III. LES DÉPENSES ONT CONNU UNE DIMINUTION SUBIE ET NON CHOISIE

A. LA DÉPENSE DE L'ÉTAT A DIMINUÉ DE 4,4 MILLIARDS D'EUROS EN 2024

Sur le périmètre des dépenses de l'État défini par la loi de programmation des finances publiques47(*), le montant des dépenses a été de 484,7 milliards d'euros en 2024, contre 489,1 milliards d'euros en 2023.

Avec une sous-exécution de 6,3 milliards d'euros, l'exercice 2024 confirme une trajectoire de dépenses plus modérée que celle prévue par la loi de programmation des finances publiques.

Périmètre des dépenses de l'État

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir de la LPFP et des projets de loi relatifs aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes. LPFP : loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027

Le montant net des dépenses du budget général, y compris les fonds de concours, a été en 2023 de 443,4 milliards d'euros, soit une diminution de 11,2 milliards d'euros par rapport à 2023 (- 2,5 %).

1. La réduction de la dépense a été plus forte que prévu en loi de finances initiale

La loi de finances initiale prévoyait un niveau de dépenses sous norme de 491,9 milliards d'euros, légèrement supérieur à la trajectoire de la loi de programmation.

S'agissant des dépenses nettes, la prévision était de 453,2 milliards d'euros et la sous-exécution est de 9,8 milliards d'euros.

Cette sous-exécution porte notamment sur les dispositifs MaPrimeRénov' et chèque énergie, sur les aides au logement, sur l'aide publique au développement et sur les montants consacrés aux dispositifs de formation professionnelle.

Par rapport à 2023, la baisse des dépenses est surtout portée par un programme budgétaire unique (cf. ci-après).

Évolution des dépenses des missions du budget général
entre 2023 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir des données publiées par la direction du budget. Crédits de paiement consommés

La hausse des dépenses de la mission « Enseignement scolaire », qui est de 5,3 %, comprend l'effet en année pleine de la revalorisation salariale décidée en 2023, mais aussi des dépenses liées à l'école inclusive.

Les remboursements et dégrèvements augmentent encore de 4,1 milliards d'euros. Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État poursuivent une trajectoire de hausse très importante, soit + 41,7 % par rapport à 2017 et + 109,7 % par rapport à 2007, signe de l'émiettement de plus en plus prononcé du système fiscal : les crédits et réductions d'impôt s'ajoutent, côté dépenses, aux affectations de taxes à d'autres administrations ou à des opérateurs, côté recettes.

La mission « Défense », pour sa part, applique la trajectoire de hausse des dépenses prévue par la loi de programmation qui couvre ce secteur48(*).

S'agissant des diminutions de dépenses, la sortie progressive des boucliers tarifaires mis en place pour faire face à la hausse des prix de l'énergie fait diminuer les dépenses du programme 345 « Service public de l'énergie » de 23,7 milliards d'euros en 2023 à 5,2 milliards d'euros seulement en 2024, ce qui explique la chute importante des dépenses de la mission « Écologie, développement et mobilités durables ». Ce montant demeure relativement élevé, car ce programme dépensait de l'ordre de 3 milliards d'euros, ou moins, avant 2021.

La charge de la dette, telle que mesurée par les crédits consommés sur le programme 117 « Charge de la dette et trésorerie de l'État » de la mission « Engagements financiers de l'État », a diminué de 4,6 milliards d'euros pour s'établir à 49,3 milliards d'euros. Cette diminution est provisoire, car elle provient de la diminution de l'inflation qui réduit les intérêts des obligations indexées. Une forte hausse de cette charge est prévue pour les années à venir avec l'augmentation des taux d'intérêt qui renchérit le coût des emprunts souscrits ces derniers années.

Le programme 369 « Amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » de la même mission a consommé 6,5 milliards d'euros. Comme indiqué supra, ce programme disparaît en 2025 et ne représentera donc plus, à l'avenir, de consommation de crédits de paiement.

Enfin la mission « Plan de relance », mise en place pour relancer l'économie en sortant des périodes de confinement de 2020, n'a consommé que 2,2 milliards d'euros en 2024. Elle poursuit donc son extinction après avoir été l'un des postes de dépenses importants du budget général (18,8 milliards d'euros de crédits de paiement en 2021, 11,6 milliards d'euros en 2022 et encore 4,1 milliards d'euros en 2023). En 2025, le programme 364 « Cohésion » a disparu de la maquette budgétaire, mais les deux autres programmes de la mission, qui n'ont pas reçu de crédits nouveaux en loi de finances initiale, devraient poursuivre leur exécution avec des crédits non consommés au cours des années précédentes et reportés à l'année en cours.

2. Cette diminution conjoncturelle ne suffit pas à annuler la très forte augmentation des dépenses de l'État depuis 2019

Malgré la baisse des dépenses en 2024, le montant des dépenses est toujours supérieur de 88,5 milliards d'euros (+ 24,9 %) à celui de 2019.

En euros constants, la hausse des dépenses a été de + 9,1 % sur cette période.

Évolution des dépenses nettes du budget général en euros constants

(en milliards d'euros et en pourcentage)

Source : calculs commission des finances, à partir des lois et projets de loi de règlement. Dépenses du budget général nettes des remboursements et dégrèvements, y compris fonds de concours. Actualisation par la moyenne annuelle de l'indice des prix à la consommation, hors tabac

La relative maîtrise des dépenses en 2024 ne saurait donc s'analyser comme le résultat d'un effort suffisant, mais comme une simple étape dans le rétablissement des comptes, qui ne vaudra que si elle est suivie d'autres marches encore plus importantes.

3. L'absence de maîtrise est évidente et dommageable s'agissant des dépenses de personnel qui représentent 35 % des dépenses nettes et augmentent de près de 8 milliards d'euros, loin de l'objectif de stabilité de la loi de programmation

Le nombre des emplois a augmenté de 6 728 équivalents temps plein (ETP) en 2024. Tous les ministères voient leurs effectifs augmenter, sauf le ministère du travail et de l'emploi (- 123 ETP).

Principales variations par ministère des schémas d'emplois

(en équivalents temps plein)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes

La situation est très contrastée par rapport à 2023.

Alors que les ministères de l'intérieur et de la justice avaient déjà entamé un programme de recrutement qui se poursuit en 2024, le ministère des armées, lui, avait connu une diminution de ses emplois en 2023 (- 2 515 ETP) et entame donc en 2024 une augmentation (+ 479) qui est appelée à se poursuivre avec la mise en oeuvre de la loi de programmation militaire.

Pour le ministère de l'éducation nationale, la hausse de 2023 (+ 6 027 ETP), qui faisait suite à une année 2022 marquée par des difficultés de recrutement, laisse la place à une augmentation plus limitée de 839 ETP en 2024. Le niveau de celle-ci doit être relativisée, s'agissant d'un ministère qui rassemble plus de la moitié des effectifs de la fonction publique de l'État.

Ces évolutions sont globalement conformes aux prévisions en loi de finances initiale, mais celle-ci n'avait pas fixé d'objectif de limitation de l'emploi. La loi de finances initiale, promulguée le 29 décembre 2023, avait en effet prévu une augmentation de + 6 695 ETP alors même que la loi de programmation des finances publiques, promulguée 11 jours plus tôt, prévoyait la stabilité du schéma d'emploi sur la période 2023-2027.

La répartition par ministère est également proche de la prévision initiale. La principale différence porte sur le ministère de l'éducation nationale, qui devait recruter seulement 560 personnels en loi de finances initiale, et, en sens inverse, le ministère du travail et de l'emploi dont le schéma d'emploi prévu était légèrement positif (+ 7 ETP).

Les dépenses de personnel du budget général de l'État sont de 152,8 milliards d'euros en 2024, contre 144,8 milliards d'euros en 2023, soit une hausse de 7,9 milliards d'euros ou + 5,5 %.

En soustrayant les contributions au compte d'affectation spéciale « Pensions », la masse salariale dépasse pour la première fois le seuil de 100 milliards d'euros avec un niveau de 105,9 milliards d'euros, en hausse de 6,6 milliards d'euros, soit + 6,7 % par rapport à 2023.

Cette évolution s'inscrit dans un mouvement de hausse importante de la masse salariale, qui a augmenté de 17,2 milliards d'euros depuis 2019, soit + 19,4 %, alors que l'inflation n'a été, sur cette période, que de 14,5 %.

Évolution de la masse salariale depuis 2019

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances, à partir du projet de loi relatif aux résultats de la gestion

Il ne sera pas possible de réduire durablement le déficit public sans reprendre la maîtrise des dépenses de personnel. Elles font en effet partie des postes du budget qui ont le plus d'impact sur l'avenir : les personnels recrutés restent en poste très longtemps et leur masse salariale augmente mécaniquement avec le temps, se prolongeant après leur retraite sur les crédits affectés au compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Or l'évolution des dépenses de personnel en 2024 montre que cette maîtrise est encore inexistante. Si les dépenses de personnel sont plus difficiles à piloter que d'autres dépenses, force est de constater que l'augmentation de 6,6 milliards d'euros en 2024 résulte pour plus de la moitié de mesures catégorielles (3,7 milliards d'euros), c'est-à-dire de choix faits dans les ministères d'accorder des augmentations de rémunérations à certaines catégories de personnel.

Il est vrai que les mesures catégorielles accroissant la masse salariale en 2024 sont souvent la conséquence d'engagements pris au cours des années précédentes, voire l'effet en année pleine d'augmentations mise en oeuvre en 2023, et qu'elles ne sauraient donc être entièrement imputées aux différents Gouvernements qui se sont succédé au cours de l'année 2024, mais laisser un tel mouvement de hausse se poursuivre au cours des années à venir ne serait pas compatible avec la volonté affirmée de réduire le déficit budgétaire.


* 47  Article 10 de la loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Le périmètre des dépenses de l'État exclut notamment les dépenses liées à la dette ou au patrimoine de l'État ainsi que la plupart des comptes de concours financiers, mais inclut les prélèvements sur recettes et les impositions affectées faisant l'objet d'une mesure de plafonnement.

* 48 Loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

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