentations de l'enclavement dans les quartiers urbains défavorisés, Université du Havre, 2008.
* 147 Denis Merklen, Pourquoi brûle-t-on les bibliothèques en France ?, Villeurbanne, 2017.
* 148 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) fait par M. François Noël Buffet au nom de la commission des lois, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
* 149 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 150 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) fait par M. François Noël Buffet au nom de la commission des lois, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
* 151 Rapport d'information n° 521 (2023-2024) fait par M. François Noël Buffet au nom de la commission des lois, investie des pouvoirs d'une commission d'enquête, sur les émeutes survenues à compter du 27 juin 2023.
* 152 « Garantir une solution d'assurance aux collectivités territoriales », Rapport d'information n° 474 (2023-2024), fait par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, déposé le 27 mars 2024.
* 153 C'est-à-dire obligatoire dans le cas où un contrat d'assurance facultative est souscrit.
* 154 Par renvoi aux dispositions des articles 421-1 et 421-2 du code pénal.
* 155 Article L. 125-1 du code des assurances.
* 156 Article L. 128-1 du code des assurances.
* 157 Où la qualification d'émeutes est retenue à compter de douze personnes. Le code pénal révolutionnaire des 25 septembre et 6 octobre 1791 retenait un seuil de quinze personnes pour la qualification d'attroupement.
* 158 Pour autant, la notion parallèle de mouvement populaire permet de ne pas limiter l'application de ce régime à la satisfaction de revendications politiques, économiques ou sociales.
* 159 Cass. 2e civ., 17 nov. 2016, n° 15-24116.
* 160 Codifié aux article L. 125-1 et suivants du code des assurances.
* 161 Article L. 125-2 du code des assurances.
* 162 Article L. 431-9 du code des assurances.
* 163 Ce niveau est passé de 12 à 20 % au 1er janvier 2025.
* 164 Audition du 3 mars 2025.
* 165 Loi n° 58-208 du 27 février 1958 instituant une obligation d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur.
* 166 Conseil d'État, 8e et 3e sous-sections réunies, 15 juin 2005, Département de Corse du Sud, n° 266970.
* 167 Rapport d'information n° 100 (2024-2025) fait par M. Claude Raynal sur la recevabilité financière
des amendements et des propositions de loi au Sénat, déposé le 30 octobre 2024.
* 168 Article 22 de la loi n° 99-209 organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie.