Rapport n° 467 (2020-2021) de Mme Marie MERCIER , fait au nom de la commission des lois, déposé le 23 mars 2021

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SOMMAIRE

Pages

L'ESSENTIEL 5

I. UN TEXTE LARGEMENT ENRICHI LORS DE SON EXAMEN EN PREMIÈRE LECTURE AU SÉNAT 5

A. LE CoeUR DE LA PROPOSITION DE LOI : CRÉER UNE NOUVELLE INFRACTION DE CRIME SEXUEL SUR MINEUR 5

B. UN TEXTE ENRICHI AU COURS DES DÉBATS 6

1. Un volet préventif 7

2. L'élargissement de la définition du viol et du crime sexuel sur mineur 7

3. L'allongement de certains délais de prescription 7

4. Une sanction plus sévère des atteintes sexuelles incestueuses 8

II. UN TEXTE REMANIÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS LE RESPECT DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE SÉNAT 8

A. LA FIXATION D'UN SEUIL D'ÂGE À QUINZE ANS ASSORTI D'UN ÉCART D'ÂGE DE CINQ ANS 8

B. LA PROTECTION DES MINEURS JUSQU'À DIX-HUIT ANS CONTRE L'INCESTE 9

C. DEUX MÉCANISMES TENDANT À REPOUSSER LA DATE DE PRESCRIPTION DES CRIMES ET DÉLITS SEXUELS SUR MINEUR 10

D. DES DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES RELATIVES NOTAMMENT AUX INFRACTIONS COMMISES SUR INTERNET 10

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : PARFAIRE LA RÉDACTION DU TEXTE SANS REMETTRE EN CAUSE SES GRANDS ÉQUILIBRES 11

EXAMEN DES ARTICLES 13

• Article 1 er Création de nouvelles infractions de crime sexuel sur mineur 13

• Article 1 er bis BA Délit d'extorsion d'images pédopornographiques 20

• Article 1 er bis B Coordinations et délit d'atteinte sexuelle 21

• Article 1 er bis C Répression des atteintes sexuelles que la victime s'inflige à elle-même 25

• Article 1 er bis D Coordinations avec le crime de proxénétisme et le délit d'achat d'acte sexuel 26

• Article 1 er bis E Aggravation de la peine encourue en cas d'achat d'acte sexuel auprès d'un mineur 27

• Article 1 er bis Notions de contrainte et de surprise pour les mineurs de moins de quinze ans 28

• Article 2 Articulation avec le délit d'atteinte sexuelle 29

• Article 3 Coordinations pour les crimes de viol 30

• Article 4 Coordinations 31

• Article 4 bis Élargissement de la définition du viol aux actes bucco-génitaux 31

• Article 4 ter Règles de prescription du délit de non-dénonciation d'infraction sur mineur 32

• Article 4 quater Prescription des crimes et délits sexuels sur mineurs 33

• Article 5 Liste des infractions entraînant une inscription au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes 37

• Article 5 bis Définition de l'exhibition sexuelle et aggravation de la peine quand la victime est un mineur de quinze ans 38

• Article 6 Inscription automatique dans le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes lorsque la victime est mineure 39

• Article 7 Peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs 40

• Article 8 Procédure applicable à la nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur 41

• Article 9 Application outre-mer 42

• Intitulé de la proposition de loi 43

EXAMEN EN COMMISSION 45

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (RÈGLE DE L'ENTONNOIR) 59

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES 61

LA LOI EN CONSTRUCTION 63

L'ESSENTIEL

Réunie le mardi 23 mars 2021 sous la présidence de François-Noël Buffet (Les Républicains - Rhône), la commission des lois a examiné, en deuxième lecture, le rapport de Marie Mercier (Les Républicains - Saône-et-Loire) sur la proposition de loi n° 447 (2020-2021) visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste , adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale le 15 mars 2021.

Ce texte a été initialement déposé par Annick Billon, le 26 novembre 2020, sous l'intitulé de proposition de loi visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.

La commission des lois a considéré que le texte adopté par l'Assemblée nationale était respectueux des objectifs poursuivis par le Sénat, tout en étant techniquement plus abouti. Elle a donc corrigé les scories qui subsistaient et renforcé la protection des mineurs de plus de quinze ans contre les infractions dont ils peuvent être victimes sur internet, sans remettre en cause les grands équilibres du texte qui constituent la base d'un accord politique entre les deux assemblées nécessaire à une adoption rapide par le Parlement.

Suivant l'avis de son rapporteur, la commission des lois a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .

I. UN TEXTE LARGEMENT ENRICHI LORS DE SON EXAMEN EN PREMIÈRE LECTURE AU SÉNAT

Le Sénat avait approuvé, en première lecture, le dispositif proposé tout en le complétant par plusieurs mesures destinées à renforcer la prévention des infractions sexuelles sur mineurs.

A. LE CoeUR DE LA PROPOSITION DE LOI : CRÉER UNE NOUVELLE INFRACTION DE CRIME SEXUEL SUR MINEUR

Initialement, la proposition de loi avait pour objet de créer un nouveau crime sexuel sur mineur de treize ans , de façon à poser dans le code pénal un interdit sociétal clair et de manière à mieux protéger les jeunes adolescents contre les violences sexuelles qui peuvent être commises par des adultes.

La nouvelle infraction aurait permis de criminaliser tout acte de pénétration sexuelle commis par un majeur sur un mineur de treize ans , sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, violence, menace ou surprise, requis pour caractériser le crime de viol.

Cette nouvelle infraction aurait coexisté avec l'actuel délit d'atteinte sexuelle , prévu à l'article 227-25 du code pénal, qui punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende tout acte de nature sexuelle commis par un majeur sur un mineur de quinze ans.

La commission avait estimé que cette mesure était solide sur le plan constitutionnel : plutôt que d'introduire une présomption de contrainte qui aurait complété la définition du viol, elle tendait à créer une infraction autonome , sur le modèle du délit d'atteinte sexuelle, mais en matière criminelle. Le seuil d'âge de treize ans paraissait également de nature à répondre aux mises en garde exprimées en 2018 par le Conseil d'État.

Dans son avis du 15 mars 2018 sur le projet de loi visant à renforcer la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, celui-ci avait en effet noté qu'un seuil fixé à quinze ans soulevait une difficulté dans l'hypothèse, par exemple, d'une relation sexuelle qui serait librement consentie entre un mineur de dix-sept ans et demi et une adolescente de quatorze ans ; cette relation serait licite au regard du code pénal jusqu'à ce que le jeune homme atteigne l'âge de dix-huit ans, puis elle deviendrait criminelle, et donc susceptible de renvoyer le jeune homme aux assises, alors que rien n'aurait changé dans son comportement et qu'il n'aurait pas conscience de commettre une infraction.

Avec un seuil fixé à treize ans, l'écart d'âge avec un jeune majeur devient alors plus significatif, au minimum cinq ans, ce qui rend beaucoup plus improbable qu'un jeune majeur puisse entretenir une relation consentie avec un mineur à peine sorti de l'enfance.

Soucieuse que la création d'un seuil à treize ans n'affaiblisse la protection des mineurs de treize à quinze ans, la commission avait adopté un amendement du rapporteur tendant à compléter les dispositions interprétatives figurant dans le code pénal afin de préciser par ailleurs que la contrainte morale et la surprise, éléments constitutifs de l'infraction de viol, pouvaient résulter de l'âge de la victime ne disposant pas de la maturité sexuelle suffisante.

B. UN TEXTE ENRICHI AU COURS DES DÉBATS

En commission puis en séance publique, la proposition de loi avait été enrichie afin de renforcer encore davantage la protection des mineurs.

1. Un volet préventif

La commission avait adopté deux amendements présentés respectivement par Michel Savin et Valérie Boyer, qui poursuivaient le même objectif : élargir la liste des infractions entraînant une inscription dans le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes (Fijaisv).

Ce fichier est un outil qui peut être consulté par divers employeurs, l'éducation nationale ou les structures organisant un accueil collectif de mineurs par exemple, afin d'éviter que des personnes impliquées dans une affaire de crime ou de délit sur mineur ne soient amenées à travailler au contact d'enfants ou d'adolescents.

La commission avait également adopté un amendement de Michel Savin visant à inciter les juridictions à prononcer plus souvent, lorsqu'un mineur est victime, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer, à titre définitif, une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec un mineur. La décision de ne pas prononcer cette peine, ou de la moduler dans le temps, devrait être spécialement motivée par le juge.

2. L'élargissement de la définition du viol et du crime sexuel sur mineur

En séance publique, le Sénat avait adopté un amendement d'Esther Benbassa et plusieurs de ses collègues pour compléter la définition du crime sexuel sur mineur : en plus de la pénétration sexuelle, l'infraction aurait été constituée en cas d' actes bucco-génitaux . Cette modification doit permettre de réprimer de la même manière les actes bucco-génitaux imposés à une victime de sexe masculin comme à une victime de sexe féminin.

Par cohérence, un amendement présenté par Laurence Rossignol et ses collègues du groupe Socialiste, républicain et écologiste avait également été adopté afin de procéder à la même modification concernant la définition du viol .

3. L'allongement de certains délais de prescription

En séance publique, le Sénat avait adopté un amendement du rapporteur tendant à allonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation de privations, mauvais traitements, agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur, prévu par l'article 434-3 du code pénal. Afin que cette infraction devienne plus dissuasive, et compte tenu du temps souvent très long qui s'écoule avant la révélation de ces affaires, le délai de prescription était porté à dix ans à compter de la majorité de la victime, en cas de délit, et à vingt ans en cas de crime.

Le Sénat avait également adopté l'amendement présenté par Laurence Rossignol et ses collègues du groupe socialiste, républicain et écologiste, prévoyant une interruption du délai de prescription quand l'auteur d'un premier crime sur mineur commet le même crime sur un autre mineur .

4. Une sanction plus sévère des atteintes sexuelles incestueuses

Dans un contexte marqué par la publication du livre de Camille Kouchner 1 ( * ) , qui a remis au premier plan la question de l'inceste, le Sénat avait enfin adopté un amendement présenté par Marie-Pierre de La Gontrie et ses collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain, qui créait une circonstance aggravante du délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans en cas d'inceste.

Ainsi enrichi par des apports de tous les groupes, le texte avait été adopté à l'unanimité , recueillant 343 voix sur 343 suffrages exprimés.

II. UN TEXTE REMANIÉ À L'ASSEMBLÉE NATIONALE DANS LE RESPECT DES OBJECTIFS POURSUIVIS PAR LE SÉNAT

Les réactions parfois négatives suscitées par la fixation d'un seuil d'âge à treize ans ont incité l'Assemblée nationale à rechercher une autre solution pour renforcer la protection des mineurs, dans le respect de nos principes constitutionnels. Avec l'appui de la Chancellerie, elle a fait preuve d'une créativité rigoureuse qui a permis de faire émerger une solution originale acceptable pour le Sénat, et mieux accueillie dans le milieu associatif, comme les auditions auxquelles a procédé le rapporteur l'ont montré.

A. LA FIXATION D'UN SEUIL D'ÂGE À QUINZE ANS ASSORTI D'UN ÉCART D'ÂGE DE CINQ ANS

La majorité à l'Assemblée nationale était attachée à la fixation d'un seuil d'âge à quinze ans mais elle a entendu les arguments développés par le Sénat en décidant que ce seuil d'âge serait assorti d'un écart d'au moins cinq ans entre l'auteur des faits et la victime mineure.

Ainsi, un mineur de quatorze ans et demi pourrait avoir un rapport sexuel avec un majeur de dix-huit ans sans que leur rapport soit automatiquement qualifié de crime, ce qui paraîtrait excessif. Il pourra l'être naturellement si un élément permettant de caractériser un viol, à savoir une contrainte, menace, violence ou surprise, est mis en évidence.

La proposition de loi d'Annick Billon avait veillé à créer une infraction autonome, distincte du viol, ce qui avait suscité des regrets chez certaines personnes engagées en faveur de la protection de l'enfance. Le juge Édouard Durand, co-président de la commission indépendante sur l'inceste, avait ainsi reproché à la solution de l'infraction autonome d'évacuer la dimension violente du passage à l'acte, qui est en revanche bien prise en compte avec la qualification de viol ou d'agression sexuelle. Il conviendrait, selon lui, de ne pas donner l'impression que la victime aurait pu donner son consentement et d'affirmer sans ambiguïté qu'elle a été contrainte à l'acte sexuel.

Sur ce point également, l'Assemblée nationale a fait preuve d'esprit de synthèse en décidant de qualifier de viol la nouvelle infraction sur mineur de quinze ans créée par la proposition de loi .

Il arrive que certaines infractions prévues par le code pénal renvoient à plusieurs définitions. Tel serait donc désormais le cas pour le crime de viol : à la définition classique, qui suppose un élément de contrainte, menace, violence ou surprise, s'ajouterait une nouvelle définition, applicable seulement si la victime est un mineur de quinze ans. Le mineur de quinze ans pourra ainsi se dire victime de viol, avec toute la dimension symbolique qui s'attache à cette qualification, sans qu'il soit besoin de démontrer son absence de consentement.

Comme l'a noté le garde des sceaux lors des débats à l'Assemblée nationale, cette solution permettrait, dans l'hypothèse où une victime de quatorze ans serait violée successivement par un majeur de vingt ans puis par un majeur de dix-huit ans, de qualifier les deux crimes de viol, ce qui a l'avantage de la simplicité et de la lisibilité.

L'Assemblée nationale a en outre conservé l'apport du Sénat tendant à élargir la définition du viol aux actes bucco-génitaux .

En l'absence de pénétration ou d'acte bucco-génital, la qualification d' agression sexuelle pourra être retenue si la victime est un mineur de quinze ans, même en l'absence de contrainte, menace, violence ou surprise.

B. LA PROTECTION DES MINEURS JUSQU'À DIX-HUIT ANS CONTRE L'INCESTE

Partageant la volonté du Sénat de faire évoluer la législation sur l'inceste, l'Assemblée nationale a souhaité la création de deux nouvelles infractions de viol incestueux et d' agression sexuelle incestueuse .

Ces infractions seraient constituées si la victime est mineure et que l'auteur des faits est un ascendant ou un autre membre de la famille ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime.

Tous les mineurs jusqu'à dix-huit ans seraient protégés par ces nouvelles dispositions. L'Assemblée nationale a décidé de faire évoluer le périmètre familial habituellement considéré pour qualifier l'inceste en y ajoutant les grands oncles et grands-tantes.

C. DEUX MÉCANISMES TENDANT À REPOUSSER LA DATE DE PRESCRIPTION DES CRIMES ET DÉLITS SEXUELS SUR MINEUR

L'Assemblée nationale a adopté un mécanisme proche de celui introduit par le Sénat qui a pour effet de prolonger le délai de prescription d'un crime ou délit sexuel sur mineur si l'auteur commet un autre crime ou délit sexuel sur un autre mineur . Le délai de prescription de la première infraction se trouverait, le cas échéant, prolongé jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

Sur proposition du Gouvernement, elle l'a complété par un deuxième mécanisme qui s'inspire de la notion de connexité : un acte interruptif de prescription , une audition par exemple, interromprait la prescription non seulement dans l'affaire considérée, mais également dans les autres procédures dans lesquelles serait reprochée au même auteur la commission d'un autre crime ou délit sexuel sur mineur.

L'Assemblée nationale a enfin conservé l'apport du Sénat relatif au délai de prescription du délit de non dénonciation d'infraction sur mineur, en le recentrant sur les crimes et délits sexuels, ce qui est cohérent avec l'objet de la proposition de loi.

D. DES DISPOSITIONS COMPLÉMENTAIRES RELATIVES NOTAMMENT AUX INFRACTIONS COMMISES SUR INTERNET

L'Assemblée nationale a été soucieuse de viser plus précisément dans le code pénal les faits de « sextorsion », par lesquels un adulte exige d'un mineur qu'il effectue devant la caméra de son ordinateur ou de son téléphone des actes obscènes ou qu'il se filme ou se photographie pour envoyer ensuite les photos ou les vidéos à caractère pornographique à l'auteur du chantage. Ces faits sont aujourd'hui réprimés sur le fondement de la corruption de mineur, mais la définition ancienne de cette infraction ne permet pas de décrire avec suffisamment de précision ces nouveaux phénomènes.

L'Assemblée nationale a également souhaité moderniser la définition de l' exhibition sexuelle pour mieux réprimer certains gestes obscènes qui sont réalisés sans que le corps soit dénudé, par exemple une masturbation sous les vêtements.

L'Assemblée nationale a par ailleurs conservé les apports du Sénat relatifs au Fijaisv et aux peines complémentaires.

Après l'avoir enrichi, l'Assemblée nationale a elle aussi adopté le texte à l'unanimité.

III. LA POSITION DE LA COMMISSION : PARFAIRE LA RÉDACTION DU TEXTE SANS REMETTRE EN CAUSE SES GRANDS ÉQUILIBRES

Le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale renforce considérablement la protection des mineurs contre les violences sexuelles dans le respect de nos principes constitutionnels. Il répond aux préoccupations exprimées tant par le Sénat que par l'Assemblée nationale. Dans ce contexte, la commission estime qu'un équilibre a été atteint et elle ne souhaite pas affaiblir ce compromis.

Pour autant, ce renforcement de la protection des mineurs est obtenu au prix d'une complexité accrue de la législation applicable : viol, viol sur mineur de quinze ans, viol incestueux, agressions sexuelles, atteinte sexuelle, circonstances aggravantes... La volonté d'adapter le droit à la diversité des situations aboutit à des règles foisonnantes qu'il convient désormais de stabiliser afin que les professionnels du droit se les approprient.

À l'initiative du rapporteur, la commission a jugé nécessaire de corriger les quelques scories qui subsistaient dans le texte adopté par l'Assemblée nationale, par exemple pour garantir la cohérence de l'échelle des peines après la création de nouvelles circonstances aggravantes ou pour procéder à des coordinations.

Elle a souhaité élargir le champ d'application des nouveaux délits de « sextorsion » sur internet afin qu'ils protègent tous les mineurs , et non les seuls mineurs de quinze ans, comme c'est le cas actuellement pour le délit de corruption de mineur ou pour les infractions qui protègent les mineurs de la pornographie.

Elle a également souhaité simplifier la rédaction proposée pour l'article 227-25 du code pénal, relatif à l'atteinte sexuelle, en supprimant la disposition qui permet de considérer que le délit n'est pas constitué en l'absence de pression sur le mineur, préférant laisser au parquet le soin d'apprécier, au cas par cas, s'il convient d'engager ou non des poursuites dans ces affaires.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Création de nouvelles infractions de crime sexuel sur mineur

L'article 1 er tend à créer de nouvelles infractions de viol sur mineur de quinze ans, d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, de viol incestueux et d'agression sexuelle incestueuse.

La commission l'a adopté après en avoir précisé la rédaction et procédé à une coordination.

1. Le texte adopté par le Sénat en première lecture : la création d'une infraction autonome de crime sexuel sur mineur de treize ans

En première lecture, le Sénat avait approuvé la création d'une nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur de treize ans , constituée en cas de pénétration sexuelle commise par un majeur , et punie de vingt ans de réclusion criminelle 2 ( * ) . La peine était portée à trente ans de réclusion criminelle lorsque le crime avait entraîné la mort de la victime et à la réclusion criminelle à perpétuité lorsqu'il avait été précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie.

Cette infraction se distinguait de l'incrimination de viol dans la mesure où elle était constituée sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, menace, violence ou surprise caractérisant l'absence de consentement de la victime.

En séance, le Sénat avait adopté un amendement présenté par Esther Benbassa pour inclure dans la définition de l'élément matériel de l'infraction les actes bucco-génitaux . Cet ajout permet de sanctionner de la même manière la fellation effectuée par l'auteur sur la personne d'un jeune garçon, qui implique une pénétration, et le cunnilingus effectué par l'auteur sur la personne d'une jeune fille.

2. Un article largement remanié par l'Assemblée nationale pour créer quatre infractions distinctes

La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement, modifié par dix-neuf sous-amendements, de réécriture de l'article 1 er . En séance publique, l'Assemblée nationale a amélioré la rédaction de l'article sans remettre en cause ses grands équilibres.

La nouvelle rédaction insère dans le code pénal quatre articles 222-23-1, 222-23-2, 222-29-2 et 222-29-3 destinés à mieux protéger les mineurs contre les violences sexuelles, ainsi qu'un article 222-22-3 qui précise le périmètre familial permettant de qualifier un viol ou une agression sexuelle d'incestueux. Elle modifie également des intitulés dans le code pénal pour tenir compte de l'introduction de ces nouveaux articles.

Les articles 222-23-1 et 222-23-2 visent d'abord à renforcer la protection des mineurs contre le viol.

A) La protection des mineurs contre le viol

a) Le viol sur mineur de quinze ans

Dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, un nouvel article 222-23-1 du code pénal qualifie de viol tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou tout acte bucco-génital commis par un majeur sur un mineur de quinze ans, ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque la différence d'âge entre le majeur et le mineur est d'au moins cinq ans. La peine encourue est de vingt ans de réclusion criminelle.

Cette rédaction se distingue de celle adoptée par le Sénat d'abord par le choix du seuil d'âge : quinze ans au lieu de treize ans . Le Sénat avait jugé que le seuil de treize ans était plus solide sur le plan constitutionnel en raison de l'existence de relations consenties entre des mineurs d'un peu moins de quinze ans et de tout jeune majeur, qu'il serait disproportionné de vouloir criminaliser, ces relations ayant d'ailleurs pu débuter alors que les deux partenaires étaient mineurs.

La rédaction retenue par l'Assemblée nationale répond cependant à cette difficulté en assortissant le seuil de quinze ans d'un écart d'âge de cinq ans entre l'auteur et la victime . La combinaison de ce seuil d'âge et de cet écart d'âge permet donc d'atteindre, par des voies différentes, l'objectif que s'était assigné le Sénat en fixant le seuil à treize ans : éviter qu'un tout jeune majeur soit envoyé aux assises en raison d'une relation consentie avec un mineur de treize à quinze ans. Un mineur de quatorze ans et demi peut entretenir une relation, qui a pu débuter alors que les deux partenaires étaient mineurs, avec un majeur de dix-huit ans sans que leurs rapports sexuels méritent d'être qualifiés de crimes.

Sur le plan sémantique, l'Assemblée nationale a fait le choix de qualifier l'infraction de viol. Le terme de viol désignerait ainsi deux infractions distinctes :

- celle qui figure, classiquement, à l'article 222-23 du code pénal : le viol se caractérise par une pénétration commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ;

- la nouvelle infraction définie à l'article 222-23-1 du même code : le viol est alors constitué en l'absence de violence, contrainte, menace ou surprise, eu égard au jeune âge de la victime de moins de quinze ans qui ne lui permet pas de donner valablement son consentement.

En termes de lisibilité, certains pourront regretter que le même terme désigne deux infractions dont les éléments constitutifs sont si différents. Juridiquement, rien ne s'y oppose cependant 3 ( * ) . Et cette solution présente l'avantage de permettre aux mineurs de quinze ans ayant subi une pénétration ou un acte bucco-génital commis par un adulte de se présenter comme les victimes d'un viol, avec toute la charge symbolique et psychologique qui s'attache à cette qualification 4 ( * ) .

Dans la version du texte adoptée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, il était précisé, dans le nouvel article 222-23-1, que le crime était constitué si les actes avaient été commis même en l'absence de violence, contrainte, menace ou surprise. En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques présentés par la rapporteure Alexandra Louis et par le Gouvernement pour supprimer cette précision superflue. Juridiquement, il est inutile de préciser dans la loi quels sont les éléments qui ne sont pas constitutifs d'une infraction : il suffit d'en décrire les éléments constitutifs. Il était de plus maladroit de faire référence, même en creux, à des éléments constitutifs du viol alors que l'on cherche à en donner une nouvelle définition adaptée à la situation des mineurs de quinze ans.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté quatre amendements identiques, dont un présenté par la rapporteure, qui introduisent une exception à la règle de l'écart d'âge de cinq ans dans l'hypothèse où les faits ont été commis en échange d'une rémunération. Dès lors que l'écart d'âge de cinq ans vise à préserver les « amours adolescentes », cette exception est logique : on ne peut considérer qu'il y a eu un authentique consentement du mineur si le rapport sexuel a été acheté.

b) Le viol incestueux

Le texte prévoit ensuite d'insérer dans le code pénal un nouvel article 222-23-2 relatif au viol incestueux.

Le viol incestueux est constitué en cas d'acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, ou d'acte bucco-génital commis par un majeur sur la personne d'un mineur, ou commis sur l'auteur par le mineur, lorsque le majeur est un ascendant ou toute autre personne mentionnée à l'article 222-22-3 du code pénal ayant sur le mineur une autorité de droit ou de fait . Le viol incestueux est puni de vingt ans de réclusion criminelle.

Cette infraction de viol incestueux présente des éléments matériels communs avec l'infraction précédente : exigence d'un acte de pénétration sexuelle ou d'un acte bucco-génital, sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, menace, violence ou surprise. La peine encourue est également la même. Elle s'en distingue en revanche par le seuil d'âge retenu puisque tous les mineurs, jusqu'à dix-huit ans, sont ici concernés , ainsi que par le fait qu' aucun écart d'âge avec l'auteur n'est requis . La particulière vulnérabilité du mineur qui fait l'objet de violences sexuelles dans le cadre familial justifie ce régime plus protecteur.

Concernant le périmètre familial pris en compte, il est opéré un renvoi au nouvel article 222-22-3 que l'article 1 er de la proposition de loi prévoit d'insérer dans le code pénal.

Cet article prévoit que les viols et les agressions sexuelles sont qualifiés d'incestueux lorsqu'ils sont commis par :

- un ascendant, ce qui couvre l'hypothèse où les faits sont commis par les parents ou les grands-parents ;

- un frère, une soeur, un oncle, une tante, un grand-oncle, une grand-tante, un neveu ou une nièce ;

- le conjoint, le concubin ou le partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) de l'une des personnes précitées, s'il a sur la victime une autorité de droit ou de fait.

Ce nouvel article 222-22-3 se substituerait à l'actuel article 222-31-1 du code pénal. Il s'en distingue par l'ajout des grands oncles et des grands-tantes qui ne figurent pas dans la liste actuelle. Le choix de créer un nouvel article, plutôt que de simplement modifier l'actuel article 222-31-1, s'explique par la volonté de donner une plus grande visibilité dans le code pénal à ces dispositions sur l'inceste.

En séance publique, l'Assemblée nationale a adopté un amendement rédactionnel de la rapporteure qui précise que le viol incestueux est « qualifié d'inceste ». Cet ajout peut sembler redondant puisque l'adjectif « incestueux » qualifie déjà le viol. Alexandra Louis a cependant estimé important que le mot « inceste » figure en tant que tel dans le code pénal car cette reconnaissance lexicale serait attendue par les parties prenantes.

B) La protection des mineurs contre les agressions sexuelles

L'article 1 er de la proposition de loi tend ensuite à insérer dans le code pénal deux nouveaux articles 222-29-2 et 222-29-3, qui sont le symétrique des deux articles relatifs au viol : le premier vise à protéger les mineurs de quinze ans contre les agressions sexuelles, le second protège tous les mineurs contre les agressions sexuelles incestueuses.

a) L'agression sexuelle sur mineur de quinze ans

Le délit d'agression sexuelle renvoie à toutes les formes d'atteintes sexuelles qui ne sont pas qualifiées de viol : par exemple, des attouchements ou une masturbation imposée à la victime. Classiquement, le délit est constitué en cas de violence, contrainte, menace ou surprise, comme le prévoit l'article 222-22 du code pénal. Il est puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende lorsque la victime est un mineur de quinze ans, en application de l'article 222-29-1 du code pénal.

Avec le nouvel article 222-29-2 , le délit serait constitué si les faits sont commis par un majeur sur la personne d'un mineur de quinze ans, lorsque leur différence d'âge est d'au moins cinq ans, sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, violence, menace ou surprise .

Comme pour le viol sur mineur de quinze ans, la condition liée à l'écart d'âge ne s'appliquerait pas si les faits ont été commis en échange d'une rémunération.

Le délit serait puni de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, soit la même peine que celle aujourd'hui prévue à l'article 222-29-1 du code pénal.

Le texte prévoit une mesure de coordination à l'article 222-22 du code pénal pour préciser que l'agression sexuelle consiste en une atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise ou, dans les cas prévus par la loi en une atteinte sexuelle commise par un majeur sur un mineur.

b) L'agression sexuelle incestueuse

Cette infraction définie dans un nouvel article 222-29-3 est construite sur le modèle du viol incestueux : elle concerne tous les mineurs jusqu'à dix-huit ans et les faits doivent avoir été commis par un ascendant ou par une personne mentionnée à l'article 222-22-3 du code pénal si elle a sur le mineur une autorité de droit ou de fait.

La peine est la même que celle prévue en cas d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans : dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende.

3. La position de la commission

La commission s'était interrogée sur le choix du seuil d'âge. Elle avait accepté de le fixer à treize ans parce que cette solution paraissait plus solide constitutionnellement et plus réaliste en ce qu'elle tient compte de l'existence de relations consenties entre des mineurs d'un peu moins de quinze ans et de tout jeune majeur. L'Assemblée nationale a fait preuve de créativité en retenant le seuil de quinze ans et en l'assortissant d'un écart d'âge, ce qui répond aux préoccupations exprimées par le Sénat tout en apportant un élément de satisfaction aux associations qui défendent ce seuil d'âge.

Les associations entendues par le rapporteur ont regretté cet écart d'âge, considérant qu'il affaiblissait la protection des mineurs de quinze ans. La commission est sensible à leur volonté d'établir des règles toujours plus protectrices mais elle met en garde contre le risque constitutionnel qui en résulterait, ainsi que le Conseil d'État l'avait déjà exposé dans son avis sur le projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes. Elle insiste également sur la nécessité de tenir compte de la grande diversité des situations rencontrées, qui ne justifient objectivement pas toujours de criminaliser un rapport sexuel entre un tout jeune majeur et un mineur de quinze ans. Elle souligne enfin que la proposition de loi prévoit de maintenir le délit d'atteinte sexuelle qui protège tous les mineurs de quinze ans en cas d'atteinte commise par un majeur.

Concernant l'inceste, certains ont pu regretter que le texte exige un rapport d'autorité pour que la nouvelle qualification de viol incestueux ou d'agression sexuelle incestueuse puisse être retenue. Il paraît cependant difficilement concevable, et contestable sur le plan constitutionnel, de considérer qu'une personne puisse être automatiquement responsable d'un crime ou d'un délit sans exiger un élément de contrainte, menace, violence ou surprise et sans exiger non plus l'existence d'un rapport d'autorité. Faudrait-il considérer que le majeur est nécessairement auteur de l'infraction ? Sur ce point, Alexandra Louis s'est exprimée en termes très clairs lors des débats à l'Assemblée nationale 5 ( * ) : « entre une soeur de dix-huit ans et un frère de seize ans, êtes-vous vraiment convaincus que c'est la soeur qui est automatiquement coupable pour la simple raison qu'elle a deux ans de plus ? Êtes-vous certains que c'est elle qu'il faut envoyer aux assises du seul fait de sa majorité ? Je suis désolée, c'est une certitude que je n'ai pas. Dans les affaires qui impliquent des collatéraux, on ne peut pas se dispenser de regarder les faits pour voir qui a forcé l'autre. Il n'y a que dans les cas où il y a une autorité, c'est-à-dire chez un père, un oncle, un beau-père, que la responsabilité de dire non est clairement préétablie ». De même, le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, a souligné que supprimer l'exigence d'une relation d'autorité reviendrait à « criminaliser des relations qui peuvent être consenties entre un garçon de dix-sept ans, par exemple, et sa tante de dix-huit ans, ce qui n'est évidemment pas envisageable et serait du reste inconstitutionnel ».

Pour la commission, la solution retenue par l'Assemblée nationale constitue donc la base d'un accord politique entre les deux assemblées et elle mérite d'être conservée.

La commission a cependant adopté à cet article, à l'initiative du rapporteur, un amendement de précision COM-8 qui ajoute au terme de « rémunération » la promesse d'une rémunération, la fourniture d'un avantage en nature ou la promesse d'un tel avantage , afin d'harmoniser la rédaction des nouveaux articles 222-23-1 et 222-29-2 avec celle figurant à l'article 225-12-1 sur l'achat d'acte sexuel.

Elle a adopté l' amendement COM-9 du rapporteur qui supprime la précision redondante selon laquelle le viol incestueux est « qualifié d'inceste ». Les auditions auxquelles a procédé le rapporteur ont montré que cet ajout suscitait surtout de l'incompréhension. Les termes « inceste » ou « incestueux » figurent d'une manière suffisamment nette dans le code pénal désormais pour qu'il ne soit pas nécessaire d'ajouter un qualificatif à un qualificatif.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 1er bis BA
Délit d'extorsion d'images pédopornographiques

Cet article additionnel punit le fait pour un majeur de solliciter des images pédopornographiques auprès d'un mineur de quinze ans.

La commission a élargi le champ de l'incrimination pour viser tous les mineurs et elle a adapté le montant de l'amende encourue afin d'en assurer la proportionnalité. Elle a par coordination modifié le montant de l'amende encourue pour corruption de mineur de quinze ans.

1. Un nouveau délit adapté à l'évolution des technologies

Introduit par l'Assemblée nationale en séance publique à l'initiative du député Ludovic Mendes (LREM), avec l'avis favorable de la commission des lois et du Gouvernement, cet article réprime le fait, pour un majeur, de solliciter auprès d'un mineur de quinze ans la diffusion ou la transmission d'images, de vidéos ou de représentations à caractère pornographique dudit mineur.

En ce qui concerne, le quantum de la peine, l'amendement du député Mendes a été sous-amendé à l'initiative de la rapporteure pour prévoir dix ans d'emprisonnement, comme pour le délit de corruption de mineur, et une amende d'un million d'euros.

Le montant inhabituellement élevé de cette amende est celui prévu au dernier alinéa de l'article 222-22 du code pénal relatif à la corruption de mineur : il était initialement prévu en cas de commission des faits en bande organisée puis il a été étendu à l'hypothèse où la victime est un mineur de quinze ans. Si une amende d'un tel montant apparaît justifiée en cas d'agissement en bande organisée, elle paraît disproportionnée pour sanctionner un auteur agissant seul.

2. Une clarification utile

Le phénomène que vise à combattre cet article est en pleine expansion : des adultes entrent en contact avec des mineurs via internet, obtiennent quelques images intimes, puis exigent d'eux qu'ils se filment ou se photographient dans des positions de plus en plus dégradantes en menaçant de diffuser les images en leur possession sur les réseaux sociaux par exemple.

Actuellement, ce type de comportement peut déjà être réprimé sur le fondement de l'article 227-22 du code pénal, relatif à la corruption de mineurs, qui vise différentes hypothèses, dont celle où l'auteur des faits est entré en contact avec le mineur grâce à des moyens de communication électronique. Mais cette incrimination pénale semble peu utilisée, ce qui a conduit l'Assemblée nationale à proposer une nouvelle infraction décrivant plus précisément les faits à sanctionner.

La commission n'est pas opposée à cette innovation qui exprime une volonté de lutter plus énergiquement contre des pratiques inacceptables traumatisantes pour les victimes.

La commission a cependant adopté l' amendement COM-10 du rapporteur afin que l'ensemble des mineurs, et non les seuls mineurs de quinze ans, puissent être couverts par cette nouvelle infraction, comme c'est le cas d'ailleurs pour la corruption de mineur. Le délit serait puni de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

La peine serait aggravée si la victime est un mineur de quinze ans (dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende) ou si les faits sont commis en bande organisée (dix ans d'emprisonnement et 1 000 000 d'euros d'amende). Par coordination, les peines seraient alignées en ce qui concerne la corruption de mineur (dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende si la victime a moins de quinze ans, et dix ans d'emprisonnement et 1 000 000 d'euros d'amende si les fait sont commis en bande organisée).

La commission a adopté cet article ainsi rédigé .

Article 1er bis B
Coordinations et délit d'atteinte sexuelle

Cet article additionnel procède à des coordinations avec le délit d'atteinte sexuelle. La commission l'a modifié pour supprimer une référence à l'écart d'âge, qui lui paraît compliquer inutilement la rédaction du texte.

1. Le texte adopté au Sénat : une circonstance aggravante du délit d'atteinte sexuelle

Le Sénat a adopté en séance publique un amendement présenté par Marie-Pierre de La Gontrie et plusieurs de ses collègues qui portait à dix ans d'emprisonnement et à 150 000 euros d'amende les peines encourues en cas d'atteinte sexuelle incestueuse sur mineur de quinze ans.

La commission avait donné un avis favorable à cette mesure, et le Gouvernement un avis de sagesse, considérant qu'il était important que la question de l'inceste figurât dans la proposition de loi, le dispositif pouvant être amélioré au cours de la navette.

2. Un article réécrit par l'Assemblée nationale afin d'apporter notamment des mesures de coordination

La commission des lois de l'Assemblée nationale a procédé à une réécriture d'ensemble de l'article qui a eu pour effet de supprimer l'aggravation de peine votée par le Sénat. Elle a estimé que cette aggravation de peine perdait beaucoup de son intérêt après la création, prévue à l'article 1 er , des nouvelles infractions de viol incestueux et d'agression sexuelle incestueuse. Si le mineur a subi une pénétration ou un acte bucco-génital, l'auteur pourra être poursuivi, sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de violence, contrainte, menace ou surprise, pour viol incestueux, tandis que la qualification d'agression sexuelle incestueuse pourra être retenue pour les autres types d'actes à caractère sexuel.

La rapporteure a également observé que l'aggravation de peine souhaitée par le Sénat est, en pratique, très souvent appliquée, compte tenu des circonstances aggravantes déjà prévues à l'article 227-26 du code pénal pour le délit d'atteinte sexuelle, en cas de pluralité d'auteurs, d'abus d'autorité, de consommation de stupéfiants, et surtout en cas de mise en contact au moyen d'un réseau de communication électronique, ce qui est devenu très fréquent.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a réécrit l'article pour procéder à un certain nombre de coordinations.

Elle a d'abord précisé que l'atteinte sexuelle par un majeur sur un mineur de quinze ans, prévue à l'article 227-25 du code pénal, s'applique hors les cas de viol et d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans. L'infraction d'atteinte sexuelle présenterait donc un caractère subsidiaire : elle serait utilisée dans les cas non couverts par ces deux incriminations, c'est-à-dire, en pratique, lorsque la différence d'âge entre l'auteur des faits majeur et la victime mineure est inférieure à cinq ans.

Le champ couvert par l'atteinte sexuelle se trouverait ainsi fortement réduit par rapport au droit en vigueur. Le maintien de cette incrimination présente cependant l'avantage d'éviter que des faits commis avant l'entrée en vigueur de la proposition de loi ne puissent plus faire l'objet de poursuites et de condamnations.

Ensuite, la commission des lois de l'Assemblée nationale a précisé que les circonstances aggravantes prévues à l'article 227-26 du code pénal excluent désormais l'hypothèse où les faits ont été commis par un ascendant, cette hypothèse étant couverte par les nouvelles incriminations de viol incestueux et d'agression sexuelle incestueuse créées à l'article 1 er .

De même, elle a précisé que le délit d'atteinte sexuelle sur mineur de plus de quinze ans, prévu à l'article 227-27 du code pénal, fonctionne de manière subsidiaire par rapport aux nouvelles incriminations réprimant l'inceste. Le délit serait constitué lorsque les faits sont commis par une personne majeure ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ou lorsque l'auteur abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. Si les faits ont été commis par un ascendant ou par un autre membre de la famille ayant autorité, ce sont les nouvelles incriminations réprimant l'inceste qui auront vocation à s'appliquer.

En séance publique, l'Assemblée nationale a souhaité améliorer le plan du code pénal en introduisant, au sein de la section relative à la « mise en péril des mineurs », deux nouveaux intitulés :

- un premier, intitulé « de la mise en péril de la santé et de la moralité des mineurs », introduirait les articles 227-15 à 227-21 : ces articles répriment les privations infligées à un mineur, la provocation à des comportements dangereux pour le mineur ou encore la provocation à commettre un crime ou un délit ;

- puis un deuxième, intitulé « des infractions commises contre les mineurs », regrouperait les articles 227-22 à 227-28-3 : ces articles ont trait notamment à la corruption de mineurs, à la diffusion d'images pédopornographiques et à l'atteinte sexuelle.

Toutefois, comme ce deuxième paragraphe ne regrouperait pas la totalité des infractions sexuelles susceptibles d'être commises à l'encontre de mineurs, il serait inséré, à son début, un nouvel article 227-21-1 précisant que les dispositions ainsi regroupées le sont sans préjudice des dispositions figurant dans une autre section du code réprimant les viols, les agressions sexuelles, l'inceste, l'exhibition sexuelle et le harcèlement sexuel, qui peuvent également être commis au préjudice de mineurs.

Concernant l'infraction d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans, l'Assemblée nationale a adopté un amendement présenté par Laetitia Avia et plusieurs de ses collègues qui introduit, comme pour le viol et l'agression sexuelle, une condition d'écart d'âge : en l'absence de pression sur le mineur, le délit ne serait pas constitué si la différence d'âge entre le mineur et le majeur est inférieure ou égale à cinq ans.

Enfin, il est à noter que la commission des lois avait rebaptisé le délit d'atteinte sexuelle, peu explicite pour le grand public, en délit d'abus sexuel. Mais l'Assemblée nationale est revenue sur ce choix en séance publique, considérant le terme impropre puisque l'abus renvoie juridiquement à l'usage excessif d'un droit, ayant pour conséquence l'atteinte aux droits d'autrui, ce qui ne correspond pas à la situation ici envisagée.

3. La position de la commission

On pourrait s'interroger sur l'opportunité de conserver le délit d'atteinte sexuelle : dès lors qu'un écart d'âge de cinq ans est prévu concernant les nouvelles infractions de viol et d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans, ne devrait-on pas en déduire qu'un mineur de quinze peut consentir à un rapport sexuel avec un majeur ayant moins de cinq ans de plus que lui ? Dans ce cas, il faudrait établir un élément de contrainte, violence, menace ou surprise pour que des poursuites puissent être engagées contre le jeune majeur, sur le fondement des incriminations classiques de viol ou d'agression sexuelle.

L'Assemblée nationale a cependant fait le choix de conserver cette incrimination pour deux raisons.

D'abord, il peut exister une infinie variété de nuances entre le rapport librement consenti et l'absence de consentement caractérisée par un élément de contrainte, violence, menace ou surprise. Un jeune majeur de dix-huit ans peut obtenir des faveurs sexuelles d'un adolescent de quatorze ans sans user de contrainte, violence, menace ou surprise mais en tirant parti de la naïveté et de la candeur de sa victime. Si l'enquête établit que les rapports entre les deux partenaires ne s'inscrivent pas dans une relation véritablement consentie entre deux personnes pleinement maîtresses de leurs actes, alors le délit d'atteinte sexuelle pourrait être mobilisé pour sanctionner le jeune majeur.

En outre, supprimer le délit d'atteinte sexuelle aurait pour effet de mettre un terme à une partie des poursuites en cours pour atteinte sexuelle. De même, les personnes déjà condamnées pour des faits commis à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans sur des mineurs de treize ou quatorze ans pourraient demander et obtenir la suppression de la mention de leur condamnation au bulletin n° 1 du casier judiciaire et les peines en cours (y compris les interdictions professionnelles) cesseraient de recevoir exécution en application du deuxième alinéa de l'article 112-4 du code pénal.

La commission a donc estimé qu'il était justifié de conserver le délit d'atteinte sexuelle et elle a adopté l'article après l'avoir amélioré par trois amendements.

Elle a d'abord adopté l' amendement rédactionnel COM-11 du rapporteur qui porte sur le nouvel article 227-21-1 du code pénal, introduisant le paragraphe sur les infractions sexuelles commises contre les mineurs. Après s'être interrogée sur la portée juridique - faible - de cette disposition, elle a reconnu son intérêt pédagogique, constituant en quelque sorte un « aide-mémoire » pour les praticiens du droit.

Elle a ensuite décidé par l'adoption de l' amendement COM-12 du rapporteur de supprimer la précision apportée à l'initiative de Laetitia Avia concernant l'écart d'âge. Les auditions auxquelles a procédé le rapporteur ont montré que cet ajout suscitait plus de questionnements et d'incompréhension que de clarifications. Il appartient au procureur d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites pour atteinte sexuelle et il paraît hasardeux de vouloir préciser dans la loi quels critères il devrait mettre en oeuvre. À cet égard, la notion de « pression » risque à la fois d'apparaitre trop floue (qu'est-ce qui distingue une forte pression d'une contrainte légère ?) et incomplète (comment sanctionner le jeune majeur qui tire profit du manque de maturité du mineur pour obtenir des faveurs sexuelles sans que le mineur ait fait l'objet de pressions particulières ?).

Enfin, elle a adopté l' amendement de coordination COM-13 du rapporteur qui ajoute les grands oncles et grands-tantes à la liste inscrite à l'article 227-27-1 du code pénal pour définir le périmètre de l'atteinte sexuelle incestueuse.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé .

Article 1er bis C
Répression des atteintes sexuelles
que la victime s'inflige à elle-même

Cet article additionnel vise à réprimer plus efficacement les comportements qui conduisent une victime à commettre sur elle-même des actes de nature sexuelle. La commission l'a adopté sous réserve d'une amélioration rédactionnelle.

1. Mieux réprimer des agissements qui se déroulent souvent au moyen d'outils de communication électronique

Cet article additionnel est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale de quatre amendements identiques, dont un présenté par la rapporteure. Il vise à réprimer des comportements par lesquels des individus provoquent ou contraignent leur victime, notamment par un moyen de communication électronique, à des actes sexuels.

À cette fin, l'article 222-22-2 du code pénal serait modifié pour qualifier d'agression sexuelle le fait de contraindre une personne par la violence, la menace ou la surprise de procéder sur elle-même à une atteinte sexuelle .

Puis un nouvel article 227-22-2 serait inséré pour punir, hors le cas de viol ou d'agression sexuelle, le fait pour un majeur d'inciter un mineur de quinze ans, par un moyen de communication électronique , à commettre tout acte de nature sexuelle, soit sur lui-même, soit sur ou avec un tiers, y compris si cette provocation n'est pas suivie d'effet. La peine serait de dix ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende, soit la même peine qu'en cas d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans.

2. Des compléments utiles

Les faits visés par le nouvel article 227-22-2, parfois qualifiés de « sextorsion », peuvent aujourd'hui être poursuivis sur le fondement de la corruption de mineur mais la rédaction un peu surannée de cet article semble faire obstacle à son utilisation fréquente par les parquets pour poursuivre ces nouvelles formes de délinquance, qui empruntent la voie du numérique.

Des mineurs peuvent être soumis à un chantage qui les conduit à commettre face à la caméra des actes avilissants, les images pouvant ensuite être diffusées sur certains forums sur internet. La lutte contre ces agissements traumatisants pour les victimes appelle une action résolue des pouvoirs publics et une modernisation de notre droit.

La commission a adopté l' amendement COM-14 du rapporteur qui tend, comme à l'article 1 er bis BA, à prévoir que l'infraction pourra concerner tous les mineurs, avec une peine aggravée si la victime a moins de quinze ans ou si les faits sont commis en bande organisée.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé .

Article 1er bis D
Coordinations avec le crime de proxénétisme
et le délit d'achat d'acte sexuel

Cet article additionnel tire les conséquences, en ce qui concerne le proxénétisme et l'achat d'acte sexuel, des aggravations de peine et de la création de nouvelles infractions prévues par la proposition de loi. La commission l'a adopté sans modification.

Cet article additionnel est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale de quatre amendements identiques, dont un présenté par la rapporteure.

Il modifie d'abord l'article 225-7-1 du code pénal, qui punit de quinze ans de réclusion criminelle et de 3 000 000 d'euros d'amende le proxénétisme lorsqu'il est commis à l'égard d'un mineur de quinze ans.

L'Assemblée nationale a estimé que, dès lors que le client majeur d'une personne prostituée de moins de quinze ans commet un viol puni de vingt ans de réclusion criminelle, il n'est pas admissible que le proxénète qui exploite cette personne prostituée encoure une peine d'un niveau inférieur.

En conséquence, elle a porté la peine à vingt ans de réclusion criminelle (sans modifier le montant, déjà considérable, de l'amende).

Il est ensuite proposé de modifier le dernier alinéa de l'article 225-12-2 du code pénal, qui punit de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est un mineur de quinze ans.

La modification tend à préciser que cette incrimination s'applique hors les cas où les faits constituent un viol ou une agression sexuelle. Le dernier alinéa de l'article 225-12-2 ne s'appliquerait ainsi que si l'auteur est mineur ou, si l'auteur est majeur, s'il a sollicité ou accepté une relation sexuelle tarifée sans passer à l'acte.

Ces dispositions permettent de conserver la cohérence des dispositions pertinentes du code pénal et méritent donc d'être conservées.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 1er bis E
Aggravation de la peine encourue en cas d'achat d'acte sexuel
auprès d'un mineur

Cet article additionnel aggrave la peine encourue en cas d'achat d'acte sexuel auprès d'une personne prostituée mineure ou particulièrement vulnérable. La commission l'a adopté sans modification.

Cet article additionnel est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par le député Ludovic Mendes et plusieurs de ses collègues.

Il tend à modifier le second alinéa de l'article 225-12-1 du code pénal, qui punit de trois ans d'emprisonnement et de 45 000 euros d'amende le fait de solliciter, d'accepter ou d'obtenir, en échange d'une rémunération, d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage des relations de nature sexuelle de la part d'une personne qui se livre à la prostitution, y compris de façon occasionnelle, lorsque cette personne est mineure ou présente une particulière vulnérabilité, apparente ou connue de l'auteur, due à une maladie, à une infirmité, à un handicap ou à un état de grossesse.

Les peines seraient portées à cinq ans d'emprisonnement et à 100 000 euros d'amende, de manière à exercer un effet plus dissuasif à l'égard de la prostitution des mineurs, qui est un phénomène en développement. La rapporteure Alexandra Louis a noté que ce quantum de peine était cohérent avec celui prévu à l'article 1 er bis B pour punir les atteintes sexuelles commises sur les mineurs de quinze à dix-huit ans par une personne extérieure au cercle familial ayant autorité (cinq ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende).

La commission approuve cette mesure mais observe qu'elle crée une incohérence avec l'aggravation de peine déjà prévue à l'article 225-12-2 du code pénal. Cet article punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende l'achat d'acte sexuel auprès d'un mineur ou d'une personne particulièrement vulnérable en présence des circonstances aggravantes suivantes : si l'infraction est commise de façon habituelle ou à l'égard de plusieurs personnes ; si la personne prostituée a été mise en relation avec l'auteur des faits grâce à un réseau de communication permettant de diffuser des messages au grand public ; en cas d'abus par l'auteur de l'autorité que lui confèrent ses fonctions. L'infraction simple serait ainsi punie plus sévèrement (cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende) que l'infraction aggravée (cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende).

Pour rétablir une cohérence dans l'échelle des peines , la commission a donc adopté un amendement COM-15 pour punir de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende l'infraction prévue au second alinéa de l'article 225-12-1 du code pénal, et de sept ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende l'infraction aggravée.

La commission a adopté cet article ainsi rédigé .

Article 1er bis
Notions de contrainte et de surprise pour les mineurs
de moins de quinze ans

Cet article additionnel visait à préciser dans le code pénal les notions de contrainte et de surprise, éléments constitutifs des infractions de viol et d'agression sexuelle, en ce qui concerne les mineurs de quinze ans. Devenu sans objet, il a été supprimé par l'Assemblée nationale. La commission a confirmé cette suppression.

Le Sénat avait inséré dans la proposition de loi un article 1 er bis afin de bien signifier que la création dans le code pénal d'un nouveau seuil d'âge à treize ans ne devait en aucun cas affaiblir la protection des mineurs âgés de treize ans à quinze ans.

À cette fin, le Sénat avait envisagé de compléter l'article 222-22-1 du code pénal, qui contient des dispositions interprétatives précisant le sens des notions de contrainte ou de surprise, éléments constitutifs des infractions d'agression sexuelle et de viol, afin de prévoir que la contrainte morale ou la surprise aurait pu résulter de ce que la victime mineure était âgée de moins de quinze ans et ne disposait pas de la maturité sexuelle suffisante.

La commission des lois de l'Assemblée nationale a supprimé cet article additionnel, constatant, à juste titre, qu'il était devenu sans objet dès lors qu'il avait été décidé de relever le seuil d'âge de treize à quinze ans .

La commission a confirmé cette suppression .

Article 2
Articulation avec le délit d'atteinte sexuelle

Supprimé par l'Assemblée nationale, cet article procédait à une coordination. La commission a confirmé sa suppression.

L'article 2 de la proposition tendait à modifier l'article 227-25 du code pénal, relatif au délit d'atteinte sexuelle, afin de préciser qu'il s'appliquait hors le cas où les éléments constitutifs du crime sexuel sur mineur étaient réunis.

Les coordinations nécessaires ayant été opérées à l'article 1 er bis B, l'article est devenu sans objet, ce qui a conduit la commission des lois de l'Assemblée nationale à le supprimer.

La commission a confirmé cette suppression.

Article 3
Coordinations pour les crimes de viol

Cet article procède à des coordinations, qui ont été actualisées par l'Assemblée nationale. La commission l'a adopté sans modification.

L'article 3 de la proposition de loi procédait à des coordinations devenues sans objet compte tenu des modifications apportées à l'article 1 er . La commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté un amendement du Gouvernement qui procède aux coordinations rendues nécessaires par la nouvelle rédaction de l'article 1 er .

Il est d'abord précisé que les circonstances aggravantes prévues à l'article 222-24 du code pénal ne s'appliquent qu'au viol défini à l'article 222-23 du même code, c'est-à-dire le viol prévu par le droit en vigueur, pouvant être commis sur des victimes de tous âges, et qui comporte nécessairement un élément de contrainte, menace, violence ou surprise. Cette précision est logique dans la mesure où certaines de ces circonstances aggravantes sont des éléments constitutifs des nouvelles infractions créées à l'article 1 er (viol commis sur un mineur de quinze ans, viol commis par un ascendant).

En revanche, les aggravations de peines prévues aux articles 222-25 et 222-26 du code pénal s'appliqueraient à tous les viols, y compris donc au viol sur mineur de quinze ans et au viol incestueux introduits par la proposition de loi :

- une peine de trente ans de réclusion criminelle serait ainsi encourue lorsque le viol a entraîné la mort de la victime ;

- et la réclusion criminelle à perpétuité quand le viol est précédé, accompagné ou suivi de tortures ou d'actes de barbarie.

Comme le notait Alexandra Louis dans son rapport 6 ( * ) , la première précision est importante pour punir plus sévèrement le viol qui a entraîné le décès de la victime. L'apport de la seconde est plus difficile à discerner : en cas de tortures ou d'actes de barbarie, il y aura peu de discussion sur le fait que la victime a subi des violences et une contrainte. Ces faits peuvent donc déjà être réprimés efficacement et punis de la réclusion criminelle à perpétuité. Il n'y a cependant pas d'inconvénient à procéder à cette coordination que la commission a choisi de conserver.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 4
Coordinations

L'article 4 procédait à deux coordinations devenues sans objet, ce qui a conduit l'Assemblée nationale à le supprimer. La commission a confirmé cette suppression.

Les coordinations portaient sur l'article 227-27-2-1 du code pénal, relatif à la surqualification pénale d'inceste, et sur l ' article 227-28-3 du même code qui punit le fait de faire à une personne des offres ou des promesses ou de lui proposer des dons, présents ou avantages quelconques afin qu'elle commette à l'encontre d'un mineur certains crimes ou délits.

Par cohérence avec le choix de ne pas retenir le crime sexuel sur mineur de treize ans, la commission des lois de l'Assemblée nationale a adopté des amendements de suppression de l'article 4, présentés notamment par le Gouvernement.

La commission a confirmé cette suppression .

Article 4 bis
Élargissement de la définition du viol aux actes bucco-génitaux

L'article 4 bis modifie la définition du viol pour inclure les actes bucco-génitaux. La commission l'a adopté sans modification.

En séance publique, le Sénat a adopté, avec l'avis favorable de la commission et un avis de sagesse du Gouvernement, un amendement présenté par Laurence Rossignol et ses collègues du groupe Socialiste, écologiste et républicain élargissant la définition du viol aux actes bucco-génitaux.

Traditionnellement, la définition du viol implique un acte de pénétration sexuelle, ce qui a conduit la chambre criminelle de la Cour de cassation, dans un arrêt très commenté du 14 octobre 2020 7 ( * ) , à écarter la qualification de viol au profit de celle d'agression sexuelle dans une affaire incestueuse où l'auteur a infligé à sa jeune victime un cunnilingus. Les juridictions du fond ont dû examiner si l'auteur avait introduit sa langue dans le vagin de la victime puis, à supposer cette situation établie, si cette introduction était accidentelle ou intentionnelle pour caractériser l'élément moral de l'infraction. La chambre criminelle avait confirmé que les déclarations de la victime ne caractérisaient pas suffisamment une introduction volontaire suffisamment profonde pour caractériser un acte de pénétration

Le Sénat a estimé que cette casuistique était peu adaptée à la réalité du ressenti des victimes, pour lesquelles un acte bucco-génital non consenti peut être tout aussi pénible et traumatisant qu'une pénétration. Le Sénat a en outre jugé difficilement défendable de maintenir une différence de traitement entre l'acte bucco-génital infligé à une victime masculine, qui pourra être qualifié de viol puisque le membre viril de la victime pénètre l'auteur, et l'acte bucco-génital imposé à une victime féminine qui peut se dérouler sans pénétration. Il s'est donc prononcé en faveur d'une modification de la définition légale du viol.

L'Assemblée nationale a approuvé cette mesure, sous réserve d'une modification rédactionnelle mineure. Dans son rapport 8 ( * ) , notre collègue Alexandra Louis considère que cette disposition couvre aussi les actes bucco-anaux, ce qui paraît conforme à l'intention du législateur, ces actes étant en tout état de cause généralement accompagnés d'actes bucco-génitaux ou de pénétration.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 4 ter
Règles de prescription
du délit de non-dénonciation d'infraction sur mineur

Inséré dans le texte à l'initiative du rapporteur, avec un avis de sagesse du Gouvernement, l'article 4 ter porte le délai de prescription du délit de non-dénonciation d'infraction sur mineur, prévu à l'article 434-3 du code pénal, à dix ans si l'infraction non dénoncée est un délit et à vingt ans si elle constitue un crime.

L'Assemblée nationale l'a supprimé afin de déplacer cette disposition à l'article 4 quater , qui contient d'autres dispositions relatives à la prescription.

La commission a confirmé cette suppression .

Article 4 quater
Prescription des crimes et délits sexuels sur mineurs

L'article 4 quater modifie les règles de prescription applicables aux crimes et délits sexuels sur mineurs et au délit de non dénonciation des infractions commises sur les mineurs. La commission l'a adopté sans modification.

1. Le texte adopté par le Sénat

Le Sénat a adopté un amendement présenté par Laurence Rossignol et plusieurs de ses collègues qui prévoit une interruption de la prescription lorsque l'auteur d'un crime sur un mineur commet le même crime sur un autre mineur. La commission avait exprimé des réserves sur ce dispositif qui ne lui paraissait pas totalement abouti.

2. Un dispositif précisé et complété par l'Assemblée nationale

L'adoption de l'amendement de Laurence Rossignol a néanmoins été positive puisque la navette parlementaire a permis d'élaborer un dispositif plus achevé. En commission puis en séance publique, l'Assemblée nationale a adopté, notamment sur l'initiative du Gouvernement, des amendements qui ont apporté trois types de modifications à cet article.

a) La prolongation du délai de prescription en cas de commission de nouvelles infractions

En premier lieu, le dispositif adopté au Sénat a été précisé et complété afin de modifier les articles 7 et 8 du code de procédure pénale, relatifs à la prescription des crimes et des délits.

Concernant les crimes, le texte prévoit que si l'auteur d'un viol sur mineur commet sur un autre mineur, avant l'expiration du délai de prescription, un nouveau viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle, alors le délai de prescription du viol est , le cas échéant, prolongé (et non interrompu) jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction .

Ce dispositif ne permet pas de rouvrir les prescriptions acquises, ce qui poserait un problème sur le plan constitutionnel. Mais il permet de retarder la prescription d'un viol sur mineur : cette prescription est normalement acquise au 48 e anniversaire de la victime ; mais si l'auteur a violé un autre mineur dix ans par exemple après avoir commis son premier crime, le délai de prescription sera prolongé jusqu'aux 58 ans de la première victime.

Si l'on a affaire à un criminel en série, le délai de prescription peut être considérablement prolongé grâce à ce mécanisme, ce qui présente un avantage : toutes les victimes pourront comparaître comme telles devant la cour d'assises , alors qu'aujourd'hui les victimes les plus anciennes, dont les faits sont prescrits, sont seulement entendues en tant que témoins. L'effet de ce dispositif sur la peine infligée à l'auteur devrait en revanche être limité du fait du principe de confusion des peines qui prévaut en droit français (en cas de poursuite unique, la peine la plus lourde absorbe les peines de même nature).

La condamnation pour les faits les plus anciens ne sera naturellement possible que si l'accusé est effectivement condamné pour les faits les plus récents, sans quoi le mécanisme proposé poserait un problème au regard du principe de la présomption d'innocence. Si l'affaire la plus récente se solde par un classement sans suite, un non-lieu, une relaxe ou un acquittement, la prescription des faits les plus anciens devra être constatée.

L'Assemblée nationale a complété le dispositif voté par le Sénat pour prévoir un mécanisme équivalent pour les agressions et les atteintes sexuelles. La commission d'une nouvelle agression sexuelle ou atteinte sexuelle sur un autre mineur prolongerait le délai de prescription de la première infraction jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

En revanche, la commission d'un crime sur mineur ne pourrait prolonger la prescription du délit jusqu'à la date de prescription du crime car une telle prolongation serait excessive.

b) Le délai de prescription du délit de non-dénonciation d'infraction sur mineur

En deuxième lieu, l'Assemblée nationale a inséré à l'article 4 quater de la proposition de loi la disposition que le Sénat avait adoptée à l'article 4 ter concernant la prolongation du délai de prescription du délit de non-dénonciation d'infraction sur mineur.

L'Assemblée nationale a cependant recentré le dispositif sur les infractions sexuelles sur mineur : ainsi le délai de prescription serait porté à dix années révolues à compter de la majorité de la victime si l'infraction principale consiste en une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle contre un mineur ; et le délai serait porté à vingt années révolues à compter de la majorité de la victime en cas de viol.

c) L'interruption de la prescription en cas d'infractions commises par un même auteur

En troisième lieu, l'Assemblée nationale a introduit un nouveau dispositif qui complète celui voté au Sénat. Il modifie l'article 9-2 du code de procédure pénale qui prévoit que la prescription est interrompue par différents actes d'enquête et de jugement , à savoir :

1° tout acte, émanant du ministère public ou de la partie civile, tendant à la mise en mouvement de l'action publique ;

2° tout acte d'enquête émanant du ministère public, tout procès-verbal dressé par un officier de police judiciaire ou un agent habilité exerçant des pouvoirs de police judiciaire tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ;

3° tout acte d'instruction, accompli par un juge d'instruction, une chambre de l'instruction ou des magistrats et officiers de police judiciaire par eux délégués, tendant effectivement à la recherche et à la poursuite des auteurs d'une infraction ;

4° tout jugement ou arrêt, même non définitif, s'il n'est pas entaché de nullité.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoit que le délai de prescription d'un viol, d'une agression sexuelle ou d'une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par l'un des actes ou décisions mentionnés aux 1° à 4° intervenus dans une procédure dans laquelle est reprochée contre la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur.

L'interruption du délai fait ensuite repartir un délai de prescription d'une durée égale au délai initial.

Certains pourraient se demander si ce mécanisme, qui établit une forme de connexité entre différentes affaires, n'est pas redondant avec le mécanisme de prolongation qui serait introduit aux articles 7 et 8 du code de procédure pénale.

Son principal avantage réside dans le fait que des actes interruptifs de prescription, régulièrement accomplis, permettraient, conformément à la jurisprudence bien établie en la matière, de poursuivre des faits anciens, et de condamner leur auteur, quand bien même l'auteur ne serait finalement pas condamné dans l'affaire la plus récente .

3. La position de la commission

L'Assemblée nationale a amélioré et étoffé le dispositif adopté par le Sénat. L'addition des deux mécanismes prévus à cet article devrait avoir pour effet de prolonger considérablement le délai de prescription de certains crimes et délits sexuels commis sur mineurs, ce qui est conforme à l'attente de nombreuses victimes. Le schéma ci-dessous illustre, à partir de l'exemple d'un mineur violé à l'âge de quinze ans, leurs conséquences concrètes. Ils ne mettent pas en place cependant une règle d'imprescriptibilité , que la commission a toujours souhaité réserver aux crimes contre l'humanité.

Conséquences des nouvelles règles de prescription

Ces dispositifs seront sans effet sur le délai de prescription si l'auteur ne réitère pas. Mais le délai de prescription a déjà été rallongé en 2018 pour atteindre une durée, particulièrement longue, de trente années à compter de la majorité de la victime. Par ailleurs, s'ils exercent un effet dissuasif et incitent l'auteur à ne plus commettre de nouveau crime ou délit sexuel sur mineur, ils auront incontestablement joué un rôle positif.

Il est à souhaiter que les règles de prescription applicables à ces infractions sur mineur pourront ensuite être stabilisées, des changements trop fréquents étant difficiles à mettre en oeuvre par les praticiens du droit. À terme, il conviendra d'évaluer les effets de ces changements sur la répression de ces infractions.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 5
Liste des infractions entraînant une inscription
au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes

Cet article élargit la liste des infractions dont les auteurs peuvent être inscrits au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes. La commission l'a adopté sans modification.

Créé en 2004, le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) recense les personnes ayant fait l'objet d'une condamnation, d'une mise en examen ou d'une composition pénale, en relation avec certaines infractions dont la liste figure à l'article 706-47 du code de procédure pénale. Ces infractions sont soit des infractions sexuelles pouvant être commises à l'encontre d'un mineur, soit des crimes graves, comme les homicides, commis à l'encontre d'un mineur.

L'inscription au fichier permet de disposer d'une base de renseignements utilisable par les services d'enquête ou permettant de contrôler les antécédents judiciaires d'un individu avant de l'embaucher pour occuper un poste où il se trouverait placé au contact de mineurs. Elle constitue aussi une mesure de sûreté puisque les personnes inscrites au fichier doivent régulièrement justifier de leur domicile auprès de la police ou de la gendarmerie.

L'inscription au fichier est automatique dans les affaires qui concernent des crimes ou des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. En-dessous de ce seuil, l'inscription au fichier est laissée à l'appréciation de la juridiction ou du procureur.

Les informations sont effacées du fichier à l'expiration d'un délai de trente ans pour les crimes et pour les délits punis de plus de dix ans d'emprisonnement, et à l'expiration d'un délai de vingt ans dans les autres cas. À tout moment, la personne inscrite dans le fichier peut en outre demander à l'autorité judiciaire d'effacer les informations.

La loi visant à protéger les victimes de violences conjugales, entrée en vigueur le 31 juillet 2020, a récemment fait évoluer la liste des infractions pouvant entraîner une inscription dans le fichier, en y ajoutant le délit de consultation habituelle d'images pédopornographiques.

Dans le prolongement de cette mesure, le Sénat a adopté en première lecture un amendement présenté par Michel Savin et plusieurs de ses collègues, tendant à enrichir encore cette liste en y faisant figurer le délit d'exhibition sexuelle, le harcèlement sexuel, le délit de recours à la prostitution, la tentative d'atteinte sexuelle sur mineur et le délit d'incitation à commettre un crime ou un délit sur un mineur . Cet élargissement devrait permettre d'exploiter encore davantage les potentialités du Fijaisv, qui est un outil qui a fait ses preuves dans la prévention des violences sexuelles sur mineurs.

L'Assemblée nationale a approuvé cette mesure, en améliorant la rédaction de l'article grâce à l'adoption de deux amendements de la rapporteure Alexandra Louis.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 5 bis
Définition de l'exhibition sexuelle et aggravation de la peine
quand la victime est un mineur de quinze ans

Cet article élargit la définition du délit d'exhibition sexuelle et propose une aggravation de la peine si la victime est un mineur de quinze ans. La commission l'a adopté sans modification.

Cet article additionnel est issu de l'adoption par l'Assemblée nationale d'un amendement présenté par la rapporteure Alexandra Louis. Il fait suite aux réflexions menées par Alexandra Louis dans le cadre de son rapport d'évaluation de la loi du 3 aout 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes, dite loi « Schiappa ».

S'intéressant à la mise en application de la nouvelle contravention d'outrage sexiste, Alexandra Louis a mis en évidence « une sérieuse lacune dans l'édifice pénal concernant le délit d'exhibition sexuelle. Ainsi, avant la loi Schiappa, les auteurs de faits de masturbation dans les lieux publics n'étaient pas sanctionnés dès lors que leur sexe n'était pas apparent. En effet, la haute juridiction exige un élément de nudité. C'est la raison pour laquelle, la contravention d'outrage sexiste est utilisée par défaut pour sanctionner ces comportements récurrents dans les transports et très traumatisants pour les victimes. Par ailleurs, la haute juridiction a estimé que le délit d'exhibition sexuelle pouvait être retenu à l'encontre d'activistes qui ont dévoilé en public leur poitrine à des fins politiques et non sexuelles. En d'autres termes, une activiste qui montre sa poitrine dans le cadre d'une revendication politique risque un emprisonnement quand un individu qui se masturbe devant une victime dans les transports encourt une amende forfaitaire. Ce délit devrait donc être repensé pour viser non pas la nudité mais bien plus l'obscénité et la commission d'actes ou gestes sexuels en public ».

L'article 5 bis répond à cette préconisation en complétant l'article 222-32 du code pénal, qui punit actuellement d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende l'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public.

Un premier alinéa préciserait que l'exhibition sexuelle est constituée, même en l'absence d'exposition d'une partie dénudée du corps , si est imposée à la vue d'autrui, dans un lieu accessible aux regards du public, la commission explicite d'un acte sexuel, réel ou simulé.

Un deuxième alinéa porterait la peine à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende si les faits sont commis au préjudice d'un mineur de quinze ans. Ce quantum de peine présente l'avantage de rendre possible une poursuite en comparution immédiate .

La commission considère que ces deux modifications sont opportunes en ce qu'elles permettront une répression plus efficace de ces comportements qui peuvent se rencontrer par exemple dans des réseaux de transports publics, tels que le métro parisien.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 6
Inscription automatique dans le fichier judiciaire des auteurs
d'infractions sexuelles et violentes lorsque la victime est mineure

Cet article vise à rendre automatique l'inscription de certaines décisions dans le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes.

Complémentaire du précédent, cet article est issu de l'adoption par le Sénat d'un amendement présenté par Valérie Boyer et plusieurs de ses collègues.

Il vise également à obtenir l'inscription d'un plus grand nombre de personnes sur le fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes, en rendant automatique l'inscription dans certains cas.

Actuellement, cette inscription est automatique dans les affaires qui concernent des crimes ou des délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. En-dessous de ce seuil, l'inscription au fichier est laissée à l'appréciation de la juridiction ou du procureur.

L'article 6 prévoit que les décisions seront désormais inscrites automatiquement dans le fichier lorsque la victime est mineure , quel que soit le quantum de la peine encourue. L'inscription d'un plus grand nombre de personnes dans le fichier permet de mieux protéger les mineurs en évitant que des personnes ayant des antécédents judiciaires soient placées à leur contact.

L'Assemblée nationale a modifié l'article, d'abord en adoptant un amendement d'amélioration rédactionnelle de la rapporteure Alexandra Louis, ensuite en adoptant un amendement du Gouvernement qui prévoit que si la peine encourue est inférieure à cinq ans d'emprisonnement, la juridiction ou, le cas échéant, le procureur de la République, pourra décider, par une décision spécialement motivée, que la décision ne sera pas inscrite.

La commission juge cette précision indispensable afin de garantir la constitutionnalité du dispositif au regard du principe d'individualisation des peines et des mesures de sûreté. Si l'automaticité peut être envisagée pour les infractions les plus graves, elle poserait un problème pour les infractions mois sévèrement punies.

La commission a adopté cet article sans modification .

Article 7
Peine complémentaire d'interdiction
d'exercer une activité au contact des mineurs

Cet article incite les juridictions à prononcer la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs. La commission l'a adopté sans modification.

Toujours dans le but de prévenir la commission d'infractions sexuelles sur mineurs, le Sénat a adopté en première lecture un amendement présenté par Michel Savin et plusieurs de ses collègues, relatif à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact habituel avec des mineurs .

Déjà prévue par le code pénal, cette peine complémentaire est encourue au titre de diverses infractions, notamment le viol ou l'atteinte sexuelle.

Cet article vise à inciter les juridictions à prononcer la peine complémentaire en cas de condamnation pour certaines infractions (agression sexuelle, viol, atteinte sexuelle, corruption de mineur, diffusion d'images pédopornographiques, exposition de mineurs à des images violentes ou pornographiques, incitation à se soumettre à une mutilation sexuelle, incitation à commettre certains crimes ou délits à l'encontre d'un mineur) lorsque la victime est mineure.

En principe, la peine d'interdiction serait prononcée à titre définitif. La juridiction conserverait cependant la possibilité, par une décision motivée, de ne pas prononcer la peine , au regard des circonstances de l'infraction ou de la personnalité de l'auteur, ou de la prononcer pour une durée ne pouvant excéder dix ans.

L'article ne crée donc pas une peine automatique et respecte le principe d'individualisation des peines . Il envoie cependant un signal fort en direction des juridictions en les encourageant à prononcer cette peine complémentaire protectrice des mineurs.

L'Assemblée nationale a adopté quatre amendements présentés par la rapporteure Alexandra Louis afin d'en améliorer la rédaction.

La commission a adopté cet article sans modification.

Article 8
Procédure applicable
à la nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur

Le Sénat avait adopté cet article additionnel qui procédait à une coordination avec le code de procédure pénale. L'Assemblée nationale l'a supprimé car les modifications apportées à l'article 1 er l'on rendu sans objet. La commission a confirmé cette suppression.

L'adoption, à l'initiative du rapporteur, de cet article additionnel modifiait l'article 706-47 du code de procédure pénale avec un double objectif :

- entraîner l'application, pour la nouvelle infraction de crime sexuel sur mineur, des règles de procédure spécifiques prévues pour les crimes et délits sur mineurs ;

- par le jeu des renvois, aligner les règles de prescription applicables à l'infraction de crime sexuel sur mineur sur celles applicables au viol sur mineur.

L'Assemblée nationale a entièrement réécrit l'article 1 er , ce qui a rendu inutile cette mesure de coordination avec le code de procédure pénale. Elle a en conséquence supprimé l'article 8 de la proposition de loi.

Les nouvelles infractions de viol et d'agression sexuelle sur mineur de quinze ans et de viol et d'agression sexuelle incestueux sont placées aux articles 222-23-1, 222-23-2, 222-29-2 et 222-29-3 du code pénal. Or l'article 706-47 du code de procédure pénale s'applique aux « crimes de viol prévus aux articles 222-23 à 222-26 » du code pénal et aux « délits d'agressions sexuelles prévus aux articles 222-27 à 222-31-1 du même code ». Il s'applique donc de plein droit aux nouvelles infractions sans qu'il soit nécessaire de procéder à une coordination.

La commission a confirmé cette suppression .

Article 9
Application outre-mer

L'article 9 permet de rendre applicable la proposition de loi dans les collectivités ultramarines régies par le principe de spécialité législative.

Le paragraphe I a pour objet de rendre applicables dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie, collectivités ultramarines sur le territoire desquelles une mention expresse d'application est nécessaire , les modifications que le projet de loi apporte au code de procédure pénale.

Il procède, à cet effet, à l'actualisation du « compteur outre-mer », figurant à l'article 804 du code de procédure pénale. La technique du « compteur » consiste à indiquer qu'une disposition est applicable dans une collectivité régie par le principe de spécialité législative dans sa rédaction résultant d'une loi déterminée, ce qui permet de savoir si les modifications ultérieures de cette disposition ont été ou non étendues.

Le paragraphe II procède au même type de modifications dans le code pénal, en actualisant le compteur qui figure à l'article 711-1 dudit code.

La commission a adopté cet article sans modification .

Intitulé de la proposition de loi

Compte tenu des nombreuses dispositions ajoutées au texte, l'Assemblée nationale a décidé de modifier son intitulé, devenu proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

La commission des lois l'a conservé sans modification .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MARDI 23 MARS 2021

M. François-Noël Buffet , président . - Notre commission est appelée à examiner ce matin, en deuxième lecture, la proposition de loi déposée par Annick Billon visant à protéger les jeunes mineurs des crimes sexuels.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Le Sénat a adopté cette proposition de loi à l'unanimité le 21 janvier dernier et l'Assemblée nationale l'a votée, elle aussi à l'unanimité, le lundi 15 mars. Pour tenir compte des nombreux ajouts apportés au texte, l'Assemblée nationale en a modifié l'intitulé, qui est devenu « proposition de loi visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste ».

Vous vous en souvenez, la proposition de loi avait pour objet principal de créer un nouveau crime sexuel sur mineur de treize ans, de manière à mieux protéger les jeunes adolescents contre les violences sexuelles qui peuvent leur être infligées par des adultes. Tout acte de pénétration sexuelle aurait été qualifié de crime, sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, violence, menace ou surprise, eu égard au jeune âge de la victime.

La création d'une infraction autonome, avec ce seuil d'âge à treize ans, nous avait paru solide sur le plan constitutionnel, car elle présentait l'avantage de ne pas criminaliser les relations consenties qui peuvent exister entre un mineur d'un peu moins de quinze ans et un tout jeune majeur. Il en aurait résulté une gradation dans la protection des mineurs, avec le délit d'atteinte sexuelle, puni de sept ans d'emprisonnement, protégeant les mineurs de moins de quinze ans et le nouveau crime sexuel sur mineur protégeant les mineurs de moins de treize ans.

En commission puis en séance publique, le Sénat avait beaucoup enrichi le texte.

Nous avions d'abord ajouté un volet préventif en adoptant des amendements présentés par Michel Savin et Valérie Boyer, qui tendaient, d'une part, à élargir la liste des infractions entraînant une inscription dans le fichier judiciaire automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijaisv) et qui incitaient, d'autre part, les juridictions à prononcer la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité impliquant un contact habituel avec un mineur.

En séance publique, nous avions ensuite adopté un amendement d'Esther Benbassa et un amendement de Laurence Rossignol pour compléter la définition du crime sexuel sur mineur et celle du viol : en plus de la pénétration sexuelle, l'infraction serait constituée en cas d'actes bucco-génitaux, ces actes pouvant être tout aussi traumatisants pour la victime qu'une pénétration.

Sur la question de la prescription, le Sénat avait adopté, sur mon initiative, un amendement tendant à allonger le délai de prescription du délit de non-dénonciation des infractions sur mineur, prévu à l'article 434-3 du code pénal. Puis nous avions adopté un amendement présenté par Laurence Rossignol prévoyant une interruption du délai de prescription quand l'auteur d'un premier crime sur mineur commet le même crime sur un autre mineur.

Enfin, la question de l'inceste, qui ne figurait pas dans la proposition de loi initiale, mais que nous ne pouvions ignorer, y a été inscrite grâce à l'adoption d'un amendement présenté par Marie-Pierre de La Gontrie, qui crée une circonstance aggravante du délit d'atteinte sexuelle sur mineur de quinze ans en cas d'inceste.

Avec l'appui de la Chancellerie, l'Assemblée nationale a fait évoluer le texte, tout en respectant les objectifs que nous lui avions assignés.

Sur la question centrale de la création d'une nouvelle infraction pour protéger les mineurs, le débat portait sur le choix du seuil d'âge : treize ou quinze ans. Il faut reconnaître que le choix d'un seuil à treize ans, même s'il présente de solides justifications, a pu être mal compris et parfois perçu comme un recul par rapport au seuil de quinze ans qui figure dans le délit d'atteinte sexuelle. Je tiens d'ailleurs ici à exprimer mon soutien à Annick Billon qui a fait l'objet, dans les jours qui ont suivi l'adoption du texte, d'attaques excessives et parfois odieuses sur les réseaux sociaux.

L'Assemblée nationale a trouvé une solution créative, mais juridiquement rigoureuse, en faisant le choix d'un seuil à quinze ans, assorti d'un écart d'âge d'au moins cinq ans entre l'auteur et la victime. Cette solution permet d'éviter, comme nous le souhaitions, que les relations consenties entre un mineur de quinze ans et un tout jeune majeur ne soient criminalisées. Elle permet en même temps d'afficher un seuil d'âge qui paraît plus ambitieux et qui répond mieux aux attentes des associations de protection de l'enfance, comme j'ai pu le constater au cours de mes auditions.

Le choix de créer une infraction autonome, distincte du viol, avait également suscité des réserves : le juge Édouard Durand, co-président de la commission indépendante sur l'inceste, avait regretté que le choix d'une infraction autonome évacue la dimension violente du passage à l'acte, qui est en revanche bien prise en compte avec la qualification de viol ou d'agression sexuelle. Sur ce point également, l'Assemblée nationale a fait preuve d'imagination et d'esprit de synthèse en décidant de qualifier de viol la nouvelle infraction sexuelle sur mineur.

Il arrive que certaines infractions prévues par le code pénal renvoient à plusieurs définitions. C'est le cas, par exemple, pour le harcèlement sexuel, qui suppose en principe la commission d'actes répétés, mais qui peut aussi être constitué si un acte unique particulièrement grave a été commis. C'est le cas aussi pour le délit de proxénétisme qui renvoie à une dizaine de définitions différentes dans le code pénal. Tel serait désormais le cas aussi pour le crime de viol : à la définition classique, qui suppose un élément de contrainte, menace, violence ou surprise, s'ajouterait une nouvelle définition, applicable seulement si la victime est un mineur de quinze ans.

Le mineur de quinze ans pourra ainsi se dire victime de viol, avec toute la dimension symbolique qui s'attache à cette qualification, sans qu'il soit besoin de démontrer son absence de consentement. J'ajoute que l'Assemblée nationale a conservé l'apport du Sénat tendant à élargir la définition du viol aux actes bucco-génitaux. En l'absence de pénétration ou d'acte bucco-génital, la qualification d'agression sexuelle pourra être retenue si la victime est un mineur de quinze ans, sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, menace, violence ou surprise.

Enfin, si l'écart d'âge entre le majeur et le mineur est inférieur à cinq ans, le délit d'atteinte sexuelle serait maintenu. L'Assemblée nationale a cru utile de préciser que ce délit ne serait pas constitué si l'écart d'âge est inférieur à cinq ans en l'absence de pression sur le mineur, ce qui me paraît donner lieu à plus de questions que de clarifications ; c'est pourquoi je vous proposerai d'y revenir par voie d'amendement.

La protection des mineurs serait renforcée en cas de relation incestueuse, l'Assemblée nationale ayant décidé la création de deux nouvelles infractions de viol incestueux et d'agression sexuelle incestueuse.

Ces infractions seraient constituées sans qu'il soit nécessaire d'établir un élément de contrainte, menace, violence ou surprise, si la victime est mineure, donc jusqu'à dix-huit ans, et que l'auteur des faits est un ascendant ou un autre membre de la famille ayant une autorité de droit ou de fait sur la victime. Le périmètre familial retenu prend en compte les frères et soeurs, oncles et tantes, neveux et nièces, ainsi que leurs conjoints, concubins ou partenaires d'un pacte civil de solidarité (Pacs). L'Assemblée nationale a souhaité ajouter à cette liste les grands-oncles et les grands-tantes.

Compte tenu de la création de ces deux nouvelles infractions, l'Assemblée nationale a supprimé l'aggravation de peine que nous avions prévue en cas d'atteinte sexuelle incestueuse.

J'en arrive à la question de la prescription.

L'Assemblée nationale a conservé l'allongement du délai de prescription pour le délit de non-dénonciation, en le recentrant toutefois sur les crimes et délits sexuels, ce qui est cohérent avec l'objet du texte.

En ce qui concerne la prescription des crimes et délits sexuels eux-mêmes, l'Assemblée nationale a adopté, sur proposition du Gouvernement, un double mécanisme.

Le premier est proche de celui qui a été introduit par le Sénat : il a pour effet de prolonger le délai de prescription d'un crime ou délit sexuel sur mineur si l'auteur commet un autre crime ou délit sexuel sur un autre mineur. Le délai de prescription de la première infraction se trouverait, le cas échéant, prolongé jusqu'à la date de prescription de la nouvelle infraction.

Le second mécanisme s'inspire de la notion de connexité, bien connue en droit pénal : un acte interruptif de prescription, une audition par exemple ou un acte d'instruction, interromprait la prescription non seulement dans l'affaire considérée, mais également dans les autres procédures dans lesquelles serait reprochée au même auteur la commission d'un autre crime ou délit sexuel sur mineur. Si, par exemple, un individu est suspecté d'avoir commis trois viols sur mineur, un acte interruptif de prescription dans l'affaire la plus récente interromprait aussi la prescription dans les deux affaires plus anciennes. Je précise qu'un acte interruptif de prescription a pour effet de faire repartir de zéro le délai de prescription.

Avec ces deux dispositifs, toutes les victimes pourront comparaître comme telles devant la cour d'assises, alors que, aujourd'hui, les victimes les plus anciennes, dont les faits sont prescrits, sont seulement entendues en tant que témoins.

Je termine en indiquant que l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels qui visent à lutter plus efficacement contre les faits de « sextorsion », par lesquels un adulte exige d'un mineur qu'il effectue devant la caméra de son ordinateur des actes obscènes ou qu'il se filme pour envoyer ensuite les vidéos à l'auteur du chantage. Ces faits sont aujourd'hui réprimés sur le fondement de la corruption de mineur, mais la définition ancienne de cette infraction ne permet pas de décrire avec suffisamment de précision ces nouveaux phénomènes.

L'Assemblée nationale a également souhaité moderniser la définition de l'exhibition sexuelle pour mieux réprimer certains gestes obscènes qui sont réalisés sans que le corps soit dénudé, par exemple si un individu dans le métro se masturbe sous ses vêtements.

Au total, le texte qui nous est soumis renforce considérablement la protection des mineurs, au prix, il est vrai d'une plus grande complexité des règles de droit applicables. Il peut constituer la base d'un accord politique entre nos deux assemblées et je vous proposerai donc d'en préserver les grands équilibres.

Je vous présenterai tout à l'heure quelques amendements destinés à parfaire le texte sans remettre en cause les compromis qu'il opère. Je suis convaincue que ce dernier marquera une étape importante dans nos politiques de protection de l'enfance, même s'il faudra bien sûr l'accompagner de mesures de prévention et d'éducation auxquelles je suis depuis toujours très attachée. La loi ne suffira pas si l'on ne change pas les mentalités.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Nous avons débattu de nombreuses fois sur ce sujet. Le principal problème de cette énième version tient à ses difficultés d'application, dans la mesure où elle crée plusieurs incriminations pour des faits voisins. Je crains que tous les plaignants et tous les parquets n'aient pas une information claire sur le droit en vigueur, et que le texte ne rate sa cible en raison de sa complexité.

Je ne reviendrai pas sur les revirements du Gouvernement sur le sujet. Si le Sénat avait adopté, en première lecture, des amendements sur la non-dénonciation et la prescription en cas de pluralité de victimes, mon groupe n'avait pas réussi à le convaincre de la pertinence du seuil de quinze ans pour le nouveau crime sexuel ou du seuil de dix-huit ans pour l'inceste. Or le garde des sceaux a changé d'avis peu après. Je m'en réjouis, mais déplore le temps perdu !

Nous poursuivons tous le même but. Même si nous n'avons pas déposé d'amendements à ce stade, il nous semble toutefois que le texte mérite d'être précisé sur trois points. L'inceste, tout d'abord, nous paraît défini de manière trop complexe et fait référence à la notion d'autorité de droit ou de fait : c'est un contresens, car l'inceste n'est pas un crime de pouvoir, mais bien un interdit. Nous sommes aussi dubitatifs sur l'écart d'âge. Nous ferons enfin des propositions concernant la notion de pression sur des mineurs. J'espère que le Sénat adoptera une rédaction plus efficace, car en l'état, le texte semble difficilement applicable dans les faits.

Mme Esther Benbassa . - Je voudrais poser une question technique : si les frères et les soeurs sont visés dans le périmètre familial pris en compte pour qualifier l'inceste, qu'en est-il des demi-frères et des demi-soeurs ?

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Juridiquement, ils sont dans la même situation que les frères ou les soeurs.

Mme Dominique Vérien . - Nous avions voté la proposition de loi d'Annick Billon, en retenant un seuil de treize ans, et non de quinze ans, car le Gouvernement nous alertait sur les risques d'inconstitutionnalité. Aujourd'hui, on découvre que le seuil de quinze ans est possible, la Chancellerie ayant introduit la clause « Roméo et Juliette », pour traiter différemment les situations où les protagonistes ont moins de cinq ans d'écart. Cela ne semble pas si compliqué finalement... Pour prouver l'inceste entre frère et soeur, il faudra prouver l'existence d'un rapport d'autorité de droit ou de fait. On peut se demander si cela est nécessaire, ou si l'existence d'un lien familial ne pourrait pas suffire, considérant que l'inceste est un interdit. Enfin, je partage votre position sur la précision selon laquelle le délit d'atteinte sexuelle ne serait pas constitué en l'absence de pression sur le mineur si l'écart d'âge est inférieur à cinq ans.

Mme Muriel Jourda . - Comme en première lecture, je m'abstiendrai, car je pense que l'essentiel relève des évolutions de notre société et que notre arsenal juridique est suffisant. Ne complexifions pas le droit. Les professionnels ont besoin de stabilité. Le délit de « sextorsion », par exemple, n'est-il pas déjà couvert par le délit de corruption de mineur ?

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Vous l'avez dit, nous poursuivons tous le même but : protéger au mieux les mineurs. Madame de La Gontrie, ce texte est, en effet, complexe et devra s'accompagner d'un effort de pédagogie. La loi doit être compréhensible par tous, mais si la complexité est le prix à payer pour mieux protéger les mineurs, alors pourquoi pas !

Sur l'inceste, les amendements du groupe socialiste, écologiste et républicain, en première lecture, n'étaient pas identiques à ceux qui ont été adoptés par l'Assemblée nationale, dans la mesure où ils ne prenaient pas en compte la notion d'autorité, qui est essentielle : autrement une grande soeur, de tout juste dix-huit ans, violée par son frère de dix-sept ans, risquerait, comme elle est majeure, de se retrouver sur le banc des accusés ! Il faut donc pouvoir déterminer qui est coupable et victime dans ces situations abominables. Rien n'est jamais simple et toutes les situations sont particulières. Chacun a des images en tête, en raison de son éducation et de son histoire, mais elles ne s'appliquent pas toujours aux situations douloureuses que l'on rencontre parfois. Il est donc nécessaire de conserver la notion d'autorité de droit ou de fait, car on ne sait pas qui l'exerce en réalité. Le coupable n'est pas toujours le majeur.

De même, en ce qui concerne la clause « Roméo et Juliette », tous les Roméo ne sont pas de gentils amoureux, et toutes les Juliette ne sont pas des oies blanches ! Il faut à chaque fois étudier le contexte. Chaque cas est unique, mais un viol n'est jamais consenti et il est aussi grave à dix-sept ans qu'à treize ans !

Madame Jourda, je comprends votre abstention, même si la nouvelle rédaction - nous avions déjà considérablement amélioré le texte - renforce davantage la protection des mineurs, en dépit de sa complexité. Si le droit ne doit pas se résumer à des symboles, il n'en demeure pas moins qu'il doit comporter des interdits clairs. Tout le monde comprenait ce que signifiait l'attentat à la pudeur. C'est moins vrai avec l'atteinte sexuelle, notion plus abstraite. Tout le monde sait aussi ce qu'est la corruption de mineur ; on comprend, pour l'instant, moins ce qu'est la « sextorsion », mais il faut tenir compte de ce qui se passe sur internet et qui semble dépasser le cadre de la corruption de mineur.

Mme Valérie Boyer . - Je n'étais pas d'accord avec la voie retenue pour protéger les mineurs, mais comme cela y contribue, je ne m'y opposerai pas. Les parlementaires, en retenant l'âge de treize ans, s'étaient autocensurés en présumant de ce que le Conseil constitutionnel jugerait. Mais le législateur n'est pas le juge. Il lui appartient de rédiger la loi. Lorsque l'on veut anticiper sur les décisions possibles des juges, on n'est plus dans notre rôle et on se prend les pieds dans le tapis sur le plan politique ! Ce texte doit nous servir de leçon à cet égard.

Sous la pression de l'opinion publique et des associations, l'âge retenu est passé de treize à quinze ans, à juste titre. C'est conforme à la proposition que j'avais faite. Il est dommage que l'on oppose trop souvent à nos amendements la position du Conseil d'État ou du Conseil constitutionnel. Le voilement des fillettes, sur lequel j'ai déposé des amendements dans le cadre de l'examen du projet de loi tendant à conforter le respect des principes de la République, relève pour moi de la maltraitance. J'aimerais savoir sur quels fondements le Conseil constitutionnel pourrait s'y opposer.

M. François-Noël Buffet , président . - Vous avez sans doute raison, mais ce n'est pas l'objet du texte !

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - À mon avis, le viol n'a pas le même degré de gravité en fonction de l'âge : on ne peut pas tenir pour équivalents le viol d'une enfant de treize ans et celui d'une adulte. L'inceste n'est pas un crime lié à une relation de pouvoir, c'est avant tout un interdit. La notion d'autorité de droit ou de fait pervertit le raisonnement. De plus, à l'alinéa 8 de l'article 1 er , la notion d'autorité s'applique au conjoint ou au concubin, mais non aux frères et soeurs. Ce débat montre l'extrême complexité du texte. Il est à craindre qu'il ne soit guère mieux compris par les tribunaux ou les victimes...

M. Alain Richard . - Mon groupe votera sans doute ce texte, mais, à titre personnel, je suis défavorable à cet assemblage de dispositions et de conditions qui rendent de plus en plus complexe l'application du droit. Il ne nous appartient pas de faire le travail du magistrat qui doit statuer sur chaque cas d'espèce. Les notions de viol, assorti éventuellement de contrainte ou de ruse, et d'atteinte sexuelle me semblent suffisantes. La distinction entre les crimes et les délits est souvent délicate dans la pratique, et les juges requalifient les faits en fonction de la situation et de la sanction qu'ils estiment la plus adaptée. Je m'abstiendrai donc sur ce texte qui n'apporte pas de protection supplémentaire aux victimes et qui prive les magistrats de leur pouvoir d'appréciation.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Madame Boyer, les parlementaires ne s'autocensurent pas, simplement ils doivent agir avec sagesse et respecter la Constitution, notre règle commune. Il ne sert à rien de voter des dispositions inconstitutionnelles. Au contraire, ce serait préjudiciable aux victimes, car à la moindre question prioritaire de constitutionnalité, ces mesures seraient invalidées, créant un vide juridique au détriment des victimes. Il nous appartient donc d'être prudents : nous ne serions plus crédibles si nous votions des mesures inapplicables.

En première lecture au Sénat, personne n'avait proposé d'assortir le seuil d'âge d'un écart d'âge. Il a été adopté à l'Assemblée nationale pour garantir la constitutionnalité du seuil d'âge à quinze ans. Le législateur ne peut s'affranchir de la Constitution.

Madame de La Gontrie, il n'est pas toujours aisé de distinguer, dans les faits, qui a le pouvoir ou l'autorité, mais nous devons trouver un moyen de distinguer le coupable de la victime. M. Richard a raison, ce texte comporte une multitude de dispositions complexes, mais, encore une fois, c'est peut-être le prix à payer pour renvoyer l'image d'une meilleure protection des mineurs, pour faire en sorte qu'ils connaissent leurs droits et s'approprient cette loi, en sachant qu'ils seront protégés. Plus on parlera de cette loi, plus les mentalités évolueront.

M. Alain Richard . - Vous avez raison, on légifère pour une image !

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Pour une image et pour un texte !

M. François-Noël Buffet , président . - Je ne partage pas votre sévérité. Les évolutions sont considérables par rapport à la loi Schiappa votée en 2018. Il sera nécessaire de faire oeuvre de pédagogie, en laissant le soin aux magistrats d'apprécier les situations. La loi ne pourra jamais prévoir tous les cas particuliers et doit affirmer des principes simples et clairs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Avec le seuil d'âge de quinze ans, le texte crée une incrimination nouvelle et enrichit le droit.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Concernant le périmètre du texte, je vous rappelle que nous examinons le texte en deuxième lecture : ne sont donc recevables que les seuls amendements en relation directe avec les dispositions restant en discussion. Un seul article a été adopté conforme par l'Assemblée nationale. Pourraient être considérés comme recevables des amendements relatifs aux infractions sexuelles sur mineurs figurant dans le code pénal ; à la prescription de ces infractions ; aux infractions de mise en péril des mineurs et de prostitution de mineur ; au délit d'exhibition sexuelle ; au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes ; et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact de mineurs.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-1 présenté par Valérie Boyer vise à supprimer l'écart d'âge de cinq ans. Comme je l'indiquais dans mon exposé, la différence d'âge de cinq ans est l'un des éléments qui garantit la constitutionnalité du dispositif en évitant de criminaliser des relations consenties entre un mineur d'un peu moins de quinze ans et un jeune majeur. Si l'on supprimait cet écart d'âge, un mineur de quatorze ans pourrait avoir une relation licite avec un mineur de dix-sept ans et demi qui deviendrait automatiquement une relation criminelle au moment où le plus âgé des deux partenaires atteindrait l'âge de dix-huit ans. Une telle situation serait difficilement défendable au regard du principe constitutionnel de nécessité des délits et des peines. Sur un plan plus politique enfin, supprimer cet élément clé du texte adopté par l'Assemblée nationale rendrait très difficile ensuite un accord entre nos deux assemblées. Avis défavorable.

L'amendement COM-1 n'est pas adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment à l'amendement COM-2 , qui vise à réduire l'écart d'âge à trois ans.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Je ne sais pas quel écart d'âge est le plus adapté, mais on ne peut faire fi du principe d'opportunité des poursuites. Le garde des sceaux a donc tort d'affirmer qu'on criminalise à dix-huit ans et un jour ! Un parquet ne poursuivrait évidemment pas un jeune dans cette situation. Nous nous sommes suffisamment battus pour que l'opportunité des poursuites ne joue pas en défaveur des victimes, pour ne pas rappeler ce principe. Nous devrons donc veiller à ce que le garde des sceaux ne nous fasse pas prendre des vessies pour des lanternes en séance ! Enfin, plutôt que de chercher à tout prix un accord avec l'Assemblée nationale, je préfère que nous adoptions un texte efficace et protecteur pour les mineurs.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Je partage votre souhait. Il se trouve que le texte a été enrichi et on ne peut que s'en réjouir.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-3 propose une suppression de l'écart d'âge de cinq ans concernant cette fois le délit d'agression sexuelle. Par cohérence, mon avis est à nouveau défavorable.

L'amendement COM-3 n'est pas adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-4 prévoit un écart d'âge de trois ans pour le délit d'agression sexuelle. Avis défavorable.

L'amendement COM-4 n'est pas adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-8 précise que l'acte sexuel peut être obtenu en échange d'une rémunération, mais également en contrepartie d'une promesse de rémunération, de la fourniture d'un avantage en nature ou de la promesse d'un tel avantage. Cette énumération figure déjà à l'article 225-12-1 du code pénal, qui punit l'achat d'acte sexuel. L'harmonisation rédactionnelle permettra d'éviter d'éventuelles difficultés d'interprétation.

Mme Valérie Boyer . - La « prostitution des cités » ou celle de certains mineurs - que ces relations avec des jeunes filles soient tarifées directement ou via internet - correspond à des réalités actuelles. Cet ajout dans le texte me semble donc important. Le sujet est peu évoqué dans l'actualité, alors que des procès, notamment dans la région parisienne, ont mis au jour le problème de ces réseaux exploitant des mineurs fragiles, notamment ceux qui sont pris en charge par l'aide sociale à l'enfance (ASE).

L'amendement COM-8 est adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-6 présenté par le groupe écologiste porte sur le crime de viol incestueux constitué en cas d'acte de pénétration sexuelle commis par un membre de la famille. Il aurait pour effet d'élargir considérablement la définition du viol incestueux en prévoyant que tout acte sexuel commis par l'une des personnes visées à l'article 222-22-3 du code pénal - les ascendants, mais aussi les frères et soeurs, oncles et tantes, neveux et nièces, grands-oncles et grands-tantes - soit constitutif d'un viol. Le crime serait caractérisé sans que l'on ait besoin d'établir un élément de contrainte, menace, violence ou surprise, sans que soit exigé un rapport d'autorité et quel que soit l'âge des deux partenaires.

Cet élargissement poserait un problème constitutionnel, puisqu'il aboutirait à criminaliser automatiquement le rapport consenti entre, par exemple, le neveu et la tante, même s'ils sont majeurs, et sachant que le neveu est parfois plus âgé que la tante. Cela pose un problème au regard du principe de liberté sexuelle, qui découle du principe de la liberté individuelle. On se demande également, dans l'hypothèse où deux adultes ayant à peu près le même âge auraient des rapports sexuels sans contrainte ni rapport d'autorité, lequel serait le coupable et lequel serait la victime. Le dispositif proposé ne me paraît pas opérationnel. Aussi, j'émets un avis défavorable.

Mme Esther Benbassa . - Cet amendement n'a pas été rédigé dans ce sens. Davantage que les tantes et neveux, ce sont les frères et soeurs qui sont concernés...

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Tel qu'il est rédigé, il s'appliquerait pourtant à toutes les personnes mentionnées à l'article 222-22-3 du code pénal, à savoir les ascendants, les frères et soeurs, les oncles et tantes, les neveux et nièces, les grands-oncles et grands-tantes.

L'amendement COM-6 n'est pas adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-9 supprime une formulation redondante. Il est inutile de qualifier d'« inceste » l'infraction de viol incestueux - l'adjectif incestueux renvoyant déjà à la qualification d'inceste. Les termes « inceste » ou « incestueux » figurent déjà dans plusieurs articles ou intitulés du code pénal. Cet ajout ne paraît pas indispensable pour une reconnaissance juridique du phénomène.

L'amendement COM-9 est adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-7 propose un élargissement de la définition de l'agression sexuelle incestueuse. Avis défavorable.

L'amendement COM-7 n'est pas adopté.

Article 1 er bis BA (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'article 1 er bis BA introduit une nouvelle infraction dans le code pénal, consistant à demander à un mineur qu'il envoie des images de lui-même à caractère pornographique. Ces faits peuvent aujourd'hui être réprimés sur le fondement du délit de corruption de mineur. L'amendement COM-10 apporte trois modifications à cet article.

D'abord, il prévoit que la nouvelle infraction puisse concerner tous les mineurs, et non les seuls mineurs de quinze ans. Ensuite, concernant les mineurs de quinze ans, la peine est aggravée, mais le montant de l'amende serait fixé à 150 000 euros ; le montant de 1 million d'euros, prévu dans le texte de l'Assemblée nationale, paraît en effet disproportionné, sauf si les faits ont été commis en bande organisée. Enfin, par coordination, il modifie le dernier alinéa de l'article 227-22 du code pénal, relatif à la corruption de mineur, afin de prévoir une amende de 150 000 euros si la victime est un mineur de quinze ans et de 1 million d'euros si les faits sont commis en bande organisée.

Il s'agit d'être cohérent avec le travail que nous avons effectué sur la pornographie. De façon unanime, nous avons voté un amendement pour interdire aux mineurs de moins de dix-huit ans - et non aux seuls mineurs de moins de quinze ans - l'accès aux sites gratuits pornographiques.

M. Alain Marc . - Les plateformes sur internet sont-elles concernées par cet article ?

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'article 1 er bis BA vise l'hypothèse où un mineur envoie à un adulte une vidéo à caractère pornographique que ce dernier lui a commandée.

M. François-Noël Buffet , président . - D'autres dispositions pénales répriment la diffusion d'images pédopornographiques sur internet, par exemple.

L'amendement COM-10 est adopté.

Article 1 er bis B

L'amendement COM-13 est adopté.

L'amendement rédactionnel COM-11 est adopté.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-12 supprime la précision apportée à l'initiative de Laetitia Avia concernant l'écart d'âge pour le délit d'atteinte sexuelle, selon laquelle, en l'absence de « pression », le délit ne serait pas constitué si l'écart d'âge entre le mineur et le majeur est inférieur à cinq ans.

Les auditions ont montré que cet ajout du mot « pression » suscitait plus de questionnements et d'incompréhensions que de clarifications. Il appartient au procureur d'apprécier l'opportunité d'engager des poursuites pour atteinte sexuelle, et il paraît hasardeux de vouloir préciser dans la loi les critères à mettre en oeuvre.

Ces critères, en effet, risquent d'apparaître trop flous - qu'est-ce qui distingue, par exemple, une « forte pression » d'une « contrainte légère » ? - et incomplets, en ne visant pas la totalité des situations.

L'amendement COM-12 est adopté.

Article 1 er bis C (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-14 rend la nouvelle infraction de « sextorsion » applicable à tous les mineurs et prévoit une peine aggravée si les faits sont commis à l'encontre d'un mineur de quinze ans ou en bande organisée. L'amendement procède également à une harmonisation rédactionnelle. Sont visés ici les actes obscènes réalisés en direct devant la caméra, et non par commande avec un envoi ultérieur.

L'amendement COM-14 est adopté.

Article 1 er bis E (nouveau)

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'article 1 er bis E alourdit les peines encourues pour le délit d'achat d'acte sexuel auprès d'un mineur. Cependant, la peine proposée - cinq ans d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende - est supérieure à celle qui est prévue en cas de circonstances aggravantes par l'article 225-12-2 du code pénal. L'amendement COM-15 vise donc à rétablir une cohérence dans l'échelle des peines, afin que la peine aggravée demeure supérieure à la peine prévue pour l'infraction simple.

L'amendement COM-15 est adopté.

Article 7

Mme Marie Mercier , rapporteur . - L'amendement COM-5 présenté par Valérie Boyer supprime la possibilité pour le juge de ne pas prononcer, par une décision spécialement motivée, la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs.

En première lecture, nous avons adopté un amendement de Michel Savin prévoyant que le juge prononce, en cas d'infraction sexuelle sur mineur, cette peine complémentaire d'interdiction. L'adoption de l'amendement poserait un problème au regard du principe constitutionnel d'individualisation des peines. Je sais, madame Boyer, que vous n'aimez guère que l'on vous oppose les principes constitutionnels, mais cela pose ici un réel problème.

Mme Valérie Boyer . - Je ne partage pas votre appréciation. Le sujet n'est pas de s'opposer à un principe, mais d'aller dans le sens d'une plus grande protection.

Mme Marie Mercier , rapporteur . - Nous comprenons très bien votre souci de protection des mineurs, mais je maintiens que nous devons garantir la constitutionnalité du texte.

L'amendement COM-5 n'est pas adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 1 er
Création de nouvelles infractions de crime sexuel sur mineur

Mme Valérie BOYER

1

Suppression de l'écart d'âge de cinq ans

Rejeté

Mme Valérie BOYER

2

Écart d'âge de trois ans

Rejeté

Mme Valérie BOYER

3

Suppression de l'écart d'âge de cinq ans concernant le délit d'agression sexuelle

Rejeté

Mme Valérie BOYER

4

Écart d'âge de trois ans pour le délit d'agression sexuelle

Rejeté

Mme Marie MERCIER, rapporteur

8

Précision concernant la contrepartie proposée au mineur en échange d'un acte sexuel

Adopté

Mme BENBASSA

6

Crime de viol incestueux constitué en cas d'acte de pénétration sexuelle commis par un membre de la famille

Rejeté

Mme Marie MERCIER, rapporteur

9

Suppression d'une disposition redondante

Adopté

Mme BENBASSA

7

Élargissement de la définition de l'atteinte sexuelle incestueuse

Rejeté

Article 1 er bis BA (nouveau)
Délit d'extorsion d'images pédopornographiques

Mme Marie MERCIER, rapporteur

10

Protection étendue à tous les mineurs et coordination

Adopté

Article 1 er bis B
Coordinations et délit d'atteinte sexuelle

Mme Marie MERCIER, rapporteur

11

Rédactionnel

Adopté

Mme Marie MERCIER, rapporteur

12

Suppression de l'exception introduite en cas de pression sur le mineur

Adopté

Mme Marie MERCIER, rapporteur

13

Coordination concernant les atteintes incestueuses

Adopté

Article 1 er bis C (nouveau)
Répression des atteintes sexuelles que la victime s'inflige à elle-même

Mme Marie MERCIER, rapporteur

14

Protection étendue à tous les mineurs

Adopté

Article 1 er bis E (nouveau)
Aggravation de la peine encourue en cas d'achat d'acte sexuel auprès d'un mineur

Mme Marie MERCIER, rapporteur

15

Mise en cohérence de l'échelle des peines

Adopté

Article 7
Peine complémentaire d'interdiction d'exercer
une activité au contact des mineurs

Mme Valérie BOYER

5

Suppression de la possibilité pour le juge de ne pas prononcer la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité au contact des mineurs

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (RÈGLE DE L'ENTONNOIR)

Aux termes du premier alinéa de l'article 45 de la Constitution : « Tout projet ou proposition de loi est examiné successivement dans les deux Assemblées du Parlement en vue de l'adoption d'un texte identique. Sans préjudice de l'application des articles 40 et 41, tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ».

Le Conseil constitutionnel considère qu'il ressort de l'économie de ces dispositions que « les adjonctions ou modifications qui peuvent être apportées après la première lecture par les membres du Parlement et par le Gouvernement doivent être en relation directe avec une disposition restant en discussion ».

Cette règle dite de « l'entonnoir » est reprise à l'article 48, alinéa 6, du Règlement du Sénat, aux termes duquel : « il ne sera reçu, au cours de la deuxième lecture ou des lectures ultérieures, aucun amendement ni article additionnel qui remettrait en cause, soit directement, soit par des additions qui seraient incompatibles, des articles ou des crédits budgétaires votés par l'une et l'autre assemblée dans un texte ou avec un montant identique. De même est irrecevable toute modification ou adjonction sans relation directe avec une disposition restant en discussion. »

Elle est assortie de trois exceptions, énoncées par le Conseil constitutionnel et mentionnées à l'article 48, alinéa 7, du Règlement du Sénat, qui permettent d'admettre la recevabilité des amendements et sous-amendements destinés à assurer le respect de la Constitution, à opérer une coordination avec d'autres textes en cours d'examen ou à corriger une erreur matérielle.

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du 23 mars 2021, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 447 (2020-2021), modifiée par l'Assemblée nationale, visant à protéger les jeunes mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux infractions sexuelles sur mineurs figurant dans le code pénal, à la prescription de ces infractions, aux infractions de mise en péril des mineurs et de prostitution de mineur, au fichier judiciaire des auteurs d'infractions sexuelles et violentes et à la peine complémentaire d'interdiction d'exercer une activité auprès de mineurs.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Conseil national des barreaux (CNB)

Me Arnaud de Saint-Remy , élu du CNB, membre de la commission libertés et droits de l'Homme

M. Charles Renard , chargé de mission affaires publiques

Associations de protection de l'enfance :

La voix de l'enfant

Mme Martine Brousse , présidente

Mme Sabrina Himeur , juriste

M. Pierre Thevenet , juriste

L'enfant bleu

Mme Isabelle Debré , présidente

Mme Laura Morin , directrice nationale

Stop aux violences sexuelles

Dr Nour De San , co-présidente

Agir contre la prostitution des enfants (membre du Conseil français des associations pour les droits de l'enfant)

M. Arthur Melon , secrétaire général

Personnalités qualifiées

M. Édouard Durand , vice-président chargé des fonctions de juge des enfants près le tribunal judiciaire de Bobigny, co-président de la commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants

M. Jean-Marie Fossey , psychologue et psychanalyste

Mme Ghislaine Pieux , adjoint au maire de Sens, chargé de la solidarité, de la santé, de la bienveillance citoyenne et sociale

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl20-158.html


* 1 La familia grande , de Camille Kouchner, Seuil (janvier 2021).

* 2 Cette peine est celle actuellement prévue en cas de viol commis sur un mineur de quinze ans.

* 3 D'autres infractions prévues par le code pénal ont déjà plusieurs définitions. Par exemple, l'article 222-33 définit d'abord le harcèlement sexuel comme le fait d'imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle ou sexiste. Puis il prévoit qu'est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d'exercer une pression grave dans le but d'obtenir un acte de nature sexuelle. De même, les articles 225-5 et 225-6 donnent plusieurs définitions du proxénétisme : aider, assister ou protéger la prostitution d'autrui ; tirer profit de la prostitution d'autrui ; embaucher une personne ou exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ; faire office d'intermédiaire entre une prostituée et un client ; faciliter à un proxénète la justification de ressources fictives ; ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne prostituée ; enfin, entraver l'action de prévention ou d'assistance menée par des organismes qualifiés.

* 4 Lors de l'examen du texte en première lecture, le juge Édouard Durand notamment avait regretté que la création d'une infraction autonome évacue la dimension violente du passage à l'acte, qui est en revanche bien prise en compte avec la qualification de viol ou d'agression sexuelle.

* 5 Cf. le compte rendu des débats de la deuxième séance du lundi 15 mars 2021.

* 6 Cf. le rapport n° 3939, fait par Alexandra Louis au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale, page 26.

* 7 Cass. Crim., 14 octobre 2020, n° 20-83.273.

* 8 Rapport précité, pages 29 et 30.

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