EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 10 juin 2025, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de M. Khalifé Khalifé, rapporteur, sur la proposition de loi (n° 189, 2023-2024) visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation.

M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, adoptée par l'Assemblée nationale le 7 décembre 2023, qui est inscrite à l'ordre du jour de la séance publique du mardi 17 juin prochain. Quelque trente amendements ont été déposés, mais après l'application des règles relatives à l'irrecevabilité prévues par l'article 40 de la Constitution et le retrait d'un amendement, il n'en reste que dix-neuf à examiner.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - La proposition de loi que nous examinons cette après-midi nous donne une nouvelle occasion d'oeuvrer à l'amélioration de l'accès aux soins des Français, en soutenant la formation des professionnels de santé.

M. Yannick Neuder, alors député de l'Isère, avait déposé en octobre 2023 une proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 7 décembre 2023.

La proposition de loi comprend diverses mesures visant à adapter les conditions de mise en oeuvre du numerus apertus et à augmenter le nombre d'étudiants formés dans les filières de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie (MMOP).

De ce fait, elle paraît être un prolongement bienvenu de la proposition de loi du président Philippe Mouiller, examinée voilà un mois, visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires ; cela dit, celle-ci n'abordait pas les enjeux relatifs à la formation des futurs professionnels de santé.

Notre commission conduit une mission d'information relative à l'accès aux études de santé, dont nous vous présenterons prochainement les conclusions. Je souhaite qu'elles permettent de soutenir des mesures structurelles pour rénover l'accès aux études médicales et pharmaceutiques, complémentaires au texte qui nous est soumis. Le calendrier législatif n'a en effet pas permis de recourir à ce texte comme vecteur pour de telles mesures.

En revanche, cette proposition de loi permet de donner corps à certaines des réformes annoncées par le Premier ministre à l'occasion de la présentation du pacte de lutte contre les déserts médicaux.

L'article 1er vise ainsi à améliorer le numerus apertus, en favorisant l'augmentation du nombre d'admis dans les études médicales et pharmaceutiques et en tenant mieux compte, lors de la définition des objectifs de recrutement, des besoins de santé de chaque territoire.

L'article 2, qui vise à faciliter l'intégration des étudiants français partis faire leurs études en Europe, constitue une autre traduction de ce pacte, de même que l'article 3, qui tend à faciliter les reconversions des professionnels paramédicaux grâce aux passerelles vers les études médicales.

Je vous propose de les évoquer tour à tour.

Commençons donc, si vous le voulez bien, par l'article 1er. Je ne reviendrai que rapidement sur l'historique, bien connu de cette commission. Instauré en 1971 pour la médecine et l'odontologie, le numerus clausus a été progressivement étendu à la maïeutique et à la pharmacie. Il a été fortement abaissé dans les années 1970 et 1980, dans le double objectif de maîtriser les dépenses de santé et de protéger l'activité des professionnels installés, au mépris de la hausse prévisible des besoins de santé, induite par l'augmentation de la population, son vieillissement et la prévalence croissante des maladies chroniques.

Fortement décrié pour sa contribution aux tensions démographiques que nous connaissons aujourd'hui, le numerus clausus a été supprimé en 2019 et remplacé par un numerus apertus fondé - prétendument - sur de larges concertations, aux échelons régional et national.

Désormais, les capacités d'accueil en deuxième et troisième années de premier cycle sont déterminées annuellement par les universités elles-mêmes. Pour ce faire, sont pris en compte, tout d'abord, les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle, arrêtés par l'université sur avis conforme des agences régionales de santé (ARS) concernées, après consultation des conférences régionales de la santé et de l'autonomie (CRSA) ; ensuite, les objectifs nationaux pluriannuels relatifs au nombre de professionnels à former, définis par l'État pour une durée de cinq ans, à l'issue de concertations régionales et sur proposition d'une conférence nationale.

Ce nouveau dispositif a permis une augmentation significative - environ 11 % - du recrutement dans les filières MMOP.

Toutefois, cette augmentation générale cache d'importantes disparités. Entre filières, d'abord : alors que le nombre d'admis a augmenté de 18 % en médecine et de 14 % en odontologie, il a diminué en maïeutique et en pharmacie du fait de places laissées vacantes. Entre universités, ensuite : l'augmentation du recrutement diffère grandement d'un territoire à un autre, sans que ces divergences semblent destinées à corriger les inégalités démographiques existantes.

L'article 1er vise à favoriser l'augmentation du recrutement, en permettant aux ARS et aux conseils territoriaux de santé (CTS) d'appeler une université à accroître ses capacités d'accueil, lorsque celles-ci ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels fixés. Il vise également à mieux tenir compte des besoins de santé de chaque territoire, en soumettant la définition de ces objectifs à un avis conforme des CTS.

Il me semble que ces mesures sont souhaitables. Elles permettront d'impliquer davantage les élus locaux dans la définition des objectifs de recrutement et de responsabiliser les universités dans la définition de leurs capacités d'accueil. Je vous proposerai donc de soutenir cet article.

L'article 2 vise à réintégrer au cursus national les étudiants français partis suivre des études de médecine dans un autre pays de l'Union européenne. Un décret en Conseil d'État devrait définir les modalités les plus adaptées de cette réintégration, qui ne concernerait que les étudiants en cours d'études à la date de promulgation de la loi.

La forte sélectivité de l'accès au premier cycle des études de médecine engendre en effet un phénomène connu, qui s'accélère : l'expatriation d'une partie des étudiants français dans d'autres pays de l'Union européenne. Le Gouvernement ne dispose d'aucune donnée consolidée pour mesurer l'ampleur de ce phénomène, mais la Cour des comptes estime qu'environ 1 600 étudiants émigrent chaque année hors de nos frontières, après un échec à l'entrée dans l'un des cursus MMOP, ou découragés par la complexité du système des parcours accès santé spécifique (Pass)/licence accès santé (LAS), qui n'offre que peu de lisibilité sur les perspectives de déroulement des études. L'Espagne, la Roumanie et la Belgique sont les destinations privilégiées par les jeunes Français désireux de suivre des études médicales.

Pourtant, la qualité de la formation médicale apparaît très inégale en Europe. Un chiffre l'illustre : en 2024, seuls 8 % des étudiants formés à l'étranger qui s'étaient présentés aux épreuves pour intégrer le troisième cycle de médecine ont été reçus.

Le principe d'équivalence des diplômes européens permet certes aux étudiants expatriés de réintégrer le cursus français en cours de formation, mais ils y échouent trop souvent. Ce même principe leur permet pourtant, après obtention de leur diplôme dans un pays de l'Union européenne, de solliciter leur inscription à l'ordre et d'exercer en France dans les mêmes conditions que les médecins ayant suivi leur formation en France.

La réintégration précoce de ces étudiants au cursus français est donc une mesure utile : elle garantit la qualité de formation de ces étudiants ; elle les rapproche du territoire national et les prépare aux conditions de leur futur exercice professionnel ; elle profite également à court terme à notre système de santé en augmentant les effectifs de médecins en cours de formation, quelle que soit leur avancée dans le cursus.

Du fait de son caractère non pérenne, la mesure permet de ne pas organiser de voie de contournement permanente du mécanisme de sélection à l'entrée dans les études de médecine.

L'article 3 vise à consolider l'actuel dispositif des passerelles pour favoriser les reconversions des professionnels paramédicaux désireux de s'engager dans des études de médecine. De telles passerelles existent déjà : elles permettent aux candidats titulaires de certains diplômes d'accéder directement à la deuxième ou à la troisième année du premier cycle. Les professionnels paramédicaux peuvent en bénéficier, dès lors qu'ils justifient d'un diplôme correspondant à une formation d'une durée minimale de trois ans.

Toutefois, les capacités d'accueil réservées à ce dispositif demeurent très limitées : alors que la réglementation fixe un quota minimal de 5 % de places à lui dédier, la proportion de candidats admis via ces passerelles, sur le total d'une promotion, varie de 5 % pour la médecine à 11 % pour la maïeutique. De plus, le dispositif actuel, qui met en concurrence une grande diversité de profils - y compris des ingénieurs issus de cursus scientifiques ou des normaliens - ne favorise pas le recrutement des professionnels paramédicaux. En 2023, ceux-ci ne représentaient qu'un quart des effectifs des passerelles pour la deuxième année de médecine. La reprise des études confronte, par ailleurs, les professionnels à des obstacles de nature financière, qui peuvent les conduire à renoncer à un tel projet de reconversion.

La mesure vise donc une adaptation du format des passerelles existantes, pour soutenir la réussite des professionnels paramédicaux grâce à un accompagnement renforcé à la reprise des études de médecine. La remise d'un rapport évaluant les conditions d'accès de ces professionnels au premier cycle des études de médecine et les freins à leur reconversion constituera une base utile pour définir les modalités les plus appropriées d'adaptation des passerelles existantes.

Enfin, la proposition de loi comporte trois demandes de rapport, aux articles 2, 3 et 3 bis. Dans la mesure où celles-ci sont soutenues par le Gouvernement lui-même et devraient donc donner lieu à la transmission effective d'un rapport, je vous proposerai de les adopter.

Vous l'aurez compris, mes chers collègues, cette proposition de loi ne résoudra pas à elle seule l'ensemble des difficultés constatées dans les études de santé. Elle porte toutefois des mesures utiles pour réduire les tensions démographiques que nous connaissons, en mobilisant le levier de la formation.

Elle permettra ainsi d'accroître le recrutement étudiant, y compris à court terme, et de le faire mieux correspondre aux besoins de santé constatés localement en associant plus étroitement les acteurs du système de santé et les élus locaux. En cela, elle me semble cohérente avec la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins dans les territoires que nous avons soutenue il y a un mois.

Je vous propose, en conséquence, d'adopter ce texte sans modification pour permettre son entrée en vigueur rapide, un an et demi après son adoption par l'Assemblée nationale.

Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives aux conditions de fixation des objectifs de recrutement dans les formations de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie ; aux conditions d'accès au premier cycle des études de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie, y compris par les passerelles destinées aux professionnels paramédicaux ; aux conditions d'accès à la formation de médecine en France des étudiants partis suivre des études de médecine dans un autre État européen.

En revanche, j'estime que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte dont nous avons à débattre, des amendements relatifs aux conditions d'accès au deuxième et au troisième cycles des études de médecine, de maïeutique, d'odontologie et de pharmacie ; à l'organisation et au contenu de la formation initiale des professions médicales et pharmaceutiques ; aux conditions d'accès, à l'organisation et au contenu des formations paramédicales ; à la formation continue des professionnels de santé.

Il en est ainsi décidé.

M. Daniel Chasseing. - Cette proposition de loi, qui est effectivement complémentaire à la proposition de loi du président Mouiller, apporte une solution concrète à l'accès aux soins et à la formation ; elle constitue un moyen d'accroître rapidement des effectifs des professionnels de santé, en tenant compte des besoins des territoires.

En effet, les CTS joueront un rôle important, en décidant de l'augmentation des capacités d'accueil, qui dépendent jusqu'ici des seules universités. Malheureusement, malgré les objectifs nationaux, les places disponibles restent insuffisantes face aux besoins réels - l'augmentation n'a été que de 11 %, comme cela a été rappelé. À ce titre, l'article 1er me paraît essentiel.

L'article 2 permettra aux étudiants partis se former au sein de l'Union européenne de revenir en France avant le troisième cycle, tandis que l'article 3 favorisera les passerelles, actuellement très peu utilisées en raison de leur rigidité.

Alors que 6 millions de Français n'ont pas de médecin traitant - le numerus clausus a été une erreur -, que plus de la moitié des médecins ont plus de 60 ans, que l'activité des jeunes médecins diminue, et que les besoins de santé augmentent du fait du vieillissement de la population, cette proposition de loi répond clairement à la demande des élus et des citoyens. Pour inverser cette dégradation, une action volontariste s'impose, ce que propose l'auteur de ce texte, en contraignant les facultés à former davantage de médecins, pour répondre aux besoins des territoires. En conséquence, je la soutiendrai.

Mme Céline Brulin. - On aurait pu espérer que la proposition de loi du député Yannick Neuder devienne un projet de loi plus ambitieux, maintenant qu'il est ministre. Bien que favorable à ces mesures, je crains néanmoins qu'elles ne restent parfois qu'un affichage.

Les universités doivent disposer des moyens nécessaires pour accueillir plus d'étudiants, comme à Rouen où les capacités ont déjà augmenté de 200 % en dix ans, saturant les locaux, les équipes enseignantes et les terrains de stage.

Il faudra que les prochains projet de loi de finances (PLF) et projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) soient cohérents pour concrétiser ces ambitions. Le rapport effleure la question des inégalités territoriales, pourtant profondes et réelles. Or la démocratisation des études de santé est essentielle : sans davantage d'étudiants issus de la ruralité ou des quartiers populaires, ces territoires continueront à manquer de médecins.

J'ai compris que le rapporteur souhaite une adoption conforme, pour que le texte soit rapidement mis en oeuvre. Pour autant, cela ne doit pas nous exonérer de débattre de façon approfondie des mesures qui doivent être prises pour répondre aux enjeux de notre pays.

Mme Émilienne Poumirol. - Je regrette également que ce texte n'ait pas été transformé en projet de loi, plus ambitieux. Aujourd'hui, nous sommes contraints de multiplier les propositions partielles, ce qui me paraît dommageable.

Le numerus clausus a eu pour conséquence la baisse drastique du nombre d'étudiants en médecine : 10 000 étudiants en 1970, contre 3 500 en 1992. Augmenter le nombre d'étudiants en médecine est donc parfaitement légitime.

M. Neuder propose de s'appuyer sur les besoins réels des territoires plutôt que sur les seules capacités universitaires. Sur le principe, je suis d'accord, mais cela nécessite d'augmenter les moyens des universités. Par ailleurs, une augmentation du nombre d'internes doit aussi s'accompagner de la disponibilité de chefs de clinique pour assurer une formation efficace ; si un chirurgien est assisté de sept internes, il ne peut pas y avoir de formation dans de bonnes conditions !

Le recours aux CTS, qui intègrent élus et professionnels de santé, me semble pertinent, mais doit être organisé à l'échelon départemental pour éviter toute confusion avec la proposition du président Mouiller, au risque de sombrer dans la comitologie... De plus, les réalités territoriales sont très contrastées, comme l'ont montré les auditions des ARS Occitanie et Centre-Val de Loire : attractivité et croissance démographique pour l'une, fuite des diplômés pour l'autre.

Délocaliser au moins la première année de médecine dans les villes secondaires favoriserait l'installation des jeunes issus des territoires concernés - selon la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), la moitié des étudiants s'installent dans leur territoire d'origine -, mais certaines universités - je pense à l'université de médecine de Haute-Garonne - tardent à mettre en oeuvre cette mesure, préférant attendre la réforme des études de médecine.

L'article 2 concerne les étudiants formés à l'étranger, notamment en Roumanie, où nous nous sommes rendus l'an dernier, car ce pays accueille près de 1 500 étudiants dans toutes les filières de santé. Il faudra clarifier les modalités de l'accession de ces étudiants au cycle d'études français. Par ailleurs, veillons aux réactions des pays concernés qui investissent beaucoup dans ces formations - je pense aux simulateurs qui ont été achetés - s'ils ne devaient accueillir ces étudiants que pour deux années... D'ailleurs, nombre d'étudiants font leur internat en Roumanie.

Enfin, l'article 3 vise à faciliter les passerelles - et je ne puis qu'être d'accord. Ce dispositif existe déjà, même s'il n'est pas très prisé. Toutefois, cela nécessitera de résoudre les problèmes de financement liés aux années d'études supplémentaires : comment vit une sage-femme ou un ingénieur qui reprend ses études de médecine, longues de sept ou huit ans ?

M. Alain Milon. - Dans le cadre de mes fonctions à la Fédération hospitalière de France (FHF), j'ai rencontré les deux doyens des facultés de médecine de Provence-Alpes-Côte d'Azur. L'un d'eux m'a dit que le ministère de l'enseignement supérieur l'autorise à former chaque année vingt internes en médecine générale, alors qu'il en faudrait une quarantaine ou une soixantaine, et qu'il aurait les moyens de les former. Comment peut-on agir pour que le ministère de l'enseignement supérieur prenne en compte les besoins des territoires et de la population ?

Mme Anne Souyris. - Avec ce texte, nous faisons du sur-place ; or nous devons désormais passer à l'action, concrètement. Ainsi de la territorialisation : c'est un objectif louable, mais encore faut-il décider clairement si nous mettons une antenne par département ; passons à l'acte II ! Et c'est la même chose pour les passerelles : nous ne cessons d'évoquer cette question, mais sans traiter concrètement les causes profondes du départ de nos jeunes étudiants à l'étranger. Avons-nous identifié précisément les manques dans notre système de formation ? Avons-nous mis en place des mesures préventives ? Non, nous nous contentons souvent de constater sans avancer sur les solutions opérationnelles. Hormis quelques avancées sur le parcours des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue), le reste demeure insuffisamment concret.

J'espère donc que les amendements que nous avons déposés permettront de passer concrètement à l'acte sur certains sujets.

M. Olivier Henno. - Peu importe le véhicule législatif : ce qui compte, c'est l'opérationnalité des décisions prises. Le mal français réside dans notre manque d'agilité et de souplesse dans l'exécution des décisions, contrairement à d'autres pays comme la Belgique. Or le temps d'exécution doit être le plus court possible entre la décision prise et sa traduction sur le terrain - c'est la caractéristique d'une armée qui fonctionne bien. Aussi, le ministre devra être jugé sur sa capacité à traduire concrètement notre volonté politique ; c'est tout l'art de l'exécution !

Mme Frédérique Puissat. - Je voudrais d'abord adresser un clin d'oeil au député de l'Isère devenu ministre ; sans vouloir faire sa promotion, il est important de rappeler que les mesures proposées émanent directement du terrain. Les interventions entendues le montrent clairement : elles relèvent du bon sens et des attentes réelles exprimées sur le terrain.

Transformer cette proposition en projet de loi n'était pas nécessaire, puisque les mesures proposées sont déjà portées par le ministre, comme à Aubenas en Ardèche, où la création d'une année universitaire de médecine dans une petite sous-préfecture témoigne de cette ambition concrète, préfigurant cette proposition de loi.

Par ailleurs, à ceux qui estiment que nous n'avançons pas assez vite, je rétorque que ce texte a pour avantage non seulement de faire consensus, mais surtout d'avoir déjà été adopté par l'Assemblée nationale. Aussi, pour aller vite, il faut voter conforme le texte - sans tronquer les débats, bien sûr ; les élus locaux soutiennent largement cette démarche, bénéfique à nos territoires.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - Vous êtes tous d'accord pour constater les fortes disparités territoriales, liées au numerus prétendument apertus, qui reste en réalité fermé malgré les annonces : parler de 5 %, 10 % ou même 11 % d'augmentation des effectifs relève de l'affichage, car dans certaines universités, les hausses sont de 0 % !

Cette proposition de loi, tout comme celle qui a été récemment présentée par le président Mouiller, offre l'avantage de proposer des mesures pratiques immédiatement applicables. Après avoir dénoncé la Pass/LAS l'année dernière, analyse d'ailleurs confirmée par la Cour des comptes, nous avons maintenant besoin d'une réforme urgente des spécialités. Selon le directeur de l'ARS Occitanie, qui est une région attractive avec trois CHU - Toulouse, Montpellier et Nîmes -, plus de 60 % des étudiants quittent la région à cause des épreuves classantes nationales (ECN), même si des étudiants d'autres régions viennent s'installer.

Bien sûr, il faut travailler sur la première année de médecine ; et je peux témoigner, à l'aune de mon expérience de quinze ans de première année commune aux études de santé (Paces) à Metz de l'importance de cette année pour les familles qui ne peuvent envoyer leurs enfants ailleurs, souvent pour des raisons financières.

Loin des yeux, loin du coeur : il faut que les étudiants reviennent effectuer des stages dans leur territoire d'origine. C'est pourquoi il est crucial d'engager dès l'automne prochain un travail sur la réforme des études et particulièrement sur la territorialisation des stages.

Les élus locaux, qui entretiennent des relations privilégiées avec les universités, réussiront à les sensibiliser à cette question. La complexité vient souvent de la double tutelle ; la MMOP est souvent perçue comme un État dans l'État par les collègues des universités. Les élus départementaux peuvent agir plus efficacement que les grandes CRSA régionales, trop éloignées des réalités locales. Au reste, les cours de première année se faisant de plus en plus par visioconférence, les amphithéâtres sont vides : il y a donc des places !

Il convient également de revoir l'organisation de stages en périphérie, car actuellement les CHU tendent à garder les internes, les envoyant parfois seulement au début de leur formation dans des hôpitaux périphériques. Or c'est lorsque les internes deviennent autonomes qu'ils devraient davantage exercer en périphérie, sous la responsabilité de chefs compétents, comme c'était le cas auparavant - et ce retour en arrière les a fortement démotivés ! Aussi la faculté de médecine, le CHU et l'ARS sont-ils souvent entrés en conflit sur la répartition des internes.

Enfin, nous n'assisterons pas au retour de promotions entières d'étudiants formés à l'étranger, en Roumanie ou ailleurs. D'ailleurs, madame Poumirol, je m'inquiète moins des finances de la Roumanie que des établissements privés dont le business est d'offrir surtout des formations théoriques sans véritable qualité de stage.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - J'émets un avis défavorable à l'amendement COM-14, qui tend à ajouter un avis conforme de la CRSA sur les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle fixés par l'université ; à l'amendement COM-15, qui vise à ajouter un avis conforme du collège des représentants des collectivités territoriales de la CRSA ; et à l'amendement COM-16, qui a pour objet d'ajouter un avis conforme des collèges des collectivités territoriales, des usagers et associations de la CRSA.

Ces objectifs sont déjà fixés après avis conforme de l'agence régionale de santé ; l'article 1er vise à ajouter un avis conforme des conseils territoriaux de santé. La multiplication des avis conformes est susceptible d'alourdir considérablement la procédure de fixation de ces objectifs.

L'ARS doit, en outre, déjà consulter la CRSA au préalable en application de la loi : l'avis de la conférence est donc déjà pris en compte.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-15 et COM-16.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-27 vise à réécrire l'alinéa relatif à la procédure applicable dans le cas où l'ARS ou les CTS jugent que les capacités d'accueil déterminées par l'université ne correspondent pas aux objectifs pluriannuels.

Madame Souyris, vous souhaitez contraindre l'ARS et les CTS, dans ce cas, à demander à l'université d'augmenter ses capacités d'accueil alors que la loi vise aujourd'hui à leur en donner la faculté, sans obligation. Il me semble qu'il est préférable de conserver cette souplesse. J'émets donc un avis défavorable à cet amendement. 

L'amendement COM-27 n'est pas adopté.

L'article 1er est adopté sans modification.

Après l'article 1er

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-1 rectifié vise à contraindre les unités de formation et de recherche (UFR) en santé à proposer dans chaque département des enseignements correspondant au moins à la première année du premier cycle des formations MMOP.

La question de la répartition sur le territoire des formations en santé est importante, mais la question est plus délicate qu'il n'y paraît. La Cour des comptes a souligné qu'une partie des formations délocalisées créées ces dernières années présentait des taux de réussite très faibles et risquait de constituer pour les étudiants des voies de garage. 

Je vous propose d'approfondir cette question dans le cadre de nos travaux relatifs à l'accès aux études avant d'envisager de légiférer sur ce point. Aussi, j'émets un avis défavorable.

L'amendement COM-1 rectifié n'est pas adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-17 vise à demander au Gouvernement la remise d'un rapport évaluant l'opportunité de séparer la première année d'études de pharmacie de la première année commune aux filières MMOP. J'émets un avis défavorable.

M. Philippe Mouiller, président. - Je précise que ce point est traité par la Cour des comptes.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-18 vise à permettre la validation autonome de la majeure santé au sein des parcours d'accès spécifique santé, sans que l'absence de validation de la mineure hors santé emporte obligation de redoubler la majeure. 

Il relève manifestement du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-18 n'est pas adopté.

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-19 prévoit que, pour l'admission en Pass ou en LAS, les universités devront tenir compte, parmi les critères de sélection, du lieu de résidence principale du candidat au moment du dépôt de la candidature.

Ces dispositions relèvent plutôt du domaine réglementaire et soulèvent d'importantes interrogations en matière d'égalité d'accès à l'enseignement supérieur.

Il me semble qu'il serait préférable de travailler sur une meilleure répartition des formations sur le territoire et sur un meilleur accompagnement des lycéens qui en sont éloignés. Avis défavorable.

L'amendement COM-19 n'est pas adopté.

Les amendements COM-22, COM-23, COM-24, COM-25, COM-28, COM-29 et COM-30 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 2

L'amendement COM-3 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

M. Khalifé Khalifé, rapporteur. - L'amendement COM-6 vise à intégrer toutes les professions paramédicales au dispositif des passerelles vers les études de médecine, notamment les aides-soignants, les auxiliaires de puériculture, les ambulanciers ou les assistants de régulation médicale.

Cela ne me paraît pas réaliste, alors que l'on sait que les professionnels paramédicaux qui peuvent déjà bénéficier de ces passerelles connaissent des difficultés de mise à niveau qui freinent leur entrée dans les études médicales et leur réussite.

Je crois donc nécessaire de renforcer les passerelles existantes, de les adapter, mais pas de les ouvrir aux professions visées par cet amendement. Les ordres professionnels des paramédicaux, sans être hostiles à cette disposition, n'y sont néanmoins pas favorables...

Mme Florence Lassarade. - Je ne souhaitais pas viser les ambulanciers, c'est une caricature ! Je retire mon amendement.

L'amendement COM-6 est retiré.

L'article 3 est adopté sans modification.

Après l'article 3

L'amendement COM-10 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 3 bis (nouveau)

L'article 3 bis est adopté sans modification.

Après l'article 3 bis (nouveau)

L'amendement COM-21 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

La proposition de loi est adoptée sans modification.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Chapitre Ier : Améliorer l'accueil et la formation des étudiants en santé par la transparence et la territorialisation des besoins

Article 1er : Rénover le numerus apertus en renforçant la prise en compte des besoins de santé du territoire

Mme SOUYRIS

14

Ajout d'un avis conforme de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie sur les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle

Rejeté

Mme SOUYRIS

15

Ajout d'un avis conforme du collège des représentants des collectivités territoriales de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie sur les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle

Rejeté

Mme SOUYRIS

16

Ajout d'un avis conforme des collèges des collectivités territoriales, des usagers et associations de la conférence régionale de la santé et de l'autonomie sur les objectifs pluriannuels d'admission en première année du deuxième cycle

Rejeté

Mme SOUYRIS

27

Obligation pour l'ARS et les CTS d'appeler l'université dont les capacités d'accueil sont insuffisantes à mettre en oeuvre des mesures de correction

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après l'article 1er

Mme JOUVE

1 rect.

Organisation dans chaque département d'une première année d'accès aux études médicales et pharmaceutique

Rejeté

Mme SOUYRIS

17

Demande de rapport relatif à l'opportunité de séparer la première année d'études de pharmacie de la première année d'études de santé

Rejeté

Mme SOUYRIS

18

Validation autonome de la majeure santé sans que l'absence de validation de la mineure hors santé n'emporte obligation de redoubler la majeure en PASS

Rejeté

Mme SOUYRIS

19

Prise en compte dans le recrutement en PASS et LAS du lieu de résidence principale du candidat

Rejeté

Mme SOUYRIS

22

Demande de rapport sur l'opportunité d'adapter les stages des étudiants pour qu'ils soient effectués de façon privilégiée dans les zones sous-dotées

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

23

Agrément des maisons de santé pluriprofessionnelles comme terrains de stage

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

24

Demande de rapport sur l'opportunité de revaloriser les indemnités de déplacement des étudiants en stage dans les zones sous-denses

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

25

Demande de rapport sur l'opportunité d'étendre les missions des guichets uniques départementaux à l'accompagnement des stagiaires dans les zones sous-denses

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

28

Demande de rapport sur les moyens nécessaires pour accroître le nombre de praticiens agréés maîtres de stage des universités

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

29

Demande de rapport sur la barémisation des indemnités de transport des internes de médecine générale et l'opportunité de verser des indemnités de transport aux étudiants en maïeutique, pharmacie et masso-kinésithérapie

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Mme SOUYRIS

30

Demande de rapport sur les dispositions permettant de favoriser l'accueil des étudiants dans les zones d'intervention prioritaire et l'expérimentation d'internats ruraux

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Chapitre II : Encourager l'émergence de médecins en combattant la fuite des cerveaux

Article 2 :

Réintégrer dans les études de médecine les étudiants français inscrits dans la même filière
dans un autre État de l'Union européenne

Mme DEMAS

3

Évaluation des étudiants français ayant suivi une formation médicale hors de l'Union européenne en vue de leur autorisation d'exercer

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Chapitre III : Développer l'accès aux soins médicaux par la formation des professionnels paramédicaux

Article 3 : Développer des passerelles permettant aux professionnels paramédicaux
de reprendre des études de médecine

Mme LASSARADE

6

Élargissement des passerelles vers les études de médecine à toutes les professions paramédicales

Retiré

Article(s) additionnel(s) après l'article 3

Mme SOUYRIS

10

Création de dispositifs spécifiques de validation des acquis de l'expérience pour les professionnels paramédicaux

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article(s) additionnel(s) après l'article 3 bis (nouveau)

Mme SOUYRIS

21

Demande de rapport sur l'universitarisation intégrale du cursus de masso-kinésithérapie

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

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