- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Modification de la définition du viol et des autres agressions sexuelles
- Article 2 (supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent texte sur la proportion de plaintes déposées par rapport au nombre total d'agressions sexuelles et sur la proportion d'agressions sexuelles faisant l'objet d'une condamnation
- Article 3 (supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent texte sur le traitement judiciaire des violences sexuelles
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 731
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 juin 2025
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles,
Par Mmes Elsa SCHALCK et Dominique VÉRIEN,
Sénatrices
(1) Cette commission est composée de : Mme Muriel Jourda, présidente ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Mmes Isabelle Florennes, Patricia Schillinger, Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Michel Masset, vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Marie Mercier, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Olivier Bitz, secrétaires ; M. Jean-Michel Arnaud, Mme Nadine Bellurot, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Sophie Briante Guillemont, M. Ian Brossat, Mme Agnès Canayer, MM. Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, David Margueritte, Hervé Marseille, Mme Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mmes Anne-Sophie Patru, Salama Ramia, M. Hervé Reynaud, Mme Olivia Richard, MM. Teva Rohfritsch, Pierre-Alain Roiron, Mme Elsa Schalck, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (17ème législ.) : |
842, 1181 et T.A. 86 |
|
Sénat : |
504 et 732 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Depuis le milieu du XIXe siècle, l'absence de consentement permettant de caractériser un viol ou une agression sexuelle se déduit de l'existence d'un des éléments suivants : la violence, la contrainte, la menace et la surprise. Ces critères, inscrits aux articles 222-22 et suivants du code pénal, établissent une définition dite « objective » des violences sexuelles, l'emploi par l'auteur de l'un de ces quatre leviers suffisant à caractériser l'élément moral de l'infraction - donc à établir l'intention de la commettre.
Contrairement à la Cour de cassation, seule jusqu'à la loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs à avoir défini expressément le viol, le législateur n'avait pas souhaité intégrer au code pénal une référence explicite au consentement, estimant qu'un tel choix serait préjudiciable aux victimes en conduisant à l'examen de leur « moralité » plutôt que des agissements des auteurs.
Les évolutions de la société sous l'effet du mouvement #MeToo, les comparaisons juridiques internationales et les termes des engagements conventionnels de la France ont récemment conduit à un renouvellement de la réflexion sur l'intégration du non-consentement à la définition pénale du viol et des agressions sexuelles. C'est ainsi que, reprenant les conclusions du rapport d'information qu'elles avaient rendu sur ce sujet en janvier 2025, les députées Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton ont déposé une proposition de loi tendant :
- d'une part, à préciser que les actes sexuels non-consentis constituent des agressions sexuelles aux yeux de la loi ;
- d'autre part, à intégrer au périmètre matériel du viol les actes bucco-anaux.
La commission des lois a adhéré au principe de ce texte, auquel elle n'a apporté que des aménagements limités visant, en particulier, à éviter la création d'une divergence juridique préjudiciable aux mineurs victimes de viol.
I. LES FAILLES PRÉOCCUPANTES DE LA RÉPRESSION DU VIOL ET DES AUTRES AGRESSIONS SEXUELLES
A. L'APPROFONDISSEMENT PROGRESSIF DE LA DÉFINITION DU VIOL ET DES AUTRES AGRESSIONS SEXUELLES
Criminalisé par le code pénal de 1810 sans être défini par celui-ci, le viol n'a été caractérisé qu'en 1857 par un arrêt Dubas de la chambre criminelle de la Cour de cassation, aux termes duquel « Le crime de viol consiste dans le fait d'abuser une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu'il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action ».
Ayant constaté que le « défaut de consentement » retenu par la Cour de cassation avait conduit les enquêteurs et les juges du fond à « [mettre] en cause dans les affaires de viol la `respectabilité' de la victime tout autant que la culpabilité de l'accusé »1(*), le législateur n'avait pas souhaité, lors de l'intégration au code pénal de la définition du viol en 19802(*), y faire figurer la notion de « consentement ». Celle-ci n'en demeure pas moins omniprésente dans les actes d'enquête et les jugements des juridictions répressives : elle demeure le sous-bassement de la définition des violences sexuelles, le Conseil d'État ayant même considéré que la violence, la menace, la contrainte et la surprise n'étaient « qu'une manière de caractériser l'absence de consentement de la victime »3(*).
La définition du viol et des autres agressions sexuelles a été progressivement étendue par le législateur, en particulier pour caractériser l'usage de la contrainte lorsque la victime est âgée de moins de quinze ans4(*). La jurisprudence a, de même, promu une interprétation extensive des éléments permettant de caractériser l'assurance de consentement, singulièrement s'agissant de la surprise et de la contrainte : dans un arrêt récent, la chambre criminelle de la Cour de cassation a ainsi jugé que la « sidération » devait être reconnue comme un cas dans lequel le consentement de la victime avait été surpris5(*).
B. UNE RÉPONSE PÉNALE QUI DEMEURE PERFECTIBLE AU REGARD DU CARACTÈRE ENDÉMIQUE DES VIOLENCES SEXUELLES
Bien que substantielles, les avancées du droit n'ont pas encore permis une répression satisfaisante du viol et des autres agressions sexuelles. Les statistiques transmises aux rapporteures attestent ainsi d'un triple « décrochage » de la réponse pénale : seule une faible minorité des violences sexuelles est dénoncée à la police ou à la gendarmerie ; parmi elles, une large proportion fait l'objet d'un classement sans suite ; enfin, les condamnations restent rares - et tardives du fait de l'embolie des juridictions correctionnelles et, surtout, criminelles. Au total, sur un minimum évalué à 230 000 victimes et donc à 230 000 faits de violences sexuelles commis chaque année, moins de 8 000 donnent lieu à une condamnation.
Source : commission des lois, d'après les
chiffres
transmis par le ministère de la justice
II. UNE PROPOSITION DE LOI AMBITIEUSE POUR FAIRE ÉVOLUER LA PRATIQUE DES ENQUÊTEURS ET DES JURIDICTIONS
Outre deux demandes de rapport partiellement redondantes (la première, à l'article 2, porte sur les effets de la nouvelle définition des agressions sexuelles sur les plaintes déposées et sur les condamnations, tandis que la seconde, prévue par l'article 3, a pour objet l'évaluation des mêmes effets sur « le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu'au délibéré »), la proposition de loi a pour principal objet d'intégrer le non-consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles.
S'appuyant, d'une part, sur les termes employés par la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, signée par la France le 11 mai 2011 et ratifiée le 4 juillet 20146(*) et, d'autre part, sur un avis rendu par le Conseil d'État le 6 mars 20257(*), l'article 1er de la proposition de loi transmise au Sénat prévoit que :
- constitue une agression sexuelle (entendue dans un sens qui intègre l'ensemble des infractions visées par la section 3 du chapitre II du titre II du livre II du code pénal, y compris le viol) tout « acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur » ;
- le consentement ainsi pris en compte doit être « libre », « éclairé » (pour que les capacités de la victime soient prises en considération), « spécifique » (pour souligner la nécessaire adéquation de celui-ci aux actes sur lesquels il porte - et pour le distinguer du consentement tel qu'il est défini en matière civile), « préalable » et « révocable » ;
- un tel consentement, « apprécié au regard des circonstances environnantes », ne saurait être établi en cas de violence, de contrainte, de menace ou de surprise et « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ».
Le Conseil d'État a considéré que ces évolutions avaient une portée « interprétative », permettant « [leur] entrée en vigueur immédiate et [leur] application aux situations en cours »8(*). À l'inverse, il a estimé que l'intégration des actes « bucco-anaux » aux actes susceptibles de constituer matériellement le viol, au même titre que les actes bucco-génitaux déjà visés par le code, était un ajout par rapport au droit en vigueur - et donc une loi pénale plus sévère, soumise au principe de la non-rétroactivité in mitius.
III. UN TEXTE POUR MIEUX PROTÉGER LES VICTIMES, LÉGITIME DANS SON PRINCIPE ET EFFICACE DANS SA RÉDACTION
Au-delà de la suppression des deux demandes de rapport des articles 2 et 3, conformément à une position constante en la matière (amendements COM-7 et COM-8), la commission des lois n'a que peu modifié le dispositif de l'article 1er permettant l'intégration du non-consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles.
Suivant la position des rapporteures, elle a en effet pleinement adhéré au principe d'une telle intégration, considérant que celle-ci présenterait un triple avantage :
- pédagogique, la définition nouvelle contribuant à l'émergence d'une acception partagée du consentement comme fondement des rapports intimes ;
- opérationnel, car le texte oriente les investigations et les débats non plus sur le comportement de la victime, mais sur celui de l'auteur et permet de prendre en compte le cas où la victime n'a pas pu ou su exprimer son refus ;
- juridique, la rédaction permettant d'inscrire l'intégration du consentement dans une perspective interprétative qui maintient la référence aux quatre éléments qui fondent notre droit depuis plus de 150 ans (à savoir la violence, la contrainte, la menace et la surprise) : ceux-ci demeureront les seuls critères desquels pourra mécaniquement être déduite l'absence de consentement.
La commission a, de la même manière, maintenu la rédaction adoptée par les députés pour caractériser le consentement ; elle a, en particulier, estimé que les adjectifs retenus n'étaient de nature ni à créer des difficultés d'interprétation, l'exigence d'un consentement « libre et éclairé » étant posée depuis plusieurs décennies par les arrêts de la Cour de cassation en matière de violences sexuelles9(*), ni à instaurer une « contractualisation » des rapports sexuels, aucune exigence de formalisation n'étant prévue par le texte.
En revanche, la commission a considéré que la référence aux « circonstances environnantes », reprise mot pour mot de la convention d'Istanbul, posait un problème réel. Inconnue du droit pénal français, cette expression paraît susceptible d'interprétations extensives potentiellement défavorables aux plaignants : c'est pourquoi, en adoptant un amendement COM-5 des rapporteures, la commission a prévu que le consentement serait apprécié au regard du « contexte », notion régulièrement utilisée par la chambre criminelle pour tenir compte des circonstances de fait auxquelles la victime est soumise.
Parallèlement, les rapporteures ont observé que les députés, tout en intégrant les actes bucco-anaux à la définition générale du viol figurant à l'article 222-23 du code pénal, n'avaient pas procédé aux coordinations requises au sein des dispositions spécifiques aux mineurs. Afin d'éviter la création d'une incohérence choquante dans notre droit, elles ont soumis à la commission - qui l'a adopté - un amendement COM-6 de coordination intégrant les actes bucco-anaux aux articles 222-23-1 (viol en cas d'acte sexuel commis par un majeur sur un mineur de quinze ans) et 222-23-2 (viol incestueux sur mineur) du code pénal.
*
* *
La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Modification
de la définition du viol et des autres agressions sexuelles
L'article 1er vise à intégrer à la définition du viol et des autres agressions sexuelles, d'une part, la notion de non-consentement et, d'autre part, les actes bucco-anaux.
La commission a adopté cet article en l'enrichissant d'amendements de clarification et de coordination des rapporteures.
1. Progressivement étendue, la définition du viol et des agressions sexuelles reste impuissante à garantir une juste répression
1.1. Le législateur et la jurisprudence ont progressivement étendu la définition du viol
Qualifié de crime par le code pénal depuis 1810 et passible de réclusion criminelle, le viol a toutefois fait l'objet jusqu'à la fin du XXème siècle d'une répression limitée. Conçu comme une atteinte à la famille plutôt qu'aux victimes, et par conséquent fréquemment correctionnalisé sur le fondement de l'infraction générique d'« attentat à la pudeur », il n'était par ailleurs pas défini par le législateur, le code se bornant à indiquer que « Quiconque aura commis le crime de viol sera puni des travaux forcés à temps »10(*).
Le silence de la loi conduisit la chambre criminelle de la Cour de cassation à concevoir une première définition au milieu du XIXème siècle, dans un arrêt Dubas (chambre criminelle, 25 juin 1857), l'espèce concernant un viol commis sur une femme endormie qui, surprise dans son lit, avait pris l'homme venu la violer pour son époux : « Le crime de viol consiste dans le fait d'abuser une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu'il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action ».
Preuve d'une conception davantage fondée sur la crainte de naissances illégitimes que sur la volonté de protéger les potentielles victimes, la chambre criminelle rappelait dans l'attendu précité de l'arrêt Dubas qu'« il appartient au juge de rechercher et de constater les éléments constitutifs de ce crime d'après son caractère spécial et la gravité des conséquences qu'il peut avoir pour les victimes et pour l'honneur des familles ». En atteste également la circonstance aggravante prévue par le code pénal jusqu'en 1980 qui punissait le viol de la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il était commis non seulement par les fonctionnaires, instituteurs et ministres d'un culte ou par toute personne « de la classe de ceux qui ont autorité » sur la victime, mais aussi par les « serviteurs à gage »11(*).
Si cette définition prétorienne a permis d'identifier les piliers qui sont, aujourd'hui encore, au coeur de la définition du viol (à savoir la violence, la contrainte et la surprise - la menace n'étant intégrée à la caractérisation du viol lors de la refonte du code pénal de 1994), la notion de « défaut de consentement » retenue par la Cour de cassation n'était pas, en pratique, sans créer de difficultés.
Dans l'exposé des motifs de la proposition de loi ayant donné lieu à l'inscription dans le code pénal de la définition du viol12(*), la sénatrice Brigitte Gros rappelait ainsi que les éléments dégagés par la chambre criminelle « exig[ai]ent de la victime non seulement qu'elle établisse avoir subi une relation sexuelle, mais de plus qu'elle apporte la preuve de son défaut réel de consentement » ; elle signalait de même que « nombre d'inculpés ont [...] été acquittés en cour d'assises pour le seul motif qu'ils avaient pu se tromper de bonne foi sur le caractère sérieux de la résistance de leurs victimes »13(*).
Dans son rapport sur le texte précité14(*), Edgar Tailhades rejoignait ce constat et déplorait « le décalage existant [...] entre la sévérité de la loi d'une part, et la légèreté et la rareté des sanctions qui frappent les auteurs de viol, d'autre part ». Il rappelait ainsi que « la jurisprudence admettait difficilement que la victime pût apporter la preuve de son défaut de consentement » et que « les juges ne reconnaissaient en général le crime de viol que lorsque la victime avait subi de très graves sévices, laissant des traces révélatrices » ; il relevait plus encore que, même face à des violences avérées, « la victime était la plupart du temps considérée comme au moins partiellement responsable de sa mésaventure [sic] », concluant, dans une formule d'une préoccupante actualité, qu'« est ainsi mise en cause dans les affaires de viol la `respectabilité' de la victime tout autant que la culpabilité de l'accusé ».
C'est pour cette raison que les discussions parlementaires ayant précédé l'adoption de la loi du 24 décembre 1980 sur le viol ont conduit à ne pas retenir dans la définition du viol la notion de « consentement »15(*), aboutissant à une caractérisation proche de celle qui s'applique encore aujourd'hui (« Tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui, par violence, contrainte ou surprise, constitue un viol »), le viol étant alors assorti d'une peine de réclusion criminelle de cinq à dix ans.
Ce crime est aujourd'hui puni de quinze ans de réclusion criminelle, ce quantum étant porté à vingt, voire à trente ans, lorsqu'il est commis avec certaines circonstances aggravantes.
Les circonstances aggravantes en matière de viol
Puni de quinze ans de réclusion criminelle dans sa forme simple (article 222-23 du code pénal), le viol peut voir sa répression augmentée par certaines circonstances aggravantes.
Il est puni de vingt ans de réclusion criminelle (article 222-24) :
- lorsqu'il a entraîné une mutilation ou une infirmité permanente ;
- lorsqu'il est commis sur un mineur de quinze ans ;
- lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de l'auteur ;
- lorsqu'il est commis sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de l'auteur ;
- lorsqu'il est commis par un ascendant ou par toute autre personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;
- lorsqu'il est commis par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;
- lorsqu'il est commis par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;
- lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ;
- lorsque la victime a été mise en contact avec l'auteur des faits grâce à l'utilisation, pour la diffusion de messages à destination d'un public non déterminé, d'un réseau de communication électronique ;
- lorsqu'il est commis en concours avec un ou plusieurs autres viols commis sur d'autres victimes ;
- lorsqu'il est commis par le conjoint ou le concubin de la victime ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité ;
- lorsqu'il est commis par une personne agissant en état d'ivresse manifeste ou sous l'emprise manifeste de produits stupéfiants ;
- lorsqu'il est commis, dans l'exercice de cette activité, sur une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle ;
- lorsqu'un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ;
- lorsqu'une substance a été administrée à la victime, à son insu, afin d'altérer son discernement ou le contrôle de ses actes.
Le même crime est puni de trente ans de réclusion lorsqu'il a entraîné la mort de la victime, et de la réclusion à perpétuité lorsqu'il est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie (articles 222-25 et 222-26).
Source : rapport n° 482 (2024 - 2025) d'Elsa Schalck et Dominique Vérien
La définition du viol et des autres agressions sexuelles a cependant été progressivement étendue, l'accélération du rythme des modifications législatives étant particulièrement marquée depuis une quinzaine d'années sous l'effet d'une prise en compte renforcée des violences sexuelles par la société.
Ces évolutions ont visé, en particulier, à caractériser l'usage de la contrainte lorsque la victime est âgée de moins de quinze ans - étant rappelé que la Cour de cassation avait reconnu, dès le début des années 2000, qu'une telle contrainte ou que la surprise puisse découler du jeune âge de la victime16(*).
C'est dans cette logique que le code pénal a été enrichi pour préciser l'articulation entre les adminicules17(*) déjà cités (violence, contrainte, menace, surprise) et la caractérisation du non-consentement de la victime. Le législateur est ainsi venu :
- préciser que la contrainte peut être physique ou morale, et que la contrainte morale « peut résulter de la différence d'âge existant entre une victime mineure et l'auteur des faits et de l'autorité de droit ou de fait que celui-ci exerce sur cette victime » (article 222-22-1, introduit par la loi n° 2010-121 du 8 février 2010 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux) ;
- clarifier ces dispositions en prévoyant que l'autorité précitée peut « être caractérisée par une différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur » et que, lorsque les faits sont commis sur un mineur de quinze ans, « la contrainte morale ou la surprise sont caractérisées par l'abus de la vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour ces actes » (loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes).
Ces évolutions attestent que le consentement, sans être cité, constitue le sous-bassement implicite de la définition des violences sexuelles. Cette analyse est confortée par la doctrine : comme le rappelait récemment le Conseil constitutionnel, les quatre adminicules retenus par le législateur permettent de considérer que le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués dès lors que l'emploi de la violence, de la contrainte, de la menace ou de la surprise caractérise l'absence de consentement de la victime18(*). Le Conseil d'État a pu, de même, estimer dans un avis de 201819(*) que la violence, la menace, la contrainte et la surprise n'étaient « qu'une manière de caractériser l'absence de consentement de la victime ».
Cette interprétation est corroborée par la pratique : le terme « consentement » est, en effet, omniprésent dans les jugements rendus par les juridictions répressives, la chambre criminelle de la Cour de cassation étant allée jusqu'à faire de son absence « totale » un critère de reconnaissance des agressions sexuelles20(*).
Plus largement, la jurisprudence interprète au prisme du consentement la portée des éléments de définition posés par le législateur. À titre d'illustration, s'agissant du viol par surprise, la chambre criminelle de la Cour de cassation a pu considérer que l'infraction était caractérisée dans tous les cas où la victime était dans l'incapacité de donner un consentement libre ou éclairé, et notamment :
- à l'égard de personnes particulièrement vulnérables présentant des troubles mentaux (Cass. crim., 8 juin 1994, n° 94-81.376 : selon l'arrêt, l'auteur d'un viol « ne pouvait se méprendre sur la passivité de la partie civile qui était l'expression de troubles graves et non celle d'une quelconque adhésion aux actes qu'il reconnaît avoir pratiqués sur elle ») ;
- à l'égard de personnes présentant « un état dépressif et de faiblesse morale » (Cass. crim., 27 novembre 1996, n° 96-83.954) ;
- à l'égard d'une personne endormie (Cass. crim., 21 mars 2007, n° 06-83.458) ou inconsciente (Cass. crim., 28 juin 2016, n° 16-82.661) ;
- lorsque
des « stratagèmes » sont
employés : actes réalisés à l'issue d'un
« scénario de séduction » reposant
sur un « stratagème de nature à surprendre
le consentement » de la victime
(Cass. crim., 22 janvier 1997, n° 96-80.353) ; emploi d'un
« stratagème destiné à dissimuler
l'identité et
les caractéristiques physiques de son
auteur pour surprendre le consentement d'une personne et
obtenir d'elle un acte de pénétration sexuelle »
(Cass. crim., 23 janvier 2019, n° 18-82.833) ;
- en cas de « sidération » (Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657 : « les juges ont établi que le prévenu a agi par surprise en procédant à des attouchements sur la victime alors que celle-ci était endormie, puis en poursuivant ses gestes qui ont généré chez elle un état de sidération, qu'il a lui-même constaté, ce qui établit qu'il a agi en toute connaissance du défaut de consentement de cette dernière »).
1.2. En dépit de l'extension progressive du périmètre juridique du viol et des agressions sexuelles, des difficultés subsistent dans la répression effective des violences sexuelles
En dépit de ces évolutions normatives, la répression du viol et des autres agressions sexuelles reste, aux yeux d'une large partie de la doctrine, insatisfaisante.
Cette situation tient, tout d'abord, à la faible proportion de victimes déclarées allant jusqu'au dépôt de plainte. Selon des chiffres rappelés par l'Observatoire national des violences faites aux femmes21(*) et tirés de l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » du service statistique du ministère de l'intérieur de 2023, on estime qu'au minimum 230 000 femmes majeures ont, en 2022, été victimes de viol ou d'agression sexuelle (ou d'une tentative)22(*), parmi lesquelles 28 % déclarent que les violences en cause ont été perpétrées par leur conjoint ou ex-conjoint. Or, seules 6 % d'entre elles déclarent avoir porté plainte.
Comme le soulignait le récent rapport de la mission conjointe de contrôle (MCC) de la commission des lois et de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité entre les femmes et les hommes, les causes de ce décalage entre la réalité des violences et leur dénonciation à l'autorité judiciaire sont multiples : « méconnaissance, incompréhension ou crainte des dispositifs légaux et du système judiciaire, manque de confiance dans les services d'enquête et dans la justice, pressions ou menaces de l'auteur ou de l'environnement familial, incapacité à s'exprimer en raison du traumatisme, honte, sentiment de culpabilité ou encore appréhension des conséquences familiales, sociales et professionnelles que peut entraîner le dépôt de plainte »23(*).
Ainsi, si la libération de la parole à la suite du mouvement #MeToo a généré une augmentation de 120 % du nombre des victimes de violences sexuelles enregistrées par la police et la gendarmerie nationales entre 2016 et 2023, le chiffre brut des victimes recensées (114 100 personnes en 2023) reste nettement inférieur au volume réel estimé24(*). Au surplus, selon l'intégralité des représentants des services d'enquête - police et gendarmerie nationales - et des magistrats entendus par les rapporteures, l'augmentation du nombre de plaintes se produit dans un contexte qui ne facilite pas la répression : les faits dénoncés correspondent, de plus en plus souvent, à des violences anciennes posant par nature des difficultés probatoires fortes, a fortiori s'agissant d'infractions généralement commises dans la sphère intime, sans témoin et dont les éventuelles preuves matérielles disparaissent rapidement. En 2023, 39 % des plaintes pour des violences sexuelles concernaient ainsi des faits commis plus d'un an auparavant, contre 29 % en 2016.
Par-delà le nombre de plaintes, le taux de classement sans suite se maintient à un niveau élevé : il atteint ainsi 86 % en matière de violences sexuelles. Si ce taux est analogue à celui qui s'observe pour les atteintes aux personnes dans leur ensemble (85 %), les violences sexuelles se distinguent par le motif du classement : alors que les plaintes sont en général classées pour défaut d'identification de l'auteur, le classement pour de telles violences résulte dans 49 % des cas d'une insuffisante caractérisation25(*).
Parallèlement, la hausse des plaintes déposées ne s'est pas accompagnée d'une augmentation à due concurrence des condamnations, certaines des personnes entendues par les rapporteures ayant été jusqu'à décrire une inquiétante stagnation des condamnations pour violences sexuelles. Certes, les délais d'audiencement ne permettent pas, à date, de rendre pleinement compte de la réponse que les juridictions apporteront aux poursuites engagées sur le fondement de plaintes récemment déposées. Cependant, les rapporteures relèvent qu'entre 2017 et 2023, le nombre de condamnations prononcées à l'encontre d'auteurs majeurs pour viol ou agression sexuelle a augmenté de 13 % (soit dix fois moins que l'évolution constatée pour les plaintes), atteignant un total de 6 700 condamnations en fin de période, dont 5 400 pour des faits d'agression sexuelle (81 %) et 1 300 pour viol26(*).
S'agissant des peines prononcées à l'encontre des auteurs majeurs, sur la période 2017-2022, 92 % des condamnations se sont accompagnées d'une peine d'emprisonnement ferme ou de réclusion, tandis que les condamnations pour agression sexuelle ont fréquemment donné lieu à des peines d'emprisonnement avec sursis (celui-ci était total dans 48 % des cas, et partiel pour 26 %). En cas d'incarcération, le quantum moyen de peine s'élève à 10,2 années en matière de viol et à 1,2 an en cas d'agression sexuelle27(*).
2. L'Assemblée nationale a modifié la définition que l'article 222-22 du code pénal donne de l'agression sexuelle pour l'articuler autour de la notion de consentement
2.1. Une initiative qui résulte largement de travaux récents conduits par les délégations aux droits des femmes des deux chambres
La permanence des violences sexuelles dans la société, leur visibilité renforcée et des réflexions récemment menées aux échelles nationale et internationale ont convaincu l'Assemblée nationale qu'une adaptation de la définition pénale du viol était nécessaire pour mieux appréhender judiciairement les agressions sexuelles.
Au niveau international, tout d'abord, la convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, dite convention d'Istanbul, signée par la France le 11 mai 2011 et ratifiée le 4 juillet 2014, stipule en son article 36 (relatif à la « violence sexuelle, y compris le viol ») que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes »28(*).
Article 36 de la convention d'Istanbul
« Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour ériger en infraction pénale, lorsqu'ils sont commis intentionnellement :
« a. la pénétration vaginale, anale ou orale non consentie, à caractère sexuel, du corps d'autrui avec toute partie du corps ou avec un objet ;
« b. les autres actes à caractère sexuel non consentis sur autrui ;
« c. le fait de contraindre autrui à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers.
« Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes.
« Les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que les dispositions du paragraphe 1 s'appliquent également à des actes commis contre les anciens ou actuels conjoints ou partenaires, conformément à leur droit interne. »
D'aucuns considèrent que, faute pour le code pénal d'intégrer la notion de consentement, la France méconnaît cette convention internationale. Dans son rapport d'évaluation sur la France de 2019, le groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique (Grevio) - auquel il revient de s'assurer de la bonne application de la convention d'Istanbul - soulignait à cet égard que « la définition juridique des infractions sexuelle n'est [...] pas fondée de manière explicite sur l'atteinte au consentement libre et non équivoque de la victime » et suggérait à la France de « [s'aligner] sur les préconisations de la convention », en retenant « une définition des violences sexuelles axée sur l'absence d'un consentement libre » pour « pallier les insuffisances qui émergent de la situation actuelle : d'un côté, une forte insécurité juridique générée par les interprétations fluctuantes des éléments constitutifs [du viol] ; d'un autre côté, l'incapacité desdits éléments probatoires à englober la situation de toutes les victimes non consentantes, notamment lorsque celles-ci sont en état de sidération »29(*).
Si le gouvernement30(*) et le Conseil d'État31(*) soutiennent que la législation actuelle est conforme aux engagements internationaux de la France, la doctrine retient parfois la position inverse, à l'instar du professeur Audrey Darsonville et du magistrat François Lavallière. Pour étayer leur analyse, ces derniers renvoient aux récents arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH), H. W. contre France du 23 janvier 2025 et L. et autres contre France du 24 avril 2025, qui manifestent selon eux les insuffisances de la législation française pour réprimer de manière effective le viol et respecter les obligations positives qui s'imposent à la France du fait de ses engagements internationaux.
Au niveau national, ensuite, la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes de l'Assemblée nationale a adopté le 28 janvier 2025, après plus d'une année de travaux, un rapport d'information sur la définition pénale du viol32(*). Celui-ci conclut à la nécessité de réformer cette définition pour « [lutter] contre la culture du viol » et faire advenir « une société plus égalitaire et une culture commune basée sur le respect mutuel ». Les rapporteures, Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, considèrent ainsi que « le traitement judiciaire [du viol] demeure parfois aléatoire, notamment pour les cas de sidération, de contrôle coercitif ou d'exploitation de situations de vulnérabilité, qui ne sont pas explicitement couverts par la loi ».
La délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes du Sénat avait, pour sa part, organisé un colloque portant sur le consentement et la définition pénale du viol le 21 novembre 202433(*), auquel Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin participèrent.
2.2. L'articulation projetée de la définition de l'agression sexuelle autour de la notion de consentement
La proposition de loi soumise au Sénat, dont les auteures et rapporteures sont également les députées Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, correspond logiquement aux grandes orientations projetées dans le rapport d'information précité : elle repose sur l'intégration de la notion de consentement à la définition de l'agression sexuelle ; elle conserve les quatre adminicules du droit en vigueur ; elle précise que les « circonstances environnantes » constituent un élément d'appréciation du consentement ; enfin, elle énumère les cas dans lesquels le consentement ne peut pas être caractérisé.
L'article 1er procède au 1° de son I à une modification significative de la définition de l'agression sexuelle qui figure à l'article 222-22 du code pénal - laquelle couvre tant le viol que l'inceste et les autres agressions sexuelles - pour qu'elle repose désormais sur la notion du consentement.
Article 222-22 du code pénal, dans sa rédaction actuelle
« Constitue une agression sexuelle toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
« Le viol et les autres agressions sexuelles sont constitués lorsqu'ils ont été imposés à la victime dans les circonstances prévues par la présente section, quelle que soit la nature des relations existant entre l'agresseur et sa victime, y compris s'ils sont unis par les liens du mariage.
« Lorsque les agressions sexuelles sont commises à l'étranger contre un mineur par un Français ou par une personne résidant habituellement sur le territoire français, la loi française est applicable par dérogation au deuxième alinéa de l'article 113-6 et les dispositions de la seconde phrase de l'article 113-8 ne sont pas applicables. »
En l'état de la proposition de loi, l'article 222-22 du code pénal disposerait :
« Constitue une agression sexuelle tout acte sexuel non consenti commis sur la personne d'autrui ou sur la personne de l'auteur ou, dans les cas prévus par la loi, commise sur un mineur par un majeur.
« Au sens de la présente section, le consentement est libre et éclairé, spécifique, préalable et révocable. Il est apprécié au regard des circonstances environnantes. Il ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime.
« Il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature.
« Le viol et les autres agressions sexuelles [le reste sans modification] ».
Ce dispositif résulte des modifications que l'Assemblée nationale a apportées à la proposition de loi au regard d'un avis du Conseil d'État sollicité sur ce texte34(*). Les plus significatives concernent :
- l'emploi de l'expression d'« acte sexuel non consenti » plutôt que d'« atteinte sexuelle non consentie », pour écarter toute ambiguïté quant à l'existence éventuelle d'une atteinte sexuelle consentie ;
- la mention de « la personne d'autrui » avant « la personne de l'auteur », en cohérence avec les autres dispositions du code pénal ;
- la clarification de la définition du consentement, qui repose sur cinq notions qui ont été retenues au regard de l'avis du Conseil d'État précité, dans la mesure où elles constituent selon ce dernier « autant de points d'appui à des poursuites mieux adaptées aux nécessités de la matière ». Le consentement devrait ainsi être :
a. « libre », ce qui tient au principe de la liberté personnelle ;
b. « éclairé », pour que les capacités de la victime soient prises en considération ;
c. « spécifique », pour souligner la nécessaire adéquation de celui-ci « aux circonstances de temps et de lieu » comme aux actes sur lesquels il porte - et pour marquer la distinction entre ce consentement et celui qui prévaut en matière civile ;
d. « préalable », pour évacuer toute ambiguïté « exploitant les circonstances et les incertitudes » ;
e. « révocable », avant et pendant l'acte, mais non après ;
- l'appréciation du consentement « au regard des circonstances environnantes », cette précision résultant de la volonté d'assurer la conformité de la loi française à la convention d'Istanbul, qui dispose que « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes » ;
- la précision suivant laquelle le consentement « ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime », la double mention du mot « seul/e » ayant vocation à réserver une marge d'appréciation au juge, dans les cas où d'autres éléments de fait permettraient de caractériser le consentement ;
- la mention des critères actuels de l'agression sexuelle, que sont la violence, la contrainte, la menace et la surprise « quelle que soit leur nature » - ce qui vise, selon le Conseil d'État, à garantir la sécurité juridique du dispositif puisque, d'une part, cette rédaction conserve des « acquis jurisprudentiels » et d'autre part, elle répond « à la nécessité de caractériser l'action ou le comportement illicite de l'auteur de l'infraction conformément aux exigences qui découlent du principe de légalité des délits et des peines »35(*).
Le 2° du I de l'article 1er procède à des coordinations rendues nécessaires par la modification de l'article 222-22 du code pénal.
Le 4° du I de l'article 1er intègre les actes bucco-anaux au champ matériel du viol. L'Assemblée nationale entend là procéder à la clarification de la notion d'actes « bucco-génitaux », intégrée à l'article 222-23 du code pénal par la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste36(*) avec l'intention - attestée par les travaux parlementaires37(*) - d'y inclure les actes bucco-anaux.
Contrairement au Conseil d'État38(*), les rapporteures de l'Assemblée nationale considèrent cet ajout comme une simple clarification interprétative, et non une disposition pénale plus sévère qui ne serait applicable qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur du présent texte.
Le 5° du I de l'article 1er permet l'application du texte en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna.
Le II de l'article 1er contient une modification exigée par la réécriture de l'article 222-22 du code pénal et une mesure d'application dans les collectivités d'outre-mer régies par le principe de spécialité législative.
3. La position de la commission : des modifications seulement marginales sur un texte légitime dans son principe et efficace dans sa rédaction
Les auditions menées par les rapporteures ont témoigné de divergences quant à l'opportunité de l'inscription du consentement en tant que pivot d'une définition renouvelée du viol et des autres agressions sexuelles. Il est, à cet égard, révélateur que certaines entités entendues aient d'ailleurs échoué à établir une position commune en leur sein, à l'instar de plusieurs des conférences appelées à représenter les magistrats.
Cette absence de consensus est le reflet de l'indéniable complexité juridique du sujet, tout autant que de son importance pour les praticiens et pour la société dans son ensemble. Toutefois, les travaux des rapporteures les ont convaincues que la proposition de loi était non seulement légitime dans son objectif de garantir une meilleure répression, mais surtout respectueuse de la nécessité, d'une part, de préserver les acquis du droit en vigueur et, d'autre part, d'éviter la déstabilisation qui pourrait naître de l'adoption d'une loi pénale plus sévère.
3.1. Sur le principe d'une inscription dans la loi du consentement
La majeure part des débats survenus au cours des auditions a porté sur l'adéquation de la proposition de loi à la volonté, affichée par ses auteures, d'améliorer le traitement judiciaire des agressions sexuelles, certaines des personnes auditionnées estimant que le texte était inutile, voire porteur d'effets de bord gravement préjudiciables aux victimes.
Les représentants de la Cour de cassation, du Conseil national des barreaux (CNB) comme des associations de défense des droits de femmes ont ainsi affirmé que le droit actuel permettait déjà d'appréhender les agressions sexuelles dans leur ensemble, grâce spécialement à la plasticité des termes de « contrainte » et de « surprise ». Ces personnes ont en particulier relevé que les violences sexuelles commises sur une victime en état de sidération, qui suscitent une inquiétude significative compte tenu de leur fréquence, étaient déjà prises en compte par l'autorité judiciaire39(*).
Au-delà, plusieurs personnes auditionnées ont considéré que la proposition de loi soulevait des risques pour les victimes, la centralité de la notion du consentement étant selon elles de nature à accentuer le caractère éprouvant des procès pour les plaignantes. Elles ont ainsi émis la crainte que les débats judiciaires ne s'orientent - davantage encore qu'aujourd'hui - autour de la victime, qui serait maintenue dans l'obligation de se prêter à l'examen de son comportement, de ses pratiques antérieures ou de sa moralité. Les divers qualificatifs du consentement retenus par l'Assemblée nationale pourraient, dans cette perspective, devenir autant de prétextes pour interroger la plaignante plutôt que l'accusé.
Sur ce sujet de principe, les rapporteures rappellent qu'en dépit du silence de la loi pénale en vigueur, le consentement est, d'ores et déjà, au coeur des investigations comme des débats judiciaires : cette situation démontre que l'abstention du législateur ne contribue pas à la protection des victimes contre l'examen de leur « moralité », ou encore contre une remise en cause de la sincérité ou de la matérialité de leur refus d'un acte sexuel.
Elles considèrent à l'inverse, de même que la majorité des personnes entendues, que la réécriture de la définition de l'agression sexuelle autour de la notion de consentement présenterait de précieux avantages.
Le premier de ces avantages est expressif et pédagogique.
Outre la « portée symbolique importante » que l'Union syndicale des magistrats (USM) attache à l'évolution de la définition des agressions sexuelles, plusieurs praticiens du droit, comme le résument les représentants de la conférence nationale des procureurs généraux (CNPG), considèrent en effet qu'elle « pourrait servir de levier pédagogique » et diffuser dans la société une acception partagée du consentement comme fondement des rapports intimes.
Les rapporteures jugent, de même, utile de faire évoluer le code pénal pour adopter une rédaction accessible et intelligible pour les citoyens, affirmant nettement qu'un acte sexuel doit être librement et explicitement consenti par les deux partenaires. Des exemples étrangers démontrent, à cet égard, des effets d'une prise en compte explicite du consentement par la loi sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.
La prise en compte du consentement :
quelques éléments de droit comparé
L'exemple du Canada (1992)
Le Canada a été l'un des premiers pays au monde à introduire la notion de consentement dans la définition du viol avec la révision du code pénal en 1992, qui a :
- introduit la nécessité d'un « consentement positif », défini (article 273.1 du code pénal) comme un « accord volontaire du plaignant de se livrer à une activité sexuelle, extériorisé et communiqué » ;
- défini les cas d'exclusion du moyen de défense fondé sur la croyance au consentement (article 273.2) : affaiblissement volontaire des facultés, insouciance ou aveuglement volontaire, absence de mesures raisonnables pour vérifier le consentement.
La jurisprudence de la Cour suprême du Canada a complété cette définition : par l'arrêt Ewanchuk (1999), elle a rappelé l'impossibilité d'un consentement implicite, caractérisé par l'absence de résistance, et par un arrêt J.A. contre la Reine (2011), elle a posé l'exigence d'un consentement réel et actif à chaque étape de l'activité sexuelle.
L'exemple de l'Espagne (2022)
L'Espagne a introduit le consentement dans la définition des infractions sexuelles (agression sexuelle et viol) en 2022, avec :
- une définition de l'agression sexuelle (article 178.1 du code pénal) comme « tout acte qui porte atteinte à la liberté sexuelle d'une autre personne sans son consentement » (la définition du viol reprenant celle de l'agression sexuelle) ;
- une définition du consentement (article 178.1 du code pénal) : « le consentement sexuel n'est considéré comme tel que lorsqu'il est librement exprimé par des actes qui, compte tenu des circonstances de l'espèce, expriment clairement la volonté de la personne », ce qui permet une approche circonstancielle.
Les effets de cette évolution demeurent complexes à mesurer, la loi n'ayant pas de portée rétroactive. Un ajustement du système de peine a été prévu en 2023 pour garantir une meilleure graduation (en lieu et place d'une peine unique pour tout acte sexuel non consenti).
L'exemple de la Suède (2018)
La Suède a été le pays européen à intégrer consentement positif dans la définition du viol en 2018. Le viol est défini par article 1er du chapitre 6 du code pénal comme des « relations sexuelles vaginales, anales ou orales, ou tout autre acte sexuel comparable avec une personne qui n'y participe pas volontairement » ; l'article précise que « lors de l'évaluation du caractère volontaire ou non de la participation, une attention particulière est accordée à la question de savoir si le caractère volontaire a été exprimé par la parole, par les actes ou d'une autre manière ».
La même réforme a introduit une infraction de « viol par négligence » (article 1A du chapitre 6 précité), avec des peines plus légères : l'infraction couvre les cas où l'auteur « aurait dû savoir » que le consentement de la victime était absent, même sans preuve de malveillance intentionnelle et vise à combler les lacunes en cas de situation ambigüe, entre les cas où l'accord explicite et les cas où l'accord n'est pas exprimé de façon active.
Selon un rapport d'évaluation du Conseil national de prévention du crime de 2020, l'évolution de la loi a permis une forte augmentation des condamnation (75 %) entre 2017 et 2019, une hausse des signalements et une légère augmentation de la durée moyenne des peines.
Source : commission des lois du Sénat
Le deuxième avantage est de nature opérationnelle, la nouvelle définition du viol et des autres agressions sexuelles permettant d'orienter autrement les pratiques des enquêteurs et des magistrats, c'est-à-dire de focaliser les débats non plus sur le comportement de la victime, mais sur celui de l'auteur, la question centrale devenant à l'avenir de savoir comment ce dernier s'est assuré du consentement de sa (ou son) partenaire.
S'agissant des investigations, la direction générale de la gendarmerie nationale a ainsi estimé que « Dans la pratique des enquêtes, [l'inscription du consentement dans la loi] guidera les gendarmes vers une analyse plus fine du contexte et du comportement de l'auteur plutôt que sur l'attitude passive de la victime. Elle offre un appui juridique pour prendre en compte des situations où la victime n'a pas pu ou su manifester son refus. En intégrant cette approche, la loi renforce la prise en charge des victimes dans le respect de leur vécu et de leur capacité à exprimer leur non-consentement » : elle juge par conséquent la rédaction de l'article 1er « cohérente avec les réalités rencontrées sur le terrain ».
La clarification permise par l'inscription du consentement dans la loi facilitera, dans cette perspective, la répression des viols commis sans le consentement de la victime mais pour lesquels l'état du droit ne permet que difficilement de caractériser l'emploi de la violence, de la menace, de la contrainte ou de la surprise - et ce, spécialement dans un contexte d'emprise ou du fait de liens affectifs entre l'auteur et la victime. Au stade du jugement, cette précision serait ainsi déterminante dans les cas où, comme le résume François Lavallière, l'auteur d'un viol recourt à « cette formule si souvent entendue lors des audiences ``elle n'a rien dit, elle ne s'est pas débattue, comment pouvais-je savoir qu'elle ne voulait pas ?'', formule aussi déculpabilisante pour le mis en cause que culpabilisante pour la victime » et qui, aujourd'hui, fait trop souvent obstacle à l'établissement de l'élément moral de l'infraction - c'est-à-dire de l'intention de l'accusé.
Au vu de ce qui précède, la commission a adhéré au principe d'une intégration à la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles. Elle gage qu'à court terme, cette précision donnera aux enquêteurs comme aux magistrats des outils juridiques adaptés à la réalité vécue par les victimes et, à plus long terme, incitera davantage au dépôt de plainte.
Sur ce terrain, les rapporteures rappellent que seule une infime minorité de victimes dénoncent les violences dont elles ont fait l'objet. Le problème fondamental du traitement judiciaire des agressions sexuelles tient, en effet, moins à la lettre de l'article 222-22 du code pénal qu'aux difficultés probatoires inhérentes à ces infractions de l'intime - difficultés qui sont accentuées par l'allongement progressif des délais de prescription - et au manque de formation et de moyens des services d'enquête, de poursuite et de jugement.
C'est pourquoi les rapporteures appellent à une action résolue des pouvoirs publics afin que la libération de la parole se traduise, enfin, dans la sphère judiciaire.
Outre ces débats de principe, les discussions au cours des auditions ont porté sur la caractérisation du consentement telle qu'elle résulterait du texte adopté par les députés - qui prévoit, pour mémoire, que le consentement devra être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable. Les réserves exprimées en la matière sont de deux ordres : tout d'abord, d'aucuns - notamment certains des représentants de la Cour de cassation - ont partagé leur inquiétude quant à la vraisemblable instrumentalisation par l'accusé de chacun de ces termes ; ensuite, des craintes se sont élevées quant aux difficultés d'interprétation des cinq adjectifs retenus, inspirés de la matière civile et de la définition du dol, et non du domaine pénal stricto sensu.
À l'issue de leurs travaux, les rapporteures ont estimé impossible de prédire, autant que de contenir à l'excès, les stratégies de défense susceptibles d'être adoptées par les accusés. S'il est établi qu'une personne mise en cause peut utiliser tous les moyens, de fait comme de droit, à sa disposition pour écarter sa culpabilité, elles rappellent que les prérogatives de police confiées aux présidents d'audience permettent déjà - et permettront à l'avenir - de « [rejeter] tout ce qui tendrait à compromettre [la] dignité [des débats] ou à les prolonger sans donner lieu d'espérer plus de certitude dans les résultats »40(*), garantissant que la défense n'aille pas au-delà de ce qui est admissible au cours d'un procès pénal. Elles ne croient donc pas que la crainte d'une instrumentalisation des termes retenus pour définir le consentement suffise à justifier leur suppression, et il leur apparaît au contraire que « chacun de ces termes est en soi porteur d'une richesse de signification donnant autant de points d'appui à des poursuites mieux adaptées aux nécessités de la matière »41(*).
S'agissant, par ailleurs, d'éventuelles difficultés d'interprétation, les rapporteures ont constaté que nombre des adjectifs adoptés par les députés figuraient déjà dans la jurisprudence :
- le consentement « libre et éclairé » apparaît depuis plusieurs décennies dans les arrêts de la Cour de cassation en matière de violences sexuelles, la chambre criminelle appréciant l'existence d'un tel consentement par-delà « l'acceptation » ou la « participation » à des actes sexuels42(*) ;
- le caractère spécifique du consentement figure dans notre droit et a été régulièrement commenté ou interprété par la même chambre en matière de fichiers et de données personnelles43(*), dans une acception proche de celle qui pourrait être retenue en matière de violences sexuelles : il s'agit, en effet, de garantir le consentement des partenaires à chaque acte pratiqué, aucun consentement ne pouvant être réputé emporter une adhésion de principe ou « en bloc » ;
- le caractère préalable et révocable du consentement repose sur des termes lisibles, qui ne sont pas de nature à susciter des débats sémantiques (la révocation du consentement figure, d'ailleurs, d'ores et déjà dans le code pénal44(*)).
Plus généralement, le lien entre le non-consentement et le dol ne paraît pas susceptible de générer des difficultés d'interprétation particulières, la chambre criminelle de la Cour de cassation ayant déjà eu l'occasion de préciser que, en matière d'actes sexuels, le consentement n'était valable que s'il était recueilli « en dehors de toute manoeuvre dolosive »45(*).
Ces arguments, couplés à l'explication claire et circonstanciée qui figure dans l'avis précité du Conseil d'État, ont convaincu les rapporteures que la caractérisation du consentement adoptée par les députés ne soulevait pas de difficulté juridique. Suivant leur raisonnement, la commission a maintenu, sur ce point, la rédaction issue des délibérations de l'Assemblée nationale.
En revanche, les rapporteures ont considéré que la référence aux « circonstances environnantes », reprise mot pour mot de la Convention d'Istanbul, posait un problème réel. En elle-même, cette précision pourrait sembler superfétatoire, dans la mesure où le contexte est déjà apprécié par l'autorité judiciaire46(*). En outre, et étant rappelé que la Convention précitée n'a pas vocation à faire l'objet d'une traduction littérale en droit interne, certains praticiens entendus au cours des auditions ont souligné que la notion de « circonstances environnantes », inconnue du droit pénal français, était susceptible d'interprétations extensives potentiellement défavorables aux plaignants. À l'initiative des rapporteures (amendement COM-5), la commission a en conséquence substitué à cette notion le terme « contexte », usuel en jurisprudence et déjà utilisé par la chambre criminelle pour caractériser, notamment, le caractère sexuel des actes fondant les poursuites47(*) ou l'existence d'un environnement de violences48(*) ou d'emprise49(*) susceptible d'avoir vicié le consentement de la victime.
3.2. Sur le respect de la présomption d'innocence
Une deuxième série de préoccupations exprimées au cours des auditions concernait un glissement de la charge de la preuve qui, en faisant peser à l'excès les moyens probatoires sur la personne mise en cause, se serait avéré attentatoire à la présomption d'innocence.
Cet argument n'a pas convaincu les rapporteures, qui rappellent que la nouvelle rédaction ne comporterait aucune dérogation à la loi pénale générale : non seulement la charge de la preuve continuera à incomber au ministère public, comme dans tout procès criminel ou correctionnel, mais surtout la nécessité de démontrer un élément moral - donc une commission consciente et intentionnelle de l'infraction - n'est pas remise en cause par l'intégration du consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles. Les rapporteures rappellent en particulier que, conformément à une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel, « s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés »50(*).
Cette analyse est conforme à celle du Conseil d'État, qui a consacré de longs développements à la présomption d'innocence dans son avis précité du 6 mars 2025.
Extrait de l'avis n° 409241 du Conseil d'État du 6 mars 2025
Les exigences constitutionnelles qui s'appliquent à la loi pénale et qui découlent du principe de légalité des délits et des peines et du principe de la présomption d'innocence ont été précisées par le Conseil constitutionnel. La Cour européenne des droits de l'homme a également précisé ces mêmes exigences qui découlent des articles 6 paragraphe 2 et 7 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elles sont d'autant plus fortes qu'elles concernent ici des infractions qui revêtent pour une partie d'entre elles une qualification criminelle.
Le Conseil constitutionnel juge qu'il résulte de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 aux termes duquel « nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » et de l'article 34 de la Constitution selon lequel « La loi fixe les règles concernant [...] la détermination des crimes et des délits », d'une part, la nécessité pour le législateur de définir les infractions en termes suffisamment clairs et précis pour exclure l'arbitraire et, d'autre part, l'impossibilité pour les lois pénales plus sévères de s'appliquer à des infractions commises antérieurement à leur entrée en vigueur (décision n° 80-127 DC des 19 et 20 janvier 1981 ; décision n° 2021-933 QPC du 30 septembre 2021). Il a rappelé que « s'agissant des crimes et délits, la culpabilité ne saurait résulter de la seule imputabilité matérielle d'actes pénalement sanctionnés » (décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011) et que, s'agissant des délits, « la définition d'une incrimination, en matière délictuelle, doit inclure, outre l'élément matériel de l'infraction, l'élément moral, intentionnel ou non, de celle-ci » (décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999).
Il juge qu'en application du principe de la présomption d'innocence qui découle de l'article 9 de la Déclaration de 1789 aux termes duquel « Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi », la loi ne saurait qu'exceptionnellement instituer de présomptions de culpabilité, et à condition qu'elles ne revêtent pas de caractère irréfragable, que soit assuré le respect des droits de la défense, et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l'imputabilité (décision n° 99-411 DC du 19 juin 1999). De ce principe, il découle également qu'il n'appartient pas à la personne mise en cause d'apporter la preuve de son innocence, mais qu'il incombe à l'autorité de poursuite de rapporter la preuve de l'ensemble des éléments constitutifs de l'infraction (décision n° 80-127 DC du 20 janvier 1981).
[...] Dans ses dispositions générales, le code pénal décline ces principes en énonçant à l'article 121-1 que « Nul n'est responsable pénalement que de son propre fait » et à l'article 121-3 qu'« Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de les commettre » qui conduit à la nécessité d'établir, hors les cas spécifiques prévus par la loi l'élément intentionnel de l'infraction, à côté de son élément matériel. Le Conseil constitutionnel a sur ce point précisé que dans le silence de l'incrimination, le principe énoncé à l'article 121-3 est de plein droit applicable (décision n° 2003-467 DC du 13 mars 2003).
Source : Conseil d'État
La commission n'a, par voie de conséquence, pas fait évoluer la rédaction de la proposition de loi s'agissant de la charge de la preuve, qui permet de maintenir la responsabilité du ministère public dans la production de l'ensemble des éléments de preuve requis pour obtenir une condamnation.
3.3. Sur l'application de la loi dans le temps
D'autres personnes auditionnées ont par ailleurs craint que le texte ne soulève des difficultés d'application de la loi dans le temps.
Outre l'enjeu spécifique des actes bucco-anaux (voir infra), il s'agit de déterminer si la proposition de loi constitue un texte interprétatif, donc d'application immédiate, ou a contrario une loi pénale plus sévère, ce qui imposerait qu'elle ne s'applique qu'aux actes commis postérieurement à son entrée en vigueur, conformément au principe de la non-rétroactivité in mitius.
Comme le rappelle le Conseil d'État51(*), la nature interprétative de l'intégration du consentement à la définition du viol et des autres agressions sexuelles semble solidement établie au regard :
- de l'omniprésence, déjà évoquée, de la notion de consentement à tous les stades du traitement judiciaire des violences sexuelles ;
- du maintien de la référence aux quatre adminicules qui fondent notre droit depuis plus de 150 ans, à savoir la violence, la contrainte, la menace et la surprise, qui restent les seuls critères desquels pourra mécaniquement être déduite l'absence de consentement ;
- de la jurisprudence large de la Cour de cassation en la matière, puisque sa chambre criminelle a jugé que procédaient de l'interprétation législative les évolutions intervenues pour intégrer la menace aux adminicules du viol52(*) ou pour caractériser la contrainte en cas de différence d'âge significative entre la victime mineure et l'auteur majeur53(*). Non moins extensive est la doctrine du Conseil constitutionnel en la matière, celui-ci ayant considéré - là encore, s'agissant de la différence d'âge significative - que les modifications apportées au code pénal par la loi précitée du 8 février 2010 avaient eu « pour seul objet de désigner certaines circonstances de fait sur lesquelles la juridiction saisie [pouvait] se fonder pour apprécier si, en l'espèce, les agissements dénoncés [avaient] été commis avec contrainte », écartant par voie de conséquence toute non-rétroactivité54(*).
3.4. Sur l'intégration au champ matériel du viol des actes bucco-anaux
Enfin, des débats ont eu lieu au cours des discussions à l'Assemblée nationale, puis au cours des auditions menées par les rapporteures quant à la nature de la prise en compte des actes bucco-anaux dans la définition du viol : ce point fait l'objet d'un désaccord entre les deux rapporteures Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, qui soutiennent qu'il s'agit d'une précision strictement interprétative, et le Conseil d'État, celui-ci ayant relevé, dans son avis précité, que « cette extension du champ matériel de la définition du crime s'analyse en une disposition pénale plus sévère, qui ne serait applicable qu'aux faits commis postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi »55(*).
Les représentants de la Cour de cassation et de la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) auditionnés par les rapporteures leur ont signifié la même inquiétude que le Conseil d'État : l'interprétation littérale de la loi en vigueur laisse à penser qu'un acte bucco-anal, qui par définition ne concerne pas un organe génital, constitue en l'état du droit une agression sexuelle et non un viol. La modification projetée introduirait ainsi potentiellement une nouvelle incrimination.
Les rapporteures relèvent que l'intention du législateur en 2021 était claire et tendait, sans ambiguïté, à intégrer au viol les actes bucco-génitaux lato sensu, c'est-à-dire à inclure les actes bucco-anaux dans cette expression. Cependant, selon les éléments qu'elles ont recueillis au cours des auditions, cette volonté n'a pas été prise en compte - le juge ne se référant à l'intention du législateur qu'en cas de difficulté d'interprétation, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. L'intégration explicite au viol des actes bucco-anaux constituerait donc selon les rapporteures une nouvelle incrimination. Elles jugent en tout état de cause que celle-ci est plus que jamais nécessaire pour protéger les victimes de tous les types d'actes sexuels qui peuvent leur être imposés et éviter toute divergence de traitement, difficilement justifiable, entre des personnes selon les modalités du viol qu'elles ont subi.
La volonté du législateur
d'intégrer, dès 2021, les actes bucco-anaux
à la
définition du viol
Extrait du rapport de première lecture de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels56(*) : « Considérant que l'arrêt de la Cour de cassation apparaît choquant alors qu'il procède à une interprétation correcte de la loi, le Sénat en déduit que c'est la lettre de la loi qui est appelée à évoluer. Il ne fait aucun doute que le fait, pour une victime, de se voir infliger sans son consentement un acte bucco-génital ou bucco-anal constitue un traumatisme majeur et une atteinte à sa personne qui puisse légitimement recevoir le qualificatif de viol. / En conséquence, l'article 4 bis aligne sur le régime applicable à la fellation l'ensemble des actes bucco-génitaux afin qu'ils donnent lieu, comme une pénétration sexuelle, à la répression pénale la plus élevée. »
Extrait du rapport de deuxième lecture de Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat57(*) : « L'Assemblée nationale a approuvé cette mesure, sous réserve d'une modification rédactionnelle mineure. Dans son rapport, notre collègue Alexandra Louis considère que cette disposition couvre aussi les actes bucco-anaux, ce qui paraît conforme à l'intention du législateur, ces actes étant en tout état de cause généralement accompagnés d'actes bucco-génitaux ou de pénétration. »
Afin de parachever les réflexions engagées par l'Assemblée nationale, la commission a, en adoptant un amendement des rapporteures (COM-6), prévu les coordinations requises pour intégrer les viols bucco-anaux aux dispositions spécifiques aux mineurs des articles 222-23-1 et 222-23-2 du code pénal : à défaut, les mineurs seraient en effet soumis à des dispositions moins « favorables » que les majeurs puisque les actes bucco-anaux commis sur les seconds relèveraient du viol tandis que, par a contrario, les mêmes actes constitueraient sur les premiers - pourtant plus vulnérables - une simple agression sexuelle.
La commission a adopté l'article 1er ainsi modifié.
Article 2
(supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent
texte sur la proportion de plaintes déposées par rapport au
nombre total d'agressions sexuelles et sur la proportion d'agressions sexuelles
faisant l'objet d'une condamnation
Introduit en commission et réécrit en séance publique, l'article 2 prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif aux effets de cette proposition de loi, notamment sur la proportion de plaintes déposées dans le nombre total d'agressions sexuelles et sur celle des agressions sexuelles qui aboutissent à une condamnation.
Conformément à sa position constante en matière de demande de rapports au Gouvernement, la commission a supprimé cet article.
L'article 2, adopté en commission puis amendé en séance publique pour des raisons rédactionnelles, impose au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport d'évaluation de la proposition de loi dans les dix-huit mois qui suivront sa promulgation. Il précise en outre que ce rapport sera « actualisé trois ans après sa publication ».
L'Assemblée nationale a expressément mentionné deux indicateurs qui devront apparaître dans ce rapport, pour apprécier les effets de l'évolution de la définition pénale de l'agression sexuelle. Il s'agit de :
- « la proportion de plaintes déposées par rapport au nombre total d'agressions sexuelles » ;
- « la proportion des agressions sexuelles faisant l'objet d'une condamnation ».
La commission a supprimé cet article en adoptant l'amendement COM-7 proposé par ses rapporteures, qui découle tant de sa position constante en la matière, que du manque de fiabilité objective des indicateurs envisagés.
La commission a supprimé l'article 2.
Article 3
(supprimé)
Demande de rapport relatif aux effets du présent
texte sur le traitement judiciaire des violences sexuelles
Introduit en commission et adopté conforme en séance publique, l'article 3 prévoit la remise au Parlement d'un rapport relatif aux effets de la modification de la définition des agressions sexuelles sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.
Conformément à sa position constante en matière de demande de rapports au Gouvernement, la commission a supprimé cet article.
L'article 3, adopté par la commission des lois de l'Assemblée nationale et inchangé en séance publique, requiert du Gouvernement la remise au Parlement d'un rapport relatif aux « effets de la redéfinition pénale des infractions d'agression sexuelle et de viol sur le traitement judiciaire des violences sexuelles, du dépôt de plainte jusqu'au délibéré », ce dans les douze mois qui suivront la promulgation du texte.
La commission a adopté l'amendement COM-8 de suppression de cet article proposé par ses rapporteures : au-delà de la position constante déjà évoquée à l'article 2 du présent texte, la commission a constaté que le délai envisagé ne permettrait en toute hypothèse pas de réaliser une évaluation robuste des effets de la réécriture de l'article 222-22 du code pénal sur le traitement judiciaire des violences sexuelles.
La commission a supprimé l'article 3.
EXAMEN EN COMMISSION
Mme Muriel Jourda, présidente. - Nous en venons à l'examen du rapport d'Elsa Schalck et de Dominique Vérien sur la proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Nous examinons aujourd'hui une proposition de loi déposée par les députées Marie-Charlotte Garin et Véronique Riotton, qui vise à intégrer le consentement à la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles. Elle fait suite au travail qu'elles ont mené au nom de la délégation de l'Assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, qui a conduit au dépôt d'un rapport en janvier 2025 concluant à la nécessité d'aménager le code pénal pour améliorer la répression des violences sexuelles.
Disons-le d'emblée, ce texte ne vise pas à « tout changer » pour que rien ne change, selon la volonté de certains, ou pour que tout change effectivement, selon le souhait d'autres. Il ne vise pas même à « tout changer » à la définition pénale du viol. Il s'agit tout simplement de cesser d'ignorer l'éléphant dans la pièce, si je puis dire - ni plus, ni moins.
Les débats sur l'inscription dans la loi du consentement souffrent en effet souvent de discours excessifs, voire erronés. Certains voudraient laisser à penser que les droits de la défense seront demain bafoués, ou tout du moins négligés face à la parole de plaignantes. D'autres, à l'inverse, alertent quant à l'émergence d'une société qui contractualiserait les rapports sexuels, en forçant chacun à recueillir le consentement formel de son partenaire à chaque étape de l'acte charnel.
Si ces craintes traduisent des préoccupations légitimes, elles n'apparaissent pas fondées en l'espèce.
Dès avant le dépôt de cette proposition de loi, nous nous sommes attachées, avec Dominique Vérien, à examiner sereinement les enjeux juridiques que soulèverait l'inscription du consentement dans la loi, notamment lors du colloque organisé à ce sujet en novembre dernier par la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Nous craignions en effet qu'une telle évolution
n'entraîne des effets pervers pour les plaignantes, pour les
accusés et, disons-le, pour la société dans son ensemble.
Tous les travaux que nous avons conduits depuis lors nous ont rassurées.
Plus encore, ils nous ont convaincues qu'une telle
modification
serait bienvenue, tant pour améliorer la lutte
contre les violences sexuelles que pour conformer notre législation
à nos engagements internationaux en général, et à
la convention d'Istanbul en particulier.
Cette conviction repose sur plusieurs éléments.
Contrairement à ce que certains peuvent penser, le consentement n'est en rien une nouveauté pour le juge pénal. Cette notion apparaît même dans l'arrêt Dubas rendu par la Cour de cassation en 1857, qui fonde, encore aujourd'hui, notre définition du viol.
Permettez-moi de citer longuement l'attendu de principe de cet arrêt, car il est éloquent : « Le crime de viol consiste dans le fait d'abuser une personne contre sa volonté, soit que le défaut de consentement résulte de la violence physique ou morale exercée à son égard, soit qu'il résulte de tout autre moyen de contrainte ou de surprise pour atteindre, en dehors de la volonté de la victime, le but que se propose l'auteur de l'action ».
Il y a déjà dans cette formule tout l'esprit de la proposition de loi que nous examinons ce matin et l'essentiel de la lettre du droit en vigueur.
La seule chose qui manque à cet attendu de principe, c'est la notion de menace, puisque cette dernière n'est apparue qu'avec le nouveau code pénal en 1994.
On pourrait considérer qu'il y a une autre différence, puisque la notion de consentement apparaît dans cette définition prétorienne, mais n'a pas été reprise par le législateur en 1980. Ce serait cependant une erreur, car si cette notion est absente du code pénal, elle est bien présente dans les enquêtes et dans la jurisprudence. Sinon, tout est déjà là, dans cet attendu bientôt deux fois centenaire : la notion de consentement, la violence, la contrainte, la surprise et surtout l'articulation entre ces notions.
La proposition de loi vise donc en son article 1er à modifier la définition pénale de l'agression sexuelle - entendue dans un sens large, incluant le viol - pour y intégrer la notion de consentement, sans pour autant écarter les critères classiques de caractérisation de cette infraction que sont la violence, la menace, la surprise et la contrainte.
Ce n'est pas une révolution copernicienne, mais une clarification. Dans un avis rendu sur un précédent texte, le Conseil d'État avait d'ailleurs affirmé que la violence, la contrainte, la surprise et la menace n'étaient « qu'une manière de caractériser l'absence de consentement de la victime ».
La définition actuellement retenue repose explicitement sur cette logique. Elle n'est que confortée par l'article 1er de la proposition de loi, qui prévoit d'inscrire dans le code pénal que sont illicites tous les « actes sexuels non consentis » et qu'« il n'y a pas de consentement si l'acte à caractère sexuel est commis avec violence, contrainte, menace ou surprise, quelle que soit leur nature ».
Cette formulation permet à la fois de conserver la jurisprudence issue de l'application du droit en vigueur et de fonder le caractère strictement interprétatif de cette proposition de loi.
Il ne s'agit nullement de durcir la pénalisation des agressions sexuelles par des formules incertaines qui procéderaient à un glissement intolérable de la charge de la preuve et violeraient manifestement le principe de légalité des délits et des peines. Le Conseil d'État l'a rappelé avec force : non seulement la présomption d'innocence n'est pas remise en cause par la prise en compte explicite du consentement, mais surtout cette évolution n'enlève rien aux grands principes de notre droit pénal, qui imposent au ministère public, et à lui seul, de prouver à la fois l'élément matériel de l'infraction et son élément moral, c'est-à-dire l'intention délictuelle ou criminelle de l'auteur.
Il ne s'agit pas, non plus, de retenir une rédaction préjudiciable aux victimes, qui se trouveraient mises en demeure de prouver leur absence de consentement. Tout à l'inverse, cette rédaction signifie que, au cours des investigations, des poursuites et du procès pénal, l'enjeu sera désormais de savoir si la personne mise en cause s'est assurée, ou non, du consentement de l'autre. Cela supposera non pas un accord explicite et formalisé de tous les protagonistes, mais, comme à l'accoutumée, l'analyse d'un faisceau d'indices tenant compte de toutes les circonstances de l'espèce.
Bref, il est question non pas de bouleverser le droit, mais d'intégrer à la définition pénale de l'agression sexuelle - et donc du viol - des acquis jurisprudentiels riches d'une charge symbolique.
Nous pensons que cet objectif, que poursuivent les auteures du texte, pourra largement être atteint par cette proposition de loi. L'effort de rédaction fourni par l'Assemblée nationale en témoigne.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'Assemblée nationale s'est en effet employée à amender la proposition de loi au regard d'un avis rendu par le Conseil d'État à son sujet, pour s'assurer qu'elle se cantonne à une forme de codification de la jurisprudence actuelle.
Nous estimons, à l'issue de nos travaux, que l'avis du Conseil d'État a été intégralement suivi. En témoignent, en particulier, les précisions apportées quant à la nature du consentement exprimé par les protagonistes, qui devra être libre, éclairé, spécifique, préalable et révocable : ces qualificatifs, qui font écho au concept de dol en droit civil, ne font que reprendre la jurisprudence constante de la chambre criminelle de la Cour de cassation, qui exige depuis plusieurs décennies un consentement « libre et éclairé » et qui juge comme relevant du viol tout acte sexuel extorqué par des « manoeuvres dolosives ». En attestent aussi, voire surtout, les modifications apportées au texte par l'Assemblée nationale pour assurer le plein respect du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines. C'est pour ce motif que les députés ont exclu que le viol soit constitué « notamment » en cas de recours à la violence, à la contrainte, à la surprise ou à la menace : cet adverbe aurait en effet, pour reprendre les termes utilisés par le Conseil d'État, été « de nature à dépasser une portée interprétative et à [introduire] une indétermination quant à la définition d'autres circonstances de fait potentielles ».
L'analyse de ce texte, éclairée tant par la lecture de cet avis que par les nombreuses auditions que nous avons réalisées en un temps contraint, nous a donc convaincues du bien-fondé de l'inscription du consentement dans la définition du viol et des autres agressions sexuelles.
Cette nouvelle rédaction présente en effet trois avantages majeurs.
En premier lieu, elle apparaît à la fois pédagogique et symbolique. La mention expresse du consentement dans la définition de l'agression sexuelle participera, nous l'espérons, à l'émergence d'une approche partagée des rapports intimes et rappellera, en des termes lisibles pour les justiciables, que tout acte sexuel doit être consenti. Ce rappel ne sera pas un luxe : le nombre de victimes de violences sexuelles est en effet estimé, au minimum, à 230 000 par an, ce chiffre restant désespérément stable au fil des années.
En deuxième lieu, ce texte constitue un apport opérationnel, dans la mesure où il permettra d'orienter les enquêtes et les débats sur le comportement de l'auteur - et non plus sur celui de la victime, comme c'est hélas ! bien trop souvent le cas aujourd'hui. Nous espérons, comme nombre des personnes que nous avons auditionnées, que cette orientation nouvelle permettra une meilleure répression des violences sexuelles, qui font aujourd'hui l'objet d'un taux de classement sans suite particulièrement élevé et qui ne donnent lieu qu'à environ 8 000 condamnations par an, ce qui montre que la justice ne parvient à se saisir que d'une infime minorité des viols et des agressions sexuelles perpétrés dans notre pays.
En troisième et dernier lieu, cette proposition de loi est robuste du point de vue juridique, car elle repose sur une démarche interprétative. Il est ainsi fait expressément mention des quatre critères classiques, qui demeureront les seuls éléments desquels pourra être mécaniquement déduite l'absence de consentement.
Pour toutes ces raisons, nous avons largement adhéré au dispositif transmis par l'Assemblée nationale. Nous ne vous proposerons de le modifier que sur deux points techniques, sur lesquels je reviendrai à la fin de cette intervention.
Si l'article 1er contient plusieurs dispositions de coordination qui n'appellent pas de commentaire, il procède aussi à une modification plus délicate qu'elle n'en a l'air.
Cet article vise en effet à préciser explicitement à l'article 222-23 du code pénal, qui traite du viol, que les actes bucco-anaux constituent aussi un tel crime. Un désaccord s'est élevé entre les auteures du texte et le Conseil d'État sur la nature de cet ajout, les députées considérant qu'il s'agissait - ici encore - d'une précision interprétative, tandis que le Conseil estime qu'une telle modification constitue une loi pénale plus sévère, soumise au principe de la non-rétroactivité in mitius.
Pour notre part, nous estimons que la prise en compte des actes bucco-anaux dans la définition du viol correspond bien à l'intention du législateur, exprimée clairement et sans ambiguïté au cours des travaux parlementaires sur la loi du 21 avril 2021. Or, force est de constater que cette intention n'a pas été littéralement traduite dans le code, conduisant les praticiens à poursuivre de tels actes sur le fondement des dispositions relatives à l'agression sexuelle. De facto, leur intégration au champ matériel du viol constituera une aggravation de la répression, ce qui ne permettra de criminaliser les actes bucco-anaux que pour l'avenir.
Enfin, la proposition de loi comporte deux demandes de rapport partiellement redondantes en ses articles 2 et 3, que nous vous proposerons de supprimer, suivant la position constante de la commission en la matière.
Mes chers collègues, vous l'aurez constaté, la proposition de loi n'entraîne pas une évolution majeure de notre droit. Elle intègre au code pénal une définition de l'agression sexuelle déjà admise par nos juges pour accompagner l'évolution bienvenue de notre société en matière de lutte contre les violences sexuelles.
Nous vous proposerons donc d'adopter ce texte, après y avoir apporté quelques légères modifications qui en garantissent la sécurité juridique et la pleine effectivité.
D'une part, l'article 1er de la proposition de loi dispose en son cinquième alinéa que le consentement « est apprécié au regard des circonstances environnantes ». Nous vous proposerons de substituer le mot de « contexte » à l'expression des « circonstances environnantes », empruntée à la convention d'Istanbul, mais inconnue du droit pénal français et susceptible de donner lieu à des interprétations extensives, contrairement au « contexte », qui est, lui, bien connu du juge pénal français.
D'autre part, l'intégration des actes bucco-anaux à la définition générale du viol exige de procéder à des coordinations au sein des articles spécifiques aux mineurs, faute de quoi ces derniers se trouveraient dans une situation moins favorable sur le plan juridique que les victimes majeures. Nous vous proposerons dès lors un amendement de mise en cohérence pour prévenir toute divergence malheureuse au sein du code pénal.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Merci pour votre rapport, car ce texte est technique et complexe à aborder. Or vous avez travaillé dans un temps particulièrement réduit.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Ce texte ayant été adopté le 1er avril dernier par l'Assemblée nationale, pourquoi ne l'examinons-nous que maintenant et devons-nous travailler dans des délais contraints ? Nous n'avons pas pu assister à toutes les auditions organisées la semaine dernière, dans la mesure où était débattue en séance publique la proposition de loi visant à réformer le mode d'élection des membres du conseil de Paris et des conseils municipaux de Lyon et Marseille.
Je remercie les rapporteures de leur travail sur ce sujet complexe. Cette proposition de loi illustre parfaitement la qualité du travail parlementaire en ce qu'elle émane des conclusions d'une mission transpartisane à l'Assemblée nationale, qui a duré un an, puis a fait l'objet d'une saisine du Conseil d'État.
La question de l'introduction du consentement dans la définition pénale du viol fait partie du débat public depuis un certain temps, ce qui n'est pas de nature à simplifier notre approche. Il ne s'agit pas de s'en tenir à l'évidence d'inscrire la notion de consentement dans la définition pénale du viol. En effet, les associations féministes sont partagées sur ce sujet : certaines y sont totalement favorables tandis que d'autres soulignent que cela contribuerait à mettre le projecteur sur la victime, ce qui ne serait pas admissible. À ces dernières, je répondrai que le projecteur est toujours mis sur la victime et que la question du consentement, lors du procès, fait toujours l'objet de débats. Même dans l'affaire Pelicot, certains avocats ont plaidé le consentement. Le consentement de la victime est l'éléphant au milieu de la pièce, pour reprendre l'image d'Elsa Schalck.
Certes, la jurisprudence ne doit pas être réduite à néant. Mais tel n'est pas le cas avec la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, qui pose le principe du consentement et précise qu'il n'y a pas de consentement en cas de contrainte, de violence, de menace ou de surprise. Le texte proposé nous semble donc bien conçu d'un point de vue juridique.
On peut cependant s'interroger sur la portée réelle du texte. Je ne suis pas convaincue de sa vertu pédagogique, mais les dispositions proposées peuvent être importantes pour les services de police ou pour les autorités de poursuite. J'avais d'ailleurs suggéré à un ancien garde des sceaux de faire une circulaire sur les agressions sexuelles.
La question de l'application dans le temps est aussi un sujet. La notion de loi interprétative est très intéressante : si les dispositions de la loi sont considérées comme interprétatives par la Cour de cassation, elles seront d'application immédiate, permettant qu'elles soient mises en oeuvre pour des faits antérieurs à l'entrée en vigueur du texte. Peut-être déposerons-nous des amendements pour dépasser le critère de loi interprétative.
Enfin, je connais l'habitude de notre commission de refuser, par principe, les rapports. Pour autant, la démarche d'évaluation est intéressante ; nous pourrions prévoir que le Parlement procède à cette évaluation, car nous ne savons pas précisément quelle sera la portée de ce texte.
Vous l'aurez compris, nous sommes globalement favorables à cette proposition de loi et déposerons vraisemblablement des amendements en vue de la séance publique.
Mme Mélanie Vogel. - Je remercie les deux rapporteures, qui ont oeuvré dans un temps contraint.
Permettez-moi de pointer les éléments avancés à l'encontre de la proposition d'intégrer le consentement dans la définition pénale du viol. La position de certaines féministes était tout à fait légitime, soulignant quatre risques : la contractualisation des rapports sexuels ; le renversement de la charge de la preuve - le ministère public gardera la charge de démontrer la culpabilité de la personne mise en cause - ; une focalisation excessive sur la victime - les pays européens ayant modifié leur code pénal pour le mettre en conformité avec la convention d'Istanbul ne mentionnent pas un tel état de fait - ; une non-prise en compte de la jurisprudence sur les quatre critères que sont la contrainte, la menace, la surprise ou la violence. Or l'Assemblée nationale et nos rapporteures ont intelligemment pris en considération ces différentes critiques et la rédaction qui nous est proposée est de nature à répondre à ces craintes.
Je serai plus nuancée que notre collègue Marie-Pierre de La Gontrie sur la portée de ce texte. J'estime qu'il présente un intérêt judiciaire dans la mesure où les services de police auront une base légale pour s'assurer du consentement de la victime. Lors de l'affaire Pelicot, on a certes beaucoup parlé du consentement, mais dans certains procès, on considère que l'absence de réaction de la victime prouve son consentement.
Pour ma part, je crois à la portée performative et éducative de la loi. Lorsque la Suède a modifié la définition pénale du viol, les juges et les policiers avaient intégré cette notion avant même que la loi ne soit promulguée. Les dispositions introduites dans la loi par le Parlement participent à modifier petit à petit les mentalités. Passer progressivement à une culture du consentement, une notion clé qui fait la distinction entre ce qui relève de la sexualité et ce qui relève de la violence, permettra non seulement de mieux criminaliser les viols, mais également de diminuer leur nombre. Le groupe GEST votera ce texte et ne déposera pas d'amendements en vue de la séance publique.
Mme Marie
Mercier. - Concernant l'inscription du consentement dans la
définition du viol, j'ai été marquée par l'audition
des avocats de Gisèle Pelicot. Nous avons alors compris ce qu'est
la soumission chimique, que les médecins n'ont pas appris à
diagnostiquer. Entendre l'auteur d'un viol
dire que dès lors
qu'il y avait consentement du mari il y avait consentement de la victime fut
particulièrement choquant. On parle de consentement, mais je
m'interroge sur le discernement même de cette personne.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - Les auditions ont corroboré nos positions, notamment sur le renversement de la charge de la preuve. Le parquet reste l'autorité poursuivante. Nous sommes encore dans la culture de la « bonne victime », celle qui, violentée, se débat. Une des vertus du texte est d'encourager une autre vision. Nous nous intéresserons davantage à l'auteur pour voir ce qu'il a fait pour recueillir le consentement de la victime.
La mission d'information de l'Assemblée nationale a duré plus de quatorze mois. L'avis du Conseil d'État nous a beaucoup rassurées : le cadre juridique est bien posé pour faire entrer la notion de consentement dans la définition pénale du viol et définir correctement le consentement - libre et éclairé, révocable, préalable et spécifique.
Nous devons rester sur une loi interprétative, qui repose donc sur la conservation des acquis jurisprudentiels. Je pense aux quatre adminicules mentionnés : menace, contrainte, violence et surprise. Une grande partie des procès est déjà centrée sur la notion de consentement. Nous ne faisons qu'inscrire dans la loi une politique jurisprudentielle vieille de près de deux siècles.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Cette inscription permet une égalité de tous devant la loi. Les juges appliquent la loi, mais n'adoptent pas tous systématiquement la même jurisprudence.
À mes yeux, la phrase la plus importante du texte est la suivante : « [Le consentement] ne peut être déduit du seul silence ou de la seule absence de réaction de la victime ». Il ne sera plus possible de dire qu'il n'y pas viol au seul motif que la victime n'avait pas dit non.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Concernant le périmètre de cette proposition de loi, en application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que le périmètre inclut les dispositions relatives à la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles.
Il en est ainsi décidé.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - L'amendement COM-5 vise à remplacer les mots « circonstances environnantes » par le mot « contexte », terme connu de notre jurisprudence pénale.
L'amendement COM-5 est adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-6 permet la prise en compte des actes bucco-anaux dans la définition du viol pour les mineurs.
L'amendement COM-6 est adopté.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - L'amendement COM-1 vise à ajouter une circonstance aggravante en cas de vulnérabilité chimique de la victime. La soumission chimique est déjà réprimée par notre droit depuis plusieurs années.
Par ailleurs, des difficultés de fond se posent. Les auditions n'ont pas permis d'évoquer cette question, extrêmement importante. L'Assemblée nationale non plus n'a pas étudié la question. Il faudra y revenir plus tard, pour renforcer notre arsenal juridique. Un travail important nous attend. Avis défavorable.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je ne sais pas si nous avons raison de reporter cette réflexion, extraordinairement compliquée.
Nous avons déjà progressé en matière de répression, en introduisant une circonstance aggravante pour l'auteur. La question est de savoir si cette dernière doit également s'appliquer à la victime. La question est aussi complexe qu'importante et il nous faut l'examiner de près. Nous avons encore une semaine devant nous : ne ratons pas une occasion de traiter cet enjeu.
Mme Sophie Briante Guillemont. - Les deux amendements de Mme Guillotin sont issus du rapport réalisé avec Sandrine Josso. C'est le résultat d'un travail important. Tous, nous savons l'importance du sujet, et l'actualité politique nous invite à l'examiner. Pourquoi repousser la question ?
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - La question est très importante, mais aussi très complexe. Or, l'amendement priverait les magistrats d'une part de leur liberté d'appréciation. La loi pénale est d'interprétation stricte. L'appréciation au cas par cas par le juge du fond reste le meilleur moyen de procéder, notamment au regard des termes « ivresse » et « emprise de stupéfiants » qui sont utilisés par l'amendement sans être précisément définis. Cela nécessite une expertise approfondie.
Cet amendement soulève par ailleurs des difficultés rédactionnelles et ni nos travaux ni ceux de l'Assemblée nationale n'ont porté sur cette question.
M. Francis Szpiner. - Si l'on dit qu'il y a des vices du consentement, il faudra les détailler. L'inconvénient est que nous allons en oublier, permettant à certains de s'en sortir.
La soumission chimique est l'administration par l'auteur de l'agression de substances qui font perdre la liberté de donner un consentement libre, comme le dit le Conseil d'État. En voulant être plus spécifiques, nous allons réduire cette définition, ce qui sera dangereux.
Il est vrai que tous les juges n'appliquaient pas la jurisprudence, et que la notion de « contrainte » posait problème. La notion de consentement « libre et éclairé » suffit à établir qu'une victime de soumission chimique n'a pas pu consentir. Il en va de même pour la personne vulnérable.
Je préfère des dispositions autorisant une interprétation large plutôt que de proposer des définitions qui seront en fait plus restrictives pour la liberté du juge et iront à l'encontre de l'objectif poursuivi.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - L'amendement COM-3 déposé par Olivia Richard vise à supprimer la circonstance aggravante de minorité en cas de recours à la prostitution ; l'objectif poursuivi est de garantir la poursuite pour viol de tous les clients de personnes prostituées de moins de quinze ans puisque, depuis la loi du 21 avril 2021, tout acte sexuel entre un majeur et un mineur de quinze ans est un viol. Ce principe est codifié à l'article 222-23-1 du code pénal.
Cet amendement soulève une question particulièrement technique, en dépit du fait que nous comprenons sa philosophie sur le fond.
Le dernier alinéa de l'article 225-12-2 du code pénal semble en effet contrevenir à l'une des principales mesures de la loi du 21 avril 2021, qui criminalise toute relation sexuelle entre un majeur et un mineur de moins de quinze ans. Or, l'alinéa dont la suppression est proposée prévoit que le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir des relations sexuelles tarifées de la part d'un mineur de quinze ans constitue une circonstance aggravante du délit de recours à la prostitution.
Il y aurait donc une contradiction dans notre droit : la prostitution de mineurs serait délictuelle, et les rapports sexuels avec des mineurs, criminels.
Cette interprétation ne nous semble pas fondée.
L'alinéa en cause commence par une formule significative : « Hors les cas dans lesquels ces faits constituent un viol ou une agression sexuelle, [...] ».
La circonstance aggravante qu'il est proposé de supprimer s'applique donc exclusivement dans des cas qui ne sont pas couverts par l'article 222-23-1 du code pénal, référence à la loi Billon qui veut que toute relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans soit un viol.
Vous proposez donc de supprimer une aggravation pleinement applicable aux faits qui concernent un auteur mineur ou un accusé majeur qui aurait sollicité ou accepté une relation tarifée avec un mineur de quinze ans sans qu'elle ait eu lieu. En d'autres termes, l'adoption de cet amendement fragiliserait la protection des mineurs victimes de violences sexuelles.
Les juges n'ont pas encore totalement intégré le fait que, dans le cadre de la prostitution, quand le client est un majeur et la prostituée une mineure de quinze ans, cela constitue un viol. Une circulaire de politique pénale serait plus efficace pour atteindre l'objectif poursuivi que de changer la loi.
Nous émettons donc un avis défavorable à cet amendement.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Là aussi, nous éludons cette question au motif que la question est technique.
Soyons clairs dans notre raisonnement. Si nous considérons qu'un viol sur un mineur est criminel, il faut que le dire clairement dans le texte.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Cela est ainsi rédigé dans le code pénal ! Nous avons sollicité la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) sur cette question, qui partage notre analyse.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Nous devrions examiner, notamment avec les associations, la réalité de la pratique du droit. Ne fermons pas la porte en vue de la séance.
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Cet amendement vient de la mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof), qui pensait que la loi était mal écrite et donc mal appliquée. La DACG indique, elle, que la loi est correctement écrite, mais mal appliquée.
En supprimant cet alinéa, nous nous priverons de la possibilité de poursuivre un client mineur qui aurait une relation sexuelle avec une mineure, ainsi que de poursuivre les majeurs qui auraient sollicité un acte sexuel d'un mineur prostitué sans qu'il n'ait lieu.
L'analyse de la Miprof n'est pas juste, d'où mon appel à une circulaire de politique pénale visant à expliciter les modalités d'application de la loi Billon en matière de prostitution de mineurs.
Mme Olivia Richard. - La Miprof nous a alertés sur l'exploitation sexuelle des mineurs, notamment au sein de l'aide sociale à l'enfance (ASE) : entre 8 000 à 10 000 enfants seraient concernés en France. Il y a très peu de poursuites pour viol sur le fondement de la loi Billon de 2021 ; c'est un problème. Il est urgent d'avoir une réaction pénale adaptée. C'est un amendement d'appel. Pour l'instant, la loi Billon n'est pas appliquée. Nous en reparlerons la semaine prochaine. En attendant, je vous remercie pour ce travail très éclairant.
M. Francis Szpiner. - J'ai été l'avocat de l'association La voix de l'enfant. Nous nous sommes battus pour dire que le mineur de moins de quinze ans ne peut consentir : il n'y a plus de débat ! Le majeur qui a une relation sexuelle avec un mineur de moins de quinze ans commet un viol ! Le texte général permet la répression. À force de trop légiférer, on finira par créer trois textes pour une même situation.
L'amendement COM-3 n'est pas adopté.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - L'amendement COM-2 prévoit la levée du secret médical lorsqu'un professionnel de santé s'aperçoit que son patient ou sa patiente fait l'objet d'une soumission chimique.
Là encore, en dépit de la légitimité de ses objectifs, l'amendement soulève des difficultés réelles.
La première difficulté est relevée par les autrices du rapport elles-mêmes : elles constatent en effet que cette innovation poserait la question de la responsabilité du médecin ou du professionnel de santé concerné dans le cas où celui-ci ne ferait pas de signalement.
La deuxième difficulté tient à l'articulation avec les dispositions existantes de l'article 226-14 du code pénal, qui prévoient notamment la levée du secret médical en cas « de placement, de maintien ou d'abus frauduleux d'une personne dans un état de sujétion psychologique ou physique », une telle sujétion pouvant en toute logique découler de l'administration de substances chimiques. En d'autres termes, il n'est pas acquis que l'amendement ne soit pas déjà satisfait. Évitons de créer un doublon, et donc des difficultés d'articulation, au sein du code pénal.
La troisième difficulté concerne la rédaction proposée. En effet, le renvoi à l'article 222-30-1 du code pénal peut avoir pour effet de ne couvrir que les cas dans lesquels la substance en question est administrée en vue de commettre des violences sexuelles, ce que le médecin ne peut, par définition, pas savoir. Plus largement, la formulation est perfectible. En l'état, on pourrait penser que c'est le médecin qui a administré une substance à l'insu de son patient. La commission demande, comme pour l'amendement COM-1, un travail approfondi et spécifique pour éviter tout effet de bord contre-productif. Avis défavorable.
L'amendement COM-2 n'est pas adopté.
Mme Elsa Schalck, rapporteure. - L'amendement COM-7 vise à supprimer l'article.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Que pensez-vous de ma suggestion de prévoir une évaluation par le Parlement ?
Mme Dominique Vérien, rapporteure. - Il est difficile d'obtenir de bonnes statistiques auprès du ministère de la justice. Madame la présidente a réclamé elle-même des chiffres lors de l'audition du garde des sceaux. Nous n'avons pas de chiffres, cela est invraisemblable, j'en conviens.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Je suis toujours favorable à une évaluation réalisée par le Parlement. Mais il n'est pas nécessaire de le prévoir dans la loi.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Un engagement de votre part serait formidable, Madame la présidente... Mme Muriel Jourda, présidente. - Je ne suis pas sûre qu'une telle continuité existe, mais je suis, pour ma part, favorable à votre demande, sous réserve que nous obtenions des statistiques.
Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Dans ce cas-là, n'évaluons pas...
M. Francis Szpiner. - J'ai déjà eu à demander des chiffres à la DACG : j'ai été scandalisé par le fait qu'ils soient incapables de nous les transmettre ! Il est scandaleux qu'il n'existe pas d'outil statistique.
Oui, évaluer fait partie des prérogatives du Parlement, mais si nous l'inscrivons dans la loi, comme le demande Mme de La Gontrie, nous aurons un support pour faire pression sur la Chancellerie.
On nous parle d'informatique et d'intelligence artificielle, et nous sommes incapables d'avoir des statistiques utiles. Nous menons trop peu d'évaluations ! Pour supprimer des normes et remédier à l'inflation législative, il faut évaluer.
Mme Muriel Jourda, présidente. - Vous avez raison, certes, mais inscrire dans la loi une telle évaluation n'aidera pas le ministère à s'équiper correctement.
L'amendement COM-7 est adopté.
L'article 2 est supprimé.
Article 3 (nouveau)
L'amendement de suppression COM-8 est adopté.
L'article 3 est supprimé.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mmes SCHALCK et VERIEN, rapporteures |
5 |
Prise en compte du contexte d'expression du consentement |
Adopté |
Mme SCHALCK et Mme VERIEN, rapporteures |
6 |
Coordination |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 1er |
|||
Mme GUILLOTIN |
1 rect. |
Circonstance aggravante en cas de vulnérabilité chimique de la victime |
Rejeté |
Mme Olivia RICHARD |
3 |
Suppression de la circonstance aggravante de minorité en matière de prostitution |
Rejeté |
Mme GUILLOTIN |
2 rect. |
Levée du secret médical en cas de soumission chimique |
Rejeté |
Article 2 (nouveau) |
|||
Mmes SCHALCK et VERIEN, rapporteures |
7 |
Suppression de l'article |
Adopté |
Article 3 (nouveau) |
|||
Mmes SCHALCK et VERIEN, rapporteures |
8 |
Suppression de l'article |
Adopté |
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 58(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie59(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte60(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial61(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 11 juin 2025, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 504 (2024-2025) visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la définition pénale du viol et des autres agressions sexuelles.
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Auteures de la proposition de loi
Mme Marie-Charlotte Garin, députée de la 3ème circonscription du Rhône
Mme Véronique Riotton, députée de la 1ère circonscription de Haute-Savoie
Représentants de la chambre criminelle de la Cour de cassation
M. Henri de Larosière de Champfeu, doyen de la chambre criminelle
Mme Anne Leprieur, conseillère
M. Antoine Brugère, conseiller
M. Philippe Mallard, conseiller référendaire
Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)
Mme Sophie Macquart-Moulin, cheffe de service, adjointe à la directrice
Mme Naïma Mohraz, magistrate rédactrice au sein du bureau de la législation pénale générale
Table ronde de représentants du ministère public
Conférence nationale des procureurs généraux (CNPG)
M. Philippe Astruc, procureur général près de la cour d'appel de Dijon
Conférence nationale des procureurs de la République (CNPR)
Mme Laetitia Francart, procureure de Villefranche-sur-Saône
Audition conjointe
Direction générale de la police municipale (DGPN)
Mme Charlotte Huntz, conseillère adjointe, police judiciaire et renseignement, Pôle « missions de police »
Mme Leane Armenjon, collaboratrice au pôle missions de police au cabinet du directeur général de la police nationale
Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN)
Lieutenante-colonelle Marie-Laure Bock, sous-direction de la police judiciaire
Mme Julie Bernier, conseillère justice du directeur général
Table ronde d'universitaires
Mme Catherine Le Margueresse, chercheuse associée à la Sorbonne
Mme Marion Lacaze, maître de conférences en droit privé et sciences criminelles à Bordeaux
M. François Lavallière, magistrat et maître de conférences en droit pénal à l'université de Rennes
M. Jean-Christophe Saint-Pau, professeur de droit privé et sciences criminelles à Bordeaux
Table ronde des représentants d'avocats
Conseil national des barreaux (CNB)
Mme Valentine Guiriato, vice-présidente de la commission Libertés et droits de l'Homme
Mme Clotilde Lepetit, membre de la commission Libertés et droits de l'Homme
Mme Nancy Ranarivelo, chargée de mission affaires publique
Barreau de Paris
Mme Vanessa Bousardo, vice-bâtonnière
Conférence des bâtonniers
Mme Justine Devred, vice-présidente
Table ronde de syndicats de magistrats
Syndicat de la magistrature
Mme Nelly Bertrand, secrétaire nationale
Union syndicale des magistrats
Mme Fabienne Averty, secrétaire nationale
Mme Alexandra Vaillant, secrétaire générale
Unité Magistrats - SNM FO
Mme Valérie Dervieux, magistrate
Table ronde d'associations
Collectif féministe contre le viol
Mme Emmanuelle Piet, présidente
Osez le Féminisme !
Mme Céline Piques, porte-parole
Fondation des femmes
Mme Floriane Volt, présidente
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
CONFÉRENCE NATIONALE DES PRÉSIDENTS DE TRIBUNAUX JUDICIAIRE (CNPTJ)
CONFÉRENCE NATIONALE DES PREMIERS PRÉSIDENTS DE COUR D'APPEL (CNPP)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl24-504.html
* 1 Rapport n° 442 (1977-1978) d'Edgar Tailhades sur la proposition de loi relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.
* 2 Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.
* 3 Avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.
* 4 Loi n° 2010-121 tendant à inscrire l'inceste commis sur les mineurs dans le code pénal et à améliorer la détection et la prise en charge des victimes d'actes incestueux du 8 février 2010 ; loi n° 2018-703 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes du 3 août 2018.
* 5 Cass. crim., 11 septembre 2024, n° 23-86.657.
* 6 L'article 36 de cette convention stipule que, en matière de violences sexuelles, « le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne considérée dans le contexte des circonstances environnantes ».
* 7 Avis n° 409241 du Conseil d'État.
* 8 Avis précité, paragraphe 16.
* 9 La chambre criminelle fait d'ailleurs des parallèles explicites entre le consentement sexuel et le dol lorsqu'elle juge que ce consentement n'est valablement acquis qu'« en dehors de toute manoeuvre dolosive ».
* 10 Ancien article 332 du code pénal.
* 11 Rapport n° 442 (1977 - 1978) d'Edgar Tailhades sur la proposition de loi relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.
* 12 Loi n° 80-1041 du 23 décembre 1980 relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.
* 13 Texte n° 324 (1977 - 1978) de Brigitte Gros et plusieurs de ses collègues.
* 14 Rapport précité.
* 15 Dans le même sens, plus récemment, la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste s'est abstenue de toute référence à la notion de « consentement » pour lui préférer une rédaction reposant sur certaines circonstances objectives (en l'espèce, l'écart d'âge entre l'auteur et la victime ou l'existence d'une relation d'autorité de droit ou de fait) qui caractérisent, par elles-mêmes, l'atteinte sexuelle.
* 16 Cass. crim., 3 avril 2001, n° 01-80.623 ; 7 décembre 2005, n° 05-81.316.
* 17 L'adminicule est, selon la définition de Gérard Cornu (rappelée par le Conseil constitutionnel dans son commentaire de la décision n° 2023-1058 QPC du 21 juillet 2023, « Roméo N. », note de bas de page n° 10) un « Élément (on dit aussi commencement) de preuve qui, rendant vraisemblable le fait à prouver sans en constituer une preuve parfaite, est parfois exigé par la loi, à titre préalable, pour rendre admissibles d'autres modes de preuve imparfaits ».
* 18 Le commentaire précité de la décision n° 2023-1058 QPC précise ainsi que, « Bien que l'absence de consentement de la victime ne soit pas expressément mentionnée comme élément constitutif de ces infractions, l'emploi de l'un de ces [...] adminicules [à savoir la violence, la contrainte, la menace ou la surprise] par l'auteur des faits est de nature à la caractériser. Il incombe donc au juge de déterminer les conditions dans lesquelles l'acte sexuel a été imposé à la victime, en caractérisant le recours à la violence, l'usage d'une contrainte, l'emploi de menaces ou l'existence de manoeuvres destinées à tromper le consentement ».
* 19 Avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes commises contre les mineurs et les majeurs.
* 20 Avait en l'espèce été cassée, la décision d'une cour d'appel qui reconnaissait l'existence d'une agression sexuelle car l'auteur avait exercé des violences et ne s'était pas assuré du consentement de sa victime, ce qui - selon la chambre criminelle - n'équivalait pas à l'« absence totale de consentement » exigée par la loi (Cass. crim., 20 juin 2001, n° 00-88-258).
* 21 Ces chiffres sont accessibles en ligne.
* 22 La sous-estimation statistique des violences sexuelles n'est pas un phénomène nouveau, comme en atteste à double titre - c'est-à-dire à la fois dans ce qu'il exprime et dans le caractère manifestement sous-évalué des chiffres présentés - le rapport précité d'Edgard Tailhades, selon lequel « On évalue en général le nombre des crimes de viol commis dans nos sociétés de dix à vingt fois supérieur au nombre des plaintes déposées chaque année (soit 1 600 environ en France à l'heure actuelle) ».
* 23 Rapport n° 650 (2024-2025), « Prévention de la récidive du viol : prendre en charge les auteurs pour éviter de nouvelles victimes », déposé le 21 mai 2025.
* 24 Les plaintes enregistrées en 2023 portent pour partie sur des faits commis plusieurs mois, voire plusieurs années auparavant (voir infra), expliquant vraisemblablement que le ratio déjà cité entre les faits commis et le nombre de plaintes ne soit pas reflété par les statistiques ; y contribue également la divergence de population « cible », les chiffres établis à l'issue de l'enquête « Vécu et ressenti en matière de sécurité » tenant compte exclusivement des femmes majeures tandis que la recension des plaintes concerne indifféremment les mineurs et les majeurs ainsi que les femmes et les hommes.
* 25 Maëlle Stricot, note n° 107 (avril 2024) pour l'Institut des politiques publiques, établie à partir des données du fichier Cassiopée.
* 26 Rapport précité de la MCC sur la prévention de la récidive du viol.
* 27 Idem.
* 28 La prévention des violences faites aux femmes, notamment sexuelles, constitue par ailleurs une préoccupation forte à l'échelle de l'Union européenne, comme en ont témoigné les échanges institutionnels au sujet de la directive (UE) 2024/1385 du Parlement européen et du Conseil du 14 mai 2024 sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique.
* 29 Groupe d'experts sur la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, rapport d'évaluation de référence, France, 2019 [ Accessible en ligne].
* 30 Commentaires soumis par la France sur le rapport final du Grevio sur la mise en oeuvre de la Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, 19 novembre 2019 [ Accessible en ligne].
* 31 Conseil d'État, Assemblée générale, avis n° 409241 sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles [ Accessible en ligne].
* 32 Rapport d'information n° 792 sur la définition pénale du viol (2024 - 2025), présenté par Mmes Véronique Riotton et Marie-Charlotte Garin, députées, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
* 33 Rapport d'information n° 193 sur le consentement et la définition pénale du viol (2024 - 2025), fait par Hussein Bourgi, Esla Schalck et Dominique Vérien, sénateur et sénatrices, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité de chances entre les hommes et les femmes.
* 34 Conseil d'État, Assemblée générale, avis n° 409241 sur une proposition de loi visant à modifier la définition pénale du viol et des agressions sexuelles [ Accessible en ligne].
* 35 L'emploi de la formule « quelle que soit leur nature » a, en effet, été préféré à l'adoption d'une liste d'adminicules qui aurait été privée d'exhaustivité sous l'effet du terme « notamment » qui figurait dans la version initiale du texte.
* 36 Rapport n° 3939 sur la proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels (2024 - 2025), fait par Alexandra Louis, députée, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République [ Accessible en ligne].
* 37 Voir infra.
* 38 Paragraphe 22 de l'avis précité.
* 39 Voir supra.
* 40 Article 309 du code de procédure pénale.
* 41 Avis précité du Conseil d'État, paragraphe 20.
* 42 Voir, par exemple, Cass. crim., 9 décembre 1998, n° 98-85.840.
* 43 Voir, par exemple, Cass. crim., 14 mars 2006, n° 05-83.423
* 44 Article 511-19, en matière de recherche médicale.
* 45 Arrêt précité du 9 décembre 1998.
* 46 L'expression paraît même porteuse d'une redondance intrinsèque, les circonstances étant toujours environnantes.
* 47 Cass. crim., 6 décembre 1995, n° 95-84.881.
* 48 Cass. crim., 13 janvier 2021, n° 19-86.624.
* 49 Cass. crim., 4 septembre 2019, n° 19-83.688.
* 50 Décision n° 2011-164 QPC du 16 septembre 2011.
* 51 Avis précité.
* 52 Cass. crim., 14 octobre 1998, n° 97-84.730.
* 53 Cass. crim., 12 janvier 2000, n° 99-80.534 ; Cass. crim., 17 mars 2021, n° 20-86.918.
* 54 Décision n° -448 QPC du 6 janvier 2015.
* 55 Avis précité, paragraphe 22.
* 56 Rapport n° 3939 d'Alexandra Louis sur la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels, déposé le mercredi 3 mars 2021.
* 57 Rapport n° 467 (2020 - 2021), déposé le 23 mars 2021.
* 58 Voir le commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 59 Voir par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 60 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 61 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.